01.080 Message relatif à la réforme de la direction de l'Etat du 19 décembre 2001

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons avec le présent message un projet d'arrêté fédéral concernant la réforme de la direction de l'Etat, un projet de loi fédérale sur la réforme de l'organisation du gouvernement, ainsi qu'un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats, en vous proposant de les adopter.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1991 M 90.435

Réforme du gouvernement (N 24.1.91, Groupe radical-démocratique; E 18.6.91)

1991 M 90.401

Conseil fédéral. Renforcement de l'autorité politique (N 24.1.91, Kühne; E 18.6.91)

1995 P 94.3448 Augmentation du nombre de conseillers fédéraux (N 5.10.95, Schmid Peter) 1996 P 96.3252 Renforcement du rôle politique du Conseil fédéral (N 19.9.96, Kühne) 1996 P 96.3269 Réforme du gouvernement dans la révision totale de la constitution (N 19.9.96, Grendelmeier) 1998 M 97.3029 Position et compétence du président de la Confédération (N 20.06.97, Bonny; E 16.03.98) 1998 P 97.3188 Réforme du gouvernement jusqu'à fin 1998 (N 20.6.97 Commission des institutions politiques; E 16.3.98) 2000 P 00.3189 Réforme de la direction de l'Etat (N 20.6.00, Commission spéciale CN 00.016).

2001-2473

1979

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 décembre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

1980

Condensé Les institutions de la Confédération ont été créées, pour l'essentiel, il y a 150 ans.

Depuis lors, elles ont donné satisfaction. Ces dernières années cependant, il est apparu clairement qu'il était nécessaire de leur apporter des modifications pour tenir compte de l'abondance et de la complexité des tâches gouvernementales, de l'influence croissante du contexte international et du fait que le gouvernement a de moins en moins de temps à consacrer aux décisions du collège.

Ces adaptations sont regroupées sous le titre «Réforme de la direction de l'Etat», dont la réforme du gouvernement constitue le noyau. En s'attaquant à cette réforme, le Conseil fédéral répond à une préoccupation maintes fois manifestée par le Parlement. En 1992, le Conseil fédéral a opté pour une réforme du gouvernement en deux étapes. La première étape devait consister à réaliser ce qui était possible au niveau de la loi et dans les limites du droit constitutionnel en vigueur. Quant à la seconde étape, consacrée à des réformes plus profondes impliquant également des modifications constitutionnelles, elle ne serait entreprise qu'une fois que l'on aurait tiré de la première étape les enseignements nécessaires.

Elaboré au cours de la première étape, un projet de loi fédérale sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), qui proposait d'instituer des secrétaires d'Etat, a été rejeté par le peuple en juin 1996. Sur ce, le Parlement a adopté, le 21 mars 1997, une nouvelle version de la LOGA ne comprenant plus la fonction de secrétaire d'Etat. Cette loi est entrée en vigueur le 1er octobre 1997.

Par la suite, le Conseil fédéral a entrepris la deuxième étape de la réforme du gouvernement. En novembre 1998, il a mis en consultation deux variantes qui visaient toutes deux à renforcer l'organe gouvernemental. L'une (variante 1) consistait à revaloriser la fonction présidentielle et l'autre (variante 2) à créer un second niveau de gouvernement subordonné au Conseil fédéral et composé de ministres. A la lumière des résultats de la consultation, le Conseil fédéral a décidé, en août 1999, de poursuivre les travaux sur la base de la variante 2. Le présent message est le fruit de ces travaux.

La réforme préconisée ne remet pas en cause le système de gouvernement collégial, qui en demeure l'élément central et
qui a fait ses preuves. Elle vise, pour l'essentiel, à renforcer la direction politique, à conférer au gouvernement une plus grande marge de manoeuvre, à permettre à celui-ci de disposer en son sein d'un plus grand nombre de spécialistes et, enfin, à limiter l'influence qu'exerce l'administration sur le politique. La direction politique doit être renforcée de telle sorte que le Conseil fédéral soit mieux en mesure d'assumer la responsabilité politique d'ensemble de la conduite de l'Etat. Pour ce faire, on prévoit de lui adjoindre des ministres délégués qui exerceront une coresponsabilité politique pour des secteurs d'activité bien délimités (gouvernement à deux cercles). Les ministres délégués renforceront à la fois les compétences techniques et augmenteront le nombre de membres du gouvernement. Ils pourront représenter le gouvernement sur le plan international, devant le Parlement, dans les relations Confédération-cantons et auprès du public.

L'élargissement de l'organe gouvernemental aura pour effet de renforcer la

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conduite politique et de garantir qu'à l'avenir également, le gouvernement et non l'administration fixe les thèmes qu'il entend aborder.

Chaque département se verra attribuer un ministre délégué. Exceptionnellement, un département pourra renoncer à en être doté. Les ministres délégués seront nommés pour une législature par le Conseil fédéral, sur proposition du chef du département concerné. Leur nomination sera confirmée en bloc par le Parlement. Le mandat des ministres délégués sera lié à la personne du chef de département auquel il sera adjoint. Les ministres délégués seront membres du gouvernement et auront donc un statut politique. Ils seront compétents pour les tâches bien délimitées que le Conseil fédéral leur aura confiées, généralement pour une législature. Ils assumeront la coresponsabilité politique des affaires de leur ressort. Ce dernier élément fait que la présente réforme se distingue très nettement du projet qui prévoyait l'institution des secrétaires d'Etat. Le Conseil fédéral continuera d'assumer la responsabilité politique globale. Lors des séances du Conseil fédéral, les ministres délégués défendront eux-mêmes les dossiers de leur ressort et pourront faire des propositions. En revanche, seuls les membres du Conseil fédéral auront le droit de vote; les ministres délégués participeront aux séances du Gouvernement avec voix consultative.

L'instauration d'un « gouvernement à deux cercles » doté de ministres délégués exige, tant du point de vue constitutionnel que du point de vue politique, des modifications de la Constitution et, partant, l'intégration du peuple et des cantons au processus de réforme. Depuis toujours, la Constitution fédérale contient des dispositions relatives aux organes de direction de l'Etat ainsi qu'à leurs attributions. Les ministres délégués sont des membres du gouvernement. En cette qualité, ils assument la coresponsabilité politique du secteur d'activité dont ils ont la charge.

Dans les secteurs relevant de leur compétence, les ministres délégués seront les interlocuteurs du Parlement et des cantons. Il importe ­ ne serait-ce que par souci de transparence ­ d'institutionnaliser cette fonction politique au niveau de la Constitution.

1982

Message 1

Partie générale

1.1

Grandes lignes de la réforme de la direction de l'Etat

1.1.1

Introduction

Nos institutions étatiques ont été créées, pour l'essentiel, il y a plus de 150 ans. Elles datent de la naissance de l'Etat fédéral et reposent aujourd'hui dans une large mesure sur les même principes constitutionnels qu'à l'époque, exception faite de l'extension des droits populaires. La même constatation vaut pour les institutions de direction de l'Etat. D'une manière générale, on peut dire que ces institutions ont fait leur preuve et qu'elles ont plutôt bien résisté au passage du temps. En particulier, la stabilité de nos institutions, qui respectent la diversité linguistique, confessionnelle, culturelle et politique, est souvent présentée comme l'un des avantages majeurs dont la Suisse peut se prévaloir.

Au cours des 30 dernières années, la complexité des problèmes et l'étendue des tâches incombant aux autorités politiques ont augmenté. Le contexte dans lequel évolue notre vie politique a changé. Il devient toujours plus important de pouvoir évaluer sans délai une situation et prendre rapidement des décisions débouchant sur des solutions acceptables; le gouvernement est de plus en plus accaparé par les médias, et les exigences en matière de communication et de transparence augmentent. Cette évolution est encore accélérée par l'interdépendance croissante des politiques nationales, qui requiert une présence accrue du gouvernement fédéral sur la scène internationale. Pour être en mesure de répondre à ces exigences nouvelles, la direction de l'Etat doit se développer.

Le Conseil fédéral a souligné à plusieurs reprises qu'il voulait soumettre au Parlement, avant la fin de la présente législature, un projet de réforme de la direction de l'Etat.

Les chapitres suivants présentent les grandes lignes de la réforme de la direction de l'Etat.

1.1.2

Renforcement du gouvernement

Avec le peuple et le Parlement, le gouvernement, en tant qu'organe dirigeant l'Etat, imprime sa marque à la politique suisse. Sa fonction de pilotage est indispensable et englobe l'ensemble des activités de l'Etat. L'augmentation de la charge de travail du gouvernement n'est pas due uniquement à l'accroissement constant des compétences de la Confédération. Les différents facteurs qui entraînent une augmentation des tâches du Conseil fédéral sont présentés en détail ci-dessous (cf. ch. 1.2). Diriger l'administration est aujourd'hui une mission nettement plus difficile qu'il y a seulement quelques décennies. La technicité des différents domaines et la complexité des problèmes posés rendent plus ardue la tâche de direction assumée par le Conseil fédéral, qui se trouve aujourd'hui à la tête d'une administration hautement spécialisée. Or, si l'administration n'a cessé de se développer depuis la création de l'Etat

1983

fédéral, l'institution du gouvernement n'a pas changé, bien que ce dernier soit de plus en plus sollicité par le Parlement, par le public et par les médias. Aujourd'hui, comme il y a 150 ans, le gouvernement est composé de sept personnes, qui constituent l'interface entre l'administration, d'une part, et le Parlement, les cantons, les partis, les associations, l'opinion publique et les médias, d'autre part.

C'est la raison pour laquelle le présent projet de réforme vise à renforcer le gouvernement, et non l'appareil administratif. Les membres du Conseil fédéral doivent se concentrer sur des décisions de fond importantes, et assumer ainsi plus fortement la dimension politique de leur rôle. A cette fin, le Conseil fédéral propose au Parlement la création d'un gouvernement à deux cercles, grâce à l'instauration de ministres délégués. Les membres de ce deuxième cercle du gouvernement seront subordonnés au Conseil fédéral et aux chefs de département. En tant que membres du gouvernement, ils devront diriger des domaines d'activité précis et clairement définis, endosser une responsabilité politique et assister le Conseil fédéral, qui assumera, lui, la responsabilité politique supérieure globale de la direction de l'Etat. Le soutien apporté par les ministres délégués déchargera dans une certaine mesure les conseillers fédéraux, ce qui leur permettra d'aborder les affaires importantes dans une optique plus globale.

1.1.3

Elargissement du gouvernement par l'introduction d'un deuxième cercle

Le projet prévoit un modèle de gouvernement à deux cercles. Le premier cercle («petit cercle») du gouvernement sera constitué par le Conseil fédéral, qui comptera toujours sept membres. Le deuxième cercle («grand cercle») sera formé par les conseillers fédéraux et les ministres délégués. Ces ministres seront nommés par le Conseil fédéral sur proposition du chef de département concerné. Le Parlement est ensuite appelé à confirmer la nomination (en bloc lors du renouvellement intégral du Conseil fédéral en début de législature, ou isolément s'il y a vacance en cours de législature). Les membres du deuxième cercle du gouvernement se verront attribuer un domaine d'activité clairement défini, en règle générale pour une législature au moins.

C'est le Conseil fédéral qui procèdera à l'attribution des domaines d'activité, sur proposition du chef du département concerné. Les domaines suivants pourraient par exemple être gérés par des ministres délégués: domaine de la justice ou questions ayant trait aux migrations (DFJP), coordination des relations de la Suisse avec l'Union européenne (DFAE), science et recherche (DFI), politique de sécurité (DDPS), questions financières internationales (DFF), agriculture (DFE), entreprises publiques (DETEC).

Le gouvernement se réunira chaque semaine, d'abord en cercle élargi, puis en cercle restreint. Tous les membres du gouvernement, c'est-à-dire le Conseil fédéral et tous les ministres délégués, participeront à la première partie de la séance. La séance en cercle restreint ne comprendra que les membres du premier cercle du gouvernement (les conseillers fédéraux) et, avec l'accord de tous les conseillers fédéraux, les ministres délégués lorsqu'un objet est traité qui ressort à leur domaine d'activité.

Chaque conseiller fédéral pourra en tout temps exiger que la discussion d'un objet traité en cercle élargi se poursuive lors de la séance en cercle restreint. Seuls les

1984

conseillers fédéraux disposeront du droit de vote, les ministres délégué n'auront qu'une voix consultative.

1.1.4

Ministres délégués dotés d'un statut politique

En tant que membres du gouvernement dotés d'un statut politique, les ministres délégués auront une relation de confiance particulière avec le chef du département dont il dépendent ainsi qu'avec le Conseil fédéral. C'est la raison pour laquelle ils seront nommés par le Conseil fédéral et non par l'Assemblée fédérale. La confirmation subséquente de cette nomination par le Parlement leur conférera cependant la légitimité démocratique que requiert leur statut politique de membre du gouvernement. Cette légitimation sera également nécessaire pour donner aux membres du deuxième cercle du gouvernement une assise forte dans leurs relations avec le Parlement et les cantons, ou encore dans leurs tâches de représentation de la Suisse au niveau international. Le fait que la nomination des ministres délégués sera confirmée ­ ou refusée ­ en bloc par l'Assemblée fédérale induira une certaine stabilité au sein du gouvernement et conférera davantage d'importance au choix du Conseil fédéral.

1.1.5

Personnes de confiance des membres du Conseil fédéral, disposant de domaines d'activité définis

Les ministres délégués se verront confier des domaines d'activité clairement définis (cf. ch. 2.1.1 s., art. 174, al. 2, Cst., art. 1, al. 2, et art. 24g, al. 1, LOGA1). Les relations entre les conseillers fédéraux et les ministres délégués seront des rapports de coopération plutôt que des rapports hiérarchiques, bien que les membres du deuxième cercle du gouvernement soient subordonnés au Conseil fédéral et aux chefs de département. Compte tenu des modalités de l'élection (cf. ch. 2.1.1 s., art. 24f LOGA) et de la participation des ministres délégués aux séances du gouvernement (cf. ch. 2.1.1 s. et art. 24a LOGA) il n'y a pas lieu de craindre des conflits de compétences entre les conseillers fédéraux et les ministres délégués. Les chefs de département auront la possibilité en tout temps de s'occuper personnellement d'une affaire (droit d'évocation) s'ils estiment que cela est nécessaire au vu de leur responsabilité supérieure globale. De plus, le Conseil fédéral pourra en tout temps, sur proposition du chef de département concerné, révoquer un ministre délégué. Ce droit inconditionnel de révocation est indispensable au vu des relations de confiance particulières qui doivent s'instaurer entre les deux cercles du gouvernement, notamment lorsqu'un ministre délégué n'agit pas dans le sens des prescriptions politiques du Conseil fédéral, ou lorsqu'une collaboration fructueuse semble ne plus être possible pour d'autres raisons.

Les ministres délégués ne disposent que d'un petit état-major personnel. Ils pourront s'appuyer sur l'infrastructure des départements et des offices. Il n'y a donc pas création de ministères. On ne saurait toutefois exclure que certaines fonctions assumées par des offices qui relèvent de la responsabilité d'un ministre soient centralisées, si cela permet un accomplissement plus rationnel des tâches.

1

Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010

1985

1.1.6

Responsabilité politique du gouvernement

Les conseillers fédéraux continueront d'assumer collectivement la responsabilité politique globale de l'exercice des obligations gouvernementales et administratives, et la coordination politique des activités du gouvernement. Ils exerceront une responsabilité collégiale à l'égard du Parlement et du public. En leur qualité de membres du gouvernement, les ministres délégués assumeront aussi des responsabilités, avant tout dans le domaine d'activité qui leur aura été confié par le Conseil fédéral.

Dans ce domaine, ils géreront les affaires de manière indépendante, avec l'accord du chef du département concerné (cf. les explications au ch. 1.1.5).

1.2

Pourquoi une réforme de la direction de l'Etat ?

1.2.1

Gouverner dans un environnement plus difficile

Après 1945, les exigences posées au gouvernement ont augmenté. Depuis cette date, la Confédération s'est vu conférer de nouvelles compétences dans une trentaine de domaines, notamment ceux des transports, de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement, de l'agriculture, de la recherche, de la protection des consommateurs, de la communication, de l'énergie, des techniques de reproduction et des manipulations génétiques. Parallèlement, des compétences existantes ont été étendues par des révisions constitutionnelles, par exemple dans les domaines de l'économie ou de la sécurité sociale. Cette évolution a inéluctablement entraîné un développement de l'administration, malgré les réorganisations ou le plafonnement des dépenses ou des ressources humaines. De nouvelles unités administratives ont été créés, et les effectifs du personnel administratif ont été renforcés. En revanche, le nombre de membres du gouvernement est resté inchangé depuis le milieu du XIXe siècle. La tendance à une gestion de l'Etat par départements s'est accrue. On risque ainsi de perdre la vue d'ensemble, ce qui pourrait affaiblir l'impact de la direction politique globale.

1.2.2

Augmentation de la demande d'information et de transparence

L'intérêt croissant, et parfois critique, des citoyens et des médias pour l'activité du gouvernement exige un engagement plus élevé de ce dernier en matière d'information et de communication. L'introduction de nouveaux instruments électroniques, parfois effective, parfois à l'état de projet, dans les droits populaires, le gouvernement et l'administration (cyberdémocratie, vote éléctronique, cyberadministration, guichet virtuel) contribue certes à faciliter la communication entre le gouvernement et la population, mais entraîne aussi une multiplication des contacts, ce qui nécessite beaucoup de temps. Le poids des médias dans l'opinion public a considérablement augmenté. Les membres du gouvernement doivent plus souvent qu'auparavant descendre dans l'arène médiatique pour débattre des mesures de l'Etat et défendre le point de vue du gouvernement. Ce travail de persuasion demande beaucoup de temps et une présence personnelle.

1986

Le dialogue avec les cantons, qui s'est beaucoup développé et affiné ces dernières années, revêt lui aussi une grande importance. L'institution du «Dialogue confédéral» a permis de créer un instrument institutionnel d'échanges entre le Conseil fédéral et les gouvernements cantonaux, au service d'une planification et d'une mise en oeuvre des mesures de la Confédération qui soient conformes aux buts visés et tiennent compte des désirs et des intérêts des cantons. Pour des raisons analogues, la Confédération participe aussi à des conférences de directeurs cantonaux, dans lesquelles les communes sont parfois également représentées. Enfin, la Conférence tripartite sur les agglomérations constitue un instrument supplémentaire de collaboration et d'échanges pour les trois niveaux de collectivités publiques de notre pays.

Toutes ces instances requièrent cependant du gouvernement davantage de temps et de présence personnelle.

La communication entre le gouvernement et les milieux économiques revêt elle aussi une importance croissante, comme l'ont montré les récents événements liés à l'affaire Swissair. Intensifier la communication implique aussi que l'on dispose du temps nécessaire.

1.2.3

Difficulté croissante de dégager à un consensus politique

Ces derniers temps, le paysage politique suisse a été marqué par une tendance à la polarisation des opinions, qui augmente la charge de travail du gouvernement. Déjà lors des procédures de consultation, les avis divergent plus fortement que par le passé, et les controverses se poursuivent durant la phase des débats parlementaires. De plus, le recours aux instruments de l'initiative populaire et du référendum est devenu plus fréquent. Le gouvernement met ainsi parfois davantage de temps à trouver un consensus. Le processus long et compliqué d'élaboration des bases de décision, l'augmentation du nombre de dossiers, le surcroît de travail qu'exige le suivi des dossiers durant la phase parlementaire (commissions et Conseils), et enfin le désir légitime du Parlement d'être associé à certaines activités du gouvernement (p. ex. la politique extérieure ou la planification), tous ces facteurs font que le Conseil fédéral à sept membres arrive aujourd'hui aux limites de ses capacités. Il devient plus difficile de conserver la vue d'ensemble lors du processus décisionnel. Le soutien sectoriel apporté par les ministres délégués aux conseillers fédéraux, en déchargeant ces derniers, permettra au Conseil fédéral de tenir suffisamment compte d'aspects plus généraux.

1.2.4

Direction de l'Etat prospective et conduite de l'action gouvernementale dans des situations particulières

Le Conseil fédéral et chacun de ses membres devraient pouvoir se consacrer avant tout aux tâches de gouvernement à proprement parler. Diriger l'Etat est la fonction première du Conseil fédéral. La direction de l'Etat exige que soient détectées à temps les évolutions qui auront un impact sur la société, mais aussi que soient gérées efficacement les situations particulièrement délicates, non prévisibles ou qui exigent des décisions très rapides. De telles situations, qui sortent du cadre normal des activités gouvernementales, sans toutefois justifier l'instauration d'un état d'urgence, ont eu tendance à se multiplier ces dernières années, sous les effets conjugués de la 1987

fin de la guerre froide et des progrès de la mondialisation2, comme l'ont montré des exemples du passé récent, voire très récent (fonds en déshérence, Swissair). C'est précisément parce que la fréquence de telles situations augmente qu'il est important d'optimiser le fonctionnement normal du gouvernement.

Le système collégial est par nature plus lent que les systèmes de gouvernement dirigés par un président ou un premier ministre, parce que le concept d'intégration qui le sous-tend exige qu'une majorité des membres du gouvernement soient convaincus de la nécessité de prendre certaines mesures. Ce processus de décision, plus exigeant, présuppose que les membres du Conseil fédéral disposent du temps nécessaire pour procéder à une évaluation prospective de la situation politique, analyser en profondeur les problèmes et maîtriser les situations particulières. Si les membres du gouvernement ne disposent pas du temps nécessaire, c'est non seulement l'efficacité de la direction de l'Etat qui s'en ressentira, mais aussi la capacité d'intégration du collège gouvernemental. On risquerait alors de dériver vers une gestion par départements, dans laquelle l'administration ­ qui ne jouit pas d'une légitimité politique ­ assumerait un rôle de pilotage toujours plus important. Attribuer certains domaines d'activité à des membres du deuxième cercle du gouvernement peut contribuer à donner aux conseillers fédéraux le temps nécessaire pour développer des objectifs politiques supérieurs, au service d'une véritable vision globale de la direction de l'Etat.

1.2.5

Forte augmentation des activités au niveau international

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les activités internationales ont une influence croissante au niveau national. Depuis que la guerre froide s'est définitivement terminée à la fin des années 80, cette influence s'est encore accélérée. Au cours de ces dernières décennies, l'interdépendance des Etats, des institutions internationales et des acteurs non gouvernementaux s'est considérablement renforcée partout dans le monde, et particulièrement en Europe. Ainsi la CEE, un projet qui était à l'origine avant tout économique, s'est progressivement transformée pour devenir l'Union européenne, une vaste structure englobant toute une série d'aspects juridiques et politiques, ayant parfois un caractère supranational, et à laquelle appartiennent aujourd'hui tous les pays voisins de la Suisse, à l'exception du Liechtenstein. Quant à l'ONU, elle compte aujourd'hui 189 membres. Ses nombreuses organisations spécialisées, dont la Suisse est membre ­ et elle est membre de toutes les organisations spécialisées de l'ONU ­, prennent des décisions importantes et adoptent des textes juridiques qui ont des effets à l'intérieur des Etats. Mentionnons à titre d'exemple les normes minimales du droit du travail (Organisation internationale du travail [OIT]), les mesures de protection de l'enfance (Fonds des Nations Unies pour l'enfance [UNICEF]), l'égalité de traitement des femmes 2

Voir à ce propos le Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 7 juin 1999 sur la politique de sécurité de la Suisse (RAPOLSEC 2000); FF 1999 6903 ss, en particulier 6968 s. Le rapport établit une distinction entre la «situation normale» (dans laquelle les processus administratifs ordinaires suffisent à maîtriser les problèmes qui se posent), la «situation particulière» (dans laquelle les processus administratifs ordinaires ne suffisent plus, et qui est caractérisée par le besoin de rationaliser les procédures et de concentrer les moyens), et enfin la «situation extraordinaire» (crise grave ou catastrophe naturelle affectant sérieusement l'ensemble du pays) (FF 1999 6968 et 6978).

1988

(plate-forme d'action de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995), la protection des biens culturels (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture [UNESCO]), l'alimentation (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture [FAO]), la santé (Organisation mondiale de la santé [OMS]), les réfugiés (Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR]), le droit international (Commission du droit international), la juridiction pénale internationale (mise en place de la Cour pénale internationale [CPI]), le droit commercial international (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international [CNUDCI]), la politique monétaire et économique (Fonds monétaire international [FMI]), ou encore l'aide financière internationale (Banque mondiale).

Mais la Suisse participe aussi activement à d'autres accords internationaux, dans le domaine du commerce (accords de l'Organisation mondiale du commerce [OMC] sur le commerce des marchandises [GATT], sur les services [GATS] et sur la propriété intellectuelle [TRIPS]), dans le domaine de la protection de l'environnement (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Protocole de Kyoto) et dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique (Agence internationale pour l'énergie atomique [AIEA]). La Suisse est aussi membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a vocation de garantir la paix et la sécurité en Europe, et elle s'investit pour le développement du droit de la guerre (en tant qu'Etat dépositaire des Conventions de Genève de 1949 et des protocoles additionnels de 1977).

En tant que petit pays sans accès à la mer, où les traditions démocratiques sont très anciennes et qui dépend fortement du commerce avec l'extérieur3, la Suisse ne peut et ne doit pas se couper de ces évolutions internationales. La direction de l'Etat doit tenir compte de l'intensification croissante des relations internationales, qui rend nécessaire une présence continue du gouvernement suisse sur la scène internationale. Mais au vu des nombreuses autres fonctions gouvernementales qui requièrent une présence personnelle, le collège du Conseil fédéral atteint certaines limites de disponibilité. Si avant la Seconde Guerre mondiale, les contacts
extérieurs concernaient avant tout le Département politique (l'actuel DFAE) et le président de la Confédération, tous les départements sont aujourd'hui concernés. Les départements dirigés par un seul conseiller fédéral peuvent, dans d'autre pays, correspondre à pas moins de quatre portefeuilles ministériels (en Allemagne p. ex., pour les domaines regroupés en Suisse au sein du DFI). Dans les Etats voisins de la Suisse, des domaines d'activité comme la justice, ou la formation et la recherche, constituent depuis longtemps un ministère à part entière. Les organisations et conférences internationales se réunissent de plus en plus souvent au niveau ministériel. Cette constatation vaut aussi pour l'Union européenne. Le Conseil des ministres, qui est formé par les ministres spécialisés des différents Etats membres de l'UE, est habilité à adopter des règles de droit et à fixer des objectifs politiques. Ses réunions, dans des compositions variées, portent actuellement sur plus de 25 domaines. Les accords bilatéraux conclus avec l'UE induisent une collaboration plus étroite avec l'UE, et donc des contacts plus intensifs au niveau politique aussi bien avec la Commission qu'avec les différents Etats membres de l'UE.

Les contacts internationaux ont souvent lieu au niveau ministériel. A ce niveau, un représentant de l'Etat doit être à même de mener des négociations et d'engager son 3

Pour l'an 2000, les chiffres, en pour-cent du produit intérieur brut (PIB), sont de 35,5 % pour les exportations, et de 36,6 % pour les importations (source: Direction générale des douanes de la Confédération).

1989

pays, sous réserve des procédures d'approbation internes ultérieures. C'est la raison pour laquelle la présence de membres du gouvernement est indispensable. A l'heure actuelle, seuls les conseillers fédéraux, et dans une certaine mesure les secrétaires d'Etat, peuvent représenter notre pays. Il serait peut-être possible de continuer à assurer ainsi nos relations internationales, mais la Suisse, qui est un petit pays, est particulièrement dépendante du bon fonctionnement du cadre juridique et du système de coopération international. Pour la Suisse, il sera essentiel à l'avenir de faire connaître comme il se doit ses préoccupations sur la scène internationale, voire, dans certains secteurs, d'essayer de dicter le choix des thèmes de discussion. La question se pose dès lors de savoir si, avec les capacités gouvernementales qui sont les siennes actuellement, la Suisse réussira encore à l'avenir à présenter sur la scène internationale ses points de vue marqués par la démocratie et la prééminence du droit, à les défendre avec conviction, et à les imposer avec succès. En raison de la multiplication des contacts au niveau international, le Conseil fédéral devrait pouvoir confier certaines tâches de représentation à d'autres personnes jouissant d'un statut gouvernemental.

1.3

Objectifs de la réforme

1.3.1

Renforcer la direction politique

La réforme de la direction de l'Etat doit permettre au gouvernement de relever efficacement les défis auxquels il sera confronté à l'avenir. La Suisse, nation fondée sur la volonté de vivre ensemble, avec des structures fédérales très développées et réunissant sur un petit territoire différentes langues et confessions, n'est pas facile à gouverner. La direction politique doit à la fois faire preuve de toute la sensibilité nécessaire pour les particularités de l'Etat et savoir déceler de manière précoce les enjeux nationaux et internationaux, et prendre les mesures appropriées. C'est l'une des forces de la Suisse que de disposer depuis plus de 150 ans de structures de direction politique stables, qui ont fait leur preuve même dans des périodes difficiles.

La réforme de la direction de l'Etat ne vise pas à changer radicalement les structures actuelles, qui fonctionnent bien, mais à les renforcer et mieux à garantir leur avenir.

Le besoin de coordination au niveau gouvernemental augmente en raison de la complexité et de l'internationalisation croissantes de nombreux problèmes, du développement des droits de participation démocratiques et de la présence renforcée du débat politique dans les médias. Le modèle de gouvernement à deux cercles permet de tenir compte de ce besoin et de continuer à assurer le primat du politique.

Ce n'est que le gouvernement, et donc l'élément politique, qui doit être renforcé.

Contrairement au projet de LOGA rejeté par le peuple en juin 1996, qui prévoyait d'adjoindre jusqu'à trois secrétaires d'Etat par département4, la réforme de la direction de l'Etat ne crée pas de nouveau «super-fonctionnaires».

Gouverner, c'est non seulement détecter les problèmes à l'avance, fixer des priorités et agir à temps, mais c'est aussi et surtout assumer la responsabilité politique des mesures adoptées. Les ministres délégués prévus par la réforme de la direction de l'Etat seront membres du gouvernement. Ainsi, contrairement aux membres de l'administration, ils ne se borneront pas à exécuter les instructions que leur trans4

FF 1993 III 1035 ss

1990

mettra le Conseil fédéral ou le chef d'un département: ils auront une véritable responsabilité politique. Le Conseil fédéral confiera aux ministres délégués des tâches qu'ils exécuteront de manière indépendante. Le chef du département concerné conservera un droit d'intervention ou d'évocation, qui restera toutefois réservé à des cas exceptionnels.

L'adjonction de sept ministres délégués permettra d'élargir le gouvernement de manière mesurée et conforme aux besoins. Personnes de confiance des chefs de département, les ministres délégués seront responsables devant ces derniers comme devant l'ensemble du Conseil fédéral. Ils ne disposeront cependant pas du droit de vote aux séances du gouvernement. En confiant aux ministres délégués des domaines d'activité clairement circonscrits, comme la justice, la formation et la recherche, ou l'agriculture, les conseillers fédéraux pourront se dispenser de traiter eux-même en profondeur les dossiers concernés. Ils pourront mettre à profit le temps ainsi gagné pour s'occuper plus intensément des domaines qu'ils continueront de gérer eux-mêmes, et assurer la coordination politique globale, conformément à la responsabilité globale qu'ils assumeront pour la direction de l'Etat. D'une manière générale, les modifications proposées permettront de mettre davantage l'accent sur une véritable direction de l'Etat intégrée dans une vision globale. Elles permettront au Conseil fédéral de pouvoir assumer de manière optimale son rôle de conduite et d'intégration.

1.3.2

Elargir la marge de manoeuvre du gouvernement dans le domaine extérieur

L'un des principaux objectifs de la réforme de la direction de l'Etat est d'élargir la marge de manoeuvre du gouvernement dans le domaine extérieur, qui comprend non seulement les relations internationales, mais aussi les relations avec le Parlement et les commissions parlementaires, avec les cantons, ainsi qu'avec le grand public.

Le gouvernement à deux cercles renforcera considérablement les capacités de direction de l'Etat dans le domaine international. Les sept nouveaux ministres délégués augmenteront la marge de manoeuvre du gouvernement bien plus que ne le ferait, par exemple, le passage de sept à neuf départements. Cette solution permettra aussi d'atteindre la flexibilité nécessaire au niveau international, sans pour autant nuire à la stabilité gouvernementale. Le gouvernement ainsi renforcé sera en mesure d'agir de manière plus efficace et, en particulier, d'être plus présent au niveau international. Les domaines d'activité que le Conseil fédéral aura confiés aux ministres délégués par le biais d'une ordonnance d'organisation pourront être réexaminés à chaque nouvelle législature, ou même plus tôt si le besoin s'en fait sentir. Il sera ainsi possible de créer des domaines d'activité qui correspondront réellement aux besoins. L'un des avantages majeurs du gouvernement à deux cercles est que le « deuxième cercle » pourra en grande partie s'appuyer sur l'infrastructure existante au niveau des départements et des offices, alors que la création de nouveaux départements aurait entraîné un net développement de l'administration (secrétariats généraux) et la mise en place de structures beaucoup plus lourdes. Compte tenu des impératifs internationaux, il ne se justifie pas d'accroître le découpage de l'administration en départements. Il faut plutôt s'efforcer d'établir un certain parallélisme entre les domaines d'activités des membres du gouvernement et ceux de leurs homologues étrangers, ce que permettra le gouvernement à deux cercles. Grâce à ce

1991

modèle, il sera en effet possible d'intensifier et d'approfondir les contacts avec les acteurs importants au niveau international, ce qui non seulement renforcera la continuité des relations extérieures de la Suisse, mais aussi, de manière plus générale, améliorera la prévisibilité de sa politique gouvernementale. Avec la réforme proposée, la Suisse serait de plus en mesure de faire face aux obligations découlant d'une éventuelle adhésion à l'UE.

Le titre de secrétaire d'Etat que le droit actuel permet d'octroyer à titre temporaire ou permanent à des représentants de l'administration (art. 46 LOGA) ne permet pas de répondre à ces exigences, car souvent, pour des raisons protocolaires, la présence d'un membre du gouvernement est indispensable. Les ministres délégués, quant à eux, disposeraient de toute la légitimité nécessaire pour représenter la Suisse. Le gouvernement à deux cercles donnerait également une meilleure assise démocratique à la politique extérieure, puisque ses acteurs seront plus souvent des membres du gouvernement, dotés d'un statut politique, que des fonctionnaires de l'administration. La possibilité de pouvoir compter sur sept ministres délégués, membres du gouvernement, devrait ainsi considérablement élargir la marge de manoeuvre du gouvernement sur le plan international. Il serait alors possible de renoncer à l'institution du secrétaire d'Etat permanent (on en compte actuellement trois, au DFAE, au DFI et DFE). Il convient en revanche de conserver la possibilité d'accorder ce titre provisoirement, afin de garantir une représentation adéquate de la Suisse dans les conférences internationales, lorsque les questions abordées sont de nature essentiellement technique.

Le gouvernement à deux cercles élargit également la marge de manoeuvre du gouvernement dans ses rapports avec les cantons, le Parlement et les commissions parlementaires. Dans les domaines d'activité qui leur auront été confiés, les ministres délégués seront les interlocuteurs privilégiés des cantons, des Chambres fédérales et des commissions parlementaires. Les cantons, tout comme le Parlement fédéral, profiteront du renforcement des capacités et des compétences du gouvernement. La présence active du gouvernement est particulièrement importante lors des séances des commissions parlementaires. Ces dernières années,
il n'a pas toujours été possible aux membres du Conseil fédéral d'assurer la présence souhaitée lors de séances qui pourraient être très longues. L'extension du gouvernement par l'adjonction, aux chefs de département, de ministres délégués auxquels seront confiés des domaines d'activité clairement définis devrait améliorer sensiblement la situation sur ce plan, car il sera plus facile d'assurer la présence d'un membre du gouvernement aux séances de commission. De plus, grâce à l'augmentation des capacités du gouvernement, un Conseiller fédéral pourra défendre lui-même en commission les objets qui lui semblent importants, pour autant, évidemment, que ces objets ne ressortissent pas à un domaine d'activité confié à un ministre délégué.

1.3.3

Augmenter la compétence technique du gouvernement

La possibilité de confier certains domaines d'activité clairement délimités aux ministres délégués créera des disponibilités supplémentaires, et évitera aux conseillers fédéraux de devoir connaître dans les moindres détails les dossiers qu'ils délèguent (cf. ch. 1.3.1). En répartissant la gestion directe de l'administration entre un plus grand nombre de membres du gouvernement, il sera possible d'affiner le

1992

pilotage politique des différents domaines. La circulation de l'information entre l'administration et le gouvernement s'en trouvera améliorée, que ce soit dans les domaines d'activité gérés par les ministres délégués ou dans ceux qui demeureront sous la responsabilité directe du chef du département concerné. En renforçant le gouvernement, on garantira que la direction de l'Etat reste aux mains des responsables politiques disposant d'une légitimité démocratique.

1.3.4

Renforcer la capacité d'action du gouvernement dans les situations particulières

Compte tenu de l'interdépendance croissante des relations internationales, de l'évolution rapide des technologies de la communication (satellites de communication, internet) et de l'observation intensive de la politique par les médias, le gouvernement doit être capable d'analyser et de maîtriser le plus rapidement possible une situation sortant de l'ordinaire. Cette capacité s'imposera davantage encore à l'avenir. Le modèle de gouvernement à deux cercles renforcera la capacité d'action du gouvernement dans de telles situations, et ce de plusieurs façons. L'attribution de domaines d'activité clairement définis aux membres du deuxième cercle du gouvernement permettra tant aux conseillers fédéraux qu'aux ministres délégués de détecter plus tôt les problèmes qui surgissent dans les domaines qui sont de leur ressort, ainsi que d'en apprécier la portée et les implications politiques. Grâce à l'élargissement de l'organe gouvernemental, les membres du gouvernement seront plus disponibles et davantage présents; ils pourront ainsi réagir rapidement et prendre le cas échéant les mesures nécessaires. La possibilité de constituer de manière flexible des centres de gravité à l'intérieur du gouvernement, et de répondre ainsi aux exigences et aux contingences du moment, permettra d'optimiser la gestion des crises. Ainsi, les situations délicates qui surviendraient dans un domaine d'activité confié à un membre du deuxième cercle du gouvernement pourraint être gérées conjointement par le ministre délégué et par le chef de département dont il dépend.

1.4

Intégration dans le système gouvernemental suisse et dans sa réforme

1.4.1

Situation initiale

La réforme de la direction de l'Etat n'est pas une fin en soi. Elle a pour but de renforcer la capacité d'action du gouvernement. Cette réforme doit prendre appui sur l'actuel édifice institutionnel. Elle ne doit pas mettre en danger les qualités positives de notre système de gouvernement, mais au contraire les préserver, et les renforcer lorsque c'est possible.

De nombreuses caractéristiques de la Suisse se retrouvent dans d'autres Etats européens: pays de petite taille, sur le territoire duquel plusieurs langues sont parlées, et dont les habitants se réclament de différentes religions ou confessions.

Différentes caractéristiques de notre système politique se retrouvent également dans d'autres pays: le fédéralisme, les droits populaires et la culture du consensus.

C'est l'addition et l'interaction de tous ces éléments qui donnent à notre pays sa spécificité.

1993

Pour continuer à développer le système gouvernemental suisse, il est intéressant de prendre connaissance des expériences et des solutions d'autres pays (cf. ch. 1.6). Il faut toutefois se demander s'il est possible de transposer en Suisse des modèles qui fonctionnent ailleurs (p. ex. le renforcement des fonctions présidentielles).

Les succès incontestables de notre système de gouvernement constituent le point de départ des réflexions sur sa réforme: «Le système de gouvernement suisse a fonctionné avec succès depuis la fondation de l'Etat fédéral en 1848 jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle. Il a assuré la cohésion de la Confédération pluraliste et fédérale, a permis à la Suisse de traverser presque sans encombres les deux guerres mondiales et en a fait l'un des pays les plus riches et économiquement les plus puissants du monde.»5 Notre pays n'a jamais connu de véritable crise étatique et gouvernementale. Nos institutions politiques font pourtant parfois l'objet de critiques. On regrette ainsi le «manque de force d'innovation et de capacité d'adaptation, le manque de cohérence et de prévoyance de la politique gouvernementale»6. Le maintien et le renforcement de la cohésion nationale mériteraient aussi une attention particulière.

1.4.2

Concordance: le Conseil fédéral comme reflet de la diversité de notre pays

La Suisse s'est dotée d'un système de gouvernement qui a fait divers emprunts à d'autres pays (p. ex. aux Etats-Unis d'Amérique), mais qui est pourtant remarquable à bien des égards. La Suisse n'a pas un régime présidentiel (comme les Etats-Unis précisément, et certains pays d'Amérique latine), puisque son gouvernement n'est pas élu par le peuple et n'est donc pas indépendant du Parlement. Elle n'a pas non plus de régime parlementaire (régime que connaissent presque tous les pays européens), puisque la survie politique de son gouvernement ne dépend pas d'un soutien permanent du Parlement. En effet, il n'est pas possible, formellement, de destituer le Conseil fédéral, par exemple en faisant voter une motion de censure par le Parlement. Le Conseil fédéral est élu par l'Assemblée fédérale ­ qui élit chaque membre séparément ­ pour la durée d'une législature. Ce n'est qu'en cas de vacance qu'une élection complémentaire est organisée. Par ailleurs, l'Assemblée fédérale élit chaque année un des membres du Conseil fédéral à la présidence, et un autre à la viceprésidence (art. 176, al. 2, Cst.).

Le système suisse de gouvernement réussit à maintenir la diversité du pays, d'empêcher la concentration du pouvoir, d'assurer la continuité du gouvernement et de préserver sa capacité d'action. En combinant toutes ces fonctions et compte tenu des particularités de notre pays, il constitue une réponse unique aux exigences du gouvernement.

L'élection du Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale permet de restituer le plus fidèlement possible dans le gouvernement national la diversité du pays, diversité politique, linguistique, géographique, ainsi que la parité des sexes. Pour chaque nouvelle législature, l'Assemblée fédérale a pour mission d'élire un gouvernement qui ait d'une part les compétences requises pour traiter les affaires gouvernementales, et par lequel, d'autre part, la grande majorité des citoyens se sentent repré5 6

Handbuch der Schweizer Politik / Manuel de la politique suisse, 1999, p. 178 Handbuch der Schweizer Politik / Manuel de la politique fédérale, 1999, p. 178

1994

sentés. Contrairement au système d'élection du gouvernement par le peuple, dans lequel l'appartenance partisane est en principe déterminante (même s'il est possible, par le biais de règles complexes, de garantir une représentation de régions francophones et italophones), l'élection du gouvernement par l'Assemblée fédérale permet à cette dernière d'intégrer tous les critères importants dans ses réflexions et de choisir une solution optimale.

Le Conseil fédéral incarne la diversité du pays, mais il est aussi le creuset qui doit ramener cette diversité vers l'unité. En prenant ses décisions de manière collégiale, il donne à chacun de ses membres le même poids dans la décision. Le gouvernement a vocation d'assurer la diversité dans l'unité, et l'unité dans la diversité.

Maintenir la diversité, c'est aussi renoncer à la concentration du pouvoir. Le président de la Confédération est élu pour un an, et une réélection est exclue (art. 176, al.

3, 1re phrase). On évite ainsi une concentration excessive dans les mains d'une seule personne des compétences de pouvoir, des compétences techniques et des compétences décisionnelles. Le système fédéral contribue aussi, naturellement, à une distribution équilibrée du pouvoir, par le jeu de sa répartition sur les trois niveaux de l'Etat.

Le fort accent mis sur le principe collégial permet d'éviter que différentes parties du gouvernement n'aillent dans des directions différentes. Le principe de collégialité correspond à la nécessaire et particulière fonction d'intégration du gouvernement suisse. Il rend toutefois la direction politique plus exigeante. L'élargissement du gouvernement renforce l'élément politique et facilite la direction cohérente de l'Etat sous le signe d'une vision globale..

Le système suisse de gouvernement présente une grande continuité. Même si, avant ou après une élection au Conseil fédéral, il est déjà arrivé que l'on s'interroge sur la participation au gouvernement de tel ou tel parti, la Suisse n'a pas connu de crises gouvernementales. De plus, depuis 1959, la composition politique du Conseil fédéral est demeurée inchangée, conformément à la fameuse «formule magique». Bien que le respect de la «formule magique» ne soit pas une condition indispensable au bon fonctionnement de notre gouvernement, il n'en a pas moins contribué à sa constance
et à sa continuité.

Dans le cadre de la réforme de la direction de l'Etat, plusieurs systèmes ont été examinés, mais finalement abandonnés pour les raisons suivantes: ­

un renforcement de la présidence (p. ex. par la prolongation de la durée du mandat à deux ans) aurait nui à la répartition la plus large possible du pouvoir entre tous les membres du Conseil fédéral et augmenté considérablement la visibilité de certains conseillers fédéraux dans les médias et auprès du public. La personnalité du président aurait risqué ainsi de prendre le pas sur la perception du Conseil fédéral comme un ensemble. Le principe de l'égalité de rang des conseillers fédéraux et l'identification des citoyens suisses avec le Conseil fédéral comme symbole de l'unité et de la capacité d'action de notre pays en aurait pâti.

­

une augmentation du nombre des membres du Conseil fédéral aurait rendu le fonctionnement du système collégial plus difficile (cf. ch. 1.4.3 et 1.5.3.6).

­

une élection du Conseil fédéral par le peuple n'aurait pas permis de respecter pleinement les divers critères que sont l'appartenance à un parti, à une

1995

langue, à une région du pays et à un sexe. Il aurait été presque impossible de les saisir tous dans des règles juridiques ; mais surtout, un tel système aurait compromis le caractère collégial du Conseil fédéral, parce qu'à l'approche de la fin de la législature, chacun des membres du gouvernement aurait dû se représenter devant le peuple à titre individuel et se serait attaché, pour assurer ses chances, à mettre en avant les réalisations de son département. Il est vrai que les gouvernements cantonaux fonctionnent, eux aussi, sur le mode de la collégialité, bien qu'ils soient élus par le peuple, mais les cantons ne présentent généralement pas une diversité aussi grande que la Suisse dans son ensemble, et l'attention des médias est plus soutenue au niveau fédéral.

En effet, les médias concentrent souvent leur attention sur certaines personnes, créant ainsi un contrepoids au principe de la collégialité.

1.4.3

Gouvernement collégial: égalité de rang des conseillers fédéraux

Le principe de la collégialité occupe depuis longtemps une place centrale dans le système suisse de gouvernement, et il est explicitement mentionné dans la nouvelle Constitution fédérale: «Le Conseil fédéral prend ses décisions en autorité collégiale.» (art. 177, al. 1, Cst.).

D'autres Etats connaissent aussi une certaine forme de collégialité: le président ou le premier ministre ne décide pas tout seul de la marche des affaires du gouvernement, mais prend en compte et intègre dans le processus décisionnel les opinions des différents courants du parti majoritaire ou, dans un gouvernement de coalition, les positions des différents partis formant la coalition. Pourtant, la Suisse est l'Etat où le principe de collégialité est le plus ancré dans la tradition. Il ne s'agit pas, pour le Conseil fédéral, d'un précepte constitutionnel abstrait, mais d'une réalité vécue au quotidien.

Le principe de collégialité fonctionne avec «un groupe de personne, ayant toutes le même rang en droit et en fait, et formant une communauté d'action pour régler les affaires gouvernementales»7. Le principe de collégialité a une grande importance dans le fonctionnement quotidien du gouvernement. Les candidats à l'élection au Conseil fédéral doivent non seulement posséder les compétences nécessaires pour traiter les dossiers, et des qualités de communication, mais ils doivent aussi avoir la capacité de coopérer et de trouver des compromis.

La collégialité imprime sa marque sur le travail du Conseil fédéral . Contrairement à ce l'on entend parfois, le principe de collégialité ne prévoit aucun droit de veto pour un conseiller fédéral. Avec un tel droit, la politique du gouvernement ne pourrait être que celle du plus petit dénominateur commun. En fait, les décisions du Conseil fédéral sont prises à la majorité, après des discussions approfondies.

Diversité dans l'unité, capacité d'action, continuité, équilibre des intérêts: ce sont là autant de raisons pour lesquelles le Conseil fédéral juge le principe de collégialité si important dans notre système de gouvernement. D'expérience, il sait aussi que le principe de collégialité est lié au respect de plusieurs conditions importantes. Ainsi l'augmentation du nombre de conseillers fédéraux rendrait difficile le maintien du 7

Message du 12 février 1975 sur l'organisation de l'administration fédérale; FF 1975 I 1478.

1996

style actuel des débats, qui se caractérisent par des discussions approfondies et la recherche de solutions disposant d'un appui aussi large que possible. Quant à un renforcement marqué de la fonction présidentielle, il irait à l'encontre du principe de l'égalité de rang des conseillers fédéraux.

Pour la réforme de la direction de l'Etat, le Conseil fédéral a choisi une voie qui ne mette pas en danger le principe de collégialité, mais qui au contraire lui donne un avenir : il veut maintenir sa capacité d'intégration tout en renforçant sa capacité de direction. Contrairement à d'autres modèles (augmentation du nombre de conseillers fédéraux, renforcement de la présidence), le modèle de gouvernement à deux cercles, avec l'instauration de ministres délégués, ne nuit pas au principe de collégialité. Le collège du Conseil fédéral, dans sa forme actuelle, reste le coeur du gouvernement. Il peut cependant être élargi ou complété au cas par cas en fonction des besoins. Les ministres délégués seront en général conviés à certaines séances lorsqu'une affaire ressort de leurs domaines de compétences, et il pourra ainsi être tenu compte de leur connaissance spécifique d'un dossier dans la recherche d'une décision.

1.4.4

Préparation et exécution des affaires du gouvernement par les départements

Le principe de l'organisation par départements va de pair avec le principe de la collégialité. L'art. 177, al. 2, de la Constitution prévoit que, pour la préparation et l'exécution des décisions, les affaires du Conseil fédéral sont réparties entre ses membres par département. Les chefs de département sont autonomes dans leurs décisions et dans l'organisation de leur travail.

Le principe de l'organisation par départements et le principe de collégialité sont interdépendants et complémentaires : les compétences de chef de département sont étroitement liées à la coresponsabilité et à la codécision. Une certaine tension existe néanmoins entre ces deux principes. Dans les médias, les compétences sont souvent personnalisées. Les conseillers fédéraux sont jugés à l'aune des succès qu'ils enregistrent pour les affaires qui relèvent de leur département, mais on a tendance à oublier que les décisions et les prestations sont en fin de compte le fruit de l'engagement collectif du Conseil fédéral. La réussite des activités du Conseil fédéral en tant que collège gouvernemental se mesure à la qualité de la collaboration et à l'équilibre qui permet d'atteindre une meilleure qualité de prise de décisions.

La réforme de la direction de l'Etat adjoint aux membres du Conseil fédéral des ministres délégués comme personnes de confiance. Cette mesure permettra aux Conseillers fédéraux de se concentrer sur les dossiers qu'ils gèrent eux-mêmes, sur la prise de décisions au sein du collège gouvernemental, sur la collaboration avec le Parlement, duquel ils tirent leur légitimité politique, ainsi que sur les relations avec le public.

1.4.5

Réforme de la direction de l'Etat et autres réformes

La réforme de la direction de l'Etat s'intègre harmonieusement dans l'édifice institutionnel suisse. Elément d'un tout, elle s'inscrit dans un vaste processus de réforme: réforme complète de nos institutions étatiques, avec la réforme de la 1997

Constitution ­ aujourd'hui terminée ­, la reforme de la justice et la réforme des droits populaires8; abolition, suite à une initiative parlementaire9, de la clause qui interdisait à deux représentants du même canton de siéger ensemble au Conseil fédéral, au profit d'une réglementation plus souple sur la représentation équitable des différentes régions et communautés linguistiques (art. 175 Cst.); réforme de la péréquation et de la répartition des tâches (RPT) initiée avec les cantons et les communes, deuxième étape de ce qui constitue une réforme du fédéralisme, après la première étape que furent les adaptations à la réalité constitutionnelle dans le cadre de la révision totale de la Constitution. Ces deux étapes pourraient le cas échéant être suivies par d'autres. La réforme de la direction de l'Etat trouve parfaitement sa place parmi tous ces projets: en renforçant le gouvernement, cette réforme permettra au cercle restreint du gouvernement, c'est-à-dire au Conseil fédéral, de se concentrer davantage sur les affaires relevant de la direction de l'Etat et, à l'avenir, de pouvoir mieux se consacrer aux projets de réforme importants.

D'étroites corrélations existent aussi entre la réforme de la direction de l'Etat et la réforme du gouvernement et de l'administration, d'une part, et la réforme du Parlement, d'autre part. Dans ces deux domaines, la réforme se fait aussi par étapes. Il a déjà été rappelé qu'au cours des dernières décennies, le poids de l'appareil administratif avait considérablement augmenté par rapport au gouvernement10. L'administration s'est ainsi attribué, en marge des tâches de préparation et d'exécution qui sont les siennes, des fonctions de pilotage qui devraient normalement ressortir exclusivement au domaine politique. Différentes réformes de l'administration se sont déjà attaquées à ce problème, comme l'expliquent plus en détail les chapitres suivants (ch. 1.5). Concernant le Parlement, une première réforme a été introduite en 1991 au niveau de la loi. Cette réforme a avant tout modifié le système des commissions, et renforcé la participation du Parlement à la politique extérieure. En revanche, l'augmentation des indemnités des parlementaires et l'amélioration de l'infrastructure dont ils disposent n'ont pas trouvé grâce aux yeux des électeurs lors de la votation populaire
du 27 septembre 199211. Quelques prudentes modifications du droit parlementaire (éligibilité et incompatibilités, convocation des Conseils, présidence) ont été intégrées dans la révision de la Constitution fédérale, en dépit du fait que ces points dépassaient le cadre d'une stricte mise à jour de la Constitution.

Dans le cadre de l'initiative parlementaire «loi sur le Parlement»12, les Chambres fédérales redéfinissent leur fonctionnement et leurs rapports. Comme les débats sur la nouvelle loi sur le Parlement et sur la présente réforme de la direction de l'Etat se dérouleront plus au moins au même moment, les Chambres fédérales pourront tenir compte des corrélations et optimiser les rapports entre le législatif et l'exécutif.

8

9 10

11 12

Reprise au Parlement par: 99.436 Initiative parlementaire. Cf. aussi Commission 96.091 CE, Suppression de carences dans les droits populaires, Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats, du 2 avril 2001; FF 2001 4590 93.452 Initiative parlementaire. Modification des conditions d'éligibilités au Conseil fédéral (FF 1993 IV 566 ss et 1994 III 1356 ss) A ce propos, signalons une étude intéressante consacrée à la Finlande et intitulée «A Potential Governance Agenda for Finnland» (Auteurs: Geert Bouckaert, Derry Ormond, Guy Peters; Editeur: Ministry of Finance, Finlande, 2000), qui s'intéresse aux rapports entre le gouvernement et l'administration sous l'angle des sciences politiques et de l'économie.

FF 1992 VI 415 01.401, Rapport du 1er mars 2001de la Commission des institutions politiques du Conseil national; FF 2001 3298

1998

Il convient par ailleurs de signaler que différentes améliorations de la coordination et des structures de gestion du gouvernement sont déjà possibles aujourd'hui dans le cadre constitutionnel et législatif en vigueur. C'est en particulier le cas pour un renforcement de la présidence qui soit en accord avec le principe collégial (p. ex.

état-major présidentiel décentralisé par la nomination de personnes de contact à la Chancellerie fédérale et dans les départements, notamment au DFAE et au DDPS).

On pourrait aussi penser à un recours accru au vice-président (p. ex. pour remplacer le président au Parlement, notamment pour la présentation des objectifs annuels).

1.5

Vers une réforme de la direction de l'Etat

1.5.1

Les tentatives de réforme au XIXe siècle et au début du XXe siècle

Au XIXe siècle déjà, des voix se sont élevées pour demander une réforme de l'exécutif. Les problèmes de société commençaient à devenir plus complexes et à concerner des portions de territoire toujours plus grandes. Les solutions devaient dès lors être trouvées au niveau de la Confédération, et non plus des cantons. La charge de travail du Conseil fédéral augmenta donc d'année en année. Le grand nombre de tâches dévolues à la Confédération et les compétences de délégation élargies dont disposait le Conseil fédéral eurent pour conséquence naturelle un développement de l'appareil administratif. Le lien étroit, déjà constaté au XIXe siècle, entre la réforme du Conseil fédéral et celle de l'administration découle de la double fonction du conseiller fédéral, qui est à la fois membre du gouvernement et chef d'un département. Les réformes ne portaient pas uniquement sur l'organisation de l'administration (p. ex. décision du Conseil fédéral du 8 juillet 1887 concernant l'organisation de ses départements, ou décision du 9 avril 1897 concernant les compétences des départements et des chefs de divisions), mais concernaient aussi le gouvernement en tant que tel. Il est ainsi arrivé, pendant certaines périodes, que le président de la Confédération doive reprendre le département politique (cf. la modification du 28 juin 1895 de l'arrêté fédéral du 21 août 1878).

L'adoption de la loi fédérale du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale a constitué un tournant dans l'histoire de l'organisation administrative de la Confédération. La loi avait été précédée, en 1912, d'un rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la réorganisation de l'administration fédérale, qui postulait un réexamen complet de l'organisation de l'administration13. Mais ce rapport abordait aussi la question du gouvernement: le Conseil fédéral plaidait (une nouvelle fois) en faveur de l'attribution du département politique au président de la Confédération pour la durée de son mandat14. Ce lien entre la présidence et le département politique avait déjà été l'un des débats récurrents du XIXe siècle, et le rapport n'a pas mis fin à la controverse. Mais déjà dans son message du 13 mars 1913 relatif à la loi sur l'organisation de l'administration, le Conseil fédéral, au sein duquel deux nouveaux membres avaient pris place, modifia sa position, et rejeta dès ce moment le lien entre présidence et département politique15.

13 14 15

FF 1912 IV 63 s.

FF 1912 IV 74 ss FF 1913 II 2

1999

Dans ce message du 13 mars 1913, le Conseil fédéral expliquait qu'une nouvelle organisation de l'administration était nécessaire pour «alléger le Conseil fédéral et ses membres, les décharger d'une multiplicité de petits détails dont ils doivent s'occuper aujourd'hui»16. Le message se penchait aussi longuement sur la question de savoir s'il fallait augmenter de sept à neuf le nombre de conseillers fédéraux, et créer en même temps un département présidentiel. Cette idée, dont les grandes lignes seraient ultérieurement à nouveau d'actualité (cf. p. ex. le modèle B du rapport intermédiaire «Eichenberger», ch. 1.5.3.117), fut finalement rejetée par le Conseil fédéral au terme d'une analyse approfondie18. La loi de 1914 sur l'organisation de l'administration a ainsi eu pour principal effet d'apporter des modifications à la structure de l'administration, mais elle a également induit une réforme touchant au gouvernement: le lien entre la présidence de la Confédération et le département politique fut supprimé et la Chancellerie fédérale promue au rang d'état-major du gouvernement.

Ce rapide rappel historique montre que les réformes de l'administration comme du gouvernement sont depuis longtemps déjà le sujet de débats politiques, et que dès les premiers temps de l'Etat fédéral moderne, ces deux domaines de réforme n'ont pu être considérés indépendamment l'un de l'autre. On constate aussi que certaines des idées formulées récemment dans le cadre de la réforme de la direction de l'Etat, comme l'augmentation du nombre de conseillers fédéraux, la création d'un département présidentiel ou l'établissement d'un lien entre la présidence de la Confédération et la politique étrangère, ont des racines historiques qui remontent au XIXe siècle.

1.5.2

Les travaux de réforme du milieu du XXe siècle

La loi fédérale du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale a souvent été révisée par la suite, principalement dans le but de modifier la répartition des unités administratives. A la longue, cette façon de procéder, qui engendrait une profusion d'actes législatifs, se révéla cependant d'autant plus insatisfaisante que les réformes ne concernaient jamais vraiment le gouvernement lui-même. En 1942, une initiative populaire proposant l'élection par le peuple d'un Conseil fédéral comptant neuf membres fut soumise au verdict des urnes, mais le projet, qui était au centre de querelles partisanes, fut nettement rejeté, connaissant ainsi le même sort qu'un texte similaire soumis au souverain en 1900. A la fin des années 1940, la question de l'élargissement du Conseil fédéral revint sur le tapis ; la surcharge de travail du collège gouvernemental fut à nouveau un des thèmes centraux des débats. Sur la base de mandats formels, les anciens conseillers fédéraux Stampfli, en 1948, et Rubattel, en 1961, ont produit des études détaillées sur la question. L'un comme l'autre se sont prononcés en faveur de l'augmentation à neuf du nombre de conseillers fédéraux, mais contre l'institution de secrétaires d'Etat.

Au début des années 1960, les Chambres fédérales empoignèrent à nouveau le dossier d'une réforme en profondeur de tout le système de gouvernement. Des interventions parlementaires demandaient que soit examinée la question de l'augmentation du nombre de conseillers fédéraux et de la création d'un département 16 17 18

FF 1913 II 18 FF 1992 II 1047 ss FF 1913 II 11 ss; cf. ch. 1.5.5

2000

présidentiel. Tout comme au XIXe siècle, on constatait qu'une réorganisation exclusivement limitée à l'administration ne suffisait pas et qu'une réforme du gouvernement lui-même était indispensable si ce dernier voulait pouvoir maîtriser les tâches toujours plus nombreuses et complexes auxquelles il devait faire face. Le Conseil fédéral accepta les interventions parlementaires et institua une commission d'experts dirigée par M. Otto Hongler, directeur de l'Office central de l'organisation. Cette commission publia en 1967 un rapport circonstancié, qui proposait une procédure en plusieurs étapes. La première de ces étapes comprenait quelques améliorations à mettre en place rapidement concernant les méthodes de travail du collège gouvernemental et le soutien au président de la Confédération par la Chancellerie fédérale.

La deuxième étape devait être une révision totale de la loi sur l'organisation de l'administration, visant à une réforme complète de la structure de l'administration.

Enfin, au cours de la troisième étape, les modifications constitutionnelles nécessaires seraient réalisées. Le rapport parlait expressément des relations entre le Parlement et le gouvernement, ce qui indique que la troisième étape ne devait pas être une réforme du gouvernement au sens étroit, mais bel et bien une réforme de la direction de l'Etat19.

A partir du milieu du siècle dernier, on vit ainsi resurgir des idées qui avaient déjà été avancées au XIXe siècle, notamment la proposition d'augmenter de sept à neuf le nombre de conseillers fédéraux, afin de décharger le Conseil fédéral, et de réaliser une réforme globale qui ne se limite pas à l'administration. On prit également conscience du fait qu'un changement de la structure du gouvernement ne suffisait pas et que l'imbrication de ce dernier dans l'édifice des organes de direction de l'Etat (p. ex. le Parlement) rendait nécessaire une réforme globale de l'ensemble de la direction de l'Etat. Il fut également proposé de suivre une procédure plus systématique et de mettre en oeuvre les réformes par étapes. En 1968 déjà, le Conseil fédéral avait décidé de suivre cette recommandation du «rapport Hongler». Après avoir réalisé une série de mesures immédiates (1re étape) 20, il institua, en vue de la 2e étape, une commission d'experts dirigée par le chancelier de la
Confédération Karl Huber. Quelques-unes des propositions de cette commission furent reprises lors de la révision totale du 19 septembre 1978 de la loi sur l'organisation de l'administration. Cette loi fut remplacée en 1997 par une nouvelle loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), qui abordait aussi de manière systématique la thématique du travail du gouvernement. Une première version de la LOGA, adoptée par les Chambres fédérales le 6 octobre 199521, fut rejetée en votation populaire le 9 juin 1996, suite à un référendum. Les critiques les plus vives concernaient l'institution de secrétaires d'Etat d'un type nouveau, au nombre d'un à trois par département, qui auraient été chargés d'assister le conseiller fédéral dans la conduite de son département22. Le 21 mars 1997, le Parlement adoptait une nouvelle version de la LOGA, qui renonçait à cette innovation, et qui entra finalement en vigueur le 1er octobre 199723.

19 20 21 22 23

Bericht Hongler, p. 212 ss (pas de traduction française).

cf. FF 1975 I 1465 FF 1993 III 949 cf. le message dans la FF 1993 III 949 ss, en particulier p. 1035 ss RS 172.010

2001

1.5.3

Etapes de la réforme de la direction de l'Etat

1.5.3.1

Modèles élaborés par le groupe de travail «Structures de direction de la Confédération»

Dans la perspective d'une possible adhésion à l'EEE, le Conseil fédéral s'est dans un premier temps abstenu d'engager des réformes institutionnelles radicales24. Pour préparer la réforme de la direction de l'Etat, il a cependant institué dès 1990 un groupe de travail «Structures de direction de la Confédération» (GSDC), sous la direction du professeur Kurt Eichenberger; il a chargé ce groupe d'analyser le système de gouvernement et les structures de direction de la Confédération et d'élaborer des scénarios pour d'éventuels changements. Le 23 novembre 1991, le GSDC a présenté un rapport intermédiaire25 que le Conseil fédéral a transmis au Parlement dans le cadre du rapport sur ses activités. Ce rapport intermédiaire présentait cinq modèles:

24 25 26 27 28 29 30 31 32

­

Le modèle A reposait sur l'idée de «départements dirigés par des directeurs de département»26. Dans ce modèle, le gouvernement aurait continué à compter sept conseillers fédéraux qui auraient eu la responsabilité politique de leur département, la direction administrative étant confiée à un directeur de département.

­

Le modèle B reprenait des idées déjà formulées au XIXe siècle: l'idée d'une «augmentation du nombre de conseillers fédéraux et un renforcement de la présidence»27, ainsi que celle, présentée dans l'étude du GSDC de 1995, de renforcer la fonction de coordination de la présidence de la Confédération en libérant le président de la direction d'un département ordinaire et en créant un département présidentiel. Ce modèle devait s'accompagner d'une augmentation à huit du nombre de conseillers fédéraux28.

­

Le modèle C proposait l'idée d'un «cabinet gouvernemental et de ministères techniques»29. Le gouvernement devait être scindé en deux niveaux: les membres du Conseil fédéral devraient se consacrer aux problèmes d'ordre stratégique et politique, les ministres s'occupant des problèmes de nature opérationnelle et tactique. Les questions politiques devaient être traitées par le Conseil fédéral, les affaires sans incidence politique étant, elles, traitées par le cabinet des ministres. Ce modèle de gouvernement à deux niveaux rappelait quelque peu celui de la Constitution de la République helvétique du 12 avril 179830.

­

Les modèles D et E, enfin, présentaient les deux pôles extrêmes d'une possible réforme avec, d'une part, le système gouvernemental parlementaire31 et, d'autre part, le système gouvernemental présidentiel32.

FF 1993 III 961 FF 1992 II 1014 Modèle A; FF 1992 II 1047 ss Modèle B; FF 1992 II 1052 ss Modèle F; cf. FF 1996 V 12 Modèle C; FF 1992 II 1058 ss cf. FF 1909 IV 358 Modèle D; FF 1992 II 1065 ss Modèle E; FF 1992 II 1074 ss

2002

A la fin de 1994, le GSDC a encore développé et présenté un modèle mixte F, qui prévoyait une concentration du gouvernement collégial et un renforcement de la présidence33.

1.5.3.2

Décision du Conseil fédéral pour une procédure en deux étapes

En 1992, le Conseil fédéral a décidé de procéder à une réforme du gouvernement en deux temps. La première phase consistait à réaliser ce qui pouvait l'être par le biais de modifications législatives dans le cadre de la Constitution alors en vigueur (réforme du gouvernement et de l'administration). La deuxième phase, qui comprendrait des réformes plus profondes et qui toucherait le niveau constitutionnel, ne devait être engagée qu'ultérieurement, lorsqu'on aurait tiré de la première étape les enseignements nécessaires. Le message relatif au premier projet de LOGA34, rejeté ultérieurement par le peuple, esquissait les contours qu'auraient pu prendre ces réformes plus approfondies. Après l'adoption du deuxième projet de LOGA par les Chambres fédérales en mars 1997, et son entrée en vigueur le 1er octobre de la même année, le Conseil fédéral, sous l'impulsion de nouvelles interventions parlementaires, décida cependant de s'attaquer sans plus attendre à la deuxième phase de la réforme du gouvernement. La discussion de principe sur un changement de système ne devait toutefois pas être reprise. Le modèle d'un système de gouvernement parlementaire et celui d'un régime présidentiel avaient déjà été écartés par le Conseil fédéral dans le cadre de son message sur la LOGA en 1993. Quant au modèle A, il avait perdu sa pertinence avec l'entrée en vigueur de la LOGA. La discussion pouvait ainsi se concentrer sur les trois modèles restant parmi tous ceux qu'avait présentés le GSDC: le B (augmentation du nombre de conseillers fédéraux et renforcement de la présidence), le C (gouvernement à deux niveaux, cabinet gouvernemental et ministères techniques) et le F (concentration du gouvernement collégial et renforcement de la présidence). Pour ces trois modèles, on peut consulter les études détaillées du GSDC du 25 février 1996.

1.5.3.3

La réforme de la direction de l'Etat: un nouveau module de la réforme constitutionnelle

Dans son message du 20 octobre 1993 sur la LOGA, le Conseil fédéral indiquait déjà qu'il considérait qu'une réforme complète de la direction de l'Etat était indispensable35. Comme il estimait que le besoin de réforme était particulièrement urgent dans les domaines de la justice et des droits populaires, et comme l'état d'avancement des travaux préparatoires le lui permettait, il intégra ces deux volets de la réforme dans son message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale36. Les autres projets de réforme dans le domaine de la direction de l'Etat (réforme du gouvernement, du Parlement, des relations entre le Parlement et le gouvernement, de la péréquation financière et du fédéralisme) devaient s'intégrer plus

33 34 35 36

FF 1996 V 11 FF 1993 III 949 ss FF 1993 III 995 ss FF 1997 I 31 ss

2003

tard, en fonction de l'urgence et de l'avancement des projets, dans une réforme constitutionnelle considérée comme un «processus ouvert».

Le 16 avril 1997, le Conseil fédéral a décidé, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, d'entreprendre les travaux de réforme de la direction de l'Etat. Ce projet de réforme devait englober les questions touchant à l'organisation et aux processus décisionnels de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral, qui demandent à être réglées au niveau constitutionnel, ainsi que les relations entre le Parlement et le gouvernement, notamment dans les domaines de la conduite politique, de la législation, de la politique extérieure, des compétences financières et de la haute surveillance.

1.5.3.4

Nouvelles interventions parlementaires

Plusieurs interventions parlementaires sur le thème de la réforme du gouvernement et de la direction de l'Etat ont été à nouveau déposées durant la première moitié de 1997. L'initiative parlementaire Rhinow du 19 mars 1997 (97.409; Réforme des institutions de direction de l'Etat) proposait, sous la forme d'une demande conçue en termes généraux, que dans le cadre de la réforme de la Constitution fédérale, les institutions de direction de l'Etat fassent également l'objet d'une réforme37. Cette réforme engloberait le Conseil fédéral en tant qu'organe gouvernemental, mais aussi les rapports entre le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale, notamment dans les domaines de la conduite politique, de la législation, des élections, de la politique étrangère, des compétences financières et de la haute surveillance. Dans le même contexte, la motion Bonny du 3 mars 1997 (97.3029; Rôle et compétences du président de la Confédération) demandait un renforcement de la présidence de la Confédération. Ces deux interventions ont été largement soutenues par les Chambres. Par une motion du 29 mai 1997 (97.3385; Gestion de l'information lors de situations particulières), la Commission de gestion du Conseil national a chargé le Conseil fédéral de préparer une base légale qui garantisse, lors de situations exceptionnelles, une politique d'information menée par le président de la Confédération. Par la suite, le Conseil national, par une motion du 20 juin 1997 (97.3188; Réforme du gouvernement jusqu'en 1998), a voulu charger le Conseil fédéral de présenter un projet à l'appui d'une réforme du gouvernement au niveau constitutionnel avant fin 1998. Le délai imparti ne pouvant manifestement pas être respecté, la motion a été transformée en un postulat des deux Conseils. Enfin, le Conseil fédéral a accepté un postulat Zbinden du 29 mars 1997 (97.3113; Perte d'influence du politique. Rapport du Conseil fédéral). Ce postulat demande que le Conseil fédéral examine quelles adaptations d'ordre institutionnel seraient de nature à rétablir le primat du politique, à l'heure de la mondialisation. Le 10 juin 1996 déjà, la motion Kühne (96.3252; Renforcement du rôle politique du Conseil fédéral) demandait de faire passer à neuf (voir à onze) le nombre de membres du Conseil fédéral, d'élaguer leur cahier des charges, de procéder à une
nouvelle répartition de leurs compétences et de renforcer le rôle du président de la Confédération. Cette motion a été transformée en postulat.

Concernant le traitement de ces interventions, se reporter au ch. 5 ci-dessous.

37

Selon la décision du 16.6.2000 du Conseil des Etats, le délai imparti pour l'élaboration d'un projet a été prorogé jusqu'à la session d'été 2002.

2004

1.5.3.5

La procédure de consultation sur la réforme de la direction de l'Etat

En novembre 1998, le Conseil fédéral a envoyé en consultation deux variantes pour une réforme du système de gouvernement: ­

La variante 1 est une concrétisation du modèle F du GSDC38 (concentration du gouvernement collégial et renforcement de la présidence): elle consiste essentiellement à renforcer la fonction présidentielle par une prolongation à deux ans de la durée du mandat, à créer un département présidentiel, et donc à dispenser le président de s'occuper d'un département ordinaire, et à inscrire dans la Constitution les tâches du président. Cette variante envisageait également un élargissement du Conseil fédéral, qui devait compter un ou deux membres supplémentaires.

­

La variante 2 s'appuie sur le modèle C du GSDC39 (gouvernement à deux niveaux): l'idée fondamentale de cette variante était le renforcement du gouvernement collégial par l'introduction d'un gouvernement à deux niveaux. Dans certains secteurs d'activité, la gestion directe de l'administration devait être transmise à des ministres du second niveau du gouvernement. A la différence du modèle C du GSDC, qui prévoyait en plus la création d'un cabinet administratif au niveau ministériel, les ministres ne formaient pas ici un niveau opérationnel indépendant doté d'une compétence décisionnelle collective. Cette variante envisageait également de réduire à cinq le nombre de conseillers fédéraux.

Parmi les organismes consultés, les avis exprimés étaient majoritairement plutôt en faveur de la variante 2. La variante 1 a obtenu le soutien de sept cantons (BE, FR, GE, GR, SZ, VS, ZH), de deux partis politiques (écologistes, démocrates suisses), de trois organisations (Vorort, Union suisse des paysans, Fédération romande des syndicats patronaux) et d'un particulier qui n'avait pas été officiellement consulté.

Dans ce camp, on trouve toutefois à peu près autant de partisans que d'adversaires d'une augmentation du nombre de conseillers fédéraux. La variante 2 a recueilli les suffrages de onze cantons (AG, BL, BS, GL, JU, LU, SG, SH, UR, VD, ZG), de trois partis politiques (PDC, PLS, PSS) et de cinq organisations. Dans ce camp, une majorité des avis souhaitait le maintien d'un Conseil fédéral à sept membres, mais certaines voix plaidaient aussi en faveur d'une diminution à cinq du nombre de conseillers fédéraux. Un canton (NE), un parti politique (PRD) et une organisation (Union patronale suisse) se sont prononcés en faveur d'une combinaison des deux variantes, un autre canton (FR) estimant qu'une telle solution méritait en tout cas examen. Deux cantons (SO, TG), deux partis politiques (AdI, UDC), une organisation et un particulier ont explicitement rejeté les deux variantes.

Bien qu'une réforme complète de la direction de l'Etat doive en principe concerner aussi le Parlement et les rapports entre le législatif et l'exécutif, le Conseil fédéral a renoncé à intégrer dans le projet soumis à consultation des propositions de réformes structurelles concernant l'Assemblée fédérale. Le Parlement avait en effet repris en grande partie dans la mise à jour de la Constitution des réformes qui, selon le Conseil fédéral, auraient dû être intégrées dans un projet séparé de réformes de la direction de l'Etat; par ailleurs, d'autres réformes seront réalisées dans le cadre de la 38 39

Cf. ch. 1.5.3.1 Cf. ch. 1.5.3.1

2005

révision totale de la loi sur les rapports entre les conseils, qui deviendra la loi sur le Parlement. La responsabilité de ce projet incombe à l'Assemblée fédérale. Pour ce qui est des rapports entre le législatif et l'exécutif, le nouvel instrument parlementaire de la résolution, proposé par le Conseil fédéral dans le projet soumis à consultation, a perdu sa raison d'être suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale, qui contient une disposition sur les mandats que l'Assemblée fédérale peut confier au Conseil fédéral (art. 171 Cst.). Le Conseil fédéral a dès lors considéré que la réforme du gouvernement était prioritaire. Pour cette raison, il a renoncé à lier la suite des travaux dans le domaine de la réforme de la direction de l'Etat à des réformes structurelles concernant le Parlement. Pour faire véritablement avancer la réforme du gouvernement, il a souhaité se concentrer sur ce volet de la réforme de la direction de l'Etat, et se décider pour un modèle de gouvernement donné.

1.5.3.6

Décision de principe du Conseil fédéral: abandon de la variante 1, suite des travaux sur la variante 2

Plusieurs changements discutés en rapport avec une réforme du gouvernement, pour certains il y longtemps déjà, ont finalement été rejetés parce qu'ils auraient mis en danger les valeurs et les acquis du système actuel: ­

40 41

Un renforcement de la présidence (p. ex. par une prolongation de la durée du mandat à deux ans) nuirait à une répartition équilibrée du pouvoir entre tous les membres du Conseil fédéral et augmenterait considérablement la visibilité de certains conseillers fédéraux dans les médias et auprès du public. La personnalité du président aurait risqué ainsi de prendre le pas sur la perception du Conseil fédéral comme un collège. Le principe de l'égalité de rang des conseillers fédéraux et l'identification des citoyens suisses avec le Conseil fédéral comme symbole de l'unité et de la capacité d'action de notre pays en aurait pâti. En 1893 déjà, l'ancien conseiller fédéral Numa Droz avait proposé d'instituer un département présidentiel pour renforcer la présidence. Le Conseil fédéral rejeta cette proposition. Il le fit de nouveau en 1909, faisant valoir que le rang et la dignité du président de la Confédération n'étaient pas compatibles avec la direction d'un département présidentiel politiquement peu important40. Dans son message de 1913 à l'Assemblée fédérale concernant l'organisation de l'administration fédérale, le gouvernement souligna aussi que le renforcement de la présidence ne manquerait pas de soulever un dilemme: «Ou bien le titulaire se bornerait essentiellement à ses fonctions présidentielles, et alors sa situation n'aurait guère qu'un caractère purement représentatif, ne lui procurerait pas à lui-même grande satisfaction, ni ne rencontrerait dans notre peuple beaucoup de sympathie; ou bien le titulaire de la présidence s'efforcerait d'être le collaborateur de ses collègues et d'exercer un sérieux contrôle, et alors son activité serait une source de difficultés et de conflits.»41

Rapport de 1909 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réorganisation du département politique; FF 1909 IV 358 s.299 FF 1913 II 12

2006

­

Une augmentation du nombre des conseillers fédéraux compliquerait le fonctionnement du principe de collégialité42. L'idée d'une augmentation de sept à neuf du nombre des membres du gouvernement a été rejetée par le Conseil fédéral il y a longtemps déjà. Dans son message de 1894 concernant l'organisation et le mode de procéder du Conseil fédéral, il exprimait sa crainte de voir l'attribution des postes de conseiller fédéral nouvellement créés donner lieu à des affrontements pénibles concernant la représentation des minorités linguistiques et politiques. Dans un collège élargi, des groupements internes pourraient aussi plus facilement se former, ce qui nuirait à la compréhension au sein du Conseil fédéral, et donc aussi à son statut43.

Ces arguments se retrouvent dans le rapport de 1909 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réorganisation du Département politique44. Dans le projet de réforme de la direction de l'Etat soumis à consultation en novembre 1998, la possibilité d'augmenter à huit ou à neuf le nombre de conseillers fédéraux était également abordée dans le cadre de la variante 1 (renforcement de la présidence). Cette idée a cependant provoqué des réactions très controversées. Les opposants ont fait valoir que cet élargissement du Conseil fédéral accentuerait la tendance à la gestion par département, et nuirait au fonctionnement collégial du gouvernement.

­

Une élection par le peuple du Conseil fédéral ne permettrait plus de tenir compte de manière appropriée des différentes règles concernant la représentation (notamment celles de l'appartenance à un parti, à une langue, à une région linguistique, à une religion, à un sexe). Même si l'on arrivait à assurer la représentation des régions francophones et italophones par des règles appropriées, il paraît très peu vraisemblable que de telles règles puissent tenir compte de tous les critères qui entrent en jeu pour une élection au Conseil fédéral. Mais qui plus est, un tel système nuirait à la position du Conseil fédéral en tant qu'instance collégiale, parce qu'à l'approche de la fin de la législature, chacun des membres du gouvernement devrait se représenter devant le peuple à titre individuel et s'efforcerait, pour assurer ses chances de réélection, de mettre en avant les réalisations de son département. Il est vrai que les gouvernements cantonaux fonctionnent eux aussi sur le mode de la collégialité, bien qu'ils soient élus par le peuple, mais les cantons n'affichent en principe pas une diversité aussi grande que la Suisse dans son ensemble, et l'attention des médias y est également moindre qu'au niveau fédéral. En effet, les médias braquent souvent tous leurs projecteurs sur certaines personnes, créant ainsi un contrepoids au principe de la collégialité.

C'est en août 1999, suite à l'évaluation des résultats de la consultation sur la réforme de la direction de l'Etat, que le Conseil fédéral a décidé de ne plus retenir ces propositions. La suite des travaux de réforme a porté sur la variante 245. Cette décision était ainsi en conformité avec les précédentes déclarations du Conseil fédéral sur ce thème.

42 43 44 45

Cf. ch. 1.4.3 FF 1984 II 917 FF 1909 IV 359 ss Cf. ch. 1.5.3.5

2007

La variante 2 n'exclut pas que, dans le cadre du droit en vigueur, des mesures pratiques soient adoptées en vue de permettre au président de la Confédération d'assumer efficacement ses fonctions. En effet, dans un gouvernement à deux cercles, l'effort de coordination sera plus important, que ce soit pour les relations entre les membres du gouvernement ou entre le gouvernement et l'administration.

Le président et le chancelier de la Confédération seront ainsi davantage sollicités.

1.5.4

Concrétisation du modèle de gouvernement à deux cercles

Avec sa décision en faveur de la variante 246, le Conseil fédéral a donné le coup d'envoi des travaux de concrétisation. En octobre 1999, il a institué un groupe de travail intitulé «Projektoberleitung Staatsleitungsreform» (POL), constitué de Mme la conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold (présidence), de Mme la conseillère fédérale Ruth Dreifuss, de M. le conseiller fédéral Pascal Couchepin et de Mme la chancelière de la Confédération Annemarie Huber-Hotz. Le POL a été épaulé par un groupe de travail interdépartemental (GT Réforme de la direction de l'Etat), qui a effectué les travaux préparatoires nécessaires. A partir du mois de mai 2000, certains points importants se sont peu à peu concrétisés. Les grands principes ont tout d'abord été posés: limitation du nombre total des membres du gouvernement, lien entre le mandat du ministre délégué et le chef du département dont il dépend, légitimation politique des ministres délégués par la confirmation de leur nomination par l'Assemblée fédérale. Au cours d'une deuxième étape, le statut des ministres délégués a été précisé. Ils auront une coresponsabilité politique dans les secteurs d'activité qui leur seront attribués, ce qui apparaît d'une part dans le droit de proposition dont ils jouissent pour les affaires dont ils s'occupent, et, d'autre part, dans la possibilité pour eux de défendre leurs objets aux séances du Conseil fédéral avec une voix consultative. En lieu et place de la dénomination de «gouvernement à deux niveaux», qui renvoie trop à des rapports hiérarchiques, c'est le terme de gouvernement à deux cercles qui a été retenu, car il cerne mieux les interactions entre le Conseil fédéral, qui a une responsabilité d'ensemble, et les ministres délégués, qui ont une coresponsabilité. On exprime ainsi clairement que les ministres délégués ont un véritable statut politique, contrairement aux secrétaires d'Etat d'un type nouveau qui avaient été rejetés lors de la votation populaire du 9 juin 1996. De plus, le Conseil fédéral a décidé que les ministres délégués se verraient confier un domaine d'activité déterminé, en règle générale pour la durée d'une législature. C'est une différence de plus avec le projet de LOGA refusé par le peuple, dans lequel les tâches des secrétaires d'Etat étaient définies de manière beaucoup plus ouverte, ce que les
électeurs avaient à l'évidence considéré comme un défaut du projet47. Enfin, au cours d'une troisième étape, les conséquences des innovations sur les structures existantes ont été examinées. Le Conseil fédéral a par exemple indiqué qu'il ne souhaite pas voir l'infrastructure actuelle des départements se développer à la faveur de l'introduction du gouvernement à deux cercles, et que la structure des offices devait être maintenue.

46 47

Cf. ch. 1.5.3.5 FF 1996 V 3

2008

1.5.5

Résultats: cheminement progressif des cinq modèles d'origine vers le modèle du gouvernement à deux cercles doté de ministres délégués

Les discussions sur une réforme de la direction de l'Etat accompagnent l'Etat fédéral depuis sa création. De nombreuses idées qui furent avancées au XIXe siècle ont été à nouveau débattues dans le courant du XXe siècle. Alors que dans les années 60, le «rapport Hongler» proposait une réalisation par étapes des projets de réformes, jetant ainsi les bases de la suite de la procédure, le groupe de travail GSDC a repris les différentes conceptions relatives à la réforme du gouvernement et proposé un choix de cinq modèles (auquel il a ajouté plus tard un sixième modèle mixte).

S'appuyant sur ces travaux de fond, le Conseil fédéral organisa une procédure de consultation sur deux variantes. Au vu des résultats, il s'est décidé pour la création de ministères dans des domaines d'activité déterminés. Au cours de la phase de concrétisation, le concept des «ministres délégués» a peu à peu émergé. Ce concept est le fruit d'une réforme équilibrée de la direction de l'Etat qui respecte les caractéristiques étatiques et institutionnelles de la Suisse, en particulier l'importance du principe de collégialité.

1.6

Regard sur certains systèmes de gouvernement étrangers

1.6.1

Les différences avec le système suisse actuel

1.6.1.1

Huit Etats comme base de la comparaison

Portant sur des aspects relevant du droit et des sciences politiques, la comparaison englobe l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la République tchèque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Royaume-Uni). Pour la République tchèque, seuls les aspects juridiques ont été considérés, en raison du manque d'ouvrages spécialisés de sciences politiques48.

1.6.1.2

Gouvernements et système politique

Depuis le milieu des années 1970, tous les Etats d'Europe de l'Ouest sont dirigés par des gouvernements qui s'appuient sur des principes libéraux et démocratiques.

De plus, à l'exception de la Suisse, ils connaissent tous un système de gouvernement parlementaire, dans lequel un cabinet de gouvernement dépend d'une majorité parlementaire49. Sous cet angle, la Suisse est un cas à part, qui n'est souvent pas traité en détail dans les ouvrages spécialisés de sciences politiques, parce que son système de gouvernement est difficile à comparer à d'autres. Mais la Suisse est aussi un cas à

48

49

Ce chapitre repose sur une comparaison juridique effectuée par l'Institut suisse de droit comparé et sur une analyse empirique de l'Institut de sciences politiques de l'Université de Zurich (Prof. U. Klöti et Dr. E. Rüegg). A ce propos, voir aussi l'étude consacrée à la Finlande et intitulée «A Potential Governance Agenda for Finnland» (Auteurs: Geert Bouckaert, Derry Ormond, Guy Peters; Editeur: Ministry of Finance, Finlande, 2000) Blondel, Jean et Müller-Rommel, Ferdinand (eds.) (1977). Cabinets in Western Europe.

Houndsmills et autres, Macmillan.

2009

part en raison de la manière dont le gouvernement s'intègre dans le jeu politique, qui est très différente de celle qui prévaut dans les autres pays étudiés:

50

51

­

Aucun autre Etat ne fait un usage aussi fréquent des instruments de la démocratie directe. La France et l'Autriche connaissent certes le plébiscite, et l'Italie organise des référendums, mais aucun autre gouvernement ne doit à ce point orienter systématiquement et continuellement son programme et son action politiques vers la recherche d'un consensus qui satisfasse les électeurs (voire, lorsque c'est nécessaire, qui emporte l'adhésion de la majorité des cantons).

­

Tout comme l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique, la Suisse est un Etat fédéral. Cela signifie que le gouvernement central doit consulter les Etats membres de la fédération pour toute question d'importance. En Italie également, les régions présentent un certain degré (variable) d'autonomie. Dans la plupart des Etats comparés ici, le gouvernement central doit aussi tenir compte de certains déséquilibres régionaux (différences entre le Nord et le Sud au Royaume-Uni et en Italie, entre les anciens et les nouveaux Länder en Allemagne). Pourtant, seul le gouvernement suisse est confronté à un aussi grand nombre d'Etats membres, d'une taille aussi réduite mais disposant tous de leur propre gouvernement. Le haut degré de décentralisation, jusqu'au niveau communal, ainsi que l'hétérogénéité linguistique, culturelle et économique, sont autant de facteurs qui contribuent à faire du système politique suisse une construction d'une extrême complexité, dont aucun des autres pays étudiés ne s'approche, et qui pose des exigences très élevées pour le gouvernement suisse.

­

Depuis les années 1960, la Suisse, l'Autriche et les Pays-Bas sont décrits dans les ouvrages spécialisés comme des démocraties de consensus50. Mais alors qu'aux Pays-Bas, le système connu sous le terme de «Versäulung» a quelque peu perdu du terrain, et qu'en Autriche, la sortie du parti socialdémocrate du gouvernement fédéral a mis à mal tout l'ordre reposant sur la coalition des deux grands partis, la concordance suisse reste vivante, avec une formule magique respectée depuis plus de quarante ans. L'obligation de consensus qui en découle, et les égards des partis les uns envers les autres, constituent une autre caractéristique particulière du système suisse de gouvernement.

­

A l'exception de la République tchèque, tous les Etats sur lesquels a porté la comparaison sont membres de l'Union européenne. Si ce fait n'a entraîné de changements majeurs des structures de gouvernement pour aucun des Etats concernés51, les gouvernements des membres de l'Union européenne ont cependant cédé aux instances de Bruxelles certaines de leurs tâches et de leurs prérogatives. Ces gouvernements ont ainsi connu, d'une part, un certain allégement de leur travail, mais se sont retrouvés, d'autre part, intégrés dans un vaste et complexe réseau politique et administratif supranational. Cette intégration a en général entraîné une simplification et un raccourcissement des procédures décisionnelles au niveau national. La Lijphart, Arend (1969). Consociational Democracy. In: World Politics 21(2), p. 207 à 225, et Lijphart, Arend (1984). Democracies. Patterns of Majoritarian and Consensus Government in Twenty-One Countries, London, Yale University Press.

Hanf, Kenneth et Soetendorp, Ben (eds.) (1998). Adapting to European Integration: Small States and the European Union. London, New York, Longman.

2010

Suisse, pour sa part, n'est confrontée à ce type de pression que dans des périodes d'intenses problèmes bilatéraux52.

Que ce soit en matière de démocratie directe, de fédéralisme, de concordance ou de non-appartenance à l'Union européenne, la Suisse est ainsi un «Sonderfall». La comparaison de son système de gouvernement avec ceux d'autres pays se heurte dès lors rapidement à des limites.

1.6.1.3

Chef de l'Etat

Une autre caractéristique de la Suisse concerne l'organisation de la tête de l'Etat.

Tous les autres pays étudiés connaissent, outre le gouvernement, une institution particulière qui est celle du chef de l'Etat. Cette position peut être assumée par un monarque (en Belgique, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas) ou par un président. En République tchèque, ce président est élu par les Chambres parlementaires réunies; en Allemagne et en Italie, c'est un organe représentatif composé du Parlement et d'autres personnalités qui le désigne. Enfin en France et en Autriche, le président est élu au suffrage universel.

Le chef de l'Etat assume en premier lieu des fonctions cérémonielles et de représentation. Il représente en particulier l'Etat vis-à-vis de l'extérieur. Cette sorte de «politique symbolique» contribue grandement au sentiment d'identité et d'intégration. Mais le succès de cette contribution dépend largement de l'autorité morale et de l'intégrité de la personnalité à laquelle échoit le rôle de chef de l'Etat.

Le chef de l'Etat a des compétences formelles plus ou moins étendues. Il joue dans tous les cas un rôle politique important dans la formation du gouvernement. C'est lui qui nomme le premier ministre et le charge de former un gouvernement, c'est lui aussi, en général, qui nomme et révoque les ministres. Il doit cependant dans les faits respecter certaines conventions, et tenir compte des rapports de force entre les partis politiques en présence. Le véritable pouvoir est aux mains du chef du gouvernement, sauf en France.

Dans les périodes exceptionnelles ou les situations de crise, le chef de l'Etat acquiert une importance particulière. Grâce à son statut élevé, et s'il évite en temps ordinaire de se mêler des querelles politiques quotidiennes, il peut, dans ces périodes, jouer un rôle de médiateur et assurer la continuité. Le rôle du chef de l'Etat ne peut toutefois être partagé entre plusieurs personnes, et il est impossible de n'assumer ce rôle que partiellement. La légitimité du chef de l'Etat n'est assurée que s'il réussit, sur la durée, à rester au-dessus de la mêlée politique.

La Suisse ne connaît pas l'institution du chef de l'Etat occupant une position élevée, séparée du gouvernement. L'ensemble du Conseil fédéral concentre sur lui la fonction du chef de l'Etat et celle du gouvernement. Par
rapport aux autres membres du Conseil fédéral, le président de la Confédération n'est que le primus inter pares, et sa fonction ne peut être que ponctuellement comparée à celle du chef de l'Etat dans les pays de notre étude.

52

Klöti, Ulrich et Von Dosenrode, Sören (1995). Adaptation to European Integration: Changes in the Administration of Four Small States. In: Australian Journal of Public Administration, Vol. 54 (2), p. 273-281.

2011

1.6.1.4

Accords de coalition

A l'exception du Royaume-Uni, tous les pays étudiés sont gouvernés par des coalitions formées par deux partis, ou plus. Sous cet angle, la Suisse ne fait pas exception. Mais dans les autres pays, les coalitions gouvernementales s'appuient sur des accords plus ou moins détaillés et contraignants, qui posent les grandes lignes de la politique à suivre. En Suisse, le Conseil fédéral ne décide des «lignes directrices de la politique gouvernementale» qu'après son élection, et sans procéder à des consultations approfondies auprès des partis représentés au gouvernement. On voit ainsi que le développement des stratégies et la définition des grandes lignes de la politique du gouvernement se fait de manière complètement différente dans les autres pays étudiés, et que les coalitions gouvernementales y ont une autre signification qu'en Suisse.

1.6.1.5

Taille des gouvernements

Les gouvernements des pays étudiés, même des plus petits, comptent bien plus de membres que le Conseil fédéral suisse. La Constitution de la Belgique prévoit que le Conseil des ministres compte au maximum 15 membres. En Autriche, le gouvernement fédéral compte environ 15 ministres, et jusqu'à une demi-douzaine de secrétaires d'Etat. Aux Pays-Bas, la taille du gouvernement est comparable. Dans les grands pays (Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie), on compte toujours au moins 15, mais en règle générale entre 20 et 40 ministres. A ces ministres s'ajoutent en nombres plus ou moins grands des secrétaires d'Etat. L'Italie en compte par exemple plus de 50. Au Royaume-Uni, jusqu'à un tiers des membres du parti majoritaire à la Chambre des communes peut exercer des fonctions au gouvernement.

Comme le nombre total de ministres et secrétaires d'Etat n'est inscrit nulle part avec précision, il peut fortement fluctuer au fil du temps et selon les gouvernements en place. Au cours des années 1990, une légère tendance à la diminution du nombre de membres du gouvernement est apparue, mais elle ne s'est pas encore confirmée partout. Cependant, même avec ces gouvernements plus «sveltes», aucun pays ne s'approche encore, même de loin, d'un gouvernement d'une taille comparable à celui de la Suisse. Partout, le poids des tâches gouvernementales est réparti entre un plus grand nombre de personnes, et aucun pays ne semble en mesure de fonctionner avec un gouvernement comptant nettement moins de 20 personnes dans les deux cercles.

1.6.1.6

Niveaux hiérarchiques

Tous les gouvernements des pays inclus dans la comparaison connaissent une hiérarchisation. Ils comptent tous au moins trois niveaux: le chef du gouvernement, les ministres et les secrétaires d'Etat.

Chefs de gouvernement A la tête de l'exécutif se trouve le chef du gouvernement (premier ministre, président du conseil ou chancelier fédéral). En France, le premier ministre partage le pouvoir avec le président. Ce n'est que pendant les périodes de cohabitation que le 2012

premier ministre acquiert une position aussi forte que celle des chefs de gouvernements des autres pays étudiés. Ces derniers se distinguent tous juridiquement, ou au moins politiquement, des autres membres du gouvernement. Cette position particulière vient d'abord du fait que dans la plupart des systèmes (excepté en Italie et aux Pays-Bas), c'est le premier ministre qui propose ou qui nomme les autres ministres, et qui peut aussi, dans certaines circonstances, les révoquer. Par ailleurs, le premier ministre dirige les séances du conseil des ministres et des délégations les plus importantes. Ils peuvent ainsi exercer une influence déterminante sur l'ordre du jour, voire le fixer eux-mêmes (la France est à cet égard une exception), et sont bien placés pour assumer des tâches de coordination. En règle générale, ils disposent d'un état-major (cabinet, chancellerie, secrétariat) qui les aide à assurer leurs fonctions dirigeantes. Dans la plupart des cas, le chef du gouvernement est en même temps à la tête de son parti, ce qui lui confère une légitimité et une autorité supplémentaires au sein du gouvernement. Qu'ils aient la compétence de déterminer des lignes directrices (p. ex. en Allemagne) ou qu'ils soient simplement le primus inter pares d'un collège gouvernemental (comme en Autriche), les chefs de gouvernement occupent une position particulière qui les distinguent des autres membres du gouvernement. A cause de la personnalisation croissante de la politique, particulièrement en période électorale, mais aussi en raison de sa plus grande visibilité, à l'ère des médias, les chefs de gouvernement ont acquis une importance encore plus grande, aux yeux du public au moins. Avec du charisme et un style personnel, ils peuvent véritablement marquer le gouvernement de leur empreinte. On parle de plus en plus souvent de «government by prime-minister».

Plusieurs gouvernements connaissent aussi l'institution du vice-chef de gouvernement. Il lui incombe de représenter le chef du gouvernement en cas d'indisponibilité, mais sans avoir toutes les compétences de ce dernier. Le vice-chef du gouvernement a une importance particulière dans les gouvernements de coalition, car il représente en principe le ou les plus petits partis de la coalition. Souvent, le vice-chef du gouvernement occupe la fonction de ministre des
affaires étrangères.

Le système de gouvernement suisse ne connaît pas de position comparable à celle de chef du gouvernement telle qu'elle est conçue dans les autres pays sur lesquels porte la comparaison.

Ministres Dans tous les Etats comparés, les ministres forment le cercle intérieur du gouvernement. La description de leur statut diffère d'un pays à l'autre, mais ils constituent partout le gouvernement au sens étroit (conseil des ministres, cabinet). Leur position au sein de ce gouvernement est plus ou moins forte selon les pays. Au RoyaumeUni, le premier ministre se contente de résumer les résultats des discussions; le procès-verbal correspondant fait alors office de décision. En France, en raison des larges pouvoirs conférés au président, les ministres ont une position plus faible. A l'autre extrémité du spectre, en Autriche, le gouvernement prend ses décisions à l'unanimité, ce qui revient à accorder à chaque ministre un droit de veto. Toutes les réglementations formelles semblent cependant mener au développement de procédures permettant de trouver un consensus avant qu'un objet soit traité par le gouvernement en séance plénière. A cet effet, on multiplie les commissions au niveau gouvernemental, et le cabinet ne sanctionne finalement que les projets pour lesquels les procédures préliminaires et les consultations ont permis d'élaborer un compromis acceptable par toutes les parties en présence.

2013

En règle générale, les ministres ont la responsabilité d'un domaine d'activité (ministère, département, division, portefeuille). Dans ce domaine, ils ont la compétence de définir des politiques et de les mettre en oeuvre. Différents gouvernements ont ce qu'on appelle des ministres sans portefeuille, qui sont souvent nommés pour respecter le poids relatif des différents partis d'une coalition. Il n'est ainsi pas rare qu'on leur confie une tâche précise, quoique limitée dans le temps. Dès lors, l'appellation de ministres sans portefeuille est un peu trompeuse. Dans le domaine d'activité qui leur est dévolu, les ministres peuvent avoir des compétences plus ou moins étendues, mais quelles qu'elles soient, il est vraisemblable que les ministres useront de toute la gamme de ces compétences, ce qui renforcera les départements et affaiblira le cabinet.

Les différents ministères n'ont pas tous le même poids, et les ministres qui les dirigent n'ont ainsi pas la même influence politique. Les ministères les plus importants sont ceux des affaires étrangères et des finances. Les chefs des partenaires minoritaires d'une coalition tentent souvent d'occuper ces postes clés.

Le double rôle des ministres, qui sont d'une part membres du cabinet, et d'autre part à la tête d'un ministère, est assez comparable à la situation qui prévaut en Suisse.

Des parallèles peuvent aussi être établis concernant la tendance à faire passer au premier plan les tâches du département, et la vision qui y est rattachée, au détriment du point de vue collectif du gouvernement. Les problèmes de coordination des politiques sectorielles ne se posent ainsi par uniquement en Suisse.

Secrétaires d'Etat Tous les Etats de la comparaison connaissent la possibilité de nommer des secrétaires d'Etat, qui forment le deuxième cercle du gouvernement. Ces secrétaires d'Etat n'ont pas de droit de vote au cabinet, mais ils peuvent en principe assister aux séances lorsqu'y est traité un objet qui relève de leur domaine d'activité. Ils sont adjoints aux ministres, et assument le plus souvent la responsabilité d'une partie du domaine de compétence d'un ministère (p. ex. la politique européenne au ministère des affaires étrangères). Dans ce domaine, ils ont aussi bien la compétence de définir les politiques que de les mettre en oeuvre. Aucun système de
gouvernement ne connaît une division des tâches sur le mode de l'entreprise, où le ministre s'occuperait des questions de stratégie et le secrétaire d'Etat se limiterait aux questions opérationnelles. Les secrétaires d'Etat peuvent représenter les ministres dans les commissions gouvernementales et, en partie, au Parlement. Ils sont liés par les instructions des ministres.

Les secrétaires d'Etat ne sont pas toujours nommés pour décharger les ministres.

Dans les gouvernements de coalition, des postes de secrétaire d'Etat peuvent être créés et attribués pour satisfaire aux exigences d'une juste représentation de tous les partis de la coalition au gouvernement, en fonction de leur poids électoral. En Belgique et en Autriche, ils ont un rôle de «chien de garde»: ils n'appartiennent pas au parti du ministre auquel ils sont adjoints, et ont pour mission de le surveiller pour le compte de l'autre parti de la coalition. Pour les pays de la comparaison, le nombre de secrétaires d'Etat varie entre une demi-douzaine (Autriche) et plus de 50 (Italie).

Dans l'ensemble, on constate que le deuxième cercle du gouvernement peut avoir de multiples fonctions, qui, la plupart du temps, ne sont pas décrites avec précision, et qui peuvent de plus varier au fil du temps et selon les exigences de la coalition au pouvoir. Si l'on compare les secrétaires d'Etat étrangers avec ceux que prévoyait 2014

d'instituer le projet de LOGA rejeté en 1996, les différences de position et de fonctions apparaissent clairement.

Autres distinctions et autres niveaux Concernant le niveau des ministres, deux des pays étudiés connaissent un cabinet restreint et un cabinet élargi. La Belgique a un cabinet restreint, composé du premier ministre et des vices-premiers ministres des autres partis de la coalition au pouvoir (selon la coalition, entre trois et cinq personnes). Avec les ministres (entre dix et douze personnes), ils forment le cabinet (maximum quinze personnes). En Italie, où le nombre de ministres est comparativement assez élevé, un cabinet restreint informel a été institué pour la première fois dans les années 1980. Ce cabinet réunit les chefs des partis de la coalition au pouvoir, ou les ministres les plus importants issus des partis dont les chefs ne font pas partie du gouvernement.

En France et au Royaume-Uni, le gouvernement compte encore d'autres niveaux, en plus des trois déjà cités. La France connaît ainsi l'institution du ministre délégué, qui se situe entre le ministre et le secrétaire d'Etat. En tenant compte du rôle du président, on a ainsi cinq différents niveaux hiérarchiques. A Londres, outre les trois niveaux hiérarchiques classiques, on a encore les sept ministères historiques, ainsi que les «Law Officers».

En résumé, la tendance générale observée dans les grands pays est à une forte différenciation des niveaux hiérarchiques au sein du gouvernement.

1.6.2

Appréciation des systèmes gouvernementaux sous l'angle politique

1.6.2.1

Multiplicité des processus décisionnels

Les processus décisionnels propres aux gouvernements sont caractérisés par une diversité extrême. Aussi est-il difficile d'établir une description et à peine possible de dresser une typologie des réglementations et des usages déterminant qui participe à la prise de décisions, à quel moment et pour quel type de décision, et qui, en définitive, ratifie les décisions prises. L'expérience permet cependant de définir cinq grandes constantes, développées ci-après.

1.6.2.2

Le droit ne reflète que partiellement les réalités politiques

Les dispositions constitutionnelles et les normes des lois fondamentales régissant l'organisation se bornent à fixer les principes généraux auxquels doit obéir le processus décisionnel dans le domaine ressortissant aux exécutifs. Ce cadre, souvent très souple, laisse aux gouvernements et notamment à leurs chefs une latitude considérable dans l'organisation des processus, latitude qu'ils ne se privent d'ailleurs pas d'exploiter. En matière d'organisation, la densité normative constatée en Suisse est supérieure à celle que l'on trouve dans d'autres pays comparables.

2015

1.6.2.3

Les constellations partisanes influent sur les processus de décision

Selon les rapports de forces issus des urnes, les processus décisionnels et la position relative des acteurs qui y participent peuvent prendre des formes très différentes.

Ainsi, en Autriche, le Chancelier a une position plus forte dans un gouvernement monopartite que dans un gouvernement de coalition. Au Royaume-Uni, la portée des réunions du Cabinet est déterminée dans une forte mesure par l'ampleur de la majorité sur laquelle le parti au pouvoir peut s'appuyer ainsi que par le style avec lequel le Premier ministre gouverne le pays. En France, les processus décisionnels prennent une tout autre forme selon que l'on se trouve en période de cohabitation ou dans la situation normale prévue par la Constitution. Dans ce pays, en effet, le président peut même aller jusqu'à renoncer à présider le Conseil des ministres. Quant aux règles adoptées principalement en fonction d'une situation déterminée ­ tel est le cas de la «formule magique» que la Suisse connaît aujourd'hui ­ elles devraient, à la longue, se révéler insatisfaisantes.

1.6.2.4

Les décisions sont préparées aux échelons inférieurs et dans le cadre de procédures de consultation

Dans tous les Etats qui ont fait l'objet de notre analyse, la coordination des positions sur des questions concrètes passe par des mécanismes de consultation aussi variés que multiples entre les ministères, les départements, les sections, etc. Cette concertation prend les formes les plus diverses: avis écrits, conférences, consultations formelles et informelles, au sein de l'administration et dans les milieux politiques, concertation permanente ou de cas en cas, etc. Au cours des phases initiales du processus de décision, la consultation reste limitée aux autorités administratives. Les secrétaires d'Etat et les ministres accordent la préférence à des solutions reposant sur un consensus au niveau administratif. Il résulte de ce qui précède qu'en déléguant des compétences aux échelons inférieurs et en confiant à ceux-ci la préparation de décisions, les gouvernements allègent efficacement leur charge de travail.

1.6.2.5

Les chefs de gouvernement tranchent en période de crise ou lors de controverses partisanes

Il va de soi que les gouvernements ne peuvent compter sur les échelons inférieurs pour trouver des solutions consensuelles à tous les problèmes. En période de crise, ils n'ont d'ailleurs pas le temps d'attendre de telles solutions. Le chef du gouvernement, le cabinet ou encore les ministres sont principalement appelés à intervenir dans le processus de décision lorsque des controverses partisanes apparues au sein de l'administration ou au sein des états-majors n'ont pas permis de dégager un consensus. En pareille situation, il n'est pas rare, dans le cas d'un gouvernement de coalition, qu'il faille renégocier directement les accords avec les organes dirigeants des partis. Il est très difficile de prévoir à l'avance les dossiers qui exigeront une telle renégociation. Les questions qui donnent lieu à controverse n'ont pas toutes une grande portée stratégique. Au contraire, des points pouvant être considérés essentiellement comme des questions de détail (p. ex., un montant à inscrire sous une rubrique budgétaire) sont de nature à provoquer des crises gouvernementales, ce 2016

qui montre bien qu'il n'est guère possible d'appréhender in abstracto ce qui est politiquement important et ce qui ne l'est pas.

1.6.2.6

Les gouvernements sont contraints de naviguer entre la politique au quotidien et la stratégie prospective

L'expérience montre que, souvent, les impératifs de la politique au quotidien empêchent la prospective à long terme. Dans tous les pays analysés, l'essentiel du travail du gouvernement consiste à déceler les problèmes et à leur appliquer des solutions.

Dans ce cadre, le processus ­ décrit plus haut ­ se déroule généralement de bas en haut. On constate, presque toujours, que la politique d'un gouvernement ne prend des dimensions stratégiques d'envergure que lorsque le pays aborde un important tournant. Tel fut le cas de l'Autriche à la fin de l'ère Kreisky, de la France lors de la première cohabitation, de la Grande-Bretagne à l'époque du «thatchérisme», de l'Italie avec l'effondrement du régime des partis suite à la chute de la Democrazia Cristiana, de la Belgique lors de sa transformation en un Etat fédéral, enfin de l'Allemagne avec la réunification. Cependant, aucun gouvernement ne peut, à la longue, parvenir à ses fins s'il ne se fixe des options politiques.

1.6.3

Conclusion

L'examen sous l'angle juridique et politologique de la situation qui règne dans d'autres pays fait ressortir que, comparativement, la Suisse est dotée d'un système gouvernemental qui, sur des points capitaux, se distingue des systèmes en vigueur dans les pays analysés. Notre pays, en effet, n'a pas de chef de l'Etat qui se situe au-dessus du gouvernement. Il ne connaît pas non plus une concentration des pouvoirs entre les mains d'un chef de gouvernement qui peut s'appuyer sur un puissant parti. Dans le cadre des travaux relatifs à la réforme de la direction de l'Etat, on a cependant sciemment renoncé à pousser la réflexion autour d'un large renforcement de la fonction présidentielle, sachant qu'une telle option, compte tenu de la diversité qui caractérise la Suisse, induirait des problèmes d'envergure.

La comparaison internationale à laquelle nous nous sommes livrés montre cependant que la solution adoptée dans le cadre de la réforme de la direction de l'Etat, à savoir le gouvernement à deux cercles, avait des équivalents hors de nos frontières puisque tous les pays analysés ont structuré leurs gouvernements en plusieurs cercles. Au surplus, en disposant d'un minimum de quinze personnes au niveau du cercle extérieur et du cercle intérieur, le pays dont le gouvernement est le moins étoffé bénéficie d'un potentiel nettement plus important que celui qu'offre le système suisse actuel.

2017

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire des différentes dispositions législatives

2.1.1

Institutionnalisation du gouvernement à deux cercles sur le plan constitutionnel (art. 174, al. 2 et 3, Cst.)

S'agissant de la nécessité de modifier la Constitution, cf. ch. 7.3.

Le titre 5 Cst., consacré aux autorités fédérales règle, en son chapitre 3, l'organisation, la procédure et les compétences du Conseil fédéral et de l'administration fédérale. L'art. 174 Cst. définit le Conseil fédéral comme l'autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération. La réforme du gouvernement exige l'adjonction à cette disposition d'un al. qui habilite le Conseil fédéral à confier une partie des tâches gouvernementales à des ministres délégués. L'institution des ministres délégués ne vise pas à renforcer l'appareil départemental, mais à permettre aux membres du Conseil fédéral de mieux exercer leur responsabilité politique globale dans la direction de l'Etat.

Le fait que le Conseil fédéral confie certaines tâches gouvernementales (art.174, al. 2) aux ministres délégués traduit bien le fait que ces personnes ne sont pas des membres de l'administration fédérale chargés de tâches spéciales, mais bien des membres du gouvernement. Aussi se distinguent-ils clairement de hauts fonctionnaires tels que les secrétaires d'Etat ou les directeurs d'office.

La formule «certaines tâches gouvernementales» fait ressortir le fait qu'il n'est pas question d'instaurer une délégation générale des tâches, mais bien plutôt de confier aux ministres délégués la responsabilité d'un secteur d'activité précis et bien délimité. Cette disposition vise essentiellement à permettre au Conseil fédéral de mieux se concentrer sur la conduite de l'Etat, ainsi qu'à augmenter la flexibilité et les compétences techniques du gouvernement (cf. ch. 1.3).

Le Conseil fédéral, qui dispose seul de compétences décisionnelles, demeure l'élément central du gouvernement. Les ministres délégués, même s'ils jouissent du statut de membres du gouvernement n'ont pas le droit de vote dans les affaires gouvernementales parce qu'ils n'assument qu'une coresponsabilité politique dans les secteurs dont ils ont la charge, et non la responsabilité politique globale des affaires.

Ensemble, le Conseil fédéral et les ministres délégués constituent le Gouvernement fédéral (al. 3).

2.1.2

Autres modifications de la Constitution

Immunité (art. 162, al. 1) L'art. 162 Cst. règle les questions d'immunité. Son al. 1 énumère de manière exhaustive les personnes qui n'encourent aucune responsabilité juridique pour les propos qu'elles tiennent devant les conseils législatifs et leurs organes. Il s'agit des membres de l'Assemblée fédérale et des magistrats, à savoir les conseillers fédéraux ainsi que le chancelier de la Confédération. Il est indubitable qu'en leur qualité de membres du Gouvernement fédéral, les ministres délégués font également partie des magistrats, quand bien même, à la différence des conseillers fédéraux et du chancelier de la Confédération, ils ne sont pas élus par le Parlement. Ils ont pourtant besoin de la même protection que ces personnes pour exercer leur activité gouvernemen2018

tale, d'où la nécessité de ne pas leur conférer l'immunité par une simple norme du degré législatif (ce que permettrait l'al. 2 de l'art. 162 Cst.), mais, par souci de transparence, de les inclure dans l'énumération établie au niveau constitutionnel.

Nomination des ministres délégués (art. 175, al. 4 et 5) Ad al. 4: L'autorité de nomination est le Conseil fédéral. La position que sont censés occuper les ministres délégués exige, toutefois, qu'il y ait un étroit rapport de confiance entre le membre du Conseil fédéral et le ministre délégué qui lui est adjoint.

La meilleure façon de parvenir à une telle situation est de permettre aux membres du Conseil fédéral de proposer au collège la nomination de personnes de leur choix.

Etant donné le nécessaire rapport de confiance qui vient d'être évoqué, la durée du mandat d'un ministre délégué dépendra de facto de celle des fonctions du membre du Conseil fédéral auquel il sera adjoint. Le Conseil fédéral a la compétence non seulement de nommer les ministres délégués mais encore, au besoin, de les révoquer. En règle générale, ils sont nommés immédiatement après le renouvellement intégral du Conseil fédéral et pour une législature; en cas de vacance à la tête d'un département au cours d'une législature, la nomination est valable pour le reste de la période. L'Assemblée fédérale confirme la nomination des ministres délégués. Elle le fait en bloc après chaque renouvellement intégral du Conseil fédéral et individuellement dans tous les autres cas. Le fait que la nomination des ministres délégués doive être confirmée par l'Assemblée fédérale confère à ceux-ci une légitimation accrue. Le contenu matériel de l'actuel al. 4 est repris de l'al. 5 (cf. également les considérations figurant au ch. 1.1.4).

Ad al. 5: Les diverses régions et communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au sein du Gouvernement fédéral. Aussi l'al. 5 mentionne-t-il non seulement le Conseil fédéral mais aussi les ministres délégués.

Principe de l'autorité collégiale et division en départements (art. 177, al. 2) Le principe de l'autorité collégiale est maintenu; en d'autres termes, le Conseil fédéral continuera de statuer à titre de collège gouvernemental. En ce qui concerne la préparation et l'exécution des décisions, les affaires du Conseil fédéral ne seront plus
seulement réparties par département entre ses membres mais encore entre les ministres délégués. Cette disposition met en relief que les nouveaux membres du gouvernement ont la charge de secteurs d'activité bien déterminés. Dans le cadre qui leur est imparti, les ministres délégués règlent les affaires en toute autonomie ce qui implique qu'ils disposent des compétences décisionnelles nécessaires. Quand bien même les ministres délégués ne sont pas mentionnés à l'art. 177, al. 3, Cst., cette disposition qui est la base constitutionnelle de l'art. 47 LOGA, leur est applicable.

Statut de la Chancellerie fédérale (art. 179) La Chancellerie fédérale est l'état-major du Gouvernement fédéral et non plus seulement du Conseil fédéral. Sur ce point, il y a lieu de modifier l'art. 179.

2019

2.1.3

Modification de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)

La LOGA53 contient les dispositions qui régissent l'organisation du gouvernement et de l'administration et précisent le statut du Gouvernement fédéral, organe de l'Etat, par rapport aux autres autorités fédérales. Elle définit, en outre, les attributions du gouvernement et les autres fonctions de l'exécutif (compétences normatives, direction de l'administration, exécution de la législation et attributions juridictionnelles, information). Sous l'angle de la technique législative, cette loi est donc au centre de la réforme du gouvernement. Toutefois, il n'y a pas lieu d'en modifier la systématique.

Sur le fond, les modifications essentielles ont trait à la définition du Gouvernement fédéral ainsi qu'au statut et à la fonction des ministres délégués en leur qualité de membres du gouvernement (art. 1, 4, 18 et 24a à 24g). Nombre d'autres modifications ont, en revanche, un caractère plutôt formel. Ainsi de nombreuses dispositions doivent être retouchées de manière à concerner l'ensemble des membres du gouvernement, donc également les ministres délégués.

Gouvernement fédéral (art. 1) Al. 1: L'art. 1 est l'application des art. 174 et 175, al. 1, Cst. Il définit le statut du gouvernement fédéral au regard du droit constitutionnel ainsi que sa composition.

L'al. 1 reprend la teneur des actuels al. 1 et 2, sans la modifier.

L'al. 2 statue que chaque département dispose d'un ministre délégué, ce qui permettra à la fois de conférer plus de souplesse au fonctionnement du gouvernement et d'augmenter les capacités des chefs de département. Les ministres délégués assument des tâches gouvernementales. Leur cahier des charges est établi par le Conseil fédéral (cf. art. 24g, al. 1).

Al. 3: Selon la conception qui sous-tend la réforme, le gouvernement sera élargi puisque aux sept conseillers fédéraux actuels s'ajouteront des ministres délégués (pour les raisons de cet élargissement, cf. ch. 1.3).

Aux termes de l'al. 4, le chancelier de la Confédération assistera dorénavant non seulement les membres du Conseil fédéral, mais encore les ministres délégués.

L'instauration du gouvernement à deux cercles se traduira par un accroissement des exigences posées à la Chancellerie fédérale. Même si, en principe, elle gardera ses fonctions actuelles, il est prévisible qu'elle doive faire face à un accroissement de ses tâches,
notamment en ce qui concerne la coordination interdépartementale, l'information et la communication, ainsi que la planification et le suivi des séances du Gouvernement fédéral. Le Conseil fédéral estime que la Chancellerie fédérale doit être en mesure de s'acquitter des charges supplémentaires susmentionnées avec les ressources humaines et logistiques dont elle dispose aujourd'hui. Il ne s'impose donc pas de prévoir des réaménagements organisationnels ou fonctionnels d'envergure.

Responsabilité politique (art. 4) Le Conseil fédéral continuera d'assumer collégialement la responsabilité politique globale de l'exercice des fonctions gouvernementales. Toutefois, en leur qualité de 53

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010

2020

membres du Gouvernement, les ministres délégués seront politiquement coresponsables à l'égard de l'Assemblée fédérale et de l'opinion publique. Chaque ministre délégué répond devant le conseiller fédéral compétent de l'accomplissement des tâches qu'il lui a confiées, et devant l'ensemble du Conseil fédéral, s'il s'agit d'activités qui ressortissent aux objectifs fixés par le collège. Les ministres délégués sont coresponsables dans les domaines de leur ressort.

Information et relations publiques (déplacement des actuels art. 10, 10a et 11) L'institution des ministres délégués nécessite d'introduire dans la LOGA un chapitre spécifiquement consacré au Gouvernement fédéral. Comme l'information et les relations publiques sont des tâches qui incombent également aux ministres délégués et que le porte-parole du Gouvernement s'exprime toujours au nom de Conseil fédéral, les actuels art. 10, 10a et 11 sont intégrés dans ce nouveau chapitre où ils portent les numéros 24c, 24d et 24e.

Séances du Conseil fédéral: présidence et participants (art. 18, al. 1bis) Les membres du Conseil fédéral se réunissent à intervalles réguliers. Un ministre délégué peut prendre part à ces séances lorsqu'un objet qui relève de son secteur d'activité est inscrit à l'ordre du jour et que le Conseil fédéral estime utile qu'il soit présent. En pareille occurrence, les ministres délégués n'ont pas de droit de vote et ne jouissent pas du droit de faire des propositions. Les décisions sont prises collégialement par le Conseil fédéral.

L'élargissement du cercle des personnes participant aux séances du Conseil fédéral permet d'éviter que les membres de celui-ci étudient à fond chaque dossier. Il s'agit de tirer parti des compétences techniques des ministres délégués. Ceux-ci pourront émettre sur des objets spécifiques, à chaque étape du processus décisionnel, un avis d'ordre politique et non seulement un point de vue de stricte technique administrative. Inversement, ils auront connaissance «en direct» de l'ensemble des arguments développés par les membres du Conseil fédéral. Les ministres délégués mettent leurs compétences techniques au service du gouvernement et déchargent le chef de département auquel ils sont adjoints lors de la préparation des séances. Par ailleurs, il importe que la Chancellerie fédérale ­ de concert avec la
présidence de la Confédération ­ garantisse un mode de délibération et de décision efficace et axé sur les objectifs fixés.

Les membres du Conseil fédéral et les ministres délégués tiennent séance du Gouvernement fédéral aussi souvent que les affaires l'exigent (cf. art. 24a ci-dessous).

Nouveau chapitre: le gouvernement fédéral Délibérations du Gouvernement fédéral (art. 24a) Les deux cercles prennent part aux séances du Gouvernement fédéral. La participation des ministres délégués contribue dans une notable mesure à légitimer leur statut de membres du gouvernement. Aussi le mode de participation des ministres délégués aux séance du Gouvernement constitue-il l'une des questions-clef que pose la réforme de celui-ci. Les ministres délégués prennent part aux délibérations avec voix consultative. Ils peuvent faire des propositions relatives aux affaires de leur ressort.

En règle générale, les ministres délégués qui participent aux séances du Conseil fédéral sont ceux qui sont spécialement concernés par des objets inscrits à l'ordre du jour (cf. art. 18, al. 1bis). En revanche, la participation de tous est nécessaire lorsque le Conseil fédéral examine et prend des décisions de principe sur des dossiers 2021

«trans-départementaux». Ainsi qu'il le fait pour les séances du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération assiste toujours aux séances du Gouvernement et jouit également du droit de faire des propositions concernant les affaires qui sont du ressort de la Chancellerie fédérale.

Les objets ordinaires, auxquels est consacrée la majeure partie des délibérations gouvernementales doivent être traités en cercle élargi (séance du Gouvernement fédéral). En revanche, les affaires particulièrement sensibles, telles que des nominations ou des dossiers exigeant que le Conseil fédéral clarifie politiquement sa position (arbitrages), devront pouvoir être traitées en cercle restreint (séances du Conseil fédéral).

L'accroissement de l'effectif des membres du Gouvernement ne doit pas casser la dynamique de groupe qui empreint les délibérations du Conseil fédéral et donne toute satisfaction. Il importe que les membres du Conseil fédéral puissent continuer d'exprimer librement leur point de vue sur les dossiers politiquement sensibles ou prêtant à controverse; chaque membre du Conseil fédéral doit donc pouvoir, en tout temps, proposer des délibérations en cercle restreint. Le principe de la collégialité, élément central du système gouvernemental suisse, doit être préservé même si l'on passe à un système de gouvernement à deux cercles, car il a fait ses preuves.

Par ailleurs, il y a lieu de noter que le système de gouvernement à deux cercles exige une certaine ouverture des séances du Conseil fédéral et que l'élargissement du Gouvernement devrait avoir pour tendance non pas d'affaiblir mais de consolider le principe de la collégialité puisqu'il aura pour effet d'accroître la marge de manoeuvre du Conseil fédéral et, partant, de renforcer la direction politique de l'Etat. La conception du Gouvernement à deux cercles n'est pas non plus en contradiction avec la tendance qu'a l'économie privée de réduire l'effectif des organes de direction, puisque le Conseil fédéral demeurera le seul organe décisionnel (les ministres délégués n'ont pas de droit de vote). En l'occurrence, il est primordial que les ministres délégués soient des personnes en lesquelles les membres du Conseil fédéral peuvent avoir toute confiance et qui fassent montre de loyauté non seulement envers le chef du département auquel ils sont adjoints,
mais encore à l'égard de l'ensemble du collège que constitue le Conseil fédéral. Eux aussi seront tenus de respecter le secret des délibérations.

Délégations (art. 24b) Le Conseil fédéral pourra ­ et c'est là une innovation ­ constituer des délégations au sein desquelles des ministres délégués seront représentés. Il restera bien entendu possible de constituer des délégations composées exclusivement de membres du Conseil fédéral.

Information et relations publiques (art. 24c à 24e) Cf. les explications ci-dessus relatives aux actuels art. 10, 10a et 11.

Nouveau chapitre: les ministres délégués Le nouveau chapitre consacré aux ministres délégués règle leur nomination (art. 24f) et leurs fonctions (art. 24g).

Nomination des ministres délégués (art. 24f) Les ministres délégués sont nommés par le Conseil fédéral sur proposition du chef de département compétent (al. 1). Entretenant des rapports de confiance étroits avec 2022

le chef de département auquel il est adjoint, le ministre délégué est l'interlocuteur privilégié de celui-ci pour les questions touchant la direction du département, en ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre de la politique départementale ainsi que pour la préparation des affaires du Conseil fédéral. Son élection ainsi que la confirmation de son élection par l'Assemblée fédérale s'effectue en règle générale après l'élection des conseillers fédéraux, pour une période de quatre ans. La nomination des ministres délégués est soumise en bloc à la confirmation de l'Assemblée fédérale (al. 2). En cas de vacance à la tête d'un département au cours d'une législature, il est nommé pour le reste de cette période. Dans ce cas, l'Assemblée fédérale confirme la nomination de manière individuelle. A l'instar de la nomination, la révocation avant terme est prononcée par le Conseil fédéral sur proposition de celui ou de celle de ses membres qui est compétent (cf. al. 3).

Les ministres délégués sont donc désignés par une autorité différente de celle qui procède à l'élection du chancelier de la Confédération (Assemblée fédérale, art. 168, al. 1, Cst.). Toutefois, en raison de la confiance qui doit régner entre les Conseillers fédéraux et les ministres délégués, et des rapports très étroits qu'ils doivent entretenir, il est nécessaire que les ministres délégués soient nommés par le Conseil fédéral; il en va différemment du chancelier de la Confédération qui est appelé à diriger l'état-major du gouvernement. Cela explique également que les fonctions des ministres délégués prennent fin lorsque le chef de département auquel ils ont été adjoints change de département ou quitte le Conseil fédéral (al. 4).

Fonctions des ministres délégués (art. 24g) Al. 1:Le Conseil fédéral, sur proposition d'un chef de département, définit dans une ordonnance d'organisation les secteurs d'activité dont la responsabilité est confiée à ce ministre pour une législature. Cette définition s'accompagne de la fixation des objectifs politiques que les ministres délégués sont tenus de respecter dans le cadre de leur action gouvernementale. L'attribution de compétence pour des secteurs d'activité bien délimités permet, en outre, une répartition claire et transparente des responsabilités. Il est également envisageable de confier à un
ministre délégué des tâches «trans-départementales» si le besoin s'en fait réellement sentir. Dans l'accomplissement des tâches prévues dans leur cahier des charges, les ministres délégués jouissent de l'indépendance qui convient pour l'exercice d'une fonction gouvernementale.

Al. 2: Les ministres délégués peuvent représenter le Gouvernement fédéral tant en Suisse (p. ex., dans le cadre des relations avec les gouvernements cantonaux) qu'à l'étranger. Ils sont également des interlocuteurs pour le public.

Direction et principes de direction (art. 35, 36 et 38) Dans le cadre des dispositions consacrées à la direction de l'administration fédérale et aux principes de direction, il y a lieu de mentionner, au titre des organes assumant cette direction, non seulement le Conseil fédéral mais encore les ministres délégués.

Art. 35, al. 1: En leur qualité de membres du gouvernement, les ministres délégués assument des tâches de direction dans le secteur d'activité qui leur a été attribué. Ils dirigent l'administration fédérale avec le Conseil fédéral et les chefs de département.

Art. 36, al. 1: Les relations entre le Conseil fédéral et les chefs de département, d'une part, et l'administration fédérale, d'autre part, sont régies par les principes de direction énoncés à l'art. 36. Les ministres délégués doivent appliquer les mêmes principes dans la conduite des unités administratives qui leur sont subordonnées.

2023

Art. 38, al. 2: Les ministres délégués doivent disposer des mêmes instruments de direction que les chefs de département, en particulier d'un droit illimité de donner des instructions et d'exercer un contrôle.

Infrastructure (art. 39 et 42, al. 5) La réforme de la direction de l'Etat ne doit pas entraîner un accroissement de l'appareil administratif. Les ministres délégués assument des tâches gouvernementales et non administratives. Ils n'ont donc besoin que d'une infrastructure minimale. A l'instar des membres du Conseil fédéral, ils doivent pouvoir engager des collaborateurs personnels (art. 39). Pour les services dont ils ont besoin, ils doivent pouvoir bénéficier de l'assistance des secrétariats généraux (art. 42, al. 5).

Enfin, ils pourront demander le concours des offices.

Secrétaires d'Etat (art. 46) D'une manière générale, l'institution de ministres délégués rend superflue la nomination de secrétaires d'Etat dans le cadre des relations avec l'étranger. Une telle nomination ne sera donc plus nécessaire que dans des cas exceptionnels et qu'à titre temporaire. On renoncera donc à nommer des secrétaires d'Etat permanents, d'où la formulation plus restrictive introduite à l'art. 46.

Les ministres délégués, autorité décisionnelle (art. 47 à 50) Les ministres délégués sont des «décideurs». Afin qu'ils puissent, en leur qualité de magistrats, exercer leur pouvoir décisionnel dans le secteur dont ils assument la responsabilité, ils doivent être dotés des compétences nécessaires, d'où les modifications préconisées aux art. 47 à 50.

Art. 47: Sous l'empire du droit en vigueur, une affaire ressortit, selon son importance, au Conseil fédéral, à un chef de département ou a un directeur de groupement ou d'office. A cette liste de décideurs, il convient d'ajouter le ministre délégué (al. 1). Les modalités sont réglées au niveau de l'ordonnance (cf. al. 1bis et 2).

Art. 48, al. 1: Le Conseil fédéral peut déléguer la compétence d'édicter des règles de droit non seulement aux départements mais encore, s'agissant des domaines de leur ressort, aux ministres délégués. Le fait que, sous cet angle, les ministres délégués jouissent du même statut que les chefs de département est le corollaire de leur appartenance au Gouvernement fédéral.

Art. 49, al. 1, phrase introductive: A l'instar des chefs de département,
les ministres délégués doivent, dans les domaines de leur ressort, pouvoir conférer aux personnes énumérées aux let. a à c la compétence de signer certains documents en leur nom.

Art. 50, al. 2: Dans les relations avec les gouvernements des cantons, les ministres délégués représentent eux aussi la Confédération, en qualité de membres du gouvernement. Ils sont les interlocuteurs des cantons pour les affaires ressortissant à leur domaine de compétence.

Conférence des responsables de l'information (art. 54) Le titre actuel de «porte-parole du Conseil fédéral» étant trop restrictif dès lors que l'on instaure un gouvernement à deux cercles, il convient de le transformer en «porte-parole du Gouvernement».

2024

Autres organes permanents d'état-major, de planification et de coordination (art. 55) Comme le Conseil fédéral et les départements, les ministres délégués doivent pouvoir instituer des organes permanents chargés de tâches d'état-major, de planification et de coordination. Il convient donc de le prévoir expressément à l'art. 55.

Résidence, incompatibilités (art. 59 à 61) S'agissant du lieu de résidence et des incompatibilités à raison de la fonction et de la parenté, les ministres délégués doivent être traités de la même manière que les membres du Conseil fédéral et le chancelier de la Confédération. Aussi, le champ d'application à raison des personnes des art. 59 à 61 est-il étendu aux ministres délégués. Par la même occasion, le libellé de l'art. 61 est harmonisé avec celui de l'art. 8 du projet de loi fédérale sur le Tribunal fédéral54 et son champ d'application étendu du même coup aux personnes vivant en concubinage.

Immunité (art. 61a)55 L'art. 61a règle l'immunité des membres du Conseil fédéral ainsi que du chancelier de la Confédération. Les ministres délégués doivent être soumis au même régime que ces magistrats (art. 61a, al. 1 et 5). En conséquence, pendant la durée de son mandat, un ministre délégué ne pourra faire l'objet d'une procédure pénale pour un crime ou un délit qui n'a pas trait à l'exercice de son activité officielle qu'à condition qu'il y ait consenti par écrit ou que le Conseil fédéral ait donné son autorisation.

Modifications formelles Dans un certain nombre de dispositions, il convient de remplacer le terme de «Conseil fédéral» par celui de «Gouvernement fédéral» ou de «gouvernement» parce que les normes en question valent pour l'ensemble du gouvernement et non plus seulement pour le Conseil fédéral, en tant qu'autorité collégiale, ou ses membres.

Ces adaptations formelles doivent être apportées aux art. 3, al. 1, 5, 10 (art. 24c nouveau), 10a (art. 24d nouveau), 11 (art. 24e nouveau), 25, al. 1 et 2, let. a à c, art.

28, art. 30, al. 1 et 2, let. a, art. 32, let. a à c et f, 34, al. 2, 52, 59, 60, al. 1 et 3, et 61, al. 1 et 2.

2.1.4

Modification d'autres actes législatifs

S'agissant des ministres délégués, il convient, en outre, de régler les questions suivantes: possibilité de faire l'objet de poursuites pénales, responsabilité au regard du droit privé et du droit pénal, et enfin rémunération. La réforme du gouvernement exige donc que l'on modifie la loi sur les garanties politiques56, la loi sur la

54 55

56

FF 2001 4281 Cette modification se réfère à la loi sur le Parlement. Elle ne sera proposée que si cette loi a déjà été adoptée par celui-ci dans la teneur retenue par la Commission des institutions politiques du Conseil national. Si tel n'est pas le cas, le Conseil fédéral proposera d'adapter les art. 4 et 8 de la loi sur les garanties politiques.

RS 170.21

2025

responsabilité57, la loi sur le personnel de la Confédération58, ainsi que certaines dispositions concernant le traitement des magistrats.

Immunité (art. 4 et 8 de la loi sur les garanties politiques)59 Art. 4, al. 1: L'immunité des membres du Conseil fédéral, du chancelier de la Confédération ainsi que des représentants ou commissaires fédéraux est réglée dans la loi sur les garanties politiques. Sur ce plan, les ministres délégués doivent être soumis au même régime que ce groupe de personnes. En conséquence, ils ne pourront être recherchés ou poursuivis pour des crimes ou des délits ayant trait à l'exercice de leurs fonctions officielles qu'à la condition qu'ils y aient consenti ou que le Conseil fédéral ait donné son autorisation.

Art. 8, al. 1: Les crimes et délits contre la vie, l'intégrité corporelle et contre la liberté commis sur la personne de magistrats, dont feront dorénavant partie les ministres délégués, relèvent de la juridiction fédérale.

Responsabilité (art. 1 et 2 de la loi sur la responsabilité) Art. 1, al. 1, let. b: Les ministres délégués sont des membres du Gouvernement. Ils doivent donc être soumis à la loi sur la responsabilité, à l'instar des conseillers fédéraux, du chancelier de la Confédération ainsi que des membres du Tribunal fédéral.

Art. 2, al. 2: Ils n'encourent ­ ni du point de vue du droit privé ni sous l'angle pénal ­ aucune responsabilité pour les opinions qu'ils émettent au sein de l'Assemblée fédérale ou de ses organes60. Cette règle vaut, d'ores et déjà, pour les membres du Conseil fédéral. L'innovation consiste donc à ajouter à la liste des personnes bénéficiant de l'immunité les ministres délégués ainsi que le Chancelier de la Confédération. En leur qualité de membres du Gouvernement, les ministres délégués seront en effet appelés à défendre les projets gouvernementaux devant les deux conseils législatifs et leurs commissions. Il est donc normal qu'ils bénéficient, eux aussi, de l'immunité. L'art. 162, al. 2, de la Constitution prévoit d'ailleurs expressément que «la loi peut étendre l'immunité à d'autres personnes».

Champ d'application de la loi sur le personnel de la Confédération A l'instar des personnes élues par l'Assemblée fédérale, les ministres délégués doivent être exclus du champ d'application de la loi sur le personnel fédéral car ils ont le
statut de magistrat et ne sont pas membres de l'administration fédérale. Il y a donc lieu de compléter comme il se doit la liste des exceptions figurant à l'art. 2, al. 2, de la loi sur le personnel fédéral.

57 58 59

60

RS 170.32 RS 172.220.1 Cette proposition de modification ne vaut que pour autant que la loi sur le Parlement n'ait pas encore été adoptée (cf. les propositions que contient le projet de cette loi de compléter la LOGA par un art. 61a et le code pénal à l'art. 340).

Cf. les considérations émises par Jean-François Aubert ad art. 71 aCst. (no 89) dans le Commentaire de la Constitution. Aujourd'hui, l'immunité est expressément réglée par la Constitution (art.162 Cst.).

2026

Loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral (art. 29, let. c) Dans l'exercice de leurs fonctions, les ministres délégués sont appelés à rendre des décisions. Ces décisions doivent être sujettes à recours. Il importe donc de modifier en conséquence le projet de loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral61.

Traitements des ministres délégués (réglementation au niveau de la loi) La rémunération des magistrats est réglée dans les grandes lignes par la loi fédérale du 6 octobre 1989 concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats62. L'art. 1 définit le cercle des magistrats. Les personnes qui en font actuellement partie ont ceci de commun qu'elles sont élues par l'Assemblée fédérale. Quand bien même les ministres délégués ne satisfont pas à ce critère formel (le Parlement se borne à confirmer leur nomination), elles doivent figurer dans l'énumération des magistrats à l'art. 1. En leur qualité de membres du Gouvernement, ils ne sont, en effet, pas soumis à la loi sur le personnel de la Confédération63.

Art. 2: En leur qualité de membres du Gouvernement, les ministres délégués doivent, à l'instar des membres du Conseil fédéral et du chancelier de la Confédération, disposer d'un crédit destiné à couvrir leurs frais de représentation. Le montant de ce crédit sera, en principe, quelque peu inférieur à celui dont bénéficient les chefs de département puisque les ministres délégués représenteront le Gouvernement fédéral dans un nombre plus restreint de secteurs.

Traitements des ministres délégués (réglementation au niveau de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale) L'arrêté fédéral du 6 cotobre 1989 concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats64 fixe les modalités de rémunération de ces personnes. Dans son message du 15 juin 200165, le Conseil fédéral a annoncé que ce texte législatif serait transformé en ordonnance de l'Assemblée fédérale puis révisé. La réforme du Gouvernement implique quelques modifications supplémentaires.

Art. 1a, let. a: Le statut et la responsabilité des ministres délégués sont comparables à celles du chancelier de la Confédération. Objectivement parlant, il serait donc difficilement justifiable de rémunérer les premiers et les seconds selon des barèmes différents. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral
propose d'octroyer aux ministres délégués un traitement équivalent à celui du chancelier de la Confédération. Le traitement annuel du chancelier de la Confédération s'élève à 81,6 % du traitement prévu pour les membres du Conseil fédéral, ce qui représente actuellement 327 039 francs66.

61 62 63 64 65 66

Dans la teneur du message du Conseil fédéral du 28 février 2001; FF 2001 4339 RS 172.121 RS 172.220.1, art. 2 RS 172.121.1 FF 2001 3689 Dans la teneur du message du 15 juin 2001; FF 2001 3694.

2027

2.1.5

Présentation simultanée des nouvelles normes constitutionnelles et des modifications législatives

Par le présent message, le Conseil fédéral soumet simultanément au Parlement les modifications constitutionnelles et législatives qu'implique la réforme du gouvernement. La teneur de ces nouvelles dispositions est coordonnée. Toutefois, eu égard au fait que les règles du référendum varient selon que la norme est de degré constitutionnel ou législatif, il est nécessaire de prendre des précautions particulières.

Tout d'abord, il serait concevable d'adopter au niveau de la loi une clause stipulant que les modifications législatives n'entreront en vigueur qu'à la condition que le peuple et les cantons aient accepté les nouvelles normes constitutionnelles proposées. Cette solution présente l'inconvénient d'obliger les éventuels adversaires de la réforme à recueillir des signatures en vue d'un référendum contre les modifications législatives, à un moment où l'on ne connaît pas encore le sort qui aura été réservé aux normes constitutionnelles lors du scrutin.

La deuxième solution consiste à ne publier les modifications législatives adoptées par le Parlement qu'après que les modifications constitutionnelles ont été acceptées en votation populaire et, par voie de conséquence, à faire courir le délai référendaire à compter de la date de la publication. Cette solution présente toutefois un risque dont on peut s'accommoder: celui de devoir organiser deux scrutins populaires sur le même thème dans l'hypothèse où un référendum aboutirait.

Le Conseil fédéral opte néanmoins pour cette solution, car il estime peu probable qu'un référendum lancé contre les modifications législatives aboutisse après que les nouvelles dispositions constitutionnelles aient été acceptées en votation populaire.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.1

Pour la Confédération

La réforme de la direction de l'Etat entraîne la création de nouveaux postes, qui coûteront de 10 à 15 millions de francs par an. Dans ces coûts sont compris les traitements, les charges sociales, les retraites et les indemnités, les frais de représentation, des frais de voyages et les frais effectifs, ainsi que les frais pour les places de travail des ministres délégués, de même que les frais correspondants des états-majors (collaborateurs personnels, personnel de secrétariat).

3.2

Pour les cantons et les communes

L'instauration du système de Gouvernement à deux cercles ne devrait pas occasionner de coûts supplémentaires aux cantons ni aux communes.

2028

4

Programme de la législature

«Renforcement de la capacité d'action de l'Etat et administration davantage à l'écoute des citoyens»: tel est le libellé de l'objectif 9 du Programme de la législature 1999­2003 (sous R19, Réforme de la direction de l'Etat et poursuite de la réforme de l'administration, et à l'annexe 2, paragraphe 2.6, Institutions de l'Etat, rubrique «Objets des Grandes lignes»; FF 2000 2189 et 2228).

5

Classement d'interventions parlementaires

En 1991, le groupe radical a déposé une motion (M 90.435) concernant la réforme du gouvernement. Il demande au Conseil fédéral d'entreprendre sans tarder ladite réforme et de mettre en chantier les révisions constitutionnelles et législatives nécessaires à décharger le Conseil fédéral. Dans le cadre du présent message, le Conseil fédéral soumet au Parlement des propositions qui répondent aux préoccupations essentielles des auteurs de la motion. La motion est ainsi réalisée.

Par la motion Kühne 90.401 «Conseil fédéral, Renforcement de l'autorité politique» ainsi que par la motion du même auteur 96.3252 «Renforcement du rôle politique du Conseil fédéral», transformée en postulat, le Conseil fédéral est chargé d'élaborer ­ ou d'envisager d'élaborer ­ un projet qui augmente le nombre de conseillers fédéraux et qui renforce le statut du président de la Confédération. La motion Bonny 97.3209 «Position et compétence du Président de la Confédération» demande également au Conseil fédéral d'élaborer un projet qui renforce la position et les compétences du Conseil fédéral. La motion Schmid 94.3448, transformée en postulat, demande elle aussi une augmentation du nombre des conseillers fédéraux. Le Conseil fédéral a examiné ces propositions de manière approfondie (cf. ch. 1.4.2 et 1.5.3.6 ci-dessus). Il est arrivé à la conclusion que, plutôt que de recourir à ces mesures, d'autres instruments étaient plus appropriées pour combler les carences constatées. L'objectif premier d'un gouvernement efficace peut ainsi être atteint par ce biais, ce qui justifie le classement des ces interventions. La motion Grendelmeier 96.3269 «Réforme du gouvernement dans la révision totale de la constitution», transformée en postulat, et qui avait pour objet l'élaboration de dispositions normatives sur la base des modèles établis par le GSDC dans les années nonante (cf. ch.

1.5.3.1 et 1.5.3.2), peut également être classée.

Le Parlement a chargé le Conseil fédéral, par le postulat 97.3188 «Réforme du gouvernement jusqu'à fin 1998», de lui soumettre avant fin 1998 un projet de réforme au niveau constitutionnel. La réforme de la constitution, adoptée en votation le 18 avril 1999, a déjà apporté quelques petites améliorations dans le fonctionnement des rapports entre le gouvernement et le Parlement. Le présent projet répond aux attentes
non encore satisfaites du postulat.

Enfin, le Conseil national a transmis un postulat 00.3189 «Réforme de la direction de l'Etat», dans lequel il charge le Conseil fédéral de soumettre, dans un certain délai, un projet de message sur la réforme de la direction de l'Etat. Le Conseil fédéral satisfait ainsi à cette exigence.

2029

6

Relations avec le droit international public et le droit européen

Ni le droit international public ni le droit européen ne posent d'exigences ni même ne fournissent d'indications quant à la teneur à donner aux dispositions législatives visant à réformer la direction de l'Etat sur le plan suisse. Au contraire, aussi longtemps que la composition et les formes de l'action d'un gouvernement national obéissent à des principes démocratiques ainsi qu'aux valeurs qui fondent l'Etat de droit et que la protection des droits fondamentaux et des droits de l'homme est garantie67, on admet que l'Etat est libre de se doter des structures qui lui conviennent. C'est d'ailleurs dans cet esprit que l'art. 26 CV68 se borne à poser le principe pacta sunt servanda, qui oblige les parties à un traité à exécuter celui-ci, sans préciser le mode selon lequel cette exécution doit être organisée sur le plan national.

Il convient également de relever que la tendance au développement de différentes formes de coopération et d'intégration, tant au niveau mondial que sur le plan européen, représente un phénomène qui découle de la globalisation et qui oblige les Etats à relever des défis nouveaux et complexes. Dans ce cadre, il incombe principalement aux gouvernements nationaux et aux autorités administratives de participer à la préparation et à la négociation de réglementations internationales opérations qui souvent, prennent beaucoup de temps, sans parler des travaux que nécessite la transposition de ces réglementations dans le droit national. Pour que la Suisse préserve au mieux ses intérêts, tout en faisant montre «d'un esprit de solidarité et d'ouverture au monde»69, il est indispensable qu'un membre du Conseil fédéral ou un ministre délégué participe en personne à l'élaboration de nouvelles réglementations et de nouveaux standards internationaux, depuis le stade des pourparlers exploratoires jusqu'au processus de négociation ultérieur, en y représentant la position de la Suisse de manière compétente. Il ressort d'ailleurs d'un tour d'horizon de la situation hors de nos frontières que les autres Etats disposent d'un collège gouvernemental plus étoffé que le Conseil fédéral, ou qu'ils se sont dotés de plusieurs ministres délégués ou secrétaires d'Etat.

7

Bases juridiques

7.1

Constitutionnalité et conformité aux lois

La LOGA se fonde sur l'art. 173, al. 2, Cst.70, aux termes duquel l'Assemblée fédérale traite tous les objets qui relèvent de la compétence de la Confédération et qui ne ressortissent pas à une autre autorité fédérale.

Les dispositions législatives proposées concrétisent la base constitutionnelle préconisée (art. 174, al. 2, Cst.).

67

68 69 70

Cf., notamment, l'art. 3 du Statut du Conseil de l'Europe du 5 mai 1949 (RS 0.192.030) ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 (CEDH, RS 0.101).

Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111).

Cf. le préambule de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101).

Reprend la teneur de l'art. 85, ch. 1 aCst.

2030

L'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats71 se fonde sur la loi fédérale du 6 octobre 1989 concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats72, qui repose elle-même sur l'art. 173, al. 2, Cst.

7.2

Délégation de compétences législatives

Les dispositions proposées ne prévoient aucune délégation de compétences législatives.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Typiquement, une constitution contient des dispositions régissant l'organisation des principales autorités de l'Etat. La Constitution définit donc, dans les grandes lignes, comment est structuré l'appareil gouvernemental ainsi que les fonctions qui sont les siennes. Ces dispositions sont le préalable à l'action de l'Etat. Les modifications constitutionnelles préconisées traduisent l'importance que revêt la réforme du gouvernement, considérée comme l'innovation majeure apportée ces dernières décennies au système gouvernemental. Il est donc justifié d'inscrire l'élargissement du gouvernement à l'échelon de la Constitution. Du point de vue formel, il n'est pas impératif de fixer la structure du gouvernement dans la constitution73. Dans la plupart des Etats européens proches de la Suisse, toutefois, la composition du gouvernement est également réglée dans la Constitution74. Enfin, la solution retenue est en harmonie avec la tradition constitutionnelle suisse qui a depuis toujours voulu que notre loi fondamentale fixe le nombre des membres du Conseil fédéral.

L'art. 164, al. 1, Cst. statue que toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent expressément à cette catégorie les normes relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales (art. 164, al. 1, let. g Cst.). Il est donc impératif que les dispositions essentielles qui concernent la réforme du Gouvernement soit édictées au degré législatif.

Les rémunérations sont réglées, dans les grandes lignes, à l'échelon de la loi, les modalités (en particulier le montant des traitements annuels des magistrats) étant, quant à elles, définies au niveau de l'ordonnance dont les normes peuvent être plus rapidement adaptées à l'évolution. Toutefois, comme il s'agit en l'occurrence de la rémunération des membres du Conseil fédéral, nous avons opté pour une ordonnance de l'Assemblée fédérale et non du Conseil fédéral.

71 72 73

74

RS 172.121.1, teneur selon message du Conseil fédéral du 15 juin 2001; FF 2001 3695.

RS 172.121 FF 1997 I 13; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e édition, no 21; Kurt Eichenberger, Verfassungsrechtliche Einleitung, dans le Commentaire de la Constitution, no 49; Jean-François Aubert, Bundesstaatsrecht der Schweiz, no 274.

Cf. les lois fondamentales ou les constitutions des Etats suivants: Allemagne (art. 62), France (art. 8), Italie (art. 92), Danemark (§ 14 et 17), Grèce (art. 81), Irlande (art. 28), Pays-Bas (art. 42 à 45), Portugal (art. 185 à 189), Espagne (art. 98).

2031

Table des matières Condensé

1981

1 Partie générale 1983 1.1 Grandes lignes de la réforme de la direction de l'Etat 1983 1.1.1 Introduction 1983 1.1.2 Renforcement du gouvernement 1983 1.1.3 Elargissement du gouvernement par l'introduction d'un deuxième cercle 1984 1.1.4 Ministres délégués dotés d'un statut politique 1985 1.1.5 Personnes de confiance des membres du Conseil fédéral, disposant de domaines d'activité définis 1985 1.1.6 Responsabilité politique du gouvernement 1986 1.2 Pourquoi une réforme de la direction de l'Etat ?

1986 1.2.1 Gouverner dans un environnement plus difficile 1986 1.2.2 Augmentation de la demande d'information et de transparence 1986 1.2.3 Difficulté croissante de dégager à un consensus politique 1987 1.2.4 Direction de l'Etat prospective et conduite de l'action gouvernementale dans des situations particulières 1987 1.2.5 Forte augmentation des activités au niveau international 1988 1.3 Objectifs de la réforme 1990 1.3.1 Renforcer la direction politique 1990 1.3.2 Elargir la marge de manoeuvre du gouvernement dans le domaine extérieur 1991 1.3.3 Augmenter la compétence technique du gouvernement 1992 1.3.4 Renforcer la capacité d'action du gouvernement dans les situations particulières 1993 1.4 Intégration dans le système gouvernemental suisse et dans sa réforme 1993 1.4.1 Situation initiale 1993 1.4.2 Concordance: le Conseil fédéral comme reflet de la diversité de notre pays1994 1.4.3 Gouvernement collégial: égalité de rang des conseillers fédéraux 1996 1.4.4 Préparation et exécution des affaires du gouvernement par les départements 1997 1.4.5 Réforme de la direction de l'Etat et autres réformes 1997 1.5 Vers une réforme de la direction de l'Etat 1999 1.5.1 Les tentatives de réforme au XIXe siècleet au début du XXe siècle 1999 1.5.2 Les travaux de réforme du milieu du XXe siècle 2000 1.5.3 Etapes de la réforme de la direction de l'Etat 2002 1.5.3.1 Modèles élaborés par le groupe de travail «Structures de direction de la Confédération» 2002 1.5.3.2 Décision du Conseil fédéral pour une procédure en deux étapes 2003 1.5.3.3 La réforme de la direction de l'Etat: un nouveau module de la réforme constitutionnelle 2003 1.5.3.4 Nouvelles interventions parlementaires 2004

2032

1.5.3.5 La procédure de consultation sur la réforme de la direction de l'Etat 2005 1.5.3.6 Décision de principe du Conseil fédéral: abandon de la variante 1, suite des travaux sur la variante 2 2006 1.5.4 Concrétisation du modèle de gouvernement à deux cercles 2008 1.5.5 Résultats: cheminement progressif des cinq modèles d'origine vers le modèle du gouvernement à deux cercles doté de ministres délégués 2009 1.6 Regard sur certains systèmes de gouvernement étrangers 2009 1.6.1 Les différences avec le système suisse actuel 2009 1.6.1.1 Huit Etats comme base de la comparaison 2009 1.6.1.2 Gouvernements et système politique 2009 1.6.1.3 Chef de l'Etat 2011 1.6.1.4 Accords de coalition 2012 1.6.1.5 Taille des gouvernements 2012 1.6.1.6 Niveaux hiérarchiques 2012 1.6.2 Appréciation des systèmes gouvernementaux sous l'angle politique 2015 1.6.2.1 Multiplicité des processus décisionnels 2015 1.6.2.2 Le droit ne reflète que partiellement les réalités politiques 2015 1.6.2.3 Les constellations partisanes influent sur les processus de décision 2016 1.6.2.4 Les décisions sont préparées aux échelons inférieurs et dans le cadre de procédures de consultation 2016 1.6.2.5 Les chefs de gouvernement tranchent en période de crise ou lors de controverses partisanes 2016 1.6.2.6 Les gouvernements sont contraints de naviguer entre la politique au quotidien et la stratégie prospective 2017 1.6.3 Conclusion 2017 2 Partie spéciale 2.1 Commentaire des différentes dispositions législatives 2.1.1 Institutionnalisation du gouvernement à deux cercles sur le plan constitutionnel (art. 174, al. 2 et 3, Cst.)

2.1.2 Autres modifications de la Constitution 2.1.3 Modification de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) 2.1.4 Modification d'autres actes législatifs 2.1.5 Présentation simultanée des nouvelles normes constitutionnelles et des modifications législatives

2018 2018

3 Conséquences financières et effets sur l'état du personnel 3.1 Pour la Confédération 3.2 Pour les cantons et les communes

2028 2028 2028

4 Programme de la législature

2029

2018 2018 2020 2025 2028

5 Classement d'interventions parlementaires

2029

6 Relations avec le droit international public et le droit européen

2030

2033

7 Bases juridiques 7.1 Constitutionnalité et conformité aux lois 7.2 Délégation de compétences législatives 7.3 Forme de l'acte à adopter

2030 2030 2031 2031

Arrêté fédéral concernant la réforme de la direction de l'Etat (Projet)

2035

Loi fédérale sur la réforme de l'organisation du gouvernment (Projet)

2037

Ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats (Projet)

2046

2034