01.081 Message concernant la garantie de la Constitution du canton de Saint-Gall du 19 décembre 2001

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral simple accordant la garantie fédérale à la Constitution du canton de Saint-Gall et nous vous proposons de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 décembre 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-2376

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Condensé En vertu de l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, chaque canton doit se doter d'une constitution démocratique. Celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 de cet article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération. Cette garantie est accordée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral.

Si une disposition constitutionnelle cantonale remplit ces conditions, la garantie fédérale doit lui être accordée; sinon, elle lui est refusée.

Le corps électoral du canton de Saint-Gall a adopté, lors de la votation populaire du 10 juin 2001, la Constitution cantonale totalement révisée qui lui était soumise.

La nouvelle Constitution est, de par sa forme et son contenu, une charte fondamentale moderne. Elle est ordonnée selon une systématique claire et rédigée dans un langage adapté à notre époque. Elle se caractérise par la souplesse de sa structure qui, à l'avenir, doit permettre d'assumer de nouvelles tâches, d'attribuer de nouvelles compétences aux autorités ou de procéder à des adaptations organisationnelles, sans qu'une modification de la Constitution ne soit forcément nécessaire.

En outre, la nouvelle Constitution contient quelques innovations de fond, parmi lesquelles il importe de citer les modifications dans l'organisation des communes, une nouvelle procédure d'octroi du droit de cité communal et cantonal, ainsi que le renforcement de l'autonomie des communautés religieuses de droit public.

L'examen auquel nous avons procédé a révélé que toutes les dispositions de la nouvelle Constitution remplissent les conditions requises pour l'octroi de la garantie. Nous ne considérerons, dans le présent message, que les dispositions qui ont un rapport direct avec des matières réglées par le droit fédéral.

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Message 1

Bref historique de la révision totale

Lors de la votation populaire du 25 juin 1995, le corps électoral du canton de SaintGall a accepté le principe d'une révision totale de la constitution cantonale du 16 novembre 1890. Pour ce faire, il a accordé sa préférence au Grand Conseil plutôt qu'à une Assemblée constituante. En mai 1996, le Grand Conseil a donc mis sur pied une commission de 29 membres. Le début de la procédure a été marqué par un large processus de participation lors duquel la commission a été complétée par des personnes provenant d'institutions et d'organisations actives dans le secteur public.

Des thèses servant de bases à la nouvelle Constitution ont ensuite été élaborées au sein de divers groupes de travail et d'accompagnement. Consécutivement à ce processus de participation, la commission a élaboré un projet destiné à la consultation, puis présenté le 17 décembre 1997 un projet de nouvelle Constitution. Ce projet a été adopté par le Grand Conseil du canton de Saint-Gall, en seconde lecture le 27 novembre 2000. Quant au corps électoral du canton de Saint-Gall, il a approuvé la nouvelle Constitution lors de la votation populaire du 10 juin 2001 par 81 983 oui contre 32 253 non.

Par lettre du 27 juin 2001, la cheffe du Département de l'intérieur et des affaires militaires du canton de Saint-Gall a demandé la garantie fédérale.

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Structure et contenu de la Constitution

La nouvelle Constitution a pour ambition de définir les traits principaux de l'organisation étatique cantonale ainsi que les buts et tâches essentiels des pouvoirs publics dans le canton, le tout d'une façon qui soit compréhensible pour les citoyennes et citoyens et qui ouvre des perspectives d'avenir pour les autorités politiques.

La Constitution se concentre principalement sur les domaines relevant de la souveraineté étatique que le canton peut réglementer de manière autonome dans les limites fixées par le droit fédéral. Elle se caractérise par le fait qu'elle se limite à l'essentiel et fixe des lignes directrices claires aux législateurs cantonal et communal sans leur donner toutefois des consignes trop détaillées. Du point de vue du contenu, la Constitution s'aligne en grande partie sur le droit existant puisque les fondements de la Constitution de 1890 y sont maintenus. Dans quelques domaines, la nouvelle Constitution apporte cependant aussi des innovations dont les principales peuvent être résumées comme suit: ­

La Constitution fixe les buts de l'Etat qu'il s'agit d'atteindre lors de toute activité publique déployée par le canton ou les communes (art. 9 à 23).

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Elle introduit une initiative dite «de type unique» selon laquelle le comité d'initiative n'a pas à préciser à l'avance si la demande doit être réalisée par une révision constitutionnelle ou par une loi (art. 43).

­

Les fondements d'une politique financière durable et garantissant l'équilibre des comptes sont inscrits dans la Constitution (art. 82 à 87).

­

La Constitution contient des dispositions sur la collaboration intercommunale au moyen de conventions portant sur l'accomplissement commun de 1773

tâches ou par la création de syndicats de communes. Lors de la création de tels syndicats, les possibilités de participation démocratique des citoyennes et des citoyens sont améliorées (art. 96 et 97).

­

L'octroi des droits de cité communal et cantonal aux Suissesses et aux Suisses ainsi qu'aux jeunes étrangers et apatrides est facilité à certaines conditions (art. 105 à 108).

­

L'autonomie des communautés religieuses de droit public est renforcée en ce sens que l'Etat se limite à approuver l'acte constitutif qui définit les grandes lignes de leur organisation (art. 110 et 111).

La Constitution commence par un préambule qui exprime les valeurs fondamentales qu'elle cherche à promouvoir et qui fixe une ligne de conduite pour l'Etat. Les 126 articles qui suivent sont divisés en 12 titres qui traitent successivement des dispositions générales, des droits fondamentaux, devoirs fondamentaux et principes de l'activité de l'Etat régi par le droit, des buts de l'Etat, des tâches de l'Etat, des droits politiques, des autorités, du régime des finances, des communes, de l'acquisition du droit de cité, des communautés religieuses de droit public, de la révision de la Constitution et des dispositions finales.

Le titre premier (art. 1) définit la position du canton par rapport à la Confédération, affirme son caractère d'Etat de droit libéral, démocratique et social, prévoit une collaboration active du canton avec la Confédération, avec les autres cantons ainsi qu'avec l'étranger, et désigne la ville de Saint-Gall comme chef-lieu du canton.

Le titre II (art. 2 à 8) est consacré aux droits fondamentaux, aux devoirs fondamentaux et aux principes de l'activité de l'Etat régi par le droit.

Le titre III (art. 9 à 23) définit les buts de l'Etat.

Le titre IV (art. 24 à 30) contient les dispositions relatives à l'accomplissement des tâches de l'Etat.

Le titre V (art. 31 à 54) contient les principales règles régissant les droits politiques, notamment des dispositions sur le droit de vote, les élections, les formes et les prescriptions applicables aux initiatives, les votations obligatoires et facultatives, la procédure de consultation et la participation des partis politiques.

Le titre VI (art. 55 à 81) pose les principes qui régissent l'organisation des autorités (notamment le principe de la séparation des pouvoirs qui y est expressément inscrit), prévoit les cas d'incompatibilité, consacre l'immunité des membres du Parlement cantonal et du Gouvernement, institue une responsabilité de l'Etat du fait de ses agents et règle la composition et les tâches du Parlement cantonal, du Gouvernement et des autorités judiciaires.

Le titre VII (art. 82 à 87) est consacré au régime des finances. Il fixe les principes applicables à la gestion financière, inscrit dans la Constitution le principe de la péréquation financière intercommunale et contient une réglementation sur la compensation des avantages
dans les rapports entre le canton et les communes ainsi qu'entre les communes entre elles.

Le titre VIII (art. 88 à 100) fixe les principes régissant l'organisation des communes.

Il définit les différents types de communes, garantit l'autonomie communale, règle la collaboration intercommunale et contient des dispositions sur la modification de l'effectif des communes.

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Le titre IX (art. 101 à 108) règle la procédure d'octroi du droit de cité en posant comme principe que le droit de cité de la commune politique fonde le droit de cité cantonal. Le corps électoral de la commune politique ou, le cas échéant, le parlement communal décident en principe de l'octroi du droit de cité communal, sur demande d'un conseil de naturalisation. Les Suissesses et les Suisses qui sont domiciliés dans la commune politique depuis cinq ans au moins ainsi que les jeunes étrangers et apatrides âgés de moins de vingt ans qui sont domiciliés depuis dix ans en Suisse, dont cinq au moins dans la commune politique, ont droit à l'octroi du droit de cité selon une procédure particulière, la décision d'octroi incombant au conseil de naturalisation.

Le titre X (art. 109 à 111) reconnaît quatre communautés religieuses comme collectivités de droit public et leur accorde une large autonomie. Seul le règlement d'organisation de ces communautés, pour lequel la Constitution contient quelques principes, doit être soumis au Gouvernement pour approbation.

Le titre XI (art. 112 à 117) a trait à la révision totale et partielle de la Constitution.

Le titre XII (art. 118 à 126), enfin, contient les dispositions finales.

3

Conditions nécessaires à l'octroi de la garantie

3.1

Généralités

En vertu de l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, chaque canton doit se doter d'une constitution démocratique. Celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 de cet article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération. Cette garantie est accordée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral. Si une disposition constitutionnelle cantonale remplit ces conditions, la garantie fédérale doit lui être accordée; sinon, elle lui est refusée.

3.2

Acceptation par le peuple

La nouvelle Constitution a été soumise au vote du peuple le 10 juin 2001. Le corps électoral du canton de Saint-Gall l'a acceptée à une large majorité (cf. ch. 1). Cette consultation populaire n'a donné lieu à aucun recours auprès des autorités compétentes.

L'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, qui pose l'exigence de l'acceptation de la Constitution par le peuple, est donc pleinement respecté.

3.3

Révisibilité

Les art. 112 à 117, en combinaison avec les art. 31 et 32 ainsi qu'avec les art. 41, 43 et 44 à 46 de la nouvelle Constitution règlent les procédures de révision constitutionnelle. La révision totale ou partielle de la Constitution cantonale peut être demandée soit par le Parlement cantonal, soit par le peuple (art. 113 et 117). Selon l'art. 41 de Constitution cantonale, 8000 personnes ayant le droit de vote peuvent

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demander une révision totale ou partielle de la Constitution cantonale. Peut enfin également conduire à une modification de la Constitution cantonale le lancement d'une initiative dite «de type unique», par laquelle 4000 personnes ayant le droit de vote peuvent octroyer, sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux, un mandat législatif au Parlement cantonal (art. 43). Aux termes de l'art. 44, al. 1, la loi définit les conditions de recevabilité des initiatives et règle la procédure. Selon l'al. 2 du même article, une initiative est en particulier irrecevable si elle viole le droit supérieur, est irréalisable ou ne respecte pas les principes de l'unité de la forme et de l'unité de la matière. A ce propos, il importe de relever que les cantons ne sont pas autorisés à prévoir d'autres causes d'irrecevabilité des initiatives tendant à la révision de la constitution cantonale que celles qui sont mentionnées à l'art. 44, al. 2.

Le feraient-ils en effet que cela aboutirait à restreindre la possibilité ­ prévue à l'art. 51, al. 1, 2e phrase, de la Constitution fédérale ­ de réviser librement la Constitution cantonale (cf. à ce propos les développements contenus dans le Message concernant la garantie des constitutions révisées des cantons de Glaris, de Soleure, d'Appenzell Rhodes-Intérieures, de Saint-Gall et du Valais, in: FF 1995 I 980 s.)

La garantie n'est toutefois refusée à une disposition constitutionnelle cantonale que si aucune interprétation conforme au droit fédéral n'est possible. En disposant que la loi définit les conditions de recevabilité des initiatives, l'art. 44, al. 1, est formulé de façon si large et générale qu'il laisse en tous les cas place à des applications conformes au droit fédéral. L'on peut ainsi concevoir que le terme de «conditions» se rapporte uniquement à des points formels ou d'importance mineure et que, par exemple, en se fondant sur la disposition précitée, le législateur pourrait prévoir que le nom des personnes habilitées à retirer l'initiative doit être reporté sur chaque liste de signatures.

La possibilité de réviser librement la Constitution cantonale au sens où l'exige l'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale est donc conférée aux citoyens.

3.4

Constitution démocratique

Une constitution cantonale satisfait à l'exigence du caractère démocratique dès lors qu'elle prévoit un parlement élu par le souverain et respecte le principe de la séparation des pouvoirs (FF 1997 I 221). En vertu de l'art. 39, al. 1, de la Constitution fédérale, la réglementation de l'exercice des droits politiques par le souverain relève, au niveau cantonal, de la compétence des cantons; dans l'exercice de cette compétence, ils sont toutefois tenus de respecter certaines règles matérielles fédérales et, en particulier, le principe d'égalité inscrit à l'art. 8 de la Constitution fédérale et celui du suffrage universel et égal (FF 2001 2359; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e éd., Zurich 2001, no 1016). Quant au principe de la séparation des pouvoirs, les cantons disposent d'une importante marge de manoeuvre puisque la manière dont ils le concrétisent dans leur droit constitutionnel relève de leur compétence (FF 1995 I 965).

L'art. 36, let. a, de la nouvelle Constitution prévoit que les membres du Parlement cantonal sont élus par les personnes ayant le droit de vote. Aux termes des art. 31 et 32 de la Constitution, ont le droit de vote en matière cantonale toutes les Suissesses et tous les Suisses qui sont âgés de 18 ans révolus, qui ne sont pas interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit et qui habitent le canton. Cette réglementation correspond à la solution consacrée dans presque toutes les constitu1776

tions cantonales, laquelle est pratiquement dictée par l'art. 39, al. 3, de la Constitution fédérale qui dispose que nul ne peut exercer ses droits politiques dans plus d'un canton.

Outre le droit d'élire les membres du Parlement cantonal, la nouvelle Constitution confère au corps électoral du canton de Saint-Gall toute une série d'autres droits politiques à l'échelon cantonal, tels que l'élection des membres du Gouvernement, des représentants au Conseil des Etats et de certains membres des autorités judiciaires (art. 36), le droit de lancer une initiative constitutionnelle, législative ou de type unique (art. 41 à 43), le droit de participer au vote populaire obligatoire sur les projets de révision de la Constitution (art. 48, let. a), sur les traités interétatiques qui, en raison de leur contenu, doivent être considérés comme ayant rang constitutionnel (art. 48, let. b), sur les initiatives que le Parlement cantonal rejette ou auxquelles il oppose un contre-projet (art. 48, let. c) et sur les décisions portant sur des dépenses supérieures au montant qui sera fixé par le législateur (art. 48, let. d), ainsi que le droit de lancer un référendum contre une loi, contre un traité interétatique qui, en raison de son contenu, doit être considéré comme ayant rang législatif, et contre les décisions portant sur des dépenses supérieures au montant qui sera fixé par le législateur (référendum facultatif, art. 49).

Quant à la réglementation de l'organisation des autorités du canton de Saint-Gall telle qu'elle ressort des art. 55 ss de la nouvelle Constitution (voir également, à ce propos, infra ch. 3.5.5), force est de reconnaître qu'elle répond en tous points au principe de la séparation des pouvoirs, lequel y est d'ailleurs expressément rappelé (cf. art. 55).

L'art. 51, al. 1, de la Constitution fédérale, en tant qu'il exige des cantons qu'ils se dotent d'une constitution démocratique, est donc respecté.

3.5

Conformité au droit fédéral

3.5.1

Considérations générales

L'un des problèmes qui se posent lorsqu'il s'agit d'examiner la conformité au droit fédéral d'une constitution cantonale qui a subi une révision totale est que l'on doit confronter des dispositions fondamentales cantonales, en principe conçues pour durer plusieurs décennies, avec l'ensemble du droit fédéral, qui, lui, est sujet à de fréquents changements (surtout en ce qui concerne les lois). Par conséquent, il n'est pas exclu que certaines des dispositions qui bénéficient aujourd'hui de la garantie fédérale soient, d'ici quelques années déjà, rendues sans objet ou du moins voient leur portée limitée par des modifications ultérieures du droit fédéral.

Un canton ne peut réglementer un domaine dans lequel la Confédération possède une compétence exclusive. En revanche, il peut assumer des tâches qui relèvent d'une compétence fédérale concurrente, même là où elle n'est pas limitée aux principes, lorsque la Confédération n'a pas entièrement utilisé sa compétence. Dans cette hypothèse toutefois, les normes constitutionnelles cantonales ont, examinées à la lumière du droit fédéral, une portée plus limitée que ne le laisse supposer leur libellé. Mais, dans la mesure où, interprétées conformément au droit fédéral, ces normes peuvent se fonder sur une compétence cantonale résiduelle, elles doivent recevoir la garantie fédérale.

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3.5.2

Structure du canton

La Constitution du canton de Saint-Gall reconnaît, comme entités territoriales du canton, les communes qui sont de trois types, à savoir les communes politiques, les communes scolaires et les communes municipales (art. 88, al. 1). La loi peut en outre prévoir d'autres types de communes spéciales (art. 88, al. 3). Le nom des communes n'est pas mentionné dans la Constitution (cf. art. 91, al. 2). La Constitution consacre le principe de l'autonomie communale (art. 89) et prévoit que les communes remplissent les tâches que le canton leur attribue par l'intermédiaire de la Constitution et des lois ainsi que les tâches d'intérêt public qu'elles s'imposent ellesmêmes dans les limites de leur autonomie (art. 90). Elle contient des dispositions sur la collaboration intercommunale (art. 96 et 97), aux termes desquelles les communes peuvent dans certains cas être contraintes de collaborer entre elles (art. 97, al. 2).

Elle confie en grande partie au législateur le soin de réglementer les grands traits de l'organisation des communes (art. 94 et 95) et règle la surveillance des communes par le canton (art. 100).

Toutes ces dispositions, qui ressortissent au domaine de compétences des cantons, ne contiennent aucun élément contraire au droit fédéral matériel.

3.5.3

Droits fondamentaux

Selon la doctrine et la jurisprudence, les droits fondamentaux garantis par les cantons ont une portée autonome dans la mesure où ils accordent une protection plus étendue que le droit fédéral (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II: Les droits fondamentaux, Berne 2000, p. 40 ss; Vincent Martenet, L'autonomie constitutionnelle des cantons, Bâle 1999, p. 420 ss; Regula Kägi-Diener, Grundrechtsschutz durch die Kantone, in: Daniel Thürer/JeanFrancois Aubert/Jörg Paul Müller [éd.], Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, p. 843 s., no 19; ATF 121 I 267/269; 119 Ia 53/55). Cela signifie que les cantons peuvent protéger les mêmes droits que la Confédération ou aller au-delà. Mais cela signifie aussi que la garantie fédérale ne saurait être octroyée lorsque le canton accorde, expressément et de manière impérative, une protection moins étendue que la Confédération ne le fait par ses droits fondamentaux.

La Constitution du canton de Saint-Gall énumère simplement, sans les définir de manière plus précise mais en se référant expressément à la Constitution fédérale, les droits fondamentaux déjà garantis par celle-ci (art. 2). Quant aux droits fondamentaux reconnus dans les procédures judiciaires ou administratives (art. 4) et à la disposition relative à la restriction des droits fondamentaux (art. 5), ils sont également réglés au moyen d'un renvoi à la Constitution fédérale. La Constitution du canton de Saint-Gall garantit en outre dans quatre domaines des droits fondamentaux selon le droit cantonal (art. 3). Il s'agit des droits suivants dont il convient ici d'approfondir les rapports qu'ils présentent avec le droit fédéral: L'art. 3, let. a, de la Constitution du canton de Saint-Gall garantit le droit de fonder, de diriger ou de fréquenter une école privée. Si la Constitution fédérale ne garantit pas expressément ce droit, elle oblige néanmoins les cantons à pourvoir à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants, lequel est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques et doit en outre être

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gratuit dans les écoles publiques (art. 62, al. 2). Le droit fédéral n'exclut par conséquent pas l'existence d'écoles privées dans le domaine de l'enseignement de base obligatoire, lorsqu'elles sont placées sous la surveillance de l'Etat (FF 1997 I 281).

De plus, au niveau fédéral, la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.), la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.), les libertés d'opinion et d'information (art. 16), la liberté de la science (art. 20 Cst.) et la liberté économique (art. 27 Cst.)

protègent notamment certains aspects du droit de fonder, de diriger ou de fréquenter une école privée. Il importe donc se demander dans quelle mesure le droit garanti à l'art. 3, let. a, de la Constitution du canton de Saint-Gall va au-delà de ce que prévoit le droit fédéral (cf. à ce sujet Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e éd., Zurich 2001, no 232; ces auteurs reconnaissent, sans plus ample motivation, que le droit de créer et d'exploiter des écoles privées a une portée autonome en droit cantonal). En l'occurrence, cette question peut être laissée ouverte puisque la garantie cantonale en faveur des écoles privées ne viole pas le droit fédéral. Il convient toutefois de relever que le canton de Saint-Gall ne pourrait pas introduire un monopole de l'Etat dans le domaine scolaire sans modifier en conséquence la Constitution cantonale. Il n'est au surplus pas exclu que le rang constitutionnel du droit de fonder et d'exploiter une école privée puisse aboutir, dans un cas d'application, à considérer ce droit comme prépondérant par rapport à d'autres intérêts alors que tel n'aurait pas été le cas s'il n'avait pas été inscrit dans la Constitution.

L'art. 3, let. b, de la Constitution du canton de Saint-Gall garantit le droit des enfants en âge de scolarité obligatoire de recevoir de l'aide si la fréquentation de l'école leur cause des désavantages en raison de leur lieu d'habitation, à cause d'un handicap ou pour des raisons sociales. Quant à la Constitution fédérale, elle garantit le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19). La jurisprudence développée par le Conseil fédéral en relation avec l'art. 27, al. 2, de l'ancienne Constitution fédérale (dont le contenu était identique à celui de l'art. 19 de l'actuelle Constitution fédérale)
reconnaît que cette disposition implique notamment le droit à la gratuité du transport des élèves lorsque le trajet scolaire est excessivement long ou particulièrement dangereux et qu'il y a ainsi lieu d'admettre que l'exigence de la suffisance de l'enseignement primaire n'est plus respectée (JAAC 64/2000 no 1; Ulrich Häfelin/Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 5e éd., Zurich 2001, no 926).

La Constitution du canton de Saint-Gall garantit toutefois le droit de recevoir de l'aide non seulement lorsque la suffisance de l'enseignement de base n'est plus respectée, mais déjà à partir du moment où la fréquentation de l'école occasionne des désavantages aux élèves en raison de leur lieu d'habitation, à cause d'un handicap ou pour des raisons sociales. Il appartiendra au législateur ou, au besoin, à la jurisprudence d'établir dans quelle mesure le droit de recevoir de l'aide, tel qu'il est garanti à l'art. 3, let. b, de la Constitution saint-galloise, va plus loin que le droit fédéral. Cela dépendra avant tout des critères qui seront retenus pour admettre l'existence de désavantages au sens de la disposition précitée et des cas dans lesquels de tels désavantages seront admis pour des raisons sociales, celles-ci n'ayant jusqu'ici guère joué de rôle dans la jurisprudence du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral. Dès lors toutefois que le droit prévu à l'art. 3, let. b, de la Constitution saint-galloise ne restreint en aucune façon des droits garantis par le droit fédéral, rien ne s'oppose à ce que cette disposition bénéficie de la garantie fédérale.

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L'art. 3, let. c, de la Constitution du canton de Saint-Gall garantit le droit des personnes ayant terminé leur scolarité obligatoire de recevoir, en vue de leur formation ou de leur perfectionnement, une aide variable selon leurs propres capacités financières et celles de leurs parents. Aux termes de l'art. 66, al. 1, de la Constitution fédérale, la Confédération peut accorder des contributions aux cantons pour l'octroi de bourses ou d'autres aides à la formation. Ces contributions sont réglées plus en détail dans la loi fédérale du 19 mars 1965 sur l'allocation de subventions pour les dépenses des cantons en matière d'aides à la formation (RS 416.0). Pour le reste, l'octroi d'aides à la formation relève de la compétence des cantons. Cela étant, il leur est loisible de consacrer dans leur propre Constitution un droit de recevoir des aides à la formation. L'art. 3, let. c, de la Constitution du canton de Saint-Gall constitue dès lors une garantie constitutionnelle cantonale à portée autonome à laquelle le droit fédéral ne s'oppose nullement.

L'art. 3, let. d, de la Constitution du canton de Saint-Gall garantit le droit d'obtenir une réponse à une pétition dans un délai raisonnable. A teneur de l'art. 33, al. 2, de la Constitution fédérale, les autorités doivent prendre connaissance des pétitions. En tant qu'elle prévoit un droit de recevoir une réponse aux pétitions dans un délai raisonnable, la Constitution du canton de Saint-Gall va ainsi au-delà de ce que prévoit le droit fédéral.

L'examen révèle ainsi qu'aucun des droits fondamentaux garantis par la Constitution du canton de Saint-Gall n'accorde une protection moins étendue que la Confédération ne le fait par ses droits fondamentaux, de telle sorte que rien ne s'oppose à l'octroi de la garantie fédérale.

3.5.4

Tâches publiques

Selon les art. 3 et 43 de la Constitution fédérale, les cantons exercent toutes les compétences qui ne sont pas attribuées à la Confédération. C'est pourquoi le droit fédéral n'exige pas que les législations cantonales aient une base expresse dans la constitution du canton. La plupart des cantons ont ainsi renoncé à une énumération exhaustive des tâches publiques et de leur législation correspondante dans leur Constitution. Le canton de Saint-Gall a même franchi à cet égard un pas supplémentaire puisqu'il a renoncé purement et simplement à une énumération des tâches publiques dans sa Constitution. En effet, le chapitre relatif aux tâches de l'Etat (art.

24 à 30), s'il contient des principes concernant leur accomplissement, n'énumère pas les tâches elles-mêmes. La Constitution du canton de Saint-Gall mentionne en revanche les buts de l'Etat (art. 9 à 23) que les citoyennes et citoyens ainsi que les autorités du canton et des communes doivent s'efforcer d'atteindre. Ce catalogue des buts de l'Etat sert en même temps de base pour la détermination des tâches de l'Etat puisqu'en vertu de l'art. 24, al. 1, de la nouvelle Constitution, l'Etat se doit, dans l'accomplissement de ses tâches, de chercher à atteindre les buts qu'il s'est fixés.

La solution retenue par la nouvelle Constitution saint-galloise n'implique aucune contradiction avec le droit fédéral, même si nombre des buts sociaux qui y sont mentionnés se recoupent avec des buts que des compétences fédérales se proposent aussi de réaliser. En effet, même dans les domaines où la Confédération a légiféré, les cantons conservent d'importantes tâches d'exécution et des compétences résiduelles; de plus, dans la réalisation des buts sociaux, le canton de Saint-Gall peut prendre d'autres mesures que la Confédération.

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3.5.5

Organisation des autorités et procédure

Les dispositions sur la composition, les attributions et l'organisation des autorités cantonales et communales ainsi que les procédures prévues pour leur activité tiennent suffisamment compte des exigences du droit fédéral.

Les conditions d'éligibilité aux autorités cantonales et les règles d'incompatibilité de fonctions (art. 56 à 58) sont conformes au droit fédéral. Le principe de la séparation des pouvoirs est expressément inscrit à l'art. 55 et respecté par la répartition des compétences opérée entre le Parlement cantonal, le Gouvernement et les autorités judiciaires.

La procédure législative, qui confère au Parlement cantonal ­ sous réserve de référendum obligatoire (art. 48) ou facultatif (art. 49) ­ la compétence d'adopter les lois et les traités interétatiques de rang constitutionnel ou législatif (art. 65, let. b et c), répond aux exigences démocratiques fixées à l'art. 51, al. 1, 1re phrase, de la Constitution fédérale. La notion de loi est définie à l'art. 67. Les organes judiciaires que nécessite l'application du droit fédéral sont prévus (art. 78 à 80). Mentionnons en outre que l'art. 77, al. 1, de la nouvelle Constitution du canton de Saint-Gall consacre la garantie de l'accès au juge, à l'instar du nouvel art. 29a de la Constitution fédérale (FF 1999 7831) qui a été accepté lors de la votation populaire du 12 mars 2000 mais qui n'est pas encore entré en vigueur. A cet égard, il importe de souligner que le législateur cantonal ne pourra prévoir des exceptions à l'accès au juge que dans le cadre prévu par l'art. 29a, 2e phrase, de la Constitution fédérale (cf. FF 1997 I 531).

Les différentes règles d'organisation prévues par la Constitution saint-galloise se situent dans les limites de l'autonomie organisationnelle des cantons (art. 3, 39, al. 1, et 47 de la Constitution fédérale) et ne violent aucune disposition du droit fédéral.

3.5.6

Acquisition du droit de cité

La Constitution du canton de Saint-Gall règle plus largement et de manière plus détaillée que la plupart des autres constitutions cantonales les conditions et la procédure d'octroi du droit de cité (art. 101 à 108). Les règles relatives à l'octroi du droit de cité aux jeunes étrangers et apatrides nécessitent quelques considérations sur les rapports qui existent entre ces règles et le droit fédéral. Aux termes de l'art. 106 de la Constitution du canton de Saint-Gall, les droits de cité communal et cantonal sont octroyés de façon autonome aux jeunes étrangers et apatrides qui présentent leur requête avant leur vingtième anniversaire et qui sont domiciliés depuis dix ans en Suisse, dont cinq au moins dans la commune politique. Cette disposition, qui consacre un droit à l'octroi du droit de cité, a toutefois une portée moins grande que celle qu'on pourrait lui prêter à première vue. Selon l'art. 38, al. 2, de la Constitution fédérale, la Confédération édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons et octroie l'autorisation de naturalisation. Le droit à l'octroi du droit de cité cantonal ne saurait par conséquent intervenir qu'à partir du moment où les conditions prévues aux art. 14 et 15 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité sont réalisées (loi sur la nationalité; RS 141.0) et où la Confédération a accordé l'autorisation de naturalisation. Les cantons peuvent prévoir d'accorder aux étrangères et aux étrangers un droit à

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l'octroi du droit de cité cantonal, pour autant que l'autorisation de naturalisation ait été délivrée par la Confédération (cf. à ce sujet René Schaffhauser, Bürgerrechte, in: Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Müller [éd.], Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, p. 321 s., no 12 ss, spéc. 15). Accompagné de cette précision que la commission constitutionnelle avait par ailleurs déjà signalée dans son message du 17 décembre 1999 (Feuille officielle du canton de Saint-Gall, no 4a, édition spéciale du 28 janvier 2000, p. 410), l'art. 106 de la Constitution du canton de Saint-Gall s'avère conforme au droit fédéral. Il sied de signaler dans ce contexte qu'il est prévu de procéder à une modification de l'art. 38 de la Constitution fédérale et de la loi sur la nationalité. Le Conseil fédéral a approuvé le message correspondant le 21 novembre 2001. Du point de vue de la garantie fédérale, la nouvelle Constitution du canton de Saint-Gall doit toutefois être appréciée par rapport au droit fédéral en vigueur actuellement (cf. à ce sujet les développements sous ch. 3.5.1, al. 1).

3.6

Résumé

La Constitution du canton de Saint-Gall du 27 novembre 2000 satisfait aux exigences posées à l'art. 51, al. 2, 2e phrase, de la Constitution fédérale; la garantie doit donc lui être accordée.

4

Constitutionnalité

En vertu des art. 51 et 172, al. 2, de la Constitution fédérale, il appartient à l'Assemblée fédérale d'accorder la garantie aux dispositions constitutionnelles cantonales.

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