02.424 Initiative parlementaire Entreprises liées à la Confédération.

Salaires des cadres et rémunérations des membres des conseils d'administration Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 25 avril 2002

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose à l'unanimité d'approuver le projet de modification de loi ci-joint.

25 avril 2002

Au nom de la commission: le président, Charles-Albert Antille

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2002-1082

Condensé La divulgation, au début de l'année 2001, du montant des rémunérations des cadres et des membres des conseils d'administration des CFF a conduit à s'interroger sur le niveau de rétribution des dirigeants dans les entreprises détenues entièrement ou majoritairement par la Confédération. Tous les milieux politiques ont alors estimé que l'évolution de ces rémunérations était disproportionnée. Il a même été reproché au Conseil fédéral de ne pas avoir assumé les responsabilités qui lui incombaient en tant que propriétaire de ces entreprises. Tout en s'abritant derrière la situation du marché, le gouvernement s'est engagé à définir certains principes applicables aux rémunérations et à veiller à une plus grande transparence à l'égard de la Délégation des finances.

Considérant que le Conseil fédéral a besoin d'une base juridique pour édicter des principes contraignants et qu'il y a lieu de garantir une véritable transparence non seulement à l'égard de la Délégation des finances mais aussi vis-à-vis du Parlement et de l'opinion publique, la sous-commission propose par la présente la mise en place d'une réglementation adéquate.

La Loi sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.1) est complétée par un article 6a, par lequel le Conseil fédéral est tenu d'édicter des principes et de fixer des valeurs de référence applicables: ­

aux salaires des cadres (y compris les prestations annexes);

­

aux honoraires (y compris les prestations annexes) versés aux membres des conseils d'administration;

­

à d'autres conditions contractuelles (comme la prévoyance professionnelle et les indemnités de départ);

­

aux activités accessoires.

Ces principes s'appliquent en premier lieu à la Poste, aux CFF et aux autres entreprises et institutions fédérales qui, au titre d'unités administratives décentralisées, sont soumises à la loi sur le personnel de la Confédération. Ils s'appliquent ensuite à d'autres entreprises et institutions fédérales de droit public, grâce à la présence de clauses de renvoi (référence à l'article 6a de la loi sur le personnel de la Confédération) dans les lois qui les régissent. Enfin, le Conseil fédéral est chargé de veiller à ce que ces principes soient aussi appliqués à la SSR et aux entreprises privées dans lesquelles la Confédération détient la majorité du capital et la majorité des voix au conseil d'administration.

L'autre aspect du problème réside dans le manque de transparence des rémunérations. Pour y remédier, l'article 6a de la Loi sur le personnel de la Confédération prévoit que soient rendus publics les salaires et les rétributions des personnes concernées.

Le projet vise à ce qu'il soit tenu compte de l'ensemble des conditions politiques, économiques et sociales lors de la fixation des rémunérations des dirigeants, afin d'éviter les augmentations de salaire excessives. Le Conseil fédéral est invité à

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présenter aux entreprises des critères impératifs; c'est la seule façon pour lui d'assumer la responsabilité qui lui incombe en qualité de propriétaire de ces entreprises. Cette solution permet aussi de restaurer la confiance de l'opinion publique à l'égard de la politique menée par ces entreprises en matière de salaire et de personnel. Afin que l'opinion publique puisse elle-même s'assurer de l'efficacité des mesures prises, il est important qu'elle ait accès à tout moment aux informations concernant lesdites rémunérations.

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Rapport 1

Genèse

1.1

Le débat dans les médias au printemps 2001

«Les CFF refusent de dévoiler les salaires de leurs cadres. Les employés ne doivent pas apprendre que leurs dirigeants gagnent presque deux fois plus que les conseillers fédéraux» [trad.]. C'est ce compte rendu publié dans la «Berner Zeitung» le 17 février 2001 qui est à l'origine du débat sur la rémunération des dirigeants des entreprises détenues entièrement ou majoritairement par la Confédération. A l'époque, la direction des CFF avait justifié la hausse massive des salaires ­ qui avaient parfois été tout simplement multipliés par deux ­ par la nécessité de s'adapter aux conditions du marché. Par la suite, les rétributions des membres du conseil d'administration des CFF et les salaires d'autres cadres travaillant pour des entreprises comme la Poste et Swisscom ont également fait l'objet de vives critiques.

1.2

Les réactions au niveau parlementaire

Différents organes parlementaires ont alors entamé la discussion sur les salaires des cadres des entreprises liées à la Confédération. La Commission des transports et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) et la Délégation des finances ont demandé des précisions au Conseil fédéral. Pour sa part, la Commission des institutions politiques, dont le domaine de compétences recouvre la loi sur le personnel de la Confédération, s'est demandé s'il y avait lieu de faire intervenir le législateur. La Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) s'est penchée pour la première fois sur le problème le 1er mars 2001, et a décidé d'attendre dans un premier temps que le Conseil fédéral lui fournisse de plus amples informations.

Entre-temps, la question a également été soulevée dans deux interpellations urgentes (01.3019 Hassler et 01.3034 Leutenegger Oberholzer), ce qui lui a valu d'être débattue longuement à la session de printemps 2001 du Conseil national, qui s'est tenue à Lugano (B.O. N 2001 242 ss.). En réponse à ces interpellations, le Conseil fédéral a affirmé que les CFF étaient tenus de prendre en compte les conditions du marché du travail lorsqu'ils fixaient les salaires de leurs dirigeants. Les débats parlementaires ont toutefois été dominés par la conviction que, d'une part, les CFF, la Poste et Swisscom avaient perdu tout sens des réalités dans la fixation des salaires de leurs dirigeants, et que, d'autre part, le Conseil fédéral aurait dû prendre ses responsabilités, d'autant qu'il représente le propriétaire de ces entreprises. Les interpellateurs se sont finalement dits peu ou pas satisfaits de la réponse faite par le Conseil fédéral.

A la même session, une initiative parlementaire a été déposée au Conseil national (01.411 Iv.pa. Leutenegger Oberholzer. Loi fédérale sur les salaires des cadres et indemnités des membres des conseils d'administration dans les entreprises avec participation exclusive ou prépondérante de la Confédération) et une autre au Conseil des Etats (01.409 Iv.pa. Brunner Christiane. Salaires supérieurs de la Confédération). Ces deux interventions visaient un double objectif: premièrement, fournir au

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Conseil fédéral la base juridique qui lui a jusqu'à présent fait défaut et qui lui permettrait d'exercer une réelle influence sur les salaires des cadres et sur les rémunérations des membres des conseils d'administration dans les entreprises liées à la Confédération; deuxièmement, garantir une véritable transparence à l'opinion publique en ce qui concerne ces rétributions. Trois autres motions ont été déposées afin d'engager le Conseil fédéral à fixer des plafonds pour la rémunération des cadres et pour celle des membres des conseils d'administration dans les entreprises liées à la Confédération (01.3095 Mo. Teuscher. Entreprises et régies fédérales. Limiter les salaires des dirigeants; 01.3096 Mo. Teuscher. Entreprises et régies fédérales. Limiter les honoraires des membres des conseils d'administration; 01.3102 Mo. Mugny.

Administration fédérale et entreprises publiques. Plafonnement des salaires). Enfin, une quatrième motion visait à la création des bases juridiques qui permettraient de garantir la transparence des salaires des dirigeants et des rétributions des membres de conseils d'administration dans les entreprises privées et publiques (01.3153 Mo.

Leutenegger Oberholzer. Transparence des salaires des cadres et des indemnités des administrateurs).

Le 26 avril 2001, le Directeur de l'Office du personnel s'est présenté devant la CIPN au titre de représentant du conseiller fédéral Villiger, afin d'apporter les réponses et les précisions attendues. Suite à cette audition, la Commission à décidé d'attendre la publication du rapport du Conseil fédéral ­ prévue pour début juin ­ avant de se prononcer sur la suite à donner à la procédure. Le 14 juin 2001, le conseiller fédéral Villiger a présenté ledit rapport à une séance réunissant la Délégation des finances, la CTT-N, une délégation des Commissions de gestion et la CIP-N.

1.3

Le rapport du Conseil fédéral du 5 juin 2001

Dans son rapport du 5 juin 2001 intitulé «Salaires et autres conditions d'engagement des dirigeants», le Conseil fédéral a dressé un état des lieux de la situation actuelle dans les entreprises suivantes: Swisscom SA, la Poste, les CFF, la RUAG, la Banque nationale suisse (BNS), la CNA, la SSR et l'Institut de la propriété intellectuelle (IPI). Il a en outre publié les résultats d'une enquête effectuée auprès de ces entreprises au sujet de la rémunération des membres de la direction. Le Conseil fédéral a alors affirmé que, si les salaires et les primes des dirigeants apparaissaient élevés en comparaison de la situation en vigueur dans l'administration fédérale, les salaires des cadres des CFF et de la Poste étaient conformes au marché, et qu'ils se situaient même dans la frange inférieure. Toutefois, le gouvernement a présenté un certain nombre de mesures visant à renforcer la confiance mutuelle de l'opinion publique, des milieux politiques et des entreprises. Il a ainsi proposé le renforcement de la transparence ainsi que la standardisation et la concrétisation des rapports adressés à la Délégation des finances des Chambres fédérales. En outre, le Conseil fédéral a affirmé son intention de définir des principes applicables aux salaires des cadres et aux rémunérations des membres du conseil d'administration dans le cas des entreprises appartenant tout ou partie à la Confédération. La nécessité d'agir au niveau législatif n'a cependant pas été retenue par le collège gouvernemental, d'autant que ce dernier souhaitait édicter des principes ayant uniquement valeur de recommandation. Le Conseil fédéral a finalement estimé que les bases légales actuelles étaient « toujours appropriées et adaptées aux différentes situations».

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1.4

Dépôt d'une initiative de commission

La question de savoir s'il y a lieu de faire intervenir le législateur a été discutée par la CIP-N à sa séance du 16 août 2001. La commission n'est pas arrivée à la même conclusion que le Conseil fédéral: elle a estimé qu'il convenait d'élaborer une base juridique qui, d'une part, permettrait au gouvernement d'agir impérativement sur les salaires des cadres et sur les rétributions des membres des conseils d'administration dans les entreprises liées à la Confédération, et qui, d'autre part, garantirait une véritable transparence dans ce domaine, non seulement à l'égard de la Délégation des finances, mais aussi vis-à-vis du Parlement et de l'opinion publique. Toutefois, après avoir procédé à l'examen préalable de l'initiative parlementaire Leutenegger Oberholzer (01.411), la commission a jugé que certaines des revendications étaient trop ambitieuses; elle a donc proposé par 14 voix contre 8 de ne pas y donner suite.

1.5

Institution d'une sous-commission chargée d'élaborer un avant-projet

Réunie le 6 septembre 2001, la CIP-N a décidé d'instituer une sous-commission chargée d'élaborer cette initiative de commission.1 A sa première séance, la souscommission a défini les grandes lignes de la future réglementation. A la deuxième séance, les membres de la sous-commission disposaient déjà d'un avant-projet élaboré par l'Office fédéral de la justice et visant à modifier la Loi sur le personnel de la Confédération et à adapter en conséquence les lois s'appliquant aux différentes entreprises. Cet avant-projet a été approuvé après l'examen par article.

Le 25 avril 2002, la CIP-N a procédé à quelques modifications de l'avant-projet de sa sous-commission, puis l'a approuvé par 17 voix contre 0.

1.6

Décision encourageante du côté du Conseil des Etats

Le 11 février 2002, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) a décidé par 8 voix contre 0, et 2 abstentions, de donner suite à l'initiative parlementaire de Christiane Brunner (01.409). Elle a ainsi montré qu'elle estimait nécessaire de légiférer dans le domaine des salaires versés aux dirigeants de différentes entreprises détenues entièrement ou partiellement par la Confédération. La CIP-E a pris acte des travaux déjà engagés par son homologue du Conseil national et a indiqué, par sa décision, qu'un projet pertinent élaboré par le Conseil national serait accueilli favorablement par la commission du Conseil des Etats.

Le 22 mars 2002, le Conseil des Etats s'est rallié unanimement à l'opinion de la CIP-E.

1

Membres de la sous-commission: Joder (président), Eberhard, Engelberger, Leutenegger Oberholzer, Lustenberger, Tillmanns, Vallender, Vermot-Mangold, Weyeneth.

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2

Les grandes lignes du projet

2.1

Pourquoi introduire une réglementation dans la loi?

Précisons d'abord qu'il ne s'agit pas de renoncer à l'ouverture du marché déjà amorcée pour les entreprises détenues par la Confédération. Il est nécessaire que ces entreprises disposent d'une liberté d'action suffisante leur permettant d'être flexibles sur le marché, d'où l'importance de ne pas les soumettre à une réglementation juridique trop stricte. Cependant, la Confédération a certaines responsabilités en tant que propriétaire de ces entreprises. Afin de concilier ces impératifs, la souscommission propose que le Conseil fédéral soit légalement contraint d'édicter des principes impératifs applicables aux rémunérations des cadres et des membres des conseils d'administration, mais qu'il ne soit pas dans l'obligation de fixer des plafonds pour ces rétributions.

L'inscription d'une réglementation des salaires des cadres dans la loi se révèle nécessaire pour des raisons à la fois politiques, économiques et sociales.

Comme en témoigne également l'actuel débat sur les salaires des dirigeants du secteur privé, les montants extraordinairement élevés des salaires des cadres sont souvent mal accueillis par l'opinion. Et lorsqu'il s'agit d'entreprises du secteur public, ces salaires exorbitants sont d'autant plus choquants. Pour les contribuables, il est en effet difficilement acceptable ­ et c'est compréhensible ­ de voir les dirigeants de leurs entreprises toucher des salaires exorbitants tandis qu'eux-mêmes doivent subir les conséquences d'une politique de restriction budgétaire, et sont notamment confrontés à la fermeture de gares et de bureaux de poste. Comme l'a déclaré en substance Peter Hasler, le président de l'Union patronale suisse, dans la NZZ du 20 février 2002, il ne faut pas oublier que les entreprises publiques sont détenues par l'Etat, et donc par les contribuables, et qu'elles sont à cet égard soumises à d'autres critères: les salaires de l'ordre d'un ou plusieurs millions sont jugés démesurés dans la mesure où les plus hauts représentants du pays ­ à savoir les conseillers fédéraux ­ touchent environ 400 000 francs.

Un tel écart sur l'échelle des salaires représente un danger pour la paix sociale. Prenons l'exemple d'un conducteur de locomotive, qui a chaque jour des milliers de vies humaines entre les mains: comment justifier qu'un travail aussi exigeant soit aussi peu rémunéré par
rapport à la tâche d'un directeur général ? D'aucuns pourraient certes objecter que les inégalités de salaires sont encore plus criantes dans le secteur privé et que la paix sociale y est donc d'autant plus menacée, mais il convient de souligner que le secteur public a toujours servi de référence. L'actuel débat sur la rémunération des dirigeants des entreprises privées prouve que, dans la sphère privée aussi, les choses doivent changer.

Dans ses réponses aux différentes interventions et dans son rapport du 5 juin 2001, le Conseil fédéral a fait preuve d'une grande compréhension pour la dimension politique et sociale du problème. Toutefois, il a estimé que les salaires mis en cause étaient conformes au marché, et qu'ils se situaient même dans la frange inférieure: la motivation économique a ainsi pris le pas sur l'argumentation politique et sociale.

Or, pour les raisons précédemment évoquées, c'est justement dans les entreprises publiques qu'il conviendrait d'accorder une même importance aux facteurs politiques et sociaux.

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En outre, l'argumentation économique du Conseil fédéral n'est pas entièrement convaincante. Premièrement, il faudrait définir ce que l'on entend par marché: quel marché peut servir de référence à des entreprises qui sont plus en moins en situation de monopole dans leur domaine d'activité?

Deuxièmement, il faudrait définir les critères qui rendent un poste attractif. Le salaire en fait certainement partie, mais il faut y ajouter le défi personnel, l'intérêt du travail, la possibilité d'épanouissement, le prestige lié à la fonction, etc. Les chercheurs doutent par exemple que la politique du salaire au mérite ou «pay for performance» (rémunération selon les prestations individuelles et spécifiques du collaborateur) conduise automatiquement à l'amélioration des prestations. Bruno S. Frey et Margit Osterloh ont effectué des recherches théoriques et empiriques qui ont prouvé que la politique des salaires au mérite était à l'origine d'une amélioration des prestations uniquement dans le cas de tâches simples et de personnes exclusivement motivées par l'appât du gain2: elle serait donc valable pour un nombre restreint d'activités et de collaborateurs. Pour les tâches complexes et pour les collaborateurs qui ne s'intéressent pas uniquement au revenu, le salaire au mérite pourrait se révéler contre-productif: la détermination des relations employés-employeurs en fonction d'un salaire qui se fonde uniquement sur des prestations individuelles facilement identifiables nuit à la motivation intrinsèque pour le travail, car cette motivation ne résulte pas du salaire mais du plaisir immédiat procuré par le travail. Selon Frey et Osterloh, le salaire au mérite serait paradoxalement responsable de la hausse exponentielle des salaires des cadres et la part du salaire fixe serait de plus en plus réduite par rapport aux primes et surtout aux options sur les actions.

Frey et Osterloh estiment que le plaisir de travailler mais aussi la loyauté vis-à-vis de l'employeur constituent une condition sine qua non incitant les cadres à fournir de meilleures prestations. Ceux qui pensent que l'instauration d'une certaine transparence dans le domaine de la rémunération des cadres aura tendance à renforcer la hausse des très hauts salaires se contentent de prendre en compte la seule composante salariale. Toutefois, nous sommes en
droit d'espérer que les entreprises publiques recrutent leurs cadres sur d'autres critères que la motivation salariale. En la matière, c'est surtout le recrutement de personnes étrangères au secteur et n'ayant jusque là aucun lien avec l'entreprise qui soulève certaines questions.

2.2

Engagement du Conseil fédéral pour la définition de principes et de valeurs de référence

Dans son rapport du 5 juin 2001, le Conseil fédéral annonce qu'il entend édicter, pour les entreprises détenues entièrement ou partiellement par la Confédération, des principes applicables aux salaires des cadres et aux rémunérations des membres de conseils d'administration. Il devrait se voir assigner cette tâche par le biais de la révision d'une part, de la loi sur le personnel de la Confédération et, d'autre part, des différentes lois spécifiques; les principes définis devraient donc être fixés impérativement pour les entreprises concernées. La loi précise ainsi les domaines dans

2

Frey, Bruno S. et Osterloh Margrit: Pay for Performance ­ immer empfehlenswert?, Zeitschrift für Führung und Organisation, Zurich 1999.

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lesquels le Conseil fédéral est tenu d'édicter certains principes, à savoir par exemple: ­

les salaires des cadres (y compris les prestations annexes comme les primes)

­

les honoraires des membres de conseils d'administration (y compris les prestations annexes)

­

les autres conditions contractuelles (par ex. prévoyance professionnelle et indemnités de départ)

­

les activités accessoires.

Le Conseil fédéral a la compétence d'édicter de tels principes pour la Poste, les CFF et les unités administratives décentralisées. Ces principes s'appliquent par analogie à d'autres entreprises de droit public et institutions fédérales qui ne sont pas régies par la loi sur le personnel de la Confédération; il suffit pour cela d'introduire les clauses de renvoi correspondantes dans les lois spécifiques à ces entités. En outre, le Conseil fédéral est chargé de veiller à ce que ces principes soient également appliqués aux entreprises dont le capital est majoritairement détenu par la Confédération, ainsi qu'à la SSR.

Toutefois, le Conseil fédéral ne doit pas se contenter d'édicter des principes, mais il doit aussi définir des valeurs de référence. Il ne s'agit pas de fixer précisément le montant des salaires, mais de déterminer un plafond, comme le souhaite d'ailleurs une grande partie de l'opinion publique. Quant aux conditions contractuelles, il apparaît, là aussi, nécessaire de donner certaines consignes chiffrées, surtout en ce qui concerne les indemnités de départ et la prévoyance professionnelle : étant donné la confusion qui règne en la matière dans les différentes entreprises, il serait de bon ton que la loi prescrive une intervention de l'Etat.

Cependant, la minorité est d'avis que l'obligation de fixer des valeurs précises entraverait trop la liberté d'action du Conseil fédéral. Elle invite donc ce dernier à édicter une série de principes, à contrôler le montant des rémunérations et à intervenir en cas de violation des principes fixés.

2.3

Transparence

Il est en outre prévu de rendre publics les salaires et les honoraires (y compris les prestations annexes) des personnes exerçant une fonction pour laquelle le Conseil fédéral aura édicté certains principes. Il n'est pas concevable en effet que la Délégation des finances soit la seule à avoir accès à ces informations, d'autant qu'il s'agit d'un intérêt public concernant directement les contribuables. D'autre part, l'argument selon lequel la transparence ­ et donc la comparabilité ­ des salaires provoquera de nouvelles augmentations n'est pas fondé étant donné que ces chiffres étaient assurément déjà connus des différents acteurs. Les conséquences d'une plus grande transparence ont par ailleurs été évoquées sous le ch. 21.

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3

Conception générale du projet et commentaire des dispositions

3.1

Conception générale du projet

Le projet de loi se borne à compléter ou à modifier des lois fédérales déjà existantes.

Il s'agit donc d'un acte modificateur portant sur différentes lois (Sammelgesetz).

Comparée à l'autre technique législative qui consisterait à édicter une loi autonome sur la rémunération des cadres et des autres membres des organes dirigeants d'entreprises, la méthode choisie ici permet d'éviter que de nouvelles prescriptions sur ces rémunérations se développent, en quelque sorte, en marge des réglementations sectorielles propres aux divers domaines (CFF, CNA, etc.) et qu'il faille, pour interpréter ces nouvelles prescriptions, toujours y associer les dispositions sectorielles. Les nouvelles prescriptions doivent, au contraire, s'intégrer dans les lois actuelles.

Théoriquement, il serait aussi possible de répéter intégralement les nouvelles dispositions relatives à la rémunération des cadres et autres organes dirigeants dans chacune des lois sectorielles. Cette méthode se justifierait s'il fallait, pour chacun des domaines sectoriels (Poste, Swisscom, CNA, etc.), prévoir une solution qui lui soit propre. Telle n'est toutefois pas la volonté de la Commission. Dès lors que les lois sectorielles ne prévoiraient, de toute façon, qu'un mandat déléguant au Conseil fédéral le soin de régler lui-même certaines questions déterminées, ce mandat peut être formulé de manière identique pour toutes les entreprises et établissements de la Confédération. Compte tenu de ce choix initial, la Commission a cherché à développer une solution simple qui évite les répétitions inutiles. Une manière d'y parvenir consiste à ancrer les dispositions matérielles sur la rémunération des cadres et des autres membres des organes dirigeants dans une loi bien déterminée (loi centrale) et à inscrire des clauses de renvoi dans les autres lois sectorielles.

La loi fédérale sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) se prête parfaitement à ce rôle de loi centrale, en particulier du fait qu'elle s'applique, conformément à son champ d'application, à de nombreux établissements et entreprises de la Confédération (par ex., à la Poste, aux CFF, aux EPF, à la Régie fédérale des alcools; cf. art. 2, al. 1, LPers). Quant aux lois sectorielles relatives à Swisscom, à la Banque nationale, etc., chacune d'elles renverra à la réglementation de la LPers.

3.2

Commentaire des dispositions

1. Loi sur le personnel de la Confédération (LPers) Art. 6a

Rémunération et autres conditions contractuelles convenues avec les cadres et les membres des organes dirigeantes d'entreprises et d'établissement de la Confédération

Al. 1 L'al. 1 donne au Conseil fédéral le mandat impératif d'édicter des principes en matière de rémunération des cadres. En ce qui concerne les cadres, la réglementation vise les salaires et les «prestations annexes». Par prestations annexes, il faut entendre 6981

les bonus et les prestations en nature (pour véhicules privés, pour des voyages privés ou autres vacances, etc.) Sont aussi visés les salaires et les prestations annexes accordés aux employés qui n'assument, à proprement parler, pas de fonctions dirigeantes, mais qui, en raison de l'importance que revêt leur tâche pour l'entreprise, sont rémunérés d'une manière comparable à celle des cadres dirigeants.

Le Conseil fédéral reçoit aussi le mandat d'édicter des principes en matière d'honoraires versés aux membres du conseil d'administration ou d'un autre organe exerçant la haute direction de l'entreprise. Là également, les prestations annexes sont visées.

Al. 2 L'al. 2 enjoint le Conseil fédéral d'édicter des principes mais aussi de fixer des valeurs de référence en ce qui concerne les salaires des cadres et la rémunération des membres des conseils d'administration.

Al. 3 Le Conseil fédéral doit aussi édicter des principes et fixer des valeurs de référence portant sur les avantages accordés en matière de prévoyance professionnelle, sur les indemnités de départ ou sur les autres conditions contractuelles convenues avec les cadres et les membres des conseils d'administration. Au titre d'autres conditions contractuelles figurent notamment les délais de résiliation asymétriques (p. ex., le cadre devant observer un délai de résiliation d'un mois seulement, l'entreprise devant, elle, observer un délai d'un an).

Al. 4 En ce qui concerne les cadres, le Conseil fédéral doit aussi régler la question des activités accessoires, c'est-à-dire déterminer si et dans quelle mesure les cadres peuvent exercer de telles activités. Pour les employés de l'administration fédérale générale, la question est réglée à l'art. 91 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3), aux termes duquel l'exercice d'une activité accessoire est soumise à un régime d'autorisation et celle-ci ne peut être accordée que si l'activité n'est pas de nature à compromettre les prestations de l'employé ou qu'elle ne risque pas d'entrer en conflit avec les intérêts de l'employeur. Cette réglementation doit désormais aussi s'appliquer aux cadres des entreprises et établissements de la Confédération.

Al. 5 Aux termes de cette disposition, les salaires des cadres et les honoraires des membres du conseil d'administration
(prestations annexes y comprises) ainsi que les autres conditions contractuelles convenues doivent pouvoir être connus du public.

Cette disposition ne prescrit pas la publication officielle de ces données, mais elle commande de les communiquer sur demande.

Al. 6 Aux termes de cette disposition, les principes au sens des al. 1 à 5 visent également les filiales des entreprises et établissements qui relèvent du champ d'application de la LPers (en l'occurrence, les filiales de la Poste, des CFF, des EPF, etc). Dès lors que les lois sectorielles (par exemple, celle qui régit Swisscom) renvoient à cette disposition, celle-ci vise également les filiales de ces différentes entreprises.

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Al. 7 Selon cette disposition, le Conseil fédéral est tenu de veiller à ce que les principes visés aux al. 1 à 6 soient appliqués par analogie à toutes les entreprises de droit privé qui appartiennent, dans une mesure majoritaire, à la Confédération. Avec cette manière indirecte d'intégrer les entreprises de droit privé fédérales dans le champ d'application de la nouvelle réglementation, on entend tenir compte du fait que la détermination des salaires et des autres conditions contractuelles relève, en droit privé, de l'autonomie de la volonté des organes responsables de l'entreprise, et qu'on porterait atteinte à la substance du système si le Conseil fédéral recevait la compétence d'édicter du droit réglementaire en ce domaine. En revanche, le Conseil fédéral peut, en sa qualité de défenseur des intérêts de l'actionnaire majoritaire, veiller, en agissant au niveau des statuts de l'entreprise concernée, voire en concluant des conventions avec elle, à ce que les principes relatifs aux salaires, aux honoraires des membres du conseil d'administration et aux autres conditions contractuelles soient observés. Dans l'hypothèse où une entreprise de droit privé fédérale violerait ces principes, le Conseil fédéral conserve, comme dernier moyen, la faculté de révoquer le conseil d'administration.

En inscrivant dans la LPers l'obligation indirecte pour toutes les entreprises de droit privé dominées par la Confédération d'observer les principes en matière de rémunération des cadres et des autres membres des organes dirigeants, on introduit une norme qui dépasse, en soi, le champ d'application propre de la LPers: en effet, cette loi ne vise précisément pas ce type d'entreprises. Deux solutions s'offrent ici pour résoudre ce problème: ou bien l'on étend le champ d'application de la LPers (art. 2), ou bien l'on introduit l'obligation indirecte dans chacune des lois sectorielles qui règlent la participation de la Confédération à l'entreprise de droit privé en cause.

Cette dernière solution aurait, pour elle, l'avantage d'une meilleure transparence; à son désavantage, on peut objecter le risque qu'il y a d'oublier de procéder à l'adaptation nécessaire de la loi sectorielle régissant une entreprise déterminée.

Art. 15, al. 6 Cette disposition a pour but d'assurer la transparence aussi en matière de rémunération
des cadres du plus haut niveau hiérarchique de l'administration fédérale. En effet, on ne voit pas de raison de traiter différemment, en ce qui concerne les données relatives à la rémunération, les cadres supérieurs de l'administration générale et ceux des entreprises de la Confédération.

2. Loi sur l'entreprise de télécommunication (LTC) Art. 9, al. 4 et art. 16, al. 2 Aux termes de ces dispositions, les principes visés à l'art. 6a, al. 1 à 6, LPers s'appliquent par analogie. Cette clause de renvoi a pour effet que les principes édictés par le Conseil fédéral vaudront directement aussi pour l'entreprise Swisscom et les filiales qu'elle détient à titre majoritaire et qui sont sises en Suisse. Le principe d'une application «par analogie» résulte notamment du fait que, dans l'art. 6a, al. 1, LPers, il n'est question que des cadres et autres membres des organes dirigeants de la Poste et des CFF.

6983

3. Loi sur la Banque nationale Art. 62a Les explications données en regard des propositions de modifications de la LTC valent par analogie.

4. La loi fédérale sur l'assurance-accident Art. 63, al. 2 et art. 64, al. 3 Les explications données en regard des propositions de modifications de la LTC valent par analogie.

5. Loi fédérale sur la radio-télévision Art. 29, al. 4 Comme la SSR est une organisation de droit privé, l'obligation d'observer les principes en matière de rémunération de ses organes dirigeants ne peut être imposée que de manière indirecte. Voir, pour le détail des explications, le commentaire de l'art. 6a, al. 7, LPers. A la différence des lois réglant les autres entreprises de droit privé fédérales, la loi fédérale sur la radio et la télévision doit consacrer elle-même la nouvelle réglementation en matière de rémunération: en effet, étant donné que la SSR n'est pas une entreprise détenue à titre majoritaire par la Confédération, elle ne tombe pas sous le coup de l'art. 6a, al. 7, LPers.

6. Loi fédérale sur le statut et les tâches de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle Art. 4, al. 5 et art. 8, al. 3 Les explications données en regard des propositions de modifications de la LTC valent par analogie.

7. Loi sur les produits thérapeutiques Art. 71, al. 2 et art. 75, al. 2 Les explications données en regard des propositions de modifications de la LTC valent par analogie.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le projet n'aura vraisemblablement aucune conséquence financière directe sur les dépenses de la Confédération. Toutefois, partant du principe que la définition de règles relatives aux salaires des cadres et la création d'une certaine transparence entraîneront une réduction des coûts dans les entreprises, on peut s'attendre à une amélioration tendancielle des résultats d'exploitation des entreprises. Or, une telle évolution ne peut être que bénéfique pour les actionnaires de ces entreprises, et donc

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pour la Confédération: le projet aura donc indirectement des répercussions positives sur les finances fédérales.

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Constitutionnalité

Les révisions des différentes lois ont pour base constitutionnelle les dispositions constitutionnelles mêmes sur lesquelles se fonde chacune des ces lois (art. 92, al. 1, 93, al. 1, 95, al. 1, 99, al. 2, 117, al. 1, 118, al. 2, 122, al. 1, et 173, al. 2, Cst.).

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