La portée de la haute surveillance parlementaire sur les tribunaux ­ les avis de la doctrine juridique Rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration à l'attention des membres de la sous-commission DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des Etats élargie à quelques députés au Conseil national du 11 mars 2002

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L'essentiel en bref Avec la révision de la loi sur les rapports entre les conseils et celle de l'organisation judiciaire, les CdG portent une attention accrue à la haute surveillance sur la justice. Pour procéder à une évaluation préliminaire de l'orientation future de la haute surveillance sur les tribunaux, la sous-commission élargie DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des Etats a chargé l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration de procéder à une étude de la littérature traitant de la portée en Suisse de la haute surveillance parlementaire sur la justice. Le présent rapport décrit d'une part les divers points de vue de la doctrine juridique en matière de portée de la haute surveillance et de ses objets. D'autre part, il aborde également les limites constitutionnelles qui sont imposées à la haute surveillance. Il s'agit du deuxième rapport que l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration a rédigé dans le cadre de l'inspection «Haute surveillance parlementaire sur la justice». Le premier rapport était consacré à la gestion moderne de la justice.

La littérature juridique qui traite de la haute surveillance parlementaire sur la justice en Suisse n'est pas très abondante. Peu de questions du droit de la haute surveillance sont controversées. Il est néanmoins possible de distinguer trois courants conceptuels principaux: ­

En tant que représentant d'une conception stricte de la portée de la haute surveillance parlementaire sur la justice, Jean-François Aubert estime que celle-ci doit se concentrer sur la surveillance de la «régularité formelle» et ne peut en aucun cas se référer au contenu des décisions.

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En revanche, la majorité des auteurs défendent une conception élargie de la haute surveillance sur la justice. Regina Kiener est l'une des représentantes de ce courant médian qui place clairement le principe de l'indépendance judiciaire au centre de ses préoccupations. Cette conception de la haute surveillance accorde également la priorité au contrôle de la gestion des affaires. La gestion administrative des organes juridictionnels et la marche des affaires sont explicitement déclarées en tant qu'objets de la haute surveillance. Les cas de déni de justice, de retard injustifié et de procédure extrêmement longue exceptés, le Parlement ne peut pas se pencher sur des procédures qui n'ont pas été clôturées. Selon les tenants de cette conception, la haute surveillance peut prendre connaissance du contenu des procédures closes lorsqu'il s'agit de procéder à un contrôle des effets et de l'efficacité de l'activité légiférante. Elle peut également discuter des tendances de la jurisprudence avec les autorités judiciaires car cette manière de faire permet d'identifier d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes de la législation et de prendre les mesures correctrices qui s'imposent. La portée de la haute surveillance parlementaire telle qu'elle est décrite par les défenseurs cette conception élargie correspond largement à la position défendue jusqu'ici par les CdG.

­

Quelques auteurs défendent une conception élargie accordant à la haute surveillance une marge de manoeuvre et une liberté d'appréciation plus étendue sur certains points (appelée conception étendue dans le présent

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rapport). Ainsi, Philippe Mastronardi estime que, dans certaines circonstances (concrètement en cas de limitation des voies de recours prévues par la constitution) la haute surveillance assume une fonction démocratique à titre subsidiaire et n'exclut pas la possibilité qu'elle puisse se pencher matériellement sur certains jugements. Pour lui, le «devoir de réserve» que le Parlement s'impose dans ces critiques de la jurisprudence est un signe de «courtoisie parlementaire» qui ne découle pas du droit constitutionnel.

Pour Hansjörg Seiler, il est important de doter la haute surveillance parlementaire sur la justice de droits d'information étendus (droit de requérir des renseignements, droit de prendre connaissance de pièces de procédures closes et possibilité d'instituer une CEP sur les tribunaux).

Les désignations de personnes et de fonctions concernent les deux sexes.

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Rapport Introduction Le 15 octobre 2001, la sous-commission DFJP/tribunaux de la Commission de gestion du Conseil des Etats élargie à quelques députés au Conseil national a décidé de poursuivre l'inspection «haute surveillance parlementaire sur la justice». Elle a chargé l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) de procéder à une étude de la littérature traitant de la portée de la haute surveillance parlementaire sur la justice et de résumer les diverses positions de la doctrine juridique suisse dans un rapport.

En étudiant la littérature, l'OPCA s'est concentré sur les questions suivantes: Quels sont les objets de la haute surveillance parlementaire? Quelles doivent être les compétences de la haute surveillance parlementaire? Quels sont les problèmes de compatibilité avec le principe de l'indépendance judiciaire? Quels sont les domaines de la doctrine juridique qui font l'unanimité? Dans quels domaines les opinions divergent-elles? Ces questions sont tout particulièrement d'actualité du point de vue de la révision de la loi sur les rapports entre les conseils1 (LREC) et de celle de l'organisation judiciaire2. Le rapport se penche également sur la future loi sur le Parlement, projet qui entrera probablement en vigueur au cours de la prochaine législature. En effet, celle-ci comporte un certain nombre de nouveautés qui auront une incidence sur la haute surveillance parlementaire exercée sur les tribunaux fédéraux. En revanche, la révision de la loi fédérale d'organisation judiciaire et, dans ce même contexte, la question relative à l'introduction d'un conseil de justice ­ au sujet de laquelle les débats se poursuivent encore ­ ne sont pas abordés ici étant donné que ce sont avant tout la Constitution fédérale et la loi sur le Parlement qui définissent la portée de la haute surveillance parlementaire.

En comparaison internationale, le modèle suisse de surveillance sur la justice constitue un cas particulier.3 Pour cette raison, nous avons pu nous limiter à une revue de la littérature juridique suisse pour répondre aux questions faisant l'objet du présent examen. La thèse d'habilitation récemment publiée par Regina Kiener «Richterliche Unabhängigkeit: verfassungsrechtliche Anforderungen an Richter und Gerichte» 1

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RS 171.11, loi fédérale sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils) du 23 mars 1962.

FF 2001 4000 01.023 Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001.

En Suisse, les parlements assurent la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux et cantonaux. Da plupart des pays européens, ce sont des conseils de justice «indépendants» qui assurent cette fonction. L'élection des juges constitue une autre particularité du système judiciaire suisse. En effets, en Suisse, les juges de chaque instances sont élus (électeurs: le parlement, le peuple, rarement, le gouvernement) et rééligibles. A l'étranger, les juges sont le plus souvent nommés et officient jusqu'à une certaine limite d'âge. Voir Eichenberger, Kurt, 1990: Sonderheiten und Schwierigkeiten der richterlichen Unabhängigkeit in der Schweiz. In: Frank, Richard: Unabhängigkeit und Bindungen des Richters in der Bundesrepublik Deutschland, in Österreich und der Schweiz. Beihefte zur Zeitschrift für Schweizerisches Recht, numéro 12, p. 57 à 81. Bâle. p. 64 à 66.

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s'est révélée particulièrement utile pour la recherche documentaire.4 Dans la partie consacrée à l'analyse de l'approche institutionnelle de l'indépendance judiciaire, Kiener aborde la problématique de la surveillance de manière détaillée en se référant notamment à toute la littérature qui se rapporte à ce sujet. Elle indique les questions pour lesquelles certains auteurs partagent ses points de vue et celles pour lesquelles ils ont des opinions différentes. Cela étant, nous n'avons pas remarqué de véritable dispute dans la doctrine. Kiener, qui défend une position médiane, est souvent citée ci-après. Dans le domaine qui nous intéresse ici, il convient également de mettre en évidence une contribution de Hansjörg Seiler.5 A la lumière des droits d'information du Parlement et de la publicité des débats judiciaires, Seiler est favorable à une portée ponctuellement plus étendue de la haute surveillance parlementaire. Dans son article, il énumère les points sur lesquels la littérature est unanime et ceux sur lesquels il y a désaccord. Selon cet auteur, ce sont avant tout les questions liées aux compétences qui font l'objet de contestations (droit de requérir des renseignements et droit de prendre connaissance de pièces). Seiler est cité plusieurs fois tout au long de ce rapport. Philippe Mastronardi, secrétaire des CdG de 1978 à 1994, est également cité à plusieurs reprises. Il a analysé en détail la haute surveillance parlementaire de la Confédération dans sa thèse d'habilitation publiée en 1991.6 Sa position est dans la ligne de la pratique des CdG: il est également favorable à une haute surveillance forte. Quant à Jean-françois Aubert, également cité ici, il est favorable à une surveillance parlementaire étroitement limitée.7 Aubert est par ailleurs représentatif des auteurs qui ne consacrent que très peu de lignes à l'objet de notre examen. Force est d'être d'accord avec Seiler lorsqu'il constate que la doctrine traite longuement de la portée de la haute surveillance parlementaire sur le Gouvernement et l'administration, mais qu'elle se montre d'une manière générale assez laconique au sujet de celle sur les tribunaux qu'elle traite plutôt sommairement.8 Dans cette revue de la littérature juridique, nous pouvons donc nous limiter à un nombre d'auteurs assez restreint. Les passages cités directement
sont marqués comme tels et placés entre guillemets. Lorsqu'ils sont cités indirectement, les passages sont attribués à leur auteur (ce qui est notamment le cas pour les citations traduites de l'allemand). Le cas échéant, les passages mis en évidence par leur auteur sont reproduits en caractères italiques. Les ouvrages consultés sont énumérés dans la bibliographie à la fin du rapport. Seiler souligne une difficulté que ce rapport n'est pas parvenu à éliminer entièrement. En effet, la doctrine n'indique souvent pas clairement si telle ou telle affirmation sur la portée de la haute surveillance est de nature normative ou si elle ne fait que décrire comment le Parlement exerce sa surveillance

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8

Kiener, Regina, 2001: Richterliche Unabhängigkeit: verfassungsrechtliche Anforderungen an Richter und Gerichte. Berne.

Seiler, Hansjörg, 2000: Praktische Fragen der parlamentarischen Oberaufsicht über die Justiz, ZBl 6/2000, p. 281 à 294.

Voir Mastronardi, Philippe, 1991: Kriterien der demokratischen Verwaltungskontrolle, Analyse und Konzept der parlamentarischen Oberaufsicht im Bund. Bâle/Frankfurt am Main, p. 131-138 en particulier.

Voir Aubert, Jean-François, 1987, art. 71 nos 58 à 61, art. 85, ch. 11, nos 181 à 184.

In: Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, Editeurs Jean-François Aubert et al. Volume IV, Bâle, Zurich, Berne.

Voir Seiler, p. 282. Pour des raisons procédurales, il n'y a pas de jurisprudence du Tribunal fédéral à ce sujet.

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dans la réalité. En règle générale, nous indiquons ces «rapports à la réalité» de manière explicite.

Au niveau fédéral, même s'ils sont judiciairement indépendants, les tribunaux fédéraux dans les domaines des juridictions constitutionnelle, civile, pénale et administrative dépendent de la haute surveillance parlementaire. Il s'agit principalement du Tribunal fédéral (TF), Tribunal fédéral des assurances compris, des tribunaux spéciaux de la Confédération (comme le futur Tribunal pénal fédéral), des commissions de recours et d'arbitrage ­ lorsqu'elles disposent de l'indépendance requise ­ et de la justice militaire.9 Dans cette analyse, le terme de «haute surveillance» a toujours le sens de «haute surveillance parlementaire»; il s'agit donc d'une surveillance exercée par l'organe d'un pouvoir sur l'organe d'un autre pouvoir. A l'échelon cantonal, c'est en général le Parlement qui exerce la haute surveillance sur la cour suprême. C'est la raison pour laquelle la littérature juridique qui se rapporte aux modèles cantonaux peut également être prise en compte. Dans les cantons, les autorités judiciaires inférieures sont la plupart du temps soumises à la surveillance interne à leur pourvoir qui est exercée par l'instance judiciaire supérieure.10 Le premier chapitre du présent rapport est consacré aux définitions des buts de la haute surveillance sur la justice telles que nous les avons rencontrées dans la littérature. Cette présentation tient en partie compte des différentes évaluations de la signification du principe de la séparation des pouvoirs. L'indépendance judiciaire, une notion qui accompagne toutes les réflexions relatives à la haute surveillance sur la justice, fait l'objet du deuxième chapitre. Dans le troisième chapitre, nous présentons les positions principales en matière de haute surveillance sur la justice. Il y a trois positions principales au sujet de la portée de la haute surveillance, soit la conception stricte, la conception élargie et la conception étendue. Dans le quatrième chapitre, nous abordons les différents objets de la haute surveillance et nous discutons des instruments qui y sont liés. Le cinquième chapitre est consacré à l'institution d'une commission d'enquête parlementaire en tant qu'instrument de surveillance sur les tribunaux. Le chapitre final présente les résultats principaux de cette vue d'ensemble de la littérature pour les activités des CdG et dans l'optique de la nouvelle loi sur le Parlement.

1

Buts de la haute surveillance sur la justice et importance du principe de la séparation des pouvoirs

La portée de la haute surveillance parlementaire dépend des fonctions et des buts que la haute surveillance doit remplir des points de vue juridique et institutionnel. A cet égard, la littérature aborde la plupart du temps la question de l'importance du principe de la séparation des pouvoirs. Comme nous le constatons ci-après, les points de vue divergent au sujet de cette importance. Lors de la description des buts de la surveillance sur la justice déjà, les auteurs font systématiquement part des importantes tensions qui caractérisent ce domaine.

9

10

Voir Sägesser, Thomas (éd.), 2000: Die Bundesbehörden: Bundesversammlung ­ Bundesrat ­ Bundesgericht. Kommentar, Beiträge und Materialien zum 5. Titel der schweizerischen Bundesverfassung. Berne, art. 169, no 596.

Voir Kiener, 2001, p. 296 s.

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Aubert souligne que le but et la fonction de la haute surveillance sur la justice sont de «s'assurer que la justice est rendue et qu'elle l'est sans retard excessif».11 Sous la plume de Kiener, qui oriente sa réflexion sur un niveau fondamental, il s'agit de contrôler si les organes compétents assument les tâches que la constitution leur délègue dans le sens voulu par celle-ci. Elle examine d'abord la haute surveillance parlementaire, non pas de manière isolée, mais en tant qu'élément d'un système garantissant la liberté grâce à l'équilibre des pouvoirs («[eines] freiheitsverbürgenden Systems gewaltenteiliger checks and balances»). Dans un tel système, toutes les autorités de l'Etat sont liées par des liens de contrôle réciproques dont le but est d'assurer en permanence un ordre conforme à la constitution. Lorsqu'elles assument leurs fonctions, les autorités répondent envers l'organe de surveillance d'un accomplissement des tâches relevant de la puissance publique qui soit conforme à la constitution. Ce système de contrôle englobe la justice au même titre que les organes des autres pouvoirs de l'Etat. D'après Kiener, l'indépendance de la justice ne s'en trouve pas remise en cause. Au contraire, la surveillance sur la justice veut précisément assurer que la fonction judiciaire de l'Etat se conforme à la constitution, que la justice ne travaille pas dans un espace exempt de responsabilité et que le droit des citoyens à la justice soit effectivement garanti. Lorsque l'on compte l'indépendance judiciaire parmi les critères de conformité constitutionnelle de la justice, les rapports conflictuels deviennent évidents. Pour Kiener, l'indépendance judiciaire doit constituer un garde-fou permanent contre les influences inopportunes extérieures à la justice. Le cas échéant, elle doit également assurer la prise de contre-mesures appropriées. Par conséquent, l'indépendance judiciaire est constitutive de la protection de la justice. La surveillance ne doit pas nuire au bien qu'elle cherche à protéger.12 Le conflit ­ qui trouve sa source dans la constitution ­ entre l'indépendance judiciaire d'un côté et la surveillance sur la justice de l'autre doit donc être résolu en trouvant un équilibre harmonieux. Kiener insiste sur le fait que la surveillance doit être exercée conformément à son but. Sa nature et sa portée
ne doivent en aucun cas gêner l'indépendance judiciaire; au contraire, elles doivent y contribuer à la manière d'un soutien. C'est ce but précisément qui confère à la surveillance sur la justice sa nature et ses limites spécifiques. Ainsi, la surveillance sur la justice ne peut pas être simplement assimilée à la surveillance exercée sur l'activité administrative en général. Avec cette conclusion, Kiener rejoint notamment Aubert.13 Elle souligne toute-

11 12

13

Voir Aubert, art. 85, no 184.

Voir Kiener, 2001, p. 294 s. Plus loin, Kiener explique en substance que la haute surveillance sur la gestion administrative des organes juridictionnels et la marche des affaires a pour but de garantir que les juges assument leurs obligations en tant qu'employés de l'Etat, c'est-à-dire qu'ils gèrent la fonction clé (jurisprudence) qui leur est confiée ­ et qui ne peut faire l'objet d'un contrôle du point de vue technique ­ dans le sens voulu par la constitution. En d'autres termes, il s'agit d'assurer le respect de toutes les conditions organisationnelles et institutionnelles qui permettent une jurisprudence conforme à la constitution pour que la communauté de droit garde confiance en la justice.

Idem, p. 299.

Voir Kiener, 2001, p. 296, note de bas de page 282. Dans son commentaire no 58 au sujet de l'art. 71, Aubert constate que «la supériorité de l'Assemblée fédérale sur le Tribunal fédéral s'établit d'une manière semblable [à celle sur] le Conseil fédéral.

Elle est simplement atténuée, à cause de l'indépendance qui est propre aux organes judiciaires.» Voir également Aubert, art. 85, no 181.

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fois que, sur ce point, Eichenberger et Mastronardi ont une opinion partiellement divergente.

Eichenberger constate que le principe de la séparation des pouvoirs n'a pas pour but de préserver la justice des contrôles qui s'exercent sur l'administration. Les contrôles qui sont imposés à cette dernière, notamment la surveillance dans le domaine de ses activités en matière d'exécution de la loi, doivent également être acceptés par la justice. Pour Eichenberger, l'indépendance judiciaire n'est pas synonyme d'absence totale de liens et ne signifie nullement que la justice doit être complètement isolée. Par ailleurs, l'administration qui exécute la loi dispose aussi d'une certaine indépendance. Selon Eichenberger, la prudence («Behutsamkeit») est de rigueur pour ce qui est de la surveillance sur la justice.14 Selon Mastronardi, ni le contrôle parlementaire en tant que dialogue entre les pouvoirs au sein de l'Etat et en tant que contrôle de tendance dans le but d'intervenir sur la législation à long terme sans toutefois influer sur les cas d'espèce examinés à titre d'exemple, ni la séparation des pouvoirs ou l'indépendance judiciaire ne s'opposent à ce que la jurisprudence soit également soumise à la haute surveillance. Il défend une surveillance de la justice qui ne se différencie pas de la haute surveillance exercée sur l'administration. Pour expliquer sa position, il souligne que les commissions de contrôle ne sont pas habilitées à annuler ou modifier des décisions judiciaires, ce qui constitue une limitation qui s'applique à l'ensemble du contrôle de l'administration. La constitution et la loi placent le TF sous la surveillance de l'Assemblée fédérale au même titre que le Conseil fédéral. Mastronardi explique que tant que le TF n'est pas habilité à jouer le rôle de cour constitutionnelle et à juger des lois édictées par l'Assemblée fédérale, il n'y a pas de danger que le Parlement tente d'utiliser ses compétences d'instance de haute surveillance pour gêner le tribunal dans l'exercice de ses fonctions. Pour la Confédération, en l'absence d'un système de contrôle réciproque entre l'Assemblée fédérale et le Tribunal fédéral, la justice représente une forme d'exécution de la loi qui, fondamentalement, est soumise au contrôle parlementaire dans la même mesure que le Gouvernement et l'administration. Comme
cela est expliqué au ch. 4.3.2, Mastronardi considère cependant que le Parlement doit faire preuve d'une certaine retenue pour ce qui concerne la forme et la présentation de critiques aux tribunaux; toujours selon Mastronardi, cette retenue est d'ailleurs également de mise pour ce qui concerne les rapports entre le Parlement et le Conseil fédéral.15 Pour Mastronardi, le but de la haute surveillance réside dans un contrôle de tendance visant à intervenir sur le long terme. Seiler défend une conception semblable de la haute surveillance. Il souligne que le contenu des termes de surveillance ou de haute surveillance n'est pas univoque. D'un point de vue historique, force est de constater que la portée de la surveillance parlementaire a été interprétée différemment selon l'air du temps. Au sens étroit et traditionnel, le concept a un sens de contrôle a posteriori lors duquel un «surveillant» contrôle si le «surveillé» a effectué conformément aux ordres la tâche qui lui a été confiée. Actuellement, la surveillance n'est plus seulement synonyme de contrôle ex post. Dans son acception moderne, la surveillance est un processus de conduite et de communication d'un système au sens cybernétique du terme. Dans ce sens, surveillance signifie contrôle de direction,

14 15

Voir Eichenberger, Kurt, 1982: Aktuelle Fragen des parlamentarischen Oberaufsichtsrechts im Kanton Basel-Landschaft. Liestal, p. 47.

Voir Mastronardi, p. 134 s.

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contrôle de tendance, contrôle des effets et système d'alerte permettant d'identifier les problèmes à temps. La surveillance est axée sur le présent et l'avenir. Les résultats d'une surveillance concomitante permettent d'optimiser la conduite.16 Seiler aborde également la question de l'importance du principe de la séparation des pouvoirs.17 Ses explications à ce sujet commencent par une constatation pertinente: tous les auteurs qui ont une conception restrictive de la haute surveillance se réfèrent en règle générale au respect du principe de la séparation des pouvoirs. Il est néanmoins d'avis que, en tant que principe abstrait, la séparation des pouvoirs ne saurait contribuer au débat. Il précise qu'il y a différentes compréhensions de la séparation des pouvoirs, compréhensions qui sont liées à des concepts différents de l'histoire, de la doctrine, de l'Etat et de la politique. Les avis des auteurs sur la portée de la haute surveillance dépendent donc de la compréhension qu'ils ont de la séparation des pouvoirs. La doctrine «classique» des trois pouvoirs ­ dans laquelle une fonction attitrée est attribuée à chaque «pouvoir» qui n'a aucune légitimité lui permettant d'assumer des tâches ressortissant à un autre pouvoir ­ n'entre pas en matière sur le concept de surveillance. Pourtant, tant du point de vue de l'histoire, des institutions politiques que du droit constitutionnel, la surveillance est justement l'une des tâches principales qui incombe aux parlements. Plusieurs constitutions cantonales qualifient le Parlement expressément d'autorité disposant d'un pouvoir législatif et de surveillance, ce qui fait de la surveillance une fonction attitrée du Parlement. Par conséquent, la portée de la haute surveillance ne peut pas être limitée au nom de la séparation des pouvoirs en alléguant le fait que l'exercice de la haute surveillance amène le Parlement à intervenir dans des domaines relevant des fonctions des deux autres pouvoirs. Pour Seiler, la séparation des pouvoirs n'est donc pas synonyme d'isolement des organes les uns par rapport aux autres mais de coopération hiérarchiquement conforme entre tous les organes. C'est avant tout le droit positif et non un modèle abstrait et théorique du principe de la séparation des pouvoirs qui doit déterminer la portée de la haute surveillance. Seiler précise
toutefois que cette affirmation connaît deux limitations. La première découle du fait que le droit positif demeure habituellement très évasif au sujet de la question qui nous intéresse ici et se tait même carrément lorsqu'il s'agit de définir le concept de (haute) surveillance. La seconde limitation concerne les normes et les limites que la constitution et le droit international public imposent à la haute surveillance parlementaire. A cet égard, Seiler voit deux problématiques cruciales. Il s'agit tout d'abord de l'indépendance judiciaire qui a déjà souvent été abordée dans ce chapitre et qui est abordée encore plus en détail au chapitre suivant. Il y a ensuite la question de la publicité des débats judiciaires18 et de ses conséquences qui est traitée au ch. 4.3.1.

D'une manière générale, ce chapitre permet de tirer deux conclusions principales importantes du point de vue de la portée de la haute surveillance sur la justice. Premièrement, la littérature fait état de deux conceptions de la haute surveillance. Selon la première conception, le but de la haute surveillance réside dans le contrôle de la justice pour vérifier si celle-ci assume ses tâches et remplit ses devoirs dans le sens de la constitution. Il s'agit d'une approche ex post. La seconde conception insiste 16 17

18

Voir Seiler, p. 284 s.

La séparation des pouvoirs fait l'objet de sa thèse d'habilitation; voir Seiler, Hansjörg, 1994: Gewaltenteilung, Allgemeine Grundlagen und schweizerische Ausgestaltung, Berne.

Voir Seiler, p. 282 ss et 285 ss.

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sur le fait que la haute surveillance est un contrôle de tendance, qu'elle est axée sur le présent et l'avenir et qu'elle vise à optimiser le fonctionnement de l'organe contrôlé. Ces deux conceptions divergent partiellement sur l'évaluation de la portée des principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance judiciaire. La seconde conclusion importante est que les auteurs qui sont d'avis que ces deux derniers principes prédominent (Aubert, Kiener) insistent particulièrement sur la différence entre la haute surveillance qui peut être exercée sur la justice et celle qui peut être exercée sur l'exécutif et l'administration. Selon ces auteurs, la haute surveillance doit être spécifique à l'objet de la surveillance. D'autres auteurs en revanche sont favorables à une position forte du Parlement (Mastronardi, Seiler). Ils partent du principe que la haute surveillance dépasse le cadre du simple contrôle d'exécution et soulignent l'importance du contrôle des effets. Ils reconnaissent les principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance judiciaire mais cela ne les empêche pas de mettre la haute surveillance sur la justice et celle sur le gouvernement et l'administration sur un pied d'égalité. Pour la portée de la surveillance sur la justice, il ressort de cette conception que les questions de jurisprudence font partie des objets de la haute surveillance. Nous abordons ce sujet aux ch. 4.2 et 4.3.

2

Indépendance judiciaire

Dans la littérature, la garantie de l'indépendance judiciaire est toujours mentionnée en tant que limite constitutionnelle de la haute surveillance sur la justice. Pour cette raison, il est indispensable de se pencher sur l'importance de cette notion que nous avons déjà rencontrée plusieurs fois au cours du chapitre précédent. Parmi les nombreuses descriptions possibles19, nous nous sommes décidés pour celle de Sägesser étant donné qu'il s'agit d'un commentaire récent abordant la question de la position des autorités fédérales en fonction de la constitution et se référant aux documents et articles correspondants de la réforme de la justice.20 L'article constitutionnel sur l'indépendance des autorités judiciaires (art. 191c cst.

selon la version de l'arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice du 8 octobre 1999) est libellé ainsi: «Dans l'exercice de leurs compétences juridictionnelles, les autorités judiciaires sont indépendantes et ne sont soumises qu'à la loi.» Sägesser commente cet article en suivant cinq axes (et en se référant principalement au message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale): ­

19

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L'indépendance judiciaire en tant que principe organisationnel: Seule une justice indépendante est en mesure de garantir une protection juridique qualifiée, telle qu'un Etat de droit se doit de la concevoir. C'est à ce titre que

Dans notre rapport sur la gestion moderne de la justice, nous avions repris la définition d'Eichenberger. Voir OPCA, 2001, Gestion moderne de la justice. Rapport à l'attention de la sous-commission élargie DFJP/tribunaux de la commission de gestion du Conseil des Etats dans le cadre de l'inspection «Haute surveillance parlementaire sur la justice», p. 10 s.

La réforme de la justice (FF 1999 7831) ­ un paquet de réformes complétant la constitution révision ­ a été acceptée par le peuple et les cantons le 12 mars 2000.

Son entrée en vigueur sera décidée par le Parlement dans le cadre de la révision totale de l'organisation judiciaire en cours.

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l'indépendance du pouvoir judiciaire constitue un principe essentiel pour un Etat de droit. L'indépendance judiciaire en tant que principe organisationnel découle de la séparation des pouvoirs. Seule cette partie de l'indépendance judiciaire est ancrée à ce niveau. Cette disposition concerne tous les organes de l'Etat. Le législateur est tenu de réaliser ce principe.

­

L'indépendance judiciaire en tant que droit fondamental: En tant que droit fondamental, l'indépendance judiciaire est garantie par l'art. 30, al. 1, Cst.

Selon cette disposition constitutionnelle, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

­

Autorités judiciaires: Par autorités judiciaires il faut comprendre le TF et les autres tribunaux fédéraux (tribunaux spéciaux, commissions de recours et d'arbitrage ainsi que les tribunaux militaires). Le principe de l'indépendance judiciaire s'applique cependant également aux autorités judiciaires cantonales. D'après Sägesser, la question de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, ce principe s'applique aussi aux autorités administratives qui exercent des fonctions judiciaires demeure ouverte. Le choix des termes et les explications du message semblent plutôt indiquer que le principe de l'indépendance judiciaire s'applique aux seuls tribunaux.

­

Indépendance de l'activité judiciaire: Cette disposition rattache l'indépendance des autorités judiciaires à leur activité judiciaire. Il s'agit par conséquent de l'indépendance vis-à-vis des autorités des autres pouvoirs de l'Etat ou des autres forces sociales. Toute influence directe sur l'exercice des compétences juridictionnelles est interdite; il est notamment défendu de donner des instructions aux autorités judiciaires ou de corriger leurs décisions après coup.

­

Soumission de l'activité judiciaire à la loi: L'indépendance judiciaire est limitée par le respect de la loi. Par conséquent, l'indépendance n'existe pas pour elle-même, mais pour servir et appliquer le droit. La mention à cet endroit du respect de la loi sert surtout de référence au principe de la démocratie.21

Ce sont principalement ces deux derniers points qui sont importants du point de vue de la portée de la haute surveillance. Celle-ci n'a pas le droit d'influer sur l'activité judiciaire d'un tribunal. Quant à l'indépendance de ce dernier, elle est limitée par le respect de la loi. En d'autres termes, le législatif influe sur la jurisprudence dans le cadre de son activité légiférante, donc en édictant ou en modifiant les dispositions légales.

21

Voir Sägesser, art. 191c cst. (arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice du 8 octobre 1999), nos 1207 à 1211.

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Principaux avis concernant la portée de la haute surveillance sur la justice

Dans le contexte de l'indépendance judiciaire, la littérature est unanime sur certains principes de la surveillance sur la justice. Les avis diffèrent cependant aussi sur la portée de la haute surveillance sur les tribunaux, notamment sur la question de savoir si elle s'étend également à la jurisprudence. Nous abordons les principes qui font l'unanimité au début de ce chapitre avant de poursuivre sur les opinions principales au sujet de la haute surveillance sur la justice dans la littérature spécialisée, et cela bien que celle-ci ne fasse pas état de débats à proprement parler. Nous terminons ce chapitre en abordant la portée que le récent commentaire de la constitution de Sägesser attribue à la haute surveillance sur la justice. Nous traitons ensuite les divers objets de celle-ci au ch. 4.

Seiler mentionne trois principes relatifs à la surveillance sur la justice qui découlent de l'indépendance judiciaire et qui font l'unanimité des auteurs. Il s'agit premièrement du principe selon lequel le Parlement ne peut pas donner des instructions à un tribunal pour lui indiquer comment juger un cas particulier. Si le législatif souhaite un changement de jurisprudence, il doit modifier les bases légales concernées.

Deuxièmement, dans l'exercice de la haute surveillance, le Parlement ne peut pas ­ sauf cas particulier prévu par la loi comme la grâce ­ modifier ou annuler une décision judiciaire. Troisièmement enfin, le Parlement ne peut pas discipliner ou démettre un juge pour certaines de ses décisions.22 Outre ces principes de base qui font l'unanimité dans la littérature, nous abordons maintenant les objets de surveillance que la littérature attribue à la haute surveillance parlementaire de manière unanime également. Il s'agit de la surveillance de la gestion administrative et de la marche des affaires de la justice. Pour quelques auteurs, la portée de la haute surveillance se limite à ces objets.23 Nous parlons de conception stricte de la haute surveillance lorsque nous nous y référons dans le présent rapport. Dans son commentaire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874, Aubert est d'avis que la haute surveillance sur la justice ne peut avoir pour objet que la «régularité formelle» de la justice. «Elle ne doit pas être politique, elle ne doit donc pas porter sur le contenu des décisions, faute de
quoi elle menacerait l'indépendance des juges.» Aubert estime que les statistiques sur les affaires traitées contenues dans les rapports de gestion annuels constituent une bonne base d'examen pour le Parlement «auquel il incombe de s'assurer que la justice est rendue et qu'elle l'est sans retard excessif.»24 Pour ce qui est de l'aperçu de la jurisprudence, Aubert est d'avis que les rapports de gestion «ont le caractère d'une information scientifique». Dans son commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ)25, Poudret est plus détaillé qu'Aubert. Selon 22 23

24

25

Voir Seiler, p. 285 s.

Voir Aubert ou Spühler, Karl, 1994: Der Richter und die Politik: Die Wahlart der Richter und ihre Unabhängigkeit gegenüber politischen Gewalten, Zeitschrift des bernischen Juristenvereins 130, p. 36.

Cet avis est partagé par Auer, Malinverni et Hottelier dans leur récent commentaire du droit constitutionnel suisse: «Le Tribunal fédéral est également soumis à la haute surveillance de l'Assemblée fédérale, mais seulement sous la forme d'approbation du rapport de gestion annuel (art. 169, al. 1, Cst.).» Voir Auer et al., 2000: Droit constitutionnel suisse, Vol. 1: L'Etat. Berne, no 97.

RS 173.110 loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

7152

cet auteur, la haute surveillance «doit être autant que possible conciliée avec le principe de la séparation des pouvoirs». Toutefois, le texte légal et plus encore le texte constitutionnel ne permettent pas de limiter la haute surveillance à une surveillance exclusivement administrative qui serait restreinte à la gestion et au fonctionnement interne du tribunal. Pour Poudret, elle s'étend aussi à l'administration de la justice, c'est-à-dire à la façon dont le TF s'acquitte de ses tâches constitutionnelles. Ainsi, l'Assemblée fédérale peut notamment intervenir en cas de retard injustifié dans le traitement des dossiers. Jusque-là, les positions de Poudret et d'Aubert concordent.

Poudret est cependant d'avis que la haute surveillance peut également concerner l'aspect matériel de la jurisprudence. Certes, la séparation des pouvoirs et l'indépendance judiciaire interdisent au législatif de se livrer à un contrôle de la jurisprudence et, partant, à une critique de cas d'espèce. Ce principe n'empêche néanmoins pas la haute surveillance de comporter «le devoir d'attirer l'attention des tribunaux fédéraux sur une jurisprudence qui, au-delà du cas d'espèce, lui paraîtrait de nature à compromettre le bon fonctionnement de cette justice».26 Kiener partage également la position de Poudret. Nous considérons qu'il s'agit là d'une conception élargie de la portée de la haute surveillance. Eichenberger, pour mentionner un autre représentant de ce courant principal, s'inscrit clairement en faux contre une conception trop étroite. Il souligne que l'objet d'une conception bien comprise de la haute surveillance ne se résume pas uniquement au contrôle de la gestion administrative des organes juridictionnels, qui de l'avis général s'arrête aux activités des greffes, mais comprend au moins aussi la marche des affaires des tribunaux et, éventuellement, la répartition des causes et l'accomplissement des tâches par les juges et les greffiers.

De plus, pour Eichenberger, l'objet de la haute surveillance devrait également s'étendre aux questions liées aux activités matérielles, donc à la jurisprudence.27 Ce sujet est abordé au ch. 4.3.2. Dans la littérature, il y a également une catégorie d'auteurs qui élargissent encore ponctuellement cette conception de la haute surveillance. Mastronardi et Seiler représentent cette
conception élargie encore plus étendue sur certains points (conception étendue). Dans certaines circonstances (concrètement en cas de limitation des voies de recours prévues par la constitution) Mastronardi estime que la haute surveillance assume une fonction démocratique à titre subsidiaire et n'exclut pas la possibilité qu'elle puisse se pencher matériellement sur certains jugements. Il considère en outre que «le devoir de réserve» que le Parlement s'impose dans ces critiques de la jurisprudence est un signe de «courtoisie parlementaire» qui ne découle pas du droit constitutionnel.28 Pour Seiler, la haute surveillance doit disposer de droits d'information étendus (obligation de renseigner, droit de prendre connaissance des pièces judiciaires après clôture d'une affaire et possibilité d'instituer une commission d'enquête parlementaire dans le but d'examiner un tribunal).29 Quelle position Sägesser défend-il dans son commentaire? A-t-il une conception stricte, élargie ou étendue de la haute surveillance? ­ Les explications de cet auteur au sujet de la haute surveillance sur les tribunaux fédéraux sont notamment basées 26 27 28 29

Voir Poudret, Jean-François, 1990: Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire. Volume I. Berne, p. 92 ss.

Voir Eichenberger, Kurt, 1982: Aktuelle Fragen des parlamentarischen Oberaufsichtsrechts im Kanton Basel-Landschaft. Liestal, p. 47.

Voir Mastronardi, p. 135 à 138.

Voir Seiler, p. 291 s.

7153

sur les procès-verbaux des délibérations du Conseil national, sur le message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale et sur Kiener.30 Il s'agit d'un ensemble d'affirmations normatives sur la portée de la haute surveillance et d'une description de la manière dont le Parlement exerce réellement sa surveillance sur la justice. Sägesser souligne l'importance particulière de l'indépendance des autorités judiciaires (art. 191c cst. selon la version de l'arrêté fédéral relatif à la réforme de la justice du 8 octobre 1999) qui impose certaines limites à la haute surveillance parlementaire. Pour Sägesser, le contrôle matériel d'un jugement est exclu. L'exercice de la haute surveillance ne donne en effet pas le droit d'intervenir sur la jurisprudence. En revanche, lorsque l'Assemblée fédérale est saisie d'une dénonciation à l'autorité de surveillance déposée contre d'une autorité judiciaire, cela ne constitue pas un contrôle matériel inadmissible. La haute surveillance parlementaire consiste à surveiller la marche régulière des affaires et la gestion administrative des organes juridictionnels. La haute surveillance peut cependant prendre connaissance du contenu des procédures closes à des fins de contrôle des résultats et d'efficacité. Ce faisant, le pouvoir législatif peut contrôler l'applicabilité de ses actes législatifs. D'après le commentaire, l'autorité de surveillance peut discuter des tendances de la jurisprudence avec les autorités judiciaires étant donné que cette démarche permet au pouvoir législatif de tirer des conclusions sur les effets des lois et d'identifier d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes. En pratique, il appartient également aux CdG d'examiner les recours invoquant le déni de justice ou le retard injustifié. Dans ce cas, il ne s'agit pas de contrôler des décisions judiciaires du point de vue matériel, mais bien d'examiner le fonctionnement de l'autorité judiciaire.31 Le droit des commissions chargées d'exercer la haute surveillance qui leur permet de requérir des renseignements, de prendre connaissance de pièces et de mener des enquêtes, découle de leurs tâches qui sont définies dans la loi (art. 153, al. 4, Cst.).

Dans son commentaire, Sägesser mentionne les objets de la haute surveillance de manière systématique. Il n'aborde pas seulement les objets
selon la conception stricte de la haute surveillance (gestion administrative des organes juridictionnels et marche des affaires) mais également ceux qui relèvent de la conception élargie qui accorde à la haute surveillance certains pouvoirs dans le domaine de la jurisprudence. Cette portée élargie correspond d'une part à l'exercice de la haute surveillance par les CdG32 et, d'autre part, aux principaux avis exprimés dans la littérature spécialisée. Sägesser se réfère en effet deux fois à Kiener. Ses explications sont intéressantes puisqu'elles abordent la question des éventuelles difficultés de délimitation en matière d'ingérence dans l'indépendance judiciaire. Le commentaire souligne d'une part que le contrôle matériel des décisions judiciaires est exclu, mais, d'autre part, il rend également attentif aux cas qui dérogent à cette exclusion. Sägesser mentionne les cas suivants: la dénonciation d'une autorité judiciaire à l'autorité de surveillance, la prise de connaissance du contenu de procédures closes à des fins 30

31

32

Kiener, Regina, 1994: Die Informationsrechte der parlamentarischen Kommissionen.

Ein Beitrag zum Verhältnis zwischen Parlament, Regierung und Verwaltung, dargestellt nach der Regelung im Bundesrecht. Bern.

Selon Sägesser, art. 169 Cst., no 596. Selon Mastronardi, la CdG examine également les recours invoquant la violation des principes fondamentaux de procédure, voir Mastronardi, p. 132.

Voir le rapport de l'OPCA sur la gestion moderne de la justice, ch. 3.1, p. 27.

7154

de contrôle des résultats et d'efficacité, la discussion des tendances de la jurisprudence afin de tirer des conclusions pour l'activité légiférante ainsi que l'examen de plaintes pour retard injustifié ou déni de justice. Dans de tels cas en effet, il s'agit de considérer le fonctionnement de la justice. En énumérant ces cas, Sägesser indique les points de contacts problématiques entre la haute surveillance et la justice. C'est principalement sur ces cas que la doctrine comporte des avis différents. La dénonciation à l'autorité de surveillance et l'examen des plaintes pour retard injustifié ou déni de justice sont traités au paragraphe consacré à la marche des affaires alors que les questions de prise de connaissance du contenu de procédures closes et de discussion des tendances de la jurisprudence sont abordées au ch. 4.3.2.

4

Portée et objets de la haute surveillance

4.1

Gestion administrative des organes juridictionnels

La littérature consultée est unanime à compter la gestion administrative des organes juridictionnels parmi les objets de la haute surveillance parlementaire. Cette situation est peut-être à l'origine du fait que de nombreux auteurs ont renoncé à approfondir la question de savoir jusqu'où et sur la base de quels documents et de quels indicateurs la haute surveillance doit et peut examiner la gestion administrative des organes juridictionnels. D'ailleurs, le rapport de l'OPCA sur la gestion moderne de la justice a relevé un certain manque de clarté dans ce domaine.33 La littérature consultée n'apporte pas non plus d'éclaircissements spécifiques, ni sur les paramètres de gestion fournis par les nouveaux systèmes d'information et de contrôle de gestion, ni sur leur opportunité du point de vue de la haute surveillance. Selon les avis recueillis dans la littérature, l'exercice de la haute surveillance sur la gestion administrative des organes juridictionnels ne nuit pas à l'indépendance des tribunaux du point du point de vue de la jurisprudence qui est leur fonction clé.

Pour ce qui est de la gestion des tribunaux quelques ouvrages34 abordent les tâches et les particularités des tribunaux de manière détaillée. Dans le présent contexte, une brève définition de la gestion administrative des tribunaux est toutefois suffisante.

Selon Kiener, la gestion administrative des organes juridictionnels est l'activité administrative qui permet de créer et de maintenir les conditions matérielles et personnels nécessaires à l'activité jurisprudentielle.35 Toujours selon Kiener, la mise à disposition de la justice des bâtiments et locaux requis ­ et leur entretien ­ ainsi que des moyens de travail nécessaires font partie des conditions matérielles de la gestion des tribunaux. Les conditions personnelles sont assurées au moyen de la gestion des ressources humaines: nominations, engagements, licenciements, mutations ou promotions de collaborateurs, y compris le contrôle hiérarchique sur ces personnes. En 33

34

35

Voir le rapport de l'OPCA sur la gestion moderne de la justice, p. 27 à 34 (ch. 3: Indicateurs relatifs à la gestion d'un tribunal pertinents pour l'exercice de la haute surveillance).

Eichenberger, Kurt, 1986: Justizverwaltung. In: Aargauischer Juristenverein (Hrsg.), Festschrift für den aargauischen Juristenverein 1936 à 1986, p. 31 à 48. Aarau, Frankfurt a. M.; Kiss-Peter, Christina, 1993: Justizverfassung des Kantons Basel-Landschaft, Basler Studien zur Rechtswissenschaft. Reihe B, Öffentliches Recht. Vol. 44. Basel.

Voir Kiener, 2001: p. 292.

7155

outre, l'ordre et la marche du service, la formation et le perfectionnement du personnel, la réponse à des demandes, la rédaction d'avis, et autres tâches de ce genre font également partie de la gestion des tribunaux.36 Outre la statistique des affaires traitées, les rapports de gestion comportent également des données sur ces divers sujets. La haute surveillance examine généralement le fonctionnement de l'administration judiciaire sur la base du rapport de gestion annuel et au moyen d'entretiens avec des représentants des tribunaux. Lorsqu'il y a un droit de prendre connaissance de pièces tel qu'il est prévu par la nouvelle loi sur le Parlement et par certaines législations cantonales en vigueur, il est possible d'examiner des documents supplémentaires. Kiener illustre ceci en se servant de l'exemple de la surveillance parlementaire sur la justice du canton de Berne. Ainsi, dans le cadre de la surveillance de la justice, le Parlement bernois dispose d'un droit d'accès immédiat à toutes les pièces qui renseignent sur l'activité formelle des autorités judiciaires (administration judiciaire). Il s'agit notamment des documents destinés au contrôle de gestion (nombre de mémoires reçus, nombre d'affaires traitées, manière dont les affaires ont été liquidées), des statistiques spécifiques, des dossiers du personnel, des documents sur la surveillance exercée par la justice sur les instances inférieures ainsi que des directives, par exemple des directives relatives aux modalités de l'assistance judiciaire gratuite, à la tenue vestimentaire ou à la formulation non sexiste.37 La haute surveillance sur l'administration des tribunaux n'est pas controversée dans la littérature. Il faut cependant relever que certains sujets délicats, comme la question de savoir si la haute surveillance doit être informée du nombre d'affaires en cours et du nombre d'affaires traitées chaque année par chaque juge38, n'y sont pas abordés. Etant donné que dans son rapport sur la gestion moderne de la justice, l'OPCA a justement dû laisser de nombreuses questions ouvertes pour cette raison, nous nous référons ici à la loi sur le Parlement. A notre avis, cette loi apporte des éclaircissements. Dans son rapport relatif à la loi sur le Parlement, la Commission des institutions politiques du Conseil national constate que les droits du
Parlement en matière d'information ne peuvent être exercés à l'égard du TF que dans la mesure où cela leur est nécessaire pour assurer l'exercice de leurs différentes attributions, c'est-à-dire uniquement dans le cadre de la haute surveillance exercée par l'Assemblée fédéral sur le TF.39 Dans la littérature, la gestion administrative des organes juridictionnels est un objet incontesté de la haute surveillance: les données relatives au contrôle des affaires et les statistiques internes, non publiées dans le rapport de gestion sont donc soumises sans réserve au droit de prendre connaissance de pièces de la CdG. Ce droit est encore abordé spécifiquement au ch. 4.4.

36

37 38

39

Ibid. Auparavant (p. 298 et s.) Kiener énumère de manière détaillée les centres d'intérêts de la surveillance de la justice. Ce passage est cité au ch. 3.1, p. 29 du rapport sur la gestion moderne de la justice rédigé par l'OPCA.

Voir Kiener, 1997, p. 405.

En 1984, le TF a refusé, dans une lettre adressée à la CdG, d'élaborer une telle statistique: «Es ist der Meinung, dass eine solche Übersicht über die 3810 Erledigungen ungeeignet sei, ein zuverlässiges Bild der richterlichen Arbeit zu vermitteln.» Voir Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil national, 1984, p. 661 s.

FF 2001 3298 01.401 Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 1er mars 2001. Initiative parlementaire. Loi sur le Parlement, p. 3443.

7156

4.2

Marche des affaires et défaillances de la jurisprudence

Pour une partie des auteurs, la marche des affaires fait partie du domaine de la gestion administrative des organes juridictionnels.40 Nous abordons toutefois ce sujet indépendamment de la gestion administrative des organes juridictionnels étant donné qu'il est souvent lié à des problèmes spécifiques. En fait ­ comme la gestion administrative des organes juridictionnels ­ la marche des affaires concerne aussi le fonctionnement organisationnel de la jurisprudence. Ainsi, les questions relatives à l'opportunité de l'organisation interne, à la répartition des tâches et des affaires du tribunal, à la problématique des défaillances manifestes (Kiener) de la jurisprudence (par exemple déni de justice, retard injustifié, violation de principes fondamentaux de procédure), au traitement préférentiel illégal d'une partie, au traitement humainement incorrect de parties par le juge ou à la constitution juridiquement incorrecte de tribunaux (notamment la violation des dispositions régissant la récusation) sont des aspects de la marche des affaires des tribunaux.41 D'ailleurs, le rapport de la Commission des institutions politiques concernant la loi sur le Parlement renonce à utiliser le terme de «marche des affaires». En revanche, il fait la distinction suivante: les CdG «contrôlent non seulement la gestion administrative des organes juridictionnels, mais aussi le respect des principes fondamentaux de procédure (pas de déni de justice, pas de retards injustifiés, égalité de droit concernant l'accès aux tribunaux, etc.)».42 La littérature est relativement détaillée à ce sujet. En effet, dans ce domaine, il est parfois indispensable d'évaluer certains cas particuliers du point de vue matériel. Dans la plupart des cas, la littérature part du principe que les autorités de surveillance disposent d'une compétence générale en la matière. En revanche, quelques auteurs plaident pour une certaine réserve; à noter toutefois que ceux-ci se sont intéressés aux pratiques de la CdG en matière de surveillance au cours des années 70 et 80. La littérature ne se penche en revanche pas de manière plus détaillée sur d'autres objets ­ tels que l'organisation interne d'un tribunal ­ qui ont un rapport étroit avec l'administration des tribunaux, ce qui découle sans doute du fait de son appartenance incontestée à la haute surveillance.
Au sujet de la pratique des CdG, Mastronardi rapporte que la haute surveillance du Parlement sur le TF se limite au contrôle de l'administration du tribunal et à la question de savoir si cette cour assume sa fonction jurisprudentielle. Elles ne peuvent cependant pas examiner si la justice a été rendue correctement. Dans ce domaine, les 40 41

42

Voir Kiener, 2001, p. 298. Mastronardi parle de la gestion administrative des organes juridictionnels et de la marche des affaires. Voir Mastronardi, p. 131.

De l'avis de la commission chargée de la réforme du Parlement du canton de Zoug, le déni de justice, le retard injustifié etc., ne font clairement pas partie de la marche des affaires. Dans son rapport, cette notion est considérée comme floue et sujette à interprétation. Pour cette raison, elle est d'avis qu'une telle définition n'est pas nécessaire dans la mesure où la haute surveillance parlementaire est étendue. S'il fallait formuler une définition, celle-ci serait la suivante: «Äusserer Geschäftsgang ist alles, was nicht im eigentlichen Sinne Rechtsprechung ist (Zivilgerichts-, Strafgerichts- und Verwaltungsgerichtsurteile sowie Beschwerdeentscheide des Regierungsrats).» Voir le rapport et la proposition de la commission chargée de la réforme du Parlement zougois du 6 septembre 2000 (no 817.1), p. 102.

Voir IvPa 01.401, p. 3374.

7157

CdG considèrent que leur tâche est limitée, même si elles considèrent que cette limite est plus ou moins stricte selon le cas d'espèce. Mastronardi souligne que, en ce qui concerne les procédures juridiques, les CdG s'en tiennent aux principes de la subsidiarité et de la postériorité de la haute surveillance. Pour ce qui est de la critique du contenu de la jurisprudence, les CdG se limitent à réprimander les retards injustifiés, les dénis de justice et les violations des principes fondamentaux de procédure. En outre, les CdG sont de l'avis que la haute surveillance est compétente pour veiller à ce que la Haute cour reste accessible à tous les citoyens de la même manière. Cet accès ne doit pas être indûment restreint par une évaluation trop restrictive des conditions formelles ou du fait de la situation financière d'une partie.

Cela étant, les CdG doivent néanmoins aussi veiller à éviter que les parties abusent de l'assistance judiciaire gratuite au détriment du contribuable.43 Selon Mastronardi, le contrôle permettant d'établir si le tribunal assume sa fonction jurisprudentielle s'étend aux objets que nous avons ci-dessus attribués à la marche des affaires. Respectant les principes de la subsidiarité et de la postériorité, le contrôle de la marche des affaires fait partie des compétences en matière de surveillance qui ne sont pas contestées dans la littérature.

Kiener s'est penchée à plusieurs reprises et de manière approfondie sur la question de la défaillance manifeste de la jurisprudence.44 En comparaison avec les autres auteurs, ses explications comportent de nombreuses nuances, raison pour laquelle nous devons lui consacrer un espace suffisant. En introduction au chapitre correspondant, Kiener constate que les autorités de surveillance ne sont pas autorisées à intervenir sur la jurisprudence. Outre l'indépendance judiciaire, la garantie du juge naturel serait également mise en péril par un traitement matériel sous forme judiciaire d'une dénonciation à l'autorité de surveillance, à moins qu'une telle procédure soit expressément prévue par la loi. Il se peut que des garanties constitutionnelles relatives aux tribunaux soient également touchées. Renvoyant à la pratique des CdG, Kiener souligne que, pour les autorités de surveillance, de telles dénonciations constituent une source d'information
ciblée pour la surveillance sur la justice.

Elles permettent notamment d'attirer l'attention des CdG sur des pratiques non uniformes au sein d'un tribunal, sur des problèmes de définition de notions juridiques floues, sur l'absence d'un nombre suffisant de motifs ou sur des écarts par rapport à la jurisprudence du TF. Mais qu'en est-il des défaillances manifestes et caractérisées de la jurisprudence? Dans ce domaine, Kiener mentionne notamment l'application de normes abolies depuis longtemps, des décisions absurdes ou des conséquences juridiques qui ne sont pas prévues par la loi ou qui dérogent complètement à l'ordre démocratique garanti par la constitution comme des jugements empreints de racisme que ni les parties, ni la communauté de droit ne parviennent à comprendre et à accepter. En se basant sur la littérature spécialisée, Kiener distingue quatre groupes différents de défaillances manifestes: a)

43 44

Seuls des cas exceptionnels et extrêmes d'exercice visiblement incorrect de fonctions absolument évidents et non les cas d'application incorrects de la loi peuvent être d'emblée assimilés à des défaillances manifestes.

Voir Mastronardi, p. 131 s.

Voir Kiener, 1997, p. 397 s. et Kiener, 2001, p. 301 à 303.

7158

b)

Lorsque la défaillance réside dans le jugement, il faut, en raison de la subsidiarité de la surveillance sur la justice, que les concernés aient épuisé toutes les voies judiciaires à leur disposition pour faire réviser le jugement en question (c'est-à-dire voies de recours, pourvoi en annulation, demande révision). Lorsque les instruments de recours judiciaires font défaut, la surveillance ne peut pas remplir une fonction de l'Etat de droit par substitution, même si cela serait souhaitable du point de vue du résultat. Lorsque le législateur n'a pas institué de moyen de recours, cette décision ne peut être remise en cause au moyen d'un processus relevant de la surveillance. A cet égard, l'autorité (parlementaire) de surveillance est également soumise au principe de la légalité.

c)

Pour Kiener, les mêmes principes s'appliquent aux procédures notablement fautives. Le déni de justice ou le retard injustifié doivent tout d'abord faire l'objet d'une procédure de recours judiciaire. L'autorité de surveillance a cependant tout à fait le droit de se renseigner pour savoir si le reproche formulé (généralement par dénonciation à l'autorité de surveillance) est justifié et peut, le cas échéant, légitimement examiner les causes à l'origine du dysfonctionnement. Dans de tels cas, le contrôle cherche principalement à établir si les tribunaux exercent effectivement les fonctions qui sont les leurs de par la constitution et si l'obligation de rendre la justice est respectée.

L'examen de ces questions par la haute surveillance est également justifié du fait que les raisons du retard peuvent être de nature structurelle et, de ce fait, doivent être portées à la connaissance du législateur (ou de l'organe de l'Etat compétent en matière financière) afin que celui-ci, dans son domaine de compétences, puisse prendre les mesures correctrices qui s'imposent.

d)

Lorsque la défaillance d'un jugement ou d'une procédure réside uniquement dans le comportement du juge ­ notamment dans ses déclarations (orales ou ressortant des considérants du jugement) au sujet des parties ou lorsqu'il retarde délibérément une procédure ­ il y a violation des devoirs de fonction, ce qui justifie sans problème un examen au titre de la surveillance tant il est vrai qu'il s'agit de garantir l'équité de la procédure. C'est précisément dans le souci d'un exercice des devoirs de fonction conforme à la constitution que la surveillance trouve sa justification constitutionnelle. En conclusion, Kiener répète que l'examen matériel des procédures judiciaires qui s'y rapportent est la seule limite que les autorités de surveillance n'ont pas le droit de franchir.45

Kiener se réfère à de nombreux autres auteurs qui partagent son point de vue. Elle attire cependant également l'attention sur le fait que la doctrine comporte aussi un certain nombre d'avis divergents.46 A l'avis de la doctrine selon lequel la haute surveillance ne peut pas remplir par substitution une fonction de l'Etat de droit lorsque les moyens de recours font défaut, Mastronardi oppose un contre-exemple tiré de la pratique des CdG. A noter toutefois que dans ce cas, il s'agit d'une décision sous forme judiciaire de l'administration. En règle générale, de telles décisions sont traitées en application des mêmes principes que les décisions des tribunaux. Mastronardi se réfère à une requête de 1987 portant sur la procédure d'asile. Pour ce qui est 45 46

Voir Kiener, 2001, p. 301 ss.

Idem, p. 302, note de bas de page 309.

7159

de cette procédure, les CdG sont disposées à examiner les violations du droit matériel. L'obligation de réserve que les CdG observent en règle générale revêt une moins grande importance dans ce domaine étant donné que, dans le cadre de la procédure d'asile, les décisions du département ne permettent pas de recourir auprès du Conseil fédéral ou du TF.47 Outre la violation de principes fondamentaux de procédure, il est donc possible ­ de l'avis de la CdG du Conseil national en 1988 ­ de se poser la question de savoir si la violation du droit matériel peut également faire l'objet d'une critique. Quand la voie de recours prévue dans la constitution a été limitée, Mastronardi est d'avis que les CdG doivent aller au bout de leur pouvoir: lorsque le législateur est à l'origine de risques aggravés pour le respect par l'action administrative des principes régissant l'Etat de droit, la surveillance parlementaire doit épuiser toutes ses compétences pour s'opposer à d'éventuels abus. Le contrôle démocratique de l'administration doit dans ce cas se substituer à une fonction de l'Etat de droit.48 Au sujet de la problématique des procédures notablement fautives abordée au point c) ci-dessus, la littérature fait état d'avis favorable à une certaine retenu et d'autres qui postulent une compétence générale des autorités de surveillance en cette matière.

Peter Alexander Müller, un auteur favorable à une certaine réserve, décrit la problématique telle qu'elle se pose en pratique. En vertu des principes constitutionnels et légaux49, il est évident que le droit de chacun de saisir le Parlement pour se plaindre du TF ne peut conduire à un examen des décisions matérielles. Le cas échéant, en tant qu'organe de haute surveillance de l'administration des tribunaux, le Parlement peut tout au plus être amené à édicter des directives de portée administrative qui n'impliquent aucune intervention en ce qui concerne la jurisprudence. Lorsqu'il traite des questions liées aux requêtes à l'autorité de surveillance, Müller estime que la haute surveillance doit faire preuve de modération. En se référant aux développements au cours des années 80, il estime que la haute surveillance a connu une tendance qui n'est pas sans danger. A cet égard, Müller mentionne la problématique décrite ci avant, à laquelle la haute surveillance doit
s'étendre selon la pratique des CdG. Pour garantir l'indépendance judiciaire, celles-ci expliquent en effet qu'elles ne formulent des critiques sur la gestion du TF que dans l'optique d'une amélioration future. Elles estiment qu'il appartient à l'Assemblée fédérale de trancher une éventuelle divergence d'opinion en matière de jurisprudence. En tant qu'autorité légiférante, il reviendrait au législatif de préciser le droit de procédure afin que la jurisprudence parvienne aux résultats espérés. Müller est cependant d'avis que si les CdG entrent en matière sur certaines requêtes à l'autorité de surveillance avec cette argumentation, cela peut aboutir à une ingérence dans la jurisprudence. Il pense notamment aux requêtes invoquant la violation par le TF de principes fondamentaux de procédure. Si, dans leur réponse, les CdG devaient expliquer, même sans avoir analysé le jugement incriminé à la manière d'une instance de recours, pourquoi telle 47

48 49

Avant la révision de la procédure d'asile en 1990, le Département de justice et police était la seule et dernière autorité de recours. «Damit war Artikel 103 Absatz 2 BV verletzt, der die Delegation von Entscheiden des Bundesrates an untere Instanzen nur unter Vorbehalt des Beschwerderechtes (gemeint muss sein: der Beschwerde an den Bundesrat als verfassungsmässig zuständige Behörde) gestattet.» Voir Mastronardi, p. 137, note de bas de page 125.

Idem, p. 137 s.

Art. 21 OJ en corrélation avec l'art. 85, ch. 13, Cst. (1874).

7160

décision du tribunal paraît «juste» à la lumière des principes fondamentaux de procédure analysés et pourquoi la requête doit être rejetée, cela reviendrait à une ingérence dans la jurisprudence. Jusqu'ici, il n'y a jamais eu de conflit entre pouvoirs législatif et judiciaire étant donné qu'aucune requête n'a été traitée dans ce sens. Il faut néanmoins se poser sérieusement la question de savoir comment le Parlement pourrait donner suite à une requête à l'autorité de surveillance pour violation prétendue de principes fondamentaux de procédure sans empiéter sur la jurisprudence.50 De nombreux autres auteurs (notamment Poudret et Guldener) ont une autre opinion que celle de Müller. Ils partent du principe que les autorités de surveillance disposent d'une compétence générale en matière de requête en cas de procédure fautive (pour sa part, Kiener insiste sur le fait que le déni de justice ou le retard injustifié doivent d'abord être attaqués par les voies de recours ordinaires). D'après Poudret, les autorités de surveillance peuvent «intervenir en cas de retard injustifié dans le traitement des dossiers, de déni de justice formel ou même de violation des règles fondamentales de procédure».51 Dans certaines circonstances, Guldener, spécialiste de la procédure civile, est favorable à un droit de surveillance sur le contenu de décisions. D'après Guldener, l'opinion selon laquelle, en respect de l'indépendance judiciaire, les autorités de haute surveillance n'auraient que le droit d'examiner la marche des affaires et la gestion administrative des tribunaux est très répandue. Dans les législations cantonales, ce point de vue s'exprime souvent par le fait que les possibilités de recours sont expressément limitées au déni de justice, au retard injustifié, à l'atteinte aux bonnes moeurs et autres violations du genre. A cet égard, Guldener souligne que l'indépendance judiciaire est limitée par la loi. L'indépendance judiciaire n'est pas remise en cause lorsque le droit de surveillance est étendu à l'examen de la légitimité de décisions et, partant, à leur contenu. Il s'agit d'éviter que, dans la mesure où elle s'exerce dans le cadre du respect de la loi et de la constatation des faits, la liberté d'appréciation du juge soit entravée. Les lois qui limitent la possibilité d'intervention des autorités de surveillance
aux violations graves, en particulier à l'abus illicite d'autorité, au traitement préférentiel illégal d'une partie et à l'arbitraire, y contribuent.52 A ce sujet, il faut tenir compte du fait que les tribunaux interprètent les dispositions légales et constatent les faits librement. Il leur appartient de fixer les limites de leur liberté d'appréciation. Il n'est par conséquent possible de parler de violation des devoirs de fonction qu'à partir du moment où un juge prend une décision qui n'est plus défendable, ce qui est notamment le cas lorsqu'il transgresse le droit en vigueur, que ce soit sciemment ou en négligeant de s'assurer de la situation juridique effective.53 L'opinion de Guldener selon laquelle dans certains cas particuliers la haute surveillance peut se pencher sur la question de la légitimité de certaines décisions et, partant, sur leur contenu, range cet auteur dans la catégorie des défenseurs d'une interprétation étendue de la portée de la haute surveillance. Kiener se distancie nettement de cette conception. Selon elle, seuls les cas 50

51 52 53

Voir Müller, Peter Alexander, 1988: Die Verfassungsrechtsprechung im Rahmen der staatlichen Funktionen. Arten, Inhalt und Wirkungen der Entscheidungen über die Verfassungsmässigkeit von Rechtsnormen. Landesbericht Schweiz. In: Europäische Grundrechte (EuGRZ), p. 218 à 230, p. 224.

Voir Poudret, p. 92.

Guldener se base sur divers exemples à l'échelon cantonal.

Voir Guldener, Max, 1979: Schweizerisches Zivilprozessrecht. Zurich. p. 5 s.

7161

exceptionnels extrêmes d'une évidence absolue peuvent être considérés comme violation manifeste des devoirs de fonction, mais pas les cas dans lesquels le droit a été appliqué de façon erronée. Pour elle, il est toutefois clair que si le mauvais fonctionnement de la justice ou de la procédure devait résider dans le seul comportement du juge, cela signifierait que les devoirs de fonction ont été violés. Dans ce cas, il est tout à fait possible d'actionner la haute surveillance puisqu'il s'agit de garantir l'équité de la procédure. En revanche, tout traitement matériel de la procédure judiciaire concernée demeure interdit.

Les explications de Kiener répondent à de nombreuses questions relatives à la marche des affaires et aux compétences de la haute surveillance en cas de défaillance de la jurisprudence. En pratique, chaque cas d'espèce soulève encore quelques difficultés et quelques problèmes de délimitation qui lui sont propres. C'est d'ailleurs également l'avis du bureau du Parlement zougois dans son rapport concernant une motion du groupe radical portant sur les droits de haute surveillance du Parlement sur l'exécutif et la justice («Motion der FDP-Fraktion betreffend Oberaufsichtsrecht des Kantonsrates gegenüber der Exekutive und der Justiz»). Le bureau constate que, tant pour la doctrine qu'en pratique, la portée de la haute surveillance se limite à la marche des affaires et à la gestion administrative des organes juridictionnels, en d'autres termes au contrôle du fonctionnement ordonné de la justice dans le domaine de la jurisprudence. Ainsi, pour l'essentiel, le Parlement cantonal vérifie que la justice est rendue mais il n'examine pas la justice qui est rendue. Cette définition ne satisfait cependant pas le bureau. A ce jour, personne n'a été en mesure d'apporter une définition de la notion de la marche des affaires qui soit suffisamment précise pour qu'elle puisse être d'une utilité pratique pour la délimitation de la haute surveillance. Selon le bureau du Parlement zougois encore, il est à craindre que la marche des affaires doive toujours faire l'objet d'une nouvelle interprétation en fonction de chaque cas d'espèce. De toute manière, il est possible de se passer d'une telle définition pour une autre raison. En effet, le bureau du Parlement cantonal souligne que les limites de la haute
surveillance doivent être fixées en fonction de critères clairs et applicables. Une action du Parlement n'est plus couverte par le droit de surveillance uniquement à partir du moment où cela constitue une ingérence dans les compétences du Gouvernement ou de la justice. Une intervention dans l'application concrète du droit, c'est-à-dire dans une affaire en cours de la justice (par exemple avant un jugement) ou de l'administration (par exemple avant l'octroi d'une autorisation ou avant un retrait de permis) ne serait plus couverte par le droit de surveillance et constituerait une ingérence illicite dans la compétence d'un autre pouvoir. En cas de différend, il appartient toujours à l'autorité chargée de la surveillance et non pas à l'organe qui y est soumis de décider s'il y a ingérence illicite ou non.54

54

Voir «Vorlage Nr. 594.2 Motion der FDP-Fraktion, Bericht und Antrag des Büros», p. 6 s.

7162

4.3

Contenu de la jurisprudence

4.3.1

Remarque préliminaire

Selon Aubert, représentant d'une conception stricte de la haute surveillance, cette dernière ne doit pas se référer aux contenus des décisions judiciaires parce que cela remettrait l'indépendance judiciaire en question. Les défenseurs d'une conception élargie sont favorables à une haute surveillance qui soit habilitée à prendre connaissance du contenu des procédures closes pour contrôler les résultats et l'efficacité et qui examine les tendances afin de pouvoir décider de mesures correctrices à l'échelon des activités légiférantes. Dans la conception étendue de la haute surveillance, il n'est pas question de contrôle matériel des décisions judiciaires. A cet égard, la littérature mentionne le plus souvent que le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire constitue une limite. Dans son argumentation en faveur d'une conception ponctuellement étendue de la haute surveillance, Seiler, comme nous l'avons déjà évoqué au ch. 1, introduit un second principe dans la discussion: la publicité des débats judiciaires. Nous reprenons ci-dessous les réflexions de Seiler avant de discuter les contenus des objets de la haute surveillance plus en détail aux points suivants.

Seiler constate que la publicité des débats judiciaires garantie par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (art. 6 CEDH), par la Constitution fédérale et diverses constitutions cantonales est un principe fondamental selon la jurisprudence du TF. Ce principe n'est pas seulement important pour chaque individu; il s'agit de l'une des conditions de la confiance qui doit être placée dans le fonctionnement de la justice. Il ne s'agit pas uniquement d'un droit de chacun, il en va aussi de l'intérêt du public et des médias. Pour Seiler, ce principe garantit la transparence de la justice, ce qui permet au peuple d'exercer son droit de surveillance. Par conséquent, les décisions judiciaires ne peuvent pas rester secrètes.

Le public a le droit de discuter et de critiquer la jurisprudence; ce principe découle de la liberté d'opinion et de la liberté de la presse. Seiler explique que le simple fait de critiquer une décision rendue par un tribunal ne peut pas être considéré comme une limitation de l'indépendance judiciaire. Toutes les autorités peuvent être critiquées. Ce principe s'applique également à
la justice. L'interdiction de critiquer la jurisprudence serait antidémocratique et reviendrait à interdire la liberté d'opinion.

Il est d'ailleurs tout aussi évident que «tout le monde» a le droit de critiquer: les médias, les partis politiques, les associations, les personnes privées. Pourquoi le Parlement, qui est un forum de discussion institutionnalisé à l'échelon de l'Etat, ne devrait-il pas avoir le droit d'en discuter? Personne ne peut lui interdire de discuter les décisions judiciaires. Ce sont les lois et règlements qui régissent l'activité parlementaire qui règlent les conditions et les modalités d'une telle discussion. Et Seiler de poursuivre que la majorité des membres du Parlement n'ont aucune envie particulière à perdre du temps en discussions portant sur des décisions judiciaires. Toutefois, si un jugement devait avoir des répercussions politiques, il appartiendrait alors au Parlement de s'en préoccuper. Selon Seiler, la question qui se pose alors est bien plus de savoir ce que le Parlement peut décider en pareil cas sans enfreindre le principe de l'indépendance judiciaire.55 Nous commençons le point suivant en abordant cette question.

55

Seiler, p. 285 s.

7163

4.3.2

Prise de connaissance de la jurisprudence et conséquences pour la haute surveillance

Pour Seiler, la question importante qui se pose dans ce contexte n'est pas celle de savoir si le Parlement a ou non le droit de discuter d'une décision judiciaire. Il s'agit bien plus de savoir ce que le Parlement a le droit de décider à l'issue d'une telle discussion. La réponse qu'il apporte à cette question n'est pas sans conséquence sur la portée de la haute surveillance sur la justice. Dans son argumentation, Seiler ne perd toutefois pas l'indépendance judiciaire de vue. En effet, étant donné qu'un tribunal est lié par la loi ­ un produit de l'activité du pouvoir législatif ­ l'indépendance judiciaire ne peut signifier indépendance vis-à-vis de l'expression de la volonté politique du législatif. A cet égard, l'indépendance judiciaire peut tout au plus signifier que cette volonté doit s'exprimer à travers les lois. S'il n'est pas d'accord avec la jurisprudence, le législatif peut modifier la loi et, partant, la pratique des tribunaux. A la suite d'une digression sur l'égalité devant la loi et la réalité d'un Etat de lois (lois souvent indéterminées, interprétation des dispositions légales par les tribunaux et création de règles par la jurisprudence), Seiler arrive à la conclusion répandue selon laquelle la haute surveillance parlementaire ne s'intéresse pas à l'issue des cas d'espèce en tant que tels, mais à l'évolution générale de la jurisprudence.

Lorsqu'elle se penche sur certaines décisions judiciaires, ce n'est pas pour le cas d'espèce, mais pour évaluer leur portée pour les cas à venir et, le cas échéant, l'opportunité d'une correction politique. Selon le commentaire de Sägesser il s'agit du contrôle des résultats et de l'efficacité qui, à l'exception d'Aubert ou Auer et al., est toujours mentionné dans la littérature récente portant sur la haute surveillance sur la justice.56 Kiener aborde d'ailleurs également cette question. Elle est d'avis qu'il n'est pas possible d'interdire d'une manière générale à l'autorité de surveillance de critiquer le contenu de certaines décisions individuelles ou de la jurisprudence, mais que, en vertu du principe de l'indépendance judiciaire, la critique ne doit être exercée que dans la mesure permise par la constitution et «avec retenue».

Pour Eichenberger, il va de soi que le Parlement peut et doit prendre connaissance du contenu de la jurisprudence. Il
ne doit cependant pas prendre connaissance des jugements en tant que tels. Outre les questions liées à l'adéquation du droit de procédure, il doit en particulier s'intéresser à la pratique des tribunaux dans des domaines juridiques importants du point de vue social ou caractérisés par des lois vieillissantes ou encore négligés par la législation. Le Parlement n'a pas à réprimander les tribunaux pour leurs décisions, ni durant les délibérations du plénum, ni en séance de commissions.57 Eichenberger explique également que la haute surveillance ne doit pas tenir compte des cas d'espèce en entrant en matière sur les faits ou les questions d'interprétation de la loi pour construire une justice qui soit au-dessus de la justice. La distance et le point de vue global de la haute surveillance sont primordiaux pour ce qui est du contrôle exercé sur les tribunaux. Bien sûr, les griefs énoncés à l'encontre de certains jugements dans le cadre d'une pratique moderne de la réprimande ne sont, cela va de soi, pas interdits, mais, en comparaison avec l'administration, doivent être contenus par le Parlement lui-même.58 56 57 58

Auer et al.: voir note de bas de page 24 du présent rapport. Autres références bibliographiques: voir Kiener, 2001, p. 300, note de bas de page 302.

Voir Eichenberger, 1990, p. 64.

Voir Eichenberger, 1982, p. 47.

7164

Kiener, explique que si, de l'avis qui prévaut, un tribunal n'interprète pas une norme correctement ou s'il ne procède pas à la pesée des intérêts de la manière requise, l'autorité de surveillance doit intervenir en recourant aux moyens adéquats. Une telle intervention doit en particulier ­ comme Seiler le souligne lui aussi ­ respecter le cadre légal. Dans une note de bas de page, Kiener mentionne que les tribunaux ne sont non seulement pas tenus de donner suite à d'éventuels «souhaits» de modification de la jurisprudence exprimés par une commission de surveillance parlementaire, mais qu'ils doivent éviter de le faire.59 En revanche, selon Poudret ­ qui se réfère en l'occurrence à deux exemples tirés de la pratique des CdG ­ les souhaits relatifs à un changement de la jurisprudence émis à l'intention du TF font partie des tâches de la haute surveillance lorsque la sécurité du droit semble menacée.60 Pour Kiener, le Parlement qui assume la haute surveillance sur la justice dans le sens d'un contrôle des résultats de sa propre activité légiférante peut et doit se tenir au courant des tendances de la jurisprudence et discuter avec les tribunaux. Ce faisant, il ne doit toutefois pas porter atteinte à l'indépendance judiciaire en lui fixant des objectifs. Il s'agit principalement pour le législateur de s'informer de l'applicabilité des lois qu'il édicte, ce qui constitue le point de départ de la suppression d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes de la législation.61 Alors que Kiener souligne ici l'information du pouvoir législatif, Seiler ­ tenant également compte de l'échelon cantonal ­ établit un rapport plus large. Selon cet auteur, nous sommes, dans beaucoup de domaines, sur une voie qui mène de l'Etat de droit à un Etat des juges. Plus la justice délimite la marge de manoeuvre de la politique en appliquant les principes constitutionnels et ceux liés au droit international, plus une rétroaction démocratique minimale sur la justice prend de l'importance. Un Etat des juges n'est acceptable que dans la mesure où la justice est consciente de sa fonction politique. La justice ne doit pas chercher à se mettre à l'abri de la critique démocratique. Au contraire, elle doit chercher le dialogue avec la politique. Dans une compréhension moderne, la haute surveillance parlementaire est précisément un espace
qui permet un tel dialogue.62 Mastronardi se réfère à la pratique des CdG qui suivent la jurisprudence et discutent avec le TF des tendances observées pour pouvoir constater les éventuels dysfonctionnements et lacunes de la législation. Ce faisant, il se peut que certaines critiques soient émises au sujet de l'application du droit. Les «discussions de contrôle à 59

60 61

62

Voir Kiener, 2001, p. 300, note de bas de page 300. Elle se réfère également à Aubert et au Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Conseil national 1985, p. 1085.

Voir également Seiler, p. 292: «Bei einem Wunsch des Parlaments nach Änderung der Gerichtspraxis handelt es sich um eine unverbindliche Willensäusserung; die Justiz ist daran nicht gebunden.» Voir Poudret, p. 94.

Voir Kiener, 2001, p. 300. Quant à Eichenberger, il explique qu'il est recommandé «[...]

dass die Oberaufsicht Kenntnis nimmt, wie sich die Praxis der Rechtsprechung materiell gestaltet, welches die Auffassungen zu grundlegenden oder häufigen Rechtsfragen sind, wo die Erschwerungen, Vereinfachungen, Differenzierungsbedürfnisse, Rechtslücken, Rechtswidersprüche, Fortschritte oder Beengungen liegen [...]. Daran anschliessend bleibt dann ­ wie bei der Justizverwaltung auch ­ die oberaufsichtliche Frage, ob Änderungen in der materiellen Gesetzgebung oder in der Gerichtsorganisation oder in den Prozessgesetzen angezeigt wären.» Voir Eichenberger 1982, p. 48.

Voir Seiler, p. 290.

7165

titre informatif» ont évolué au cours du temps. Dans un procès-verbal des CdG datant de 1974, il est précisé que la discussion ex post des décisions judiciaires est nécessaire, mais qu'il faut veiller à ce que celle-ci ne réduise pas l'autorité de la Haute cour. Contrairement à ce qui est le cas chez Kiener, ni l'indépendance judiciaire, ni les barrières constitutionnelles ne sont invoquées ici. La «retenue nécessaire» qui s'applique à la forme et à la présentation publique d'une critique découle du problème lié aux effets de la critique parlementaire. Pour éviter de donner l'impression que le Parlement donne des instructions aux tribunaux, la courtoisie ­ qui empreint d'ailleurs également les relations entre le Parlement et le Conseil fédéral ­ veut que les avis critiques envers la justice soient rendus publics en respectant une certaine modération.63 Dans ses conclusions sur la portée de la haute surveillance parlementaire, Seiler ne parle pas de «critiques à l'encontre de décisions judiciaires». En substance, il dit plutôt que le Parlement doit examiner l'importance politique des décisions judiciaires et que, au besoin, il a le droit de discuter des mesures politiques qui peuvent découler d'un tel examen.64

4.3.3

Droit de requérir des renseignements et considérants d'un cas d'espèce

D'après Seiler, la question de savoir si le Parlement peut exiger des tribunaux qu'ils lui fournissent des renseignements sur le comment et le pourquoi de certaines décisions d'espèce est controversée dans la littérature. Les réponses à ces questions présentent quelques liens avec le point précédent. Nous avons vu que, selon Mastronardi, les CdG peuvent avoir avec le TF des discussions de contrôle à titre informatif et aborder des décisions judiciaires concernant des affaires closes. Selon les représentants d'une conception élargie de la haute surveillance, les tendances de la jurisprudence peuvent être discutées avec le tribunal. Contrairement à l'avis défendu par les partisans d'une conception étroite de la haute surveillance, Seiler est lui aussi favorable à un droit de requérir des renseignements portant sur les décisions judiciaires. Dans la littérature, à quelques nuances près, il n'est pas le seul auteur à défendre ce point de vue.

Pour Seiler, le droit pour le Parlement de demander au tribunal des renseignements sur le contenu de la jurisprudence relative à une loi particulière est une conséquence de l'admission du contrôle des résultats et de l'efficacité, cela d'autant plus que les jugements sont en partie publiés et que le Parlement y a de toute manière accès. En règle générale, les jugements sont publics. Cependant, le droit de s'informer va plus loin et s'étend au domaine qui n'est pas soumis au principe de la publicité. En effet, les exceptions au principe de la publicité qui sont prévues par la loi servent à la protection de l'individu (par exemple la protection contre la presse à sensation) et ne permettent pas de conclure que l'activité de la justice en tant que telle est confidentielle à l'égard de la surveillance parlementaire. Le Parlement a le droit d'exiger du le tribunal qu'il lui communique également des jugements qui n'ont pas été rendus publics (au besoin sous forme anonyme) ou qu'il lui présente un bref rapport sur sa jurisprudence. La manière de procéder est régie par le droit parlementaire. Selon Seiler, le Parlement a tout à fait le droit de demander au tribunal les raisons pour 63 64

Voir Mastronardi, p. 133 ss.

Voir Seiler, p. 291.

7166

lesquelles il suit une pratique particulière sans que cela ne pose problème. Un jugement doit de toute manière être motivé et ces motifs peuvent être communiqués au Parlement.65 La question du droit de prendre connaissance de pièces est ainsi posée.

Nous abordons cette question au prochain point. Dans la littérature, les auteurs ne s'étendent que très peu sur le droit de requérir des renseignements. Kiener ­ comme cela est décrit au point précédent ­ ajoute que les tendances de la jurisprudence peuvent faire l'objet de discussions avec le tribunal ou, dans le cadre d'une dénonciation à l'autorité de surveillance, ou nécessiter des renseignements de manière à pouvoir établir si les reproches sont véritablement fondés. Mastronardi mentionne les explications et les discussions de contrôle entre les CdG et le TF, sans pourtant les motiver. L'obligation de renseigner des tribunaux se situe au niveau de la justification de la jurisprudence et non pas à celle du cas d'espèce (à l'exception des dénonciations à l'autorité de surveillance).66 Eichenberger se prononce sur les instruments légaux de la haute surveillance dans le canton de Bâle-Campagne. Ses explications sont basées sur la situation dans ce canton telle qu'elle était en 1982. Nous les citons malgré tout étant donné que la littérature est très laconique au sujet du droit d'interroger. Parmi les instruments de la haute surveillance sur la justice du droit en vigueur, il faut relever le rapport annuel des tribunaux cantonaux («jährlicher Amtsbericht der kantonalen Gerichte»). Si la publication systématique des jugements importants prévue par la justice du canton de Bâle-Campagne devait voir le jour, les organes de la haute surveillance disposeraient d'un instrument supplémentaire. Au-delà des informations contenues dans ces documents, le Parlement peut ­ sous réserve de certaines limites découlant d'intérêts dignes de protection ­ exiger la production de jugements. Ainsi, les résumés, les constatations de lacunes et autres documents permettent de donner un aperçu et les tribunaux peuvent être tenus de les établir et de les présenter aux organes compétents. La justice devient ainsi un outil important du contrôle méthodique et systématique des résultats de l'activité légiférante. Les discussions, principalement avec les présidents de la cour suprême
et du tribunal administratif, sont des sources d'information considérables dans la mesure où elles sont préparées de manière adéquate et menées avec précision.67 Pour Eichenberger il est également évident que le droit de requérir des renseignements est lié au contrôle des résultats atteints par les lois.

Dans la littérature, le droit de requérir des renseignements au sujet de la jurisprudence et placé dans le contexte du contrôle des résultats de l'activité légiférante.

65

66 67

Seiler souligne qu'il y a certains domaines dans lesquels le droit d'être entendu ne nécessite pas de justification: «So muss z.B. nach bundesgerichtlicher Rechtsprechung die Höhe der Gerichtsgebühr oder der Parteientschädigungen nicht begründet werden.

Das ist aber eher durch Praktikabilitätsüberlegungen motiviert und heisst nicht, dass die Höhe dieser Beträge grundsätzlich nicht einer rationalen Begründung zugänglich und bedürftig wäre. Wenn sich nun der Anwaltsverband darüber beklagt, dass Parteientschädigungen systematisch zu hoch oder zu tief angesetzt würden, dann kann sich die parlamentarische Aufsicht dieser Frage annehmen und von der Justiz eine Begründung dafür verlangen. Gerade in solchen Bereichen, in denen aus praktischen oder rechtlichen Gründen Einzelfälle nicht gerichtlich überprüfbar sind, in ihrer Gesamtheit aber doch eine erhebliche Bedeutung haben können, kann die parlamentarische Oberaufsicht dazu dienen, gewisse Lücken im Rechtsschutzsystem zu schliessen.» Idem. p. 291 s.

Voir Mastronardi, p. 134.

Voir Eichenberger, 1982, p. 48 s.

7167

Seiler est très catégorique à ce sujet: pour lui la haute surveillance a le droit de requérir des renseignements liés au contenu des jugements. La nouvelle loi sur le Parlement prévoit que les droits généraux des commissions en matière d'information qui s'appliquent à leurs relations avec le Conseil fédéral s'appliquent par analogie à leurs relations avec le TF (art. 161, al. 1, let. c, loi sur le Parlement). Les renseignements peuvent être fournis par des membres du TF (désignés par ce dernier) invités à participer à des séances de commission ou sous forme de rapports établis par le TF (art. 149 et 152, al. 1 et 2). Les organes chargés de la haute surveillance voient toutefois leur droit d'interroger limité par le fait qu'ils n'ont pas la possibilité d'enter en matière sur le fond des décisions judiciaires en tant que tel (art. 27, al. 4, loi sur le Parlement). Cette disposition ne les empêche cependant pas de requérir les considérants de jugements s'ils veulent procéder à un contrôle des résultats et d'efficacité ou se pencher sur les tendances de la jurisprudence pour en tirer des conclusions du point de vue de l'activité légiférante.68 C'est dans cette mesure que les CdG peuvent exercer leurs droits en matière d'information dans l'exercice de la haute surveillance.

4.3.4

Prise de connaissance de pièces judiciaires

Le droit de prendre connaissance de pièces est un droit parlementaire important en matière d'information. Nous avons déjà abordé cet instrument au paragraphe 4.1 pour constater que, selon la littérature, le droit d'accès immédiat à toutes les pièces qui renseignent sur l'activité formelle des autorités judiciaires (administration judiciaire) ne pose pas de problème. Il n'en va cependant pas de même lorsqu'il s'agit de pièces judiciaires. A cet égard, les opinions exprimées dans la littérature divergent.

Au sujet de la prise de connaissance de pièces judiciaire Seiler considère que, lorsqu'elle a trait à une procédure en cours, une telle prise de connaissance est incompatible avec le principe de l'indépendance judiciaire. Il motive son point de vue en soulignant qu'il suffirait que le Parlement prenne parti, pour que la situation de l'autre partie en soit déjà affectée. En revanche, l'indépendance d'un tribunal n'est pas remise en cause si une commission de surveillance parlementaire prend connaissance de pièces d'une procédure achevée. Il pourrait tout au plus y avoir des problèmes du point de vue de la protection des données et de la personnalité. Ces problèmes sont cependant les mêmes que ceux rencontrés par la haute surveillance parlementaire sur l'administration, notamment dans les domaines ayant trait aux assurances sociales, à l'assistance ou à l'exécution des peines et ne sont pas spécifiques à la garantie de l'indépendance judiciaire. En effet, dans ce cas de figure, la procédure est close. Comment le tribunal pourrait-il encore être influencé dans ce cas?69 Seiler défend donc une conception étendue des compétences en matière de haute surveillance et lui accorde le droit de prendre connaissance de toutes les pièces judiciaires concernant les procédures closes. Pour les représentants d'une conception stricte comme pour les représentants d'une conception élargie de la haute surveillance, la prise de connaissance de pièces judiciaires ne saurait toutefois être systématique et ne se justifie qu'exceptionnellement.

68 69

Voir Sägesser, art. 169, no 569 et IvPa Loi sur le Parlement p. 3443.

Voir Seiler, p. 292.

7168

Kiener est également nuancée dans son ouvrage traitant des aspects de la surveillance parlementaire sur la justice dans le canton de Berne. Dans ce canton, le droit de prendre connaissance s'étend aux pièces de l'administration judiciaire, mais pas aux pièces judiciaires au sens strict du terme. A la lumière des compétences de la surveillance parlementaire inscrites dans la constitution, Kiener estime que cette réglementation est appropriée. Elle coïncide avec les principes découlant de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance judiciaire. L'examen des cas de déni de justice et de retard injustifié ne présuppose pas l'accès direct aux pièces judiciaires elles-mêmes. La surveillance peut s'exercer sans perte de qualité en se basant sur des auditions ou des rapports. Pour Kiener, il en va d'ailleurs de même en ce qui concerne le contrôle des résultats de l'activité légiférante. Par conséquent, l'activité jurisprudentielle en tant que telle et, partant, le contenu de pièces judiciaires ne peuvent pas demeurer entièrement secrets. Par rapport à Seiler, Kiener évalue le droit de prendre connaissance des pièces de manière différente: un exercice restrictif par le législateur du droit de prendre connaissance des pièces judiciaires n'est pas synonyme d'interdiction absolue. En effet, les organes contrôlés peuvent tout à fait présenter le dossier d'un cas d'espèce ­ le cas échéant rendu anonyme. Pour ces raisons, Kiener estime qu'il est possible de se poser la question de savoir si, exceptionnellement, une surveillance adéquate de l'administration judiciaire pourrait malgré tout nécessiter un droit de prendre connaissance de pièces se rapportant à des procédures, notamment en cas d'événements concernant la gestion administrative des organes juridictionnels (p. ex. en cas de comportement déplacé d'un représentant de la justice envers les parties ou le public) qui ne peuvent pas être clarifiés autrement.

Pour Kiener, ces principes s'appliquent aussi bien à la Commission de justice qu'à la Commission de gestion. Elle défend un exercice modéré du droit de prendre connaissance de pièces, ce qui ne signifie pas seulement interdiction de s'immiscer dans l'activité matérielle de la justice, mais doit également inciter la haute surveillance à recourir au moyen d'information le moins «invasif» possible permettant
tout de même d'atteindre l'objectif visé.70 La loi sur le Parlement prévoit que les commissions de surveillance auront le droit de requérir tous les renseignements et toutes les pièces nécessaire à l'exercice de la haute surveillance (art. 27, al. 4, et 152, al. 1 et 2, loi sur le Parlement).71 La littérature n'exclut pas que la haute surveillance puisse exceptionnellement prendre connaissance au moins de pièces de procédure. Seul Seiler, en défenseur d'une concep70 71

Voir Kiener, 1997, p. 404 s.

Dans onze cantons ou demi-cantons, la haute surveillance sur la justice ne connaît pas de droit de prendre connaissance de pièces. Trois cantons n'ont pas réglé cette question.

Dans les autres cantons et demi-cantons, ce droit n'existe en règle générale que pour les pièces relatives à la gestion administrative des organes juridictionnels (il est un peu plus étendu dans le canton de Zoug où il existe également partiellement dans le cadre de la dénonciation à l'autorité de surveillance; le canton de Schaffhouse ne limite pas ce droit mais le Grand Conseil schaffhousois n'a jamais recouru à cet instrument ­ état 1999; dans le canton d'Argovie, la cour suprême fixe librement la portée du droit de prendre connaissance de pièces; les cantons du Tessin et de Genève connaissent un droit de prendre connaissance de pièces sur demande du conseil de la magistrature). Voir Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire, 1999. Unabhängigkeit der Richter. Aperçu (en allemand uniquement) non publié sur la surveillance exercée sur les cours suprêmes des cantons.

7169

tion étendue de la haute surveillance, considère que la prise de connaissance de pièces judiciaires concernant des procédures closes est sans problème.

4.4

Moment de la haute surveillance

Le caractère subséquent de la haute surveillance sur la justice a déjà été mentionné ci-dessus. Mastornardi explique que les commissions respectent strictement le principe de la subsidiarité et de la postériorité de la haute surveillance dès lors qu'elle s'adresse aux procédures judiciaires72. A cet égard, la littérature spécialisée souligne cependant que de rares exceptions sont envisageables. Kiener s'est penchée sur la question de savoir à quel moment la haute surveillance peut s'exercer sur la justice.

Kiener souligne que le principe de l'indépendance judiciaire a pour but de protéger la jurisprudence de l'ingérence des autorités de surveillance. En outre, les instruments légitimes de la haute surveillance ne doivent pas contrecarrer les compétences constitutionnelles que sont l'autonomie et la responsabilité de la justice, y compris pour ce qui est de sa gestion administrative. Les contrôles effectués de manière concomitante vont à l'encontre de ce principe. C'est pour cette raison que la surveillance sur la justice implique le respect du principe de la postériorité des contrôles. Tant les procédures judiciaires en cours que les «procédures» en cours de la gestion administrative interne des organes juridictionnels échappent d'une manière générale à toute intervention de la part des autorités de surveillance. Cela étant, il est possible d'imaginer que la haute surveillance parlementaire puisse exceptionnellement s'exercer, avec retenue, lorsque la procédure n'est pas close, et cela principalement lorsque certaines conditions sont remplies. Elles le sont notamment lorsque la procédure se prolonge excessivement, et que, comme cela vient d'être mentionné, il y a des signes concrets permettant de soupçonner un déni de justice ou un retard injustifié. Il ne s'agit en pareil cas que d'une prétendue exception au principe de la postériorité puisque l'autorité de surveillance intervient après que le tribunal n'a pas rempli son rôle. En tout état de cause, toute influence sur les décisions matérielles est à proscrire. Pour ce qui est des procédures judiciaires il y a les procès pénaux dont l'instruction à elle toute seule peut durer plusieurs années. A ce sujet Kiener est d'avis que l'autorité chargée de la haute surveillance judiciaire peut s'informer de l'état de la procédure au sens d'un contrôle
concomitant et, le cas échant, se renseigner sur les raisons de la longue durée de la procédure. En ce qui concerne la gestion administrative des organes juridictionnels, il est concevable que la haute surveillance se penche sur des procédures de surveillance internes ou des projets de réorganisation qui durent longtemps avant que ceux-ci soient achevés.73 Etant donné que la littérature ne comporte pas d'autre avis approfondi sur ce sujet, nous sommes contraints de nous limiter à Kiener. Ses explications sur ce point confirment qu'elle défend une conception élargie de la haute surveillance.

72 73

Voir Mastronardi, p. 132.

Voir Kiener 2001, p. 303 s.

7170

5

Institution d'une commission d'enquête parlementaire sur les tribunaux

Avant d'aborder la question ­ controversée selon Seiler ­ de savoir si le Parlement peut instituer une commission d'enquête parlementaire (CEP) sur les tribunaux, nous rappelons brièvement les tâches qui sont confiées à une telle commission.

Selon l'art. 55, al. 1, LREC: «Si des faits d'une grande portée survenus dans l'administration fédérale commandent que l'Assemblée fédérale clarifie de façon particulière la situation, des commissions parlementaires d'enquête des deux conseils peuvent être instituées pour déterminer l'état de fait et pour réunir d'autres moyens d'appréciation.» En matière d'information, les droits d'une CEP sont étendus.

Dans la littérature, Zimmermann et Seiler ont abordé la question de l'institution d'une CEP dans le domaine de la justice de manière détaillée. Zimmermann constate que, dans le domaine de la justice précisément, l'indépendance judiciaire inhérente à une justice digne d'un Etat de droit commande une limitation des compétences et des possibilités d'intervention d'une CEP. Il se prononce en faveur d'une portée étendue de la haute surveillance qui, à la rigueur, pourrait également être assumée au moyen d'une CEP. Dans le domaine de l'administration judiciaire, le Parlement a jusqu'ici exercé la haute surveillance avec la plus grande retenue et n'a pratiquement pas exercé de contrôle hiérarchique parce qu'il n'y a pas encore eu lieu d'intervenir de manière plus profonde. Selon Zimmermann, des interventions recèlent également des dangers réels. Les exigences de l'indépendance judiciaire et de la surveillance sont en effet opposées. Au vu des expériences faites jusqu'ici, Zimmermann estime qu'il est inimaginable que la surveillance exercée sur la justice du Tribunal fédéral puisse nécessiter le recours à un instrument «aussi radical» qu'une CEP. La mission centrale de la haute surveillance sur la justice ­ permettre au Parlement de se rendre compte si la législation donne au pouvoir judiciaire les moyens de rendre la justice (Eichenberger) ­ n'a pas besoin d'un instrument aussi extrême. Zimmermann est également convaincu qu'un éventuel recours à une CEP contreviendrait directement à l'indépendance judiciaire telle qu'elle est garantie par la CEDH, la constitution et certaines dispositions légales. Les activités (d'examen) qui seraient déployées par une telle procédure
d'enquête parlementaire ne sont pratiquement pas concevables.74 Seiler défend une autre position. Pour lui, la question de l'institution d'une CEP est avant tout une question du droit positif. Le droit fédéral actuel limite expressément l'institution d'une CEP aux faits d'une grande portée survenus dans l'administration fédérale (art. 55 LREC). Une autre réglementation est cependant envisageable. La CEP serait, cela va de soi, également limitée par la garantie de l'indépendance judiciaire. Elle ne pourrait ni destituer un juge ni annuler un jugement. Ces principes s'appliquent déjà à l'égard de l'administration: une CEP ne permet pas de destituer un membre de l'exécutif. Elle peut en revanche faire apparaître des dysfonctionnements et proposer des mesures pour y remédier. Les tribunaux ne sont pas «per definitionem» à l'abri des dysfonctionnements. Seiler mentionne l'exemple de tribunaux accusés d'être noyautés par la Mafia ­ il espère que ce n'est pas le cas en Suisse ­ et de favoriser systématiquement les mafiosi. Pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas

74

Voir Zimmermann, Peter, 1992: Rechte und Rechtsschutz im Verfahren parlamentarischer Untersuchungskommissionen des Bundes, Basler Studien zur Rechtswissenschaft.

Reihe B, Öffentliches Recht. Vol. 38. Basel, Frankfurt am Main. p. 17 à 20.

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enquêter sur de tels reproches? Il conclut en insistant sur le fait que la justice ne peut pas toujours et uniquement recourir à l'argument de l'indépendance judiciaire.75 L'art. 162 de la loi sur le Parlement prévoit que l'Assemblée fédérale peut, dans l'exercice des attributions qui lui sont conférées en matière de haute surveillance, instituer une CEP commune aux deux conseils s'il est survenu des événements d'une grande portée sur lesquels il est indispensable de faire la lumière et la charger d'établir les faits et de réunir d'autres éléments d'appréciation. Cette disposition s'applique également aux relations entre l'Assemblée fédérale et le Tribunal fédéral (art. 161, al. 1, let. d, loi sur le Parlement). Le rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national motive cette extension par rapport à la LREC en expliquant que cette application par analogie s'impose pour des raisons de cohérence.76 Onze cantons et demi-cantons ont d'ailleurs la possibilité d'instituer une CEP sur les tribunaux.77 A ce jour, cet instrument n'a cependant jamais été utilisé.

6

Résultats

La littérature qui traite de la haute surveillance parlementaire sur la justice en Suisse n'est pas très abondante. Eichenberger, Kiener, Mastronardi et Seiler sont les auteurs qui se sont avant tout penchés sur les questions juridiques liées à la haute surveillance. Leurs textes mis à part, quelques contributions se trouvent encore dans certains passages de commentaires de la constitution et de la législation ainsi que dans des ouvrages consacrés à d'autres thèmes spécifiques (CEP, pratiques des CdG en matière de tâches de surveillance).

Lorsque la littérature analyse les buts de la haute surveillance sur la justice, elle fait apparaître deux conceptions différentes. Selon la première conception, le but de la haute surveillance réside dans le contrôle de la justice pour vérifier si celle-ci assume ses tâches et remplit ses devoirs dans le sens de la constitution. Il s'agit d'une approche ex post. Quant à la seconde conception, elle insiste sur le fait que la haute surveillance est un contrôle de tendance, qu'elle est axée sur le présent et l'avenir et qu'elle vise à optimiser le fonctionnement de l'organe contrôlé. Ces deux conceptions divergent partiellement sur l'appréciation de la portée des principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance judiciaire. La première conception insiste sur la portée des principes de l'indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs qui différencie la haute surveillance qui doit s'exercer sur la justice de celle qui s'exerce sur l'exécutif et l'administration. Les auteurs pour lesquels la surveillance ne s'arrête pas au seul contrôle d'exécution, mais s'étend également au contrôle des effets de l'appareil législatif sont favorables à ce que, tout en respectant la constitution, le Parlement occupe une position forte. Pour ces représentants de la littérature, la haute surveillance sur la justice et ses compétences ne se différencient pas fondamentalement de la haute surveillance sur le gouvernement et l'administration. Il ressort de cette conception que les questions de jurisprudence font de

75 76 77

Voir Seiler, p. 292.

Voir IvPa loi sur le Parlement, p. 3443.

SZ, GL, FR, BL, SH, AI, GR, VD, VS, NE, JU; état au 15. 10. 1999. Voir aperçu publié par l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire.

7172

toute évidence partie des objets de la haute surveillance sur la justice (contrôle des résultats et contrôle d'efficacité).

Les explications sur la portée de la haute surveillance sur les tribunaux qui se trouvent dans la littérature peuvent être classées selon trois positions principales dont certains aspects ne sont cependant pas très éloigné les uns des autres. Selon la conception stricte, la haute surveillance parlementaire sur la justice doit se concentrer sur la surveillance de la «régularité formelle» et ne peut en aucun cas se référer au contenu des décisions. Selon Aubert, l'un des représentants de ce courant, le Parlement doit s'assurer que la justice est rendue et qu'elle l'est sans retard excessif.

Pour l'essentiel, la haute surveillance parlementaire est ici assumée au moyen de l'examen des rapports annuels des tribunaux.

La majorité des auteurs défendent une conception élargie de la haute surveillance sur la justice. Kiener est l'une des représentantes de ce courant médian qui place clairement le principe de l'indépendance judiciaire au centre de ses préoccupations.

Cette conception de la haute surveillance accorde également la priorité au contrôle de la gestion des affaires. La gestion administrative des organes juridictionnels et la marche des affaires sont explicitement et sans hésitation déclarées en tant qu'objets de la haute surveillance. Les cas de déni de justice, de retard injustifié et de procédure extrêmement longue exceptés, le Parlement ne peut pas se pencher sur des procédures qui n'ont pas été clôturées. Aucune intervention ayant un ou plusieurs cas d'espèce pour objet ne saurait être tolérée ­ il s'agit d'un principe qui fait l'unanimité dans toute la littérature. Selon les tenants de la conception élargie, la haute surveillance peut prendre connaissance du contenu des procédures closes lorsqu'il s'agit de procéder à un contrôle des effets et de l'efficacité de l'activité légiférante. Elle peut également discuter des tendances de la jurisprudence avec les autorités judiciaires car cette manière de faire permet d'identifier d'éventuels dysfonctionnements ou lacunes de la législation et de prendre les mesures correctrices qui s'imposent. Les représentants de cette position «médiane» accordent une importance diverse (allant d'une compréhension potestative à une
compréhension impérative) à cette dernière tâche de la haute surveillance. Pour Eichenberger, les dispositions légales d'une haute surveillance bien comprise étendent également la surveillance parlementaire au contenu de la jurisprudence.

Quelques auteurs défendent une conception élargie accordant à la haute surveillance une marge de manoeuvre et une liberté d'appréciation plus étendue sur certains points (appelée conception étendue dans le présent rapport). Ainsi, Mastronardi estime que, dans certaines circonstances (concrètement en cas de limitation des voies de recours prévues par la constitution) la haute surveillance assume une fonction démocratique à titre subsidiaire et n'exclut pas la possibilité qu'elle puisse se pencher matériellement sur certains jugements. Pour lui, le «devoir de réserve» que le Parlement s'impose dans ces critiques de la jurisprudence est un signe de «courtoisie parlementaire» qui ne découle pas du droit constitutionnel. Selon Guldener l'indépendance judiciaire n'est pas remise en cause lorsque ­ en cas de violation particulièrement grave des devoirs de fonction de l'autorité judiciaire ­ le droit de surveillance est étendu à l'examen de la légitimité de décisions et, partant, à leur contenu. Pour Seiler, il est important de doter la haute surveillance parlementaire sur la justice de droits d'information étendus (droit de requérir des renseignements, droit de prendre connaissance de pièces de procédures closes et possibilité d'instituer une CEP sur les tribunaux).

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La portée de la haute surveillance parlementaire telle qu'elle est décrite par la littérature correspond largement à la position défendue jusqu'ici par les CdG. La question de l'intensité du contrôle auquel les différents objets de la surveillance sur la justice ­ gestion administrative des organes juridictionnels, marche des affaires, jurisprudence ­ ont été soumis jusqu'à présent n'a pas été abordée par le présent rapport.

Le projet de loi sur le Parlement prévoit de renforcer les droits d'information de la haute surveillance (droit de prendre connaissance de pièces, CEP). Cette nouvelle loi part du principe que c'est l'organe de surveillance et non pas, comme c'était le cas jusqu'ici, l'organe contrôlé qui décide des informations qui sont nécessaires à un contrôle efficace. Les nouveaux droits d'information qui s'appliqueront aux relations avec le TF seront les mêmes que ceux qui s'appliquent actuellement aux relations avec le Conseil fédéral et l'administration fédérale. Ces droits sont toutefois limités par la loi; la haute surveillance ne peut pas procéder à des contrôles matériels de décisions judiciaires. Jusqu'ici, les CdG ont toujours respecté cette barrière, de manière plus ou moins stricte selon le cas. Rien ne devrait changer à cet égard: Dans le cadre du dialogue avec la justice, les CdG définiront cas par cas la portée qu'elles attribueront à la haute surveillance et les informations dont elles auront besoin pour remplir leur mission. La loi définit clairement la mission de la haute surveillance. Conformément à l'art. 27, al. 3, de la loi sur le Parlement, l'Assemblée fédérale exerce la haute surveillance dans le respect de la légalité, de la régularité, de l'opportunité, de l'efficacité et de l'efficience économique. Selon la profondeur du contrôle, il faut cependant s'attendre à ce que le respect de certains de ces critères soit confronté à des arguments en faveur de l'indépendance judiciaire.

7174

Liste des abréviations CdG

Commission de gestion

CEDH

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

CEP

Commission d'enquête parlementaire

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse

FF

Feuille fédérale

IvPa

Initiative parlementaire

LREC

Loi sur les rapports entre les conseils

OJ

Loi fédérale d'organisation judiciaire

OPCA

Organe parlementaire de contrôle de l'administration

RDS (ZSR) Revue de droit suisse RSJ (SJZ) Revue Suisse de Jurisprudence ZBl

Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Verwaltungsrecht

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Réalisation de la recherche Rapport: Andreas Tobler Secrétariat: Hedwig Heinis Tanya Kasper

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