15.438 Initiative parlementaire Pour une réglementation destinée à instaurer de la transparence en matière de lobbyisme au Parlement fédéral Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats du 11 octobre 2018

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons des projets de modification de la loi sur le Parlement et de l'ordonnance sur l'administration du Parlement, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter les projets ci-joint.

11 octobre 2018

Au nom de la commission: La présidente: Pascale Bruderer Wyss

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Condensé Comment les représentants d'intérêts peuvent-ils accéder au Palais du Parlement ?

Actuellement, ils peuvent s'adresser à un membre de l'Assemblée fédérale, lequel peut faire établir une carte d'accès pour deux personnes. L'initiative parlementaire du conseiller aux Etats Didier Berberat vise à modifier ce système en demandant une accréditation des représentants d'intérêts.

Conformément aux modifications de la loi sur le Parlement proposées dans le présent rapport, les membres du Parlement conservent la responsabilité concernant l'accès des représentants d'intérêts. Toutefois, comme le demande l'initiative parlementaire, les représentants d'intérêts devront fournir certaines informations concernant leurs mandants ainsi que leurs mandats. De plus, la loi précise que les députés doivent accompagner les visiteurs qu'ils accueillent pour une journée pendant toute la durée de leur visite au Palais du Parlement: l'objectif est d'empêcher que des représentants d'intérêts contournent les nouvelles règles en accédant au Palais du Parlement en tant que visiteurs journaliers.

Le système proposé est simple, peu coûteux et applicable. Il est également informatif: les citoyens ont à leur disposition un registre intelligible qu'ils peuvent consulter non seulement pour s'informer des mandants et des mandats des personnes représentant des intérêts au sein du Palais du Parlement, mais également pour savoir quel député a donné l'accès à quel représentant d'intérêts. L'analyse des réglementations en vigueur dans d'autres pays a montré que les systèmes dans lesquels un organe parlementaire décide de l'accès des représentants d'intérêts sont inefficaces.

Il est impossible de fixer des critères appropriés pour accorder ou refuser l'accès: une personne dont l'accès serait refusé serait discriminée et ferait probablement recours, ce que le droit suisse ne prévoit actuellement pas pour les décisions prises par le Parlement. C'est pourquoi la plupart des pays prévoient des enregistrements automatisés: l'accès est donné automatiquement pour autant que toutes les informations requises sont fournies. Par crainte qu'un nombre trop élevé de personnes aient accès au Palais du Parlement, ce système n'a pas non plus été retenu.

Au contraire, une minorité souhaite que la responsabilité d'établir des cartes d'accès incombe
à un organe parlementaire, du moins en ce qui concerne l'accès des personnes dont la représentation d'intérêts est une activité commerciale.

Une autre minorité souhaite quant à elle qu'il soit mis fin au «bazar des badges»: elle demande que les députés ne puissent plus distribuer de cartes d'accès à des représentants d'intérêts et que ces derniers soient tenus de s'inscrire afin de recevoir un accès pour la durée d'une session.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

15.438 Iv. pa. Berberat. Pour une réglementation destinée à instaurer de la transparence en matière de lobbyisme au Parlement fédéral

L'initiative vise à soumettre à une procédure d'accréditation les représentants d'intérêts (communément appelés lobbyistes) qui souhaitent avoir accès au Palais du Parlement. Ceux-ci devraient remplir des conditions qui resteraient à fixer et, le cas échéant, leur nombre serait limité. Ils devraient également être inscrits dans un registre public dans lequel ils signaleraient chacun de leurs mandats et leurs éventuels employeurs. En cas de violation de ces règles, des sanctions seraient prononcées.

1.2

Examen préalable par les Commissions des institutions politiques

Le 14 mars 2016, le Conseil des Etats a donné suite à l'initiative parlementaire par 20 voix contre 17 et 1 abstention. Chargée de l'examen préalable, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) lui avait pourtant proposé, par 5 voix contre 5 et avec la voix prépondérante de la présidente, de ne pas donner suite à l'initiative. Le 14 avril 2016, la commission du Conseil national a approuvé la décision du Conseil des Etats par 14 voix contre 9.

Après la décision du Conseil des Etats, approuvée par la CIP-N, de donner suite à l'initiative parlementaire de Didier Berberat, la CIP-E a chargé son secrétariat d'élaborer des propositions visant à mettre en oeuvre cette initiative. Il s'agissait parallèlement d'intégrer au projet l'objectif d'une autre initiative parlementaire, à laquelle les deux commissions s'étaient ralliées: cette autre initiative vise à ce que les lobbyistes soient tenus, en plus d'indiquer le nom de l'entreprise pour laquelle ils travaillent, de préciser également dans la rubrique «Fonction» du registre public des accrédités tous les mandats qui les amènent à déployer des activités au sein du Palais fédéral (15.433 n Iv. pa. [Caroni] Moret. Mandats des lobbyistes ayant accès au Palais du Parlement. Pour plus de transparence).

1.3

Elaboration d'un projet

A sa séance du 21 février 2017, la CIP-E a examiné un avant-projet portant modification de la loi sur le Parlement (LParl) et de l'ordonnance sur l'administration du Parlement (OLPA). Cet avant-projet prévoyait la création d'un registre public des représentants d'intérêts (nouvel art. 69a, al. 1, LParl). Quiconque souhaitait soumettre une requête à des membres de l'Assemblée fédérale au sein du Palais du Parlement pouvait s'inscrire en ligne dans ce registre et y fournir les informations 7071

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requises concernant l'employeur et le mandant. L'inscription seule ne donnait pas directement accès au Palais du Parlement, mais elle constituait la condition pour obtenir un tel droit d'accès: toute personne ayant fourni les informations requises recevait une carte d'accès de longue durée, laquelle n'était pas valable de façon permanente, mais pouvait être activée pour la durée d'une session. Cette proposition s'inspirait de la réglementation en vigueur dans plusieurs pays.

La commission a reconnu les avantages que présentait le système proposé. Grâce à l'enregistrement automatique, en particulier, l'Assemblée fédérale ne définirait pas elle-même les représentants d'intérêts, ce qui empêcherait en quelque sorte la désignation de lobbyistes officiellement reconnus par le Parlement. Toutefois, elle a estimé que la solution proposée était très complexe et que ses conséquences dans la pratique étaient difficiles à évaluer. Le 21 février 2017, elle a donc décidé, par 5 voix contre 5 et avec la voix prépondérante de son président, de ne pas entrer en matière sur le projet, et a proposé à son conseil de classer ce dernier. Le 16 mars 2017, le Conseil des Etats a toutefois décidé, par 29 voix contre 13, de renvoyer l'initiative parlementaire à la commission en chargeant celle-ci d'élaborer un projet (BO 2017 E 302).

Dans la foulée, plusieurs propositions de solutions ont été déposées au sein de la commission afin de réglementer l'accès des représentants d'intérêts. La commission a analysé ces solutions sur la base de différents critères (cf. ch. 4). Finalement, elle a opté pour une solution se fondant sur la réglementation actuelle, selon laquelle les députés peuvent faire établir une carte d'accès pour des représentants d'intérêts. Par rapport au système actuel, elle a toutefois renforcé les règles de transparence. Par 8 voix contre 3 et 1 abstention, la commission a préféré cette solution à une autre proposition selon laquelle la Délégation administrative (DA) pourrait attribuer des cartes d'accès supplémentaires à des représentants de certaines organisations, notamment à des représentants d'intérêts exerçant une activité commerciale. Le 18 janvier 2018, la commission a adopté le projet, en vue de la consultation, par 6 voix contre 4 et 2 abstentions.

1.4

Résultat de la procédure de consultation

Lors de sa séance du 21 juin 2018, la commission a pris connaissance des résultats de la consultation. Elle a constaté que des avis très différents avaient été exprimés dans les 113 retours (pour en connaître le détail, se référer au rapport de juin 2018 portant sur les résultats de la consultation). De nombreux participants ont indiqué n'être pas satisfaits et ont formulé d'autres propositions. Ces dernières vont toutefois dans des directions totalement différentes, si bien qu'elles n'ont pas fourni à la commission des bases lui permettant de remanier le projet.

Si le projet a recueilli un avis positif de la part des cantons, qui se sont exprimés de manière générale, et d'un parti, la quasi-totalité des participants à la consultation ont émis un avis négatif. Il y a toutefois lieu de distinguer entre les avis qui sont favorables au statu quo et ceux qui préconisent d'autres solutions. Ce sont surtout les participants consultés en vertu de la loi qui soutiennent le statu quo, c'est-à-dire les partis politiques et les associations faîtières qui oeuvrent au niveau national. D'autres 7072

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solutions sont proposées par les autres associations et organisations qui ont participé à la consultation.

Une grande majorité des participants sont pour l'extension de l'obligation de publication concernant les représentants d'intérêts qui entrent dans le Palais du Parlement grâce à une carte d'accès de longue durée. Seules de rares critiques portent sur la proposition de devoir communiquer les mandants et les mandats. Quelques participants, peu nombreux, souhaitent étendre l'obligation de publication aux visiteurs journaliers. Certains demandent en outre que soient aussi communiqués les objets pour lesquels le lobbyisme est exercé au sein du Palais du Parlement et les députés concernés.

L'idée d'appliquer aux organisations des conditions différenciées pour l'octroi d'une carte d'accès n'a pas été bien accueillie du tout. Pour les participants, tous les intérêts doivent être traités sur un pied d'égalité et leurs défenseurs doivent bénéficier du même droit d'accès.

Une grande majorité des associations et des organisations est opposée à toute restriction de l'accès des représentants d'intérêts au Palais du Parlement. Selon cette majorité, quiconque remplit les critères fixés, c'est-à-dire satisfait à l'obligation de publication, doit avoir le droit d'accéder au Palais du Parlement. Si le système actuel devait être maintenu, selon lequel la carte d'accès au Palais du Parlement est délivrée par le député, il faudrait aussi ­ comme le demandent de nombreux participants ­ que chaque député puisse toujours faire établir deux cartes d'accès pour des représentants d'intérêts.

Alors que la majorité des participants consultés en vertu de la loi jugent problématique qu'un organe parlementaire doive décider si un certain groupe d'intérêts aura accès au Palais du Parlement ou non, la majorité des autres participants demandent justement que les cartes d'accès soient uniquement délivrées par un organe parlementaire. Ainsi, une grande partie de ceux-ci se félicitent de l'orientation de la proposition de la minorité de la commission, mais rejettent la distinction qui y est faite entre les groupes d'intérêts. Certains participants demandent que quiconque inscrirait dans un registre les indications requises reçoive un accès, conformément à ce que prévoyait le premier avant-projet de la commission, qui était
joint à son rapport du 21 février 2017.

Plusieurs participants à la consultation ont critiqué le fait que le projet se limite à la question de l'accès au Palais du Parlement. Selon eux, le lobbying s'exerce beaucoup plus fréquemment à l'extérieur du bâtiment. Certains demandent par conséquent la création d'une législation exhaustive en matière de lobbying.

La commission a constaté avec satisfaction que sa proposition relative à l'extension de l'obligation de publication concernant les représentants d'intérêts a été bien accueillie. Par contre, les avis des participants à la consultation divergent totalement sur la question de savoir si les députés doivent continuer de distribuer des cartes d'accès aux représentants d'intérêts. La commission maintient ainsi cette disposition dans son projet. Elle a toutefois tenu compte des critiques formulées dans de nombreux avis au sujet du fait que les députés ne pourraient plus délivrer qu'une seule carte d'accès aux lobbyistes: le projet modifié prévoit donc que les députés pourront continuer d'en délivrer deux.

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La commission a ainsi approuvé le projet dans sa teneur modifiée par 7 voix contre 1 et 2 abstentions au vote sur l'ensemble et l'a adopté à l'intention de son conseil le 11 octobre 2018.

Le même jour, la commission s'est penchée sur la pétition 18.2016, déposée par Lobbywatch.ch et intitulée «Stop au jeu de cache cache des lobbys». Les objectifs de cette dernière ont été examinés dans le cadre du projet faisant l'objet du présent rapport ainsi que du projet 16.457 iv. pa. «Modifications diverses du droit parlementaire» (adopté par l'Assemblée fédérale à la session d'été 2018) et ont été partiellement mis en oeuvre.

2

Réglementations en vigueur dans d'autres domaines et à l'étranger

2.1

Accréditation des journalistes

Dans le cadre de l'examen préalable de l'initiative parlementaire Berberat, l'idée de mettre en place un système d'accréditation des lobbyistes sur le modèle du système d'accréditation des journalistes a été évoquée à plusieurs reprises.

Les journalistes accrédités ont accès au Palais du Parlement. Les modalités de l'accréditation sont réglées dans l'ordonnance du 30 novembre 2012 sur l'accréditation des correspondants des médias auprès du Centre de presse du Palais fédéral et l'autorisation d'accès au Centre de presse (OAcCP; RS 172.071). Conformément à l'art. 2, al. 1, OAcCP, les correspondants des médias «obtiennent leur accréditation lorsqu'ils exercent une activité journalistique professionnelle, correspondant à 60 % au moins d'un emploi à plein temps, qui couvre l'actualité du Palais fédéral dans des médias accessibles à un large public». L'art. 5, al. 1, prévoit que l'accréditation est valable jusqu'à la fin de la législature en cours. Aux termes de l'art. 13, la Chancellerie fédérale (ChF) publie électroniquement la liste des correspondants accrédités des médias ou autorisés à accéder au Centre de presse; cette liste contient les nom et prénom du titulaire de l'autorisation ainsi que le média qu'il représente. En septembre 2017, 172 correspondants des médias étaient accrédités.

Conformément à l'art. 3 de l'ordonnance, l'accréditation relève de la ChF; toutefois, avant de rendre sa décision, celle-ci soumet les demandes d'accréditation aux Services du Parlement, pour avis (art. 4, al. 4). La ChF précise que la prolongation d'une carte d'accès, qui est valable un an, est accordée de manière relativement informelle, selon une procédure assez simple: un mois avant l'expiration de leur carte d'accès, les correspondants des médias doivent confirmer par courrier électronique que leurs rapports de travail sont restés inchangés.

Les journalistes non accrédités souhaitant accéder au Palais du Parlement peuvent demander aux Services du Parlement (art. 11, al. 2, OLPA) une accréditation journalière au moyen d'un formulaire électronique, sous réserve d'une inscription au minimum trois heures à l'avance. Les correspondants des médias qui ont besoin d'accéder régulièrement (au moins douze fois pendant la durée de validité de la carte) au Palais du Parlement dans le cadre de leur travail peuvent déposer une demande d'accréditation journalière facilitée (accès sans inscription préalable).

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En résumé, le système d'accréditation des journalistes au Palais fédéral se fonde sur un critère d'octroi clairement défini et facile à vérifier: l'exercice d'une activité professionnelle à 60 % au moins auprès d'une entreprise de médias. Ce critère est peu pertinent pour l'accréditation des lobbyistes, car il n'est pas toujours possible d'identifier l'employeur réel des représentants d'intérêts: si certains se livrent à leur activité sur mandat d'une agence, de nombreux autres le font, par exemple, au nom d'une association.

2.2

Règles internes de la Société suisse de Public Affairs

La Société suisse de Public Affairs (SSPA) tient un registre de ses membres, qu'elle publie sur son site Internet. L'art. 5, al. 2, du code de déontologie de la SSPA du 1er janvier 2017 indique quelles informations ce registre doit contenir: «2 Le registre contient des informations minimales.

Pour les collaborateurs travaillant pour des associations, des entreprises et des administrations publiques: a.

nom, prénom du membre de la SSPA;

b.

nom de l'employeur;

c.

fonction professionnelle.

Pour les collaborateurs travaillant dans des agences, des études d'avocat ou les travailleurs indépendants: a.

nom, prénom du membre de la SSPA;

b.

nom de l'employeur;

c.

nom de tous les mandants directement encadrés par le membre de la SSPA en question, sans indication des différents mandats ou projets.

Ces informations sont la condition pour être membre de la SSPA. Les membres publient dans leur profil toute modification dans un délai de trois mois, à compter du début du rapport de travail ou du mandat.

3

4

La SSPA se charge de mettre à jour le registre une fois par an.»

Ces règles d'inscription sont complétées par une disposition relative au devoir de transparence (art. 6).

Pour surveiller le respect du code de déontologie, la SSPA a institué une Commission de déontologie, composée de cinq personnes qui ne sont pas membres de la SSPA (art. 7 et 8 du code de déontologie).

La SSPA compte près de 200 membres. Selon elle, quelque 80 % des lobbyistes actifs au sein du Palais fédéral sont membres de la SSPA.

Les règles dont s'est dotée la SSPA peuvent ainsi servir de base pour déterminer les informations que doivent fournir les personnes souhaitant exercer une activité de lobbying au sein du Palais du Parlement. En outre, il semble judicieux d'opérer une

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distinction entre les lobbyistes travaillant dans des agences et ceux qui sont employés par des associations ou des entreprises.

2.3

Règles en vigueur au sein d'autres parlements

2.3.1

Type de registre

Plusieurs pays européens, ainsi que l'Union européenne, tiennent des «registres de transparence» auxquels des organisations ou des personnes peuvent s'inscrire sur une base volontaire, ce qui leur permet de bénéficier d'un traitement privilégié de la part des autorités.

L'inscription facultative se différencie du système en vigueur au sein du Congrès des Etats-Unis, selon lequel les lobbyistes doivent s'enregistrer auprès du secrétariat du Sénat ou du secrétaire général de la Chambre des représentants au plus tard 45 jours après un premier contact ou après avoir été engagé ou mandaté par un député.

Un rapport de la Commission européenne pour la démocratie par le droit datant de 2013 opère une distinction entre systèmes faiblement, moyennement et fortement réglementés.

En règle générale, toute personne souhaitant être inscrite au registre des représentants d'intérêts dans les systèmes faiblement réglementés (UE, pays européens) doit indiquer pour qui elle exerce son activité de lobbyiste. Le 14 septembre 2017, le Parlement européen a toutefois décidé de durcir sensiblement les règles de transparence applicables aux représentants d'intérêts: une fois par an, les entreprises de représentation d'intérêts et les cabinets d'avocats exerçant des activités de représentation d'intérêts doivent fournir des informations exactes sur leurs finances et leurs mandants. Les organisations non gouvernementales sont tenues de déclarer tous les dons égaux ou supérieurs à 3000 euros. Enfin, les députés sont invités à tenir une liste de toutes leurs rencontres avec des lobbyistes et à publier cette liste sur le site Internet du Parlement.

Dans les systèmes moyennement réglementés (Canada, Etats des Etats-Unis, certains pays européens), les lobbyistes doivent fournir d'autres informations: l'objet sur lequel ils cherchent à exercer une influence et les personnes avec lesquelles ils souhaitent s'entretenir.

Dans les systèmes fortement réglementés (Etats-Unis), de plus amples informations sont exigées, notamment des détails supplémentaires sur l'organisation pratiquant le lobbying, à savoir sur ses collaborateurs et ses clients. En outre, les personnes inscrites doivent fournir des informations sur leur salaire et sur leurs dépenses.

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2.3.2

Inscription et accès aux bâtiments du parlement

Dans la plupart des Etats qui tiennent un registre des lobbyistes, l'inscription au registre permet un accès facilité, mais non automatique, aux bâtiments du parlement concerné. Elle constitue parfois une condition pour déposer une demande d'accès.

2.3.2.1

Réglementation au sein du Parlement européen

Depuis 2011, l'UE tient un registre de transparence auquel les organisations et les personnes doivent s'inscrire avant de pouvoir déposer une demande d'accès au Parlement européen. L'inscription ne donne pas automatiquement droit à une carte d'accès, mais toutes les demandes d'accès au parlement doivent être déposées via le registre. Les demandes déposées en ligne sont généralement traitées dans les deux à trois jours ouvrables. L'accès au Parlement est accordé pour une période allant jusqu'à 12 mois. De plus en plus d'organisations recourent à la possibilité de s'inscrire au registre de transparence de l'UE: fin septembre 2017, elles étaient 11 472.

2.3.2.2

Réglementation au sein du Bundestag

Le Bundestag a lui aussi établi un lien entre, d'une part, l'inscription des associations et de leurs représentants et, d'autre part, l'accès au bâtiment: conformément à la décision du Bundestag du 21 septembre 1972, son président tient une liste officielle sur laquelle peuvent s'inscrire les associations qui représentent des intérêts vis-à-vis du Bundestag ou du gouvernement fédéral. L'inscription ne crée ni droit ni devoir: elle ne confère notamment aucun droit à être entendu ni à se voir délivrer une carte d'accès. Toutefois, les représentants de groupes d'intérêts ne peuvent obtenir une carte d'accès que lorsque les informations suivantes sont mentionnées dans la liste des associations: le nom et le siège de l'association, la composition du comité et de la direction, le domaine d'activité de l'association, le nombre de membres, le nom des représentants de l'association et l'adresse du secrétariat au siège du Bundestag et du gouvernement fédéral. Deux cartes d'accès au maximum sont délivrées pour chaque association.

2.3.2.3

Réglementation en vigueur en France

Le développement de la pratique est particulièrement intéressant en France. En 2009, l'Assemblée nationale a adopté des règles selon lesquelles les représentants d'intérêts, dont les noms devaient figurer sur une liste tenue par le Bureau de l'Assemblée, pouvaient recevoir des cartes d'accès journalières leur permettant d'accéder librement au bâtiment de l'Assemblée. Pour être inscrits sur cette liste, les représentants d'intérêts devaient remplir un formulaire mentionnant leur domaine d'activité et leurs intérêts; ils devaient également signer un code de conduite.

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Lors de la législature qui a suivi l'adoption de ces règles, 141 personnes se sont inscrites. Un rapport de 2013 portant sur l'efficacité du système a montré que l'inscription et l'obtention d'une carte d'accès journalière n'intéressaient guère les lobbyistes, qui préféraient plus simplement fixer un rendez-vous avec un membre de l'Assemblée.

Par conséquent, les règles ont été modifiées de sorte que l'inscription ne soit plus soumise au Bureau pour vérification, mais qu'elle soit automatique, une fois que les informations requises ont été saisies en ligne. Pour ce faire, les personnes souhaitant s'inscrire doivent fournir davantage d'informations qu'auparavant (par ex. concernant la représentativité de leur association ou les sources de financement). Vu que l'inscription automatique risquait d'entraîner une augmentation sensible du nombre de personnes disposant d'un droit d'accès, une procédure d'accès indirecte a été mise en place: les personnes inscrites au registre reçoivent désormais un document attestant leur qualité de représentant d'intérêts au sein de l'Assemblée nationale, lequel ne leur confère toutefois pas un accès direct au bâtiment, mais doit être présenté à l'accueil pour leur permettre d'accéder au bâtiment. Grâce à ce système, les représentants d'intérêts ne sont plus contraints de prendre rendez-vous avec un député et l'Assemblée nationale peut contrôler les entrées dans le bâtiment. Le nombre de salles du bâtiment auxquels ont accès les représentants d'intérêts a en outre été réduit. Aucune évaluation de ce nouveau système d'accès à l'Assemblée nationale n'a encore été réalisée.

2.3.3

Analyse des réglementations en vigueur dans d'autres pays

Dans de nombreux pays, le fait que les représentants d'intérêts s'inscrivent euxmêmes constitue une condition pour avoir accès aux bâtiments parlementaires. Cela signifie que le respect de certaines obligations en matière de transparence représente un critère d'accès. En d'autres termes, il faut être transparent pour entrer dans l'enceinte du parlement. Ainsi, il n'est pas nécessaire de chercher d'autres critères, lesquels seraient d'ailleurs difficiles à définir. L'inscription et l'accès qu'elle permet ne nécessitent aucun contrôle préalable de la part d'un organe ou d'un service officiel. Dans certains parlements, toutefois, des contrôles ponctuels sont prévus: le Parlement européen dispose pour ce faire d'un secrétariat ad hoc doté de quatre postes à plein temps.

Plusieurs parlements ne prévoient aucune restriction d'accès des représentants d'intérêts, mis à part l'obligation de transparence ­ laquelle est toutefois très stricte dans certains cas. En France, la restriction du nombre de représentants d'intérêts présents dans les locaux du parlement passe par le fait que ces personnes ne reçoivent pas de carte d'accès de longue durée et n'ont accès au parlement qu'à la journée. En Allemagne, la restriction se traduit par le fait que le nombre de membres d'une même organisation recevant une carte d'accès est limité à deux.

Il convient de ne pas confondre les règles d'accès aux bâtiments parlementaires avec les législations ­ parfois exhaustives ­ sur les lobbies, telles qu'on les connaît notamment en Grande-Bretagne et en Autriche. En effet, il s'agit en premier lieu de 7078

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législations fixant les règles de comportement que doivent respecter les lobbyistes professionnels. Adopté par le Parlement britannique en 2014, le «Transparency of Lobbying, Non-Party Campaigning and Trade Union Administration Act», par exemple, ne contient aucune règle concernant l'accès des lobbyistes aux bâtiments parlementaires.

3

Proposition antérieure de réglementation

Dans son projet de nouvelle loi sur le Parlement du 1er mars 2001, la CIP-N avait proposé au Conseil national l'adoption d'un art. 5 créant la base légale pour l'accréditation des lobbyistes admis dans le Palais fédéral. La formulation proposée était la suivante (FF 2001 3355, 3356 et 3457): «Il peut être tenu un registre accessible au public des groupements d'intérêts admis dans le Palais fédéral.» Les modalités de l'accréditation auraient dû être réglées dans une ordonnance de l'Assemblée fédérale, sur le modèle de l'OAcCP.

Alors que le Conseil national a suivi cette proposition par 105 voix contre 32 (BO CN 2001 1315), le Conseil des Etats l'a rejetée (BO CE 2002 10), afin que le statut de «groupement d'intérêts» ne soit pas accordé d'office à toute personne inscrite au registre.

Finalement, c'est la solution du Conseil des Etats qui l'a emporté: le Parlement a adopté la réglementation actuelle (art. 69, al. 2, LParl), selon laquelle tout député peut faire établir une carte d'accès pour deux personnes, lesquelles doivent être inscrites dans un registre accessible au public.

4

Objectifs de la réglementation

4.1

Propositions d'objectifs

La liste ci-après présente différents objectifs qu'une législation sur l'accès des représentants d'intérêts au Palais du Parlement permet d'atteindre. Etant donné que ces objectifs peuvent varier en fonction des points de vue, certains d'entre eux peuvent être contradictoires: a.

Garantir le maximum de transparence concernant les personnes qui ont accès au Palais du Parlement.

b.

Eviter qu'un trop grand nombre de personnes externes soient présentes dans le Palais du Parlement.

c.

Eviter que les lobbyistes aient des liens trop étroits avec l'Assemblée fédérale et ses organes (pas de lobbyistes «officiellement autorisés»).

d.

Eviter que les lobbyistes aient des liens trop étroits avec des membres de l'Assemblée fédérale.

e.

Prévoir une réglementation économique, applicable et simple.

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f.

Ne pas hiérarchiser les intérêts: il s'agit de garantir une égalité de traitement sur le plan légal (mêmes conditions d'accès pour tous les groupes d'intérêts, qu'ils soient bien organisés et solides financièrement ou non).

g.

Revaloriser le statut de représentant d'intérêts professionnels et commerciaux.

4.2

Objectifs privilégiés par la majorité de la commission

La majorité de la commission souhaite en premier lieu parvenir à une réglementation économique, applicable et simple. Cela signifie qu'elle rejette tout dispositif prévoyant d'examiner les demandes de chacune des personnes souhaitant accéder au Palais du Parlement. En lieu et place, on aurait pu imaginer une réglementation que d'autres Etats connaissent déjà, selon laquelle les représentants d'intérêts s'inscrivent eux-mêmes et obtiennent ensuite l'accès aux locaux du parlement. Cette solution entre toutefois en conflit avec un autre objectif important aux yeux de la commission: éviter qu'un trop grand nombre de personnes se déplacent librement dans le Palais du Parlement. Il faudrait donc comme auparavant pouvoir déterminer au préalable le nombre de personnes pouvant accéder au bâtiment.

Toutefois, il ne devrait pas appartenir à un organe parlementaire de décider qui obtient l'accès. Les expériences faites dans d'autres pays, notamment la France, ont montré que le parlement se mettait dans une situation difficile lorsqu'il décidait quels intérêts avaient le droit d'être représentés ou non. Dans un tel cas, il faudrait probablement prévoir une possibilité de recourir devant le Tribunal fédéral, ce que la majorité de la commission rejette catégoriquement.

Par ailleurs, la majorité de la commission accorde de l'importance à l'égalité de traitement des différents intérêts dans la législation. Elle refuse de définir des catégories de représentants d'intérêts devant remplir différentes conditions pour accéder au Palais du Parlement ou, au contraire, des catégories interdites d'accès.

La majorité souhaite aussi répondre à une demande essentielle de l'initiative parlementaire: il s'agit de garantir davantage de transparence concernant les différents intérêts représentés au Palais du Parlement.

Pour répondre aux objectifs précités, il semble indispensable, aux yeux de la commission, que les membres de l'Assemblée fédérale assument une certaine responsabilité concernant l'établissement de cartes d'accès à l'intention de représentants d'intérêts.

A noter que la majorité de la commission n'a pas considéré que la revalorisation du statut de représentant d'intérêts professionnels et commerciaux constituait un objectif à poursuivre.

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5

Grandes lignes du projet

5.1

Réglementation inspirée du système actuel et amélioration de la transparence

5.1.1

Idée générale de la proposition de la majorité

Sur la base de l'analyse des différents objectifs présentée ci-dessus, la commission a conclu qu'il fallait opter pour une solution qui se fonde sur le système actuel, tout en améliorant la transparence. Comme c'est le cas actuellement, les députés doivent pouvoir faire établir une carte d'accès au Palais du Parlement de longue durée pour deux personnes, qui peuvent être des membres de la famille, des collaborateurs personnels ou des représentants d'intérêts. Le député concerné indique si la personne pour laquelle il fait établir une carte est un représentant d'intérêts, un membre de sa famille ou son collaborateur personnel. Si la personne en question est inscrite en tant que représentant d'intérêts, elle doit également indiquer le nom de son employeur. Les personnes travaillant pour des entreprises spécialisées dans la représentation d'intérêts doivent fournir des informations supplémentaires sur leurs mandants et leurs mandats, une demande qui était formulée dans l'initiative parlementaire 15.433 n ([Caroni] Moret. Mandats des lobbyistes ayant accès au Palais du Parlement. Pour plus de transparence).

Les députés continueront de pouvoir accueillir des visiteurs pour la journée, lesquels peuvent aussi être des représentants d'intérêts. Toutefois, ces personnes ne peuvent pas se déplacer dans le Palais du Parlement sans être accompagnées par le député qui les a accueillies. En l'occurrence, il s'agit d'ancrer dans la loi et d'appliquer une réglementation qui est déjà en vigueur actuellement.

5.1.2

Appréciation de la proposition de la majorité au regard des objectifs formulés au ch. 4

Ces modifications apportées à la LParl permettent d'améliorer la transparence, vu que les lobbyistes sont clairement identifiés comme tels et doivent donner des informations supplémentaires. La forme actuelle du registre peut être reprise. Non seulement ce registre est facilement lisible, mais il contient une information intéressante pour les électeurs, à savoir quel député a donné l'accès au palais à quel lobbyiste. Cela permet de répondre, en partie, à une demande qui est régulièrement formulée dans d'autres parlements (comme récemment au Parlement européen, voir ch. 2.3.1 supra): celle de garantir la transparence sur les relations entre les députés et les représentants d'intérêts. Permettre aux électeurs de savoir quel député a donné l'accès au palais à quel lobbyiste assure un contrôle démocratique.

La solution proposée tient compte du principe de l'égalité devant la loi, car elle ne définit pas de catégories de groupes d'intérêts et, partant, elle ne privilégie pas certains groupes d'intérêts sur le plan légal. Tous les groupes intérêts disposent des mêmes possibilités de convaincre un député de faire établir une carte d'accès à leurs représentants.

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Vu que chacun des députés conserve la responsabilité de faire établir des cartes d'accès à des représentants d'intérêts, l'institution parlementaire n'est pas impliquée dans ce processus. On ne crée donc aucune catégorie de lobbyistes reconnus par le Parlement. Si un tel système était mis en place, le fait de refuser l'accès au Palais du Parlement à une entreprise spécialisée dans la représentation d'intérêts constituerait un préjudice commercial considérable. Il faudrait alors définir des critères clairs et compréhensibles et prévoir une voie de droit.

Etant donné que la solution proposée ne requiert pas de prendre ce genre de mesures, les dispositions légales peuvent rester relativement simples. Il est donc possible de réglementer l'accès des représentants d'intérêts de manière claire et compréhensible, moyennant un nombre réduit de dispositions légales. Il n'est pas non plus nécessaire de créer des postes de travail supplémentaires pour l'examen des demandes d'accès.

Si chaque député peut délivrer deux cartes d'accès de longue durée à des représentants d'intérêts, le nombre total de cartes d'accès de longue durée délivrées à cette catégorie de personnes sera inférieur à 500. Il est même probable que ce nombre se situera en dessous de ce seuil, car de nombreux députés ne font pas établir de cartes d'accès de longue durée ou préfèrent les délivrer à des collaborateurs personnels ou à des membres de leur famille.

Tout autre système, qu'il s'agisse de l'inscription par les représentants d'intérêts mêmes ou de l'autorisation par un organe parlementaire, présenterait l'inconvénient de la difficulté de prévoir combien de représentants d'intérêts demanderaient l'accès et l'obtiendraient. Dans ce contexte, la commission estime que le maintien du système actuel ­ l'accès au Palais du Parlement passe par les députés ­ se justifie. En raison de ce qui précède, et pour les raisons ci-après, la commission rejette les propositions de minorité présentées aux ch. 5.1.3 et 5.1.4.

La majorité de la commission estime que ni la loi ni l'ordonnance ne doit définir de catégories de représentants d'intérêts auxquelles la DA serait chargée de délivrer des cartes d'accès. L'art. 69, al. 1, LParl charge la DA de gérer les locaux de l'Assemblée fédérale (à l'exception des salles des conseils). Sur la base de cette
disposition, la DA peut délivrer des cartes d'accès, comme elle le fait par exemple pour les représentants de cantons1. Il faut laisser à la DA une certaine marge de manoeuvre, laquelle ne devrait pas être restreinte d'emblée par des dispositions légales permettant à certains groupes de personnes de faire valoir des droits.

Il serait particulièrement problématique d'inscrire dans l'ordonnance qu'une certaine catégorie d'entreprises peut déposer une demande d'accès pour ses collaborateurs, vu qu'il n'est pas possible de définir précisément sur quels critères la DA doit se fonder pour délivrer les cartes d'accès aux entreprises. Dans la pratique, la disposition selon laquelle les entreprises spécialisées dans la représentation d'intérêts pourraient déposer une demande de carte pour leurs collaborateurs impliquerait qu'il 1

Les groupes de personnes suivants disposent actuellement de cartes d'accès au Palais du Parlement de longue durée (état: septembre 2017): les anciens députés (431), des collaborateurs de l'administration fédérale (767), les collaborateurs des Services du Parlement (362), des collaborateurs de la SSR (147), les collaborateurs de la Galerie des Alpes (18), des journalistes (323), des personnes visées à l'art. 69, al. 2, LParl (379), des collaborateurs des groupes parlementaires (116), la CdC (20) et des représentants des cantons (21).

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faille délivrer des cartes d'accès à toutes les entreprises de ce type, pour autant qu'elles en fassent la demande. Il serait quasiment impossible de refuser l'accès à l'une de ces entreprises, car on peut difficilement imaginer un moyen de vérifier que les collaborateurs de l'entreprise ayant déposé la demande doivent effectivement se rendre régulièrement au Palais du Parlement. Etant donné que c'est le demandeur qui décide lui-même si un collaborateur «a besoin [...] d'être présent régulièrement au Palais du Parlement», sa demande serait forcément acceptée.

Quant à la question des lobbyistes «officiellement autorisés», elle a déjà été traitée dans différents points du présent rapport.

Enfin, la proposition de la minorité 1 confère de facto un droit d'accès illimité aux représentants d'intérêts professionnels. Or, il est difficile de justifier une telle inégalité de traitement sur le plan légal vis-à-vis des personnes qui représentent les intérêts d'une organisation ou entreprise précise. Si on exige de ces personnes qu'elles gagnent la confiance d'un député pour accéder au Palais du Parlement, alors il faut exiger la même chose des lobbyistes professionnels.

La proposition de la minorité 2, selon laquelle les personnes qui s'inscrivent obtiennent l'accès pour le temps d'une session, correspond dans les grandes lignes à la solution déjà examinée par la commission le 21 février 2017. Les arguments pour et contre cette solution sont présentés au ch. 1.3. La principale critique qui lui est opposée est qu'il est difficile de prévoir combien de personnes s'inscriront pour demander l'accès au Palais du Parlement.

5.1.3

Proposition de la minorité 1

Une minorité de la commission critique la proposition de la majorité en ce sens que, si elle permet de maîtriser la quantité des cartes d'accès délivrées, elle ne donne aucun contrôle sur la qualité. La minorité souhaite qu'un organe parlementaire contrôle quels représentants d'intérêts accèdent au Palais du Parlement. Cela concernerait en particulier les personnes travaillant pour des entreprises spécialisées dans la représentation d'intérêts.

La minorité propose un compromis: comme dans la proposition de la majorité, les députés peuvent faire établir des cartes d'accès pour des personnes représentant directement les intérêts d'une organisation ou d'une entreprise précise. La responsabilité incomberait toujours aux députés: le nom de l'organisation ou de l'entreprise permet de déduire quels intérêts elle défend.

Les députés ne doivent toutefois pas pouvoir établir de cartes d'accès pour les collaborateurs d'entreprises spécialisées dans la représentation d'intérêts. Ces entreprises pourraient déposer une demande de carte pour leurs collaborateurs; la DA serait chargée de traiter les demandes et de fixer le nombre maximal de cartes à délivrer.

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5.1.4

Proposition de la minorité 2

La minorité 2 est d'avis qu'il convient de mettre fin au «bazar des badges». Elle considère en effet qu'il est désagréable, pour les députés, de devoir constamment rejeter des demandes de cartes d'accès et que ceux qui font établir des cartes d'accès pour des représentants d'intérêts s'exposent à des soupçons de vénalité. Selon cette minorité, toutes les personnes intéressées devraient avoir les mêmes chances d'accéder au Palais du Parlement.

C'est pourquoi la minorité 2 propose que les représentants d'intérêts ne reçoivent leurs cartes d'accès ni de la part des députés ni de la part d'un organe parlementaire, mais qu'ils doivent s'inscrire eux-mêmes afin de recevoir une carte d'accès valable le temps d'une session. Pour répondre aux craintes selon lesquelles un trop grand nombre de personnes pourraient alors accéder au Palais du Parlement, la minorité propose qu'un maximum de deux personnes oeuvrant pour la même organisation reçoivent une carte d'accès.

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Commentaire par article

6.1

Loi sur l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002

Art. 69

Droit de disposer des locaux

L'art. 69, al. 1, LParl règle le droit de disposer des locaux. Actuellement, l'al. 2 prévoit que les députés peuvent faire établir une carte d'accès au Palais du Parlement pour deux personnes. Si l'on complétait cette réglementation par des dispositions concernant l'accès des représentants d'intérêts, l'article prendrait des proportions démesurées. C'est pourquoi les dispositions relatives aux cartes délivrées par des députés doivent faire l'objet d'un article distinct et l'al. 2 doit être abrogé.

Art. 69a

Accès au Palais du Parlement

En ce qui concerne les cartes établies à la demande des députés, l'art. 69b (nouveau) opère une distinction entre les cartes d'accès de longue durée et les cartes d'accès journalières. Par conséquent, et pour des raisons de cohésion, il faut définir ces deux notions au niveau de la loi. Actuellement, elles ne sont définies qu'au niveau de l'ordonnance (art. 16a, al. 1 et 2, OLPA).

L'al. 1 prévoit qu'il faut détenir une carte d'accès de longue durée ou une carte d'accès journalière pour accéder au Palais du Parlement. Conformément à la pratique actuelle, il est indiqué sur la carte à quelles parties du bâtiment son détenteur peut accéder: on peut donc abandonner la notion de «parties non publiques du Palais du Parlement» actuellement formulée à l'art. 69, al. 2, LParl. D'ailleurs, les personnes qui prennent place dans les tribunes, c'est-à-dire dans des parties publiques, pendant les sessions reçoivent elles aussi une carte d'accès.

Conformément à l'al. 2, les personnes qui exercent des activités au Palais du Parlement et s'y rendent donc régulièrement reçoivent une carte d'accès de longue durée valable pour une période définie. Outre les députés, ces personnes peuvent être des 7084

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collaborateurs des Services du Parlement et de l'administration fédérale, des journalistes ou ­ et c'est le cas qui nous intéresse ­ des représentants d'intérêts. L'al. 3 prévoit que les personnes qui ne se rendent au Palais du Parlement que pour une journée reçoivent une carte d'accès journalière. L'ordonnance définit l'instance responsable de l'établissement des cartes d'accès et les données qui doivent être fournies pour obtenir une carte (art. 16a, al. 3 et 4 et art. 16b OLPA).

Art. 69b

Cartes d'accès établies à la demande des députés

Comme c'est le cas actuellement à l'art. 69, al. 2, il s'agit de définir au niveau de la loi à quelles personnes et conditions les députés peuvent faire établir des cartes d'accès. Etant donné que les représentants d'intérêts doivent désormais fournir davantage d'informations, les dispositions sont plus exhaustives.

Comme dans le droit en vigueur, l'al. 1 prévoit que tout député peut faire établir deux cartes d'accès de longue durée. Désormais, il précise également les groupes de personnes auxquelles ces cartes sont délivrées. Dans le registre actuel, ces personnes sont décrites soit comme des invités, soit comme des collaborateurs personnels, soit comme les représentants d'une certaine organisation. Toutefois, on ne sait pas clairement à quels groupes de personnes le terme «invité» s'applique: il peut arriver que des invités exercent des activités de représentation d'intérêts. Le nouveau droit mentionne désormais les catégories suivantes: membres de la famille, collaborateurs personnels et représentants d'intérêts. La notion de «membre de la famille» vise à souligner le caractère privé de la relation entre la personne et le député, considérant qu'il n'est pas question de la définition étroite au sens du droit de la famille: par exemple, les partenaires non mariés sont considérés comme des «membres de la famille». Toutefois, la personne concernée ne peut représenter des intérêts au sein du Palais du Parlement. Si elle souhaite le faire, elle doit être enregistrée en tant que représentant d'intérêts et fournir les données visées à l'al. 3.

Lorsqu'un député souhaite faire établir une carte d'accès de longue durée pour une personne, il fait inscrire cette personne dans le registre en indiquant dans quelle catégorie elle doit être rangée (al. 2).

Indépendamment de la catégorie, les données visées à l'art. 16b, al. 2, OLPA doivent être fournies pour obtenir une carte d'accès de longue durée; l'exactitude de ces données est ensuite vérifiée.

Si une personne est inscrite dans le registre en tant que représentant d'intérêts, elle doit fournir des informations supplémentaires (al. 3). Ainsi, elle doit indiquer le nom de son employeur. Si elle travaille pour une association, une entreprise, une administration publique ou une organisation similaire, l'indication de l'employeur suffit pour faire savoir
quels intérêts sont représentés. Comme c'est le cas actuellement, le registre mentionne explicitement l'organisation concernée (par ex. Berner Bauernverband, Association Transports et Environnement ou UBS). Par contre, si cette personne travaille pour une entreprise spécialisée dans la représentation d'intérêts (par ex. une agence ou une étude d'avocats), elle doit indiquer non seulement le nom de l'entreprise, mais également le nom de son mandant et les mandats pour lesquels elle exerce des activités au sein du Palais du Parlement. On part du principe que ces entreprises tiennent la comptabilité des mandats qui leur sont confiés, de sorte qu'il 7085

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leur est possible de citer précisément les mandants et leurs mandats. Par exemple, elles devront indiquer que des informations concernant un certain projet législatif doivent être fournies à des députés sur mandat d'une certaine entreprise. Cela signifie qu'il faudra aussi mentionner le nom des députés qui auraient chargé une agence de s'engager en faveur d'une question politique.

Reste à savoir si contraindre les collaborateurs travaillant dans des études d'avocats à déclarer leurs mandats n'irait pas à l'encontre du secret professionnel des avocats.

Sur ce point, le message du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (loi sur les avocats, LLCA; RS 935.61) [objet 99.027, FF 1999 5369] fournit les explications suivantes: «[...] conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'avocat exerçant pour un client des activités autres que celles qui relèvent spécifiquement du barreau ne peut se prévaloir à leur propos du secret professionnel de l'avocat». Ces «activités autres» peuvent être, selon le message, l'administration de sociétés, la gérance de fortune ou la gestion de fonds.

Ainsi, les activités de lobbying que les avocats exercent pour un client ne font pas partie des activités «qui relèvent spécifiquement du barreau» et ne sont donc pas soumises au secret professionnel.

Il est de la responsabilité des représentants d'intérêts en possession d'une carte d'accès de longue durée de mettre à jour régulièrement les informations les concernant. Cela s'applique tout particulièrement aux personnes qui travaillent pour des entreprises spécialisées dans la représentation d'intérêts, car leurs mandats sont parfois de courte durée. Il appartient aux Services du Parlement de contrôler que toutes les informations sont fournies; par contre, ils ne contrôlent pas l'exactitude de ces informations, car cela entraînerait une charge de travail excessive. Les médias jouent alors un rôle important dans ce domaine, et c'est notamment pour cette raison que le registre contenant les données visées aux al. 2 et 3 est public (al. 4). Ce principe de responsabilité individuelle correspond à l'art. 11 LParl, selon lequel les députés sont responsables des informations qui les concernent contenues dans le registre des intérêts.

Si l'on constate qu'une personne possédant une carte
d'accès de longue durée représente des intérêts au sein du Palais du Parlement sans avoir fourni les données requises, cette personne pourra se voir retirer sa carte d'accès, en application des règles générales relatives au droit de disposer des locaux et à l'accès au Palais du Parlement. Il en va de même si une personne s'est inscrite en tant que représentant d'intérêts mais a fourni des informations erronées ou incomplètes.

Conformément à l'al. 5, les députés peuvent aussi recevoir des visiteurs, lesquels reçoivent une carte d'accès journalière. Cela correspond à la pratique actuelle, qui veut que les visiteurs soient en tout temps accompagnés au sein du Palais du Parlement (cf. «Prochain arrêt: Palais fédéral ­ un guide pour les députés» du 1.12.2015).

Cette règle doit être appliquée, sans quoi des lobbyistes risquent d'accéder indûment au Palais du Parlement et, non accompagnés par les députés qui leur ont permis d'entrer, d'importuner d'autres députés. Pour cette raison, il faut ancrer cette disposition dans la loi.

La DA peut édicter des directives prévoyant d'autres modalités concernant l'accès des représentants d'intérêts au Palais du Parlement. Par exemple, elle peut prévoir

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que les personnes disposant d'une carte d'accès selon l'art. 69b LParl doivent se soumettre aux contrôles d'identité et des bagages, ce qui implique qu'elles puissent uniquement utiliser l'entrée des visiteurs du Palais du Parlement, située côté sud.

Art. 69c

Cartes d'accès pour les anciens membres de l'Assemblée fédérale

L'accès des anciens membres de l'Assemblée fédérale doit aussi être considéré sous l'angle de la représentation d'intérêts au sein du Palais du Parlement. Conformément à la pratique actuelle, les anciens députés reçoivent une carte d'accès de longue durée, mais peu d'entre eux en font régulièrement usage. Toutefois, il y a de plus en plus d'anciens députés «récemment à la retraite» qui se prêtent parfaitement à la représentation d'intérêts en raison de leur réseau de relations. Si un ancien député exerce des activités de lobbyisme au sein du Palais du Parlement, il doit être soumis aux mêmes règles de transparence que les autres représentants d'intérêts.

6.2 Section 7 Art. 16a

Ordonnance sur l'administration du Parlement du 3 octobre 2003 Droit de disposer des locaux Cartes d'accès

Les dispositions des al. 1 et 2 sont désormais réglées au niveau de la loi (art. 69a LParl), de sorte que ces alinéas peuvent être abrogés.

7

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Les Services du Parlement ont effectué une première estimation approximative des conséquences financières et de l'effet sur l'état du personnel. Vu que les représentants d'intérêts fourniront eux-mêmes les données relatives à leurs mandants et à leurs mandats, il faut prévoir une nouvelle application en plus du formulaire électronique actuellement rempli par les députés. Cela devrait engendrer des coûts uniques de 350 000 francs et nécessiter environ 250 jours de travail. En outre, 40 000 francs et 36 jours de travail seront nécessaires chaque année pour l'exploitation, la maintenance et les adaptations spécifiques.

Il n'y a quasiment aucune différence entre la solution de la majorité et celle de la minorité s'agissant des coûts des adaptations techniques nécessaires. Concernant le personnel, en revanche, la solution de la minorité prévoit que la DA se prononce sur les demandes d'accès. Or, il faudrait préparer les décisions de la DA, ce qui nécessiterait des travaux supplémentaires impossibles à réaliser avec les effectifs actuels.

Toutefois, on ne peut pas encore dire précisément quel effet cette solution devrait avoir sur les effectifs, car la mise en oeuvre est relativement ouverte.

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Bases légales

La LParl et les modifications y afférentes qui sont proposées ici reposent sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., qui stipule que les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. L'OLPA est fondée sur l'art. 70, al. 1, LParl, selon lequel l'Assemblée fédérale édicte sous forme d'ordonnance de l'Assemblée fédérale les dispositions d'exécution fixant des règles de droit qui s'appliquent à l'administration du Parlement.

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