18.051 Message relatif à la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF) du 15 juin 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, un projet de modification de la loi sur le Tribunal fédéral.

À cette occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 2013

P

13.3694

Décharger le Tribunal fédéral des affaires de moindre importance (N 13.12.13, Caroni)

2015

M 14.3667

Tribunal fédéral. Dissenting opinions (N 11.3.15, Commission des affaires juridiques CN; E 18.6.15)

2017

M 17.3353 M 17.3354

Relèvement des plafonds des émoluments judiciaires perçus par le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral (N 28.11.17, Commission de gestion CN; E 11.09.17, Commission de gestion CE)

2017

M 17.3357

Révision de la loi sur le Tribunal fédéral (N 12.9.17, Commission des affaires juridiques CN; E 14.3.18)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 juin 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-0547

4713

Condensé Alors qu'aujourd'hui, l'accès au Tribunal fédéral est totalement exclu dans certains domaines, le projet prévoit que tous les recours soulevant une question juridique de principe seront recevables, y compris contre les décisions du Tribunal administratif fédéral (mais à l'exception du domaine de l'asile). Parallèlement, le Tribunal fédéral sera déchargé de cas simples qui ne nécessitent pas d'être examinés par la juridiction suprême de la Confédération.

Contexte La révision totale de l'organisation judiciaire, entrée en vigueur en 2007, a fait l'objet d'une évaluation entre 2008 et 2013. Il en est résulté que certains points pouvaient être améliorés, notamment dans l'optique d'un rééquilibrage de la charge du Tribunal fédéral, qui consacre trop de temps à des affaires dans lesquelles son intervention n'apporte pas vraiment une meilleure protection juridictionnelle. Il y a également lieu d'apporter un correctif dans le domaine pénal, où le nombre de recours au Tribunal fédéral a crû ces dernières années beaucoup plus que dans les autres domaines.

Contenu du projet La liste des exceptions et les valeurs litigieuses minimales n'auront plus pour effet de rendre irrecevable tout recours au Tribunal fédéral. Le Conseil fédéral propose de préserver un accès à la cour suprême dans les cas particulièrement importants.

Le domaine de l'asile restera exclu de cet élargissement des voies de recours.

La liste d'exceptions sera étendue à des décisions relatives au droit des étrangers, aux naturalisations, à la protection des marques et aux mandats de prestations et concessions.

Le recours en matière pénale sera soumis à plusieurs restrictions: ­

les amendes pour contraventions inférieures ou égales à 5000 francs ne pourront en principe pas être portées devant le Tribunal fédéral;

­

les décisions des autorités de recours (sauf les juridictions d'appel) ne pourront en principe faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si elles portent sur des mesures de contrainte, sur une non-entrée en matière ou sur le classement d'une enquête pénale;

­

les lésés qui ne sont pas des victimes au sens de la loi sur l'aide aux victimes d'infractions ne pourront plus faire recours au Tribunal fédéral contre des jugements de l'autorité de seconde instance portant sur des points de procédure (jugements dans lesquels le tribunal ne rend pas un verdict de culpabilité ou d'acquittement ni ne statue sur ses prétentions civiles).

4714

Les autres modifications concernent notamment les conditions applicables aux recours contestant des mesures provisionnelles, la prise en compte d'avis minoritaires dans les arrêts écrits, la suppression d'exceptions dans l'ordre des instances au niveau cantonal et l'harmonisation des motifs de recours dans l'ensemble du domaine des assurances sociales.

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Table des matières Condensé

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1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Organisation judiciaire fédérale 1.1.2 Évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale 1.1.3 Mise en oeuvre des résultats de l'évaluation 1.2 Les changements proposés 1.2.1 Réserve d'un recours limité contre toutes les décisions énumérées dans une liste d'exceptions ou dont la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte (hormis le droit de l'asile) 1.2.2 Adaptation des cas figurant dans la liste d'exceptions 1.2.3 Nouvelles restrictions (en particulier sous forme d'exceptions) aux recours en matière pénale 1.2.4 Modification des conditions de recours contre des mesures provisionnelles 1.2.5 Autres adaptations 1.3 Justification et appréciation de la solution proposée 1.4 Recommandations du Groupe d'États contre la corruption (institution du Conseil de l'Europe) 1.5 Prise de position du Tribunal fédéral 1.6 Classement d'interventions parlementaires

4717 4717 4717 4717 4718 4719

2

Commentaire des dispositions 2.1 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral 2.2 Modification d'autres actes

4740 4740 4756

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques

4766 4766 4766 4767

4

Rapport avec le programme de la législature

4767

5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

4767 4767 4768

Loi sur le Tribunal fédéral (Projet)

4716

4719 4721 4724 4726 4727 4731 4733 4737 4740

4769

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Organisation judiciaire fédérale

La révision totale de l'organisation judiciaire fédérale est entrée en vigueur début 2007. Les modifications de loi afférentes touchaient la procédure devant le Tribunal fédéral, l'organisation de ce dernier, la création de nouvelles instances précédentes (notamment le Tribunal administratif fédéral) et la redéfinition des voies de recours qui aboutissent à la cour suprême (instauration du recours unifié, complété par le recours constitutionnel subsidiaire qui vise à garantir le respect des droits constitutionnels par les cantons). Cette révision a eu des effets sur les cantons, qui ont dû adapter l'organisation de leurs propres tribunaux. La réforme de la justice acceptée par le peuple et les cantons le 12 mars 2000 a fourni la base constitutionnelle de ce projet1.

La révision totale de l'organisation judiciaire visait trois objectifs:


objectif 1: décharger efficacement et durablement le Tribunal fédéral et garantir ainsi son bon fonctionnement;



objectif 2: améliorer la protection juridictionnelle dans certains domaines;



objectif 3: simplifier les procédures et les voies de droit.

Bien que le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone ait aussi été créé dans l'optique de la réalisation de ces objectifs, sa naissance est liée avant tout à la décision du Parlement, à fin 1999, de donner à la Confédération des nouvelles compétences de procédure dans le domaine du crime organisé et de la criminalité économique2.

1.1.2

Évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale

Suite au postulat Pfisterer du 21 juin 2007 (07.3420 «Réforme de l'organisation judiciaire et de la justice. Évaluation»), le Conseil fédéral a fait procéder à une évaluation de l'efficacité des nouvelles normes. Dans son rapport du 30 octobre 2013 sur les résultats de l'évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale, il a conclu que la réforme était dans l'ensemble un succès3.

Elle a cependant failli à résoudre totalement deux problèmes:


1 2 3

Après une réduction passagère du nombre de nouveaux dossiers, le Tribunal fédéral doit faire face, depuis quelque temps, à une recrudescence de cas; en RO 2002 3148 RO 2001 3071 FF 2013 8143 8166

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outre, il estime que sa capacité de travail est partiellement utilisée à mauvais escient puisque, d'une part, il est saisi de cas d'importance mineure, tandis que, d'autre part, il ne connaît pas de toutes les causes capitales pour l'unité du droit et le développement de la jurisprudence.


Il subsiste des lacunes en matière de protection juridictionnelle. Cela concerne en particulier la liste d'exceptions de l'art. 83 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)4, le droit en matière d'étrangers et d'asile, les droits politiques et les décisions du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale.

Le Conseil fédéral énumérait déjà des mesures législatives concrètes possibles dans le rapport d'évaluation5.

1.1.3

Mise en oeuvre des résultats de l'évaluation

Afin d'élaborer les modifications de loi nécessaires, l'Office fédéral de la justice a constitué début 2014 un groupe de travail, composé de représentants du Tribunal fédéral, du Tribunal administratif fédéral et de l'administration fédérale. Le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral ont discuté des propositions du groupe de travail en séance plénière au cours de l'automne 2014.

Le Conseil fédéral a ouvert en novembre 2015 la procédure de consultation sur l'avant-projet, qui reprend pour l'essentiel les propositions du groupe de travail (voir le ch. 1.3). Ce dernier s'est réuni une fois encore au terme de la procédure de consultation pour formuler des propositions complémentaires sur la définition de notions juridiques indéterminées (questions juridiques de principe, cas particulièrement importants) et sur l'admissibilité de certains recours en droit des étrangers. Le Tribunal fédéral en plénum a approuvé ces propositions en novembre 2016 à une large majorité.

Le 6 septembre 2017, le Conseil fédéral a chargé le Département de justice et police d'élaborer le message sur la base de l'avant-projet et des propositions complémentaires du groupe de travail, en écartant toutefois la suppression des recours constitutionnels subsidiaires prévue initialement.

4 5

RS 173.110 FF 2013 8143 8168 ss

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1.2

Les changements proposés

1.2.1

Réserve d'un recours limité contre toutes les décisions énumérées dans une liste d'exceptions ou dont la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte (hormis le droit de l'asile)

Le Tribunal fédéral est l'autorité judiciaire suprême de la Confédération (art. 188, al. 1, de la Constitution [Cst.]6). Il a pour fonction non seulement de trancher les litiges au plus haut niveau, mais aussi de préserver l'unité de l'ordre juridique et de garantir le développement du droit. Il devrait donc pouvoir connaître de toutes les questions juridiques de principe et d'autres cas particulièrement importants. Il n'en va pas toujours ainsi aujourd'hui. Par exemple, les décisions du Tribunal administratif fédéral dans le domaine de l'assistance administrative internationale ne peuvent en principe pas être attaquées devant le Tribunal fédéral (art. 83, let. h, LTF); même la voie du recours constitutionnel subsidiaire n'est pas ouverte, car celui-ci ne peut être formé que contre des décisions d'autorités cantonales. Une exception a été créée dans le domaine de l'assistance administrative internationale en matière fiscale: un recours au Tribunal fédéral est possible si une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important (art. 84a LTF).

Le projet de révision prévoit que les listes d'exceptions et les valeurs litigieuses minimales prévues par la LTF ne fermeront dorénavant plus systématiquement l'accès au Tribunal fédéral, mais que ce dernier disposera toujours d'une compétence résiduelle pour les cas particulièrement importants. Les décisions en matière d'asile, de sûreté intérieure et extérieure du pays, d'affaires étrangères ainsi que celles sur l'octroi à d'autres fournisseurs de l'accès aux services de télécommunication (litiges en matière d'interconnexion) ne sont pas touchées par cette modification7.

Les décisions cantonales contre lesquelles un recours ordinaire au Tribunal fédéral est exclu en raison d'une clause d'exception ou d'une valeur litigieuse insuffisante pourront toujours être attaquées par une voie de recours limitée. Le recours reste dans certains cas admissible lorsque la contestation soulève une question juridique de principe. C'est le cas s'il est soumis à une valeur litigieuse minimale ou s'il entre dans les exceptions concernant les marchés publics, les remises de contributions et (nouveau) les décisions rendues selon le code de procédure pénale (CPP)8 par les instances de recours cantonales (voir l'art. 89a,
al. 3, P-LTF). Dans les autres cas, il ne reste tout au plus que la voie du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF).

Une réglementation topique inspirée de l'actuel art. 84a LTF s'appliquera aux décisions des autorités fédérales précédentes qui tombent dans la liste des exceptions ou en dessous d'une valeur litigieuse minimale. Le recours est recevable si la contes-

6 7 8

RS 101 Voir les motifs avancés plus bas.

RS 312.0

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tation soulève une question juridique de principe ou porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 89a, al. 1, P-LTF).

Le recours au Tribunal fédéral demeurera définitivement irrecevable dans trois cas figurant parmi les exceptions: ­

Les décisions en matière de politique extérieure et de politique de sécurité sont de la compétence exclusive du Conseil fédéral ou de l'Assemblée fédérale lorsqu'elles reposent essentiellement sur des considérations politiques et lorsque le droit international ne confère pas un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal en Suisse (art. 84a P-LTF).

­

Dans le domaine de l'asile, le régime actuel des compétences est maintenu: les arrêts du Tribunal administratif fédéral ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que s'ils concernent une personne visée par une demande d'extradition déposée par l'État dont cette personne cherche à se protéger (art. 84 P-LTF, actuel art. 83, let. d, ch. 1, LTF). La possibilité de recourir au Tribunal fédéral ne sera pas étendue aux cas portant sur une question juridique importante ou de principe car il faut éviter à tout prix de ralentir la procédure par des nouveaux moyens.

­

De l'avis du Conseil fédéral, les décisions du Tribunal administratif fédéral relatives à des litiges en matière d'interconnexion au sens de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC)9 doivent rester définitives afin de garantir une procédure courte (voir les art. 83, al. 1, let. p, et 89a, al. 4, P-LTF).

Pour les recours dont la recevabilité est limitée (contre des décisions qui tombent dans la liste d'exceptions ou dont la valeur litigieuse est inférieure à un seuil minimal), les notions centrales «question juridique de principe» et «cas particulièrement important» sont précisées dans le nouvel art. 89b P-LTF. Elles s'inspirent pour l'essentiel de la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral et doivent offrir aux justiciables et aux autorités chargées d'appliquer la loi des critères clairs pour comprendre quand une question juridique doit être considérée de principe ou, pour d'autres motifs, un cas particulièrement important.

La notion de question juridique de principe apparaît déjà dans la Constitution.

L'art. 191 Cst. garantit l'accès au Tribunal fédéral sur ce critère, même si la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte (al. 2); il ne prévoit par contre aucune mitigation dans les domaines où l'accès au Tribunal fédéral a été exclu (al. 3). Il est toutefois possible de relativiser la liste d'exceptions, comme proposé, car cette modification ne constitue pas une restriction supplémentaire de l'accès au Tribunal fédéral, garanti en principe par l'al. 1. Le même raisonnement s'applique au deuxième critère ­ les cas particulièrement importants pour d'autres motifs ­ qui n'est pas cité dans la Constitution mais figure dans la loi actuelle (art. 84 et 84a LTF). Vu le texte actuel de la Constitution, il est important que la limitation des recours au Tribunal fédéral aux affaires soulevant des questions juridiques de principe et aux cas particulièrement importants reste liée à la liste d'exceptions ou à la valeur litigieuse minimale. En dehors de ces deux cas, l'art. 191 Cst. ne permet pas de faire dépendre 9

RS 784.10

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FF 2018

l'accès au Tribunal fédéral (de manière générale) de l'existence d'une question juridique de principe ou d'un cas particulièrement important.

1.2.2

Adaptation des cas figurant dans la liste d'exceptions

Droit des étrangers En matière d'étrangers, le droit en vigueur comprend un catalogue conséquent des décisions contre lesquelles le recours au Tribunal fédéral est irrecevable (art. 83, let. c, ch. 1 à 6, LTF). Les autorisations auxquelles ni la législation fédérale ni le droit international ne donnent droit constituent le point le plus important de cette liste. Le recours au Tribunal fédéral est également fermé contre les décisions concernant l'entrée en Suisse, l'admission provisoire, l'expulsion ou le renvoi, les dérogations aux conditions d'admission10, la prolongation d'une autorisation frontalière, le changement de canton, le changement d'emploi des titulaires d'une autorisation frontalière ainsi que la délivrance de documents de voyage aux étrangers dépourvus de pièces de légitimation.

L'évolution historique de cette délimitation de la compétence du Tribunal fédéral est complexe. Les justiciables qui sollicitent une autorisation doivent tout d'abord déterminer si, en vertu du droit matériel et de la jurisprudence, ils ont droit à cette autorisation. Les décisions discrétionnaires en matière d'autorisations ne sont pas attaquables devant le Tribunal fédéral. Un droit à une autorisation existe actuellement en particulier en lien avec le regroupement familial demandé par des ressortissants suisses ou par des titulaires d'une autorisation d'établissement (y compris la prolongation de sa durée de validité en cas de dissolution de la famille), en cas de révocation d'autorisations et si la décision concerne des apatrides ou des réfugiés reconnus. Un droit au respect de la vie privée et familiale peut en outre être déduit de l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)11, de l'art. 4 de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP) 12 ou d'un autre traité international. La distinction entre l'existence ou l'absence d'un droit à une autorisation remonte à l'ancienne loi fédérale sur l'organisation judiciaire dans sa version révisée de 1968. À cette époque, le droit à l'octroi d'une autorisation en matière d'étrangers constituait clairement l'exception. Il existe aujourd'hui une série de situations
fondant un tel droit, ce qui rend la délimitation malaisée d'une part et a conduit à une augmentation des recours au Tribunal fédéral d'autre part (bien qu'il en aille autrement qu'en 1968 puisque même les autorisations rendues de manière discrétionnaire peuvent aujourd'hui toujours faire l'objet d'un recours à l'instance cantonale supérieure ou au Tribunal administratif fédéral).

Il convient dès lors de modifier complètement la lettre de l'art. 83 LTF énumérant les exceptions en matière de droit des étrangers (irrecevabilité du recours au Tribu10 11 12

Art. 30 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20).

RS 0.101 RS 0.142.112.681

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nal fédéral). Cette modification visera à simplifier la procédure et à prendre en compte le nouveau système qui garantit au moins un droit de recours limité contre toutes les décisions tombant dans la liste des exceptions (voir le ch. 1.2.1). Le nouveau système apportera une amélioration notable de la protection juridique dans le cadre de ces décisions en matière d'étrangers qui ne peuvent être attaquées devant le Tribunal fédéral. Afin de contrebalancer la charge du Tribunal fédéral, il est prévu de n'admettre désormais une partie des recours concernant le droit à l'octroi d'une autorisation que si l'on se trouve en présence d'une question de principe ou d'un cas particulièrement important. Cette restriction aux seuls cas importants paraît soutenable quand on sait que le taux de succès des recours en matière d'étrangers soumis aujourd'hui au Tribunal fédéral se situe clairement au-dessous de la moyenne par rapport aux autres domaines relevant du droit public13.

En matière de droit des étrangers, le projet prévoit l'admissibilité sans restriction des recours au Tribunal fédéral lorsque la personne touchée par une décision de première instance avait séjourné en Suisse de manière ininterrompue depuis au moins 10 ans au titre d'une autorisation de courte durée ou de séjour ou avait déjà obtenu une autorisation d'établissement (art. 83, al. 1, let. b, ch. 1, P-LTF). On part ainsi de l'idée que le statut de l'étranger se trouve ici renforcé et que ce dernier doit pouvoir accéder jusqu'au Tribunal fédéral si son statut devait subir des limitations. Les recours concernent principalement la révocation d'autorisations de séjour et d'établissement, mais le contenu de la décision attaquée ne joue aucun rôle du moment que l'étranger est au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou totalise la durée de séjour nécessaire en Suisse (en étant au bénéfice d'une autorisation de séjour).

L'accès au Tribunal fédéral restera également toujours ouvert contre les décisions portant sur la détention en phase préparatoire, celle en vue du renvoi ou de l'expulsion et celle pour insoumission (art. 83, al. 1, let. b, ch. 2, P-LTF). Cette réglementation s'impose pour des motifs de cohérence attendu que les décisions pénales de mise en détention peuvent toujours être attaquées devant le Tribunal fédéral.

Les autres
décisions en droit des étrangers ne peuvent être portées devant le Tribunal fédéral que par la voie du recours aménagée à l'art. 89a P-LTF ou ­ s'il s'agit de décisions cantonales ­ par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Nationalité D'après le droit en vigueur, le recours en matière de droit public contre des décisions relatives à la naturalisation ordinaire est irrecevable (art. 83, let. b, LTF). En règle générale, les décisions de rejet rendues par les instances judiciaires cantonales peuvent être attaquées par la voie du recours constitutionnel subsidiaire. En revanche, la législation actuelle ne limite pas l'accès au Tribunal fédéral contre les décisions sur la naturalisation facilitée et la réintégration dans la naturalisation rendues au niveau fédéral.

D'un point de vue objectif, il ne se justifie plus d'opérer une distinction entre les différentes voies d'accès à la naturalisation. Toutes les formes de naturalisation sont 13

Le Tribunal fédéral admet environ 10 % des recours en matière du droit des étrangers; cette proportion a atteint 18 % en 2017 pour la totalité des recours en matière de droit public.

4722

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soumises à des conditions légales de base dont une instance judiciaire doit pouvoir examiner le respect. C'est pourquoi le projet de révision étend les cas d'exception actuels à toutes les décisions en matière de naturalisation y compris à l'annulation de la naturalisation (art. 83, al. 1, let. a, P-LTF). Demeurent réservés les recours selon l'art. 89a P-LTF et, s'agissant de décisions cantonales, le recours constitutionnel subsidiaire.

Mandats de prestations et concessions En droit actuel, les décisions concernant les mises au concours dans le domaine des transports publics et celles relatives à des concessions ayant fait l'objet d'un appel d'offres public dans le domaine de la radio et de la télévision sont exclues du recours au Tribunal fédéral (art. 83, let. fbis et p, ch. 1, LTF). Le projet propose une nouvelle exception formulée de manière plus générale qui s'applique à toutes les décisions portant sur des mandats de prestations ou sur des concessions dont l'octroi n'intervient que par le biais d'une soumission publique. Les mandats de prestations et les concessions mis au concours publiquement présentent souvent une étroite parenté avec les marchés publics. L'autorité qui octroie le mandat ou la concession doit choisir, parmi plusieurs offres ou demandes, celle qui répond le mieux aux intérêts publics pertinents. Le droit ne fournit qu'un cadre. Il est nécessaire de régler rapidement les différends, faute de quoi les prestations en faveur de la collectivité ne peuvent pas être fournies en temps utile.

Protection des marques En vertu du droit en vigueur, le recours en matière civile est irrecevable contre les décisions en matière d'opposition à l'enregistrement d'une marque (art. 73 LTF)14.

La loi sur la protection des marques prévoit depuis 2017 une procédure simplifiée de radiation de la marque pour défaut d'usage.15 Toute comme sur la demande d'opposition à l'enregistrement d'une marque, l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) se prononce sur la demande de radiation déposée à l'endroit du titulaire de la marque. Dans l'une comme dans l'autre procédure, il suffit de rendre vraisemblables l'usage ou le non-usage d'une marque ainsi que l'existence de justes motifs pour son non-usage. Il est donc relativement aisé pour les titulaires d'une marque antérieure de défendre leurs
droits. Les décisions de l'IPI sont susceptibles de recours au Tribunal administratif fédéral.

S'agissant en règle générale de cas clairs, on peut se contenter de ce que le Tribunal fédéral ne fonctionne qu'à titre exceptionnel comme seconde instance de recours.

C'est pourquoi le projet de révision soumet les décisions de radiation rendues en procédure simplifiée aux mêmes restrictions que les décisions rendues en procédure d'opposition (art. 73 P-LTF). Le recours au Tribunal fédéral n'est ouvert que dans les cas prévus à l'art. 89a P-LTF.

14 15

Voir les art. 31 à 34 de la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques (LPM; RS 232.11).

Art. 35, let. e, et 35a à 35c LPM

4723

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1.2.3

Nouvelles restrictions (en particulier sous forme d'exceptions) aux recours en matière pénale

Afin de corriger les anomalies du système des recours au Tribunal fédéral et d'éviter que la modification des règles d'accès proposée ne surcharge ce dernier, il faut le soulager des affaires les moins importantes au regard de l'unité du droit, notamment des cas mineurs et des cas dans lesquels on constate que les griefs portent le plus souventuniquement sur les faits alors que de tels griefs sont en principe irrecevables.

La protection juridique de l'individu est, dans de tels cas, assurée en suffisance par les autorités inférieures, c'est-à-dire les tribunaux supérieurs des cantons, le Tribunal pénal fédéral et le Tribunal administratif fédéral.

Le projet prévoit donc des allègements pour le Tribunal fédéral dans certains domaines du droit pénal (pour le droit public voir le ch. 1.2.2). En vertu du nouvel art. 79, al. 1, let. a, P-LTF, les amendes à raison d'une contravention d'un montant inférieur ou égal à 5000 francs ne pourront en principe plus être contestées devant le Tribunal fédéral pour autant que le recours ne vise pas le prononcé d'une peine dépassant ce montant. En vertu du droit en vigueur, ces amendes ne sont en principe pas inscrites au casier judiciaire. Une restriction similaire au droit de recours est prévue lorsqu'une réprimande ou une amende est prononcée sur la base du droit pénal des mineurs en raison d'une contravention. Si le recours réclame le prononcé d'une autre peine prévue par le droit pénal des mineurs, telle une prestation personnelle ou une privation de liberté, le recours est recevable.

Les décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral et celles des autorités cantonales de recours rendues en vertu de l'art. 20 CPP ne pourront faire l'objet d'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral que si elles portent sur des mesures de contrainte, des mesures de protection à titre provisionnel ou une observation selon le droit pénal des mineurs, ou encore une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement de l'enquête pénale (art. 79, al. 1, let. b, P-LTF). Il est à noter qu'aujourd'hui, les recours contre les décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral sont irrecevables, sans la réserve en faveur des ordonnances de non-entrée en matière et de classement (art. 79 LTF). Dans les deux cas précités, le projet prévoit toutefois que le
recours contre les décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe ou porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 79, al. 2, LTF en rel. avec art. 89a, al. 1, P-LTF). Si le recours en matière pénale contre des décisions des autorités cantonales de recours est irrecevable selon l'art. 79, al. 1, P-LTF, le recours constitutionnel subsidiaire des art. 113 ss LTF demeure réservé. Un recours en matière pénale est en outre ouvert contre les décisions de l'art. 79, al. 1, let. b, P-LTF si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 79, al. 2, P-LTF en rel. avec art. 89a, al. 3, P-LTF). Cette voie de recours supplémentaire est prévue car le recours constitutionnel subsidiaire du ministère public n'est pas ouvert.

Autre allègement: la limitation du droit de recours des parties plaignantes en matière pénale. Selon l'art. 81 LTF, la qualité pour recourir en matière pénale implique un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (al. 1, let. b). Au sein d'une liste non exhaustive, la loi désigne la partie plaignante comme 4724

FF 2018

ayant un tel intérêt si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (art. 81, al. 1, let. b, ch. 5, LTF). Dans la version initiale de cette disposition, lors de son entrée en vigueur en 2007, seule la victime au sens de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI)16 avait qualité pour recourir, à cette même condition. Cette formulation correspondait à la fois à la jurisprudence du Tribunal fédéral17 et à une modification de la loi, entrée en vigueur au début de janvier 2001 suite à deux initiatives parlementaires, qui limitait aux victimes la qualité pour recourir ­ pour décharger le Tribunal fédéral ­, alors qu'elle appartenait depuis 1993 à l'ensemble des lésés18. À l'entrée en vigueur du CPP et de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)19, en janvier 2011, la qualité pour recourir a été étendue aux parties plaignantes ­ non pas sans réserves, comme l'Assemblée fédérale en avait d'abord décidé au moment de l'adoption du CPP20, mais uniquement lorsque l'on peut s'attendre à des conséquences sur les prétentions civiles. Cette modification a permis de désigner plus uniformément qui a qualité de partie tout au long de la procédure pénale, jusqu'à la dernière instance (comme c'est généralement le cas en droit civil et en droit public). Cependant, cette extension du droit de recours a multiplié le nombre de recours de personnes lésées ou de parties plaignantes. Les recours qui ne sont pas interjetés par des victimes au sens de la LAVI donnent rarement lieu à des jugements pénaux au fond, mais débouchent sur des décisions d'irrecevabilité ou de classement de la procédure pénale21. Le taux de succès de ces recours est nettement inférieur au taux moyen des recours en matière pénale22 car leurs griefs portent le plus souvent sur l'appréciation des faits par les autorités pénales, que le Tribunal fédéral ne peut contrôler qu'à des conditions très restrictives (voir l'art. 97 LTF). Bien qu'une motivation sommaire suffise souvent en cas de rejet du recours, ces procédures occasionnent une somme de travail considérable, ne serait-ce que par leur nombre, sans grand profit pour personne.

Le Conseil fédéral propose donc une voie médiane: l'art. 81, al. 1, let. b, ch. 5, P-LTF permet à la partie plaignante de recourir dans deux cas
de figure. Si elle est une victime au sens de la LAVI, il suffira que la décision attaquée puisse avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Si elle n'est pas une victime, elle ne pourra faire recours que si sa plainte pénale ou son action civile a été jugée matériellement. En d'autres termes, elle n'aura pas de droit de recours tant qu'il n'y aura pas eu ouverture ou classement d'une procédure pénale ou tant qu'une instance inférieure ne sera pas entrée en matière sur le recours. Le Conseil fédéral a changé

16 17 18

19 20 21

22

RS 312.5 ATF 133 IV 228 Rapport des Commissions de Gestion du Conseil des États et du Conseil national des 4 et 8 septembre 1999, FF 1999 8857, et avis du Conseil fédéral du 4 octobre 1999, FF 1999 8940.

RS 173.71 RO 2010 2022 En 2017, le Tribunal fédéral a été saisi de 334 recours de la partie plaignante contre des ordonnances de classement et des décisions de non-entrée en matière. Sur le nombre, 66 émanaient de victimes au sens de la LAVI et 268 d'autres lésés.

Sur les quelques 250 recours de ce type liquidés en 2017, moins de 9 % ont été admis, en comparaison avec le taux d'au moins 16 % de tous les recours admis en matière pénale.

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d'orientation sur ce point depuis le rapport d'évaluation23, sur la base des indications que lui a fournies le Tribunal fédéral. Il est arrivé à la conclusion que les considérations d'harmonisation devaient être tempérées par le souci d'alléger la charge du Tribunal fédéral et d'aspirer à l'économie de la procédure. Si l'instance inférieure a déjà statué matériellement sur la plainte pénale ou l'action civile, le lésé n'en aura pas moins, comme aujourd'hui, accès au Tribunal fédéral; il ne devra pas reprendre à zéro une procédure de droit civil. Cette limitation du droit de recours du lésé, qui n'est pas considéré comme une victime au sens de la LAVI, a suscité certaines critiques dans la procédure de consultation. Selon elles, la décision par laquelle la plainte pénale serait ainsi prématurément liquidée ne pourrait plus faire l'objet d'un examen par une instance judiciaire à l'échelon fédéral. Ceci est dû au fait que le Tribunal fédéral n'est pas habilité à vérifier l'application de la maxime «in dubio pro duriore» dans ce type de procédure. Il convient d'objecter que de nombreux recours ayant pour objet une non-entrée en matière ou un classement de la procédure pénale ne renferment aucun problème de fond. Leur taux de succès devant le Tribunal fédéral est de ce fait nettement inférieur à la moyenne24. De plus, l'instance de recours au niveau cantonal dispose d'un large pouvoir d'examen pour se prononcer sur le bien-fondé d'une décision de non-entrée en matière ou d'une ordonnance de classement.

1.2.4

Modification des conditions de recours contre des mesures provisionnelles

Les mesures provisionnelles sont des décisions à caractère temporaire qui règlent une situation juridique en attente d'une réglementation définitive au travers d'une décision principale ultérieure. Il peut s'agir de mesures conservatoires telles que l'exigence de sûretés (art. 261 du code de procédure civile [CPC] 25), de mesures de réglementation telles les mesures de protection du mariage (art. 172 ss du code civil [CC]26), de mesures d'exécution anticipée telles que la restitution de la possession (art. 926 ss CC) ou enfin de mesures procédurales telles que l'octroi de l'effet suspensif à un recours. Les mesures provisionnelles sont tantôt des décisions finales au sens de l'art. 90 LTF lorsqu'elles sont prises dans une procédure autonome, tantôt des décisions incidentes lorsqu'elles sont prononcées au cours d'une procédure conduisant à une décision finale ultérieure. Une cour suprême telle que le Tribunal fédéral ne devrait pas se prononcer plusieurs fois sur la même question dans la même affaire. Or, l'adoption de mesures provisionnelles dans une procédure autonome peut conduire à ce qu'une même question (par ex. l'autorisation du séquestre) soit déférée à plusieurs reprises au Tribunal fédéral (par ex. lorsque le séquestre est ordonné puis lorsque la décision relative à l'action ordinaire est attaquée).

En matière de décisions portant sur des mesures provisionnelles, la LTF en vigueur n'autorise que les recours pour violation des droits constitutionnels. Cette limitation 23 24 25 26

Rapport du 30 octobre 2013 sur les résultats de l'évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale; FF 2013 8143 8176 s.

Voir la note de bas de page 22.

RS 272 RS 210

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permet dans une certaine mesure d'éviter que la cour suprême doive se pencher plusieurs fois sur un même cas et d'alléger la procédure en matière de mesures provisionnelles (art. 98 LTF). La nécessité de restreindre l'accès au Tribunal fédéral pour les contestations portant sur des mesures provisionnelles est toujours d'actualité. En revanche, la limitation du droit de recours au motif d'une violation des droits constitutionnels ne convainc plus dans le contexte actuel. À l'époque de l'entrée en vigueur de la LTF, en 2007, la procédure devant les instances cantonales civiles et pénales était encore régie par le droit cantonal. La personne touchée par une décision de mesures provisionnelles qu'elle voulait attaquer pour vice de procédure ne pouvait invoquer devant le Tribunal fédéral que la violation de droits constitutionnels puisque le pouvoir de cognition de la cour suprême est limité au droit fédéral.

Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, du CPC et CPP, les mesures provisionnelles en matière civile et pénale ressortissent presque exclusivement au droit fédéral. Un recours qui n'admet que le grief de violation de droits constitutionnels dans le cadre de l'application du droit fédéral constitue une contradiction dans la procédure fédérale. Les conditions auxquelles il est possible de recourir contre les décisions en matière de mesures provisionnelles doivent par conséquent être redéfinies.

Le projet fait dépendre l'accès au Tribunal fédéral en matière de mesures provisionnelles des mêmes motifs que ceux permettant de recourir contre des décisions (des instances fédérales) concernées par la liste des exceptions ou la valeur litigieuse minimale. Le recours est recevable lorsque la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 93b P-LTF; voir l'art. 89a, al. 1, P-LTF et le ch. 1.2.1). Si l'une de ces deux conditions est réalisée, tous les motifs de recours des art. 95 à 98 LTF peuvent être invoqués.

1.2.5

Autres adaptations

Mention des opinions minoritaires dans les décisions écrites En 2015, l'Assemblée fédérale a adopté une motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil national qui chargeait le Conseil fédéral de préparer une modification de la LTF afin que les arrêts du Tribunal fédéral puissent aussi mentionner les opinions dissidentes (dissenting opinions)27.

Le Conseil fédéral propose de compléter l'art. 60 LTF dans ce sens: lorsqu'une décision n'a pas été rendue à l'unanimité, les juges dont les conclusions n'ont pas été retenues peuvent joindre à l'arrêt écrit leur opinion minoritaire et ses motifs. Les juges minoritaires ont ainsi la possibilité de présenter dans la décision les arguments qu'ils ont fait valoir au cours des débats mais qui ont été écartés. Ils ne sont pas tenus de le faire.

D'autres modifications à la procédure actuelle de jugement ne sont pas envisagées.

La règle selon laquelle le Tribunal fédéral délibère en audience publique lorsqu'il n'y a pas unanimité est notamment maintenue. La disposition légale correspondante 27

14.3667 Tribunal fédéral. Dissenting opinions

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(art. 58, al. 1, let. b, LTF) avait suscité de longs débats au Parlement lors de l'adoption de la LTF. En outre, il n'est pas prévu d'annexer aux jugements des opinions concurrentes, c'est-à-dire celles dont la justification diverge de la motivation retenue par la majorité mais qui n'ont pas d'incidence sur le dispositif du jugement.

Relèvement des plafonds des émoluments judiciaires Se fondant sur une motion des Commissions de gestion déposée dans les deux conseils, l'Assemblée fédérale a demandé en 2017 l'élaboration d'un projet en vue de relever le montant maximal légal des émoluments perçus par le Tribunal fédéral et par le Tribunal administratif fédéral28. Le montant maximal devrait soit être relevé de manière flexible soit majoré pour que les deux cours puissent dépasser les plafonds actuels en cas de valeurs litigieuses exceptionnellement élevées, de procédure particulièrement complexes ou de conflits d'intérêts graves.

Le projet de révision prévoit deux mesures différentes pour permettre d'élargir la fourchette des émoluments vers le haut: ­

Pour autant qu'un émolument réduit ne soit pas prescrit par la loi (art. 65, al. 4, LTF), l'émolument maximal au Tribunal fédéral peut, dans des contestations non pécuniaires et si des motifs particuliers le justifient, s'élever jusqu'à 15 000 francs (actuellement 10 000) et, dans les autres contestations, jusqu'à 300 000 francs (actuellement 200 000) (art. 65, al. 5, P-LTF). La fixation des émoluments au Tribunal administratif fédéral se fonde sur la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) 29. Ici aussi il est prévu de pouvoir dépasser les tarifs ordinaires si des motifs particuliers le justifient. Pour les contestations non pécuniaires, le montant maximal est porté à 10 000 francs (actuellement 5000), et pour les autres litiges à 100 000 francs (actuellement 50 000) (art. 63, al. 6, P-PA).

­

Dans les affaires patrimoniales, c'est-à-dire pour les affaires comportant une valeur litigieuse au sens des art. 51 à 53 LTF, le Tribunal fédéral peut prendre encore davantage en compte l'intérêt financier pour le calcul de l'émolument. Si la valeur litigieuse dépasse cent millions de francs, l'émolument judiciaire peut aller jusqu'à un montant d'un million de francs (art. 65, al. 6, P-LTF).

Mise en oeuvre plus stricte du principe selon lequel les décisions des instances cantonales inférieures ne peuvent être attaquées directement au Tribunal fédéral L'élaboration de la LTF visait à un renforcement du rôle des instances précédentes.

En vertu de la LTF, seules les décisions rendues par des tribunaux peuvent en principe être attaquées devant le Tribunal fédéral. Dans la mesure où ces tribunaux sont des instances cantonales, l'instance inférieure au Tribunal fédéral doit être une juridiction cantonale supérieure. Un recours direct contre des décisions rendues par des autorités administratives est uniquement possible en matière de droit de vote (art. 88,

28 29

17.3353/17.3354 Relèvement des plafonds des émoluments judiciaires perçus par le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral.

RS 172.021

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al. 1, let. b, 2e phrase, LTF) ainsi que contre des décisions revêtant un caractère politique prépondérant (art. 86, al. 3, LTF).

En vertu des art. 80, al. 2, et 86, al. 2, LTF, un recours direct au Tribunal fédéral est exceptionnellement ouvert contre des décisions du tribunal des mesures de contrainte et d'autres tribunaux cantonaux inférieurs institués par le code de procédure pénale ou par une autre loi fédérale. La présente révision supprime ces exceptions afin de réaliser pleinement l'objectif visant à décharger le Tribunal fédéral par le développement des instances précédentes. À cet effet, il y a lieu de procéder aux modifications correspondantes dans le CPP. Il s'agit notamment des décisions prises par le tribunal des mesures de contrainte ou par celui se prononçant sur la levée des scellés (art. 248, al. 3, CPP)30, sur l'hospitalisation à des fins d'expertise (art. 186 CPP) ou sur la garantie de l'anonymat d'une personne à protéger (art. 150, al. 2, CPP). Il s'agit également des décisions de l'instance cantonale concernant la récusation (art. 59, al. 1, let. a, CPP) ou la fourniture de sûretés pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (art. 125, al. 2 et 4, CPP). Il y a lieu de modifier aussi une disposition de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA)31 et de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO)32.

Harmonisation des motifs de recours dans tous les domaines des assurances sociales Actuellement, toute constatation incomplète ou erronée des faits dans une décision portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral (art. 97, al. 2, et 105, al. 3, LTF). Il en va autrement dans les autres branches des assurances sociales où la constatation des faits ne peut être contestée au Tribunal fédéral que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97, al. 1, LTF). L'exception concernant les prestations en espèces de l'assurance militaire et de l'assurance-accidents ne se justifie plus, ce d'autant plus qu'elle a été supprimée en matière d'assurance-invalidité33. Dans l'intérêt d'alléger
la charge du Tribunal fédéral, il y a lieu d'abroger les art. 97, al. 2, et 105, al. 3, LTF dans leur teneur actuelle.

Suspensions de délai et délais de recours spéciaux La pratique a montré qu'il était nécessaire d'étendre les exceptions aux suspensions légales de délai (prévues à Noël, à Pâques et de mi-juillet à mi-août). À l'avenir, il n'y aura plus aucune suspension de délai dans la procédure au Tribunal fédéral concernant des mesures de protection et des décisions de retour en application de la loi fédérale du 21 décembre 2007 sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA)34. Il 30 31 32 33 34

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral 1B 595/2011 du 21 mars 2012 et l'ATF 138 IV 225 (1B_397/2012), consid. 1 non publié.

RS 642.21 RS 661 RO 2006 2003 RS 211.222.32

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en ira de même dans la procédure du CPP portant sur les mesures de contrainte35, dans celle relative à une décision portant sur une offre publique d'acquisition au sens de la loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF) 36 ainsi que dans toutes les procédures d'assistance administrative internationale. L'exception introduite depuis le 1er novembre 2015 en matière de droits politiques sera limitée aux procédures concernant la régularité du déroulement des votations et des élections, de manière à ce que le domaine d'application coïncide avec celui dont le délai de recours est raccourci (art. 46, al. 2, let. b, c et e à g, P-LTF).

Parmi les décisions pour lesquelles une exception au délai de recours ordinaire de 30 jours est prévue, celles relatives à une offre publique d'acquisition au sens de la LIMF et ainsi que toutes celles en matière d'assistance administrative internationale seront désormais soumises à un délai de dix jours (art. 100, al. 2, let. b et e, P-LTF).

Pour des motifs d'ordre rédactionnel, les délais spéciaux en matière de droit de vote feront l'objet d'une disposition séparée (art. 101a P-LTF). Celle-ci prévoit un délai de recours de cinq jours pour toutes les décisions relatives à la régularité du déroulement d'une élection ou d'une votation populaire; les élections au Conseil national en sont exclues et font l'objet d'un délai de recours de trois jours. Jusqu'à maintenant, le délai de cinq jours n'était valable qu'en matière d'élections fédérales. La nécessité de savoir sans attendre si un vote ou une élection sont valables ou s'ils doivent être renvoyés ou répétés se vérifie aussi sur le plan cantonal, en particulier lors d'élections au Conseil des États.

Règlement amiable devant la Cour européenne des droits de l'homme comme motif de révision Selon l'art 122 LTF, il est possible de demander la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral si la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles et si certaines conditions supplémentaires sont remplies. Si un règlement amiable est trouvé au cours de la procédure devant la Cour, cette dernière ne rend pas un arrêt définitif au sens de l'art. 44 CEDH, mais une «décision» selon l'art. 39, al. 3, CEDH. Or, selon la formulation de la LTF, une
telle décision ne permet pas de demander la révision de l'arrêt du Tribunal fédéral. Cette situation réduit les perspectives de parvenir à un règlement amiable devant la Cour attendu que le recourant ne peut s'accommoder de ce que la décision rendue par le Tribunal fédéral demeure formellement en force (par ex. une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire).

Une initiative parlementaire déposée au Conseil national le 27 septembre 2016 demandait que l'art. 122 LTF admette le règlement amiable comme motif de révision37. Les Commissions des affaires juridiques des deux conseils ont décidé de donner suite à l'initiative parlementaire respectivement le 2 novembre 2017 et le 26 avril 2018. Le Conseil fédéral estime cette requête justifiée et propose la modification de l'art. 122 LTF dans le cadre de la présente révision.

35 36 37

Voir l'ATF 143 IV 357, consid. 1.2.1.

RS 958.1 16.461 Initiative parlementaire Nidegger. CEDH et casier judiciaire, réparation in integrum, adapter la loi sur le Tribunal fédéral.

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Commission interne de recours du Tribunal fédéral pour statuer sur les litiges découlant des rapports de travail de son personnel Depuis l'entrée en vigueur de la modification du 14 décembre 201238 de la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)39, il manque une base légale pour instituer une commission de recours interne au Tribunal fédéral habilitée à statuer sur les différends en matière de rapports de travail de son personnel. Le recours interne a été alors abrogé pour tout le domaine régi par la LPers, si bien que les employés du Tribunal fédéral ne peuvent actuellement saisir que la commission spéciale des recours visée à l'art. 36, al. 2, LPers, qui se compose de trois présidents de tribunaux cantonaux.

La présente révision crée une base légale pour instituer une commission interne de recours dans la LTF (art. 25, al. 2, P-LTF). Le Tribunal fédéral est la seule autorité fédérale dont les décisions relevant du droit du personnel ne peuvent être portées devant le Tribunal administratif fédéral. Le rétablissement de la commission interne de recours se justifie de ce fait; de plus, elle répond à une demande du personnel du Tribunal fédéral.

1.3

Justification et appréciation de la solution proposée

L'admissibilité d'un recours limité contre toutes les décisions qui tombent dans une liste d'exceptions, en particulier contre des décisions du Tribunal administratif fédéral, répond à une exigence qui est ressortie de l'évaluation de l'organisation judiciaire fédérale. Selon cette exigence, il est nécessaire que le Tribunal fédéral puisse toujours, en dernier ressort, trancher des questions de principe soulevées par l'application du droit fédéral et du droit international. En même temps, le Tribunal fédéral doit être déchargé, dans une mesure plus importante qu'auparavant, de cas que l'on peut qualifier de mineurs ou qui touchent à une matière où les recours dépourvus de toute chance de succès se multiplient. La nouvelle formulation des exceptions en matière de droit des étrangers (ch. 1.2.2) et les nouvelles restrictions aux recours en matière pénale (ch. 1.2.3) doivent servir cet objectif. À noter que le Tribunal fédéral a connu au cours de ces dernières années une recrudescence importante des affaires pénales qui a conduit à une surcharge40.

De l'avis du Conseil fédéral, les mesures préconisées constituent dans leur ensemble une solution équilibrée. Il est par conséquent inévitable que le projet vise non seulement à développer les possibilités de recours, mais aussi à les limiter dans certains cas bien définis. Un affaiblissement sensible de la protection des droits individuels n'est toutefois pas à craindre dans la mesure où le recours au Tribunal fédéral sera ouvert pour des questions importantes (ch. 1.2.1) et où la voie du recours constitutionnel subsidiaire sera maintenue.

La proposition selon laquelle le pouvoir d'examen du Tribunal administratif fédéral ne serait dorénavant restreint qu'au contrôle des faits et du droit ­ sous réserve de 38 39 40

RO 2013 1493 RS 172.220.1 Rapport de gestion 2016 du Tribunal fédéral, p. 2 et 9

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lois spéciales ­, à l'exclusion de celui de l'opportunité, s'est heurtée à un assez large refus lors de la procédure de consultation41. Aussi le présent projet ne modifie-t-il pas le pouvoir d'examen du Tribunal administratif fédéral. En 2014 déjà le Tribunal administratif fédéral s'était opposé à une très nette majorité à cette modification.

Le projet soumis à la consultation prévoyait la suppression du recours constitutionnel subsidiaire et, à sa place, ouvrait le recours lorsque la contestation soulevait une question juridique de principe ou portait sur un cas particulièrement important (identique à l'art. 89a, al. 1, P-LTF). L'abandon du recours constitutionnel subsidiaire suscita une opposition violente de la part de certains milieux consultés. Le principal reproche concernant cette mesure était que les nouveaux critères instaurés ­ question juridique de principe ou cas particulièrement important ­ ne garantissaient pas que le Tribunal fédéral doive entrer en matière sur tous les recours invoquant une violation des droits constitutionnels dans le champ d'application de la liste d'exceptions et en dessous des valeurs litigieuses limites. En d'autres termes, ces critères sont, d'après ces intervenants, un filet de sécurité trop lâche, qui ne permettrait pas au Tribunal fédéral de corriger toutes les violations des droits constitutionnels par les tribunaux cantonaux de dernière instance. Ceux-ci pourraient même être amenés à être moins précis dans l'application des droits constitutionnels, chose qu'il faudrait éviter dès le départ.

Ces remarques sont pertinentes, notamment dans les domaines du droit des acquisitions publiques et du droit des étrangers. Il faut assurer que le Tribunal fédéral examine les recours où sont invoquées des violations des droits constitutionnels sans se limiter à dire qu'il ne s'agit ni d'une question juridique de principe ni d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs 42.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé de maintenir le recours constitutionnel subsidiaire, dans l'intérêt des justiciables, au risque d'un chevauchement entre les deux types de recours. Le recours constitutionnel subsidiaire est un pilier du système suisse des voies de droit et un vecteur exemplaire de la confiance des citoyens dans l'Etat de droit. On ne saurait en outre le
considérer comme une cause majeure de la charge de travail importante du Tribunal fédéral. En 2017, le Tribunal fédéral a examiné 417 recours de ce type, sur un total de 7782 cas liquidés. En grande partie, ils sont rejetés ou bien le Tribunal fédéral n'entre pas en matière, mais il en sera sans doute sensiblement de même pour ce qui est des recours qui devraient soulever une question juridique de principe ou porter, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important.

Si d'importants débats dogmatiques ont ainsi pu être évités, force est de constater que tous les moyens pour simplifier la systématique des recours dans la LTF n'ont pas été épuisés. Actuellement, la compétence du Tribunal fédéral dans le domaine des droits politiques est moins étendue en matière fédérale que cantonale. Pourtant, suite à la modification de la Constitution de 2000 (réforme de la justice), l'art. 189, al. 1, let. f, Cst. a été formulé de manière à ce que le Tribunal fédéral ait des compé41

42

Voir la synthèse des résultats de la consultation du 4 août 2017 sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP.

Pour un recours constitutionnel subsidiaire admis bien qu'il ne soulève pas de question juridique de principe, voir l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_233/2016 du 17 novembre 2016.

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tences symétriques pour juger les différends portant sur une violation des dispositions fédérales et cantonales sur les droits politiques43.

En matière cantonale, tous les actes des autorités qui violent les droits politiques des citoyens peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral (art. 88, al. 2, LTF). Par contre, ni la LTF, ni la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP)44, ni la PA n'offrent de garantie similaire en matière fédérale.

Notamment, la loi ne précise pas quelles sont les voies de droit lorsqu'un citoyen veut faire valoir qu'un acte du Conseil fédéral ou de l'Assemblée fédérale porte atteinte au droit à la libre formation de l'opinion des citoyens et à l'expression fidèle et sûre de leur volonté (art. 34, al. 2, Cst.). Dans son rapport sur les résultats de l'évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale, le Conseil fédéral avait annoncé son intention d'éliminer ces incertitudes par voie législative45.

Après des discussions approfondies, le Conseil fédéral était parvenu, lors de l'ouverture de la procédure de consultation, à la conclusion que la protection juridictionnelle des citoyens et le parcours d'instance à emprunter en cas d'irrégularité déployant des effets dans plusieurs cantons avaient été suffisamment clarifiés par la récente jurisprudence du Tribunal fédéral46 et qu'il n'y avait plus besoin d'adapter les dispositions légales dans le domaine des droits politiques. Selon lui, cette appréciation est toujours d'actualité. Il a cependant pris acte qu'une opinion contraire avait également été émise ­ notamment par plusieurs cantons ­ dans la procédure de consultation47.

1.4

Recommandations du Groupe d'États contre la corruption (institution du Conseil de l'Europe)

Dans son quatrième cycle d'évaluation, le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), dépendant du Conseil de l'Europe, se penche sur la prévention de la corruption des parlementaires, juges et procureurs. Son rapport d'évaluation du 2 décembre 201648 conforte la Suisse dans le fait que ses institutions jouissent d'une large confiance du public et qu'elles se distinguent à bien des égards des démocraties de type classique. Des scandales importants ayant trait à la corruption dans les milieux judiciaires sont rares, voire inexistants. Les points faibles du système sont plutôt à rechercher du côté de pressions subtiles pouvant être exercées sur les acteurs judiciaires en raison de l'organisation même du système et du peu d'empressement à remettre en cause ce système49. En Suisse, les juges fédéraux sont élus par les forces politiques représentées au sein de l'Assemblée fédérale. Si le GRECO reconnaît la légitimité de ce principe, issu d'une longue tradition helvétique, il estime que le système doit s'entourer de garanties visant à une meilleure prise en compte de la 43 44 45 46 47 48 49

Voir les explications dans le message du 20 novembre 1996 (FF 1997 I 1 538 s.).

RS 161.1 FF 2013 8143, 8173.

ATF 138 I 61 consid. 7.4; 140 I 338 (1C_372/2014) consid. 3.1 non publié; arrêt du Tribunal fédéral 1C_63/2015 du 24 août 2015, consid. 2.2.

Argovie, Bâle-Ville, Berne, Genève, Schaffhouse, Soleure Voir sous: www.bj.admin.ch > Sécurité > Corruption. (GRECO).

Rapport GRECO, ch. 1

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qualité et de l'objectivité du recrutement des juges des tribunaux fédéraux (recommandation 6). Après leur élection, il est important de briser les liens avec les forces politiques. De ce fait, il faut supprimer la pratique consistant pour les juges de reverser une partie de leur traitement à leur parti. De même, il convient de s'assurer qu'aucune non-réélection de juges par l'Assemblée fédérale ne soit motivée par les décisions qu'ils ont rendues, ainsi que d'envisager de réviser ou d'abolir la procédure de réélection (recommandation 7). Parmi les autres mesures possibles, le GRECO préconise le développement des règles déontologiques applicables aux juges (recommandation 8) et la mise en place d'une procédure disciplinaire visant à sanctionner les éventuels manquements des juges fédéraux à leurs devoirs professionnels par d'autres sanctions que la révocation (recommandation 9)50.

Dans le présent message, le Conseil fédéral n'a pris position que sur les recommandations 7 et 9, qui s'adressent en premier lieu au législateur ou au constituant (contrôle de la procédure de réélection, suppression de la «contribution des élus» et introduction d'une procédure disciplinaire).

Tous les juges fédéraux sont élus pour un même mandat de six ans (art. 145 Cst., art. 9, al. 1, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF]51, art. 48, al. 1, LOAP, art. 13, al. 1, de la loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets [LTFB]52). Une réélection jusqu'à la limite d'âge de 68 ans est toujours possible. Cette durée de fonction des juges relativement brève, avec la possibilité d'une réélection, procède d'une longue tradition53 et constitue un aspect du système démocratique de la Suisse. La réélection renforce ainsi la légitimation démocratique des juges. Jusqu'à ce jour, tous les membres des tribunaux fédéraux qui se présentaient à la réélection ont été réélus. En décembre 1990, un juge fédéral n'a toutefois été réélu qu'au second tour54. Le Conseil fédéral admet que des tentatives de pression politiques ne peuvent pas être complètement exclues 55. La procédure de réélection requiert des membres du Parlement et des partis une prise de conscience particulière de l'indépendance de la justice. La question de savoir si l'adoption d'un système d'élection des juges pour une durée plus longue
ou pour une durée indéterminée (comme c'est le cas dans le canton de Fribourg) offre une meilleure garantie de leur indépendance est laissée ouverte. Une telle réforme nécessiterait une modification de la Constitution (art. 145 Cst.) et une procédure de consultation préalable. Il convient toutefois de souligner que, dans son ensemble, le système de réélection périodique des juges a fait ses preuves. Compte tenu des opinions majoritaires des politiques, le Conseil fédéral n'entend pas supprimer l'exigence de la procédure de réélection.

50 51 52 53

54 55

Rapport GRECO, ch. 4, 83 ss.

RS 173.32 RS 173.41 La durée de mandat de six ans existe depuis la création d'un Tribunal fédéral permanent en 1875. Avant, les juges ne fonctionnaient qu'à temps partiel et devaient se soumettre tous les trois ans à une élection de confirmation. Voir Thomas Hugi Yar / Andreas Kley, in: Niggli / Uebersax / Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 2e éd. 2011, art. 9 LTF no 2 avec renvois.

Voir à ce sujet Hug Yar / Kley, op. cit. (note 53), art. 9 LTF n o 3d.

Cela peut par exemple se produire lorsque des juges participent à un arrêt critiqué ou controversé et perdent des suffrages lors d'une réélection.

4734

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La contribution des élus est un procédé répandu dans toute la Suisse. En l'absence de financement étatique des partis politiques, ce sont les contributions volontaires ou convenues, prélevées sur les traitements des élus ­ soit, au niveau fédéral, des Conseillers fédéraux, des parlementaires et des juges fédéraux ­ qui alimentent de manière substantielle les caisses des partis. Alors que la contribution des élus aux partis peut être considérée par les membres des organes politiques comme une contreprestation à la campagne financée dans le cadre des élections, celle prélevée sur les traitements des juges soulève diverses questions quant à l'indépendance du pouvoir judiciaire et à sa perception par la population56. Le Conseil fédéral est cependant d'avis que la suppression de la contribution des élus se heurterait actuellement à une opposition politique importante. C'est pourquoi il renonce à soumettre au Parlement l'adjonction d'une telle disposition dans la LTF 57.

Le droit en vigueur prévoit à l'endroit des juges du Tribunal administratif fédéral, du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal fédéral des brevets une procédure de révocation dont la fonction présente des similitudes avec une procédure disciplinaire. Selon cette procédure, l'Assemblée fédérale peut révoquer un juge avant la fin de sa période de fonction s'il a violé gravement ses devoirs de fonction de manière intentionnelle ou par négligence grave (art. 10, let. a, LTAF, art. 49, let. a, LOAP, art. 14, let. a, LTFB)58. C'est la Commission judiciaire qui est compétente pour préparer une révocation (art. 40a, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl] 59).

Si les Commissions de gestion ou la Délégation des finances font des constatations qui mettent sérieusement en cause l'aptitude professionnelle ou personnelle d'un juge, elles les communiquent à la Commission judiciaire (art. 40a, al. 6, LParl). La Commission administrative est également habilitée à communiquer à la commission parlementaire compétente des constatations en la matière résultant de son activité de surveillance exercée sur les tribunaux fédéraux de première instance 60. La Commission administrative peut en outre ordonner une enquête préalable lorsque la révocation d'un membre du tribunal entre en ligne de compte 61. La Commission judiciaire a fixé dans
des principes d'action la procédure applicable en cas de révocation 62. Les juges du Tribunal fédéral ne sont soumis à aucune procédure de révocation.

Une non-réélection peut aussi être comparée à une révocation. Comme exposé cidessus, les juges fédéraux sont élus par l'Assemblée fédérale pour un mandat relativement court de six ans. Par la suite, le Parlement peut décider de ne pas réélire un 56 57

58

59 60 61 62

Voir à ce sujet Giuliano Racioppi, Die moderne «Paulette»: Mandatssteuern von Richterinnen und Richter, in: Justice ­ Justiz ­ Giustizia 2017/3.

Une nouvelle disposition aurait pu figurer à l'al. 2 bis, art. 6, LTF (incompatibilité à raison de la fonction), libellée ainsi: «Ils [les juges] ne peuvent s'obliger à verser à un parti politique une contribution dont le montant est plus élevé que la cotisation ordinaire d'un membre».

La procédure de révocation s'applique aussi si un juge a durablement perdu la capacité d'exercer sa fonction. Ce second cas de figure d'une révocation ne réprime toutefois pas une violation des devoirs de fonction et ne consiste pas de ce fait en une mesure disciplinaire.

RS 171.10 Art. 8, al. 2, du règlement du 11 septembre 2006 sur la surveillance par le Tribunal fédéral (RSTF; RS 173.110.132).

Art. 8, al. 1, RSTF Principes d'action de la Commission judiciaire du 3 mars 2011 concernant la procédure à suivre en vue de révocation et de non-réélection, FF 2012 1091.

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juge qui s'est rendu coupable d'une violation grave d'un devoir de fonction. La procédure en vue de préparer une non-réélection repose sur les mêmes principes d'action de la Commission judiciaire que celle visant à préparer une révocation.

Cette procédure s'applique également à la non-réélection des juges du Tribunal fédéral.

Le droit en vigueur ne prévoit aucune mesure disciplinaire en cas de simple négligence ou de la violation simple des devoirs de fonction qui ne justifient ni une révocation ni une non-réélection. Cette question avait d'ailleurs été débattue lors de l'élaboration d'un projet de loi fédérale sur le Conseil de la magistrature (P-LCM)63.

C'est pourquoi, à côté de la réglementation sur la procédure de révocation, l'avantprojet correspondant (de la loi sur le Tribunal pénal fédéral) soumis au Conseil des États renfermait aussi une disposition selon laquelle l'Assemblée fédérale pouvait prononcer un blâme ou une amende jusqu'à 10 000 francs à l'encontre d'un juge qui avait violé ­ intentionnellement ou par négligence ­ ses devoirs de fonction. Cette réglementation a toutefois été abandonnée en faveur d'une procédure informelle au terme de laquelle le Conseil de la magistrature rend attentifs le juge et la direction du tribunal lorsqu'il constate une négligence ou une violation d'un devoir de fonction 64.

Il est vrai que le droit applicable ne prévoit pas expressément la possibilité d'intervenir de manière informelle à l'endroit d'un juge fautif, mais il ne l'exclut pas non plus dans la mesure où la jurisprudence ou l'indépendance du pouvoir judiciaire ne sont pas mises en cause. Une influence informelle résulte en premier lieu de la prise en charge de leur responsabilité par les tribunaux eux-mêmes et, indirectement, des procédures de surveillance existantes. Il ressort de la pratique du Tribunal fédéral que la surveillance administrative du Tribunal administratif fédéral, du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal fédéral des brevets est soumise au principe de subsidiarité. D'après la haute cour, la surveillance vise avant tout à garantir que les tribunaux qui y sont soumis se chargent eux-mêmes de prendre des mesures dirigeantes et administratives appropriées pour assumer pleinement leurs tâches de gestion et d'administration. Ainsi la gestion des juges incombe (sous réserve de
leur indépendance professionnelle) en premier lieu aux tribunaux fédéraux de première instance.

Lorsqu'il exerce sa fonction d'autorité de surveillance sur les cours fédérales de première instance, le Tribunal fédéral ne dispose d'aucun pouvoir disciplinaire sur leurs juges faute de base légale65. C'est pourquoi ses possibilités d'intervention en cas de comportement fautif d'un juge demeurent limitées. Sa fonction de surveillance ne l'autorise qu'à interpeller l'instance surveillée pour qu'elle remédie à ces manquements. À défaut de base légale, il en va de même en ce qui concerne le droit d'intervention résultant de la haute surveillance dévolue au Parlement (en particulier celles des Commissions de gestion et de la Délégation des finances). Comme indiqué ci-dessus, les autorités de haute surveillance signalent cependant tous évènements particuliers à la Commission judiciaire. Cette dernière examine si les condi-

63 64 65

FF 2002 1146 Art. 17, al. 1, P-LCM; voir à ce sujet le rapport additionnel de la CAJ-E du 16 novembre 2001 relatif au P-LCM (FF 2002 1128, 1137).

Arrêts du Tribunal fédéral (Commission administrative) 12T_4/2012 du 27 août 2012 consid. 3 avec renvois à la littérature, et 12T_4/2014 du 10 décembre 2014, consid. 2.

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tions nécessaires à une révocation sont remplies, mais elle ne peut pas proposer à l'Assemblée fédérale des mesures moins incisives à l'encontre d'un juge.

Des problèmes majeurs ne sont pas survenus sous l'empire du droit actuel. Les procédures informelles reflètent la pratique helvétique et donnent lieu à des solutions adaptées. En cas de violations graves des devoirs de fonction, les procédures de révocation et de non-réélection s'appliquent. La magistrature requiert un degré élevé d'intégrité. Des procédures disciplinaires pendantes seraient susceptibles d'affaiblir le pouvoir judiciaire. Par ailleurs, les violations des devoirs de fonction constituent une exception. Il est préférable de poser des exigences élevées lors de l'élection des juges plutôt que d'instaurer une procédure disciplinaire. De plus, la mise en place d'une telle procédure ne se justifie que si une élection porte sur un mandat de longue durée ou de durée indéterminée. Au vu de ces considérations, le Conseil fédéral renonce à proposer au Parlement l'élaboration d'une règlementation légale spécifique en matière disciplinaire.

1.5

Prise de position du Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral, dans sa détermination du 14 mars 2018, se montre pour l'essentiel favorable à la modification législative proposée par le Conseil fédéral. Il demande cependant que l'on supprime le recours constitutionnel subsidiaire dans la LTF et que l'on prévoie des voies de recours contre les décisions des autorités cantonales précédentes calquées sur celles de l'art. 89a, al. 1, P-LTF (au lieu du texte plus restrictif de l'al. 3). Nous reproduisons ci-dessous in extenso la prise de position du Tribunal fédéral (traduction), conformément au ch. 4.3.4 du protocole d'accord du 1er mai 1998 conclu entre le Conseil fédéral et le Tribunal fédéral sur la procédure applicable aux consultations relatives aux lois en général et aux consultations relatives aux projets touchant au statut du Tribunal fédéral en particulier66.

Prise de position du Tribunal fédéral sur le recours constitutionnel subsidiaire Si l'on considère l'accroissement des recours au cours des dernières années et en particulier le nombre record de ceux déposés en 2017 ­ qui a franchi pour la première fois la barre des 8000 (8027) ­, force est de constater que l'objectif d'un déchargement progressif du Tribunal fédéral visé par la LTF n'a pas abouti. De plus, cette progression se poursuit de manière constante en ce début d'année 2018. Même en chiffres absolus ­ qui font abstraction du remplacement du système dualiste des recours par un recours unifié ­, le Tribunal fédéral est aujourd'hui plus chargé que ne l'étaient le Tribunal fédéral des assurances et le Tribunal fédéral ensemble en 2006, c'est-à-dire l'année avant l'entrée en vigueur de la LTF (1er janvier 2007). C'est pourquoi la révision de la LTF constitue une nécessité absolue si l'on veut garantir le bon fonctionnement de la haute cour à long terme, notamment en ce qui concerne la qualité de la motivation de ses décisions. Le maintien du recours constitutionnel subsidiaire tel que l'envisage le Conseil fédéral irait à l'en66

FF 2004 1425

4737

FF 2018

contre du but poursuivi par le projet de révision: il en résulterait nécessairement une surcharge plutôt qu'un allègement en raison de l'ouverture ­ certes louable ­ d'une voie de recours en vertu des nouveaux art. 89a67, 89b68, 93a69 et 93b70 P-LTF, valable dans pratiquement tous les domaines du droit, dès lors qu'une question juridique de principe se pose ou que l'on se trouve en présence de cas particulièrement importants. Mais si l'un ou l'autre de ces deux critères fait défaut et ferme ainsi toute possibilité de recours, la voie du recours constitutionnel subsidiaire est alors donnée et ouvre à nouveau une voie de recours (art. 113 P-LTF)71. Pour donner suite à cette demande fondamentale du Tribunal fédéral, il suffit d'exclure le recours constitutionnel subsidiaire au moins dans tous les cas où un recours ordinaire est admis seulement à la condition que la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important. Il s'agit là d'une nécessité absolue.

Aujourd'hui, un grand nombre de recours constitutionnels subsidiaires échouent déjà au stade de l'examen des conditions pour recourir ou ne satisfont pas aux exigences sévères de motivation lorsqu'un grief pour arbitraire a été invoqué. Le recourant reçoit une décision de non-entrée en matière, généralement avec suite de frais, et les demandes d'assistance judiciaire gratuite sont le plus souvent rejetées dans ces cas faute de chances de succès.

Les justiciables ne se retrouvent finalement qu'avec des frais et de la frustration. Il en découle une perte de confiance dans la justice attendu qu'elle n'offre plus la protection juridique escomptée quand bien même il est possible de la saisir. Cette situation est insatisfaisante pour les justiciables, mais aussi pour le Tribunal fédéral, et doit dès lors être corrigée.

67 68 69 70

71

Recevabilité du recours ordinaire sans égard aux exceptions ni aux valeurs litigieuses minimales visées dans d'autres dispositions.

Définitions légales.

Recours contre une décision partielle, préjudicielle ou incidente lorsqu'un recours contre la décision finale est en principe irrecevable.

En vertu du nouvel art. 93b, les recours en matière de mesures provisionnelles sont uniquement recevables si la contestation soulève une question juridique de principe ou porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important. En revanche, si le recours constitutionnel subsidiaire devait être ouvert contre une décision portant sur une mesure provisionnelle, la situation serait similaire à l'actuelle attendu que le pouvoir de cognition d'après l'art. 98 LTF actuel est le même que celui dans le cadre du recours constitutionnel subsidiaire. Il n'y a pas de raison de penser que la partie qui succombe dans une procédure cantonale renonce à recourir uniquement en raison du fait que la voie de recours porte la dénomination de recours constitutionnel subsidiaire. Dans ce cas aussi on ne satisfait pas à l'objectif de la révision qui vise à améliorer la protection juridictionnelle tout en déchargeant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral estime que le recours constitutionnel subsidiaire tombe à tout le moins lorsqu'une partie simplement lésée ne peut recourir ­ en raison de la modification des dispositions sur la légitimation ­ faute d'un intérêt juridique, attendu que le recours constitutionnel subsidiaire présuppose l'existence du même intérêt juridique. Cette interprétation résulte de l'art. 81, al. 1, let. b, proposé. D'après le ch. 5 de cette disposition, la partie plaignante a un intérêt juridique seulement si la décision attaquée statue au fond sur son action pénale ou civile ou peut avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles qu'elle fait valoir en tant que victime.

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Dans la mesure où le recours constitutionnel subsidiaire est étranger à la systématique du recours unifié en matière de droit civil, de droit pénal et de droit public, le Tribunal fédéral demande à l'Assemblée fédérale de l'éliminer de la loi72 et d'adapter le projet de révision en conséquence. Du reste, ses nombreux autres inconvénients sont connus: premièrement, il n'est pas ouvert contre les décisions des autorités fédérales précédentes, ni d'ailleurs contre les décisions du Tribunal administratif fédéral, ce qui constitue une incohérence difficile à justifier. Deuxièmement, il est aujourd'hui totalement inefficace dans un domaine qui constitue de loin l'exception la plus importante en termes de chiffres, celui du droit des étrangers, puisque même les décisions cantonales ne peuvent être attaquées faute d'un intérêt juridique nécessaire pour procéder. La nouvelle réglementation du projet prévoit ­ de manière malheureuse ­ d'étendre son domaine d'application au droit des étrangers attendu que le recours en matière de droit public sera désormais en principe aussi irrecevable s'il existe un droit à l'octroi d'un titre de séjour.

Le recours constitutionnel subsidiaire serait dans ce cas ouvert en raison de l'existence d'un intérêt juridique. Troisièmement, si l'on tient compte du fait que le CPC et le CPP constituent aujourd'hui du droit fédéral, une voie de recours dont le pouvoir de cognition est limité aux griefs de droit constitutionnel même pour des vices de procédure est totalement inadaptée dès lors qu'elle empêche le Tribunal fédéral d'appliquer le droit fédéral avec un plein pouvoir d'examen et, de ce fait, de s'acquitter de sa mission originaire. Enfin, ce recours n'est pas ouvert aux autorités alors que ce sont précisément elles qui ­ lorsqu'elles ont qualité pour recourir ­ soulèvent des questions juridiques de principe qui méritent d'être tranchées par le Tribunal fédéral.

Dans cette optique, on peut saluer la solution qui permet aux particuliers et aux autorités de recourir au Tribunal fédéral lorsque la contestation soulève une question juridique de principe ou porte sur des cas particulièrement importants, rendant sans objet la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Pour la dernière raison évoquée ci-dessus ­ ainsi que pour d'autres ­, il n'y a pas lieu de déduire de la
suppression du recours constitutionnel subsidiaire un affaiblissement de la protection juridique. Sur 427 recours constitutionnels subsidiaires déposés en 2017, le Tribunal fédéral n'en a admis que 8 (entièrement ou partiellement) alors que le taux d'admission au Tribunal fédéral atteint en général 13 %, voire 14 % sans les recours constitutionnels subsidiaires. En d'autres termes, cela signifie qu'environ un justiciable sur sept peut s'attendre à voir son recours admis à Lausanne ou à Lucerne. Sur la base des constats effectués depuis 2007, il y a lieu de conclure que le recours constitutionnel subsidiaire n'est finalement d'aucune utilité, si ce n'est qu'il représente aujourd'hui pas moins de 20 % de la charge de travail du Tribunal fédéral. C'est pourquoi le projet soutenu par le Conseil fédéral aurait pour conséquence d'augmenter encore davantage le nombre de ce type de recours. Même pour les rares justiciables qui emprunteraient avec succès la voie du recours constitutionnel subsidiaire, sa suppression de la loi 72

Ou de le limiter aux cas dont les conditions pour recourir présupposent l'existence d'une question juridique de principe ou d'un cas particulièrement important.

4739

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n'entraînerait aucun affaiblissement de leurs droits. En effet, ces cas seront entièrement englobés dans les motifs d'entrée en matière, à savoir la question juridique de principe ou les cas particulièrement importants pour d'autres motifs, tels que décrits dans l'actuel projet de loi (art. 89b P-LTF).

Au contraire, la protection juridique s'en trouvera même améliorée car le Tribunal fédéral pourra toujours connaître ­ sur la base des art. 89a et 89b P-LTF ­ des quelques cas qui étaient jusqu'à présent admis par la voie du recours constitutionnel subsidiaire. Une simple mention, dans l'art. 89a, al. 3, P-LTF, du fait que le critère du cas particulièrement important pour d'autres motifs s'applique aux décisions cantonales permettra d'atteindre cet objectif.

En résumé, le Tribunal fédéral tient à souligner qu'il rejetterait en bloc le projet si, pour les motifs exposés ci-dessus, le recours constitutionnel subsidiaire ne devait pas en être éliminé dans le cadre de la procédure législative.

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le présent message donne suite aux motions et postulats dont le classement est proposé dans la lettre d'accompagnement. Les ch. 1.2.2 et 1.2.3 proposent des mesures au sens du postulat «Décharger le Tribunal fédéral des affaires de moindre importance»73. Les bases légales demandées par les motions «Tribunal fédéral.

Dissenting Opinions»74 et «Relèvement des plafonds des émoluments judiciaires perçus par le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral»75 figurent dans le projet de révision (voir à ce sujet le ch. 1.2.5). Le Conseil fédéral propose donc de classer ces interventions parlementaires.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral 76

Art. 19, al. 3 Actuellement, un juge du Tribunal fédéral ne peut présider une cour pendant plus de six ans. La limite sera désormais de trois périodes complètes de deux ans. Si un juge est nommé président au cours d'un mandat de deux ans, cette première période de moins de deux ans ne sera pas prise en compte.

Art. 20, al. 2, 2e phrase Les cours statueront à cinq juges sur les recours contre les décisions des autorités cantonales de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite, si la 73 74 75 76

13.3694 14.3667 17.3353, 17.3354 RS 173.110

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cause soulève une question juridique de principe ou si un juge en fait la demande.

L'exception statuée à la 2e phrase est supprimée.

Art. 25, al. 2bis Le nouvel al. 2bis prévoit l'institution d'une commission interne de recours qui statuera sur les recours contre des décisions du Tribunal fédéral concernant les rapports de travail du personnel de ce dernier (voir le ch. 1.2.5).

Art. 42, al. 2, 2e phrase La modification de cette disposition est rédactionnelle. La terminologie doit être adaptée à celle des art. 74, 89a, 93a et 93b P-LTF.

Art. 46, al. 2 La modification consiste à compléter, conformément aux explications données au ch. 1.2.5, les exceptions aux suspensions légales de délai («féries judiciaires») et à les présenter sous forme de liste.

Art. 60, al. 1bis et 2bis L'al. 1bis permet, comme on l'a exposé au ch. 1.2.5, d'intégrer des opinions dissidentes dans les arrêts du Tribunal fédéral.

L'al. 2bis répond à une exigence qui relève du domaine de l'aide aux victimes. Une victime au sens de l'art. 116, al. 1, CPP qui participe en tant que partie plaignante à l'enquête pénale ou à la procédure de première instance n'est parfois plus partie à la procédure de recours. C'est par exemple le cas lorsque le condamné interjette recours uniquement sur la question de la sanction (type ou quotité; voir l'art. 382, al. 2, CPP). Du point de vue de la victime, la sanction pénale est un élément important dans le processus qui lui permettra de surmonter le tort subi. Il faut éviter qu'elle apprenne par les médias quel a été l'arrêt du Tribunal fédéral. Le projet prévoit donc que le Tribunal fédéral notifie à la victime le dispositif de l'arrêt et les considérants relatifs aux infractions qu'elle a subies, même si elle n'est plus partie à la procédure.

Art. 64, al. 4, 2e phrase On précise que la prétention de la Confédération au remboursement de l'assistance judiciaire se prescrit par dix ans à compter de l'entrée en force de l'acte qui met fin à la procédure. Ce délai découle des principes généraux du droit, mais il est préférable, pour des raisons de sécurité juridique, de prévoir une règle explicite comme à l'art. 123, al. 2, CPC et à l'art. 135, al. 5, CPP77.

77

C'est aussi l'entrée en force de l'acte qui met fin à la procédure qui est visée à l'art. 123, al. 2, CPC. Voir à ce sujet Frank Emmel, in: Thomas Sutter-Somm / Franz Hasenböhler / Christoph Leuenberger [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2e éd., Zurich 2013, ad art. 123 no 3.

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Art. 65, al. 5 et 6 La modification de l'art. 65 vise à relever la limite maximale des émoluments judiciaires, en réponse à une motion de l'Assemblée fédérale (voir le ch. 1.2.5).

La fourchette des émoluments, fixée à l'al. 3, demeurera inchangée. Les allègements prévus à l'al. 4 pour des raisons de politique sociale subsisteront également. Toutefois, alors que l'al. 5 actuel permet de doubler le montant maximal fixé à l'al. 2 si des motifs particuliers le justifient, le projet permettra de tripler ce montant.

Un nouvel al. 6 porte la limite des émoluments judiciaires à un million de francs dans les affaires patrimoniales d'une valeur litigieuse supérieure à cent millions de francs.

Art. 73

Exception

En droit actuel, le recours en matière civile est irrecevable s'il est formé contre une décision en matière d'opposition à l'enregistrement d'une marque (art. 31 à 34 LPM). Cette exception s'étendra à l'avenir aux décisions relevant de la procédure de radiation de l'enregistrement d'une marque, réglées aux art. 35a à 35c LPM (voir le ch. 1.2.2). L'art. 89a P-LTF sera réservé, comme dans tous les autres articles prévoyant une exception à la compétence du Tribunal fédéral en tant qu'instance de recours (voir le ch. 1.2.1).

Art. 74, al. 2, let. a L'art. 74, al. 1, LTF, fixe une valeur litigieuse minimale en dessous de laquelle le recours en matière civile n'est pas recevable dans les affaires pécuniaires. L'al. 2 prévoit diverses exceptions. La let. a cite le cas où la contestation soulève une question juridique de principe. Cette mention sera remplacée par un renvoi à l'art. 89a P-LTF. La recevabilité des recours contre les décisions des autorités cantonales restera réglée de la même manière qu'aujourd'hui (art. 89a, al. 3, P-LTF). Par contre, les décisions du Tribunal fédéral des brevets et du Tribunal administratif fédéral pourront à l'avenir aussi faire l'objet d'un recours lorsque la contestation portera sur un cas particulièrement important (art. 89a, al. 1, et 89b, al. 2, P-LTF).

Art. 78, al. 2, let. a La nouvelle formulation proposée correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral78 et élimine une incertitude. Le recours en matière pénale est recevable si l'instance précédente a jugé ou aurait dû juger tant les prétentions civiles que la cause pénale. La décision peut être attaquée même si les griefs ne portent que sur les prétentions civiles. Si l'autorité précédente n'a eu à se prononcer que sur les prétentions civiles au cours de la procédure pénale, c'est le recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit être interjeté.

78

ATF 133 III 701

4742

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Art. 79

Exceptions

La LTF ne fait aujourd'hui qu'une seule exception à la compétence du Tribunal fédéral en matière pénale: le recours est irrecevable contre les décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, sauf si elles portent sur des mesures de contrainte (art. 79 LTF). Le projet prévoit deux nouvelles exceptions.

La première concerne les condamnations pour contravention lorsqu'une amende de 5000 francs au plus ou une réprimande a été prononcée et que le recours ne vise pas le prononcé d'une peine plus lourde (al. 1, let. a). Les contraventions sont des infractions passibles d'une amende et non d'une peine privative de liberté ni d'une peine pécuniaire (calculée en jours-amende)79. Selon les dispositions actuelles relatives au casier judiciaire, les amendes pour contravention de 5000 francs au plus n'y sont en règle générale pas enregistrées 80. La réprimande est une peine du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)81; touchant le condamné de manière moins incisive encore que l'amende, elle doit être incluse dans les exceptions. Les amendes pour contravention prévues par l'art. 24 DPMin sont déjà comprises dans la première partie de la let. a (amende de 5000 francs au plus).

La deuxième exception supplémentaire vise à ce que les décisions des autorités cantonales de recours (art. 20 CPP) soient en principe définitives à moins qu'elles ne concernent des mesures de contrainte ­ comme celles de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Cette exception ne s'appliquera toutefois pas (c'est-à-dire que le recours sera recevable) aux décisions sur recours concernant des mesures de contrainte (al. 1, let. b, ch. 1), ni aux décisions sur recours concernant des ordonnances de non-entrée en matière ou de classement de l'enquête pénale (al. 1, let. b, ch. 3), ni à celles concernant des mesures de protection ordonnées à titre provisionnel ou une observation au sens de la procédure pénale applicable aux mineurs du 20 mars 200982 (al. 1, let. b, ch. 2). L'importance de ce type de décision justifie que l'on ne restreigne pas la protection des droits individuels et que l'on assure l'uniformité de la jurisprudence dans toute la Suisse.

Toutes les exceptions prévues par cet article s'appliquent à moins que le recours ne soit recevable conformément à l'art. 89a P-LTF. En d'autres termes, le recours en
matière pénale contre des décisions du Tribunal pénal fédéral sera en tout cas recevable devant le Tribunal fédéral dès lors que la contestation soulèvera une question juridique de principe ou portera, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 89a, al. 1, P-LTF). Pour ce qui est des recours contre des décisions des autorités de recours cantonales, les exceptions en matière pénale seront caduques si la contestation porte sur un cas particulièrement important (art. 89a, al. 3, P-LTF).

Notons que les décisions des instances cantonales visées à l'al. 1 pourront toujours faire l'objet du recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss P-LTF.

79 80 81 82

Voir les art. 10 et 103 du code pénal (CP; RS 311.0).

Art. 3, al. 1, let. c et d, de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire (RS 331).

Art. 22 DPMin (RS 311.1) RS 312.1

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Art. 79a

Valeurs litigieuses

Si un recours visé à l'art. 78, al. 2, let. a, LTF ne porte que sur des prétentions civiles, il faudra respecter la valeur litigieuse minimale fixée pour les recours en matière civile (art. 74 LTF). Les exceptions prévues à l'art. 74, al. 2, LTF s'appliqueront également (en particulier le renvoi à l'art. 89a inséré dans la let. a). Cette nouvelle règle coïncide avec les intentions de la commission d'experts chargée de la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale. Elle comprenait sa proposition concernant l'actuel art. 78, al. 2, let. a, LTF comme une injonction de traiter les recours contre des décisions pénales ne touchant que les prétentions civiles comme des recours en matière civile. Le Tribunal fédéral a interprété l'art. 78 autrement pour accroître la sécurité juridique concernant le choix du moyen de droit approprié83.

Art. 80, al. 2 La troisième et dernière phrase énumère les cas dans lesquels un tribunal des mesures de contrainte ou une autre autorité judiciaire statue en tant qu'instance cantonale unique selon le CPP. Ces tribunaux précèdent directement le Tribunal fédéral dans l'ordre des instances alors qu'ils ne sont pas des tribunaux supérieurs au niveau cantonal. À l'avenir, il devra toujours y avoir une instance cantonale supérieure (voir le ch. 1.2.5), si bien que la phrase peut être abrogée. La seconde phrase cite, à titre d'exception, les cas dans lesquels l'autorité de recours ou la juridiction d'appel d'un canton statue, non pas comme seconde instance, mais comme instance cantonale unique en vertu du CPP84.

Art. 81, al. 1, let. b, ch. 5, et al. 4 L'al. 1, let. b, ch. 5, est modifié de telle sorte que la partie plaignante qui n'est pas une victime au sens de la LAVI ne pourra plus faire recours que contre les décisions dans lesquelles sa plainte pénale ou son action civile a été jugée sur le fond. Elle ne pourra plus attaquer les décisions portant sur des points de procédure ni les ordonnances de non-entrée en matière ou de classement de la procédure. Cette modification déchargera le Tribunal fédéral d'un grand nombre de recours dont le taux de succès est très faible (voir le ch. 1.2.3). Les parties plaignantes qui ont le statut de victime conserveront les mêmes droits de recours qu'aujourd'hui. Les notions d'action pénale et d'action civile correspondent à la
terminologie de l'art. 119, al. 2, let. a et b, CPP.

Le nouvel al. 4 habilite les cantons à prévoir un recours des autorités dans le domaine de l'exécution des peines et des mesures. Certes, le droit de recours de l'accusateur public (art. 81, al. 1, let. b, ch. 3) s'étend au domaine de l'exécution, mais les ministères publics n'ont traditionnellement pas pour tâche la surveillance dans ce domaine. Quelques cantons ont créé un recours des autorités dans les procédures cantonales pour permettre l'examen des décisions judiciaires, notamment concernant des aspects de sécurité, mais cela n'affecte pas les procédures devant le Tribunal 83 84

ATF 133 III 701 Voir par ex. les art. 40, al. 1, et 59, al. 1, let. b et c, CPP.

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fédéral. Une disposition de droit fédéral ouvrant le recours aux autorités d'exécution est une des demandes formulées dans la motion Amherd du 13 décembre 2013 (13.4296. «Exécution des décisions pénales. Uniformiser le droit procédural»).

Art. 83, al. 1, let. a à f, h, m, o, p, r, s, u, w et x, et 2 L'art. 83 contient la liste d'exceptions la plus importante de la LTF. Plusieurs modifications doivent y être apportées au regard des objectifs du projet. D'une part, le Conseil fédéral propose d'alléger l'énumération des domaines dans lesquels le recours au Tribunal fédéral n'est pas recevable (al. 1). D'autre part, les exceptions ne seront plus absolues: le recours sera recevable si les conditions de l'art. 89a P-LTF sont réunies (al. 2; voir le ch. 1.2.1).

Al. 1 a) Naturalisation Le projet prévoit de restreindre l'accès au Tribunal fédéral pour toutes les décisions relatives à la naturalisation (voir le ch. 1.2.2), alors qu'il n'est aujourd'hui exclu que dans le domaine de la naturalisation ordinaire.

Pour des raisons de systématique, cette disposition prend la place, à la let. a, de l'exception concernant les décisions concernant la sûreté intérieure et extérieure du pays et les affaires étrangères, laquelle est transférée à l'art. 84a P-LTF.

b) Droit des étrangers La règlementation relative au recours contre les décisions en matière de droit des étrangers (aujourd'hui à la let. c) est entièrement révisée (voir le ch. 1.2.2).

Cette exception ne s'étend pas à l'expulsion au sens de l'art. 66a CP ou à son exécution; le recours en matière pénale restera recevable contre ces décisions.

c) Droit en matière d'asile En matière d'asile, la plupart des décisions sont prises par les autorités fédérales et, sur recours, par le Tribunal administratif fédéral. La non-recevabilité des recours au Tribunal fédéral contre ces décisions sera réglée dans un article à part (art. 84 P-LTF).

Pour ce qui est des décisions cantonales (par ex. celles sur les prestations d'aide sociale aux requérants d'asile), la nouvelle let. c reprend essentiellement le contenu de la let. d, ch. 2, actuelle. Cependant, à l'instar de la nouvelle let. b, le fait que la contestation porte sur une autorisation à laquelle la personne concernée a droit (notamment dans le domaine d'application de la LEtr) ne joue plus aucun rôle (voir
aussi le ch. 1.2.2).

e) Marchés publics Aujourd'hui (let. f actuelle), les décisions relatives aux marchés publics ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si deux conditions sont remplies: la valeur seuil prévue par la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés pu-

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blics85 ou par l'accord en la matière avec la Communauté européenne 86 doit être atteinte, et la décision doit soulever une question juridique de principe. Les décisions sur les marchés publics demeureront en principe irrecevables. Ces deux conditions seront remplacées par la réserve générale de l'art. 89a P-LTF, à laquelle renvoie le nouvel al. 2. La valeur du mandat à attribuer ne sera plus directement déterminante; tout au plus, elle contribuera à conférer au cas une importance particulière ­ au titre de l'application de l'art. 89a, al. 1, P-LTF.

f) Mandats de prestations et concessions mis au concours publiquement Le Conseil fédéral propose une formulation générale de l'exception concernant les mandats de prestations et les concessions qui doivent être mis au concours publiquement de par la loi; elle couvrira les points réglés aujourd'hui aux let. fbis et p, ch. 1 (voir le ch. 1.2.2).

h) Entraide pénale internationale et assistance administrative internationale L'al. 2 et l'art. 89a du projet reprennent (à quelques nuances rédactionnelles près) la règle actuelle limitant l'accès au Tribunal fédéral aux cas particulièrement importants dans les domaines de l'entraide pénale internationale et de l'assistance administrative internationale en matière fiscale (art. 84 et 84a LTF). Cette réserve sera étendue à tous les litiges en matière d'assistance administrative internationale, qui ne peuvent pas du tout être portés devant le Tribunal fédéral en droit actuel (art. 83, let. h, LTF). La restriction supplémentaire prévue à l'art. 89a, al. 2, P-LTF (correspondant à l'art. 84, al. 1, LTF) s'appliquera dans les cas d'entraide judiciaire.

m) Remise de contributions et octroi d'un sursis de paiement Le complément apporté à la let. m par la loi du 20 juin 2014 sur la remise de l'impôt87, devenu inutile du fait du nouvel al. 2, est supprimé.

o) Approbation des plans des installations électriques à courant fort et à courant faible La disposition actuelle exclut le recours au Tribunal fédéral contre les décisions en matière de circulation routière qui concernent la réception par type de véhicules. Or, si les réceptions par type sont de plusieurs milliers par an, les recours sont très rares, même contre les décisions de première instance. Il n'est donc pas utile de conserver cette exception.

La nouvelle
let. o statuera la non-recevabilité des décisions concernant l'approbation des plans des installations électriques à courant fort et à courant faible. Cette exception se trouve aujourd'hui à la let. w, entrée en vigueur le 1 er janvier 2018; la réserve en fin de phrase est supprimée car elle est déjà contenue à l'al. 2.

p) Octroi de l'accès à d'autres fournisseurs de services de télécommunication Dans la disposition actuelle, les réseaux de télécommunication, de radio et télévision et de la poste font l'objet de trois chiffres. Le premier, qui vise les concessions ayant 85 86 87

RS 172.056.1 Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics; RS 0.172.052.68.

RO 2015 9

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fait l'objet d'un appel d'offres public, est couvert par la nouvelle let. f. Le ch. 3, qui vise les litiges sur l'accès aux cases postales et sur la mise à disposition de données d'adresse88, est supprimé. Les différends liés à l'obligation, pour les propriétaires ou les exploitants d'installations d'infrastructures, de laisser d'autres fournisseurs utiliser leurs installations, à certaines conditions, peuvent le plus souvent être portés devant le Tribunal fédéral. C'est le cas lorsqu'il s'agit des réseaux d'approvisionnement en électricité89, des infrastructures ferroviaires90, des installations de transport par conduites91 et des services de diffusion des programmes de radio et de télévision92. Le recours restera par contre en principe irrecevable quand il s'agira d'accès aux services de télécommunication (actuel ch. 2) car la rapidité de la procédure est déterminante dans ce domaine dynamique du marché.

r) Assurance-maladie L'exception concernant l'assurance-maladie (en particulier les tarifs des fournisseurs de prestations et les listes des hôpitaux) doit être adaptée sur le plan rédactionnel suite aux modifications de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)93 et de la LTAF. L'objet de l'exception reste le même, hormis la réserve prévue par l'al. 2. Il s'imposera le cas échéant d'adapter la let. r en fonction des résultats de la révision partielle de la LAMal concernant l'admission des fournisseurs de prestations.

w) Contributions de solidarité dans le domaine des mesures de coercition à des fins d'assistance et des placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 Cette exception, réglée aujourd'hui à la let. x, peut être avancée d'une lettre. La réserve en fin de phrase est supprimée car elle est déjà contenue à l'al. 2.

Art. 84

Décisions du Tribunal administratif fédéral en matière d'asile

Les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière d'asile ne peuvent aujourd'hui être attaquées devant le Tribunal fédéral que si elles concernent des personnes visées par une demande d'extradition déposée par l'État dont elles cherchent à se protéger (art. 83, let. d, ch. 1, LTF).

Cette règle sera maintenue à l'art. 84 (al. 1 et 3). La nouvelle règlementation de la compétence du Tribunal fédéral en matière de droit des étrangers (art. 83, al. 1, let. b, et 2, P-LTF) donne un nouveau relief à la délimitation entre cette législation et celle sur l'asile. L'al. 2 prévoit donc que l'art. 84 s'applique aussi aux décisions du Tribunal administratif fédéral relevant de la LEtr concernant des personnes ayant demandé l'asile. Lorsqu'elles sont frappées d'une décision de renvoi entrée en force, 88 89 90 91 92 93

Art. 6, al. 4, et 7, al. 4, de la loi du 17 décembre 2010 sur la poste (LPO; RS 783.0).

Voir l'art. 22, al. 2, let. a, de la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl; RS 734.7).

Voir les art. 9 et 40abis de la loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101).

Voir l'art. 13, al. 2, de la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC; RS 746.1).

Voir les art. 51, al. 2, et 59 ss de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40).

RS 832.1

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celles-ci ne peuvent pas, avant de quitter la Suisse, déposer de recours au Tribunal fédéral contre les décisions relevant de la LEtr, même si elles ont retiré leur demande ou si elles ont été admises provisoirement.

Art. 84a

Décisions en matière de politique extérieure et de politique de sécurité

Le recours au Tribunal fédéral est irrecevable en matière d'affaires étrangères et de sûreté intérieure et extérieure, sauf si le droit international confère un droit à ce que la cause soit jugée par un tribunal (art. 83, let. a, LTF; disposition analogue à l'art. 32, al. 1, let. a, LTAF). Les décisions rendues dans ce domaine ne sont pas considérées comme susceptibles d'être portées devant un tribunal. Cette exception fait l'objet d'un article à part parce qu'il ne serait pas justifié de faire une réserve en faveur des questions de principe ou des cas particulièrement importants (art. 83, al. 2, en relation avec l'art. 89a P-LTF).

La let. a précise expressément qu'il doit s'agir d'une décision reposant de manière prépondérante sur des considérations politiques. Cela ressort du message de 2001 sur la LTF94 et de la jurisprudence constante relative à l'art. 83, let. a, LTF 95. Le texte de la norme est précisé en ce sens. Il ne s'agit pas d'un changement matériel.

Art. 85, al. 2 Cette disposition règle les conditions auxquelles le recours est recevable dans les contestations pécuniaires de droit public visées à l'al. 1, en dérogation à la valeur litigieuse minimale. Un renvoi à l'art. 89a P-LTF est ajouté, comme pour les recours en matière civile (art. 74, al. 2, let. a, P-LTF).

Art. 86, al. 2 Les tribunaux cantonaux qui statuent comme autorité précédant immédiatement le Tribunal fédéral doivent en principe être des tribunaux supérieurs. Le droit actuel connaît néanmoins une exception pour les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autorité judiciaire inférieure peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. Cette possibilité de prévoir des dérogations dans des lois spéciales est supprimée (voir le ch. 1.2.5). Les seuls cas existants relèvent des domaines de l'impôt anticipé et de la taxe d'exemption de l'obligation de servir. Les lois concernées doivent aussi être modifiées.

94 95

FF 2001 4000 4017, 4120 s. et 4184 s.

ATF 142 II 313, consid. 4.3, 137 I 371, consid. 1.2, et 132 II 342, consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2013 du 14 octobre 2013, consid. 1.1, et 2C_327/2017 du 12 septembre 2017, consid. 5.2; arrêts du Tribunal administratif fédéral A-8284/2010 du 11 juin 2011, consid. 1.2, et A-1713/2014 du 17 novembre 2014, consid. 1.1; Hansjörg Seiler, in: Hansjörg Seiler et al. [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2 e éd., Berne 2015, ad art. 83 no 12 ss; Marino Leber, in: Christoph Auer / Markus Müller / Benjamin Schindler [éd.], Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, Zurich 2008, ad art. 72 no 8.

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Art. 89a

Recevabilité

L'ouverture ­ limitée ­ d'une voie de recours au Tribunal fédéral contre toutes les décisions qui seraient par principe incluses dans la liste d'exceptions ou irrecevables en raison de la valeur litigieuse est un point central de la présente révision (voir le ch. 1.2.1, avec les trois cas dans lesquels le recours demeurera définitivement irrecevable).

Al. 1 La disposition proposée prévoit que les décisions des autorités fédérales précédentes peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, sans égard aux exceptions visées aux art. 73, 79 et 83, ni aux valeurs litigieuses minimales visées aux art. 74, 79a et 85 P-LTF, dès lors que la contestation soulève une question juridique de principe ou porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important. Le critère de la question juridique de principe s'applique déjà, en droit actuel, aux décisions portant sur des cas dont la valeur litigieuse est inférieure au minimum fixé.

La proposition consiste donc à ouvrir l'accès au Tribunal fédéral pour les autres décisions concernées.

Al. 2 Selon l'art. 84 actuel, le recours dans le domaine de l'entraide pénale internationale est soumis à une double restriction. Il faut non seulement qu'il concerne un cas particulièrement important, mais aussi que la décision attaquée ait pour objet une extradition, une saisie, le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Celles qui portent sur un autre acte d'entraide judiciaire, comme la remise de décisions ou de dossiers pénaux, la simple audition d'un témoin (ne touchant pas le domaine secret) ou une autorisation d'inspection ne peuvent jamais faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.

L'al. 2 proposé ici vise à préserver cette restriction spécifique à l'entraide pénale internationale, fondée sur l'objet de la décision (voir l'art. 83, al. 1, let. h, P-LTF). Il crée donc une différence avec le domaine de l'assistance administrative internationale, domaine dans lequel seul l'al. 1 (ou le cas échéant l'al. 3) s'applique. Cette distinction n'est pas infondée. L'entraide judiciaire pénale vise à aider un autre pays à mener une enquête pénale déjà ouverte, à laquelle la personne concernée est partie.

Cette personne peut donc défendre ses intérêts dans le cadre de la procédure.

L'assistance
administrative consiste par contre souvent en une coopération des autorités dans une procédure administrative. La plupart du temps, la personne concernée n'est pas encore au courant, ou bien elle sait qu'une procédure est ouverte mais n'a pas la qualité de partie. Dans ces conditions, en matière d'assistance administrative internationale, il est adéquat d'ouvrir le recours au Tribunal fédéral dès lors qu'il s'agit d'une question juridique de principe ou, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important.

Al. 3 Pour ce qui est des décisions des autorités cantonales précédentes, le recours sera recevable même si la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, dès lors que la contestation soulèvera une question juridique de principe. Cette règle correspond à la loi actuelle (art. 74, al. 2, let. a, et 85, al. 2, LTF) et aux principes de la Constitu4749

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tion (art. 191, al. 2, Cst.). La LTF actuelle admet le recours sur des questions juridiques de principe dans quelques matières qui font partie de la liste d'exceptions. En font partie les exceptions concernant le domaine des marchés publics et le domaine de la remise de contributions et de l'octroi des sursis de paiement, toutes deux préservées sous la forme d'un renvoi à l'art. 83, let. e et m, P-LTF. Le recours devra aussi être recevable, en cas de question juridique de principe, contre les décisions des autorités cantonales de recours prises en vertu de CPP, qui feront l'objet d'une nouvelle exception (art. 79, al. 1, let. b, P-LTF). On garantira ainsi que les ministères publics, qui ne peuvent pas interjeter de recours constitutionnel subsidiaire, puissent porter des questions juridiques de principe devant le Tribunal fédéral.

On remarquera que les cas dans lesquels le recours est recevable sans égard à la liste d'exceptions ni à la valeur litigieuse ne sont pas les mêmes selon que l'autorité précédente est fédérale ou cantonale. La raison en est que les décisions cantonales pourront toujours faire l'objet du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF; voir le ch. 1.3).

Al. 4 Les décisions du Tribunal administratif fédéral sur l'octroi à d'autres fournisseurs de l'accès aux services de télécommunication en vertu de la LTC seront définitives conformément à l'art. 83, al. 1, let. p, P-LTF, même si un recours soulevant une question juridique de principe ou portant, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important pourrait être déposé devant le Tribunal fédéral en vertu de l'al. 1.

Le Conseil fédéral maintient cette réglementation spéciale malgré les critiques qu'elle a soulevées lors de la consultation96. Il estime nécessaire de raccourcir les voies de recours, afin que les petits fournisseurs, notamment, ne soient pas outre mesure entravés dans la planification des affaires et le calcul des coûts..

Art. 89b

Définitions

Cet article définit ce que sont les «questions juridiques de principe» et les «cas particulièrement importants», notions dont dépend la recevabilité des recours selon l'art. 89a P-LTF. Ces définitions ont aussi une portée pour l'application des art. 93a, 93b et 106, al. 3, P-LTF.

Al. 1 Il existe une jurisprudence détaillée du Tribunal fédéral sur la notion de question juridique de principe, qui apparaît déjà dans la LTF. Les critères non exhaustifs qui concrétisent cette notion dans le nouvel art. 89b, al. 1, demeurent dans la droite ligne de cette jurisprudence.

Une question juridique qui se pose pour la première fois lorsqu'elle doit être clarifiée par le Tribunal fédéral est une question de principe lorsque, par son importance, elle mérite d'être appréciée par l'autorité judiciaire suprême et que la façon dont elle est tranchée a nature de précédent (let. a)97. Ce dernier critère est notamment rempli 96 97

Le Tribunal fédéral, Economiesuisse et Swisscom ont demandé qu'on renonce à une telle disposition.

ATF 141 II 14, consid. 1.2.2.1, 143 II 425, consid. 1.3.2.

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lorsque les instances inférieures auront manifestement à juger de nombreuses affaires similaires et que la réponse à la question soulevée sera pertinente dans d'autres cas.

Ce peut aussi être le cas si la question a déjà été tranchée par le Tribunal fédéral mais qu'un nouvel examen se justifie, par exemple parce que les arrêts précédents ont fait l'objet de sérieuses critiques de la doctrine ou que le contexte juridique ou la société ont nettement évolué (let. b)98.

Le fait que la jurisprudence des instances inférieures sur une même question diverge est un autre indice possible de l'existence d'une question juridique de principe (let. c)99. Le Tribunal fédéral, en sa qualité d'autorité judiciaire suprême de la Confédération, doit garantir l'application uniforme du droit, dans les limites de ses compétences (art. 188, al. 1, et 189 Cst.).

La dernière situation typique dénotant l'existence d'une question juridique de principe est celle où la décision contestée s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral (let. d). Si la décision contestée ou le contexte laissent apparaître que l'autorité précédente ne voulait pas suivre la jurisprudence du Tribunal fédéral, celui-ci, dans l'intérêt de l'unité du droit, doit entrer en matière sur le recours et soit imposer sa jurisprudence antérieure, soit la modifier 100. Par contre, si la contestation ne porte que sur l'application, dans le cas d'espèce, de principes jurisprudentiels reconnus, il ne s'agit pas d'une question juridique de principe101.

Al. 2 La LTF mentionne déjà la notion de cas particulièrement important, mais seulement dans le domaine de l'entraide pénale internationale, de l'assistance administrative internationale en matière fiscale et de la remise de contributions (art. 83, let. m, 84 et 84a). L'art. 84, al. 2, LTF actuel concrétise cette notion dans le domaine de l'entraide pénale et de l'assistance administrative internationales. Ces critères peuvent être repris tels quels dans le nouvel art. 89a, al. 2 (let. b). Il est cependant nécessaire de définir les caractéristiques d'un cas particulièrement important sur le plan général, c'est-à-dire aussi pour les recours n'ayant pas trait à une procédure à l'étranger.

Selon la let. a proposée, un cas est particulièrement important notamment lorsque la décision attaquée porte gravement atteinte
à des principes juridiques fondamentaux.

Le Tribunal fédéral doit pouvoir corriger une décision qui viole gravement le sentiment d'équité, soit parce qu'elle n'est pas compatible avec des principes importants du droit matériel, soit parce que la procédure n'était pas défendable au regard de l'État de droit. Il faut que l'autorité précédente, pour prendre cette décision, ait appliqué le droit d'une manière inadmissible. C'est le cas si la décision attaquée contredit manifestement une jurisprudence établie de la Cour européenne des droits de l'homme102. Par contre, les principes juridiques fondamentaux n'ont pas subi 98 99 100 101 102

ATF 139 II 340, consid. 4.

ATF 141 II 14, consid. 1.2.2.3.

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_948/2015 du 12 avril 2016, consid. 1.3.

ATF 140 III 501, consid. 1.3, 143 II 425, consid. 1.3.2.

Voir l'art. 28, al. 1, let. b, CEDH.

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d'atteinte grave s'il est simplement discutable que l'instance précédente ait procédé à la meilleure interprétation du droit ou à la meilleure pesée des intérêts possibles.

Selon la let. c, un cas est aussi particulièrement important si la décision a des conséquences extraordinaires ou d'une grande ampleur. Il doit s'agir de conséquences qui sortent objectivement de l'ordinaire par rapport au quotidien du tribunal103. Le point de vue de la partie succombante n'est pas déterminant à lui seul.

Art. 93a

Recours contre une décision partielle, préjudicielle ou incidente lorsqu'un recours contre la décision finale est en principe irrecevable

Conformément au principe de l'unité de la procédure, le recours au Tribunal fédéral ne saurait être plus large contre une décision partielle, une décision préjudicielle ou une décision incidente qu'il ne l'est contre une décision finale. C'est pourquoi, lorsque la LTF n'ouvre le recours contre une décision finale qu'à la condition que la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important, cette condition doit aussi s'appliquer en cas de recours contre une décision partielle, une décision préjudicielle ou une décision incidente dans la même cause. Les griefs contre la décision partielle, préjudicielle ou incidente sont déterminants.

Art. 93b

Mesures provisionnelles

La réglementation actuelle, qui restreint le pouvoir d'examen de décisions sur des mesures provisionnelles aux seuls griefs de la violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF), doit être modifiée. À l'avenir, le Tribunal fédéral pourra contrôler la légalité d'une mesure provisionnelle pour les mêmes griefs que pour toute autre décision, si la contestation soulève une question juridique de principe ou porte sur un cas particulièrement important (voir le ch. 1.2.4 et l'art. 89b P-LTF).

Art. 97, al. 2 La règle actuelle prévoyant un libre pouvoir d'examen des faits dans les recours contre l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire ­ à la différence de tous les autres domaines du droit, y compris des autres branches de l'assurance sociale ­ est supprimée (voir le ch. 1.2.5).

La garantie constitutionnelle de l'accès au juge (art. 29a Cst.) vaut aussi en matière de droits politiques104. Elle requiert qu'au moins une instance judiciaire dispose d'un plein pouvoir d'examen du point de vue du droit et des faits. Le recours concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires peut aussi être dirigé contre certains actes qui ont été rendus par un exécutif ou un parlement (voir l'art. 88 LTF). Comme il n'y a alors pas d'autorité judiciaire précédant le Tribunal fédéral, il faut que celui-ci puisse contrôler librement les faits pour que cette voie de droit soit conforme à la garantie de l'accès au juge. Le Tribunal fédéral doit aussi être en mesure d'examiner les faits lui-même, le cas échéant, dans le cas 103 104

Voir par ex. les ATF 142 IV 250, consid. 1.3 et 143 II 459, consid. 1.2.3 et 1.2.4.

Voir l'ATF 138 I 61, 72 ss. consid. 4.3.

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des recours dirigés directement contre un acte normatif cantonal (art. 87, al. 1, LTF)105. La nouvelle version de l'al. 2 prévoit donc que la limitation des motifs de recours par l'al. 1 s'applique aux recours en matière de droits politiques et aux recours contre des actes normatifs uniquement si l'autorité précédente est un tribunal.

Art. 98 À l'avenir, le recours portant sur une mesure provisionnelle ne sera recevable que si la contestation soulève une question juridique de principe ou si elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 93b). En contrepartie de cette modification, la limitation des motifs du recours contre les mesures provisionnelles à l'art. 98 sera abrogée (voir le ch. 1.2.4).

Art. 100, al. 2, let. b et c, 3 et 4 Selon la let. b de l'al. 2, le délai de recours de dix jours s'appliquera à l'avenir non seulement à l'entraide pénale internationale et à l'assistance administrative internationale en matière fiscale, mais aussi à toutes les autres décisions en matière d'assistance administrative internationale. Il n'y a en effet pas lieu de maintenir un délai de recours de 30 jours pour les causes d'assistance administrative internationale qui ne concernent pas le domaine fiscal. Le souci d'accélérer la procédure vaut également pour l'ensemble de ce domaine.

Selon la let. c de l'al. 2, le délai de recours de dix jours vaudra à l'avenir pour toutes les décisions d'une instance cantonale unique régies par l'art. 7 LF-EEA. La disposition actuelle (art. 100, al. 2, let. c) ne mentionne que deux conventions de la Haye, créant ainsi une différence avec le délai de recours prévu pour les décisions prises dans le même domaine mais en application des autres conventions de la Haye.

Le nouvel al. 2, let. e, prévoit également un délai de recours de dix jours pour les décisions relatives à une offre publique d'acquisition au sens de la LIMF.

L'al. 3 est modifié et l'al. 4 est abrogé, car le délai de recours en matière de droits politiques est désormais régi par un article autonome, l'art. 101a.

Art. 101a

Recours en matière de droits politiques

Pour des raisons rédactionnelles, un article à part entière est consacré aux délais de recours dans le domaine des droits politiques. Les recours portant sur la régularité du déroulement des élections et votations cantonales seront soumis à un délai de cinq jours, au lieu des 30 jours actuels (voir le ch. 1.2.5).

Art. 105, al. 3 Cette disposition doit être adaptée à l'art. 97, al. 2, P-LTF.

105

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_519/2016 du 4 septembre 2017, consid. 1.5.5.

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Art. 106, al. 3 Lorsque le recours n'est recevable que s'il soulève une question juridique de principe ou qu'il porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important, alors que la valeur litigieuse n'est pas atteinte ou que son objet est normalement exclu du recours, il faut déterminer quels points le Tribunal fédéral doit examiner s'il connaît du recours.

S'il entre en matière uniquement parce que le recours soulève une question juridique de principe, il se limitera en premier lieu à contrôler, sur le plan matériel, si le recours est fondé par rapport à cette question de principe. Si tel est le cas, et seulement alors ­ ce qui implique qu'il doit soit statuer, soit renvoyer l'affaire à l'autorité précédente ­ il examinera les autres griefs. Si l'autorité précédente a bien apprécié la question juridique de principe, il rejettera le recours sans examiner les autres points.

Si le Tribunal fédéral entre en matière sur le recours parce que la contestation porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important, l'examen matériel ne peut pas être échelonné de cette manière.

Art. 107, al. 3, 1re phrase La règle selon laquelle le Tribunal fédéral a un délai de quinze jours pour rendre une décision de non-entrée en matière s'il estime irrecevable un recours en matière d'entraide pénale internationale ou d'assistance administrative internationale en matière fiscale est étendue à tous les recours en matière d'assistance administrative internationale et en matière d'offres publiques d'acquisition au sens de la LIMF. Le besoin de ne pas retarder inutilement l'exécution des mesures d'entraide ou d'assistance ou l'achat des titres de participation motive le court délai d'ordre.

Art. 109, al. 1, 1re phrase La modification proposée est de nature purement rédactionnelle. Essentiellement, le renvoi aux art. 74 et 83 à 85 est supprimé; il devrait être adapté mais en somme, il n'est pas indispensable à la compréhension de la disposition.

Le refus d'entrée en matière motivé par le fait que la contestation ne soulève pas de question juridique de principe et ne porte pas, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important sera statué à trois juges, dans une procédure simplifiée.

Comme aujourd'hui, ces décisions pourront être prises exclusivement par voie de circulation, même s'il
n'y a pas unanimité.

Comme on l'a dit au ch. 1.2.1, le nombre de recours dans lesquels il faudra examiner s'il s'agit d'une question juridique de principe ou d'un cas particulièrement important devrait nettement augmenter suite au présent projet. S'il répond par la négative, le Tribunal fédéral s'efforcera cependant sans doute de clore la procédure en un ou deux mois. Sans tri rapide, il risque de se trouver face à une quantité de recours déposés simplement pour retarder la décision finale. Dans les cas prévus à l'art. 107, al. 3, LTF, le délai de traitement prescrit est de quinze jours. Souvent, les décisions de non-entrée en matière visées à l'art. 109, al. 1, LTF peuvent être prises sans échange préalable d'écritures.

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Art. 112, al. 2 L'al. 2 actuel permet à une autorité cantonale statuant avant le Tribunal fédéral de notifier sa décision sans la motiver si le droit cantonal le prévoit. Les parties peuvent demander une expédition complète dans les 30 jours. Cette expédition est alors déterminante pour le début du délai de recours. On voulait permettre ainsi aux cantons de renoncer à une motivation écrite des jugements pénaux et civils, souvent communiqués oralement par les juges au terme des débats, si aucune des parties n'en exigeait une. Les affaires de droit administratif n'étaient pas visées par cette norme car il est rare, dans ce domaine, que les décisions soient communiquées par oral.

La notification des décisions en matière civile et pénale est réglée au niveau fédéral depuis l'unification de la procédure dans ces deux domaines. Tant le CPC que le CPP permettent uniquement aux instances cantonales inférieures de notifier leurs décisions sans motivation écrite. Pour les instances supérieures, la motivation écrite des jugements est obligatoire106. De fait, les cantons ne peuvent prévoir des règlementations au sens de l'art. 112, al. 2, LTF que dans la procédure administrative.

Elles sont toutefois inusuelles en droit administratif classique et ne se concilient pas vraiment avec le recours des autorités de la Confédération107. Sans motivation écrite, l'autorité fédérale ne peut en effet pas juger s'il y a lieu de recourir. Plusieurs cantons appliquent les allègements prévus par l'art. 112, al. 2, LTF dans le domaine de la protection de l'enfant et de l'adulte (art. 72, al. 2, let. b, ch. 6, LTF).

Le Conseil fédéral estime que la notification des décisions des autorités cantonales de dernière instance devrait obéir aux mêmes exigences dans tous les domaines.

Etant donné que le CPC et le CPP requièrent une motivation écrite pour les instances supérieures et que l'Assemblée fédérale s'est prononcée à plusieurs reprises contre des exceptions108, il convient d'abroger l'art. 112, al. 2, LTF.

Art. 113, 114 et 117 Il y a lieu d'adapter quelques renvois internes dans les articles consacrés au recours constitutionnel subsidiaire. Cet instrument restera recevable contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent pas faire l'objet du recours ordinaire en matière civile, en matière
pénale ou en matière de droit public (y compris le recours en l'existence d'une question juridique de principe ou d'un cas particulièrement important en application de l'art. 89a, al. 3, P-LTF).

Art. 122, let. a Une violation de la CEDH peut être un motif de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral. La demande de révision ne peut être formée que si la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif (art. 44 CEDH), une violation de la CEDH ou de ses protocoles (art. 122, let. a, LTF). Le Conseil fédéral propose 106 107 108

Voir notamment les art. 318, al. 2, et 327, al. 5, CPC et 82 CPP.

Art. 89, al. 2, let. a, LTF Voir la motion Caroni du 11 septembre 2013 (13.3684 «Secondes instances judiciaires.

Supprimer l'obligation de motiver sauf demande expresse des parties»), rejetée par le Conseil national, et en particulier l'avis du Conseil fédéral concernant cette motion.

4755

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d'ajouter comme motif la clôture de la procédure par la Cour européenne suite à un règlement amiable (art. 39 CEDH; voir le ch. 1.2.5).

Selon une pratique constante, le Conseil fédéral ne se prête à régler à l'amiable un litige porté devant la Cour européenne que si la violation invoquée de la CEDH est manifeste et après consultation du Tribunal fédéral. Il n'y a donc pas de risque sérieux que cet instrument soit utilisé pour annuler un arrêt du Tribunal fédéral pour des motifs politiques.

2.2

Modification d'autres actes

1. Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)109 Art. 47, al. 6 Dans le droit en vigueur, cette disposition vise les cas dans lesquels une décision est matériellement sujette à recours alors que la législation attribue la compétence de décision au Conseil fédéral sans que la LTAF mentionne le Conseil fédéral comme autorité précédente du Tribunal administratif fédéral. L'art. 47, al. 6, LOGA prévoit alors la délégation automatique de la compétence de décision au département afin d'ouvrir effectivement le recours au Tribunal administratif fédéral. Or, les décisions rendues par le Conseil fédéral en première instance seront à l'avenir en principe sujettes à recours devant le Tribunal administratif fédéral (voir l'art. 33, let. b, P-LTAF et son commentaire). Ce changement rend obsolète l'art. 47, al. 6, LOGA qui doit être abrogé.

2. Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) Art. 49, al. 1, let. c, et 2 L'article 49 actuel cite comme seule exception à la possibilité d'invoquer l'inopportunité le cas où une autorité cantonale a statué comme autorité de recours. Plusieurs lois fédérales excluent cependant expressément ce motif de recours dans leur do-

109

RS 172.010

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maine110. L'introduction d'une exclusion de ce type est proposée pour les recours contre les décisions d'approbation des plans au sens de la loi fédérale du 8 mars 1960 sur les routes nationales (LRN)111. Pour des raisons de transparence, la disposition est complétée par une réserve en ce sens (concernant les raisons pour lesquelles l'art. 49 PA n'a pas été davantage modifié, voir le ch. 1.3).

Art. 63, al. 4bis à 6 Il s'agit principalement de relever la limite maximale des émoluments judiciaires du Tribunal administratif fédéral (et du Tribunal pénal fédéral dans les affaires de droit administratif), comme l'Assemblée fédérale l'a demandé dans une motion (voir le ch. 1.2.5).

Al. 4bis L'émolument d'arrêté sera au minimum de 200 francs au lieu de 100, selon une suggestion faite dans le développement de la motion des Commissions de gestion de l'Assemblée fédérale. Toutes les autorités de recours statuant sur la base de la PA seront concernées, et non pas seulement le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal pénal fédéral. L'émolument pourra être fixé en dessous de ce montant voire remis si des circonstances particulières le commandent (art. 63, al. 1, 3e phrase, PA).

Al. 5 Cette modification, purement rédactionnelle, vise à préciser que le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal pénal fédéral fixent le détail des émoluments judiciaires dans leurs règlements mais qu'ils ne peuvent pas déroger à l'art. 63 PA.

Al. 6 Ce nouvel alinéa s'inspire de l'art. 65, al. 5, LTF. Si des motifs particuliers le justifient, le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal pénal fédéral pourront fixer des émoluments d'arrêté supérieurs aux montants maximums de l'al. 4 bis, à concurrence du double de ces montants.

110

Le contrôle de l'opportunité est exclu dans la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (Lasi; RS 142.31; art. 106, al. 1), dans la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (RS 172.056.1; art. 31), dans la loi du 1er octobre 2010 sur sur les valeurs patrimoniales d'origine illicite(RS 196.1; art. 11, al. 3), dans la loi fédérale du 14 décembre 2012 sur l'encouragement de la recherche et de l'innovation (RS 420.1; art. 13, al. 3), dans la loi du 11 décembre 2009 sur l'encouragement de la culture (RS 442.1; art. 26), dans la loi du 14 décembre 2001 sur le cinéma (RS 443.1; art. 32) et dans la loi fédérale du 21 mars 1980 sur les demandes d'indemnisation envers l'étranger (RS 981; art. 8, al. 3); il l'est en partie dans la loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (RS 742.101; art. 51, al. 6), dans la loi du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs (RS 745.1; art. 56, al. 3) et dans la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (RS 832.1; art. 53, al. 2, let. e).

111 RS 725.11

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Art. 65, al. 4, 2e phrase Comme à l'art. 64, al. 4, 2e phrase, P-LTF, la prescription de la prétention de la collectivité publique au remboursement de l'assistance judiciaire est réglée explicitement.

Art. 72, let. a Cette disposition doit être précisée de manière analogue à l'art. 84a P-LTF, qui est une reformulation de l'actuel art. 83, let. a, LTF. Il ne s'agit pas d'un changement matériel.

Art. 78, al. 2, 2e phrase Il n'est plus rare aujourd'hui que des décisions du Conseil fédéral soient attaquées ­ à tort ou à raison ­ devant le Tribunal administratif fédéral ou le Tribunal fédéral.

Vu la modification proposée de l'art. 33 LTAF, le nombre de ces recours va peutêtre encore s'accroître. Lorsque le tribunal invite le Conseil fédéral à se déterminer, l'adoption de la prise de position par ce dernier in corpore est une procédure assez lourde. Nous proposons donc de compléter l'art. 78, al. 2, PA de sorte à permettre au département qui a préparé la décision attaquée de représenter le Conseil fédéral devant l'autorité de recours. Il va de soi que le département restera lié par la décision du Conseil fédéral.

3. Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération Art. 36, al. 2, 1re, 2e et 3e phrases La commission de recours externe sui generis du Tribunal fédéral compétente en matière de droit du personnel, prévue par l'art. 36, al. 2, est composée, en droit actuel, par les présidents des tribunaux administratifs des cantons de Lucerne, de Vaud, et du Tessin. Or, les cantons de Lucerne et de Vaud ont intégré leurs tribunaux administratifs dans leur tribunal cantonal. C'est pourquoi la composition de cette commission de recours externe doit être modifiée de sorte que la qualité de membre d'office soit attribuée aux présidents de la cour du tribunal supérieur des cantons de Vaud, de Lucerne et du Tessin qui est compétente en matière de droit du personnel de la fonction publique. Par ailleurs, la formulation est adaptée pour tenir compte de la création de la commission de recours interne prévue à l'art. 25, al. 2 bis, P-LTF.

La commission de recours externe supplée au fait que le recours au Tribunal fédéral n'est pas ouvert contre les décisions de celui-ci concernant son propre personnel.

L'ouverture du recours à cette commission ne devrait pas être plus large que celle du recours devant le Tribunal fédéral dans les autres domaines du droit du personnel. Il convient donc d'appliquer par analogie les dispositions du recours en matière de droit public, en particulier l'art. 83, al. 1, let. g, et 2, ainsi que l'art. 85 LTF (en relation avec l'art. 89a, al. 1, P-LTF). Le recours à la commission de recours externe ne sera ainsi ouvert, dans les contestations pécuniaires dont la valeur litigieuse est 4758

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inférieure à 15 000 francs, que si la contestation soulève une question juridique de principe ou si elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important.

4. Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) Art. 23, al. 2, let. a Le renvoi à l'art. 111 LAsi doit être adapté pour tenir compte des modifications de la formulation de cette disposition.

Art. 32, al. 1, let. a, f et h À la let. a, il convient de prendre en considération le libellé de l'art. 84a P-LTF et de l'art. 72, let. a, P-PA. Dans les domaines du renseignement et des contrôles de sécurité relatifs aux personnes, les lois spéciales statuent la recevabilité du recours au Tribunal administratif fédéral112. Le législateur a estimé que ces cas ne remplissaient pas les conditions d'une exception au sens de l'art. 32, al. 1, let. a, LTAF.

La let. f actuelle interdit le recours au Tribunal administratif fédéral pour les décisions relatives à l'octroi ou à l'extension de concessions d'infrastructures ferroviaires. Cette exception avait été créée surtout pour préserver la compétence d'autorité de première instance du Conseil fédéral ­ en dérogation à la délégation automatique prévue par l'art. 47, al. 6, LOGA. Cette dernière disposition étant abrogée, rien ne justifiera plus d'excepter du contrôle judiciaire les décisions mentionnées en matière de concession d'infrastructures ferroviaires, à la différence des concessions d'autres domaines. Au contraire, la garantie de l'accès au juge de l'art. 29a Cst.

implique la possibilité d'un contrôle judiciaire.

Cette exception sera remplacée par une autre: la fixation de noms géographiques, dans le domaine couvert par la loi du 5 octobre 2007 sur la géoinformation (LGéo)113, par exemple les noms des stations des entreprises de transports concessionnaires, et l'approbation des noms fixés par les cantons, ne pourront pas faire l'objet d'un recours devant un tribunal. Selon cette loi et l'ordonnance du 21 mai 2008 sur les noms géographiques114, les seules parties à ces procédures sont des autorités fédérales, cantonales et communales ou des entreprises de transport concessionnaires. Il suffit que la LGéo prévoie une procédure de règlement des différends (voir l'art. 7, al. 2, P-LGéo).

À la let. h, l'exception existante est aussi remplacée par une nouvelle exception. Les décisions relatives à l'octroi de concessions pour des maisons de jeu ne seront plus exclues du contrôle judiciaire; le respect du cadre juridique et de la procédure à suivre sera également sujet à recours115. Le projet cite à la place l'approbation 112

Art. 83, al. 1, de la loi fédérale du 25 septembre 2015 sur le renseignement (RS 121); art. 21, al. 3, de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (RS 120).

113 RS 510.62 114 RS 510.625 115 Voir le message du 21 octobre 2015 concernant la loi fédérale sur les jeux d'argent; FF 2015 7627 7743 s.

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d'actes normatifs et de tarifs de droit public. Ce ne sont certes guère des décisions sujettes à recours au sens de l'art. 31 LTAF, mais l'incertitude règne dans la pratique. Il est même arrivé que des recours portant sur ces décisions soient examinés matériellement. Ces recours seront cependant recevables si une loi spéciale le prévoit expressément (par ex. art. 53 LAMal).

Art. 33, let. a et b Selon l'art. 189, al. 4, Cst., les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral (et donc devant aucune autorité judiciaire). Le législateur a le droit de faire des exceptions (art. 189, al. 4, 2 e phrase, Cst.) mais il en a usé avec une grande retenue: il n'existe pas de recours direct au Tribunal fédéral contre ces actes. Dans les cas visés par l'art. 33, let. a et b, LTAF, certaines décisions du Conseil fédéral et des organes de l'Assemblée fédérale peuvent néanmoins être attaquées devant le Tribunal administratif fédéral. Il s'agit surtout des décisions relatives aux rapports de travail du personnel de la Confédération et à la révocation de membres des organes directeurs des unités de l'administration fédérale décentralisée. Si la LTF le permet, les décisions sur recours du Tribunal administratif fédéral peuvent être portées devant le Tribunal fédéral.

L'articulation des prescriptions concernant la protection juridictionnelle contre les décisions du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale est relativement compliquée.

C'est une des motivations de la motion du 3 février 2011 de la Commission des institutions politiques du Conseil national «Protection juridique dans les situations extraordinaires»116. La «délégation automatique» réglée à l'art. 47, al. 6, LOGA est souvent mal comprise. Elle fonctionne de la manière suivante: les décisions à rendre par le Conseil fédéral sont déléguées automatiquement au département compétent sur le fond, lorsque, de par leur objet, elles peuvent être attaquées par un recours au Tribunal administratif fédéral (art. 31 et 32 LTAF), mais que le Conseil fédéral ne peut pas être l'autorité précédente de ce dernier selon l'art. 33 LTAF.

Cette règlementation peu lumineuse concerne en principe toutes les décisions du Conseil fédéral, et non pas uniquement celles qui se fondent sur la Constitution et dont traite la
motion. Concernant d'éventuelles décisions de l'Assemblée fédérale, la protection juridictionnelle, imposée dans certains cas par le droit international, ne peut même être assurée que par l'interprétation au sens d'un comblement des lacunes117.

Le Conseil fédéral entend améliorer et, dans une certaine mesure, simplifier comme suit les voies de droit contre les décisions (par opposition aux autres actes visés à l'art. 189, al. 4, Cst.) du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale. La loi citera l'Assemblée fédérale et ses organes, de même que le Conseil fédéral, comme autorités précédentes du Tribunal administratif fédéral lorsqu'ils ont statué en première instance (art. 33, let. a et b, P-LTAF). La liste, assez longue, des types de décisions

116 117

11.3006. La motion n'a pas été approuvée par le Conseil des États.

Les ordonnances ne posent par contre pas de problèmes: celui qui est touché spécifiquement par la réglementation des droits et des obligations qui y sont statués et qui a un intérêt digne de protection peut exiger une décision sujette à recours.

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concernées est supprimée, ainsi que la délégation automatique de l'art. 47, al. 6, LOGA.

Ces nouvelles règles ont pour conséquence que les décisions de première instance de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral pourront être attaquées devant le Tribunal administratif fédéral puis devant le Tribunal fédéral, dans la mesure où la compétence de ces derniers ne sera pas limitée du fait de la liste d'exceptions de l'art. 32 P-LTAF ou des art. 83 et 84a P-LTF. Dans les domaines des affaires étrangères et de la sécurité intérieure et extérieure, le recours ne sera recevable que si la décision ne repose pas principalement sur des considérations politiques ou si le droit international prévoit le droit à un contrôle judiciaire. Si tel n'est pas le cas, les décisions du Conseil fédéral (et éventuellement de l'Assemblée fédérale; voir l'art. 173, al. 1, let. c, Cst.) seront définitives; celles de l'administration fédérale pourront être contestées jusqu'auprès du Conseil fédéral (art. 47 et 72, let. a, PA). Les actes qui ne sont pas des décisions ne pourront pas être attaqués ­ cela découle des art. 31 LTAF et 25a PA. Les «actes matériels» pourront toutefois donner lieu à une décision sujette à recours aux conditions (relativement sévères) de l'art. 25a PA118.

5. Code de procédure pénale (CPO) Art. 40, al. 1, 59, al. 1, phrase introductive, 125, al. 2, 1 re phrase, 150, al. 2, 2e phrase, 186, al. 2, 2e phrase, et 3, 248, al. 3, phrase introductive, et 440, al. 3 Le terme «définitivement» est supprimé dans toutes ces dispositions. Il est décrit à l'art. 380 CPP comme signifiant simplement qu'aucun moyen de recours prévu par le CPP n'est possible. Les décisions définitives visées peuvent aujourd'hui être attaquées directement devant le Tribunal fédéral, ce qui ne correspond pas au rôle de la juridiction suprême (voir le ch. 1.2.5). Elles seront donc à l'avenir sujettes à recours conformément à l'art. 393 CPP, à moins qu'elles n'aient été prises par une instance statuant directement avant le Tribunal fédéral au sens de l'art. 80 LTF.

Art. 119, al. 2, let. a, et 120, al. 2 La version française de ces deux dispositions utilise le terme «plainte pénale». Le terme de plainte étant utilisé dans un autre sens à l'art. 30 CP, il sera remplacé ici par «action pénale».

Art. 135, al. 3 La règlementation actuelle des recours contre les décisions fixant l'indemnisation du défenseur d'office est insatisfaisante à divers égards. D'une part, la disposition de la let. a entraîne des disparités dans les voies de droit ouvertes. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le ministère public peut contester les honoraires du défenseur d'office par voie d'appel119. Si le défenseur d'office conteste également ses honoraires ­ devant l'autorité de recours ­, la dualité des voies de droit peut entraîner des 118 119

Voir l'ATF 140 II 315, consid. 4.

ATF 139 IV 199, consid. 5.5

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difficultés. C'est pourquoi la décision fixant l'indemnité pourra être contestée par les mêmes moyens de droit que ceux autorisés pour la cause principale.

D'autre part, le défenseur d'office peut recourir contre la décision de l'autorité de recours ou de la juridiction d'appel du canton devant le Tribunal pénal fédéral (let. b). Cette voie de droit, d'un tribunal pénal cantonal au Tribunal pénal fédéral, est atypique en dehors des différends relatifs aux compétences et à l'entraide judiciaire. Elle prolonge indûment les procédures de recours dans la mesure où la décision du Tribunal pénal fédéral peut encore être attaquée devant le Tribunal fédéral120. De plus, les voies de droit actuelles ne sont pas uniformes lorsque tant l'indemnité pour la procédure de première instance que celle pour la procédure de deuxième instance sont contestées121. Il faut donc que les décisions des autorités de recours et d'appel cantonales fixant l'indemnité soient régies par la LTF; la let. b sera supprimée.

Art. 365, al. 3 La question des voies de droit autorisées en cas de décisions judiciaires ultérieures indépendantes est controversée, du fait que l'art. 365 ne règle pas expressément s'il s'agit d'un jugement, d'une décision ou d'une ordonnance (voir l'art. 80, al. 1, CPP).

La doctrine dominante penche en faveur du recours, car la décision judiciaire ultérieure indépendante prend la forme d'une décision ou d'une ordonnance (notamment parce que la définition du jugement est restrictive et qu'il ne s'agit pas de trancher une question au fond). Le Tribunal fédéral a aussi tranché dans ce sens 122.

La doctrine a porté un regard critique sur cette jurisprudence, notamment en raison de la dichotomie existant entre les mesures prononcées en première instance, par exemple l'internement, et celles prononcées dans le cadre de décisions judiciaires ultérieures indépendantes, les premières pouvant faire l'objet d'un appel, les secondes n'étant susceptibles que du recours. Certains auteurs considèrent de plus que le recours ne permet pas d'embrasser la portée matérielle de nombreuses décisions ultérieures et qu'il restreint de manière inopportune les droits procéduraux des personnes concernées123.

Le nouvel al. 3 précise donc que les décisions ultérieures indépendantes sont susceptibles d'appel. Ainsi, il sera clair que
le recours au Tribunal fédéral sera recevable en dernière instance contre ces décisions (l'art. 79, al. 1, let. b, P-LTF ne s'appliquera pas).

Art. 377, al. 4, 3e phrase Selon le droit en vigueur, le tribunal se prononce sur une opposition, dans le cadre de la procédure de confiscation indépendante, sous la forme d'une décision ou d'une ordonnance (art. 377, al. 4, CPP). Ce prononcé ne peut donc être attaqué que par voie de recours (art. 393, al. 1, let. b, CPP).

120 121 122 123

Voir l'art. 79, al. 1, let. b, et 2, P-LTF.

Voir l'ATF 140 IV 213, consid. 1.6.

ATF 141 IV 396 Voir l'ATF 141 IV 396, consid. 3.9.

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Puisque le projet prévoit qu'on puisse former appel contre les décisions judiciaires ultérieures indépendantes (voir l'art. 365, al. 3, P-CPP), il s'impose, pour des raisons de cohérence, d'ouvrir également cette voie de droit contre les décisions sur des oppositions, en complétant en conséquence l'al. 4.

Art. 393, al. 1, let. c À l'avenir, les décisions du tribunal des mesures de contrainte pourront faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 393 CPP de manière générale et non plus seulement lorsqu'un autre article du CPP le prévoit. Cette adaptation est nécessaire pour que les décisions du tribunal des mesures de contrainte ne soient plus directement attaquables devant le Tribunal fédéral (voir le ch. 1.2.5).

Art. 398, al. 1 Cette disposition doit être complétée car l'appel sera ouvert contre les décisions judiciaires ultérieures indépendantes et contre les décisions de confiscation indépendantes (art. 365, al. 3, et 377, al. 4, P-CPP).

6. Loi fédérale du 14 décembre 2012 sur l'encouragement de la recherche et de l'innovation (LERI) Art. 13, al. 3 La modification est purement rédactionnelle. Au lieu de reproduire la description des griefs admissibles dans les recours devant le Tribunal administratif fédéral, telle qu'elle figure à l'art. 49 PA, on se borne à mentionner l'exception à la règle, c'est-àdire à exclure le grief de l'inopportunité.

7. Loi du 5 octobre 2007 sur la géoinformation (LGéo) Art. 7, al. 2 La loi sur la géoinformation a attribué au Conseil fédéral la compétence de se prononcer en dernière instance en cas de litiges relatifs aux noms géographiques. Cela a obligé le gouvernement à statuer sur des recours relatifs à la dénomination d'une gare ou d'un arrêt de bus. En l'absence de divergences entre départements fédéraux, il n'y a pas de justification pour charger le gouvernement de trancher ce genre de questions à caractère éminemment local. C'est pourquoi il est prévu qu'à l'avenir, ce seront les départements compétents qui trancheront définitivement les litiges en cas de dissensions entre le canton, la commune, l'entreprise de transports ou les offices fédéraux. C'est uniquement dans l'hypothèse où plusieurs départements sont concernés et sont d'avis divergents que la compétence de décision appartiendra au Conseil fédéral.

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8. Loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA) Art. 56

e. Recours au Tribunal fédéral

Dans le domaine de l'impôt fédéral direct, la possibilité de recourir directement au Tribunal fédéral contre toute décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôt (art. 146 LIFD124) a été supprimée par la loi fédérale du 26 septembre 2014 sur l'adaptation de la LIFD et de la LHID aux dispositions générales du code pénal125. L'art. 56 LIA, qui prévoit un régime similaire à celui de l'ancien art. 146 LIFD, doit être adapté afin d'établir un régime uniforme en matière de recours dans le domaine fiscal. L'exigence selon laquelle seuls des tribunaux cantonaux supérieurs peuvent statuer comme autorité judiciaire précédant immédiatement le Tribunal fédéral doit valoir sans exception (voir le ch. 1.2.5). Par analogie avec l'art. 146 LIFD, un droit de recours est accordé à l'administration fiscale cantonale (chargée de l'impôt anticipé).

9. Loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO) Art. 31, al. 3 Dans le domaine de l'impôt fédéral direct, la possibilité de recourir directement au Tribunal fédéral contre toute décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôt (art. 146 LIFD) a été supprimée par la loi fédérale du 26 septembre 2014 sur l'adaptation de la LIFD et de la LHID aux dispositions générales du code pénal. L'art. 31, al. 3, LTEO, qui prévoit un régime similaire à celui de l'ancien art. 146 LIFD, doit être adapté afin d'établir un régime uniforme en matière de recours dans le domaine fiscal. L'exigence selon laquelle seuls des tribunaux cantonaux supérieurs peuvent statuer comme autorité judiciaire précédant immédiatement le Tribunal fédéral doit valoir sans exception (voir le ch. 1.2.5). Le Conseil fédéral a proposé une norme identique dans son message du 6 septembre 2017 relatif à la modification de la LTEO126.

10. Loi fédérale du 8 mars 1960 sur les routes nationales (LRN) Art. 28, al. 5 Conformément à son titre, l'art. 28 LRN régit les décisions d'approbation des plans, leur durée de validité et les voies de recours. Ces dernières figuraient à l'al. 5, abrogé par la LTAF. Le Conseil fédéral propose de renvoyer dans cet alinéa aux disposi-

124 125 126

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).

RO 2015 779 FF 2017 5837 5867

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tions générales de la procédure administrative et à la loi fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation127, tout en excluant le grief de l'inopportunité.

La planification des routes nationales relève de trois autorités. L'Assemblée fédérale fixe le tracé général et le type des routes nationales à construire (art. 11 LRN). Le Conseil fédéral approuve les projets généraux, où figurent des éléments essentiels tels que le tracé et les points d'accès (art. 20 LRN). Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication prend la décision d'approbation des plans relatifs aux projets définitifs élaborés par l'Office fédéral des routes (art. 26 LRN). Les autorités concernées disposent d'une marge d'appréciation importante dans le cadre de la procédure de planification; celle-ci est fondée sur de solides compétences techniques. Le droit administratif donne un large champ à l'administration, la justice n'intervenant qu'en cas de violation des dispositions légales. Dans le cas de la construction de routes nationales et en particulier de l'approbation des plans, il est approprié d'exclure le grief de l'opportunité. Cette restriction modérée du pouvoir de cognition du Tribunal administratif fédéral aura de plus pour effet d'accélérer des procédures souvent de longue haleine.

11. Loi fédérale du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF) Art. 51a, al. 2 La modification est purement rédactionnelle. Au lieu de reproduire la description des griefs admissibles dans les recours devant le Tribunal administratif fédéral, telle qu'elle figure à l'art. 49 PA, on se borne à mentionner, dans la 2 e phrase, l'exception à la règle, c'est-à-dire à exclure le grief de l'inopportunité.

12. Loi du 8 octobre 2004 sur la transplantation128 Art. 68, al. 2 Le terme «Tribunal administratif fédéral» est remplacé par celui d'instance de recours. En effet, le recours sera aussi ouvert devant le Tribunal fédéral contre la décision sur recours du Tribunal administratif fédéral en matière de transplantation d'organes, de tissus et de cellules si la contestation soulève une question juridique de principe ou si elle porte, pour d'autres motifs, sur un cas particulièrement important (art. 83, al. 2, et 89a, al. 1, P-LTF).

127 128

RS 711 RS 810.21

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13. Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)129 Art. 61, let. bbis Selon la jurisprudence, le grief de l'inopportunité peut être invoqué dans un recours devant le tribunal cantonal des assurances130. Cette interprétation se fonde sur le fait que les tribunaux cantonaux des assurances ne sauraient avoir un pouvoir d'examen plus réduit que le Tribunal administratif fédéral dans le même type de litige 131. Il convient d'inscrire expressément cette règle à l'art. 61 LPGA. Elle sera toutefois limitée au cas des litiges relatifs aux prestations d'assurance, à l'exclusion de ceux relatifs aux cotisations, comme c'était le cas jusqu'en 2006132.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le Tribunal fédéral devrait se concentrer davantage sur des cas qui, de par leur importance et surtout de par la portée des questions juridiques soulevées, méritent d'être examinés par l'instance judiciaire suprême. Cet objectif de la présente révision passe d'une part par une réduction du nombre d'affaires simples de routine, dans lesquelles le Tribunal fédéral ne peut généralement guère que confirmer les décisions des autorités précédentes, d'autre part par la possibilité de porter devant lui les cas soulevant des questions de principe, même s'ils relèvent de domaines dans lesquels le recours est aujourd'hui irrecevable. La présente révision n'est pas un véritable projet d'allègement, mais les mesures proposées sont équilibrées de telle sorte qu'elles devraient, prises toute ensemble, favoriser la stabilisation à moyen terme de la charge actuelle du Tribunal fédéral.

De fait, le projet n'a pas de conséquences notables pour le Tribunal fédéral en termes de ressources et de personnel, ni pour les autres autorités jurisprudentielles de la Confédération. Le relèvement de la limite supérieure des émoluments judiciaires (voir le ch. 1.2.5) apportera des recettes supplémentaires, mais seulement sur un très petit nombre de cas.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

La suppression des dispositions qui permettaient d'attaquer directement des décisions de tribunaux cantonaux de première instance devant le Tribunal fédéral (voir le ch. 1.2.5) entraînera un surcroît de travail pour les tribunaux cantonaux de seconde instance. Pour les autorités de recours et les juridictions d'appel régies par le CPP, 129 130 131 132

RS 830.1 ATF 137 V 71, consid. 5.2.

Voir l'art. 49 PA.

Voir l'art. 132, let. a, de la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (RO 1969 787).

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notamment, cet accroissement ne sera pas énorme mais cependant sensible. Les cantons ne seront cependant pas obligés d'instituer de nouvelles autorités ni de modifier leur organisation.

L'abrogation de l'art. 112, al. 2, LTF créera davantage de travail pour les cantons qui ont encore pour pratique, en juridiction administrative, que le tribunal cantonal supérieur notifie une partie de ses décisions sans motivation écrite, ne délivrant celle-ci que si on le lui demande (voir le commentaire de l'art. 112, al. 2).

3.3

Conséquences économiques

Un système judiciaire performant, dans lequel tant les citoyens que les entreprises peuvent placer leur confiance, est essentiel à la bonne santé de l'économie. Le projet consiste en des ajustements des compétences du Tribunal fédéral, afin que la juridiction suprême de la Confédération puisse mieux assumer ses tâches essentielles. Dans l'ensemble, il ne réduit pas la protection des justiciables, mais ne crée pas non plus de procédure inutile.

4

Rapport avec le programme de la législature

La modification de la LTF n'est pas prévue dans le message du 27 janvier 2016 133 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019134. Il concrétise les résultats du rapport du Conseil fédéral du 30 octobre 2013 sur les résultats de l'évaluation de la nouvelle organisation judiciaire fédérale 135 et répond au voeu de l'Assemblée fédérale, exprimé au travers de la motion du 12 mai 2017 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national «Révision de la loi sur le Tribunal fédéral»136.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur les art. 123, al. 1, 177, al. 3, 187, al. 1, let. d, 188, al. 2, 189, al. 4, 191 et 191a Cst. Ces articles donnent à la Confédération la compétence de régler l'organisation et la procédure du Tribunal fédéral et de légiférer en matière de procédure fédérale de droit public et de procédure pénale. L'acte normatif ci-joint modifie la LTF et, en annexe, d'autres lois existantes. Il ne prévoit aucune nouvelle exception à la garantie de l'accès au juge consacré par l'art. 29a Cst.

133 134 135 136

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 2013 8143 17.3357

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5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec le droit international applicable par la Suisse, en particulier la CEDH, le Pacte international du 16 décembre 1966 sur les droits civils et politiques137 et les accords bilatéraux avec l'Union européenne. La modification proposée de l'art. 33 LTAF créera une situation plus nette concernant les décisions du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale, dans les cas où le droit international exige qu'un différend puisse être porté devant un tribunal national. L'art. 11, al. 3, ALCP garantit le recours à une instance judiciaire (seconde instance de recours) 138.

Pour assurer le respect de cette garantie (si la procédure devant l'instance précédente n'a pas permis de le faire), le Tribunal fédéral pourra entrer en matière sur un recours dans le domaine du droit des étrangers en se fondant sur l'art. 89a, al. 1, P-LTF ou sur les dispositions relatives au recours constitutionnel subsidiaire. Le Tribunal fédéral approuve cette conception.

137 138

RS 0.103.2 Voir également l'art. 11, al. 3, de l'annexe K à la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Echange (AELE), RS 0.632.31.

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