18.069 Message concernant la révision du code civil suisse (Droit des successions) du 29 août 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de révision du code civil suisse (Droit des successions), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2011

M 10.3524

Moderniser le droit des successions (E 23.9.10, Gutzwiller; N 02.03.11; E 07.6.11)

2017

P

Familles recomposées. Quelle solution pour un droit des successions ab intestat moderne?

(N 15.03.17, Nantermod)

16.3416

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 août 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-1536

5865

Condensé Le droit suisse des successions n'a pratiquement pas évolué depuis plus d'un siècle. Le projet de loi qui fait l'objet du présent message constitue le premier volet d'une révision d'envergure qui a pour but d'adapter le droit des successions à l'évolution de la société sans toutefois en modifier la structure fondamentale. En particulier, la révision vise à permettre au testateur de disposer plus librement de son patrimoine.

Contexte Le droit des successions date pour l'essentiel de la création du code civil, au début du 20e siècle. Le contexte social a toutefois beaucoup changé depuis le début du siècle passé: l'espérance de vie moyenne a considérablement augmenté, le mariage a perdu sa position de monopole dans les relations de couple, les deuxième et troisième unions sont devenues plus fréquentes et les modèles familiaux se sont diversifiés. Ces changements devraient être pris en compte dans une révision du droit successoral.

Contenu du projet La révision proposée par le Conseil fédéral est centrée sur une augmentation de la liberté de disposer du testateur au moyen d'une réduction des réserves légales. Le de cujus bénéficiera ainsi d'une plus grande marge de manoeuvre pour disposer de ses biens, et cela à double titre. D'une part il aura la possibilité de transmettre une plus grande partie de son patrimoine à l'héritier de son choix, ce qui facilitera notamment la transmission des entreprises familiales. D'autre part, cela permettra au testateur de favoriser davantage d'autres personnes par la voie d'une disposition pour cause de mort, par exemple un partenaire de vie (personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt), ou les enfants de celui-ci. Le projet ne prévoit en revanche pas d'accorder au partenaire de vie le statut d'héritier légal ou réservataire, car il existe des degrés variés dans les relations qui peuvent se créer avec un partenaire de vie. Il doit donc revenir au de cujus de décider quelles sont les personnes qui sont assez proches de lui pour recevoir une part de sa succession.

De plus, au nom de la sécurité du droit, le projet clarifie plusieurs points controversés tels que le traitement de la part supplémentaire de bénéfice attribuée par contrat de mariage ou par convention sur les biens dans la succession, le traitement des avoirs de la prévoyance
individuelle liée (pilier 3a) et l'ordre des réductions.

Enfin, pour éviter des situations choquantes dans lesquelles le partenaire de vie serait contraint de recourir à l'aide sociale après le décès du de cujus, alors que la succession disposerait de suffisamment de biens pour l'empêcher, le Conseil fédéral propose la création d'une «créance d'assistance». Il s'agit d'un montant limité pris sur la succession et destiné à couvrir le minimum vital du partenaire de vie.

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Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Evolution de la réalité sociale 1.2 Considérations fondamentales sur la législation en droit successoral 1.3 Aspects internationaux: avant-projet de révision de la loi fédérale sur le droit international privé (successions)

5870 5870

2

Genèse du projet 2.1 Le mandat parlementaire: motion Gutzwiller 10.3524 2.2 Autres interventions parlementaires 2.3 Expertises 2.4 Avant-projet 2.5 Résultats de la consultation 2.6 Décision du Conseil fédéral du 10 mai 2017 2.7 Consultation d'experts

5873 5873 5874 5876 5876 5877 5878 5878

3

Les changements proposés 3.1 Grandes lignes du projet 3.2 Modification des réserves 3.2.1 Remarque générale 3.2.2 Suppression de la réserve des père et mère 3.2.3 Réduction de la réserve des descendants 3.2.4 Maintien de la réserve du conjoint ou partenaire enregistré survivant 3.2.5 Tableau synoptique des réserves et de la quotité disponible selon le droit actuel et selon le projet 3.2.6 Comparaison du droit des réserves avec quelques pays européens 3.3 Perte de la réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution 3.3.1 Remarque générale 3.3.2 Réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution selon le droit en vigueur 3.3.3 Réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution selon le projet 3.4 Augmentation de la quotité disponible en présence d'un usufruit en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant 3.4.1 Remarque générale 3.4.2 Quotité disponible en présence d'un usufruit selon le droit en vigueur

5879 5879 5880 5880 5882 5883

5871 5872

5883 5884 5885 5888 5888 5888 5889 5890 5890 5891

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3.4.3

Quotité disponible en présence d'un usufruit selon le projet 3.4.4 Exemples de calcul 3.5 Clarification du traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant par contrat de mariage ou convention sur les biens 3.5.1 Remarque générale 3.5.2 Traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice selon le droit en vigueur 3.5.3 Traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice selon le projet 3.5.4 Exemples de calcul 3.6 Clarification du traitement de la prévoyance individuelle liée dans la succession 3.6.1 Remarque générale 3.6.2 Le traitement des avoirs de la prévoyance individuelle liée dans la succession selon le droit en vigueur 3.6.3 Le traitement des avoirs de la prévoyance individuelle liée dans la succession selon le projet 3.6.4 Exemples de calcul 3.7 Clarifications en matière de réduction 3.7.1 Remarque générale 3.7.2 La réduction selon le droit en vigueur 3.7.3 La réduction selon le projet 3.8 Instauration d'une créance d'assistance en faveur du partenaire de vie 3.8.1 Remarque générale 3.8.2 Du «legs d'entretien» à la «créance d'assistance» 3.8.3 La créance d'assistance 3.8.4 Exemples de calcul de la créance d'assistance 3.8.5 Droits du partenaire de vie survivant dans d'autres ordres juridiques 3.9 Droit transitoire 3.10 Postulat Nantermod 16.3416 3.10.1 Objet du postulat 3.10.2 Remarque générale 3.10.3 Propositions de solution évoquées dans le postulat 3.10.4 Conclusion

5892 5893

5895 5895 5896 5897 5898 5900 5900 5901 5904 5905 5906 5906 5907 5908 5909 5909 5910 5911 5914 5916 5917 5919 5919 5919 5920 5922

4

Classement d'interventions parlementaires

5923

5

Commentaire des dispositions 5.1 Code civil 5.2 Loi sur le partenariat

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5868

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5.3 6

Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité

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Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes 6.3 Conséquences pour l'économie 6.4 Conséquences pour la société 6.5 Conséquences sous l'angle de l'égalité entre hommes et femmes

5940 5940 5940 5941 5942

7

Relation avec le programme de législature

5943

8

Aspects juridiques 8.1 Constitutionnalité et légalité 8.2 Compatibilité avec les obligations internationales 8.3 Forme de l'acte à adopter 8.4 Frein aux dépenses 8.5 Délégation de compétences législatives 8.6 Protection des données

5943 5943 5943 5944 5944 5944 5944

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Bibliographie

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Code civil suisse (Droit des successions) (Projet)

5949

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Message 1

Contexte

1.1

Evolution de la réalité sociale

Le droit des successions est actuellement régi par les art. 457 à 640 du code civil (CC)1. Contrairement à la plupart des autres parties du code, il n'a subi que peu de modifications depuis le 1er janvier 1912, date de son entrée en vigueur. Lors de la révision du droit de l'adoption, les enfants adoptifs ont été placés sur le même rang que les enfants naturels2. Le nouveau droit de l'enfant a assimilé les enfants nés hors du mariage aux enfants «légitimes»3. On peut aussi citer comme changement marquant l'amélioration, en 1988, de la situation du conjoint survivant dans la dévolution successorale4. Malgré ces modifications, force est de constater que les caractéristiques essentielles du droit successoral suisse sont demeurées les mêmes depuis maintenant une centaine d'années5. En cela, ce domaine du droit se distingue fondamentalement de celui du droit de la famille, qui a subi de profondes modifications depuis les années 1970 et qui se trouve aujourd'hui dans une nouvelle phase de modernisation. On peut en conclure que le législateur de l'époque a réussi à élaborer des normes simples, cohérentes et surtout durables, à partir de la mosaïque des règlementations cantonales préexistantes, qui différaient grandement les unes des autres.

Depuis l'entrée en vigueur du CC, les réalités sur lesquelles s'appuient les règles en matière de succession se sont pourtant considérablement modifiées. Les réalités socio-démographiques étaient alors encore homogènes. La société a changé de visage ces dernières décennies: le nombre croissant de divorces et l'allongement de la durée de vie ont rendu plus fréquentes les deuxième et troisième unions, ainsi que les familles recomposées. Il n'est pas rare que les enfants ne vivent plus uniquement auprès de leur père et mère. Souvent, ils vivent chez l'un d'entre eux, qui a une nouvelle ou un nouveau partenaire. Les enfants que ce dernier a eus, par ailleurs, vivent parfois aussi sous le même toit. Les relations parent-enfant prennent ainsi une multitude de formes qui ne sont souvent pas reconnues en droit.

Parallèlement, le mariage a perdu sa position de monopole dans les relations de couple et de famille6. De nombreuses communautés de vie se forment en dehors du mariage, avec ou sans enfant. Sur le plan du droit successoral, cette évolution signifie que de plus en plus d'unions de fait se nouent sans être reconnues (suffisamment) 1 2 3 4

5 6

RS 210 Message du 12 mai 1971 concernant la révision du code civil suisse (Adoption et art. 321 CC), FF 1971 I 1222 ss.

Message du 5 juin 1974 concernant la modification du code civil suisse (Filiation), FF 1974 II 1 ss.

Message du 11 juillet 1979 concernant la révision du code civil suisse (Effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et successions), FF 1979 II 1179 ss; pour une vue d'ensemble des révisions depuis 1912, voir Wolf/Genna, p. 8 ss.

Wolf/Genna, p. 11.

A ce sujet, voir par ex. Preisner, p. 786.

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par la loi et notamment sans qu'il se crée un lien de parenté qui fonderait de par la loi un droit en matière de succession. Cette évolution, qui a pris place au cours des dernières décennies, a creusé un fossé entre les modes de vie d'une part, le droit de la famille et la politique familiale d'autre part7. Il n'est actuellement pas possible, dans une succession, de combler intégralement ce fossé par une disposition testamentaire, car la liberté de tester est considérablement restreinte par la réserve successorale. Le but du droit de la famille et du droit des successions est pourtant d'offrir un cadre juridique fiable aux relations familiales. Si le droit et la réalité ne coïncident plus, l'ordre juridique ne peut plus remplir correctement sa fonction.

L'objectif majeur de la présente révision sera donc de combler le fossé qui s'est creusé et de concilier la loi et les nouvelles réalités sociales.

Outre les changements généraux de la société que l'on vient d'évoquer, l'allongement de l'espérance de vie à la naissance est d'une importance cruciale pour le droit successoral. Elle a presque doublé depuis 1900, passant de 46 à 81 ans pour les hommes et de 49 à 85 ans pour les femmes. On est aujourd'hui plus vieux au moment où l'on meurt et où l'on laisse une succession. Les héritiers se situent aussi dans une autre tranche d'âge qu'autrefois. Les successions entraînent une concentration des biens auprès de la génération des retraités. Les règles en la matière ne remplissent de ce fait plus la fonction de fournir aux personnes encore jeunes l'apport financier dont elles peuvent avoir besoin pour construire la vie qu'elles envisagent de mener.

De plus, étant donné le fort développement des systèmes étatiques de sécurité sociale, la fortune familiale et les successions n'ont plus l'importance qu'elles avaient pour faire face aux aléas de la vie. L'aide sociale, les allocations de chômage, l'assurance vieillesse et invalidité s'y sont largement substitués. L'héritage ne vient plus assurer l'existence de celui qui le reçoit; il sert éventuellement à maintenir un train de vie ou à couvrir des besoins supplémentaires, ou alors il vient uniquement augmenter un patrimoine.

Le droit successoral garde cependant une grande importance économique et sociale en Suisse: deux tiers de la population suisse ont
hérité ou attendent un héritage. Le volume annuel des successions dépasse l'épargne brute des ménages privés, bien que les estimations divergent quant aux chiffres exacts. Un tiers de la population ne reçoit cependant rien par la voie successorale; les 10 % supérieurs reçoivent les trois quarts de la somme totale des successions8.

1.2

Considérations fondamentales sur la législation en droit successoral

Eugen Huber a formulé en 1900 les objectifs que le législateur devait poursuivre dans le droit des successions. Ces objectifs peuvent encore être considérés comme valables aujourd'hui: (1) sauvegarde de la paix intergénérationnelle, (2) préservation par-delà la mort du patrimoine constitué par le défunt et (3) distribution juste et 7 8

Preisner, p. 792.

Stutz/Bauer/Schmugge, p. 22.

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économiquement raisonnable des biens laissés par ce dernier en fonction de ses plans9.

C'est surtout le premier point qui est important dans le contexte actuel. Le droit successoral est étroitement lié à la conception et à l'expérience qu'a la population de la famille et des relations de couple. Chaque révision doit donc toujours avoir pour objectif central de créer des règles claires et reconnues, notamment parce que le droit successoral ne fait pas que régler ce qui se passe au décès d'une personne, mais lui offre aussi la possibilité de s'écarter dans une certaine mesure de la règle ordinaire, et d'y substituer ses propres conceptions. Celui qui veut disposer à son gré de ses biens doit comprendre ce qu'il adviendra de ceux-ci en l'absence de dispositions de sa part et de quelle latitude il jouit pour régler lui-même ses affaires. En particulier, l'art. 498 CC, disposition centrale du droit des successions, qui permet au de cujus de rédiger valablement ses dernières volontés sans l'aide d'un tiers et surtout sans conseil juridique, présuppose que les normes en la matière soient aisément compréhensibles pour une personne majeure et capable de discernement.

Le droit des successions, tel qu'il est réglé aujourd'hui dans le CC, est formulé de manière simple et accessible et donc ­ du moins pour l'essentiel ­ compréhensible pour la plupart des gens. Il faudra veiller, lors de toute révision, à ne pas créer d'institutions juridiques nouvelles compliquées ni à adopter des normes compromettant la clarté et la cohérence de l'ensemble du domaine.

Les conflits autour d'une succession sont souvent très émotionnels; le droit en général, et le droit des successions en particulier, a notamment pour fonction de prévenir les conflits et de sauvegarder la paix sociale. Il faut cependant pour cela que les normes applicables soient aussi claires et simples que possible. Il est particulièrement important, dans ce domaine, de se référer autant que possible à des faits clairement définis. C'est le cas du droit actuel, qui fonde les effets juridiques sur les relations de parenté et sur les institutions du mariage et du partenariat enregistré ­ mais non sur les communautés de vie de fait, qu'il faudrait d'abord définir et ensuite évaluer dans chaque cas.

1.3

Aspects internationaux: avant-projet de révision de la loi fédérale sur le droit international privé (successions)

Au vu de la croissante mobilité de la population, les cas de successions internationales deviennent plus fréquents. Par décision du 14 février 2018, le Conseil fédéral a envoyé en consultation un avant-projet de révision de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)10 concernant les successions11. La révision envisagée a pour but principal une harmonisation partielle du droit interna-

9 10 11

Huber, ch. 822.

RS 291 L'avant-projet peut être consulté à l'adresse suivante: www.bj.admin.ch > Accueil OFJ > Actualité > News > 2018 > Successions internationales: réduire au maximum les conflits de compétence.

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tional privé suisse avec le nouveau règlement européen sur les successions12, applicable aux successions internationales ouvertes à partir du 17 août 2015. Ce règlement, bien que non applicable en Suisse, a un impact important sur le règlement des successions internationales et sur la planification patrimoniale en Europe. Par la modification des règles suisses en matière de compétence des autorités et de reconnaissance des décisions, l'avant-projet vise à réduire le potentiel de conflits de compétence entre autorités suisses et européennes et à éviter que des décisions contradictoires ne soient prises par ces autorités. Dans les cas où une modification ne paraît pas judicieuse, l'avant-projet vise au moins à un réajustement du droit applicable. Il formule également des propositions visant à compléter et clarifier le droit en vigueur. Cet avant-projet ne traite toutefois d'aucune question de droit matériel suisse et peut ainsi être considéré comme indépendant de la présente révision.

2

Genèse du projet

2.1

Le mandat parlementaire: motion Gutzwiller 10.3524

Le 17 juin 2010, Felix Gutzwiller, député au Conseil des Etats, a déposé la motion 10.3524. Elle chargeait le Conseil fédéral «de revoir et d'assouplir le droit des successions, notamment les dispositions sur la réserve, afin qu'il réponde aux exigences actuelles. Ce droit, qui a plus de 100 ans, devra être adapté à des réalités sociales, familiales et démographiques et à des modes de vie qui ont radicalement changé. Le droit actuel sera maintenu dans sa substance et le rôle pérenne de la famille sera préservé. Malgré cette révision partielle, le disposant restera libre de favoriser ses proches dans la mesure prévue par le droit en vigueur.» Suite à l'avis favorable donné par le Conseil fédéral le 25 août 2010, le Conseil des Etats a accepté la motion par 32 voix contre 7, le 23 septembre 201013. La CAJ-N a procédé à l'examen préliminaire le 5 novembre 2010 et a proposé au plénum un texte modifié dans son rapport daté du même jour14. Lors de sa séance du 2 mars 2011, le Conseil national a suivi la proposition de sa commission et accepté la version modifiée de la motion (également approuvée par le Conseil fédéral 15) par 94 voix contre 43. La teneur en est la suivante (modification en gras): «Le Conseil fédéral est chargé de revoir et d'assouplir le droit des successions, notamment les dispositions sur la réserve, afin qu'il réponde aux exigences actuelles. Ce droit, qui a plus de 100 ans, devra être adapté à des 12

13 14

15

Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, JO L 201/107 du 27 juillet 2012.

BO 2010 E 876 Le rapport de la CAJ-N du 5 novembre 2010 peut être consulté à l'adresse suivante: www.parlament.ch > Page d'accueil > Travail parlementaire > Recherche curia vista > Motion 10.3524 > Rapports de commission > 05.11.2010 - Commission des affaires juridiques du Conseil National.

Intervention Sommaruga, BO 2011 N 111.

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réalités sociales, familiales et démographiques et à des modes de vie qui ont radicalement changé. Le droit actuel sera maintenu dans sa substance et le rôle pérenne de la famille sera préservé (pas d'égalité en droit successoral entre les concubins et les couples mariés). Malgré cette révision partielle, le disposant restera libre de favoriser ses proches dans la mesure prévue par le droit en vigueur.» Par la parenthèse qu'elle a ajoutée, la commission (suivie par le Conseil national) voulait exprimer son scepticisme quant au développement de la motion, notamment quant au fait que «les dispositions du droit des successions, notamment celles qui régissent la réserve, [soient] étendues aux partenaires de vie non mariés, actuellement désavantagés, afin qu'ils bénéficient d'un traitement plus juste et soient placés sur un pied d'égalité avec les couples mariés et les couples de même sexe liés par un partenariat enregistré (on fixera, le cas échéant, les conditions à remplir en termes d'équivalence des règles de vie commune et de responsabilité envers l'autre partenaire)»16. Le 7 juin 2011, le Conseil des Etats a fini par se rallier, sur proposition de sa commission17, à cette version adaptée de la motion, qu'il a adoptée à l'unanimité et transmise au Conseil fédéral18.

2.2

Autres interventions parlementaires

Ces dernières années, plusieurs interventions parlementaires portant sur le droit successoral ont été déposées.

Le postulat Brändli déposé en 200619 avait pour but de permettre aux entreprises d'être dévolues plus facilement, sans que la réserve ne soit un obstacle infranchissable. Le Conseil des Etats a accepté le postulat, qui a débouché sur le rapport du Conseil fédéral du 1er avril 2009 intitulé «Valeur des entreprises en droit successoral»20. Le rapport concluait qu'aucune mesure législative n'était nécessaire.

La motion Sadis déposée en 200621 demandait une adaptation de l'art. 462 CC visant à attribuer la succession toute entière au conjoint survivant à défaut de descendants.

Elle a été classée l'année suivante, son auteur ayant quitté le conseil.

Les postulats Fetz et Janiak déposés en 200722, tous deux rejetés par le Parlement, demandaient au Conseil fédéral d'examiner s'il était nécessaire d'adapter le droit des successions en général.

16 17

18 19 20 21 22

Intervention Huber (porte-parole de la commission), BO 2011 N 108.

Le rapport de la CAJ-E du 31 mars 2011 peut être consulté à l'adresse suivante: www.parlament.ch > Page d'accueil > Travail parlementaire > Recherche curia vista > Motion 10.3524 > Rapports de commission > 30.03.2011 - Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats.

BO 2011 E 489 06.3402 «Assouplissement des dispositions successorales applicables aux entreprises».

Le rapport peut être consulté à l'adresse suivante: www.bj.admin.ch > Accueil OFJ > Publications & services > Rapports > Valeur des entreprises en droit successoral.

06.3656 «Succession. Droits du conjoint survivant».

07.3496 et 07.3410 «Droit des successions. Inciter les testateurs à privilégier leurs petitsenfants».

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Le Parlement n'a pas donné non plus suite à l'initiative parlementaire Hoffmann de 200723, qui demandait que le montant de la réserve des descendants soit le même quel que soit l'état civil du testateur.

La motion Häberli-Koller déposée en 201124 demandait que la dissolution des communautés héréditaires propriétaires d'immeubles ou de terrains puisse être plus rapide. Le Conseil fédéral a proposé au Parlement de la rejeter, ce que le Conseil national a fait le 19 septembre 201125.

Le postulat Schenker déposé en 201226 demandait que le Conseil fédéral établisse dans un rapport «les catégories professionnelles et les institutions chargées notamment des soins et de l'aide aux personnes âgées, qui sont soumises à des règles propres à prévenir la captation d'héritage. Le rapport devait indiquer en outre les domaines dans lesquels il y a lieu de légiférer et les responsabilités en la matière.» Le Conseil fédéral a recommandé de rejeter le postulat tout en indiquant que l'examen des mesures nécessaires contre les captations d'héritage serait opéré au cours de la révision du droit des successions. L'intervention a été classée sur la base de l'art. 119, al. 5, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement 27, car elle n'avait pas été traitée en l'espace de deux ans. Auparavant, en 2006, la CAJ-N avait donné suite à une initiative parlementaire Schenker de même teneur28, mais la CAJE et le Conseil des Etats ne l'avaient pas suivie. La motion Gendotti déposée en 200029, qui poursuivait un but analogue, a été classée après que son auteur eut quitté le Conseil.

L'initiative parlementaire Abate du 14 juin 201230 demande un raccourcissement à six mois du délai prévu à l'art. 555, al. 1, CC à compter de la publication de la sommation par l'autorité compétente. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E) lui a donné suite le 23 octobre 2012, celle du Conseil national (CAJ-N) le 7 novembre 2013. La CAJ-E doit élaborer un avant-projet. Le 14 décembre 2017, le Conseil des Etats a prolongé de deux ans le délai imparti pour le traitement de cette initiative parlementaire.

Le postulat Schwaab du 24 septembre 201431, adopté par le Conseil national le 12 décembre 2014, demande au Conseil fédéral d'évaluer la pertinence de compléter le droit des successions afin de régler les droits des
héritiers aux données personnelles et aux accès numériques du défunt ainsi que la conséquence de son décès sur sa présence virtuelle.

Le postulat Fetz du 19 mars 201532, adopté par le Conseil des Etats le 10 juin 2016, charge le Conseil fédéral d'examiner le régime de la surveillance des exécuteurs 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32

07.458 «Réserve héréditaire des descendants et état civil du testateur».

11.3103 «Meilleure utilisation des biens-fonds grâce à une dissolution plus rapide des communautés héréditaires».

BO 2011 N 1500 12.3220 «Instituer des mesures contre les captations d'héritage».

RS 171.10 06.432 «Droit des successions. Libéralités et donations destinées à des personnes exerçant une activité professionnelle particulière».

00.3379 «Supprimer la possibilité pour le personnel soignant d'hériter d'un patient».

12.450 «Modification de l'art. 555, al. 1, CC. Héritiers inconnus et sommation publique».

14.3782 «Des règles pour la «mort numérique».

15.3213 «Examen du régime de la surveillance des exécuteurs testamentaires».

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testamentaires à l'aune des réalités de notre temps et de présenter un rapport sur la question.

Enfin, le postulat Nantermod du 9 juin 201633, adopté par le Conseil national le 15 mars 2017, demande au Conseil fédéral de présenter les possibilités de modification du code civil pour remédier aux conséquences peu équitables du droit des successions ab intestat à l'égard des enfants issus de familles recomposées (voir précisions au ch. 3.10).

2.3

Expertises

Au vu du mandat parlementaire délivré par la motion Gutzwiller 10.3524 (voir ch. 2.1), l'Office fédéral de la justice a mandaté trois experts externes pour examiner la nécessité de réviser le droit successoral et explorer les solutions possibles: ­

Mme Michelle Cottier, docteure en droit, MA, professeure ordinaire, Université de Genève;

­

M. Peter Breitschmid, docteur en droit, professeur ordinaire, Université de Zurich;

­

M. Denis Piotet, docteur en droit, avocat, professeur ordinaire, Université de Lausanne.

Leurs expertises34 ont servi de base aux propositions de modification exposées dans l'avant-projet de révision du code civil (AP-CC).

2.4

Avant-projet

Le 4 mars 2016, le Conseil fédéral a envoyé en consultation un avant-projet de révision du code civil (Droit des successions)35.

Cet avant-projet visait principalement à mettre en oeuvre le mandat parlementaire «de revoir et d'assouplir le droit des successions, notamment les dispositions sur la réserve, afin qu'il réponde aux exigences actuelles». A cette fin, le Conseil fédéral proposait notamment de supprimer la réserve des parents et de réduire celle en faveur du conjoint ou partenaire enregistré survivant (de la moitié à un quart) tout comme celle en faveur des descendants (de trois quarts à la moitié). Ainsi, le testateur pourrait transmettre une plus grande part de ses biens à d'autres personnes, par exemple à son partenaire de vie, ou, dans le cadre d'une famille recomposée, à l'enfant de son conjoint ou de son partenaire enregistré. Cela permettrait en outre d'ouvrir de nouvelles options pour la dévolution d'entreprises.

33 34 35

16.3416 «Familles recomposées: Quelles solution pour un droit des successions ab intestat moderne?».

Ces expertises ont été publiées dans un numéro spécial commun des revues Not@lex et successio en 2014.

L'avant-projet et le rapport explicatif peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > 2016 > DFJP.

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Suivant la claire volonté exprimée par le Parlement sur ce point ­ «pas d'égalité en droit successoral entre les concubins et les couples mariés» ­ le Conseil fédéral ne proposait en revanche pas de faire du partenaire de vie un héritier légal, et encore moins un héritier réservataire. Le partenaire de vie n'aurait donc participé à la succession que si le de cujus avait pris des dispositions en ce sens. Dans certaines situations, cette solution peut toutefois s'avérer d'une rigueur excessive, voire choquante. Tel est le cas par exemple lorsque le partenaire survivant a réduit son activité professionnelle pour s'occuper des enfants communs ou du de cujus, si celui-ci nécessitait des soins, et qui, après le décès de ce dernier, se retrouve dans une situation de besoin faute d'une disposition pour cause de mort en sa faveur. Dans son rapport sur la modernisation du droit de la famille, établi en réponse au postulat Fehr (12.3607)36, le Conseil fédéral avait déjà évoqué la nécessité de prévoir une clause de rigueur pour de telles situations. Dans l'avant-projet, il proposait d'instituer à cet effet, en faveur du partenaire survivant, un «legs d'entretien» indépendant de la volonté du disposant (art. 484a AP-CC).

Enfin, l'avant-projet proposait de clarifier plusieurs questions qui ne peuvent être résolues sur la seule base de la lettre de la loi et auxquelles la jurisprudence n'a pas pu donner de réponse satisfaisante. Cela correspondait au voeu du Parlement, qui, par l'adoption de la motion Gutzwiller 10.3524, avait chargé le Conseil fédéral «d'examiner également s'il y a lieu d'apporter d'autres modifications au droit des successions».

2.5

Résultats de la consultation

La procédure de consultation a duré jusqu'au 20 juin 2016. 25 cantons, 6 partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, 7 universités, 46 organisations et 15 particuliers ont pris position37.

L'avant-projet a été globalement bien accueilli. L'augmentation de la liberté de disposer du testateur a été très largement soutenue, même si la proposition de réduire la réserve du conjoint ou du partenaire enregistré survivant, et celles des descendants et parents dans une moindre mesure, a donné lieu à des critiques. Le «legs d'entretien», nouveauté en droit successoral, a quant à lui reçu un accueil plus différencié. Si beaucoup l'ont considéré comme une avancée nécessaire pour répondre à l'évolution de la société, d'autres se sont montrés sceptiques quant à sa nécessité et ses modalités.

Les autres propositions de modification ou d'innovation, abordant des sujets complexes et souvent plus techniques, ont également été bien accueillies dans leur globalité. Nombre d'entre elles ont cependant fait l'objet de critiques détaillées, principalement de la part des scientifiques et des praticiens.

36

37

Rapport du 25 mars 2015 sur la modernisation du droit de la famille, p. 16 s. Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante: www.bj.admin.ch > Accueil OFJ > Publications & services > Rapports> L'avenir du droit de la famille.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 6. Ce document peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > 2016 > DFJP.

5877

FF 2018

Enfin, les participants à la procédure de consultation ont formulé de nombreuses nouvelles propositions de modification (plus de cinquante) non abordées dans l'avant-projet.

2.6

Décision du Conseil fédéral du 10 mai 2017

A vu du nombre et de la complexité des questions soulevées dans le cadre de la consultation publique, le Conseil fédéral a décidé, le 10 mai 2017, de procéder à une révision échelonnée du droit des successions. Il a par conséquent chargé le Département fédéral de justice et police d'élaborer un premier message de loi qui se concentre sur le mandat reçu par le Parlement lors de l'adoption de la motion Gutzwiller 10.3524. C'est l'objet du présent message. Les propositions de modification ou d'innovation d'ordre plus technique seront traitées ultérieurement.

Dans sa décision du 10 mai 2017, le Conseil fédéral avait également exprimé l'intention d'étudier les possibilités de simplifier davantage la transmission d'entreprises par succession. Etant donné qu'une telle simplification implique la modification de nombreuses dispositions légales qui n'étaient pas concernées par l'avantprojet du 4 mars 2016, et qui n'ont par conséquent pas été soumises à consultation publique, il a été finalement décidé de ne pas régler cette question dans le cadre de la présente révision. Après l'adoption du présent message, un avant-projet traitant spécifiquement de la transmission d'entreprises par succession sera envoyé en consultation.

2.7

Consultation d'experts

Dans le but d'élaborer des solutions législatives aptes à atteindre les objectifs poursuivis par la révision et à satisfaire aux besoins des praticiens du droit des successions, une consultation d'experts reconnus et issus aussi bien du monde académique et judiciaire que de l'avocature et du notariat, a eu lieu. Les experts qui ont contribué à l'élaboration du présent message se sont réunis à six reprises entre juillet 2017 et juin 2018. Il s'agit, dans l'ordre alphabétique, de: ­

Mme Jacqueline Burckhardt Bertossa, LL.M., avocate et notaire, spécialiste FSA en droit des successions, Bâle;

­

M. Paul Eitel, docteur en droit, avocat, spécialiste FSA en droit des successions, professeur ordinaire, Université de Lucerne;

­

Mme Marion Erhardt, greffière-cheffe et juge suppléante, tribunal de district de Zurich;

­

M. Andreas Flückiger, docteur en droit, avocat et notaire, Bâle;

­

M. Balz Hösly, docteur en droit, avocat, spécialiste FSA en droit des successions, Zurich;

­

Mme Ingrid Iselin Zellweger, LL.M., avocate, spécialiste FSA en droit des successions, Genève;

5878

FF 2018

­

Mme Audrey Leuba, docteure en droit, LL.M., avocate, professeure ordinaire, Université de Genève;

­

Mme Nora Lichti Aschwanden, juge cantonale, tribunal cantonal de Zurich;

­

M. Paul-Henri Steinauer, docteur en droit, professeur émérite, Université de Fribourg.

De plus, dans la mesure où elles portent sur la prévoyance professionnelle, les propositions contenues dans le présent projet ont été présentées à la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (Commission LPP). Cette commission en a pris connaissance lors de sa séance du 15 mai 2018.

3

Les changements proposés

3.1

Grandes lignes du projet

La première partie de la révision du droit des successions vise à mettre en oeuvre la motion Gutzwiller 10.3524. Le principal objectif est donc de moderniser le droit des successions. Pour cela, il est tout d'abord proposé une réduction des réserves, qui augmentera la liberté de disposer du testateur, afin de lui permettre de favoriser davantage les personnes de son choix (voir ch. 3.2). Il en découle une plus grande flexibilité en matière de transmission d'entreprises, notamment familiales. De plus, la liberté de disposer sera augmentée dans les cas où une procédure de divorce ou en dissolution du partenariat enregistré est en cours. Le projet propose en effet de retirer, à certaines conditions, la qualité d'héritier réservataire (mais pas le droit de succession légal) au conjoint ou au partenaire enregistré pendant une telle procédure (voir ch. 3.3). Toujours en matière de liberté de disposer, le projet adapte la règle sur le legs d'usufruit en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant aux réserves modifiées. Cela permettra au testateur d'avantager le conjoint ou le partenaire enregistré survivant de manière plus importante que dans le droit actuel (voir ch. 3.4).

Au vu des résultats de la procédure de consultation publique et de l'avis des experts consultés, le Conseil fédéral propose également des dispositions visant à clarifier la question du traitement successoral de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice par contrat de mariage ou convention sur les biens, par laquelle deux époux ou partenaires enregistrés peuvent se gratifier mutuellement de l'ensemble des avoirs accumulés durant le mariage ou le partenariat enregistré (voir ch. 3.5). Le traitement successoral des prétentions issues de la prévoyance individuelle liée (3e pilier a) est également objet de clarifications (voir ch. 3.6). Compte tenu de ces modifications, le Conseil fédéral prévoit de clarifier aussi l'ordre des réductions (voir ch. 3.7).

En outre, s'agissant des communautés de vie de fait, le Conseil fédéral propose de régler dans la loi les cas de rigueur. Sans mettre la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) sur pied d'égalité avec le conjoint ou le partenaire enregistré survivant, il sera ainsi possible d'éviter des situations choquantes, dans lesquelles le partenaire de vie survivant tomberait dans le besoin et serait contraint de recourir à l'aide sociale alors que la succession disposerait de 5879

FF 2018

suffisamment de moyens pour prévenir une telle situation. A cet effet, il est proposé d'instaurer une créance d'assistance en faveur du partenaire de vie survivant qui ne possèderait pas suffisamment de moyens pour couvrir son minimum vital (voir ch. 3.8).

De plus, le Conseil fédéral, comme il l'a annoncé dans son avis du 24 août 2016, a examiné le postulat Nantermod 16.3416 («Familles recomposées: Quelles solution pour un droit des successions ab intestat moderne»). Il explique les raisons qui l'ont amené à écarter les propositions qui y sont formulées (voir ch. 3.10).

Enfin, il y a lieu de préciser que la révision proposée par le Conseil fédéral n'a pas pour but de modifier la vocation successorale légale, ni les parts de succession revenant aux héritiers légaux. Les art. 457 à 466 CC ne sont pas modifiés. Les héritiers légaux restent ainsi les descendants, les parents et leur postérité en l'absence de descendants, les grands-parents et leur postérité si le défunt n'a laissé ni descendants, ni père et/ou mère ou descendants de ces derniers, le conjoint survivant ou le partenaire enregistré et, à défaut d'héritiers, le canton ou la commune du dernier domicile du défunt. Les parts successorales des héritiers légaux restent également identiques. Le conjoint survivant ou le partenaire enregistré a toujours droit à la moitié de la succession en concours avec les descendants, aux trois quarts de la succession en concours avec les père et/ou mère ou leur postérité, et à l'entier de la succession en l'absence de descendants, de père et/ou mère ou de postérité de ceux-ci (art. 462 CC). Si le défunt n'a pas rédigé de dispositions pour cause de mort, soit dans la majorité des cas, la succession sera ainsi partagée de la même manière qu'elle l'a été jusqu'à aujourd'hui, sous réserve d'une éventuelle créance d'assistance en faveur du partenaire de vie.

3.2

Modification des réserves

3.2.1

Remarque générale

Le droit successoral actuel est fortement influencé par le principe de droit germanique selon lequel le sort de la succession pour cause de mort est largement soustrait à la volonté du défunt (Verfangenheit)38. Ce principe s'exprime au travers de la notion de réserve (art. 471 CC), qui repose sur le principe qu'il existe, au sein de la famille, un droit naturel à la succession que le de cujus ne peut pas abolir.

Les réserves héréditaires sont la part du patrimoine soustraites à la liberté de disposer et dont les héritiers réservataires ne peuvent être privés, sauf en présence d'un cas, rare, d'exhérédation (art. 477 CC). Elles ont principalement pour but de garantir les ressources nécessaires aux membres de la famille qui survivent au de cujus, d'assurer la transmission d'au moins une partie du patrimoine au sein de la famille de génération en génération, de garantir une certaine équité entre héritiers, et de protéger les relations familiales en éliminant le danger de pressions indues entre le futur de cujus et ses héritiers39.

38 39

Druey, § 6 N 2; sur l'ensemble de la question, voir aussi Wolf/Genna, p. 37.

Baddeley, p. 283; Guinand/Stettler/Leuba, N 89; Steinauer, Successions, N 355.

5880

FF 2018

Le code civil prévoit actuellement des réserves pour les descendants, les père et mère, et le conjoint ou le partenaire enregistré 40. Pour les descendants, les réserves sont de trois quarts de leur droit de succession; pour les père et mère, le conjoint et le partenaire enregistré survivant, elles sont de la moitié de leur droit de succession (art. 471 CC). Les réserves prévues par le droit suisse sont relativement élevées en comparaison internationale (voir ch. 3.2.6) et limitent de manière conséquente la part des biens dont le disposant peut librement disposer, appelée quotité disponible (art. 470 CC).

Or, par l'adoption de la motion Gutzwiller 10.3524, le Parlement a donné au Conseil fédéral le mandat explicite d'assouplir le droit successoral. Un des points principaux de la révision proposée est donc le renforcement de la liberté de décision du de cujus. Celle-ci se manifeste en droit successoral par la liberté de disposer, c'est-àdire la liberté qu'a une personne de déterminer, entièrement ou en partie, le sort de ses biens après sa mort. Comme on vient de l'exposer, la liberté de disposer est aujourd'hui limitée par les réserves héréditaires. Accroître la liberté de décision du de cujus passera donc en premier lieu par une modification de la réserve: sa suppression ou sa réduction augmentera automatiquement la quotité disponible.

Quoiqu'il existe un courant en faveur de l'abolition complète des réserves et de la libéralisation du droit des successions, cela irait trop loin de l'avis du Conseil fédéral. Il est en outre douteux que l'on puisse réunir une majorité politique derrière cette proposition, car le fait qu'une partie de la succession doive revenir aux proches est une idée bien ancrée dans la sensibilité juridique générale. Un tour d'horizon du droit étranger montre d'ailleurs que les parts réservataires (sous une forme réduite) ont encore leur place dans un droit successoral moderne (voir ch. 3.2.6). Toutes les législations d'Europe continentale prévoient une forme ou une autre de droit à une partie de la succession sur la base de relations familiales ou personnelles41. Aux Etats-Unis, où la notion de réserve n'existe pas, une grande partie de la doctrine réclame l'instauration d'une protection des descendants contre l'exhérédation, sous forme de parts réservataires42.

Dans l'avant-projet,
le Conseil fédéral avait proposé de supprimer la réserve des parents et de réduire celle en faveur des descendants (de trois quarts à la moitié) tout comme celle en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant (de la moitié à un quart). La proposition de supprimer la réserve des parents et de réduire celle en faveur des descendants ayant été favorablement accueillie par la grande majorité des participants à la consultation, le Conseil fédéral les réitère dans le présent projet (voir ch. 3.2.2 et ch. 3.2.3). Les réactions suscitées par la proposition de réduire la réserve en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant ont été en revanche très partagées. Compte tenu des arguments soulevés dans la consultation et des discussions avec les experts, le Conseil fédéral abandonne l'idée de modifier le droit actuel sur ce point (voir ch. 3.2.4).

40

41 42

La part des frères et soeurs, qui était égale à un quart de la succession légale (art. 471, ch. 3, aCC), a été supprimée lors de la révision du droit matrimonial entrée en vigueur le 1er janvier 1988.

Röthel, Pflichtteilsrecht, p. 121 s.

Cottier, p. 46 et références citées.

5881

FF 2018

De manière générale, il y a lieu d'observer que l'augmentation de la quotité disponible résultant de la réduction des réserves facilitera la mise en oeuvre de solutions de transmission d'entreprises par succession, avec des effets positifs pour l'économie43. Le nouveau droit veut apporter une première contribution visant à prévenir des morcellements, des ventes ou des fermetures d'entreprises consécutives au décès.

L'augmentation de la quotité disponible résultant de la réduction des réserves permettra également d'avantager le ou la partenaire de vie dans une mesure plus importante que dans le droit actuel. Le Conseil fédéral est toutefois conscient du fait que les effets des modifications proposées seront moindres si elles ne s'accompagnent pas d'une réglementation fiscale plus harmonisée dans les différents cantons. Actuellement, les impôts prélevés sur la succession dévolue au partenaire de vie varient fortement d'un canton à l'autre.

3.2.2

Suppression de la réserve des père et mère

En droit actuel, la réserve des père et mère est de la moitié de leur droit de succession (art. 471, ch. 2, CC). Leur part réservataire est ainsi de la moitié de la succession s'ils sont seuls héritiers et d'un huitième (½ × ¼) de la succession s'ils sont en concurrence avec le conjoint ou le partenaire enregistré survivant (art. 462, ch. 2, CC). En revanche, ils ne disposent pas de part réservataire en présence de descendants, puisque dans une telle situation ils ne sont pas héritiers (art. 458, al. 1, CC, a contrario).

Comme cela est exposé plus haut, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avantprojet, de supprimer la réserve des parents. Celle-ci relève en effet moins d'une préoccupation de soutien financier que d'une idée de solidarité familiale et intergénérationnelle. Cette solidarité a perdu de son importance ces dernières dizaines d'années; il paraît donc naturel que le droit suive cette évolution.

La grande majorité des participants à la consultation s'étant exprimée en faveur de la suppression de la réserve des parents44, le Conseil fédéral maintient cette proposition.

La suppression de la réserve des parents permettra en particulier d'attribuer cette part de la succession au partenaire de vie survivant. A l'heure actuelle, une personne qui vit en union libre et qui n'a pas de descendants voit la totalité de sa succession revenir à ses parents, s'ils sont encore en vie. La moitié de ces biens leur est réservée, de sorte qu'elle ne peut laisser à son partenaire que l'autre moitié par testament.

Comme il n'y a pas de dissolution du régime matrimonial, ni, par conséquent, de participation aux acquêts, il peut naître des situations insatisfaisantes, d'autant plus que le partenaire de vie est souvent plus proche du de cujus que les père et mère. Il semble donc justifié de supprimer entièrement la réserve des parents45. La Suisse suivra ainsi l'évolution internationale; dans de nombreux pays, notamment dans les 43 44 45

Bergmann/Halter/Zellweger, p. 31.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 15 s.

Egalement Breitschmid, ch. 33.

5882

FF 2018

pays scandinaves, mais aussi aux Pays-Bas et en France, les père et mère n'ont plus de droits réservataires46.

3.2.3

Réduction de la réserve des descendants

La réserve des descendants est aujourd'hui de trois quarts de leur droit de succession (art. 471, ch. 1, CC). Selon les cas, il s'ensuit qu'une grande partie de la succession est soustraite à la libre disposition du de cujus. Cela peut être particulièrement problématique lorsque la réserve des descendants prétérite la part du conjoint survivant, ou lorsque le défunt avait un ou une partenaire de vie qui aurait besoin de la succession pour assurer son existence. La comparaison avec les législations étrangères montre d'ailleurs que la réserve des descendants est très élevée en Suisse (voir ch. 3.2.6).

Comme le droit successoral a largement perdu sa fonction de pourvoir aux besoins des descendants depuis le début du 20ème siècle, notamment avec l'introduction de la loi du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)47 et de la loi du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)48, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avant-projet, de réduire la réserve en faveur des descendants de trois quarts à la moitié de leur droit de succession. Cela correspond par ailleurs à la tendance de ces dernières années au plan international49 (voir ch. 3.2.6).

Cette proposition a été soutenue par la grande majorité des participants à la consultation, non seulement parce qu'elle permet d'atteindre les objectifs poursuivis par la motion Gutzwiller 10.3524, mais aussi parce que de nos jours les descendants héritent effectivement à un moment où ils ont déjà construit leur propre existence économique50. Le Conseil fédéral maintient par conséquent sa proposition.

3.2.4

Maintien de la réserve du conjoint ou partenaire enregistré survivant

La réserve du conjoint survivant et du partenaire enregistré est aujourd'hui de la moitié de son droit de succession (art. 471, ch. 3, CC). Sa part réservataire est ainsi d'une demie de la succession s'il est seul héritier, d'un quart (½ × ½) de la succession s'il est en concurrence avec des descendants, et de trois huitièmes (½ × ¾) s'il est en concurrence avec les père et/ou mère du de cujus (art. 462 CC).

Afin d'élargir davantage encore les possibilités du de cujus, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avant-projet, de réduire également la réserve en faveur des conjoints survivants et des partenaires enregistrés de la moitié à un quart de leur droit de succession.

46 47 48 49 50

Röthel, Pflichtteilsrecht, p. 125 s.

RS 831.10 RS 831.40 Röthel, Pflichtteilsrecht, p. 126 s.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 12 s.

5883

FF 2018

Or, nombre de participants à la consultation se sont opposés à la réduction de la réserve du conjoint et du partenaire enregistré survivant. Ils considèrent qu'une telle réduction irait notamment à l'encontre de l'amélioration de son statut successoral et du principe de solidarité entre époux, visant à lui permettre le maintien de son train de vie après le décès. Elle serait en outre problématique dans les cas où le conjoint survivant (notamment à un âge avancé) se trouverait dans une situation économique moins avantageuse que le défunt car il dépendrait davantage de la succession que les descendants51.

Au vu des ces arguments, le Conseil fédéral a décidé de modifier sa position sur ce point. Dans le présent projet il propose par conséquent de maintenir la réserve du conjoint et du partenaire enregistré survivant à la moitié de son droit de succession.

La réserve en faveur du conjoint et du partenaire enregistré survivant sera ainsi égale à celle des descendants.

3.2.5

Tableau synoptique des réserves et de la quotité disponible selon le droit actuel et selon le projet

Pour une meilleure compréhension de la portée des propositions du Conseil fédéral en matière de réserves héréditaires, il est utile de comparer la situation selon le droit en vigueur et celle selon les propositions du Conseil fédéral dans des tableaux synoptiques: Tableau 1

Réserves et quotité disponible selon le droit actuel Le défunt laisse:

Part légale

Réserve

Quotité disponible

des descendants

Totalité

¾

¼ (25 %)

un conjoint ou partenaire enregistré

Totalité

½

½ (50 %)

père et/ou mère

Totalité

½

½ (50 %)

un/des frères et soeurs ou leurs descendants

Totalité

0

Totalité (100 %)

des descendants et un conjoint ou partenaire enregistré

½ et ½


et 2/8

(37,5 %)

père et/ou mère et un conjoint ou partenaire enregistré

¼ et ¾


et

½ (50 %)

un/des frères et soeurs et un conjoint ou partenaire enregistré

¼ et ¾

0 et

(62,5 %)

51

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 13 s.

5884

FF 2018

Le défunt laisse:

Part légale

Réserve

Quotité disponible

père ou mère et un/des frères et soeurs

½ et ½

¼ et 0

¾ (75 %)

père ou mère et un/des frères et soeurs et un conjoint ou partenaire enregistré survivant


et et ¾

1/16

9/16

et 0 et

Réserves et quotité disponible selon le projet du Conseil fédéral

(56,25 %)

Tableau 2

Le défunt laisse:

Part légale

Réserve

Quotité disponible

des descendants

Totalité

½

½ (50 %)

un conjoint ou partenaire enregistré

Totalité

½

½ (50 %)

père et/ou mère

Totalité

0

Totalité

un/des frères et soeurs ou leurs descendants

Totalité

0

Totalité

des descendants et un conjoint ou partenaire enregistré

½ et ½

¼ et ¼

½ (50 %)

père et/ou mère et un conjoint ou partenaire enregistré

¼ et ¾

0 et

(62,5 %)

un/des frères et soeurs et un conjoint ou partenaire enregistré

¼ et ¾

0 et

(62,5 %)

père ou mère et un/des frères et soeurs

½ et ½

0 et 0

Totalité

père ou mère et un/des frères et soeurs et un conjoint ou partenaire enregistré survivant


et et ¾

0 et 0 et

(62,5 %)

3.2.6

Comparaison du droit des réserves avec quelques pays européens

L'Angleterre et le Pays de Galles ne connaissent pas de réserve héréditaire (Pflichtteil) ou de succession nécessaire (Noterbrecht). Le tribunal peut cependant, selon son appréciation, accorder une prétention à un soutien financier familial obligatoire. Des personnes comme des enfants auxquels le défunt aurait apporté des

5885

FF 2018

soins ou qu'il aurait soutenu financièrement juste avant son décès peuvent également y prétendre52.

En Belgique et en France, la réserve des descendants s'élève, suivant le nombre d'enfants, à la moitié, aux deux tiers ou aux trois quarts de la succession 53. Elle est toutefois limitée à la moitié de la succession depuis le 1 er septembre 2018 en Belgique54. En Italie et au Portugal, la réserve dépend du nombre d'enfants ainsi que de la présence d'un conjoint survivant; son montant varie entre un et deux tiers 55. En Allemagne, en Autriche et en Suède, la réserve est de la moitié de la succession, quel que soit le nombre d'enfants56. Elle est cependant réduite en Allemagne et en Autriche si le défunt laisse un conjoint ou un partenaire enregistré; elle se situe alors entre un quart et trois huitièmes de la succession en Allemagne 57, et est d'un tiers en Autriche58. L'Ecosse connaît pour les descendants l'institution des droits légaux (legal rights), à hauteur de la moitié de la succession mobilière, ou d'un tiers en concours avec un conjoint survivant, qu'ils peuvent faire valoir à l'encontre de dispositions de dernières volontés59.

Le conjoint survivant ne dispose pas de réserve héréditaire en Suède; seuls les descendants sont réservataires60. Des réserves ou des clauses de rigueur en faveur du conjoint survivant et du partenaire enregistré sont en revanche connues notamment en Allemagne61, en France62, en Italie63, en Autriche64 et au Portugal65; ils se situent 52 53 54 55

56 57

58 59 60

61

62 63

64 65

Odersky, Angleterre, N 51 ss, 56.

Art. 913 du Code civil belge.

Art. 913 du Code civil belge, modifié par l'art. 46 de la Loi Nr. 2017/13015 du 3 juillet 2017 (ci après Loi Nr. 2017/13015).

Art. 537 en lien avec l'art. 542 du Codice Civile italien (voir aussi les les explications de Cubeddu Wiedemann/Wiedemann, N 122 ss); Art. 2159 et 2139 du Código Civil portugais (voir aussi les les explications de Huzel/Wollmann, N 91 ss).

Johansson, N 115; § 759 en lien avec § 732 ABGB (Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch); § 2303 en lien avec § 1929 BGB (Bürgerliches Gesetzbuch).

La réserve est de la moitié de la part légale, qui varie entre la moitié et les trois quarts selon la situation: voir la vue d'ensembe de Tersteegen/Reich, N 22 à 26, 88; § 2303 BGB en lien avec § 1931, § 1371 BGB et § 10 Lebenspartnerschaftsgesetz.

§ 759 en lien avec § 732, § 744 ABGB.

Odersky, Ecosse, N 5, 9, 11, 25.

Johansson, N 114 ss Le conjoint a cependant droit à une part, jusqu'à quatre fois le montant de base du droit de l'assurance sociale, de la fortune de la succession, ainsi qu'à l'entretien durant trois mois après le décès (Johansson, N 65).

§ 2303 en lien avec § 1931, § 1371 BGB et § 10 Lebenspartnerschaftsgesetz. Le montant de la réserve pour les conjoints et les partenaires enregistrés varie entre un et trois huitièmes selon le régime matrimonial.

Art. 914, al. 1, du Code civil français. La réserve du conjoint survivant se monte à un quart en l'absence de descendants.

Art. 542 du Codice Civile italien. Le montant de la réserve varie entre un quart et la moitié. Le droit à la réserve est complété d'un droit d'habitation ou d'usufruit en faveur du conjoint survivant (Pérès, p. 47; Cubeddu Wiedemann/Wiedemann, N 122, 127, 129) ainsi que par des rentes au-delà du décès pour le conjoint séparé ou divorcé (Cubeddu Wiedemann/Wiedemann, N 131 s.). «Gleichgeschlechtliche Partner können keinen Pflichtteil geltend machen, da ihnen weder die Ehe noch eine erbrechtlich gleichgestellte eingetragene Partnerschaft offen steht» (Braun, S. 87).

§ 759 en lien avec § 744 ABGB. La réserve varie d'un sixième à la moitié de la succession, selon qu'il existe ou non des descendants ou des parents du défunt.

Art. 2158 ss en lien avec les art. 2139 et 2161 du Código Civil portugais. La réserve varie entre un sixième et deux tiers (voir aussi Huzel/Wollmann, N 92).

5886

FF 2018

entre un huitième et la moitié de la succession, auxquels peuvent en partie s'ajouter des prétentions en entretien, des droits d'habitation ou des droits sur le mobilier du ménage commun. En Belgique, le conjoint survivant dispose en principe d'un droit minimal sous forme de droit d'usufruit (vruchtgebruik) sur la moitié de la succession66. En Ecosse, il dispose de legal rights sur la moitié de la succession mobilière (moveables), ou sur un tiers en concours avec des descendants67.

Enfin, les parents ont des droits réservataires en Allemagne68, en Italie69 et au Portugal70, qui se situent entre un tiers et la moitié de la succession. En concurrence avec un conjoint survivant, leur réserve est réduite et se situe entre un et trois huitièmes71. Les parents ne disposent pas de réserve en France 72, en Ecosse73, en Autriche74, en Suède75 ni, depuis le 1er septembre 2018, en Belgique76. La réserve des parents a été abolie en France en 2007 et en Autriche en 201777. En France, les parents ne disposent plus, depuis 2007, que d'un droit de retour, qui leur permet d'exiger en retour les cadeaux faits aux héritiers78. En Belgique, las parents qui sont dans le besoin disposent, depuis 2018, d'une prétention en entretien à charge de la succession79.

66 67 68 69 70 71

72 73 74 75 76 77

78 79

Art. 915bis du Code civil belge; modifié par l'art. 49 Loi Nr. 2017/13015.

Odersky, Ecosse, N 5, 9, 11, 25.

§ 2303 al. 2 en lien avec § 1925 BGB. La réserve n'appartient qu'aux parents et se monte à la moitié de la succession.

Art. 538 du Codice Civile italien. La réserve est de la moitié de la succession.

Art. 2161, al. 2, du Código Civil portugais. La réserve est de la moitié pour les parents et d'un tiers pour les ancêtres à partir du deuxième degré.

En concurrence avec le conjoint survivant, la réserve des parents varie entre un huitième et un quart selon le régime matrimonial en Allemagne (Tersteegen/Reich, N 11, 22, 88; § 1931, § 1371 BGB), se monte à un quart en Italie (art. 544 Codice Civile; Cubeddu Wiedemann/Wiedemann, N 126) et à deux neuvièmes au Portugal (art. 2161 Código Civil; Huzel/Wollmann, N 46, 93).

Döbereiner, N 108 f.

Odersky, Ecosse, N 25.

§ 730 ABGB; voir aussi Erbrechts-Änderungsgesetz 2015 (ErbRÄG 2015), Bundesgesetzblatt I, 87/2015.

Johansson, N 115.

Art. 48 de la Loi no 2017/13015.

Pour la France: Döbereiner, N 108; Pour l'Autriche: Erbrechts-Änderungsgesetz 2015 (ErbRÄG 2015), Bundesgesetzblatt I, 87/2015 et Erläuterungen des Bundesministeriums für Justiz (Nr. 688 d.B. XXV. Gesetzgebungsperiode, p. 2), accessibles sous https://www.

parlament.gv.at > Parlament aktiv > Regierungsvorlagen und Gesetzesinitiativen > Nationalrat ­ XXV GP > Regierungsvorlagen (Gesetze) > 688 d.B.

Döbereiner, N 109.

Art. 205bis du Code civil belge, modifié par l'art. 2 de la Loi no 2017/13015.

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FF 2018

3.3

Perte de la réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution

3.3.1

Remarque générale

La réserve du conjoint ou du partenaire enregistré survivant trouve son fondement dans la volonté des partenaires de former une communauté de vie et de destin, manifestée par la conclusion du mariage ou du partenariat enregistré80. En général, une telle volonté cesse toutefois d'exister lorsque l'un des conjoints ou partenaires enregistrés agit en justice pour mettre formellement un terme à cette communauté.

Pour permettre au testateur de disposer plus librement de ses avoirs dans un tel cas, le projet propose une modification des règles en matière de réserve héréditaire lorsqu'une procédure de divorce ou en dissolution du partenariat enregistrée a été engagée.

3.3.2

Réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution selon le droit en vigueur

Selon le droit en vigueur, les époux cessent d'être les héritiers réservataires et légaux l'un de l'autre seulement une fois divorcés (art. 120, al. 2, CC), soit une fois le jugement de divorce entré en force81. La même règle vaut pour les partenaires enregistrés (art. 31 de la loi du 18 juin 2004 sur le partenariat, LPart 82).

La disposition du code civil précitée existe depuis l'entrée en vigueur du code civil (elle était autrefois fixée à l'art. 154, al. 3)83 et se justifiait à l'époque par un souci de prévoyance84, spécialement en présence d'une union de longue durée. Il convient pourtant de mentionner que la situation s'est modifiée depuis l'adoption du code civil. Indépendamment de sa qualité d'héritier, en cas de décès pendant la procédure de divorce, le conjoint survivant reçoit de toute manière, à moins d'être marié sous le régime de la séparation de biens, une partie des biens du de cujus à titre matrimonial85, dans le cadre de la dissolution du régime matrimonial qui a lieu suite au décès (art. 204, al. 1, CC). En matière de prévoyance, le conjoint survivant bénéficie en outre, s'il remplit les conditions requises, des prestations pour survivants de l'AVS (art. 23 ss LAVS) et de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (art. 18 ss LPP).

Actuellement, en cas de décès d'un époux ou d'un partenaire enregistré alors qu'une procédure de divorce ou en dissolution est en cours, le survivant reste non seulement héritier légal, mais conserve aussi sa qualité d'héritier réservataire. En effet, il ne 80

81 82 83 84 85

«La conception légale du mariage est celle d'une relation spéciale destinée, en principe, à durer jusqu'à la mort d'un époux et qui ne peut être dissoute plus tôt qu'à certaines conditions déterminées par la loi et vérifiées par le tribunal» (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, N 35).

CR CC I-Piotet, art. 120 N 12; Werro, N 353; BSK-ZGB II Staehelin, art. 462 N 2 et références citées.

RS 211.231.

RO 24 245 Piotet, Rapport, p. 65.

CS-Roussianos/Auberson, art. 462 N 5.

5888

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peut être dérogé, actuellement, au principe selon lequel les héritiers réservataires ne peuvent être privés de leur réserve qu'en présence d'un rare cas d'exhérédation (art. 477 CC)86. Dans des situations extrêmes, une personne pourrait être tentée de prolonger la procédure en divorce ou en dissolution contre son conjoint ou partenaire enregistré malade dans l'attente de son décès, afin d'hériter87.

En matière de répartition des biens dans le cadre de la dissolution du régime matrimonial, par contre, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande en justice en cas de divorce, séparation de corps, nullité de mariage ou séparation de biens judiciaire (art. 204, al. 2, CC). Et il en va de même en matière de partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce depuis le 1 er janvier 2017: la nouvelle loi prévoit que sont partagées les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce (art. 122 CC), et non plus jusqu'à l'entrée en force du jugement de divorce comme c'était le cas auparavant.

En effet, l'introduction d'une procédure de divorce ou en dissolution témoigne de la volonté de mettre définitivement fin à la communauté de destin formée par le mariage ou le partenariat enregistré. Lorsqu'une procédure de divorce ou en dissolution est en cours, il semble donc improbable que les époux ou partenaires enregistrés souhaitent qu'en cas de décès le conjoint ou partenaire survivant soit favorisé de la même manière qu'avant le début de la procédure.

Afin de remédier à cette situation, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avantprojet, de supprimer la réserve du conjoint et du partenaire enregistré survivant en cas de décès pendant une procédure introduite sur requête commune (soit les cas où les époux sont d'accord au moins sur le principe du divorce), ainsi qu'en cas de décès pendant une procédure excessivement longue (au-delà de deux ans)88. Il était également prévu que, sauf stipulation contraire, les dispositions pour cause de mort et les clauses contenues dans un contrat de mariage ou dans une convention sur les biens en faveur du conjoint ou partenaire enregistré survivant seraient caduques en cas de procédure de divorce ou en dissolution entraînant une perte de la réserve.

Cette proposition de l'avant-projet a été majoritairement soutenue dans le cadre de la consultation, mais sa formulation a paru trop compliquée89.

3.3.3

Réserve pendant la procédure de divorce ou en dissolution selon le projet

Bien que le nombre de cas où le décès d'un époux ou d'un partenaire enregistré intervient en cours de procédure de divorce ou en dissolution soit relativement faible, le Conseil fédéral continue d'estimer justifiée la suppression, à certaines conditions, de la réserve du survivant en cas de décès pendant une telle procédure.

Cela permettra au de cujus de disposer de manière plus étendue de ses biens. De 86 87 88 89

BSK ZGB II-Staehelin, art. 462 N 2; BK-Weimar, art. 462 N 8.

Piotet, Rapport, p. 75.

Proposition basée sur celles de Piotet, Rapport, p. 92 s. et 99, et de Fankhauser, Ehekrise, p. 268 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 31.

5889

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plus, cette modification permettra d'harmoniser le droit des successions avec les règles déjà adoptées en matière de liquidation du régime matrimonial et de partage de la prévoyance professionnelle.

Le projet prévoit ainsi de maintenir la proposition de l'avant-projet, en la simplifiant quelque peu. En cas de décès pendant la procédure de divorce, le conjoint survivant ne pourra pas se prévaloir de sa réserve si, au moment du décès, une des conditions suivantes est remplie: (1) les conjoints étaient d'accord sur le principe du divorce (la procédure a été introduite sur requête commune, ou sur demande unilatérale transformée par la suite en requête commune); (2) les conjoints avaient déjà vécu séparés pendant deux ans au moins (art. 472, al. 1, P-CC). Les mêmes principes s'appliqueront par analogie si le décès intervient pendant une procédure de dissolution de partenariat enregistré (art. 472, al. 2, P-CC).

Le conjoint ou partenaire enregistré survivant restera toutefois héritier légal jusqu'à l'entrée en force de la décision de divorce ou de dissolution (art. 120, al. 2, P-CC et art. 31, al. 1, LPart). Cela signifie que, en l'absence de testament excluant le conjoint ou partenaire enregistré survivant, celui-ci conservera son droit à sa part successorale (art. 462 CC) en cas de décès avant l'entrée en force de la décision de divorce ou de dissolution. Ce compromis permet de tenir compte à la fois du besoin de prévoyance du survivant et de l'éventuel désir du disposant de pouvoir exclure de sa succession son conjoint ou partenaire enregistré en raison de la procédure de divorce ou en dissolution.

Au vu du but poursuivi par la modification concernant la réserve, il y a lieu d'adopter la même règle pour les avantages résultant de dispositions pour cause de mort, d'un contrat de mariage ou d'une convention sur les biens. Sauf clause contraire, ces avantages seront caducs si, au moment du décès, une procédure de divorce ou en dissolution entraînant une perte de réserve aux termes de l'art. 472 P-CC est pendante. Les art. 120, 217 et 241 CC sont modifiés en conséquence.

3.4

Augmentation de la quotité disponible en présence d'un usufruit en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant

3.4.1

Remarque générale

La possibilité d'améliorer la position du conjoint ou du partenaire enregistré survivant est un sujet important dans les discussions sur une révision du droit des successions. Le législateur a toujours dû trouver un équilibre entre la part dévolue au conjoint survivant et celle dévolue aux enfants. La situation est particulièrement délicate lorsque les enfants ne sont pas des enfants communs du de cujus et du conjoint survivant (voir ch. 3.10).

5890

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La tendance, tant en Suisse que dans le reste de l'Europe, est à l'amélioration du statut du conjoint ou du partenaire enregistré survivant90. La révision du droit matrimonial, en vigueur depuis le 1er janvier 1988, l'a bien montré. Cette évolution est le fruit de celle de la société en général: l'importance de la famille comme communauté solidaire des générations a décru, en même temps que l'intérêt à garder le patrimoine au sein de la famille. Transmettre les biens familiaux à sa postérité n'est plus aussi important qu'autrefois, en raison des progrès économiques de ces dernières dizaines d'années, hormis dans le cas des entreprises familiales.

A l'intérieur de la communauté familiale, c'est aujourd'hui la relation de couple qui est au premier plan. L'art. 462 CC, qui fait du conjoint ou du partenaire enregistré survivant l'héritier légal le plus important, reflète cet état de fait91. De plus en plus de voix s'élèvent d'ailleurs pour demander que le conjoint ou le partenaire enregistré devienne l'unique héritier économique92. Le Conseil fédéral n'estime pas opportun d'adopter une solution aussi radicale; dans le présent projet, il se limite à proposer la réduction des réserves des descendants et maintient la réserve en faveur du conjoint et du partenaire enregistré prévue par le droit actuel (voir ch. 3.2.4), du moins aussi longtemps que dure la volonté de former une communauté de destin (voir ch. 3.3).

Le Conseil fédéral estime en revanche que la possibilité de favoriser son conjoint ou son partenaire enregistré survivant peut être augmentée par une adaptation de la règle sur le legs d'usufruit aux nouvelles réserves.

3.4.2

Quotité disponible en présence d'un usufruit selon le droit en vigueur

Le droit actuel permet de laisser au conjoint survivant l'usufruit de toute la part successorale dévolue aux enfants communs (art. 473, al. 1, CC). Cet usufruit tient lieu du droit de succession légal du conjoint survivant en concours avec ces descendants. Ces derniers héritent ainsi de la nue-propriété de leur part successorale, grevée d'un usufruit en faveur du parent survivant. Outre cet usufruit, la quotité disponible (soit la part excédant les réserves légales et dont le testateur peut disposer librement) est d'un quart de la succession (art. 473, al. 2, CC).

Le but de cette règle est principalement de contribuer à maintenir les conditions de vie du conjoint survivant, tout en évitant de devoir partager la succession entre le conjoint survivant et les descendants communs93. Elle permet notamment, dans de nombreux cas, d'éviter d'avoir à vendre le logement de famille pour procéder au partage de la succession. La possibilité offerte par cette disposition est très utilisée en pratique. Tout en favorisant son conjoint, elle permet en effet au testateur de faire 90

91 92

93

Voir par ex. Röthel, Erbrecht, p. 50 s. avec des références détaillées; le projet initial de code civil d'Eugen Huber ne donnait pas au conjoint survivant le statut d'héritier légal; ce sont les Chambres fédérales qui l'ont introduit dans le CC.

Wolf, p. 306; BK-Weimar, Einleitung zum 13. Titel, N 9.

Röthel, Erbrecht, p. 50 s. et références citées; Röthel, Pflichtteilsrecht, p. 126 s; des critiques ont cependant aussi été émises dans les ouvrages de doctrine car la révision a conduit à «sur-doter le conjoint», voir BK-Weimar, Einleitung zum 13. Titel, N 16.

Steinauer, Successions, N 415 et références citées.

5891

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en sorte que, au moment du décès du survivant, l'entier de sa succession soit transmis aux descendants communs, ces derniers ayant en contrepartie à supporter jusqu'à ce moment une limitation de leurs droits d'héritiers réservataires 94.

Il convient d'observer que l'art. 473 CC a été modifié déjà à trois reprises depuis l'entrée en vigueur du code civil (en 1976, 1984 et 2001). Même si son utilité n'est pas remise en cause, il ne donne apparemment toujours pas entière satisfaction 95. En effet, le choix du législateur de fixer la quotité disponible à un quart de la succession résulte d'un compromis de dernière minute96 vivement critiqué par la doctrine, qui est toutefois elle-même partagée sur la quotité disponible qui devrait rester à disposition du de cujus à côté du legs d'usufruit selon l'art. 473 CC (1/8, 2/8 ou 3/8). De plus, différentes petites incohérences semblent ressortir lorsqu'une étude poussée de cette disposition est effectuée à l'aune des interprétations littérale, historique, systématique et téléologique97.

Dans l'avant-projet, le Conseil fédéral avait proposé de corriger les traductions imprécises et autres irrégularités relevées par la doctrine afin de mettre un terme à la controverse existante, et de maintenir la quotité disponible d'un quart, pour ne pas prétériter ultérieurement les descendants (qui voient leur réserve diminuée; voir ch. 3.2.2) et pour ne pas modifier une fois de plus cet article. Ce choix a été critiqué, l'augmentation de la liberté de disposer poursuivie par la présente révision du droit des successions devant logiquement se réaliser également en présence d'un legs d'usufruit selon l'art. 473 CC98.

3.4.3

Quotité disponible en présence d'un usufruit selon le projet

Au vu des considérations qui précèdent, le Conseil fédéral propose désormais une modification de l'art. 473 CC qui soit cohérente avec le but poursuivi par la présente révision et de mettre ainsi fin aux incertitudes liées à son interprétation.

Par la même occasion, le texte de loi sera modifié afin de tenir compte de la possibilité nouvelle d'adoption de l'enfant du partenaire enregistré, entrée en vigueur au 1er janvier 2018 (art. 264c, al. 1, ch. 2, CC), et par laquelle les partenaires enregistrés peuvent également avoir des descendants communs. La possibilité de bénéficier d'un legs d'usufruit en présence de descendants communs est ainsi reconnue également au partenaire enregistré survivant.

Outre l'usufruit sur la part dévolue aux descendants communs, la quotité disponible sera ainsi fixée à la moitié de la succession (art. 473, al. 2, deuxième phrase, P-CC).

Cette quotité disponible correspond à la quotité disponible ordinaire en présence d'un conjoint ou partenaire enregistré survivant en concours avec des descendants communs (art. 471 P-CC en lien avec l'art. 462 CC). Le projet prévoit donc, contrai94 95 96 97 98

BSK ZGB II-Staehelin, art. 473 N 2.

Carlin, p. 1.

BSK ZGB II-Staehelin, art. 473 N 6 à 11.

Carlin, p. 295 ss.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 29.

5892

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rement au droit en vigueur99, que le testateur bénéficie de la même liberté de disposer, qu'il fasse usage ou non de la possibilité octroyée par l'art. 473 CC. Cela lui permettra de favoriser de manière plus étendue qu'actuellement son conjoint ou partenaire enregistré survivant, souhait très répandu en pratique, en lui attribuant la moitié de sa succession en pleine propriété et l'usufruit sur l'autre moitié.

Il est à préciser que l'art. 473 CC n'affecte pas la réserve du conjoint ou du partenaire enregistré survivant. Celui-ci conserve donc le droit de faire valoir sa réserve en pleine propriété en lieu et place de l'usufruit de l'art. 473 CC. Toutefois, s'il accepte le legs d'usufruit, il renonce à sa réserve 100.

Enfin, l'indication explicite dans le texte de loi du montant de la quotité disponible sera maintenue. Cela aura pour avantage de ne pas rouvrir la querelle doctrinale dite «des huitièmes»101. A ce sujet, il est intéressant de constater que le choix d'une quotité disponible de la moitié réunit deux courants de doctrine existant avant la modification du 5 octobre 2001: celui en faveur d'une quotité disponible correspondant à la valeur de la succession après déduction de la réserve des descendants, et celui en faveur d'une quotité disponible correspondant à la quotité disponible ordinaire102.

3.4.4

Exemples de calcul

Les exemples qui suivent tendent à expliciter le fonctionnement de l'art. 473 P-CC.

Comme préconisé par la doctrine majoritaire, deux masses distinctes de calcul sont formées en présence d'enfants communs et non communs, proportionnellement à leur nombre, l'une à partager entre le conjoint survivant et les descendants communs, l'autre entre le conjoint survivant et les descendants non communs du de cujus103. Le mode de procéder proposé par la doctrine minoritaire104 est ainsi voué à tomber en désuétude avec la présente révision, ce qui favorisera la sécurité du droit.

Exemple 1: X décède et laisse son épouse Y, 65 ans, et leurs deux enfants A et B. Sa succession s'élève à CHF 600 000. Dans son testament, X favorise Y au maximum, en lui attribuant la quotité disponible en pleine propriété et le reste en usufruit.

En présence d'enfants communs uniquement, la volonté de X peut être suivie à la lettre. L'entier de la succession, soit CHF 600 000, est donc soumis à l'art. 473 P-CC. Elle est partagée comme suit: la quotité disponible attribuée en pleine propriété à Y se monte à CHF 300 000. Il reste CHF 300 000, qui sont remis en usufruit à Y et dont A et B reçoivent la nue-propriété (CHF 150 000 chacun).

Exemple 2: Même donnée de base que dans l'exemple 1, mais outre A et B, X laisse un autre enfant, D, né d'une précédente relation.

99 100 101 102 103 104

BSK ZGB II-Staehelin, art. 473 N 11.

Steinauer, Successions, N 440 et références citées.

Sutter-Somm/Ammann, N 68 ss; BSK ZGB II-Staehelin, art. 473 N 6.

Pour les différents courants de doctrine, voir Carlin, p. 310 ss.

CR CC II-Steinauer, art. 473 N 6; Sutter-Somm/Ammann, N 74 et références citées.

Sutter-Somm/Ammann, N 75 et références citées.

5893

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En raison de la présence d'enfants communs (A et B) et d'un enfant non commun (D), la volonté de X ne peut être suivie à la lettre. Il faut donc commencer par séparer arithmétiquement la succession en deux masses, proportionnellement au nombre d'héritiers appartenant à chaque groupe, soit dans ce cas deux tiers/un tiers.

­

La portion de deux tiers, soit CHF 400 000, revient aux enfants communs et est donc soumise à l'art. 473 P-CC. Elle est partagée comme suit: la quotité disponible attribuée en pleine propriété à Y se monte à CHF 200 000. Il reste CHF 200 000 qui sont remis en usufruit à Y et dont A et B reçoivent la nuepropriété (CHF 100 000 chacun).

­

La portion restante d'un tiers, à laquelle l'art. 473 P-CC ne s'applique pas, s'élève à CHF 200 000 et doit être répartie entre Y et D. Au vu du testament, Y recevra dans un premier temps CHF 100 000 (quotité disponible) en pleine propriété. En application des art. 484 et 530 CC, règles ordinaires applicables lorsque la succession est grevée d'usufruits, le montant maximum de la valeur capitalisée de l'usufruit portant sur les CHF 100 000 restants correspondra à la valeur de la réserve de Y105, c'est-à-dire à CHF 50 000 (¼ × 200 000). L'usufruit doit être ramené à une valeur capitalisée de CHF 50 000. Le montant maximum sur lequel peut porter l'usufruit sera donc de CHF 87 750 (CHF 50 000 × 100 / 3,5 × 16,28106)107. D recevra ainsi CHF 12 250 en pleine propriété et CHF 87 750 en nue-propriété.

Au final, Y recevra au total CHF 300 000 en pleine propriété et bénéficiera d'un usufruit sur CHF 287 750. A et B recevront la nue-propriété de CHF 100 000 chacun. D recevra CHF 12 250 en pleine propriété et CHF 87 750 en nue-propriété; comme la valeur de la nue-propriété est de CHF 37 750 (CHF 87 750 ­ CHF 50 000; montant de la nue-propriété - valeur capitalisée de l'usufruit grevant la propriété = valeur de la nue-propriété), D reçoit bien, en valeur, CHF 50 000, soit sa réserve de ¼ de CHF 200 000.

105

Car une fois obtenue la quotité disponible, Y ne peut obtenir plus que sa réserve. A défaut, la réserve de D serait lésée.

106 Steinauer, Successions, N 420; Stauffer/Schaetzle/Weber, p. 175 à 178: femme de 65 ans, taux de base d'intérêt de 3,5 % (taux utilisé habituellement, variable toutefois suivant le rendement de la fortune).

107 Explication du calcul: Valeur capitalisée d'un usufruit = montant sur lequel porte l'usufruit × taux de rendement × coefficient de capitalisation (selon l'âge et le sexe du bénéficiaire) / 100 (voir Carlin, p. 104). Pour obtenir le montant sur lequel porte l'usufruit, le calcul est donc le suivant: valeur capitalisée de l'usufruit × 100 / taux de rendement × coefficient de capitalisation.

5894

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3.5

Clarification du traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant par contrat de mariage ou convention sur les biens

3.5.1

Remarque générale

La question des droits du conjoint ou du partenaire enregistré survivant se pose également dans d'autres domaines que celui de la part à la succession. Au décès d'un époux, la situation financière du conjoint survivant dépend en effet en grande partie de ce qui lui échoit en application du régime matrimonial. Lorsqu'une personne mariée décède, il est dans un premier temps procédé à la dissolution de son régime matrimonial (art. 204, al. 1, CC) et, dans un deuxième temps, au partage de sa succession. Dans le régime matrimonial ordinaire de la participation aux acquêts (art. 196 ss CC), la moitié de la valeur des acquêts du défunt, c'est à dire du bénéfice réalisé pendant l'union conjugale, est attribuée au conjoint survivant dans le cadre de la dissolution du régime (art. 215, al. 1, CC), tandis que l'autre moitié sera comprise dans la masse successorale avec la valeur des biens propres du de cujus. Par contrat de mariage, les époux peuvent toutefois déroger à cette règle et convenir d'une autre participation au bénéfice (art. 216 CC). Ils ont ainsi la possibilité d'attribuer l'entier du bénéfice au conjoint survivant en cas de décès, seule la valeur des biens propres étant alors prise en compte dans la succession. Quant à la loi sur le partenariat, elle prévoit que les partenaires peuvent convenir d'une réglementation spéciale sur les biens (art. 25 LPart).

L'attribution de l'entier du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant lui permet de profiter du patrimoine qu'il a contribué à constituer pendant des années. De plus, elle contribue à assurer la sécurité financière du conjoint ou du partenaire enregistré survivant à l'âge de la retraite. En règle générale, le conjoint ou le partenaire enregistré survivant a plus besoin de la succession pour assurer son avenir que les descendants, qui n'ont souvent pas de difficultés financières au moment où ils héritent, puisqu'ils se trouvent dans un âge de la vie où ils exercent une activité lucrative leur garantissant un revenu régulier. La pratique des notaires montre bien que la dérogation au régime légal en faveur du conjoint ou du partenaire enregistré survivant est un des motifs principaux de conclusion des contrats de mariage et des pactes successoraux108.

Ces considérations atteignent toutefois leurs limites lorsque la dévolution
de biens au conjoint ou au partenaire enregistré survivant se fait au détriment d'enfants qui ne sont pas communs au couple. Ces enfants ne recevront pas les biens en question au décès du nouveau conjoint ou partenaire enregistré. Pour cette raison le droit en vigueur admet la possibilité de porter atteinte à la réserve héréditaire des enfants communs et des père et mère, mais pas à celle des enfants non communs et de leurs descendants (art. 216, al. 2, CC). En matière de partenariat enregistré, la convention ne peut porter atteinte à la réserve des descendants de l'un ou l'autre des partenaires (art. 25, al. 2, LPart).

108

Wolf, p. 305.

5895

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Dans le régime matrimonial de la communauté de biens (art. 221 ss CC), les biens communs sont partagés par moitié entre le conjoint survivant et les héritiers. Les époux peuvent cependant convenir d'un autre partage par contrat de mariage (art. 241, al. 2, CC). Ils ont ainsi la possibilité d'attribuer la totalité des biens communs au conjoint survivant en cas de décès, seule la valeur des biens propres tombant dans la succession. Dans le régime matrimonial de la communauté de biens, toutefois, les époux ne peuvent porter atteinte à la réserve des descendants comme c'est le cas dans le régime de la participation aux acquêts. La réserve de tous les descendants (communs et non communs) est ainsi protégée, cela étant justifié par le fait que des biens qui seraient des biens propres dans le régime des acquêts (et tomberaient dans la succession) peuvent être des biens communs dans le régime de la communauté de biens109.

3.5.2

Traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice selon le droit en vigueur

La possibilité d'attribuer à l'autre époux l'entier du bénéfice réalisé pendant l'union conjugale en la forme du contrat de mariage (et non du pacte successoral, alors qu'il produit ses effets au décès) constitue une lex specialis par rapport aux règles ordinaires du droit successoral110.

La question de savoir si l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice au conjoint survivant par contrat de mariage constitue une libéralité entre vifs ou à cause de mort est toutefois disputée en doctrine111. Dans une décision du 15 février 2011, le Tribunal fédéral, qui jusqu'à la révision du droit de la famille entrée en vigueur le 1er janvier 1988 s'était exprimé en faveur d'une disposition pour cause de mort, a exposé de manière détaillée les différents points de vue112. En l'espèce il a toutefois laissé ouverte la question de la qualification juridique des conventions prévoyant une répartition du bénéfice autre que celle prévue par la loi 113 et ne s'est plus exprimé sur cette thématique depuis lors. Cette question ayant un impact important sur la base de calcul des réserves et sur l'ordre des réductions, car les libéralités entre vifs ne sont réduites qu'après les dispositions pour cause de mort (art. 532 CC), la situation d'incertitude actuelle nuit concrètement à la sécurité du droit et mérite d'être éclaircie dans la présente révision.

Dans l'avant-projet, le Conseil fédéral avait proposé de qualifier l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant par contrat de mariage de disposition pour cause de mort. Il avait donc proposé de modifier l'art. 494 CC au chapitre «Des modes de disposer» et d'ajouter un al. 4 mentionnant que cette attribution est à traiter comme un pacte successoral. Les réactions à cette proposition dans la procédure de consultation ont été très parta-

109 110 111 112 113

Deschenaux/Steinauer/Baddeley, N 1583.

Steinauer, Successions, N 496.

Eitel, Ehegüterrechtliche Rechtsgeschäfte, p. 9 à 19.

ATF 137 III 113, consid. 4.2.2 et 4.2.3.

ATF 137 III 113, consid. 3.

5896

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gées114. Si la volonté de clarifier le calcul des prétentions réservataires des descendants en cas d'attribution de l'entier du bénéfice au conjoint survivant a été saluée, la proposition de qualifier cette attribution comme une disposition pour cause de mort a été vivement critiquée. Il a été notamment relevé que cette qualification n'était pas compatible avec le but poursuivi par la révision du droit des successions d'augmenter la liberté de disposer du de cujus, puisqu'elle revient à restreindre sa liberté de disposer en matière d'attribution du bénéfice réalisé pendant l'union conjugale. De plus, elle affaiblit de manière importante la position du conjoint survivant par rapport aux enfants communs. La pratique montre que chez les couples à revenus modestes, avec peu ou aucun bien propre, l'attribution de l'entier du bénéfice au conjoint survivant peut lui permettre de maintenir le niveau de vie antérieur. Elle peut aussi lui éviter d'avoir à vendre le logement familial pour subvenir à ses besoins, évitant ainsi d'émarger à l'aide sociale.

3.5.3

Traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice selon le projet

Le Conseil fédéral est sensible à ces arguments. Comme cela a déjà été le cas pour la réserve en faveur du conjoint ou partenaire enregistré survivant (voir ch. 3.2.4), il revient sur sa décision et abandonne la proposition formulée dans l'avant-projet.

L'attribution de l'entier du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant doit être qualifiée de libéralité entre vifs. Cela permet de mettre fin à une autre incertitude existant dans la pratique au sujet de l'attribution de l'entier du bénéfice par contrat de mariage ou convention sur les biens: s'agissant d'une libéralité entre vifs (et non d'une disposition pour cause de mort), ces contrats et conventions ne doivent pas être ouverts, contrairement aux dispositions pour cause de morts.

Dans le but de ne pas prétériter à l'excès les descendants communs, dont la réserve est réduite par le présent projet de révision, le Conseil fédéral propose de prendre en compte l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice dans le calcul des réserves, soit de la réunir à la masse de calcul des réserves «dans la mesure où elle favorise» le conjoint ou le partenaire enregistré survivant, c'est-à-dire pour le montant dépassant la moitié du bénéfice du conjoint décédé (art. 216, al. 2, P-CC). Cela signifie que la part supplémentaire pourra, le cas échéant, être réduite. Le projet ancre explicitement cette possibilité à l'art. 532, al. 2, P-CC.

Avec cette solution, la masse de calcul des réserves sera plus élevée et les réserves de tous les héritiers réservataires (descendants communs, descendants non communs et conjoint ou partenaire enregistré survivant) seront calculées de la même manière115. Mais seuls les enfants non communs et leurs descendants pourront demander la réduction du contrat de mariage ou de la convention sur les biens, comme dans le droit actuel.

114 115

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 26 à 29.

Actuellement, les réserves sont calculées sur la base de deux masses de calcul différentes; voir Eitel, Ehegüterrechtliche Rechtsgeschäfte, p. 18.

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Le projet améliore toutefois la situation des enfants communs et de leurs descendants: en cas de remariage ou de nouveau partenariat enregistré du parent survivant, ils pourront faire valoir la réserve qu'ils n'avaient pas pu faire valoir au décès du premier parent (art. 216, al. 4, P-CC). Cette protection de la réserve des enfants communs et de leurs descendants existe d'ores et déjà en cas de remariage en présence d'un legs d'usufruit au sens de l'art. 473, al. 3, CC.

3.5.4

Exemples de calcul

Pour une meilleure compréhension de la proposition formulée dans ce projet, il y a lieu d'exposer quelques exemples: Exemple 3: X et Y, mariés, ont un enfant commun A. Au décès de X, son patrimoine est composé de CHF 700 000 d'acquêts (qu'il a entièrement attribués à Y en application de l'art. 216, al. 1, CC) et de CHF 100 000 de biens propres. Trois ans avant son décès, X avait effectué une donation de CHF 500 000 (issus de ses biens propres) à un tiers T.

La masse de calcul des réserves des héritiers de X se monte ainsi à CHF 950 000: ses biens propres de CHF 100 000, auxquels sont réunis CHF 350 000 correspondant à la moitié des acquêts et CHF 500 000 correspondant à la libéralité (réductible en application de l'art. 527, ch. 3, CC). Sur cette base, la réserve de Y (½ × ½ = ¼) se monte à CHF 237 500 et celle de A également à CHF 237 500 (art. 471 P-CC). La quotité disponible s'élève à CHF 475 000 (CHF 950 000 ­ CHF 237 500 ­ CHF 237 500).

Y s'étant vu attribuer la totalité des acquêts par contrat de mariage, seule la valeur des biens propres de X, soit CHF 100 000, est disponible pour couvrir la réserve de A. Il lui manque ainsi CHF 137 500 pour que sa réserve soit respectée. En sa qualité d'enfant commun, il ne peut agir contre Y en réduction pour faire valoir ses droits. Il doit donc attaquer la donation faite à T. Cependant, comme la donation à T n'excède la quotité disponible que de CHF 25 000 (CHF 475 000 ­ CHF 500 000), il ne pourra obtenir que ce montant de T. A recevra au final CHF 125 000 au total (CHF 100 000 de biens propres de X et CHF 25 000 de T en réduction de la donation reçue). La protection offerte par l'art. 216, al. 3, P-CC au conjoint survivant visà-vis des descendants communs protège Y contre une action de A.

Au final, Y recevra CHF 350 000 et A CHF 125 000, tandis que T pourra garder CHF 475 000.

Exemple 3a: Même donnée de base que dans l'exemple 3, sauf que l'enfant n'est pas un enfant commun de X et Y. D est uniquement enfant de X.

Y s'étant vu attribuer la totalité des acquêts par contrat de mariage, seule la valeur des biens propres de X, soit CHF 100 000, est disponible pour couvrir la réserve de D. Il lui manque ainsi CHF 137 500 pour que sa réserve soit respectée. En sa qualité d'enfant non-commun, il peut agir contre Y et T en réduction pour faire valoir ses
droits. Les libéralités accordées par contrat de mariage devant être réduites avant les autres libéralités entre vifs (art. 532, al. 2, P-CC), D devra en premier lieu agir en réduction contre Y (voir ch. 3.7.3). Il pourra ainsi obtenir CHF 112 500 de Y par la 5898

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réduction de l'attribution supplémentaire (CHF 350 000 d'attribution supplémentaire - réserve de Y de CHF 237 500) et CHF 25 000 de T par réduction de la donation reçue par celui-ci.

Au final, Y recevra CHF 237 500 et D CHF 237 500, tandis que T pourra garder CHF 475 000.

Exemple 4: X et Y, mariés, ont un enfant commun A. Au décès de X, son patrimoine est composé de CHF 700 000 d'acquêts (qu'il a entièrement attribués à Y en application de l'art. 216, al. 1, CC) et de CHF 100 000 de biens propres. Trois ans avant son décès X avait effectué une donation de CHF 2 550 000 (issus de ses biens propres) à un tiers T.

La masse de calcul des réserves des héritiers de X se monte ainsi à CHF 3 000 000: ses biens propres de CHF 100 000, auxquels sont réunis CHF 350 000 correspondant à la moitié des acquêts et CHF 2 550 000 correspondant à la libéralité (réductible en application de l'art. 527, ch. 3, CC). Sur cette base, la réserve de (½ × ½ = ¼) se monte à CHF 750 000 et celle de A également à CHF 750 000. La quotité disponible s'élève à CHF 1 500 000 (CHF 3 000 000 ­ CHF 750 000 ­ CHF 750 000).

Malgré le fait que Y s'est vu attribuer la totalité des acquêts par contrat de mariage à hauteur de CHF 350 000, sa réserve n'est pas couverte. Il touche donc en outre la moitié de la valeur des biens propres de X, soit CHF 50 000 (CHF 100 000 / 2), l'autre moitié revenant à A. Y dispose ainsi de CHF 400 000 et il lui manque CHF 350 000 pour couvrir sa réserve. De son côté, A dispose de CHF 50 000 et il lui manque CHF 700 000 pour couvrir sa réserve. Y et A pourront donc agir en réduction contre T à hauteur de ces montants (CHF 350 000 + CHF 700 000) pour reconstituer leur réserve.

Au final, Y recevra CHF 750 000 et A CHF 750 000 tandis que T pourra garderCHF 1 500 000.

Exemple 4a: Même donnée de base que dans l'exemple 4, mais D est l'enfant de X uniquement (enfant non-commun).

Dans ce cas, le résultat est le même que dans l'exemple précédant. Peu importe que l'enfant soit commun ou non, du moment que Y n'a pas obtenu sa réserve et que la réduction ne peut donc s'effectuer qu'à l'encontre du tiers (envers lequel l'enfant non-commun bénéficie des mêmes droits que l'enfant commun).

Exemple 5: X et Y, mariés, ont un enfant commun A. Au décès de X, son patrimoine est composé de CHF 700 000 d'acquêts (qu'il a
entièrement attribués à Y en application de l'art. 216, al. 1, CC) et de CHF 100 000 de biens propres. Trois ans avant son décès X avait effectué une donation de CHF 400 000 (issus de ses biens propres) à un tiers T.

La masse de calcul des réserves des héritiers de X se monte ainsi à CHF 850 000: ses biens propres de CHF 100 000, auxquels sont réunis CHF 350 000 correspondant à la moitié des acquêts et CHF 400 000 correspondant à la libéralité (réductible en application de l'art. 527, ch. 3, CC). Sur cette base, la réserve de Y (½ × ½ = ¼) se monte à CHF 212 500 et celle de A également à CHF 212 500. La quotité disponible s'élève à CHF 425 000 (CHF 850 000 ­ CHF 212 500 ­ CHF 212 500).

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Y s'étant vu attribuer la totalité des acquêts par contrat de mariage, seule la valeur des biens propres de X, soit CHF 100 000, est disponible pour couvrir la réserve de A. Il lui manque ainsi CHF 112 500 pour que sa réserve soit respectée. En sa qualité d'enfant commun, il ne peut agir contre Y en réduction pour faire valoir ses droits.

De plus, il ne pourra attaquer la donation faite à T, car celle-ci n'excède la quotité disponible de la succession de X (art. 522, al. 1, P-CC). Il devra donc se contenter de CHF 100 000 et ne pourra reconstituer sa réserve, à moins que Y ne se remarie (art. 216, al. 4, P-CC).

Au final, Y recevra CHF 350 000 et A CHF 100 000, tandis que T pourra garder CHF 400 000.

Exemple 5a: Même donnée que dans l'exemple 5, mais D est l'enfant de X uniquement (enfant non commun).

Y s'étant vu attribuer la totalité des acquêts par contrat de mariage, seule la valeur des biens propres de X, soit CHF 100 000 est disponible pour couvrir la réserve de D. Il lui manque ainsi CHF 112 500 pour que sa réserve soit respectée. En sa qualité d'enfant non commun, il peut agir contre Y en réduction pour faire valoir ses droits.

Il ne peut agir contre T pour deux raisons: d'une part, parce que les libéralités accordées par contrat de mariage ou convention sur les biens sont réduites avant les autres libéralités (art. 532, al. 2, P-CC), et, d'autre part, parce que la donation faite à T n'excède pas la quotité disponible de la succession de X (art. 522, al. 1, P-CC). Il pourra ainsi obtenir CHF 112 500 de Y par la réduction de l'attribution supplémentaire.

Au final, Y recevra CHF 237 500 et D CHF 212 500, tandis que T pourra garder CHF 400 000.

3.6

Clarification du traitement de la prévoyance individuelle liée dans la succession

3.6.1

Remarque générale

Le système de prévoyance suisse repose sur les trois piliers définis à l'art. 111, al. 1, de la Constitution (Cst.)116: l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (1er pilier), la prévoyance professionnelle (2e pilier) et la prévoyance individuelle (3e pilier). Ce système a pour but de permettre aux personnes âgées, aux survivants et aux invalides de maintenir leur niveau de vie de manière appropriée lors de la réalisation d'un cas d'assurance (vieillesse, décès ou invalidité)117.

Aux termes de l'art. 111, al. 4, Cst., la Confédération, en collaboration avec les cantons, encourage la prévoyance individuelle par des mesures fiscales. L'art. 82 LPP constitue la base légale de cette «prévoyance individuelle liée», c'est-à-dire du pilier 3a. Cette disposition offre notamment aux salariés et aux indépendants la possibilité de bénéficier d'avantages fiscaux s'ils versent des cotisations à d'autres formes reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle. Ces 116 117

RS 101 Art. 113, al. 2, let. a, Cst.; Jungo, Säule 3a, p. 99.

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cotisations doivent cependant être exclusivement et irrévocablement affectées à la prévoyance de l'assuré et de ses survivants en ce qui concerne les risques de vieillesse, de décès et d'invalidité, en complément des prestations du 1 er et du 2e piliers.

L'art. 82 LPP est resté inchangé depuis l'entrée en vigueur de la LPP, le 1er janvier 1985. L'al. 2 prévoit que le Conseil fédéral détermine, avec la collaboration des cantons, quelles formes de prévoyance peuvent être prises en considération. En exécution de ce mandat légal, le Conseil fédéral a inscrit deux formes de prévoyance dans l'ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3)118: la prévoyance liée auprès des établissements d'assurances et la prévoyance liée auprès des fondations bancaires (art. 1, al. 1, OPP 3). Seuls les fondations bancaires et les établissements d'assurances sont ainsi désignés comme prestataires de la prévoyance individuelle liée, ce qui offre aux capitaux de prévoyance les garanties nécessaires en matière de réglementation, de surveillance et de droit des placements.

Cette organisation de la prévoyance individuelle a fait ses preuves depuis son introduction en 1987. C'est également le cas de la réglementation relative aux bénéficiaires du pilier 3a qui, conformément à l'objectif d'apporter un complément aux prestations du 1er et du 2e pilier, prévoit un cercle de survivants distinct mais proche de celui en vigueur dans le 2e pilier.

3.6.2

Le traitement des avoirs de la prévoyance individuelle liée dans la succession selon le droit en vigueur

Au vu du système d'assurances sociales que l'on vient d'évoquer, le décès d'une personne ouvre chez ceux qui lui succèdent ­ et en particulier chez ses héritiers légaux ­ des prétentions contre des tiers qui n'entrent pas dans la succession mais sont des droits propres des bénéficiaires. Il s'agit en particulier des prétentions découlant de la LAVS (rente de veuve et de veuf ainsi que d'orphelin) et de la LPP (rente de veuve et de veuf, rente d'orphelin et, si l'institution de prévoyance le prévoit dans son règlement, prestations en faveur des personnes à charge du défunt ou de la personne qui a formé avec ce dernier une communauté de vie ininterrompue d'au moins cinq ans [art. 20a LPP])119. Ces prétentions sont exclues de la masse successorale et ne sont pas sujettes à réduction. En effet, lorsque le de cujus a financé les prétentions directement reçues ensuite par ses successeurs dans le cadre du système des assurances sociales obligatoires mis en place pour garantir la prévoyance-survivants, il y a lieu de considérer qu'il a «simplement participé au financement du système de prévoyance obligatoire et qu'il ne s'agit donc pas, de sa part, d'une démarche relevant de son autonomie privée et visant à faire, par le biais du droit propre exercé par le successeur, une libéralité à celui-ci en marge de la succession»120.

118 119 120

RS 831.461.3 Steinauer, Successions, N 129; Jungo, Säule 3a, p. 98.

Steinauer, Successions, N 132.

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La question de savoir si les prétentions découlant du droit de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) entrent dans la succession ou non, est en revanche controversée sous le droit en vigueur121.

Il existe en effet nombre d'arguments, axés sur le but de prévoyance du pilier 3a, qui plaident en faveur d'une exclusion des avoirs du pilier 3a de la masse successorale122: ­

les bases légales (art. 82 LPP) et constitutionnelles (art. 111 Cst.) du pilier 3a relèvent des assurances sociales et non du droit privé;

­

si les avoirs du pilier 3a tombaient dans la masse successorale, ils seraient à la merci des créanciers du de cujus et de la masse, ce qui est inconciliable avec le but même de la prévoyance (maintien du niveau de vie des survivants, conjoints et enfants mineurs en particulier);

­

si ces avoirs pouvaient servir d'autres buts que celui de la prévoyance, la raison même de leur exonération fiscale disparaîtrait;

­

pour les personnes qui n'ont pas de 2e pilier (notamment les indépendants), le pilier 3a peut constituer l'entier de la prévoyance professionnelle;

­

le législateur a prévu expressément que les litiges avec les institutions de prévoyance du pilier 3a sont du ressort du tribunal des assurances (art. 73 LPP), soit du tribunal compétent pour les questions de prévoyance professionnelle du 2e pilier, et non du tribunal civil, compétent en matière de successions.

D'un autre côté, il existe des arguments ­ axés sur la nature volontaire de la constitution du pilier 3a, forme d'épargne privilégiée fiscalement ­ qui plaident en faveur d'une prise en compte des avoirs du pilier 3a dans la succession123: ­

dans certains cas, les avoirs du pilier 3a peuvent représenter des montants importants pouvant constituer la majeure partie du patrimoine du de cujus, voire la seule; s'ils n'étaient pas pris en considération dans la succession, les règles sur les réserves héréditaires pourraient être contournées;

­

la constitution d'un avoir de prévoyance se fait sur une base purement volontaire, contrairement au 2e pilier; le rapport juridique entre preneur et institution de prévoyance individuelle liée est un rapport contractuel de droit privé, y compris ­ dans les limites fixées par l'art. 2, al. 2 et 3, OPP 3 ­ la désignation des bénéficiaires;

­

alors que dans le 2e pilier les avoirs engrangés sont, en l'absence de bénéficiaires, acquis à la fondation de prévoyance et donc aux autres assurés, cela n'est pas le cas dans le 3e pilier, qui suit en la matière une logique de prévoyance individuelle et non collective;

­

dans le cadre de la dissolution du régime matrimonial, les avoirs de la prévoyance liée (qu'il s'agisse d'épargne bancaire ou de valeur de rachat

121

Steinauer, Successions, N 132 et note de bas de page n 9; PraxKomm Erbrecht-Künzle, Einleitung N 117 à 126, 118.

122 BK-Weimar, art. 476 N 50 s.

123 Voir notamment à ce sujet Aebi Müller, ch. marg. 9 à 15.

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d'assurance) sont généralement comptabilisés dans les acquêts ou les biens propres selon les règles ordinaires sur le remploi (principe de la subrogation patrimoniale)124 et ne sont pas partagés en application de l'art. 122 CC (qui prévoit que chaque époux a droit en cas de divorce à la moitié de la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle de son conjoint acquise durant le mariage jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce); bien que restant affectée à un but de prévoyance, l'épargne liée est ainsi traitée comme de l'épargne ordinaire et les assurances de prévoyance liée comme des assurances privées ordinaires; le pilier 3a n'est pas distingué du pilier 3b en matière de régime matrimonial125.

En droit civil, il est opéré une distinction entre le contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances et la convention de prévoyance liée conclue avec les fondations bancaires. Une partie de la doctrine estime ainsi que les prétentions du pilier 3a bancaire tombent dans la masse successorale du preneur de prévoyance à son décès et que les bénéficiaires désignés par l'art. 2 OPP 3 ne disposent pas d'un droit propre à l'encontre des fondations bancaires de prévoyance 126. Il en va différemment pour les prétentions du pilier 3a découlant d'un contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances, puisque dans ce cas les bénéficiaires disposent d'un droit propre à l'encontre de l'assureur (art. 78 de la loi du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance, LCA127) avec pour conséquence une exclusion de la masse successorale128.

En pratique cependant, aussi bien les prétentions découlant de contrats de prévoyance (établissement d'assurances) que celles découlant de conventions de prévoyance (fondation bancaire) sont versées directement aux bénéficiaires selon l'art.

2 OPP 3129. Le Tribunal fédéral a abordé la relation entre droit des successions et prévoyance individuelle liée dans un arrêt du 28 janvier 2014130. Les considérations de la deuxième Cour de droit social du Tribunal fédéral ont été cependant âprement critiquées par la doctrine131, d'après laquelle cet arrêt serait finalement une source supplémentaire d'insécurité juridique, à laquelle le législateur devrait mettre un terme132.

L'incertitude liée à cette thématique crée en effet des risques
importants pour les différents intervenants dans une succession. Une fondation bancaire de pilier 3a qui verserait à la personne qui menait de fait une vie de couple 133 avec le preneur de prévoyance décédé (non marié) l'intégralité des avoirs accumulés par celui-ci, conformément aux règles de l'OPP 3 et à la volonté exprimée du preneur de pré124 125 126 127 128 129 130

ATF 137 III 337, consid. 2.1.1.

Dechenaux/Steinauer/Baddeley, N 1101.

Jungo, Säule 3a, p. 110 et note de bas de page n 71.

RS 221.229.1 Jungo, Säule 3a, p. 108 et note de bas de page n 65.

Jungo, Säule 3a, p. 114.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_523/2013 du 28 janvier 2014, consid. 4.1 non publié dans ATF 140 V 57.

131 Aebi-Müller, ch. marg. 18 à 38.

132 Jungo, Säule 3a, p. 94 s.

133 Selon l'art 2, al. 1, let. b, ch. 2, OPP 3: la personne qui avait formé avec le preneur de prévoyance une communauté de vie ininterrompue d'au moins cinq ans immédiatement avant le décès.

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voyance134, sans avoir obtenu l'accord préalable des héritiers, s'expose par exemple au risque de voir un descendant contester le versement effectué et en réclamer le paiement (une deuxième fois) en sa faveur ou en faveur de la succession. Cette incertitude mérite d'autant plus d'être levée par la présente révision que le nombre de comptes en banque et polices d'assurances du pilier 3a a considérablement augmenté ces dernières années. Il est passé de 1 094 854 en 1995 à 2 332 654 en 2005, puis à 3 833 541 en 2016135.

Pour remédier à cette situation, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avant-projet, d'opérer une séparation complète entre la prévoyance professionnelle (2 e pilier et pilier 3a) et le droit des successions. Le caractère prépondérant du droit de la prévoyance sur les avoir du pilier 3a aurait été ainsi défini de manière claire. Si la volonté de clarifier la question a été généralement saluée par les participants à la procédure de consultation publique, les avis sur la solution choisie ont été très partagés136.

3.6.3

Le traitement des avoirs de la prévoyance individuelle liée dans la succession selon le projet

Au vu du résultat de la procédure de consultation, le Conseil fédéral propose une solution de compromis qui tient compte à la fois de l'avis d'une partie de la doctrine et du caractère prépondérant du droit de la prévoyance sur les avoirs de la prévoyance individuelle liée. La révision du droit des successions porte donc en partie aussi sur le droit de la prévoyance.

Les avoirs de prévoyance du pilier 3a continueront d'être exclus de la masse successorale, et cela vaut pour les deux formes reconnues de prévoyance individuelle liée.

Afin de sauvegarder les droits des survivants sur ces avoirs, ce point doit être explicitement réglé dans la loi. C'est pourquoi le projet propose d'inscrire le droit des bénéficiaires à la créance découlant du pilier 3a à l'art. 82, al. 4, P-LPP (voir ch. 4.3). Cela signifie que les institutions de prévoyance pourront verser les avoirs de prévoyance directement aux bénéficiaires sans consulter au préalable les héritiers et sans s'exposer au risque de voir un descendant contester le versement effectué.

L'exclusion des avoirs de prévoyance du pilier 3a de la masse successorale implique aussi que ceux-ci ne sont pas concernés par une liquidation de la succession par l'office des faillites en cas de répudiation (art. 573 CC).

Suite à la modification des art. 476 et 529 P-CC proposée dans le projet (voir ch. 4.1), les prétentions du pilier 3a seront toutefois réunies à la masse de calcul des réserves (uniquement pour leur valeur de rachat en matière de pilier 3a assurance) et par conséquent susceptibles d'être réduites, indépendamment de la forme de prévoyance individuelle liée choisie. Cela signifie que les héritiers réservataires qui ne touchent pas leur réserve pourront agir en réduction contre les bénéficiaires du pilier 3a pour la partie manquante.

134 135 136

En application des art. 2, al. 1, let. b, ch. 2 et 2, al. 2, OPP 3.

Voir OFAS, Statistique 2017, p. 127.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 34 à 39.

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La solution proposée par le Conseil fédéral respecte ainsi l'objectif poursuivi par le pilier 3a, qui est d'abord de contribuer à la prévoyance des bénéficiaires en cas de décès du preneur d'assurance, conformément à l'art. 82 LPP. De plus, elle empêche le de cujus de contourner les droits des héritiers réservataires à travers le pilier 3a.

La présente révision offre également l'occasion d'améliorer la lettre de l'art. 82 LPP et de préciser la délégation de compétence qu'elle contient; formulée de manière très générale, celle-ci ne correspond plus aux exigences légales actuelles. Les deux formes reconnues de prévoyance sont désormais clairement mentionnées à l'al. 1 et donc réglées au niveau de la loi; cela permet aussi de se référer aux art. 476 et 529 P-CC. Le Conseil fédéral conserve par ailleurs la compétence de régler les modalités des formes de prévoyance et de fixer l'ordre des bénéficiaires (art. 82, al. 3, P-LPP).

Enfin, il y a lieu de préciser que la présente révision du droit des successions n'a aucun effet sur le 2e pilier. Les prestations de la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire ne tombent pas dans la masse successorale; elles ne sont pas sujettes à réduction et ne sont pas concernée par une répudiation137. Pour cette raison, le Conseil fédéral ne mentionne pas les prétentions relevant du 2e pilier aux articles de son projet qui traitent du pilier 3a et de l'assurance-vie (art. 476 et 529 PCC), ce qui revient à confirmer la situation juridique actuelle.

3.6.4

Exemples de calcul

Les exemples suivants illustrent l'interaction entre le droit propre des bénéficiaires sur leur créance envers les institutions du pilier 3a et un éventuel droit à une action en réduction de la part des héritiers dont la réserve n'aurait pas été respectée.

Exemple 6: X et Y, mariés, ont un enfant A. Au décès de X, sa succession se monte à CHF 20 000. X disposait en outre d'un pilier 3a bancaire constitué par ses biens propres dont Y est l'unique bénéficiaire, à hauteur de CHF 100 000.

La masse de calcul des réserves des héritiers de X s'élève ainsi à CHF 120 000 (CHF 20 000 + CHF 100 000 à réunir en application de l'art. 476 P-CC). Sur cette base, la réserve de Y (½ × ½ = ¼) se monte à CHF 30 000 et celle de A également à CHF 30 000.

La quotité disponible s'élève à CHF 60 000 (CHF 120 000 ­ CHF 30 000 ­ CHF 30 000).

Y bénéficiant d'un droit propre sur la prétention envers l'institution de prévoyance individuelle liée qui, dans le cas d'espèce, lui a déjà versé le montant de CHF 100 000, seuls les CHF 20 000 d'avoirs bancaires sont disponibles pour couvrir la réserve de A. Il manque ainsi CHF 10 000 à A pour que sa réserve soit respectée.

Ce dernier pourra ainsi agir en réduction contre Y à concurrence de ce montant. A l'encontre de l'institution de prévoyance, il n'existe par contre plus de prétention.

Au final, Y recevra CHF 90 000 et A CHF 30 000.

137

ATF 129 III 305

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Exemple 6a: Même donnée que dans l'exemple précédant, mais X et Y vivent ensemble depuis plus de cinq ans sans être mariés et X a désigné Y comme bénéficiaire unique de son pilier 3a.

Dans ce cas, Y ne bénéficie pas de réserve héréditaire et la réserve de A se monte à CHF 60 000 (½ × CHF 120 000).

Y bénéficiant d'un droit propre sur la prétention envers l'institution de prévoyance individuelle liée qui, dans le cas d'espèce, lui a déjà versé le montant de CHF 100 000, seuls les CHF 20 000 d'avoirs bancaires sont disponibles pour couvrir la réserve de A. Il manque ainsi CHF 40 000 à A pour que sa réserve soit respectée.

A pourra ainsi agir en réduction contre Y à concurrence de ce montant. A l'encontre de l'institution de prévoyance, il n'existe par contre plus de prétention.

Au final, Y recevra CHF 60 000 et A CHF 60 000.

Exemple 7: X, célibataire, a deux enfants C et D. Au décès de X, sa succession se monte à CHF 20 000. X disposait en outre d'un pilier 3a bancaire constitué par les biens propres dont il a institué C unique bénéficiaire, à hauteur de CHF 100 000.

La masse de calcul des réserves des héritiers de X se monte ainsi à CHF 120 000 (CHF 20 000 + CHF 100 000 à réunir en application de l'art. 476 P-CC). Sur cette base, la réserve de C et D (½ × ½ = ¼) se monte à CHF 30 000 chacun.

La quotité disponible s'élève à CHF 60 000 (CHF 120 000 ­ CHF 30 000 ­ CHF 30 000).

C bénéficiant d'un droit propre sur la prétention envers l'institution de prévoyance individuelle liée qui, en l'espèce, lui a déjà a versé le montant de CHF 100 000, seuls les CHF 20 000 d'avoirs bancaires sont disponibles pour couvrir la réserve de D. Il manque ainsi CHF 10 000 à D pour que sa réserve soit respectée. D pourra ainsi agir en réduction contre C à concurrence de ce montant. A l'encontre de l'institution de prévoyance, il n'existe par contre plus de prétention.

Au final, C recevra CHF 90 000 et D CHF 30 000.

3.7

Clarifications en matière de réduction

3.7.1

Remarque générale

Le présent projet traite de la quotité disponible (voir ch. 3.2 à ch 3.4) et clarifie la base de calcul des réserves (voir ch. 3.5 et ch. 3.6). Dès lors, il se doit également d'aborder différentes questions actuellement controversées en matière de réduction, l'action en réduction étant la voie de droit qui permet à l'héritier dont la réserve a été lésée d'obtenir que certains actes de disposition du défunt soient réduits jusqu'à due concurrence (art. 522, al. 1, CC).

5906

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3.7.2

La réduction selon le droit en vigueur

Selon le droit en vigueur, l'héritier réservataire qui ne reçoit pas le montant de sa réserve peut exiger la réduction (art. 522 ss CC) des dispositions pour cause de mort et de certaines libéralités entre vifs (voir en particulier l'art. 527 CC), dans l'ordre prévu à l'art. 532 CC. D'après cette norme, la réduction porte en premier lieu sur les dispositions pour cause de mort, puis sur les libéralités entre vifs, en remontant de la plus récente à la plus ancienne, jusqu'à ce que la réserve soit reconstituée. On peut en effet partir de l'idée que le de cujus a d'abord utilisé la quotité disponible et que ce n'est qu'après avoir épuisé celle-ci ­ par des dispositions pour cause de mort ou des libéralités entre vifs ­ qu'il a entamé les réserves des héritiers. Pour reconstituer ces réserves, la réduction doit par conséquent s'opérer d'abord sur les dispositions pour cause de mort et ensuite sur les libéralités entre vifs dans l'ordre inverse où celles-ci ont été faites138.

A la lecture des règles actuelles sur les réserves et la quotité disponible (art. 470 et 471 CC), il paraît impossible qu'un testateur qui n'attribue que la quotité disponible de sa succession par disposition pour cause de mort puisse violer la réserve de l'un de ses héritiers. L'expérience enseigne cependant que cette éventualité est possible et même relativement courante, particulièrement lorsque la succession est partiellement ab intestat (acquise de par la loi en application de l'art. 481, al. 2, CC) et partiellement testamentaire139. Il peut notamment arriver que la réserve de certains héritiers soit lésée du fait de l'acquisition ab intestat par d'autres héritiers de la part de la succession dont le de cujus n'a pas disposé140. Or, le droit en vigueur ne prévoyant pas la possibilité de réduire les acquisitions ab intestat mais seulement des dispositions du de cujus, une application stricte de la loi conduirait à devoir réduire les attributions testamentaires décidées par le défunt, même lorsque celles-ci n'excédaient pas la quotité disponible, ce qui ne correspond vraisemblablement pas à la volonté de ce dernier141. Cette situation est déplorée par une grande partie de la doctrine, qui considère qu'il y a ici une lacune de la loi qu'il convient de combler en reconnaissant le caractère réductible des acquisitions ab
intestat142. Cette question reste toutefois controversée143 et n'a jusqu'à aujourd'hui pas été tranchée par le Tribunal fédéral.

Concernant les libéralités entre vifs, le droit en vigueur ne prévoit pas d'ordre de réduction autre que la règle prévoyant leur réduction en remontant de la plus récente à la plus ancienne (art. 532 CC). Il n'est toutefois pas précisé quel moment doit être considéré comme déterminant pour établir quand une libéralité a été faite, alors que cette question a une grande importance pour déterminer l'ordre des réductions. Une partie importante de la doctrine considère ainsi que l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice convenue par contrat de mariage ou convention sur les biens doit être réduite en premier, s'agissant de la dernière libéralité faite entre vifs par le 138 139 140 141 142 143

Steinauer, Successions, N 828; BSK ZGB II-Forni/Piatti, art. 532 N 3.

Piotet, Rapport, p. 84; voir les exemples évoqués par Eitel, Herabsetzung, p. 309 s.

Steinauer, Successions, N 809 avec exemple à N 810.

Steinauer, Successions, N 811.

Steinauer, Acquisitions, p. 79 et références citées; Eitel, Herabsetzung, p. 319.

PraxKomm Erbrecht-Hrubesch-Millauer, Vorbemerkungen zu Art. 522 ff., N 2a et références citées.

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de cujus144, suivie des libéralités révocables, car celles-ci prennent effet à la «dernière seconde» avant le décès145, puis des autres libéralités. L'absence de règles claires à ce sujet nuit toutefois à la sécurité du droit.

Pour remédier à cette situation d'insécurité juridique, le Conseil fédéral envisageait, dans l'avant-projet, de régler plusieurs questions en matière de réduction, dont certaines extrêmement techniques (réduction indirecte, rang de la réduction des pactes successoraux positifs, élargissement de la règle de réduction des legs d'une chose déterminé, etc.). Les avis exprimés dans le cadre de la procédure de consultation sur ces propositions ont été très partagés146. Pour cette raison, le Conseil fédéral a décidé de se limiter à régler dans le présent projet les questions d'ordre général: celle du caractère réductible des acquisitions ab intestat, qui a reçu un accueil favorable dans le cadre de la consultation, et celle de l'ordre des réductions, sans empiéter sur une éventuelle révision future des questions techniques susmentionnées.

3.7.3

La réduction selon le projet

Même s'il est vraisemblable que la situation problématique décrite ci-dessus se vérifiera moins souvent à l'avenir, vu l'augmentation de la quotité disponible proposée par le présent projet, la lacune existante en matière de réductibilité des acquisitions ab intestat mérite d'être comblée. Le projet prévoit ainsi expressément la réductibilité des acquisitions ab intestat (art. 522 et 523 P-CC).

Une fois introduite la possibilité de réduire les acquisitions ab intestat, il convient de repenser l'ordre dans lequel les attributions pour cause de mort doivent être réduites et de fixer le rang de la réduction de l'acquisition ab intestat. A cette fin, il y lieu de rappeler qu'il s'agit là de la part de la succession qu'un héritier a reçue en application de l'art. 481, al. 2, CC, c'est-à-dire indépendamment de la volonté du de cujus.

Comme la doctrine majoritaire, le Conseil fédéral propose de privilégier la volonté exprimée par le défunt lorsqu'il a décidé de disposer d'une partie de ses avoirs pour cause de mort dans les limites de la quotité disponible147, même s'il n'était peut-être pas conscient du fait que cela pourrait conduire à une réduction des parts reçues par les héritiers ab intestat. L'article traitant de l'ordre des réductions sera modifié en conséquence: la réduction portera en premier lieu sur les acquisitions ab intestat, puis sur les libéralités pour cause de mort, et finalement sur les libéralités entre vifs (art. 532, al. 1, P-CC).

Dans le cadre de la présente révision, il convient enfin de préciser l'ordre des réductions au sein même des libéralités entre vifs, pour les cas où plusieurs libéralités entre vifs pourraient faire l'objet d'une réduction. Le traitement de l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice par contrat de mariage ou convention sur les biens, dont la qualification juridique est controversée en doctrine en droit actuel148 mais est tranchée par la présente révision (voir ch. 3.5), sera donc également précisé 144 145 146 147 148

Steinauer, Successions, N 496 et les références citées à la note de bas de page 69.

Steinauer, Successions, N 835.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 46 à 54.

Steinauer, Acquisitions, p. 78 et les références à la note de bas de page n°3.

Sutter-Somm/Ammann, N 56 ss.

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dans le texte de loi. Il n'y aura ainsi plus de place pour le doute: l'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice par contrat de mariage ou convention sur les biens constitue une libéralité entre vifs susceptible de réduction. Suivant l'avis d'une importante partie de la doctrine149, ces conventions seront réduites en premier.

Puisqu'elle produit son effet sur la dernière opération effectuée en vue de la liquidation du régime matrimonial, intervenant juste avant le décès (à savoir la répartition des bénéfices), l'attribution supplémentaire d'une part du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant doit être traitée comme la dernière libéralité entre vifs faite par le de cujus150. Elle doit par conséquent être réduite en premier151. Suivront les libéralités librement révocables et les prestations issues de la prévoyance individuelle liée du défunt, puis les autres libéralités, en remontant de la plus récente à la plus ancienne (art. 532, al. 2, P-CC).

Enfin, au vu des modifications proposées en matière de réduction de libéralités entre vifs, il y a lieu de modifier également l'art. 494, al. 3, CC. Cette disposition permet aux bénéficiaires (légataires ou héritiers) du pacte successoral d'attaquer les dispositions pour cause de mort et les donations inconciliables avec les engagements en résultant par le biais d'une action analogue à l'action en réduction152.

3.8

Instauration d'une créance d'assistance en faveur du partenaire de vie

3.8.1

Remarque générale

La discussion sur un droit successoral moderne ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la manière de traiter les communautés de vie de fait, qui sont de plus en plus nombreuses. Contrairement à ce que pense la moitié de la population153, la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) n'est pas, dans le droit actuel, héritier légal, et encore moins héritier réservataire. La loi ne lui reconnaît aucun droit successoral en cas de décès de son partenaire de vie, quelles que soient la durée et l'intensité de la communauté de vie.

Il convient d'observer que les couples vivant en union libre peuvent régler leur relation par convention, y compris le cas du décès de l'un d'eux. Cependant, la demande a été faite de légiférer sur la dissolution des unions de fait en cas de décès, parce que de nombreuses personnes ne règlent pas à temps leur succession, même si elles en auraient a priori eu l'intention154. Les avis sur cette question sont toutefois très divergents. Alors que certains demandent le maintien du statu quo, pour la raison que les personnes concernées ont choisi de ne pas régler légalement leur relation, d'autres voudraient leur octroyer un droit de succession légal, voire une 149 150 151 152 153 154

Steinauer, Successions, N 836 et références citées.

Steinauer, Successions, N 496 et note de bas de page n°69.

Eitel, Ehegüterrechtliche Rechtsgeschäfte, p. 18.

Guinand/Stettler/Leuba, N 357; Steinauer, Successions, N 633 et références citées.

Stutz/Bauer/Schmugge, p. 215; voir aussi Cottier, p. 32.

Par ex. Cottier, p. 35 ss et les nombreuses références à la note de bas de page 63; concernant la question des impôts successoraux dus par les partenaires de vie, voir ch. 3.2.1 in fine.

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réserve, comme c'est le cas pour les conjoints, parce que la communauté de vie de fait a souvent repris la fonction du mariage et que les personnes concernées ont le même besoin de protection155.

Aussi, la motion Gutzwiller 10.3524, à l'origine de la présente révision, demandait que «les dispositions du droit des successions, notamment celles qui régissent la réserve, [soient] étendues aux partenaires de vie non mariés, actuellement désavantagés, afin qu'ils bénéficient d'un traitement plus juste et soient placés sur un pied d'égalité avec les couples mariés et les couples de même sexe liés par un partenariat enregistré (on fixera, le cas échéant, les conditions à remplir en termes d'équivalence des règles de vie commune et de responsabilité envers l'autre partenaire)».

Toutefois, la version de la motion finalement transmise par le Parlement au Conseil fédéral contient la précision suivante: «pas d'égalité en droit successoral entre les concubins et les couples mariés». Le Parlement a donc pris une décision préliminaire importante qui lie le Conseil fédéral.

Pour cette raison, le Conseil fédéral a renoncé, dans l'avant-projet, à toute disposition qui mettrait le partenaire de vie survivant sur un pied d'égalité avec le conjoint ou le partenaire enregistré survivant. Grâce à l'accroissement de sa liberté de disposer, le de cujus aura de toute manière la possibilité de favoriser dans une plus grande mesure qu'actuellement son partenaire de vie de fait dans une disposition pour cause de mort. Il reviendra donc au de cujus de déterminer quel poids il accorde à sa relation de couple et dans quelle mesure son partenaire doit participer à sa succession.

Cela dit, comme l'expliquait déjà le Conseil fédéral dans son rapport sur la modernisation du droit de la famille156, il convient, en l'absence de toute disposition pour cause de mort, de prévoir une règle pour les cas de rigueur afin d'éviter des situations choquantes.

3.8.2

Du «legs d'entretien» à la «créance d'assistance»

L'absence d'une disposition pour cause de mort peut mettre la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) dans une situation financière extrêmement difficile, notamment lorsqu'elle n'a pas ou qu'elle n'a guère de ressources propres. Une telle situation peut par exemple résulter du fait que, pendant la vie commune, elle avait réduit son activité lucrative ou l'avait complètement abandonnée, renonçant ainsi à son indépendance financière, pour contribuer au bienêtre du couple par un travail ménager, la garde d'enfants ou l'octroi de soins à son partenaire de vie ou à un membre de sa famille. Dans une telle situation, il paraît choquant d'admettre qu'au décès de son partenaire de vie, la succession revienne entièrement aux héritiers légaux, le laissant dans une situation de besoin et sans autre perspective que celle de demander l'assistance publique.

Pour remédier à de telles situations, le Conseil fédéral avait proposé, dans l'avantprojet, l'institution d'un legs de iure, indépendant de la volonté du disposant, 155 156

Rapport sur la modernisation du droit de la famille, p. 25.

Rapport sur la modernisation du droit de la famille, p. 30.

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dénommé «legs d'entretien». Ce legs aurait permis à la personne ayant mené de fait une vie de couple avec le défunt depuis au moins trois ans et ayant fourni une contribution importante dans l'intérêt de ce dernier, de bénéficier d'un legs pris sur la succession (art. 484a, al. 1, ch. 1, AP-CC). De plus, le Conseil fédéral avait proposé d'octroyer un legs d'entretien également à une personne ayant vécu au moins cinq ans, alors qu'elle était mineure, dans le même ménage que le défunt, si celui-ci lui avait fourni un soutien financier qu'il aurait continué de fournir s'il n'était pas décédé (art. 484a, al. 1, ch. 2, AP-CC).

Cette proposition a été très critiquée dans le cadre de la procédure de consultation publique pour des motifs de complexité, de cohérence avec le système en vigueur et d'augmentation des procédures judiciaires notamment 157. Au vu de ces critiques le Conseil fédéral a décidé de renoncer à la création d'un legs d'entretien. A la lumière des remarques formulées dans la procédure de consultation et par les experts consultés, le Conseil fédéral propose un nouveau concept dans le projet. La solution proposée et qui vise à éviter les cas de rigueur est celle, nouvelle, d'accorder au partenaire de vie survivant une créance d'assistance à l'encontre de la succession.

3.8.3

La créance d'assistance

Le Conseil fédéral propose d'octroyer à la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie), à certaines conditions, une créance envers la succession du partenaire décédé, qui ne peut être exclue par testament ou par convention avant le décès. Une nouvelle dette légale de la succession est ainsi créée, dont les héritiers répondent solidairement. Dans les limites prévues par les nouvelles dispositions, le projet reconnaît au partenaire de vie la priorité sur les héritiers réservataires, la réserve de ces derniers étant calculée après déduction de la dette d'assistance (voir art. 474, al. 2, P-CC).

Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que le partenaire de vie survivant ait droit à cette créance (art. 606a al. 1, P-CC): (1) à l'époque du décès du de cujus, les partenaires menaient de fait une vie de couple depuis cinq ans au moins, et (2) le partenaire de vie survivant se retrouve dans une situation de besoin suite au décès du de cujus, c'est-à-dire qu'il n'est pas en mesure de couvrir luimême son minimum vital d'existence selon le droit de l'aide sociale.

Si ces conditions sont remplies, le partenaire de vie survivant peut se prévaloir du droit à la créance d'assistance, allouée sous forme de rente mensuelle. A défaut d'entente avec les héritiers, le partenaire de vie pourra soit annoncer sa prétention dans un délai de trois mois depuis le décès et intenter par la suite une action en justice dans un délai d'un an, soit intenter immédiatement l'action en justice (art. 606b P-CC). L'introduction immédiate de l'action judiciaire rend superflue l'annonce selon l'art. 606b, al. 1, P-CC. Il reviendra alors au juge de fixer le montant de la rente mensuelle, le montant maximal de l'assistance ainsi que les modalités de suretés (art. 606c P-CC).

157

Synthèse des résultats de la procédure de consultation, p. 16 à 26.

5911

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Pour déterminer le montant de la créance d'assistance, il sera en premier lieu calculé le montant nécessaire à couvrir les besoins mensuels du créancier et fixé la durée convenable de la rente en fonction des circonstances. A cette fin, il sera notamment tenu compte de l'âge du partenaire survivant, de ses revenus et de sa fortune, de ses perspectives de gains (sur la base de son âge, de son état de santé, de sa formation professionnelle, et de l'ampleur, de la durée de l'éventuelle prise en charge d'enfants, etc.), et des expectatives de son assurance-vieillesse et survivants et de sa prévoyance professionnelle ou des autres formes de prévoyance dont il dispose. Il s'agit de critères connus en droit civil de la famille, qui sont déjà appliqués en matière de contribution d'entretien après le divorce (voir art. 125 CC).

Le montant global de la créance est soumis à une double limite: d'une part, il ne peut excéder le montant nécessaire à la couverture du minimum vital social du survivant, au maximum jusqu'à l'âge de cent ans révolus et, de l'autre, il est limité au quart du patrimoine net du de cujus à son décès (art. 606a, al. 2, P-CC). Le «patrimoine net» correspond aux biens existants après déduction des dettes du défunt; les dettes de la succession et d'éventuelles créances de rapport ne doivent pas être considérées. La décision de se baser sur le patrimoine net permet de ne pas devoir attendre de connaître l'ensemble des dettes de la succession pour fixer le montant maximum de la créance d'assistance. De plus, la limitation maximale de la créance d'assistance à un quart du patrimoine net garantit que la succession ne soit pas grevée de manière excessive et que le partage de la succession ne soit pas retardé inutilement. La partie de la succession excédant le quart du patrimoine net du défunt pourra ainsi être remise aux héritiers avant que le montant de la créance d'assistance ne soit définitivement déterminé.

Dans le cas où une rente à vie devrait être octroyée (voir exemple 8 au ch. 3.8.4), elle sera calculée jusqu'à ce que le partenaire survivant ait atteint l'âge de cent ans (art. 606a, al. 2, P-CC). Les montants mensuels seront additionnés jusqu'à ce moment pour vérifier que le total n'excède pas le quart du patrimoine net du défunt. Si tel est le cas, le quart du patrimoine net du défunt
sera fixé comme montant maximal. La durée de la rente s'en verra automatiquement réduite. C'est la durée de la rente qui sera réduite et non son montant, afin d'éviter que le créancier doive s'adresser à l'aide sociale pour couvrir le montant mensuel résiduel manquant. Par souci d'économie de procédure et des finances de la collectivité publique, il vaut mieux en effet que le partenaire épuise prioritairement ses droits dans la succession avant qu'il ne s'adresse à l'assistance publique.

Enfin, il y a lieu de préciser que le montant de la créance d'assistance n'est pas immuable, dès lors que, en cas de modification notable et durable de la situation du partenaire de vie survivant, l'assistance peut être diminuée ou supprimée (art. 606d, al. 3, P-CC).

Vu les conditions posées, les cas d'application pratique seront vraisemblablement limités en nombre. Ils concerneront les situations choquantes, soit celles dans lesquelles le partenaire de vie survivant dépendrait de l'aide de la collectivité publique pour subvenir à ses besoins courants alors que les avoirs de la succession, qu'il a contribué à constituer, permettraient de couvrir son minimum vital social sans restreindre de manière trop importante les droits des héritiers.

5912

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Concernant les règles applicables à la créance d'assistance en droit international privé, il convient de considérer qu'il s'agit d'une créance légale de droit successoral. En conséquence, le droit applicable à la succession sera déterminant (art. 90 ss LDIP).

Créance d'assistance et impôts Au vu de la nature et du but de la créance d'assistance, la rente qui en découle devrait pouvoir être assimilée, d'un point de vue fiscal, à un subside provenant de fonds privés au sens de l'art. 24, let. d, de la loi du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)158 et être par conséquent exonérée de l'impôt sur le revenu en vertu de cet article.

Selon la jurisprudence, il ne peut être question de subsides provenant de fonds publics ou privés que si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies159: (1) la personne bénéficiaire est indigente (besoin); (2) l'institution privée ou de droit public fournit les subsides dans un but d'assistance (assistance); (3) la prestation intervient gratuitement, c'est-à-dire que le bénéficiaire ne doit pas fournir de contreprestation (gratuité).

La qualification au titre de subside provenant de fonds privés n'est toutefois pas la seule qualification possible et l'autorité fiscale cantonale chargée de la taxation, puis les autorités judiciaires en cas de recours, seront seules compétentes au final pour qualifier fiscalement cette prestation. A ce stade, il ne peut ainsi pas être exclu que l'autorité cantonale compétente procède par exemple à une qualification de la créance d'assistance en tant que revenu provenant d'une succession, exonéré sur le plan fédéral selon l'art. 24, let. a, LIFD ou selon l'art. 7, al. 4, let. c de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)160, mais susceptible d'être soumis à un impôt cantonal sur les successions dans les cantons qui connaissent une telle imposition.

II convient en outre de relever que le critère du besoin susmentionné doit être déterminé selon la situation du bénéficiaire au moment où il reçoit effectivement les prestations, et non au moment du décès du de cujus, comme c'est le cas pour la naissance du droit à l'assistance selon l'art. 606a P-CC.

Quant au montant global destiné à financer la créance d'assistance, soit au maximum un quart du patrimoine net
du défunt, du point de vue du droit civil, il sera, comme le reste de la succession, propriété de la communauté héréditaire jusqu'au partage, puis des héritiers après le partage. S'agissant du droit fiscal, il appartiendra aux autorités cantonales chargées de la taxation, ou aux autorités judiciaires en cas de recours, de déterminer dans quelle mesure ce montant global sera soumis ou non à l'impôt sur les successions et à l'impôt sur la fortune auprès des héritiers dès lors que ces deux impôts relèvent de la compétence exclusive des cantons.

158 159

RS 642.11 Voir ATF 137 II 328, consid. 4.3, et arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2014 du 26 mai 2014, consid 3.1.

160 RS 642.14

5913

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3.8.4

Exemples de calcul de la créance d'assistance

Les exemples suivants permettent une meilleure compréhension de la proposition formulée dans ce projet: Exemple 8: Partenaire de vie survivant de 70 ans sans aucun revenu161 et sans perspectives de revenus supplémentaires. Minimum vital social mensuel de CHF 2700. Patrimoine net du défunt au décès de CHF 4 000 000.

Dans un tel cas, vu l'absence de perspectives de revenus supplémentaires du partenaire de vie survivant, il sera calculé une rente à vie, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 100 ans, soit durant 30 ans. Avec des besoins de CHF 2700 par mois, la somme des montants nécessaires à la couverture du minimum vital social jusqu'à l'âge de 100 ans se monte à CHF 972 000 (CHF 2700 × 12 × 30). Puisque ce montant n'atteint pas le quart du patrimoine net du défunt, il pourra être intégralement affecté au versement d'une rente en faveur du partenaire de vie survivant. La rente à laquelle le partenaire survivant aura droit s'élèvera ainsi à CHF 2700 par mois jusqu'à 100 ans. En cas de jugement, le juge fixera dans le dispositif de jugement le montant de la rente, CHF 2700 par mois, le montant maximal de l'assistance, CHF 972 000, ainsi que les modalités des sûretés. Si le partenaire de vie survivant décède avant l'âge de 100 ans, le solde, y compris les intérêts, reviendra à la succession.

Exemple 8a: Même donnée de base que dans l'exemple 8, mais le partenaire de vie survivant dispose d'un revenu mensuel de CHF 1300, sans perspectives de revenus supplémentaires.

Vu l'absence de perspectives d'augmentation des revenus du partenaire de vie survivant, il sera calculé une rente à vie, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 100 ans, soit durant 30 ans. Avec des besoins de CHF 1400 (CHF 2700 ­ CHF 1300) par mois, la somme des montants nécessaires à la couverture du minimum vital social jusqu'à l'âge de 100 ans s'élève à CHF 504 000 (CHF 1400 × 12 × 30). Puisque ce montant n'atteint pas le quart du patrimoine net du défunt, il pourra être intégralement affecté au versement d'une rente en faveur du partenaire de vie survivant. La rente mensuelle pourra ainsi s'élever à CHF 1400 par mois jusqu'à 100 ans et le montant maximal de l'assistance à CHF 504 000. Si le partenaire décède avant l'âge de 100 ans, le solde, y compris les intérêts, reviendra à la succession.

Exemple 8b: Même donnée de base que dans l'exemple 8,
mais le partenaire de vie survivant dispose d'un revenu mensuel de CHF 2700 ou plus.

Avec un revenu égal ou supérieur à ses besoins, le partenaire de vie survivant n'a pas droit à l'assistance selon l'art. 606a P-CC.

Exemple 8c: Partenaire de vie survivant de 70 ans sans aucun revenu et sans perspectives de revenus supplémentaires. Minimum vital social mensuel de CHF 2700.

Patrimoine net du défunt au décès de CHF 800 000.

Dans un tel cas, les avoirs de la succession ne permettent pas l'octroi d'une rente à vie calculée jusqu'à l'âge de 100 ans, de CHF 972 000 (voir exemple 8). C'est donc le quart du patrimoine net de la succession qui constituera le maximum de 161

Situation très rare mais possible si la personne n'a jamais cotisé à l'AVS.

5914

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l'assistance. La rente mensuelle sera ainsi fixée à CHF 2700 et le montant maximal à CHF 200 000. Cela permettra au partenaire de vie survivant de percevoir une rente pendant 6 ans environ. Ensuite il devra, sauf amélioration notable de sa situation financière, avoir recours à l'aide sociale.

Exemple 8d: Même donnée de base que dans l'exemple 8c, mais le partenaire de vie survivant dispose d'un revenu mensuel de CHF 1300, sans perspectives de revenus supplémentaires.

Dans un tel cas, les avoirs de la succession ne permettent pas l'octroi d'une rente à vie calculée jusqu'à l'âge de 100 ans, de CHF 504 000 (voir donnée complémentaire 8a). C'est donc le quart du patrimoine net de la succession qui constituera le maximum de l'assistance. La rente mensuelle devra ainsi être fixée à CHF 1 400 et le montant maximal à CHF 200 000. Cela permettra au partenaire de vie survivant de percevoir une rente pendant 12 ans environ. Ensuite il devra, sauf amélioration notable de sa situation financière, avoir recours à l'aide sociale.

Exemple 9: Partenaire de vie survivant de 55 ans, sans aucun revenu au moment du décès et sans perspectives de revenu supplémentaires. Aucune rente AVS ni prestations complémentaires envisageables. Minimum vital social mensuel de CHF 2700.

Patrimoine net du défunt au décès de CHF 4 000 000.

Dans un tel cas, vu l'absence de perspectives de revenus du partenaire de vie survivant et puisque le patrimoine à disposition ne permet pas d'octroyer une rente jusqu'à l'âge de 100 ans (CHF 2700 × 12 × 45 = CHF 1 458 000), le montant maximal de l'assistance sera limité au quart du patrimoine net du défunt, soit CHF 1 000 000. Cela permettra au partenaire de vie survivant de percevoir une rente de CHF 2700 par mois jusqu'à épuisement du montant maximal accordé, soit pendant 30 ans environ. Si le partenaire décède avant d'avoir épuisé ce montant, le solde, y compris les intérêts, reviendra à la succession.

Exemple 9a: Même donnée de base que dans l'exemple 9, mais le partenaire de vie survivant dispose d'un revenu mensuel de CHF 1300. Une rente mensuelle AVS et prestations complémentaires envisageables supérieures à CHF 2700.

Dans un tel cas, puisque la situation de besoin ne durera pas au delà de l'âge de la retraite, il ne sera octroyé au partenaire de vie survivant une assistance que jusqu'à
ce moment. Avec des besoins de CHF 1400 par mois (CHF 2700 ­ CHF 1300) jusqu'à 64 ans pour une femme, respectivement 65 ans pour un homme, elle pourra se monter à CHF 151 200 (CHF 1400 × 12 × 9) pour une femme et à CHF 168 000 (CHF 1400 × 12 × 10) pour un homme. Comme ces montants n'atteignent pas le montant du quart du patrimoine net du défunt, ils pourront être intégralement affectés au versement d'une rente en faveur du partenaire survivant. Dans ce cas également, la durée du droit à la rente devra être fixée.

Exemple 10: Partenaire de vie survivant de 35 ans sans aucun revenu. Minimum vital social mensuel de CHF 2700. Patrimoine net du défunt au décès de CHF 4 000 000.

Dans un tel cas, au vu de l'âge du partenaire de vie survivant, il sera examiné, en se référant aux critères développés par la jurisprudence en matière d'entretien après le divorce, si et à partir de quel moment on peut raisonnablement exiger que celui-ci 5915

FF 2018

exerce une activité lucrative (eu égard à sa formation, à son âge, à son état de santé, etc.). Dans l'exemple ici discuté, on admet que le partenaire de vie survivant dispose d'un délai de trois ans pour commencer une activité professionnelle susceptible d'assurer ses besoins. Il sera alors attribué une rente durant cette période, soit CHF 2700 mensuels pendant 3 ans (CHF 97 200 au total). Une rente échelonnée dans le temps, à la baisse en fonction des revenus hypothétiques exigibles (à la hausse) du survivant pourrait également être envisagée162.

Exemple 10a: Même donnée de base que dans l'exemple 10 mais le partenaire de vie survivant dispose d'un revenu mensuel de CHF 1300.

Dans cet exemple, on admet que le partenaire de vie survivant dispose d'un délai de deux ans pour augmenter son activité de manière à obtenir un revenu lui permettant de couvrir ses besoins. Il lui sera alors alloué une rente couvrant le minimum vital social durant cette période, soit CHF 1400 (CHF 2700 ­ CHF 1300) mensuels pendant 2 ans (CHF 33 600 au total). Une rente échelonnée dans le temps, à la baisse en fonction des revenus hypothétiques exigibles (à la hausse) du survivant pourrait également être envisagée.

3.8.5

Droits du partenaire de vie survivant dans d'autres ordres juridiques

En France, en Belgique, en Suède et en Italie, la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) ne dispose pas d'un droit successoral sous forme d'une part à la succession; elle peut par contre faire valoir d'autres prétentions contractuelles ou réelles163:

162 163 164 165 166

­

En Belgique, le partenaire de vie survivant, pour autant qu'il ait vécu en «cohabitation légale» avec le défunt, dispose d'un droit successoral en la forme d'un droit d'usufruit ou d'un droit au bail sur le logement commun, et d'un droit d'usufruit sur le mobilier. Il y a «cohabitation légale» en cas de dépôt d'une déclaration écrite (de cohabitation légale) à l'administration communale de la commune de résidence164.

­

En France, le partenaire de vie survivant dispose d'un droit d'habitation sur le logement commun durant une année (jouissance gratuite ou remboursement des loyers), à condition d'avoir été lié avec le défunt par un pacte civil de solidarité (PACS)165. Le partenaire lié au locataire par un PACS, de même que le concubin ayant vécu durant un an dans le logement, bénéficient en outre d'un transfert automatique du contrat de location du logement du défunt166.

A l'image de ce qui peut se faire en application de l'art. 125 CC (voir p. ex. ATF 137 III 102, consid. 4.2.2 et 4.2.3, ATF 127 III 136, consid. 2c).

Voir Jungo, Faktische Lebenspartner, p. 16 ss sur la Belgique, l'Italie et la Suède; Döbereiner, N 106 sur la France.

Art. 745octies et 1476, al. 1, du Code civil belge; voir aussi Jungo, Faktische Lebenspartner, p. 16.

Art. 515-6, al. 3, et 763, al. 1, du Code civil français; voir aussi Döbereiner, N 106.

Art. 14 Loi no 89-462 du 6 juillet 1989.

5916

FF 2018

­

En Suède, le partenaire de vie survivant a une prétention légale sur une part du fond ou du logement habité en commun et du mobilier commun.167. Sont considérés comme partenaires de vie (sambo) les personnes qui vivent ensemble en couple de manière durable et font ménage commun 168.

­

En Italie, les partenaires de vie non mariés reprennent de par la loi le contrat de bail du logement de famille en qualité de parent proche à des conditions déterminées169.

En Autriche, le partenaire de vie bénéficie depuis 2017 d'un droit successoral extraordinaire, à condition d'avoir fait vie commune avec le défunt durant trois ans avant le décès: il a droit, en l'absence d'héritiers légaux, à l'entier de la succession170. Il dispose également d'un droit d'habitation limité dans le temps et d'un droit d'utilisation sur les meubles du ménage commun, si cela est nécessaire au maintien du train de vie mené jusqu'alors171.

En Allemagne, le partenaire de vie ne dispose d'aucun droit de succession 172.

En Ecosse, le tribunal peut octroyer au «cohabitant» du défunt une contribution d'entretien à charge de la succession, ou des biens se trouvant dans la succession 173.

Cette règle ne s'applique que pour autant que le défunt n'ait pas pris de dispositions pour cause de mort.174. Est considéré comme «cohabitant» le partenaire de même sexe ou de sexe différent qui vivait avec le de cujus comme un couple marié175.

En Angleterre et au Pays de Galles, le tribunal peut octroyer une pension au partenaire non marié, à condition qu'il ait été entretenu par le défunt avant le décès 176. Le tribunal dispose d'une grande marge de manoeuvre177.

3.9

Droit transitoire

Le droit transitoire en matière successorale est régi par deux dispositions spéciales du titre final du code civil (art. 15 et 16 du titre final du CC), ainsi que par les principes généraux du droit civil transitoire (art. 1 à 4 du titre final du CC). Le critère déterminant est le moment du décès du de cujus: en cas de décès avant l'entrée en 167 168 169 170

171 172 173 174 175 176 177

§ 18, al. 1, Sambolag 2003:376 (loi sur le concubinage); Lund-Andersen, p. 1131 ss.

§ 1, al. 1, Sambolag 2003:376 (loi sur le concubinage); Lund-Andersen, p. 1131.

Art. 6 legge 392/1978 Disciplina delle locazioni di immobili urbani; voir aussi Cubeddu Wiedemann/Wiedemann, N 128; Braun, p. 86.

§ 748, al. 1, ABGB; voir aussi Erbrechts-Änderungsgesetz 2015 (ErbRÄG 2015), Bundesgesetzblatt I, 87/2015. Selon le § 748, al. 2, ABGB, ce droit extraordinaire existe aussi si le ménage commun ne pouvait se faire par exemple pour raisons de santé ou professionnelles, mais qu'il existait un lien particulier entre les partenaires.

§ 745, al. 2, ABGB, selon lequel il s'agit d'un legs légal; voir aussi ErbrechtsÄnderungsgesetz 2015 (ErbRÄG 2015), Bundesgesetzblatt I, 87/2015.

Jungo, Faktische Lebenspartner, p. 12.

Art. 29, al. 2, du Family Law (Scotland) Act 2006; Odersky, Ecosse, N 32.

Odersky, Ecosse, N 31 ss.

Odersky, Ecosse, N 30. Dans le cadre de l'appréciation juridique de la vie commune, le tribubal peut tenir compte de la durée de la vie commune et de divers autres facteurs.

Odersky, Angleterre, N 51 f.

Odersky, Angleterre, N 56.

5917

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vigueur du nouveau droit, l'ancien droit s'applique; en cas de décès après l'entrée en vigeur de la révision, c'est le nouveau droit qui s'applique. Cela vaut aussi bien dans les cas de succession légale que dans les cas où une disposition pour cause de mort ou un pacte successoral aurait été signé avant l'entrée en vigueur de la révision. Ce principe conduit à une réglementation claire, dont les conséquences sont prévisibles pour les praticiens. De plus, il évite dans la plupart des cas de difficiles questions d'interprétation.

Au vu de l'augmentation de la liberté de disposer prévue par la présente révision (voir ch. 3.2 à ch. 3.4), il paraît improbable que des dispositions pour cause de mort adoptées avant l'entrée en vigueur du nouveau droit s'avèrent incompatibles avec les nouvelles règles en matière de réserves. En effet, si une disposition pour cause de mort respectait les réserves prévues par le droit actuel, elle respectera d'autant plus les réserves réduites du nouveau droit. De même, l'augmentation de la quotité disponible aura pour conséquence de réduire fortement le potentiel de conflits entre les héritiers réservataires et les bénéficiaires d'une attribution d'une part supplémentaire du bénéfice (voir ch. 3.5), de la prévoyance individuelle liée du défunt (voir ch. 3.6) ou d'une libéralité réductible selon l'ordre nouvellement défini dans la loi (voir ch. 3.7). Quant à la créance d'assistance en faveur du partenaire survivant (voir ch. 3.8), nouvelle dette de la succession, elle est conçue de manière à pouvoir être octroyée quel que soit le montant des parts successorales et réservataires. De plus, l'éventuel droit à une rente d'assistance n'existera qu'en cas de décès après l'entrée en vigueur du nouveau droit.

Il est toutefois inévitable que, dans des cas particuliers, des questions délicates se posent. Il en sera notamment ainsi lorsque certaines formulations d'une disposition testamentaire ou d'un pacte successoral laissent à penser que le testateur aurait disposé différemment sous le nouveau droit, ou qu'un pacte différent aurait été conclu. De telles incertitudes sont toutefois inhérentes à une modification de dispositions de droit successoral et ne peuvent être réglées in abstracto par le législateur. La présente révision donnera ainsi l'occasion aux personnes ayant pris des
dispositions pour cause de mort d'y réfléchir à nouveau à la lumière d'une liberté de disposer plus importante et des clarifications apportées par le nouveau droit, et, si cela correspond à leur volonté, de les modifier. Les tribunaux auront également toujours la tâche, dans des cas particuliers qui aboutiraient devant leur autorité, de trouver des solutions appropriées en se basant sur les règles générales.

Le Conseil fédéral a également examiné la possibilité de soumettre à l'ancien droit les dispositions pour cause de mort prises avant l'entrée en vigueur de la présente révision. Cette solution aurait toutefois pour conséquence une application de l'ancien droit encore durant plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années après l'entrée en vigueur de la présente révision. La mise en oeuvre des objectifs politiques poursuivis par la présente révision serait ainsi massivement repoussée, ce qui ne peut correspondre à la volonté du législateur. De plus, de difficiles questions se poseraient en présence de dispositions aussi bien antérieures que postérieures à la révision. Cette solution a donc été abandonnée.

5918

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3.10

Postulat Nantermod 16.3416

3.10.1

Objet du postulat

Dans un postulat déposé le 9 juin 2016, Philippe Nantermod, député au Conseil national, a demandé au Conseil fédéral de présenter les possibilités de modification du code civil pour remédier aux conséquences peu équitables du droit des successions ab intestat à l'égard des enfants issus de familles recomposées178. Selon le texte de son développement, l'absence de lien de filiation entre les enfants et le conjoint du défunt dans les familles recomposées impliquerait des effets inattendus et souvent méconnus des principaux intéressés. Entre demi-frères et soeurs, les uns pourraient hériter d'un multiple de ce que toucheraient les autres en provenance du parent commun. L'ordre dans lequel surviendraient les décès des époux, qui pourrait varier de quelques minutes dans certaines situations tragiques, aurait des conséquences immenses sur la répartition des biens, impliquant une loterie morbide malvenue. Par ailleurs, il pourrait arriver que des biens de famille finissent dans les mains de parfaits étrangers, par le truchement de mariages successifs.

Dans son avis du 24 août 2016, le Conseil fédéral a accepté d'examiner dans le cadre du présent message sur le droit des successions les propositions de solution formulées dans le postulat.

3.10.2

Remarque générale

Il convient de partir du principe que le postulat vise uniquement les familles recomposées dans lesquelles le de cujus laisserait, outre un conjoint ou un partenaire enregistré survivant, des descendants qui ne seraient pas issus de l'union avec ce dernier. Le droit actuel ne semble en effet pas poser les problèmes évoqués par le postulat dans les familles dites traditionnelles et composées uniquement d'enfants communs, ni dans les couples sans enfants, ni dans les familles où seul le conjoint ou partenaire enregistré du de cujus aurait des enfants. Les propositions examinées ci-dessous constitueraient ainsi, si elles devaient être adoptées, un régime spécial applicable uniquement aux personnes mariées ou en partenariat enregistré avec enfants nés d'une précédente relation (ou d'une autre relation).

La situation problématique à l'origine du postulat peut être mieux comprise sur la base de l'exemple suivant.

Exemple: Famille recomposée comprenant deux enfants: Y est marié à X. L'enfant C est né d'une précédente relation du de cujus X, l'enfant G d'une précédente relation du conjoint survivant Y. X et Y disposent d'un patrimoine de CHF 100 000 chacun (biens propres), pour un total de CHF 200 000. En l'absence de testament, de pacte successoral ou de contrat de mariage, Y et C recevront chacun CHF 50 000 au décès de X. Cela signifie que, au décès de Y, G recevra ensuite CHF 150 000 (si Y n'a pas diminué le patrimoine existant au moment du décès de X), donc CHF 100 000 de plus que C.

178

Postulat Nantermod 16.3416 «Familles recomposées. Quelle solution pour un droit des successions ab intestat moderne?».

5919

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3.10.3

Propositions de solution évoquées dans le postulat

Remplacement de la part légale du conjoint ou du partenaire enregistré survivant par un usufruit ab intestat selon l'art. 473 CC Le postulat envisage en premier lieu la possibilité d'octroyer au conjoint ou au partenaire enregistré survivant un usufruit selon l'art. 473 CC, en lieu et place de la part légale qui lui revient selon le droit actuel. Or, l'art. 473 CC en vigueur précise que l'usufruit porte sur toute la part dévolue aux enfants communs; la part réservataire des enfants non communs ne peut donc être grevée.

Exemple: Famille recomposée comprenant trois enfants: Y est marié à X. L'enfant C est né d'une précédente relation du de cujus X, l'enfant G d'une précédente relation du conjoint survivant Y, et A est l'enfant commun de X et Y. X et Y disposent d'un patrimoine de CHF 100 000 chacun (biens propres), pour un total de CHF 200 000.

D'après la proposition formulée dans le postulat, au décès de X, la succession serait partagée comme suit: une moitié (CHF 50 000) reviendrait en pleine propriété à C, tandis que l'autre moitié (CHF 50 000) serait dévolue à A, mais grevée de l'usufruit en faveur du conjoint survivant Y. Au décès de Y, A et G recevraient CHF 50 000 chacun. G ne recevrait donc rien ayant précédemment appartenu à X. Au final, C aurait reçu CHF 50 000, G CHF 50 000 et A (enfant commun) CHF 100 000.

Selon le droit actuel, la succession (sans usufruit) serait en revanche partagée comme suit: un quart (CHF 25 000) reviendrait à C, un quart (CHF 25 000) à A et la moitié (CHF 50 000) à Y. Au décès de X, G ne recevrait donc rien, mais aurait l'expectative de recevoir un quart au décès de Y. Au décès de Y, A et G recevraient CHF 75 000 chacun. Au final, C aurait reçu CHF 25 000, G CHF 75 000 et A (enfant commun) CHF 100 000.

Au vu de ce qui précède, la solution proposée dans le postulat permettrait effectivement d'aboutir à une meilleure situation des enfants du de cujus. Elle retirerait, toutefois au conjoint ou au partenaire enregistré survivant tout droit en pleine propriété. Ces derniers ne bénéficiant que d'un usufruit sur la part des enfants communs, ils pourraient certes jouir jusqu'à leur décès d'un éventuel bien immobilier, de meubles ou d'un véhicule qui seraient revenus à l'enfant commun dans le cadre du partage, mais ils ne pourraient, par exemple, toucher aucune somme
d'argent (à l'exception des intérêts qu'elle porterait).

Cette solution ne correspond donc pas à l'intérêt du conjoint ou du partenaire enregistré survivant, qui non seulement serait privé de tout droit en pleine propriété, mais serait en outre traité de manière inégale par rapport à un conjoint ou du partenaire enregistré survivant d'un couple sans enfants communs ou uniquement avec enfants communs, qui bénéficierait, lui, de la moitié de la succession en pleine propriété.

Une telle inégalité de traitement ne paraît ni justifiée ni souhaitée, quand bien même le conjoint décédé aurait eu la possibilité de modifier l'ordre légal en rédigeant un testament.

5920

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Transformation de la succession du conjoint ou du partenaire enregistré survivant en une créance légale contre les enfants Une autre proposition formulée dans le postulat est de remplacer la part de succession du conjoint ou du partenaire enregistré survivant par une créance légale contre les enfants du de cujus.

Une modification des parts successorales n'étant pas prévue dans la présente révision, il convient d'examiner cette proposition sur la base des parts successorales actuelles. Aux termes de l'art. 462, ch. 1, CC, en concours avec les descendants le conjoint ou partenaire enregistré survivant a droit à la moitié de la succession. Selon la proposition formulée dans le postulat, le conjoint ou le partenaire enregistré survivant perdrait sa qualité d'héritier et deviendrait uniquement créancier des descendants pour l'équivalent en valeur de la moitié de la succession.

Une telle créance légale pourrait s'approcher de la créance légale existant à l'art. 606 CC, prévoyant que les héritiers qui, à l'époque du décès, étaient logés et nourris dans la demeure et aux frais du défunt, peuvent exiger que la succession supporte ces charges pendant un mois. Elle porterait toutefois sur une somme bien plus conséquente.

On observe que cette créance pourrait naître à l'encontre de la succession ou à l'encontre des descendants. Si la créance naissait envers ces derniers, comme mentionné dans le postulat, la position du conjoint s'en verrait d'autant plus affaiblie. En effet, en présence de descendants surendettés par exemple, la créance du conjoint ou du partenaire enregistré serait en concours avec d'autres créances et risquerait de n'être satisfaite que partiellement.

Au vu de ce qui précède, la proposition visant à transformer la succession du conjoint ou du partenaire enregistré survivant en une créance légale contre les enfants affaiblirait considérablement sa position sur le plan juridique, ce que le Conseil fédéral ne souhaite pas.

Remplacement de la part légale du conjoint survivant par le «legs d'entretien» Le postulat envisage également la possibilité de remplacer la part successorale légale du conjoint ou partenaire enregistré survivant par un «legs d'entretien» en sa faveur, à charge de la succession.

A cet égard, il y a lieu d'observer que le Conseil fédéral a abandonné la proposition
d'introduire dans la loi un «legs d'entretien» et propose dans ce projet l'institution d'une «créance d'assistance» en faveur du partenaire de vie survivant. Cette créance est limitée aux besoins réels du partenaire survivant et à un quart du patrimoine net du défunt (voir ch. 3.8).

La solution ici proposée permettrait effectivement de remédier à la problématique soulevée par le postulat. En retirant la qualité d'héritier au conjoint ou au partenaire enregistré survivant pour la remplacer par un droit à un legs d'entretien ou une créance d'assistance, seuls les descendants du de cujus seraient alors héritiers. Cela aurait pour avantage de faire disparaître la problématique liée à l'ordre des décès.

Les descendants de chaque membre du couple toucheraient l'intégralité de la succession de leur ascendant.

5921

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Cette solution a cependant, comme les précédentes, deux inconvénients majeurs.

D'une part, elle revient à supprimer l'un des effets principaux du mariage ou du partenariat enregistré, à savoir la qualité d'héritier du conjoint ou du partenaire enregistré, et donc leur droit à la moitié en pleine propriété de la succession du de cujus en concours avec des descendants. Cela péjorerait ainsi sérieusement leur situation dans la succession, en particulier dans les successions présentant un patrimoine important et qui devrait selon le droit actuel les voir bénéficier d'une part de succession bien plus importante que le legs d'entretien ou la créance d'assistance envisagée. D'autre part, elle serait réservée aux membres d'une famille recomposée: un conjoint ou un partenaire enregistré survivant d'un couple sans enfants communs ou uniquement avec enfants communs, bénéficierait lui de la moitié de la succession en pleine propriété. Une telle inégalité de traitement serait choquante et ne se justifierait pas.

Création d'un lien successoral entre le conjoint survivant et les enfants en cas d'acceptation de la succession Une autre idée émise dans le postulat afin de remédier à l'inégalité entre enfants d'une famille recomposée serait de créer un nouveau lien successoral entre le conjoint ou le partenaire enregistré survivant et les enfants du de cujus. Ce lien successoral aurait pour but de faire revenir dans le patrimoine des descendants du de cujus une partie de son patrimoine qui, à son décès, aurait été transmis à son conjoint. Cela pourrait par exemple favoriser le fait que des biens de famille du défunt reviennent finalement à ses propres descendants, une fois son conjoint décédé, et n'aboutissent pas entre les mains des descendants de son conjoint.

Les enfants du conjoint pourraient ainsi, par exemple, devenir une nouvelle catégorie d'héritiers légaux (au même titre que les enfants propres). L'égalité entre enfants communs et non communs obtenue ne serait toutefois que très relative, sachant que les enfants non communs disposeraient encore d'une expectative successorale de leur deuxième parent. Ils seraient alors favorisés par rapport aux enfants communs, ce qui ne saurait se justifier.

De plus, comme il n'existe en droit actuel aucun lien légal entre le conjoint ou le partenaire enregistré survivant
et les enfants du de cujus, la création d'un lien successoral entre eux irait à l'encontre de la logique du système légal actuel. Enfin, s'il n'est pas créé de lien successoral légal entre personnes menant de fait une vie de couple (partenaires de vie) par la présente révision, il ne saurait, a fortiori, être créé de lien successoral entre un de cujus et les enfants de son conjoint.

3.10.4

Conclusion

Aucune des propositions examinées ne permet d'atteindre de manière satisfaisante le but poursuivi par le postulat. La problématique évoquée dans le postulat doit être résolue autrement que par la modification du droit de succession des conjoints ou des partenaires enregistrés en présence de familles recomposées. L'affaiblissement, voire la suppression de la vocation successorale du conjoint ou du partenariat enregistré en présence d'enfants nés d'une relation précédente, n'est pas compatible avec 5922

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l'évolution et les valeurs de notre société. De plus, elle va à l'encontre de l'évolution en cours dans tous les pays, qui vise au contraire à renforcer la position du conjoint ou du partenaire enregistré survivant. Enfin, une telle solution irait aussi à l'encontre du mandat parlementaire à l'origine de la présente révision, qui est d'augmenter la liberté de disposer du de cujus, sans porter atteinte à la situation du conjoint ou du partenaire survivant.

Il y a lieu de préciser que lors du mariage ou de la conclusion du partenariat enregistré, chacun est bien conscient que son conjoint ou partenaire enregistré devient ainsi son héritier et que la part de succession revenant à ses propres descendants sera réduite en conséquence. Afin d'éviter cela, et de s'assurer par exemple qu'un bien immobilier de famille revienne à ses descendants et non à son conjoint ou partenaire enregistré le jour de son décès, le droit actuel offre différentes possibilités. Il est en effet possible de conclure avec son conjoint ou partenaire enregistré un contrat de mariage ou un pacte successoral prévoyant la répartition des biens au décès, ou une renonciation à tout ou partie de ses futurs droits de succession. De même, il est également possible de rédiger un testament en faveur de ses descendants et de limiter si nécessaire son conjoint ou son partenaire enregistré à sa réserve héréditaire, de lui attribuer sa part sous forme d'usufruit ou de prévoir une substitution fidéicommissaire. Le droit actuel offre ainsi des solutions adaptées afin que les descendants nés d'une relation précédente ne soient pas défavorisés par l'effet d'un nouveau mariage ou partenariat enregistré. L'utilisation de l'une des solutions existantes relève toutefois de la liberté et de la responsabilité de chacun.

4

Classement d'interventions parlementaires

Les nouvelles règles proposées permettront de procéder au classement des interventions parlementaires suivantes: 2011

M 10.3524

Moderniser le droit des successions (E 23.9.10, Gutzwiller; N 02.03.11; E 07.6.11)

2017

P

Familles recomposées. Quelle solution pour un droit des successions ab intestat moderne ?

(N 15.03.17, Nantermod)

16.3416

Le traitement des interventions parlementaires suivantes aura lieu dans le cadre d'une révision ultérieure du droit des successions (voir ch. 2.6): 2014

P

14.3782

Des règles pour la «mort numérique» (N 12.12.14, Schwaab)

2015

P

15.3213

Examen du régime de la surveillance des exécuteurs testamentaires (E 10.06.2015, Fetz)

5923

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5

Commentaire des dispositions

5.1

Code civil

Art. 120, al. 2 et 3

(Effets du divorce sur la succession)

Al. 2: La vocation successorale des conjoints dure aussi longtemps que dure le mariage (c'est-à-dire jusqu'au moment de l'entrée en force de la décision de divorce). Même si cela découle de l'art. 462 CC, qui règle les droits du conjoint survivant dans la succession, il est opportun de maintenir, parmi les dispositions sur les effets du divorce, celle précisant de manière explicite que les époux divorcés cessent d'être les héritiers légaux l'un de l'autre.

Les effets du divorce sur les avantages résultant de dispositions pour cause de mort sont désormais réglés à l'al. 3.

Al. 3: Le nouvel al. 3, ch. 1, correspond au droit actuel, d'après lequel, au moment de l'entrée en force de la décision de divorce les époux perdent tous les avantages résultant de dispositions pour cause de mort adoptées en faveur du conjoint survivant, sauf clause contraire dans un testament ou un pacte successoral.

Le nouvel al. 3, ch. 2, règle également les effets du décès d'un des conjoints en cours de procédure de divorce. Le décès d'un des conjoints pendant la procédure de divorce rend le procès sans objet. Ni le conjoint survivant ni les héritiers du de cujus ne peuvent poursuivre l'action intentée179. Par l'introduction d'une procédure de divorce, les deux époux, ou soit l'épouse soit l'époux, manifestent leur volonté de mettre définitivement fin à l'union conjugale. Le législateur a déjà décidé de faire remonter la liquidation du régime matrimonial (art. 204, al. 2 CC) et le partage de la prévoyance professionnelle (art. 122 CC) au jour de l'introduction de la demande de divorce. Le Conseil fédéral propose de procéder de manière analogue pour ce qui concerne le droit à la réserve (voir ch. 3.3.3 et art. 472 P-CC) et les avantages résultant de dispositions pour cause de mort.

Sauf clause contraire dans une disposition pour cause de mort (testament ou pacte successoral), le survivant, si le conjoint décède pendant la procédure de divorce, ne pourra plus se prévaloir des avantages résultant de dispositions pour cause de mort s'il s'agit d'une procédure de divorce entraînant la perte de sa qualité d'héritier réservataire au sens de l'art. 472 P-CC. Si le conjoint décède pendant une procédure de divorce qui ne remplit pas les conditions de l'art. 472 P-CC, les dispositions pour cause de mort en faveur du survivant restent valables.

Art. 216, al. 2 à 4

(Contrat de mariage et réserve des descendants sous le régime de la participation aux acquêts)

Al. 2: Aux termes de l'al. 1 de cette disposition, les époux peuvent, par contrat de mariage, convenir de déroger à l'art. 215 CC et s'attribuer mutuellement plus que la

179

Le décès d'un des conjoints pendant la procédure de divorce rend le procès sans objet. Ni le conjoint survivant ni les héritiers du de cujus ne peuvent poursuivre l'action intentée Werro, N 354.

5924

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moitié du bénéfice réalisé pendant l'union conjugale, voire l'entier de ce bénéfice.

Seule la valeur des biens propres du défunt sera alors comprise dans la succession.

Dans le but de ne pas prétériter à l'excès les descendants communs, dont la réserve est réduite par la présente révision (art. 471 P-CC), le nouvel al. 2 propose de prendre en compte la convention modifiant le partage légal des bénéfices pour le calcul des réserves «dans la mesure où elle favorise le conjoint survivant», comme cela est déjà préconisé par une part importante de la doctrine180, la question étant toutefois restée controversée. Seule l'attribution d'une part supplémentaire est donc visée par la réunion, soit ce qui dépasse la répartition légale de la moitié du bénéfice prévue à l'art. 215 CC. Il en ira ainsi aussi bien sous le régime de la participation aux acquêts que sous le régime de la communauté de biens: la question de la réunion étant tranchée par l'art. 216 P-CC, il n'est pas nécessaire de modifier également l'art. 241 CC.

Cette règle s'applique aussi aux partenaires enregistrés ayant adopté le régime de la participation aux acquêts (art. 25, al. 1, LPart).

La solution proposée présente deux avantages: la masse de calcul des réserves sera plus élevée et les réserves de tous les héritiers réservataires (descendants communs, descendants non communs, conjoint et partenaire enregistré survivant) seront déterminées sur la base de la même masse de calcul.

Al. 3: L'attribution d'une part supplémentaire du bénéfice au conjoint survivant par contrat de mariage constitue une libéralité entre vifs, ce qui clarifie une querelle doctrinale (voir ch. 3.5.2). En tant que telle, elle sera réduite après les dispositions pour causes de mort (art. 532, al. 1, P-CC).

Comme dans le droit actuel, seuls les enfants non communs et leurs descendants peuvent toutefois en demander la réduction si leur réserve n'est pas respectée dans la succession.

Al. 4: Bien que leur niant le droit de demander la réduction de la part supplémentaire du bénéfice attribuée au conjoint survivant, la nouvelle disposition améliore la situation des descendants communs sur deux points. Tout d'abord parce que la masse de calcul de leur réserve sera augmentée de la part supplémentaire de bénéfice attribuée au conjoint survivant, ensuite parce que, en cas
de remariage du conjoint survivant, ils auront la possibilité de faire valoir, à ce moment-là, la réserve qu'ils n'auraient pas reçue à cause de l'attribution supplémentaire du bénéfice par contrat de mariage.

On trouvera des exemples de calcul selon l'art. 216 P-CC au ch. 3.5.4.

Art. 217, al. 2

(Contrat de mariage et décès pendant une procédure de divorce sous le régime de la participation aux acquêts)

D'après le droit en vigueur, les clauses d'un contrat de mariage qui modifient la participation légale au bénéfice (dans le régime de la participation aux acquêts) ne s'appliquent pas en cas de divorce, de séparation de corps, de nullité du mariage ou de séparation de biens judiciaire, à moins que le contrat de mariage ne prévoie expressément le contraire (art. 217 CC).

180

Deschenaux/Steinauer/Baddeley, N 1351 et note de bas de page no 18.

5925

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A l'avenir, cette règle s'appliquera également lorsque le régime matrimonial est dissous suite au décès d'un conjoint pendant une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve au sens de l'art. 472 P-CC, sauf clause contraire du contrat de mariage (ch. 3.3.3).

Art. 241, al. 4

(Contrat de mariage et décès pendant une procédure de divorce sous le régime de la communauté de biens)

Actuellement, les clauses d'un contrat de mariage qui modifient le partage légal (dans le régime de la communauté de biens) ne s'appliquent pas en cas de divorce, de séparation de corps, de nullité du mariage ou de séparation de biens légale ou judiciaire, sauf convention contraire dans le contrat de mariage (art. 242, al. 3, CC).

A l'avenir, cette règle s'appliquera également lorsque le régime matrimonial est dissous suite au décès d'un conjoint pendant une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve au sens de l'art. 472 P-CC, sauf clause contraire du contrat de mariage (voir ch. 3.3.3).

Art. 470, al. 1

(Héritiers réservataires)

Cet alinéa énonce la liste des héritiers réservataires. Il convient de le modifier du moment que la réserve des père et mère est supprimée à l'art. 471 P-CC. Les termes «ses père et mère» disparaissent ainsi de la disposition.

Art. 471

II. Réserve

Pour augmenter la liberté de disposer du testateur sans dégrader la position du conjoint ou du partenaire enregistré survivant, le projet prévoit de réduire la réserve des descendants de trois-quarts de leur droit de succession à la moitié, de supprimer la réserve des père et mère, et de maintenir la réserve du conjoint ou du partenaire enregistré survivant à la moitié de leur droit de succession. Cette solution tient compte des réflexions exprimées dans le cadre de la consultation sur l'avant-projet.

Elle aura pour effet de simplifier un système actuellement complexe: tous les réservataires disposeront à l'avenir d'une réserve de la moitié. L'art. 471 peut être simplifié en conséquence.

En présence d'héritiers réservataires, la quotité disponible selon le projet varie comme indiqué dans le tableau au ch. 3.2.5.

Art. 472

III. Perte de la réserve

Titre marginal: L'art. 472 P-CC définit les cas dans lesquels une procédure de divorce ou en dissolution empêche le conjoint ou le partenaire enregistré survivant de se prévaloir de la réserve selon l'art. 471 CC. Il en découle une augmentation de la quotité disponible, que le testateur peut laisser à d'autres personnes (voir ch. 3.3).

Al. 1: Si le de cujus décède pendant une procédure de divorce selon les ch. 1 ou 2, le conjoint survivant n'a pas la qualité d'héritier réservataire. En revanche, il a encore la qualité d'héritier légal. Une disposition pour cause de mort du défunt est ainsi nécessaire pour l'exclure complètement de la succession. En l'absence d'une telle 5926

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disposition, le conjoint survivant conservera donc le droit à sa part successorale (art. 462 CC).

Le conjoint survivant est privé de réserve si une des conditions suivantes est réalisée: Ch. 1: La procédure de divorce a été introduite sur requête commune (art. 111 et 112 CC). Par le dépôt d'une requête commune les conjoints manifestent leur accord sur le principe du divorce, c'est-à-dire leur volonté commune de mettre fin à leur union. Cela justifie la perte de la qualité d'héritier réservataire dès le dépôt de la demande.

Ch. 2: La procédure de divorce a été introduite sur demande unilatérale (art. 114 ou 115 CC) mais a été ensuite transformée en divorce sur requête commune car les conjoints ont accepté le divorce (selon l'art. 292, al. 1, let. b, du code de procédure civile, CPC181). Dans ce cas, les conjoints perdent la qualité d'héritier réservataire dès l'acceptation du principe du divorce.

Enfin, le conjoint survivant est privé de réserve si la procédure de divorce a été introduite sur demande unilatérale et que les conjoints vivaient séparés depuis deux ans au moins au moment du décès. Le moment de la litispendance n'est pas déterminant; peu importe donc que la condition de séparation depuis deux ans ait été réalisée au moment de l'introduction de la procédure ou non. Ce qui compte, c'est qu'au moment du décès les conjoints aient vécu séparés depuis deux ans au moins.

Ce délai de deux ans s'inspire du délai prévu à l'art. 114, al. 1, CC.

S'agissant de la procédure de divorce sur demande unilatérale fondée sur l'art. 115 CC, introduite pour des motifs sérieux rendant la continuation du mariage insupportable, il y a lieu de rappeler que, dans les situations justifiant une telle demande, il se peut que la voie de l'exhérédation soit ouverte (art. 477 CC). Si tel est le cas, la personne concernée peut déshériter son conjoint à tout moment, sans attendre l'écoulement du délai de deux ans.

Al. 2: Les mêmes règles doivent s'appliquer, par analogie, en matière de dissolution du partenariat enregistré.

Art. 473

IV. Usufruit

Titre marginal: Le titre marginal est simplifié, de manière à définir clairement le contenu de la disposition.

Al. 1: Pour tenir compte de la possibilité d'adoption de l'enfant du partenaire enregistré, prévue depuis le 1er janvier 2018 à l'art. 264c, al. 1, ch. 2, CC, il convient d'ouvrir également aux partenaires enregistrés la possibilité de laisser au survivant l'usufruit de toute la part dévolue aux descendants communs. Le texte de cet alinéa (ainsi que celui de l'al. 2) est modifié en conséquence.

Afin de lever tout doute en la matière à l'avenir, il est maintenant explicitement précisé que, indépendamment de ce qu'il fait de la quotité disponible de sa succession, le disposant peut laisser au conjoint ou partenaire enregistré survivant 181

RS 272

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l'usufruit de toute la part dévolue à leurs descendants communs (legs d'usufruit). Il a donc la possibilité de laisser au survivant la moitié de ses biens en pleine propriété et l'usufruit sur l'autre moitié, la nue-propriété sur cette moitié revenant aux descendants communs.

Enfin, le terme «enfants» est remplacé par celui de «descendants» (qui comprend tous les descendants de la première parentèle) dans la version française, plus précis et conforme aux versions allemande («gemeinsame Nachkommen») et italienne («discendenti comuni») ainsi qu'à l'avis d'une doctrine unanime182.

Al. 2: Par rapport au droit actuel, la seule modification apportée concerne le montant de la quotité disponible en présence d'un usufruit, qui sera de la moitié et non plus d'un quart, pour tenir compte de l'augmentation de la liberté de disposer du testateur. La quotité disponible de l'art. 473 P-CC correspondra ainsi à la quotité disponible ordinaire résultant de la modification des règles sur les réserves (art. 471 PCC).

Dans la version italienne, le terme «legittima» est remplacé par «quota ereditaria legale», afin de correspondre aux versions allemande («gesetzliches Erbrecht») et française («droit de succession attribué par la loi»). L'usufruit tient lieu du droit de succession attribué par la loi au conjoint ou au partenaire enregistré survivant. Celuici conserve toutefois le droit de faire valoir sa réserve en lieu et place de l'usufruit (voir ch. 3.4.3).

Cet article ne s'appliquant qu'aux descendants communs en application de l'al. 1, il n'est pas utile de modifier la deuxième partie de la phrase, qui, selon certains auteurs, aurait pour conséquence un calcul de la quotité disponible sur l'entier de la succession en présence de descendants communs et non communs183. Celle-ci doit en effet être comprise de la manière suivante: la quotité disponible est de la moitié de la succession «dévolue aux descendants communs»184. L'exemple de partage de succession en présence de descendants communs et non communs contenu dans le présent message (voir ch. 3.4.3) illustre à présent clairement le but visé par cette norme et le mode à suivre en présence d'enfants communs et non communs.

Al. 3: La possibilité pour les descendants de faire valoir leur droit à la réserve en cas de remariage du conjoint ayant bénéficié de l'usufruit au sens de l'art. 473 P-CC, est étendue au partenariat enregistré.

Art. 474, al. 2

(Déductions des dettes)

Cet alinéa est complété afin que la dette d'assistance due à la personne qui menant de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) (voir ch. 3.8 et art. 606a P-CC) soit également déduite de l'actif de la succession, comme l'est l'entretien pendant un mois des personnes qui faisaient ménage commun avec le défunt (art. 606 CC).

182 183 184

Guinand/Stettler/Leuba, N 119; Steinauer, Successions, N 435 et références citées.

Sutter-Somm/Ammann, N 75 et références citées.

Carlin, p. 209.

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Art. 476

3. Assurances en cas de décès et prévoyance individuelle liée

Titre marginal: Le titre marginal est modifié afin qu'il corresponde au contenu modifié de l'article suite au règlement de la question du sort de la prévoyance individuelle liée dans la succession.

Al. 1: Cet alinéa reprend le texte de l'art. 476 CC actuel, en précisant que les assurances constituées dans le cadre de la prévoyance individuelle liée sont comprises dans son champ d'application et sont donc également réunies à la masse de calcul des réserves, pour leur valeur de rachat. En cas de lésion de la réserve, les héritiers pourront ainsi en demander la réduction (art. 529 et 532 P-CC). Afin de bien marquer le fait qu'il s'agit d'une réunion, il est précisé dans la version française que ces assurances sont «ajoutées» à la succession et non «comprises» dans la succession, comme le mentionne le texte de loi actuel. La version allemande est également adaptée «zu dessen Vermögen hinzugerechnet», tandis que la version italienne «sono computate nella successione» exprime déjà cet idée.

Comme c'est déjà le cas dans le droit en vigueur, seule la valeur de rachat est réunie à la succession. La proposition consistant à réunir l'intégralité des prétentions en matière d'assurance sur la vie qui avait été faite dans l'avant-projet a été abandonnée. En l'absence de valeur de rachat, aucune réunion successorale n'intervient.

Al. 2: Par l'ajout de ce nouvel alinéa, en lien avec l'art. 82 P-LPP, le sort des prétentions des bénéficiaires du pilier 3a bancaire est fixé dans la loi et il est ainsi mis fin à une querelle doctrinale (voir ch. 3.6.2): ces prétentions seront exclues de la succession mais réunies à la masse de calcul des réserves. Le but premier du pilier 3a, celui de la prévoyance, qui trouve sa base à l'art. 111 Cst., est ainsi sauvegardé. Les avoirs touchés par les héritiers et autres bénéficiaires au titre du pilier 3a ne feront pas partie des biens existants. Ils feront en revanche l'objet d'une réunion et pourront ainsi faire l'objet d'une action en réduction (art. 529 et 532 P-CC) s'ils excédent la quotité disponible.

Comme l'art. 82, al. 1, P-LPP mentionne les deux seules formes de prévoyance individuelle liée reconnues, il peut être précisé que la règle vise les conventions de prévoyance individuelle liée conclues avec des fondations bancaires.

Art. 494, al. 3

(Action dérivée du pacte successoral)

Au vu des modifications proposées en matière de réduction dans le présent projet, le Conseil fédéral propose de clarifier également la disposition qui permet aux bénéficiaires des engagements résultant du pacte successoral d'attaquer certaines dispositions du de cujus et d'en obtenir la réduction.

D'après la nouvelle teneur de cette disposition, les dispositions pour cause de mort et les libéralités entre vifs (à titre gratuit) effectuées par le de cujus peuvent être attaquées (après sa mort) si les deux conditions suivantes sont remplies: (1) elles sont inconciliables avec les engagements résultant du pacte successoral, notamment lorsqu'elles diminuent les avantages résultant de ce dernier, et (2) elles n'ont pas été réservées dans ce pacte.

Le projet précise que les présents d'usage sont exceptés. Il convient en effet de laisser la liberté au de cujus engagé par pacte successoral de faire des présents 5929

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d'usage. La jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les donations ne sont «attaquables comme inconciliables avec les clauses du pacte que si le disposant s'est engagé à ne pas faire de donations»185 n'a, par conséquent, plus de portée: les donations excédant les présents d'usage sont en principe attaquables186.

Par rapport au texte de loi actuel, le terme «donations» est remplacé par celui de «libéralités entre vifs», plus large. Cela permettra notamment d'attaquer également les libéralités résultant de contrats de mariage ou de conventions sur les biens aux termes de l'art. 216, al. 2, P-CC et 25, al. 1, LPart. Ces mêmes libéralités sont également sujettes à réduction (voir art. 532 P-CC).

Art. 522

B. De l'action en réduction

Al. 1: Cet alinéa est entièrement reformulé, dans le sens d'une clarification, même si sur le fond, la seule modification apportée consiste dans la mention explicite, au ch. 1, de la réductibilité des acquisitions pour cause de mort ab intestat, soit de celles résultant de la loi (art. 481, al. 2, CC) et non de la volonté déclarée du de cujus, ce qui était contesté jusqu'à présent (voir ch. 3.7.2). Aux ch. 2 et 3, il est maintenant explicitement indiqué que la réduction peut porter tant sur les libéralités pour cause de mort que sur les libéralités entre vifs.

Les autres modifications de cet alinéa sont plutôt d'ordre rédactionnel. Dans la phrase introductive il est précisé que l'action en réduction peut être intentée par les héritiers «qui reçoivent en valeur un montant inférieur à leur réserve». L'expression «qui excèdent la quotité disponible» figurant à la fin du premier alinéa est également supprimée, car en cas d'acquisitions ab intestat, la quotité disponible n'est justement pas dépassée187. Enfin, l'expression «jusqu'à due concurrence» est remplacée par «jusqu'à ce que la réserve soit reconstituée», plus claire, puisque tel est l'objet poursuivi par l'action en réduction.

Al. 2: Par rapport au texte de loi en vigueur, il est précisé que cet alinéa ne s'applique qu'aux dispositions pour cause de mort.

Art. 523

2. Réservataires

Titre marginal: Le titre marginal est modifié afin qu'il corresponde au contenu modifié de l'article, qui concerne uniquement les réductions entre héritiers réservataires.

La possibilité de réduire les acquisitions ab intestat, nouvellement mentionnée à l'art. 522, al. 1, ch. 1, P-CC, doit également être prévue en matière de réduction entre cohéritiers réservataires. L'art. 523 CC est ainsi modifié en conséquence et l'expression «les acquisitions pour cause de mort résultant de la loi» est ajoutée aux libéralités réductibles entre cohéritiers réservataires, sans qu'il soit toutefois précisé dans quelle mesure les acquisitions ab intestat réalisées par les héritiers réservataires peuvent être réduites. La précision «entre cohéritiers» du droit actuel est abandon185 186

ATF 70 II 255, consid. 2; ATF 140 III 193, consid. 2.1.

En accord avec la doctrine dominante, notamment Eitel/Elmiger, p. 269; PraxKomm Erbrecht-Grundmann, art. 494 N 22 ss.

187 Steinauer, Acquisitions, p. 86.

5930

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née, du moment que seul un héritier réservataire peut agir en réduction et qu'elle est donc superflue. Enfin, l'expression «qui excèdent la quotité disponible» est également supprimée, pour les mêmes raisons qu'à l'art. 522, al. 1, P-CC.

Art. 529

4. Assurances en cas de décès et prévoyance individuelle liée

Titre marginal: Le titre marginal est modifié afin qu'il corresponde au contenu modifié de l'article suite au règlement de la question du traitement de la prévoyance individuelle liée dans la succession.

Al. 1: Cet alinéa reprend le texte de l'art. 529 CC actuel, en précisant que les assurances constituées dans le cadre de la prévoyance individuelle liée sont comprises dans son champ d'application et sont donc également sujettes à réduction, pour leur valeur de rachat. Cet ajout est la conséquence de la modification proposée à l'art. 476, al. 1, P- CC, selon lequel ces assurances sont réunies à la masse de calcul des réserves: une base légale prévoyant leur réduction est nécessaire.

Al. 2: Afin de rendre réductibles aussi les prétentions des bénéficiaires du pilier 3a bancaire, il convient de créer une base légale. A cette fin, il est ajouté un alinéa à l'art. 529 CC, dont la lettre correspond à celle de l'art. 476, al. 2, P-CC. Ces prétentions pourront ainsi faire l'objet d'une action en réduction, si elles excédent la quotité disponible.

Art. 532

III. De l'ordre des réductions

Cet article est modifié afin de tenir compte de la possibilité nouvellement mentionnée aux art. 522 et 523 P-CC de réduction des acquisitions ab intestat et afin de préciser dans la loi l'ordre des réductions en matière de libéralités entre vifs.

Al. 1: Conformément à la proposition déjà formulée dans l'avant-projet, les acquisitions résultant de la loi (ab intestat; ch. 1) seront réduites avant les dispositions pour cause de mort prises par le défunt (ch. 2). Cette solution privilégie la volonté exprimée par le défunt dans une disposition pour cause de mort par rapport à l'acquisition de parts de succession découlant de l'application de la loi (voir ch. 3.7.2). Au surplus, l'ordre des réductions actuel est maintenu: les libéralités entre vifs seront réduites en dernier (ch. 3), après les libéralités pour cause de mort.

Al. 2: Les libéralités entre vifs continueront d'être réduites en remontant de la plus récente jusqu'à la plus ancienne. A la différence du droit en vigueur, le projet précise toutefois l'ordre de réduction parmi les différents types de libéralités entre vifs.

En premier lieu, seront toujours réduites les libéralités entre vifs accordées par convention matrimoniale ou sur les biens prises en compte pour le calcul des réserves (ch. 1), soit celles comprenant une attribution supplémentaire du bénéfice au conjoint ou au partenaire enregistré survivant (voir art. 216, al. 2, P-CC). La précision dans le texte de loi selon laquelle seules les conventions matrimoniales et sur les biens «prises en compte pour le calcul des réserves» sont concernées, exclut d'emblée les conventions visées aux art. 181 CC (adoption d'un régime matrimonial), 199 CC (acquêts affectés à l'exercice d'une profession ou à l'exploitation d'une entreprise) et 206, al. 3, CC (part à la plus-value d'un bien).

5931

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En deuxième lieu, seront réduites les libéralités librement révocables et les prestations de la prévoyance individuelle liée (ch. 2), proportionnellement. Concernant les libéralités librement révocables, il s'agit de celles prévues à l'art. 527, ch. 3, CC, celles résultant d'une clause d'assurance-vie librement révocable ou de la création d'un trust librement révocable188.

En dernier lieu, seront réduites les autres libéralités entre vifs (ch. 3), en remontant de la plus récente à la plus ancienne. Des libéralités simultanées seront réduites proportionnellement, en application du principe général prévu à l'art. 525 CC.

Art. 606, titre marginal La nouvelle formulation du titre de la lettre D. «Droits des personnes qui faisaient ménage commun avec le défunt» est épicène et plus adaptée que celle de «Droits de ceux qui faisaient ménage commun avec le défunt», qui figure actuellement dans le code civil.

Vu l'ajout d'une nouvelle catégorie de bénéficiaires de droits à l'art. 606a P-CC (voir ci-après), il convient de préciser que l'art. 606 CC s'applique uniquement aux héritiers. Il est ainsi ajouté un chiffre I «Héritiers» dans le titre marginal.

Art. 606a à 606d

II. Partenaire de vie

Quatre nouveaux articles sont créés afin d'instaurer une créance légale à l'encontre de la succession en faveur de la personne qui menait de fait une vie de couple avec le défunt (partenaire de vie) et dont les héritiers répondent solidairement, comme le texte de loi l'indique explicitement, dans le but de lui permettre de couvrir son minimum vital social s'il devait tomber dans le besoin suite au décès du de cujus (voir ch. 3.8). Ces nouvelles dispositions sont placées dans le titre dix-septième du code civil («Du partage»), au chapitre I («De la succession avant partage» [art. 602 ss CC]), après la disposition consacrée aux droits des héritiers qui faisaient ménage commun avec le défunt (art. 606 CC).

Titre marginal: Les nouveaux articles 606a à 606d P-CC règlent la situation d'une deuxième catégorie de personnes faisant ménage commun avec le défunt qui bénéficieront de droits dans la succession. Il convient alors d'attribuer à ces articles le chiffre II «Partenaire de vie».

Art. 606a

1. Créance d'assistance

Al. 1: Une personne peut faire valoir une créance d'assistance contre les héritiers du partenaire de vie décédé si elle remplit les deux conditions cumulatives suivantes: (1) au moment du décès, elle menait de fait une vie de couple avec le défunt depuis cinq ans au moins, et (2) suite au décès de son partenaire de vie, elle dépend de l'octroi de prestations d'assistance pour ne pas tomber dans le besoin.

188

Steinauer, Successions, N 469a et références citées; Eitel/Bieri, p. 300.

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Contrairement à l'avant-projet, le présent projet n'exige plus que le partenaire de vie ait fourni de contribution particulière dans l'intérêt du défunt (voir art. 484a APCC).

Seule une personne qui, au moment du décès, «menait de fait une vie de couple» avec le défunt, du même sexe ou de sexe différent, peut prétendre à des prestations d'assistance. C'est la notion de «concubinage stable» développée par la jurisprudence qui est visée ici: une communauté de vie d'une certaine durée, à caractère exclusif, qui présente aussi bien une composante spirituelle, corporelle et économique, et qui peut être définie comme une «communauté de toit, de table et de lit»189. L'expression «mener de fait une vie de couple» exclut donc d'une part les personnes qui entretenaient avec le défunt une simple relation amoureuse ou d'amitié, sans communauté de vie, et, de l'autre, celles qui en partageaient le foyer sans entretenir avec lui une relation affective, par exemple des colocataires ou aidessoignantes à domicile.

Afin d'éviter d'ouvrir trop largement le droit à une créance d'assistance empiétant sur les droits des héritiers, le projet augmente la durée minimale de vie de couple de trois (proposée dans l'avant-projet) à cinq ans. En principe, «mener de fait une vie de couple» implique que les partenaires fassent ménage commun et que la vie commune soit ininterrompue. Ces éléments n'ont toutefois pas été explicités dans le texte légal, afin de pouvoir tenir compte de situations particulières, comme d'une entrée en établissement médico-social ou en home d'un membre du couple, d'un long séjour à l'hôpital ou d'une relation dans laquelle les partenaires s'entraideraient financièrement malgré des domiciles séparés par exemple. Cela n'exclut en outre pas de manière générale les courtes interruptions en raison de séjours professionnels ou linguistiques à l'étranger. La fixation à cinq ans de la durée de vie de couple permet de limiter le droit à une créance d'assistance aux seuls couples ayant démontré par cette durée une certaine stabilité. De plus, ce délai correspond à celui prévu en matière de prévoyance professionnelle (2e pilier), où le partenaire de vie peut prétendre à des prestations pour survivants, si le règlement de l'institut de prévoyance le prévoit, lorsqu'il a formé avec le défunt une communauté de vie
ininterrompue d'au moins cinq ans (art. 20a LPP), ainsi que dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a; art. 2, al. 1, let. b, ch. 2 OPP 3). Pour ce qui a trait à la preuve de l'existence de la vie commune (ou du moins d'un domicile commun) et de sa durée, question d'importance au moment de trancher la prétention d'un partenaire survivant à une créance d'assistance, la commune de domicile (en règle générale l'office du contrôle des habitants) délivre les attestations nécessaires en la matière.

Une personne peut demander aux héritiers une assistance aux termes du nouvel art. 606a, al. 1, P-CC lorsqu'elle tomberait dans le besoin en l'absence de cette assistance. C'est la même condition que le droit civil connaît déjà depuis longtemps en matière d'assistance entre parents en ligne directe, réglée à l'art. 328 CC. Ce renvoi permet de se rattacher à des notions connues en droit de la famille. Une «situation de besoin» au sens de l'art. 328 CC, et donc de l'art. 606a P-CC, est admise dès qu'une personne ne peut pas subvenir à ses besoins d'entretien par ses

189

ATF 138 III 97, consid. 2.3.3; voir aussi Jubin, N 16 et références citées.

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propres moyens190. Le renvoi à l'art. 328 CC permet aussi de définir le but de la créance d'assistance: la couverture du minimum vital du partenaire de vie survivant selon le droit de l'aide sociale, destiné à garantir un standard minimal 191. Il en découle que seul est dû, à titre d'assistance, selon l'art. 606a P-CC, le montant nécessaire à couvrir le minimum vital social192, soit la différence entre les besoins et les revenus (ou les perspectives de revenus) de la personne concernée. En d'autres termes, du montant global nécessaire à la couverture du minimum vital social devront être déduits tous les revenus réalisés (ou réalisables à partir d'un certain moment) par le survivant. Il devra également être tenu compte de sa fortune. Si les revenus et la fortune couvrent partiellement ses besoins, sa créance sera réduite en proportion.

Au vu de ce qui précède, le partenaire de vie survivant qui percevait des prestations complémentaires avant le décès de son partenaire ne pourra pas faire valoir une créance d'assistance, parce qu'il ne se trouve pas dans une situation de besoin au sens de l'art. 606a P-CC, le minimum vital de l'aide sociale étant inférieur à celui des prestations complémentaires à l'AI et à l'AVS193.

Enfin, la créance d'assistance est aussi exclue lorsque le partenaire de vie survivant a été institué héritier ou bénéficie d'un legs lui permettant de subvenir à son entretien.

Al. 2: Destinée à garantir le minimum vital social du partenaire de vie survivant, c'est-à-dire à couvrir ses besoins d'existence courants (loyer, primes d'assurance, nourriture, etc.) aussi longtemps que nécessaire, l'assistance sera allouée sous la forme d'une rente mensuelle.

Même si en soi, cela permettrait un règlement plus rapide et net des relations entre les parties, le versement d'un capital n'entre pas en ligne de compte et ce pour plusieurs raisons. D'abord, parce que le bénéficiaire qui ne serait pas à même de gérer son patrimoine risquerait de se retrouver rapidement à charge de la collectivité publique, ce qui irait totalement à l'encontre du but de la créance d'assistance.

Ensuite, car il y a lieu de rappeler que l'obligation d'assistance de la succession dure seulement aussi longtemps qu'elle est nécessaire (art. 606d P-CC), et qu'elle s'éteint à la mort du bénéficiaire. Pour la succession,
la rente représente donc au final une charge moins importante qu'un capital, qui serait versé en entier en une fois et tomberait dans la succession du partenaire de vie survivant à son décès.

Le montant total de la créance d'assistance ne pourra excéder le quart du patrimoine net du défunt à l'ouverture de la succession. Une limite maximale claire n'empiétant pas trop sur les droits des héritiers légaux est ainsi fixée. Le patrimoine net est un critère simple à établir: il correspond aux biens existants après déduction des dettes du défunt, sans tenir compte d'éventuelles créances de rapport. Pour les successions 190 191 192 193

ATF 136 III 1, consid. 4 Pour le calcul du minimum vital social, voir CSIAS, Le minimum vital, p. 3 à 5.

Comme les aliments versés en application de l'art. 328 CC, v. Lienhard, p. 138.

Guggisberg, p. 16; voir aussi ATF 138 II 191, consid. 5.3 «La LPC soutient le régime de l'assurance-vieillesse et invalidité (AVS/AI) dans sa fonction de garantie des besoins vitaux, à savoir du minimum d'existence du droit des assurances sociales [...]. Ce dernier est supérieur au minimum vital découlant de l'aide d'urgence, lequel concrétise l'art. 12 Cst. [...], ainsi que du minimum du droit des poursuites».

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d'une importance particulière dans lesquelles le quart du patrimoine net dépasserait largement le montant nécessaire pour garantir à vie les besoins du partenaire de vie survivant, la loi pose une deuxième limite maximale au montant total de la créance: la somme des rentes mensuelles jusqu'à ce que le partenaire ait atteint l'âge de 100 ans. Cette deuxième limite assurera au bénéficiaire de disposer d'aliments jusqu'à la fin de ses jours. Un éventuel solde ainsi que les intérêts générés par le montant total de la créance reviendront à la succession.

En conclusion, la créance d'assistance est soumise à une double limitation: d'une part elle est limitée par le montant nécessaire à la couverture du minimum vital social du partenaire de vie survivant (jusqu'à l'âge de 100 ans ou jusqu'au moment où il peut être attendu de lui qu'il subvienne à ses besoins) et, d'autre part, par le montant du quart du patrimoine net du défunt. Cela signifie que, si le montant nécessaire à la couverture du minimum vital social du partenaire de vie survivant est inférieur au quart du patrimoine net du défunt, la créance d'assistance sera limitée par le minimum vital social; si, en revanche, le montant nécessaire à la couverture du minimum vital social du partenaire de vie survivant est supérieur au quart du patrimoine net, la créance d'assistance sera automatiquement limitée au quart du patrimoine net (voir exemples de calcul de la créance d'assistance au ch. 3.8.4).

Al. 3: Afin de garantir le versement de la rente, il est nécessaire de l'accompagner de sûretés appropriées. La notion de sûretés est une notion connue en droit civil (voir par ex. art. 132, 324, 546 CC). A défaut d'entente entre les parties sur le type de sûretés à fournir, le juge devra trancher. Celles-ci pourront prendre la forme qu'il estimera appropriée dans le cas d'espèce. De manière générale, un compte bancaire au nom des héritiers, bloqué, sur lequel serait activé un ordre permanent en faveur du partenaire de vie survivant, semble la manière la plus simple de procéder, du moins dans les cas où la succession contient des avoirs bancaires. Une interdiction d'aliéner un bien immobilier dont le loyer serait versé, en tout ou partie, au partenaire survivant à titre de rente pourrait toutefois également être envisagée, de même que toute autre forme
appropriée à la situation.

Al. 4: Du moment que cette nouvelle créance en assistance pourrait entrer en concours avec la créance en aliments résultant du droit de la famille entre parents en ligne directe ascendante ou descendante (art. 328 CC), il convient de fixer un ordre de priorité entre elles dans la loi. La solidarité découlant d'une communauté de vie avec le défunt de cinq ans au moins, vu les liens étroits existants, doit prévaloir sur celle découlant des liens de parenté. Il est ainsi précisé que la créance en aliments selon l'art. 328 CC est subsidiaire à la créance en assistance du droit successoral fondée sur l'article 606a P-CC.

Al. 5: Faute d'entente entre les héritiers et le partenaire de vie survivant sur le droit de ce dernier à l'assistance selon l'art. 606a, al. 1, P-CC, il se peut que la collectivité publique soit appelée à fournir son soutien, du moins jusqu'à la fixation des droits et devoirs respectifs. Il convient alors de prévoir une subrogation légale en faveur de la collectivité publique, comme c'est déjà le cas lorsqu'elle verse des prestations à l'enfant qui a droit à une contribution d'entretien (art. 289, al. 2, CC) ou à une personne qui peut prétendre à des aliments (art. 329, al. 3, CC).

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Art. 606b

2. Annonce et prescription de la créance d'assistance

Al. 1: La créance d'assistance est susceptible d'influencer de manière significative le montant de la succession. Il est, par conséquent, nécessaire de savoir rapidement si le partenaire de vie survivant à l'intention de s'en prévaloir ou non.

Pour cette raison, l'avant-projet du Conseil fédéral exigeait l'introduction d'une action judiciaire dans un délai péremptoire de trois mois (art. 484a, al. 3, AP-CC).

Cette proposition a été fortement critiquée, d'autant plus que le délai proposé correspond à celui de la répudiation (art. 567, al. 1, P-CC). Il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que le partenaire de vie survivant, en deuil, entreprenne des démarches judicaires aussi rapidement, sans même pouvoir connaître avec certitude l'identité des héritiers du de cujus194.

Au vu de ces critiques pertinentes, le Conseil fédéral a décidé de modifier son approche. La personne qui, au moment du décès de son partenaire de vie, sait qu'elle n'est pas en mesure de couvrir son minimum vital social et exclut toute possibilité d'entente avec les héritiers, dont elle connaît l'identité et la volonté d'accepter la succession, peut immédiatement saisir le juge. Il n'est toutefois pas raisonnablement envisageable d'exiger de toute personne qu'elle agisse de la sorte. Dans la situation de douleur qu'accompagne la perte de l'être cher, rares sont ceux qui ont les ressources pour chiffrer la créance d'assistance et intenter une procédure judiciaire à l'encontre des héritiers, avec lesquels ils ont peut-être aussi des liens affectifs. Pour tenir compte des intérêts de toutes les personnes concernées, le Conseil fédéral propose d'accorder au partenaire de vie survivant la possibilité de se limiter dans un premier temps à simplement annoncer son intention de se prévaloir de la créance d'assistance. A cette fin, il lui suffit de déposer une déclaration écrite auprès de l'autorité compétente, sans avoir à indiquer précisément ni le montant de la créance, ni le cercle des héritiers. L'autorité qui reçoit la déclaration doit l'enregistrer et la communiquer aux héritiers qui en feraient la requête; elle n'est pas tenue de rechercher activement les possibles héritiers. Le but de cette annonce est de permettre aux héritiers de prendre rapidement connaissance des intentions du partenaire de vie survivant et, le cas
échéant, d'entreprendre des démarches en vue d'un accord à l'amiable avec lui.

L'autorité compétente à raison du lieu pour le dépôt de la déclaration écrite est impérativement celle du dernier domicile du défunt (art. 28, al. 2, CPC). L'autorité compétente à raison de la matière est désignée par le droit cantonal (art. 54 du titre final du CC). En présence d'une succession internationale, l'autorité compétente à raison du lieu sera déterminée par les règles de compétence du droit international privé en matière successorale (art. 86 ss LDIP).

Le projet fixe un délai de trois mois dès le décès pour le dépôt de l'annonce, sous peine de péremption. Si la prétention en assistance n'est pas annoncée dans le délai de trois mois, elle s'éteint. S'agissant d'un délai légal de péremption, il ne peut être ni interrompu ni suspendu. Ce délai est relativement court afin de ne pas retarder par trop le règlement de la succession et de ne pas laisser les héritiers dans l'incertitude plus longtemps que nécessaire. Au vu des exigences réduites en matière de contenu 194

Fankhauser, Ehegattenerbrecht, p. 33 s.

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de la déclaration, il paraît aussi raisonnable pour le partenaire de vie survivant. Faute de moyens suffisants pour couvrir son minimum vital, il devra de toute manière prendre rapidement des mesures. Si, pour subvenir à ses besoins d'entretien, le partenaire de vie survivant demande des prestations de l'aide sociale, la collectivité publique appelée à examiner sa requête aura intérêt à l'encourager à faire immédiatement une annonce et à le soutenir dans cette démarche. La subrogation selon l'art. 606a, al. 4, P-CC, ne sera en effet plus possible si le droit à la créance d'assistance est périmé.

Dans le doute quant à l'existence d'une éventuelle disposition pour cause de mort en sa faveur ainsi qu'au montant d'une telle disposition, le partenaire de vie survivant dans le besoin aura intérêt à annoncer sa créance à l'autorité compétente pour sauvegarder ses droits. Il aura ensuite le choix de la faire valoir en justice ou non.

Enfin, il y a lieu de préciser que le dépôt de l'annonce n'est pas une condition préalable à l'introduction de l'action judiciaire. Dans les trois mois qui suivent le décès, le partenaire de vie peut également directement introduire l'action en justice.

L'introduction immédiate de l'action judiciaire rend alors superflue l'annonce selon l'art. 606b, al. 1, P-CC.

Al. 2: La créance d'assistance se prescrit par un an à compter du jour du décès. A défaut d'entente avec les héritiers dans l'année suivant le décès, le partenaire de vie devra donc intenter une action en justice pour sauvegarder ses droits. Lorsque la collectivité publique a assumé son entretien, la prétention à la créance d'assistance passe à celle-ci, avec tous les droits qui lui sont rattachés (art. 606a, al. 4, P-CC).

L'action en justice pourra donc être intentée également par la collectivité publique.

Le délai de prescription d'un an est suffisamment long pour permettre aux parties de trouver une solution à l'amiable, mais assez court pour éviter que le règlement de la succession se prolonge excessivement. Au besoin, la prescription pourra être interrompue, par exemple par l'introduction d'une poursuite. Le délai pourra aussi être facilement sauvegardé par le dépôt d'une requête en conciliation auprès de l'autorité de conciliation compétente (art. 62, al. 1 et 64, al. 2, CPC).

L'action judiciaire doit être
intentée devant le tribunal du dernier domicile du défunt (art. 28, al. 1, CPC). Le partenaire de vie pourra agir contre un, plusieurs ou tous les héritiers, conformément au principe de solidarité.

Art. 606c

3. Décision

En cas de litige, il reviendra au juge de se prononcer sur le droit et, le cas échéant, sur le montant de la créance d'assistance selon les critères déjà exposés au ch. 3.8.3.

Afin de permettre une éventuelle exécution forcée des droits du partenaire survivant dans les meilleures conditions, il est prévu dans la loi que le juge chiffre dans le dispositif de sa décision non seulement le montant de la rente mensuelle, mais aussi le montant maximum total de la créance d'assistance, soit le montant qui devra faire l'objet de sûretés au sens de l'art. 606c, al. 2, P-CC. Il devra également fixer les sûretés à fournir.

Enfin, il n'est pas prévu d'indexation de la rente, du moment qu'elle doit être fixée définitivement sur la base d'avoirs de la succession au moment du décès, avoirs qui 5937

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ne seront pas indexés non plus comme pourraient l'être les revenus d'un conjoint divorcé débiteur d'une rente envers son ex-conjoint.

On trouvera des exemples de calcul de la créance d'assistance au ch. 3.8.4.

Art. 606d

4. Faits nouveaux

Comme cela a déjà été expliqué, il doit être tenu compte, lors de la fixation du montant et de la durée de la créance d'assistance, des circonstances, notamment de l'évolution prévisible de la situation financière du partenaire de vie survivant (voir exemples de calcul de la créance d'assistance au ch. 3.8.4). Une amélioration imprévisible de sa situation financière, résultant par exemple d'un héritage, d'un gain important de loterie, mais aussi d'un remariage ou d'une nouvelle communauté de vie, ne peut évidemment pas être prise en considération. Pour une telle éventualité, impliquant un changement notable et durable de la situation du partenaire de vie, le projet prévoit que l'assistance puisse être diminuée ou supprimée.

La possibilité ainsi offerte aux héritiers d'agir en réduction ou en suppression des aliments au sens de l'art. 606d P-CC se justifie par le concept même de la créance d'assistance, qui présuppose une situation de besoin du partenaire de vie survivant, c'est-à-dire l'impossibilité de pourvoir à son entretien par ses propres moyens. Si la situation de besoin vient à disparaître suite à un évènement qui n'était pas prévisible à l'époque du décès du partenaire de vie, l'assistance n'a plus raison d'être et la succession doit pouvoir récupérer d'éventuels avoirs mis sous sûretés pour garantir la créance d'assistance déterminée. La modification ou la suppression de l'assistance prendra effet, en cas d'acceptation de la demande, au moment du dépôt de la demande.

5.2

Loi sur le partenariat

Art. 25, al. 2

(Convention sur les biens et réserve des descendants)

Les nouvelles dispositions en matière de contrat de mariage, dont il est question à l'art. 216, al. 2 à 4, P-CC, doivent s'appliquer également aux partenaires enregistrés ayant choisi de se soumettre au régime de la participation des acquêts en vertu du renvoi prévu à l'art. 25, al. 1, LPart.

Compte tenu de la possibilité nouvelle pour les partenaires enregistrés d'avoir des descendants communs (par adoption de l'enfant du partenaire), l'actuel al. 2 peut être abrogé.

Art. 31, al. 2

(Décès pendant une procédure de dissolution)

Les effets de l'introduction d'une procédure en dissolution du partenariat enregistré entraînant la perte de la réserve aux termes de l'art. 472 P-CC sur les dispositions pour cause de mort en faveur du partenaire enregistré survivant doivent être réglés de la même manière qu'en matière de procédure de divorce. L'art. 31, al. 2, P-LPart reprend ainsi le texte de l'art. 120, al. 3 P-CC.

5938

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Quant à la nouvelle règle prévue à l'art. 217, al. 2, P-CC, selon laquelle les clauses d'un contrat de mariage en faveur du conjoint survivant ne s'appliquent pas lorsque le régime matrimonial est dissous suite au décès d'un conjoint pendant une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve au sens de l'art. 472 P-CC, elle s'appliquera également aux partenaires enregistrés en cas de procédure de dissolution, sauf clause contraire de la convention, en application du renvoi de l'art. 25, al. 1, LPart.

5.3

Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité

Art. 82

Traitement équivalent d'autres formes de prévoyance

Al. 1: Les deux formes reconnues de prévoyance individuelle liée (pilier 3a) donnant droit à des avantages fiscaux, que le Conseil fédéral a déjà réglées dans l'OPP 3, sont désormais inscrites dans la loi, clarifiant ainsi la situation juridique. Cela ne change pas la situation juridique existante. Les deux formes reconnues de prévoyance restent le contrat de prévoyance liée conclu avec un établissement d'assurances et la convention de prévoyance liée conclue avec une fondation bancaire. L'une et l'autre sont aujourd'hui solidement établies.

Al. 2: Les formes reconnues de prévoyance individuelle liée étant désormais inscrites à l'al. 1, l'al. 2 ne fait que régler la compétence du Conseil fédéral de déterminer, avec la collaboration des cantons, les déductions fiscales admises. Le Conseil fédéral, en collaboration avec les cantons, s'est déjà acquitté de cette responsabilité en adoptant l'art. 7 OPP 3. Il ne prévoit pas de modifier les montants fiscalement déductibles indiqués dans cette disposition.

Al. 3: La compétence du Conseil fédéral de régler les modalités des formes reconnues de prévoyance, qui figurait auparavant à l'al. 2, fait désormais l'objet du nouvel al. 3. Cette disposition constitue ainsi la nouvelle base légale des dispositions actuelles de l'OPP 3. Elle contient une clause générale et précise expressément que le Conseil fédéral est compétent pour fixer le cercle et l'ordre des bénéficiaires des formes reconnues de prévoyance individuelle liée. Puisque cet ordre diffère à la fois de celui prévu pour le 2e pilier et de l'ordre successoral en vigueur dans le code civil, l'ajout dans la loi d'une délégation législative explicite est indiqué. Le Conseil fédéral n'a toutefois pas l'intention, en principe, de modifier l'ordre des bénéficiaires fixé à l'art. 2, al. 1, OPP 3. De même, les dispositions relatives au versement des prestations, à la cession, à la mise en gage et à la compensation des droits aux prestations et du capital de prévoyance, ainsi que les dispositions en matière de placement, qui sont restées fondamentalement inchangées depuis l'introduction de l'OPP 3, seront maintenues.

La 2e phrase permet de préciser dans une base légale formelle que si le preneur de prévoyance souhaite déroger à l'ordre prévu par l'art. 2, al. 1, let. b, OPP 3, comme le permettent les al. 2 et 3 du même article, il devra le faire en la forme écrite (au

5939

FF 2018

sens des art. 13 ss du code des obligations195). Cela est jugé nécessaire pour déroger aux formes exigées pour un testament (art. 498 CC). De plus, étant donné que la forme écrite sert de moyen de preuve pour établir la volonté du preneur de prévoyance, elle permet à toutes les parties concernées de mieux sauvegarder leurs intérêts. Cela vaut tant pour les bénéficiaires des prestations du pilier 3a que pour les institutions de prévoyance, qui seront ainsi moins souvent exposées au risque d'un double versement.

Al. 4: Le nouvel al. 4 précise dans la loi que les bénéficiaires de formes reconnues de prévoyance individuelle liée disposent d'un droit propre sur la prestation que le contrat ou la convention leur attribue. A vrai dire, la loi reconnaît déjà un tel droit aux bénéficiaires de contrats de prévoyance liée conclu avec un établissement d'assurances (art. 78 LCA). Il manque en revanche une base légale pour le droit propre en faveur des bénéficiaires de contrats conclus avec une fondation bancaire, même s'il est considéré comme établi dans la pratique. La révision des art. 476 et 529 P-CC ayant précisé que les avoirs de prévoyance des deux formes de prévoyance prévues à l'art. 82, al. 1, P-LPP ne font pas partie de la masse successorale du preneur d'assurance, il est important d'ajouter dans la LPP une réglementation uniforme concernant le droit propre des bénéficiaires sur leur créance. Partant, les bénéficiaires des deux formes reconnues de prévoyance disposeront d'un droit direct et juridiquement exécutoire sur les avoirs auprès de l'institution de prévoyance concernée (qu'il s'agisse d'une fondation bancaire ou d'un établissement d'assurances). Les institutions de prévoyance respectives pourront, quant à elles, verser ces avoirs aux bénéficiaires réglementaires sans craindre d'être confrontées à des prétentions ultérieures de la part de la communauté héréditaire ou d'héritiers individuels (pas de risque de payer à double).

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

La révision du droit des successions n'aura pas de conséquences (en termes de personnel, de finances ou autre) pour la Confédération.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les modifications envisagées n'auront que peu de conséquences directes sur les cantons et les communes.

En matière fiscale, l'augmentation de la quotité disponible pourrait avoir un léger effet positif pour les cantons et les communes du domicile des défunts ayant rédigé des dispositions pour cause de mort. Dans les cas où ceux-ci auraient attribué la quotité disponible de leur succession à une personne ne bénéficiant pas du taux d'imposition préférentiel sur la part successorale dont bénéficient les héritiers réser195

RS 220

5940

FF 2018

vataires, le taux serait en effet supérieur à celui appliqué aux héritiers légaux et pourrait générer des rentrées fiscales supplémentaires.

Par contre, les modifications relatives aux prétentions du pilier 3a, qui seront réunies dans la masse de calcul des réserves, ne seront pas sans conséquences fiscales pour certains cantons. En effet, avec le nouveau projet, toutes les prestations seront soumises aux impôts directs et exclues de la masse successorale. II n'y aura donc plus du tout d'impôt de succession sur ces prestations.

Jusqu'a présent, certaines prestations du pilier 3a étaient attribuées à la masse successorale dans certains cantons et donc soumises aux impôts de succession. Elles étaient conséquemment exclues des impôts directs. Avec le projet, les cantons ne pourront plus prélever d'impôt de succession sur ces prestations. Or, les impôts successoraux sont en général plus élevés que les impôts directs dans de tels cas vu que le droit successoral considère que ce sont des rapports entre tiers qui s'appliquent, pour lesquels les taux applicables sont généralement plus élevés.

La nouvelle norme sur la créance d'assistance pourrait avoir un léger effet positif sur les finances cantonales et communales. En effet, la créance d'assistance étant réservée aux personnes ne disposant pas du minimum vital social, donc en majeure partie à des personnes qui se retrouveraient à charge au moins partiellement de la collectivité publique suite au décès du de cujus, celle-ci provoquera un transfert au moins partiel de la charge d'assistance de la collectivité publique vers la succession.

Les comptes des collectivités publiques devraient ainsi se voir améliorés du montant des créances d'assistances reconnues. Par contre, comme la créance d'assistance devra faire, à défaut d'entente, l'objet d'une demande devant les tribunaux civils compétents, il pourrait s'ensuivre une légère augmentation des cas portés devant les tribunaux en matière successorale et donc des frais engendrés par ces autorités et des frais liés à l'assistance judiciaire des requérants, le cas échéant. Le nombre de cas portés devant les tribunaux devrait toutefois rester moindre du moment que l'ouverture d'un droit à une créance d'assistance a été limitée aux cas de rigueur.

Dans l'ensemble, il peut être estimé que les répercussions financières de la présente révision pour les cantons et les communes seront plutôt positives, mais d'ampleur limitée.

6.3

Conséquences pour l'économie

La révision proposée, et en particulier la réduction des réserve, pourrait avoir des conséquences positives pour l'économie.

Selon l'analyse d'impact de la réglementation effectuée par l'Institut suisse pour les petites et moyennes entreprises de l'Université de Saint-Gall, l'augmentation de la liberté de disposer aura des effets positifs sur la transmission d'entreprises au sein de la famille, puisqu'elle permettra au chef d'entreprise de choisir plus librement une solution de transmission qui lui paraîtra sensée d'un point de vue économique. Cela permettra d'éviter des morcellements, des ventes ou des fermetures d'entreprises consécutifs au décès, et favorisera une concentration des parts d'entreprise auprès d'un seul successeur, le chef d'entreprise. Il en résultera des effets positifs sur le 5941

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plan économique, car des incitations financière négatives et des problèmes de gouvernance seront ainsi évités196. L'augmentation de la liberté de disposer contribuera par ailleurs à une stabilité accrue des entreprises et en conséquence à une meilleure sécurité de l'emploi197. Ces différents éléments auront des effets positifs sur la croissance et donc pour la place économique, effets qui ne sont toutefois pas quantifiables.

6.4

Conséquences pour la société

Les grands principes et les buts du droit suisse des successions sont maintenus: la sauvegarde de la paix intergénérationnelle, la préservation par-delà la mort du patrimoine constitué par le défunt et la distribution juste et économiquement raisonnable des biens laissés par ce dernier en fonction de ses plans198.

Par l'augmentation de la quotité disponible, le projet augmente la liberté de tout un chacun de déterminer le sort de ses biens au jour de son décès sans toutefois modifier les parts successorales. En l'absence d'une volonté exprimée valablement, le partage à effectuer sera donc identique sous le nouveau droit et sous l'ancien. La réduction des réserves diminue toutefois les restrictions existantes et offre de nouvelles possibilités à tout un chacun dans le règlement de sa succession. Il est ainsi donné plus d'importance à la liberté individuelle et à la volonté des disposants, en accord avec l'évolution intervenue au sein de la société.

Enfin, l'amélioration du statut des personnes qui menaient de fait une vie de couple avec le défunt, par l'attribution à ces derniers, au moment du décès de leur partenaire, d'un droit à une créance d'assistance s'ils remplissent les conditions requises, confère une reconnaissance supplémentaire à un mode de vie toujours plus répandu dans notre société. Il est également créé une forme de reconnaissance de l'assistance apportée au défunt de son vivant par le partenaire de vie, dans les cas où le survivant aurait renoncé à l'exercice d'une activité lucrative qui lui permettrait de subvenir seul à ses besoins par exemple.

6.5

Conséquences sous l'angle de l'égalité entre hommes et femmes

Le projet traite formellement de manière égale les femmes et les hommes. En pratique toutefois, des facteurs sociétaux pourraient avoir pour conséquence que les propositions du projet concernent les femmes et les hommes de manière différente.

En effet, en Suisse, l'homme a encore dans la majorité des couples au moins deux ans de plus que la femme199. De plus, l'espérance de vie à la naissance des hommes résidant en Suisse est de l'ordre de 80,1 ans, alors que celle des femmes est de 84,5

196 197 198 199

Bergmann/Halter/Zellweger, p. 31.

Bergmann/Halter/Zellweger, p. 6.

Huber, ch. 822.

OFS, Les familles en Suisse, p. 16.

5942

FF 2018

ans200. Ces deux éléments ont pour effet que les probabilités de veuvage sont plus élevées pour les femmes201.

La pratique montre que les personnes rédigeant des dispositions pour cause de mort prennent en majorité des dispositions visant à favoriser au maximum leur conjoint survivant ou leur partenaire de vie. L'augmentation de la quotité disponible proposée par le projet laisse donc entrevoir pour eux une certaine amélioration de leur situation, ce qui devrait concerner un peu plus souvent les femmes au vu des probabilités précitées. Concernant la créance d'assistance, celle-ci devrait bénéficier plus souvent à des femmes qu'à des hommes. En effet, dans la mesure où le travail à temps partiel demeure largement plus répandu chez les femmes que chez les hommes202, en particulier en présence d'enfants203, et vu la probabilité de décès plus élevée chez l'homme dans les couples de sexe différent204, elles devraient être plus nombreuses que les hommes à remplir les conditions d'obtention de l'assistance. On peut donc parler ici non seulement d'avancée pour la reconnaissance du statut de partenaire de vie, mais également d'avancée pour la situation spécifique des femmes se retrouvant démunies suite au décès de leur partenaire.

7

Relation avec le programme de législature

Le projet est annoncé dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019205, sans être mentionné dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019206. Il se fonde sur une décision du Conseil fédéral du 10 mai 2017.

8

Aspects juridiques

8.1

Constitutionnalité et légalité

La révision proposée se fonde sur l'art. 122, al. 1, Cst., qui attribue à la Confédération la compétence législative en matière de droit civil.

8.2

Compatibilité avec les obligations internationales

La Suisse n'est liée par aucun engagement international réduisant sa liberté de manoeuvre en matière de droit interne des successions.

200 201 202 203 204 205 206

OFS, Tables de mortalité, p. 7.

OFS, Tables de mortalité, p. 41.

OFS, Indicateurs du marché du travail 2016, p. 10.

OFS, Les familles en Suisse, p. 32.

OFS, Les familles en Suisse, p. 32.

FF 2016 981, 1096 FF 2016 4999

5943

FF 2018

8.3

Forme de l'acte à adopter

La modification du code civil doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale.

8.4

Frein aux dépenses

Le projet n'est pas soumis au frein aux dépenses au sens de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. car il ne contient pas de dispositions relatives aux subventions et ne fonde ni crédit d'engagement ni plafond de dépenses.

8.5

Délégation de compétences législatives

Le projet ne délègue aucune compétence législative nouvelle au Conseil fédéral.

8.6

Protection des données

Le projet ne traite pas de questions en lien avec la protection des données.

5944

FF 2018

Bibliographie Aebi-Müller Regina, Was uns das (zur amtlichen Publikation bestimmte) Urteil des Bundesgerichts 9C_523/2013 vom 28. Januar 2014 über das Verhältnis der gebundenen Selbstvorsorge (Säule 3a) zum Erbrecht lehrt ­ und was nicht!, Jusletter 3 mars 2014 (cit. Aebi-Müller).

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Bergmann Heiko/Halter Frank/Zellweger Thomas, Regulierungsfolgenabschätzung Revision Erbrecht, Forschungsbericht KMU-HSG, Universität St. Gallen, 2018 (cit.

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Eitel Paul, Ehegüterrechtliche Rechtsgeschäfte
und ihre Tragweite beim Ableben eines Ehegatten ­ ausgewählte Fragestellungen, in: Alexandra Jungo/Christiana Fountoulakis (édit.), Familienvermögensrecht: berufliche Vorsorge ­ Güterrecht ­ 5945

FF 2018

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Eitel Paul/Bieri Marjolein, Die Durchführung der Herabsetzung bei Schenkungen, Lebensversicherungen und Trusts, successio 2015, p. 288 ss (cit. Eitel/Bieri) Eitel Paul/Elmiger Fabienne, Die Anfechtungsklage wegen Erbvertragswidrigkeit nach Art. 494 Abs. 3 ZGB, in: Verfahrensrecht am Beginn einer neuen Epoche: Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 2011: 150 Jahre Schweizerischer Juristenverein, Zurich 2011, p. 241 ss (cit. Eitel/Elmiger).

Fankhauser Roland, Die Ehekrise als Grenze des Ehegattenerbrechts, Eine Studie an der Schnittstelle zwischen Ehe- und Erbrecht, Berne 2011 (cit. Fankhauser, Ehekrise).

Fankhauser Roland, Kritisches zum geplanten Ehegattenerbrecht und zum Unterhaltvermächtnis, in: Jungo Alexandra/Breitschmid Peter/Schmid Jörg (édit.), Erste Silser Erbrechtsgespräche: Gedanken zum Erbrechtsrevision anlässlich des 60. Geburtstags von Paul Eitel, Zurich/Bâle/Genève 2018, p. 21 ss (cit. Fankhauser, Ehegattenerbrecht).

Forni Rolando/Piatti Giorgio, Kommentar zu Art. 519­520, 521­536, 598­601 und 626­632 ZGB, in: Honsell Heinrich/Vogt Nedim Peter/Geiser Thomas (édit.), Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 5e éd., Bâle 2015 (cit. BSK ZGB II-Forni/Piatti).

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Johansson Ernst, Schweden, in: Süss, Erbrecht in Europa, 3 e éd., Bonn 2015, p. 1099 ss
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Jungo Alexandra, Faktische Lebenspartner als Erben ­ de lege ferenda, successio 2016, p. 5 ss (cit. Jungo, Faktische Lebenspartner).

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