18.047 Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (Admission des fournisseurs de prestations) du 9 mai 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2016

M 16.3001

Système de santé. Équilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire (N 15.3.16, Commission de la sécurité sociale et de la santé publique CN; E 6.6.16)

2013

P

Amélioration de la sécurité des patients. Introduire des systèmes de notification des erreurs et mettre en pratique les connaissances médicales (N 13.12.13, Hardegger)

13.3875

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 mai 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-0056

3263

Condensé Le présent projet renforce la qualité et l'économicité des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins en augmentant les exigences envers les fournisseurs de prestations. Il donne également aux cantons un instrument plus efficace pour maîtriser l'offre. Il doit prendre le relais de l'actuelle limitation des admissions fixée à l'art. 55a LAMal, qui prendra fin le 30 juin 2019.

Contexte La densité de médecins en exercice en Suisse est l'une des plus élevées parmi les pays de l'OCDE, et elle ne cesse d'augmenter. Parallèlement, l'évolution des coûts des prestations fournies dans le domaine ambulatoire à la charge de l'assurance obligatoire des soins n'a cessé d'augmenter depuis l'introduction de la loi fédérale sur l'assurance-maladie en 1996, contribuant ainsi très largement à la hausse des primes payées par les assurés. Cette évolution a des répercussions importantes sur le budget des ménages et sur les finances cantonales et fédérales, pour lesquelles les réductions de primes des assurés représentent une charge toujours plus importante.

Ces subsides représentaient, en 2016, des coûts de plus de 4,3 milliards de francs, profitant à plus d'un quart des assurés.

Conscient de cet enjeu, le Parlement a introduit en 2000 une première clause du besoin visant à limiter l'installation de médecins en cabinet, entrée en vigueur en 2001. Cette mesure, initialement limitée à trois ans, a été prolongée à trois reprises jusqu'en 2011. Face à l'installation massive de nouveaux médecins en cabinet, le Parlement a réintroduit en urgence une limitation des admissions le 1 er juillet 2013.

Après l'échec d'un nouveau projet pour le pilotage à long terme du domaine ambulatoire, le Parlement a prolongé encore une fois la validité de la disposition jusqu'à la fin juin 2019, tout en chargeant le Conseil fédéral d'évaluer dans un rapport différentes pistes et de mettre en consultation un nouveau projet d'ici à la fin juin 2017. Pour rédiger son rapport du 3 mars 2017, le Conseil fédéral s'est appuyé sur des discussions menées par les principaux acteurs du domaine lors d'ateliers consacrés aux différentes solutions de pilotage envisagées. Le présent projet repose sur les conclusions de ce rapport.

Contenu du projet Le Conseil fédéral propose un dispositif à trois niveaux qui doit permettre,
d'une part, de renforcer la qualité et l'économicité des prestations en augmentant les exigences envers les fournisseurs de prestations et, d'autre part, de donner aux cantons un instrument plus efficace pour maîtriser l'offre.

Premier niveau d'intervention Le projet lie l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins pour les personnes exerçant une profession médicale ou une profession de la santé, au respect des conditions d'exercice de ces professions prévues par les lois qui les régissent. Ces lois garantissent que les prestations sont fournies de manière

3264

économique et avec un haut niveau de qualité. Elles fixent les exigences concernant la formation de base et la formation postgrade, l'obtention des diplômes et la reconnaissance des diplômes étrangers. La loi fédérale sur les professions médicales, révisée le 20 mars 2015, contient également des dispositions concernant l'enregistrement obligatoire des diplômes et des connaissances linguistiques des médecins et pharmaciens pratiquant sous leur propre responsabilité professionnelle. La révision de la loi sur les professions médicales, avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les professions de la santé, constitue une base solide garantissant la qualification des fournisseurs de prestations.

Deuxième niveau d'intervention Le projet permet de relever les exigences envers les fournisseurs de prestations du domaine ambulatoire de deux manières. Premièrement, une procédure formelle d'admission est instituée. Le Conseil fédéral fixera des conditions permettant de garantir que les prestations soient fournies de manière appropriée et avec un haut niveau de qualité. Il pourra également exiger des médecins du domaine ambulatoire qu'ils apportent la preuve qu'ils possèdent les connaissances du système de santé suisse qui sont nécessaires pour assurer la qualité des prestations et instituer un examen à cette fin. Ceux qui pourront apporter la preuve d'une expérience pratique d'au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade seront dispensés de cet examen. Les cantons statueront sur les demandes d'admission des nouveaux fournisseurs de prestations et vérifieront qu'ils remplissent les conditions d'admission. Le Conseil fédéral imposera au surplus des charges, notamment en matière de qualité et d'économicité. Tous les fournisseurs de prestations devront s'y conformer, même ceux qui auront déjà pratiqué à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Le Conseil fédéral pourra par exemple rendre obligatoires des mesures d'amélioration de la qualité et la livraison des données nécessaires pour contrôler le respect des dispositions relatives au caractère économique et à la qualité des prestations. Les cantons seront tenus de vérifier que les fournisseurs de prestations respectent ces charges. S'ils ne les respectent pas,
ils s'exposeront à des sanctions.

Troisième niveau d'intervention Les nouvelles dispositions permettront aux cantons de réguler eux-mêmes l'offre de soins, selon leurs besoins. Ils pourront fixer des nombres maximaux dans un ou plusieurs domaines de spécialité et dans certaines régions s'ils entendent limiter le nombre de médecins admis à pratiquer à la charge de la LAMal, en tenant compte de leurs taux d'activité et en se coordonnant pour tenir compte de la mobilité des patients. Ces nombres maximaux s'appliqueront à l'ensemble des médecins pratiquant à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans le secteur ambulatoire du canton, qu'ils pratiquent en cabinet ou dans une institution de soins ambulatoires, y compris dans le domaine ambulatoire des hôpitaux. Les cantons pourront également bloquer toute nouvelle admission de médecin s'ils constatent une hausse importante des coûts dans un ou plusieurs domaines de spécialité.

3265

FF 2018

Table des matières Condensé

3264

1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Généralités 1.1.2 Genèse du projet 1.2 Dispositif proposé 1.2.1 Premier niveau d'intervention: renforcement des conditions de pratique professionnelle 1.2.2 Deuxième niveau d'intervention: renforcement des conditions d'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins 1.2.3 Troisième niveau d'intervention: limitation des admissions 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Autres solutions étudiées 1.3.2 Résultats de la procédure de consultation 1.4 Adéquation des moyens requis 1.5 Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 1.6 Mise en oeuvre 1.7 Classement d'interventions parlementaires 1.8 Autres interventions liées au présent projet

3268 3268 3268 3269 3270

2

Commentaire des dispositions

3291

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 3.3 Conséquences sanitaires et sociales

3298 3298 3298 3298

4

5

3271 3273 3275 3277 3277 3279 3280 3283 3286 3288 3289

3298 3299

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

3300 3300 3300

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales

3301 3301 3302

3266

FF 2018

5.3 5.4 5.5

Forme de l'acte à adopter Frein aux dépenses Délégation de compétences législatives

3303 3303 3304

Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) (Admission des fournisseurs de prestations) (Projet)

3305

3267

FF 2018

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Généralités

La Suisse bénéficie d'un excellent système de santé, comme en attestent de très nombreux indicateurs. L'espérance de vie à la naissance y est par exemple l'une des plus hautes dans le monde. Cette bonne performance a toutefois un coût: les dépenses de santé représentaient, en 2016, 12,4 % du produit intérieur brut (PIB), le montant le plus haut après les États-Unis d'Amérique (17,2 % du PIB) parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Avec 42,7 médecins en exercice pour 10 000 habitants en 2016, la Suisse présente également une des plus hautes densités médicales parmi les pays de l'OCDE. Or, une récente étude de l'Observatoire suisse de la santé 1 confirme que la densité a une nette influence sur l'activité (visites et consultations) et sur les coûts par assuré à la charge de l'assurance obligatoire des soins, en particulier pour les médecins spécialistes. Cette problématique est relevée dans plusieurs interventions parlementaires (voir ch. 1.7).

Dans le domaine hospitalier, la révision du 21 décembre 20072 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)3 est entrée en vigueur en 2009 et de nouvelles règles de financement pour les traitements hospitaliers sont mises en oeuvre depuis 2012. La révision visait en particulier à contenir l'augmentation des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins, tout en garantissant l'accès à des soins de haute qualité, notamment avec l'introduction de forfaits par cas. Cette révision est en cours d'évaluation. Dans le domaine ambulatoire, en revanche, la Suisse ne dispose pas d'instrument permettant de gérer efficacement l'offre et la demande de prestations, contrairement à la plupart des pays de l'OCDE (voir ch. 1.5).

L'évolution des coûts des prestations dans le domaine ambulatoire ces dernières années a montré la nécessité d'une solution pour piloter ce domaine. En 2016, ces prestations ont représenté à elles seules plus de 70 % des coûts à la charge de l'assurance-maladie. Le coût des prestations dans le domaine ambulatoire des hôpitaux a augmenté de 6,5 % par an en moyenne ces cinq dernières années, près de deux fois plus vite que le coût des soins hospitaliers (3,5 %). Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal en 1996, les primes ont connu une hausse annuelle de 4,6 % en moyenne et de
3,7 % au cours des dix dernières années. Or, l'augmentation des primes ces dernières années a largement dépassé l'inflation et les salaires n'ont pas suivi. L'augmentation des primes de l'assurance obligatoire des soins de 4,8 % en 2017 a ainsi réduit la croissance potentielle du revenu disponible moyen de 0,3 point. Cette 1 2 3

Roth, S. & Sturny, I. (2017). Moratoire sur l'installation des médecins en cabinets privés: évolution de leur effectif et de leurs coûts (Obsan Bulletin 4/2017).

RO 2008 2049 RS 832.10

3268

FF 2018

baisse correspond à la moyenne des années précédentes. De ce fait, les primes d'assurance-maladie obligatoire prennent une part de plus en plus grande dans le budget des ménages. Cette évolution a des conséquences sociales importantes: de plus en plus de personnes n'arrivent plus à payer leurs primes, malgré le fait qu'en 2016, 27,3 % des assurés ont bénéficié de réductions de primes. Ces subsides représentaient en 2016 des coûts de plus de 4,3 milliards de francs, en augmentation de 5,5 % par rapport à l'année précédente, dont près de 2,5 milliards à la charge de la Confédération et le reste à la charge des cantons.

1.1.2

Genèse du projet

Une première clause du besoin, limitée à trois ans, avait été décidée par le Parlement le 24 mars 2000 à titre de mesure extraordinaire de maîtrise des coûts4, en vue de l'entrée en vigueur, le 1er juin 2002, de l'accord sur la libre circulation des personnes (ALCP)5, accepté par le peuple le 21 mai 2000. L'art. 55a LAMal, qui donne au Conseil fédéral la possibilité de limiter les admissions, est ainsi entré en vigueur le 1er janvier 2001. Le Conseil fédéral en a fait usage à partir de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 3 juillet 2002 sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire6. Prolongée à trois reprises sous des formes en partie différentes, la limitation des admissions est arrivée à échéance le 31 décembre 2011, mais a été réintroduite en urgence le 1er juillet 2013 (modification du 21 juin 20137), à nouveau pour une durée de trois ans, le temps que le Conseil fédéral propose une nouvelle solution pour le long terme. Le 18 février 2015, le Conseil fédéral a transmis au Parlement son message concernant la modification de la LAMal (Pilotage du domaine ambulatoire)8. Ce projet a été rapidement remanié par le Parlement, qui l'a réduit à une prolongation de la limitation des admissions en vigueur, cette fois sans la limiter dans le temps.

Le 18 décembre 2015, le Conseil national a rejeté ce projet au vote final. À la suite de ce rejet, le Parlement a décidé, le 17 juin 2016, donnant suite à l'initiative parlementaire no 16.401 «Prolongation de la validité de l'art. 55a LAMal» du 22 janvier 2016 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), de prolonger de trois ans, jusqu'au 30 juin 2019, la validité de l'art. 55a LAMal. Il a assorti sa décision d'un mandat au Conseil fédéral, qui le chargeait de mettre en consultation, d'ici au 30 juin 2017, un projet de loi conforme au postulat no 16.3000 «Possibilités de remplacer le système actuel de gestion en matière d'admissions de médecins» du 12 janvier 2016 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) et à la motion no 16.3001 «Système de santé. Équilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire» du 22 janvier 2016 de la CSSS-N.

4 5

6 7 8

RO 2000 2305 Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, RS 0.142.112.681.

RO 2002 2549 RO 2013 2065 FF 2015 2109

3269

FF 2018

Le postulat no 16.3000 chargeait le Conseil fédéral de présenter un rapport sur les possibilités d'introduire un nouveau système de gestion en matière d'admission selon le besoin des médecins habilités à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Le rapport devait également indiquer comment une gestion au moyen des tarifs serait envisageable et évaluer la possibilité d'un assouplissement de l'obligation de contracter. La motion no 16.3001 complète le postulat no 16.3000. Elle vise en particulier à ce que le Conseil fédéral soumette au Parlement des propositions de modification de la LAMal en s'appuyant sur les résultats du rapport précité.

Le 3 mars 2017, le Conseil fédéral a transmis son rapport au Parlement, en exécution du postulat no 16.30009. Les conclusions de ce rapport ont servi de base pour l'élaboration du présent projet, qui répond ainsi au mandat reçu le 17 juin 2016 et à la motion no 16.3001.

Le rapport du Conseil fédéral du 3 mars 2017 dresse un état des lieux de la problématique et de la gestion de l'offre de soins en Suisse. Il présente un bilan de la limitation des admissions et une évaluation des autres solutions envisageables. Ces dernières ont été préalablement discutées en profondeur, en septembre 2016, par les représentants des principales organisations du domaine ambulatoire, dans le cadre de trois ateliers d'une demi-journée chacun animés par des experts du domaine de la santé. L'évaluation des différentes solutions est présentée au ch. 1.3.

1.2

Dispositif proposé

Compte tenu des résultats du rapport du 3 mars 2017 et de la consultation menée entre le 5 juillet 2017 et le 25 octobre 2017, le Conseil fédéral propose un modèle à trois niveaux qui, d'une part, permettra de renforcer les exigences en matière de qualité et d'économicité que doivent remplir les fournisseurs de prestations admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins et qui, d'autre part, mettra à la disposition des cantons un instrument plus efficace pour maîtriser l'offre. D'une manière générale, l'admission donne le droit aux fournisseurs de prestations mentionnés aux art. 35 à 40 LAMal de fournir à la charge de l'assurance obligatoire des soins les prestations définies aux art. 25 à 31, pour autant que ces prestations soient efficaces, appropriées et économiques (art. 32). Avec ce projet, le Conseil fédéral entend renforcer les obligations des fournisseurs de prestations, en particulier en matière de qualité et d'économicité des prestations.

Plus précisément, le premier niveau fait le lien avec la révision de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales (LPMéd)10 et la nouvelle loi fédérale du 30 septembre 2016 sur les professions de la santé (LPSan)11, qui renforcent les conditions pour la pratique professionnelle. Le deuxième niveau prévoit une procédure formelle d'admission, avec notamment la possibilité de fixer des conditions d'admission telles que la preuve de connaissances suffisantes du système de santé suisse. Les cantons seront chargés de statuer sur les demandes et de vérifier que les 9 10 11

Le rapport peut être consulté sur le site du Parlement à l'adresse suivante: www.parlement.ch > 16.3000 > Rapport en réponse à l'intervention parlementaire.

RS 811.11 FF 2016 7383

3270

FF 2018

fournisseurs de prestations respectent les charges liées à la pratique à la charge de l'assurance obligatoire des soins, telles que la livraison des données et la participation à des programmes visant à améliorer la qualité. Le troisième niveau transfère aux cantons la compétence de fixer des nombres maximaux de médecins et de bloquer les admissions en cas de hausse des coûts dans un domaine de spécialité supérieure à la moyenne par rapport aux autres domaines ou par rapport au reste de la Suisse.

1.2.1

Premier niveau d'intervention: renforcement des conditions de pratique professionnelle

Les conditions d'admission des médecins et des pharmaciens à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, actuellement fixées aux art. 36, 36a et 37 LAMal, font double emploi avec les dispositions relatives à la formation fixées dans la LPMéd. Aussi le présent projet prévoit-il de supprimer ces articles de la LAMal.

Ces conditions seront toutefois reprises dans l'ordonnance, comme pour les autres professions pratiquées à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

La LPMéd crée les conditions structurelles visant à garantir des prestations médicales de qualité. Elle fixe notamment les exigences auxquelles doivent répondre la formation universitaire et la formation postgrade ainsi que les conditions requises pour l'obtention des diplômes et pour la reconnaissance des diplômes étrangers; elle règle également l'exercice des professions médicales universitaires à titre indépendant. Elle dispose à cet égard que les médecins, les dentistes, les chiropraticiens, les pharmaciens et les vétérinaires exercent une profession médicale universitaire.

La reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres et la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives est régie par l'ALCP. Aux termes de l'art. 9 de cet accord, les parties contractantes prennent les mesures nécessaires, conformément à l'annexe III (Reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles), afin de faciliter aux ressortissants des États membres de l'Union européenne et de la Suisse l'accès à une activité lucrative et l'exercice de celle-ci, ainsi que la prestation de services. Selon la profession médicale universitaire, d'autres types de reconnaissance s'appliquent. La reconnaissance des diplômes en médecine humaine, dentaire ou vétérinaire et en pharmacie suit ainsi ce qu'on appelle le système de reconnaissance sectoriel (reconnaissance automatique), tandis que celle des diplômes de chiropratique suit le système de reconnaissance général (directive 2005/36/CE12). Une distinction est faite également entre reconnaissance directe et reconnaissance indirecte: on parle de reconnaissance directe lorsque le diplôme a été acquis dans un État contractant et de reconnaissance indirecte lorsqu'un État contractant reconnaît un diplôme délivré par un État tiers et que la Suisse reprend cette reconnaissance.

12

Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, JO L 255 du 30.09.2005, p. 22, dans la version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe III ALCP.

3271

FF 2018

Une révision importante de la LPMéd a été adoptée par le Parlement le 20 mars 201513. Une première partie des modifications de la loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Celles-ci renforcent le rôle de la médecine de famille et des soins médicaux de base dans le système de santé en les mentionnant expressément dans les objectifs de formation. La médecine complémentaire est également citée dans ces objectifs de formation afin de mettre en oeuvre l'art. 118a de la Constitution (Cst.)14, qui prévoit la prise en compte des médecines complémentaires par la Confédération et les cantons. La deuxième partie des modifications est entrée en vigueur le 1 er janvier 2018. L'une des principales mesures introduites par ces nouvelles dispositions concerne l'enregistrement obligatoire des diplômes et des connaissances linguistiques des personnes exerçant une profession médicale universitaire. L'ordonnance du 27 juin 2007 sur les professions médicales15 fixe en particulier les modalités concernant les connaissances linguistiques minimales nécessaires à l'exercice de la profession à titre indépendant, qui correspondent au niveau B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues16. Toutes les personnes qui exercent une profession médicale universitaire doivent être inscrites au registre, avec leurs diplômes et connaissances linguistiques. De plus, toute personne exerçant «à titre d'activité économique privée, sous propre responsabilité professionnelle» doit posséder une autorisation délivrée par le canton dans lequel elle souhaite pratiquer.

La LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle doivent observer des devoirs professionnels. Elles doivent notamment approfondir, développer et améliorer, à des fins d'assurance qualité, leurs connaissances, aptitudes et capacités professionnelles par une formation continue. Chaque canton doit désigner une autorité chargée de la surveillance des personnes exerçant, sur son territoire, une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle. Cette autorité de surveillance prend les mesures nécessaires pour faire respecter les devoirs professionnels. Elle peut déléguer certaines
tâches de surveillance aux associations professionnelles cantonales compétentes. En cas de violation des devoirs professionnels, des mesures disciplinaires allant de l'avertissement à l'interdiction définitive de pratiquer à titre indépendant pour tout ou partie du champ d'activité, peuvent être prononcées (art. 43 LPMéd).

Pour sa part, la loi fédérale sur les professions de la santé, adoptée le 30 septembre 2016, définit notamment les compétences à acquérir durant les études, l'accréditation des filières d'études, la reconnaissance des diplômes étrangers, l'exercice de la profession sous propre responsabilité professionnelle et le registre des professions de la santé. Elle dispose que les infirmiers, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les sages-femmes, les diététiciens, les optométristes et les ostéopathes exercent une profession de la santé. Dès son entrée en vigueur avec les ordonnances nécessaires à sa mise en oeuvre, elle constituera, comme la LPMéd pour les professions médicales 13 14 15 16

RO 2015 5081 RS 101 RS 811.112.0 Le document peut être consulté sur le site du Conseil de l'Europe à l'adresse suivante: www.coe.int/lang-CECR.

3272

FF 2018

universitaires, une base solide garantissant la qualification des personnes qui exercent une profession de la santé sous leur propre responsabilité. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et le Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) élaborent les ordonnances avec le soutien des milieux intéressés. L'ouverture de la procédure de consultation relative aux ordonnances est prévue pour l'automne 2018.

1.2.2

Deuxième niveau d'intervention: renforcement des conditions d'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins

Avec l'entrée en vigueur de la révision de la LPMéd et de ses ordonnances, les conditions structurelles visant à garantir la fourniture de prestations de qualité sont relevées. Plusieurs exigences relatives à la formation, aux connaissances linguistiques et à la transparence concernant les diplômes, exprimées lors des ateliers organisés par l'OFSP dans le cadre des travaux relatifs au postulat n o 16.3000 et durant la consultation par de nombreuses organisations, sont ainsi mises en oeuvre. Le Conseil fédéral estime toutefois que tous les fournisseurs de prestations du domaine ambulatoire énumérés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, LAMal doivent pouvoir être soumis à des exigences supplémentaires, comme c'est déjà le cas pour certaines catégories de fournisseurs de prestations prodiguant des soins sur prescription ou sur mandat médical et pour les organisations qui les emploient.

Le présent projet permet de relever les exigences envers les fournisseurs de prestations de deux manières: en instituant une procédure formelle d'admission et en imposant des charges.

S'agissant de la procédure formelle d'admission, le Conseil fédéral fixera les conditions de base permettant de garantir que les prestations soient fournies de manière appropriée et avec un haut niveau de qualité. Ces conditions concerneront la formation de base et la formation postgrade, conformément aux dispositions de la LPMéd et de la LPSan, selon les types de fournisseurs de prestations.

Afin de garantir que les prestations soient fournies de manière appropriée et avec un haut niveau de qualité, les conditions d'admission se réfèrent en outre aux structures nécessaires à la qualité de la fourniture des prestations. Celles-ci comprennent entre autres la présence d'un système interne de gestion de la qualité, dont la mise en place pourrait être documentée sous forme de projet au moment de l'admission. On peut notamment imaginer la preuve que le requérant participe à un système de notification d'erreurs (par ex. CIRS) ou qu'il est membre d'un réseau de qualité (par ex.

cercle de qualité). Par ailleurs, les fournisseurs de prestations devraient disposer d'une infrastructure technique appropriée (permettant, par exemple, une documentation numérique et la saisie de données à des fins statistiques et de surveillance).

Le Conseil
fédéral fixera également des conditions concernant par exemple, pour les organisations qui emploient des personnes prodiguant des soins sur prescription, la qualification de leur personnel, les équipements nécessaires, la délimitation du lieu de leur intervention, des horaires et des patients auxquels elles fournissent leurs prestations, la participation aux mesures de contrôle de la qualité ou encore les 3273

FF 2018

autorisations nécessaires. De telles dispositions existent déjà pour certains fournisseurs de prestations du domaine ambulatoire (art. 45a, 51, 52, 52a, 52b, 52c et 53 de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie [OAMal]17).

Le Conseil fédéral pourra au surplus exiger, comme condition d'admission supplémentaire, que les médecins qui fournissent des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans le domaine ambulatoire, que ce soit en cabinet privé ou dans une institution de soins ambulatoires, disposent des connaissances du système de santé suisse qui sont nécessaires pour assurer la qualité des prestations et que l'acquisition de ces connaissances soit contrôlée au moyen d'une procédure d'examen.

L'analyse du système de santé suisse montre qu'un examen doit couvrir en principe plusieurs domaines thématiques, par exemple la connaissance de ce système, le droit de la santé, la politique de la santé et les formes de soins innovantes. Comme l'examen devra de surcroît avoir été passé dans la langue officielle de la région dans laquelle le médecin souhaite s'installer, il contribuera à améliorer la qualification des médecins souhaitant pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Les médecins ayant exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade seront réputés disposer des connaissances nécessaires du système de santé suisse et seront dispensés de l'examen. On peut en effet s'attendre à ce que les médecins, durant ces trois ans, acquièrent une connaissance suffisante du système de santé suisse. Durant la formation postgrade clinique, en particulier, la connaissance du système acquise durant les études de médecine est consolidée dans la mise en pratique et approfondie dans la discipline spécifique. À cet égard, le médecin praticien constitue une partie importante du système de santé, et il est étroitement lié, par sa fonction et son action, à de nombreuses institutions et à de nombreux aspects du système de santé. Une grande partie des connaissances sur le système de santé suisse peut donc être acquise par les expériences faites dans le quotidien clinique, en général, et par la participation aux programmes de formation postgrade spécifiques, en particulier.

Avec le présent projet, les fournisseurs de prestations
visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, LAMal ne seront plus admis automatiquement à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, mais seulement lorsqu'ils auront été formellement admis par le canton dans lequel ils souhaitent pratiquer. Les cantons devront statuer sur les demandes d'admission de nouveaux fournisseurs de prestations. Ils vérifieront qu'ils remplissent les conditions fixées par le Conseil fédéral. La mise en place d'une procédure d'admission de ce type garantit que les fournisseurs de prestations qui sollicitent l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins sont tous traités de la même façon. Si le canton rejette sa demande d'admission, le requérant peut recourir devant un tribunal cantonal. La décision de ce dernier peut ensuite, en vertu de l'art. 86, al. 2, en relation avec l'art. 82, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) 18, faire l'objet d'un recours de droit public devant le Tribunal fédéral.

S'agissant des charges, le Conseil fédéral en imposera notamment en matière de qualité et d'économicité. Tous les fournisseurs de prestations qui pratiquent à la 17 18

RS 832.102 RS 173.110

3274

FF 2018

charge de l'assurance obligatoire des soins devront s'y conformer. Ces charges pourront être imposées à tous les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, LAMal, même ceux qui auront pratiqué à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. En matière de qualité, il s'agira d'appliquer des systèmes de gestion, et notamment de les utiliser pour mesurer la qualité, repérer les mesures d'amélioration nécessaires et les mettre en oeuvre. D'autres charges possibles comprennent l'utilisation des données à des fins d'apprentissage, l'adhésion à des réseaux de qualité ou à des associations pour la promotion de la qualité et la sécurité des patients (par ex., cercles de qualité pour médecins de famille ou pour médecins spécialistes ou cercles de qualité interdisciplinaires) ou la participation à des programmes (par ex., revue par les pairs) ou à des formations visant l'optimisation des processus (par ex., gestion des urgences, documentation, gestion des recours, interrogation des patients). Le Conseil fédéral pourra également rendre obligatoire la livraison des données nécessaires pour contrôler le respect de l'art. 59a LAMal relatif au caractère économique et à la qualité des prestations.

Chaque assureur-maladie, s'il est tenu à prestation, a le droit et même l'obligation de vérifier que chaque fournisseur de prestations remplit les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58) ou dans un contrat. Si ces exigences ne sont pas respectées, le tribunal arbitral cantonal (art. 89 LAMal) peut être saisi pour prononcer la sanction appropriée. Ces sanctions vont de l'avertissement à l'exclusion temporaire ou définitive de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire des soins en cas de récidive (art. 59, al. 1, LAMal), en passant par l'amende et la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée. Avec le présent projet, les cantons devront aussi vérifier que les fournisseurs de prestations respectent les conditions d'admission et les charges fixées par le Conseil fédéral pour pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Le non-respect, total ou partiel, des conditions
d'admission et des charges pourra entraîner des sanctions similaires à celles encourues en cas de non-respect des exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité, à savoir l'avertissement, l'amende et le retrait, temporaire ou définitif, pour tout ou partie du champ d'activité, de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Étant donné leur portée, les modifications proposées à ce deuxième niveau d'intervention ne pourront pas entrer en vigueur dès la fin du délai référendaire. C'est pourquoi le Conseil fédéral fixera leur entrée en vigueur à une date ultérieure.

1.2.3

Troisième niveau d'intervention: limitation des admissions

Alors qu'avec l'ancienne limitation des admissions, c'est le Conseil fédéral qui fixait des nombres maximaux de médecins admis par spécialité médicale, la révision doit permettre aux cantons de réguler eux-mêmes l'offre selon leurs besoins. Les cantons qui appliquent déjà une limitation des admissions disposeront d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation pour adap3275

FF 2018

ter leur législation: dans l'intervalle, les dispositions actuelles resteront donc applicables. Les nombres maximaux s'appliqueront à l'ensemble des médecins souhaitant exercer dans le domaine ambulatoire, qu'ils entendent pratiquer en cabinet ou dans une institution de soins ambulatoires qui emploie des médecins, y compris dans le domaine ambulatoire des hôpitaux, ce qui n'était pas le cas avec l'ancienne limitation des admissions. De cette manière, une importante distorsion du marché sera supprimée, puisque tous les médecins du domaine ambulatoire seront traités sur un pied d'égalité. Les cantons pourront fixer des nombres maximaux pour tous les domaines de spécialité ou seulement pour certains. Ils tiendront compte de l'évolution générale du taux d'activité des médecins, étant donné l'augmentation du nombre de personnes qui travaillent à temps partiel. Les cantons pourront intervenir de manière différenciée selon les régions et devront consulter au moins les fédérations de fournisseurs de prestations, d'assureurs et des assurés. Ils pourront ainsi tenir compte des configurations particulières sur les différentes parties de leur territoire.

Les cantons devront également se coordonner avec les autres cantons afin de tenir compte de la mobilité des patients, qui consultent de plus en plus fréquemment un médecin près de leur lieu de travail, de formation ou de loisirs. Ils pourront décider que la coordination aura lieu, par exemple, de manière centralisée au niveau suisse, par la mise en place d'un organe de décision sur le modèle de la médecine hautement spécialisée, ou de manière bilatérale ou multilatérale sur le plan régional.

Le Conseil fédéral pourra fixer par voie d'ordonnance des principes méthodologiques et des critères supplémentaires pour fixer les nombres maximaux de médecins admis, mais il ne fixera plus lui-même les nombres maximaux applicables.

L'accès des assurés au traitement dans un délai raisonnable devra cependant rester garanti.

Une autre nouveauté de ce dispositif permettra aux cantons de stopper immédiatement toute nouvelle admission dans un domaine de spécialité médicale, quels que soient les nombres maximaux fixés. Si les coûts dans un domaine de spécialité augmentent plus fortement que la moyenne des coûts des autres domaines de spécialité dans le canton concerné ou si
les coûts d'un domaine de spécialité dans le canton concerné augmentent plus fortement que la moyenne suisse des coûts de ce domaine de spécialité, le canton pourra prévoir qu'aucun nouveau médecin ne peut être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans le domaine de spécialité concerné. Les cantons pourront ainsi recourir à un nouvel instrument de maîtrise des coûts rapide et efficace, tout en respectant leur obligation constitutionnelle de garantir à chacun l'accès à des soins médicaux de base suffisants et de qualité.

3276

FF 2018

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Autres solutions étudiées

Le postulat no 16.3000 de la CSSS-E et la motion no 16.3001 de la CSSS-N chargeaient le Conseil fédéral d'étudier les différentes possibilités de remplacer la limitation des admissions. Trois pistes étaient mentionnées: une amélioration du système de gestion des admissions, un assouplissement de l'obligation de contracter et la possibilité pour les partenaires tarifaires de convenir de tarifs différenciés en fonction de l'offre, de la région, de la gamme de prestations ou encore de critères de qualité.

Pour évaluer ces trois axes de réforme et rédiger son rapport, l'administration a fait appel à des experts reconnus du domaine de la santé et a invité les principales organisations faîtières du domaine ambulatoire à participer aux travaux. Dans un premier temps, dix questions portant sur la maîtrise de l'accroissement du volume des prestations, sur le maintien de la qualité de l'offre de soins et la réduction de l'offre inadéquate et sur la suppression des mauvaises incitations du système leur ont été posées au moyen d'un questionnaire. Après dépouillement des réponses reçues, une première version de l'avant-projet de rapport a été transmise aux organisations interrogées, qui ont été invitées par l'OFSP à participer à trois ateliers thématiques d'une demi-journée chacun, animés par les experts. Le premier était consacré aux données de base nécessaires à toute gestion du domaine ambulatoire et à la gestion par l'admission. Le deuxième avait pour sujets la liberté de contracter et la recherche de critères de qualité relatifs aux prestations. Enfin, le dernier atelier avait pour thématique principale les tarifs différenciés. Les avis exprimés par les acteurs de la santé et les experts durant ce processus ont permis de compléter le rapport. Les conclusions du rapport concernant les trois axes de réforme analysés sont synthétisées ci-après.

Tarifs différenciés Concernant la différenciation des tarifs, le rapport du 3 mars 2017 relève la difficulté de fixer le «juste prix» des prestations en fonction des critères appliqués et la nécessité qu'il y aurait de devoir régulièrement adapter ce prix selon l'évolution des circonstances, ce qui engendrerait une grande insécurité économique pour les fournisseurs de prestations. Il relève aussi l'importance d'autres facteurs qui influencent les choix de ces
derniers. Plusieurs exemples concrets ont ainsi permis de montrer qu'une variation du prix de moins de 20 % ne produirait que peu d'effet sur le choix des médecins concernant le lieu d'exercice de leur profession. Les discussions ont abouti à un consensus sur le fait qu'il n'est pas possible de gérer l'offre dans le domaine ambulatoire de manière efficace au moyen d'une différenciation des tarifs, à moins d'une différenciation massive qui créerait de nouvelles incitations indésirables et une inégalité de traitement pour les patients. De plus, du point de vue du Conseil fédéral, un relèvement de la valeur du point poursuivant exclusivement le but de corriger des déséquilibres régionaux en matière d'offre de soins serait contraire au principe d'économicité inscrit dans la LAMal. Le rapport relève toutefois que les dispositions légales en matière tarifaire laissent déjà une certaine marge de manoeuvre aux acteurs et qu'il serait possible de mieux l'exploiter. Par exemple,

3277

FF 2018

favoriser les tarifs forfaitaires limiterait certaines incitations négatives inhérentes aux tarifs à la prestation.

Liberté de contracter Un assouplissement de l'obligation de contracter introduirait plus de concurrence dans le marché des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Il permettrait ainsi de laisser jouer les mécanismes du marché contre les incitations indésirables qui font augmenter les coûts et baisser la qualité. De nombreux projets de réforme visant un tel assouplissement ont cependant échoué au Parlement depuis l'entrée en vigueur de la LAMal. Les discussions lors des ateliers organisés par l'OFSP ont confirmé l'opposition fondamentale entre fournisseurs de prestations et assureurs sur ce sujet. Les discussions ont toutefois également montré qu'il n'y a pas de consensus, même parmi les partisans d'une telle réforme, sur un modèle donnant plus de liberté aux assureurs. Le potentiel conflit d'intérêts pour les assureurs, actifs à la fois sur les marchés de l'assurance obligatoire des soins et de l'assurance complémentaire privée, nécessiterait selon le Conseil fédéral la mise en place d'un cadre relativement strict. La LAMal prévoit cependant déjà des formes particulières d'assurance, notamment des modèles dans lesquels le choix du fournisseur de prestations est limité en contrepartie d'une prime plus avantageuse. Le Conseil fédéral soutient, dans sa stratégie Santé202019, le développement de formes d'assurance particulières, notamment celles incluant une coordination des soins. Malgré l'absence de consensus sur un modèle d'assouplissement de l'obligation de contracter pouvant entrer en vigueur en 2019 en remplacement de l'actuelle limitation des admissions, le Conseil fédéral est disposé à participer aux discussions sur un modèle donnant plus de liberté concurrentielle aux acteurs de la santé et à le soutenir. L'initiative parlementaire no 17.442 «Pour une gestion cantonale de l'admission et un renforcement de l'autonomie contractuelle» déposée le 12 mai 2017 par la CSSS-N et visant à élaborer une réglementation fondée sur la liberté de contracter pour remplacer l'art. 55a LAMal en donnera notamment l'occasion. La CSSS-E a en effet adhéré à la décision de la CSSS-N d'y donner suite.

Gestion des admissions Une première évaluation de la limitation des admissions
a été réalisée en 2004 sur mandat de l'office compétent à l'époque, l'Office fédéral des assurances sociales, par le bureau d'études Vatter Politikforschung & -beratung. Au vu des discussions portant sur le pilotage du domaine ambulatoire en 2015, l'OFSP a de nouveau chargé ce bureau d'étudier comment les cantons ont fait usage jusqu'ici de la limitation des admissions, comment ils l'ont appliquée sur le terrain, comment ils évaluent l'instrument de pilotage et quelles difficultés ils ont rencontrées dans son application. Le bilan de la limitation des admissions est nuancé. Une petite majorité de 14 cantons a évalué positivement cet instrument permettant de maîtriser la hausse des coûts et 13 cantons ont relevé son adéquation avec le pilotage professionnel et régional de l'offre ambulatoire. Le Conseil fédéral a constaté dans le rapport établi en exécution du postulat no 16.3000 que la réintroduction de la limitation de l'admission a permis 19

La stratégie peut être consultée sur le site de l'OFSP à l'adresse suivante: www.ofsp.admin.ch > Thèmes > Stratégie & politique > Stratégie Santé2020.

3278

FF 2018

de freiner l'afflux de médecins dans le domaine ambulatoire, qui avait très fortement augmenté entre fin 2011 et fin juin 2013, période durant laquelle la mesure n'était plus en vigueur. L'ajout par le Parlement d'une disposition prévoyant que les médecins ayant exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade ne sont pas soumis à la clause du besoin, disposition dont la conformité avec l'ALCP était controversée, en a cependant réduit l'efficacité. Bien que la limitation des admissions ait toujours été facultative pour les cantons, la plupart l'ont appliquée de manière relativement stricte jusqu'en 2011. Entre 2013 et 2016, 18 cantons ont appliqué une limitation des admissions. Dans le cadre des discussions menées avec les acteurs du domaine de la santé, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de la santé a plaidé pour une solution simple et efficace en matière de maîtrise des coûts, qui permette aux cantons d'exercer leurs responsabilités. Cependant, au-delà de la nécessité de maîtriser l'évolution des coûts, il est apparu clairement qu'un mécanisme de gestion de l'admission dans le domaine ambulatoire devait aussi avoir comme objectif une amélioration de la qualité de prestations.

1.3.2

Résultats de la procédure de consultation

Le 5 juillet 2017, le Conseil fédéral a mis en consultation20 son projet de révision de la LAMal, conformément à la loi du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation21. Celle-ci s'est terminée le 25 octobre 2017. Au total, 91 organismes y ont pris part, dont l'ensemble des cantons et 7 partis politiques représentés au Parlement fédéral (tous les groupes parlementaires, à l'exception du PBD).

La quasi-totalité des cantons ont exprimé leur soutien à une solution permettant de remplacer la limitation des admissions prenant fin le 30 juin 2019 par une solution non limitée dans le temps et plus maniable. Le PS, le PVL et Les Verts ont également soutenu le principe de donner aux cantons la possibilité de limiter les admissions. Le PDC, le PLR et l'UDC, de même que les fédérations des assureurs, considèrent en revanche qu'avant d'accorder des compétences élargies aux cantons, il faut supprimer les mauvaises incitations dues à la différence de financement entre prestations ambulatoires et prestations stationnaires. Ils estiment que le projet du Conseil fédéral doit être lié aux travaux de la sous-commission «Monisme» de la CSSS-N visant un financement uniforme des prestations et que l'actuelle limitation des admissions doit être prolongée pour la durée nécessaire de ces travaux. Le Conseil fédéral soutient le principe d'une réforme du système visant à uniformiser le financement des prestations fournies à la charge de l'assurance obligatoire de soins dans les domaines ambulatoire et hospitalier. Il constate également qu'une telle réforme serait cohérente avec un élargissement des compétences de pilotage des cantons dans le domaine ambulatoire. Il suit avec attention les travaux en cours de

20

21

Les documents mis en consultation et le rapport sur les résultats de la consultation peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFI.

RS 172.061

3279

FF 2018

la sous-commission précitée, relatifs à l'initiative parlementaire no 09.528 (Humbel) «Financement moniste des prestations de soins».

Le projet mis en consultation présentait des différences importantes par rapport au projet soumis au Parlement. Il prévoyait en particulier que les assureurs désignent une organisation chargée de statuer sur les demandes d'admission des fournisseurs de prestations et qu'ils surveillent eux-mêmes le respect des charges imposées aux fournisseurs de prestations. Lors de la consultation, la majorité des cantons, de même que le PS et les fédérations de fournisseurs de prestations telles que la Fédération des médecins suisses et l'association H+ Les Hôpitaux de Suisse, ont exprimé leur rejet d'une telle solution, assimilée pour beaucoup à une forme de liberté de contracter et faisant craindre de nombreux doublons avec la procédure d'autorisation de pratique professionnelle, qui est du ressort des cantons. À l'inverse, le PLR et l'UDC ont regretté que le projet n'aille pas plus loin en direction de la liberté de contracter. Le Conseil fédéral a tenu compte des critiques des cantons et propose au Parlement de leur attribuer la compétence de gérer les admissions et de surveiller le respect des charges.

Le projet mis en consultation prévoyait également que le Conseil fédéral puisse soumettre les fournisseurs de prestations à un délai d'attente de deux ans avant l'admission. Presque tous les cantons et la plupart des organisations ayant pris position sur cette proposition l'ont rejetée. Une grande partie d'entre eux ont proposé de remplacer ce délai d'attente par l'obligation d'avoir pratiqué durant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade. Le projet a été adapté en conséquence.

Le projet tient également compte de certaines critiques des cantons concernant la réglementation de la limitation de l'admission des médecins, de manière à en améliorer la mise en oeuvre. L'obligation pour les cantons de se coordonner a cependant été maintenue, car la mobilité des assurés ne cesse de croître.

1.4

Adéquation des moyens requis

En matière d'admission des fournisseurs de prestations dans le domaine de la santé, il y a lieu de distinguer l'admission qui relève de la police sanitaire et celle qui relève du droit des assurances sociales. L'admission par l'autorité de surveillance sanitaire constitue une condition indispensable, mais non suffisante, pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Cela tient à la différence d'objectif entre les deux types d'admission. L'exercice d'une activité économique privée, sous sa propre responsabilité professionnelle, pour le diagnostic et le traitement de maladies et de leurs conséquences est soumis à une obligation d'autorisation cantonale, car il peut entrer en conflit avec la protection de la santé publique.

Les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, LAMal ont donc besoin dans la plupart des cantons d'une autorisation de l'autorité de police sanitaire cantonale. Les critères qui s'y rapportent sont définis dans les lois cantonales sur la santé. S'il s'agit d'une profession médicale universitaire, la LPMéd s'applique. Pour la plupart des professions de la santé, c'est à l'avenir la LPSan qui s'appliquera.

3280

FF 2018

L'autorisation de l'autorité de police sanitaire pour pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins garantit que seules des personnes qui ne mettent pas la santé publique en danger travaillent pour celle-ci. Cependant, d'autres aspects que ceux relevant de la police sanitaire importent. La restriction la plus importante réside dans l'autorisation de facturer, autrement dit dans l'énumération exhaustive des fournisseurs de prestations pouvant facturer leurs prestations aux assureurs-maladie dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins. On peut citer, comme autre critère d'admission prévu par le droit de l'assurance-maladie en vigueur, la preuve d'une activité pratique sous la surveillance d'un confrère qui remplit les conditions d'admission requises. La reconnaissance en tant que fournisseur de prestations au sens de la LAMal vise donc à désigner sans équivoque ceux qui assument vis-à-vis de l'assurance-maladie la responsabilité du traitement et des soins dans le cas concerné conformément aux exigences de la loi.

Il faut que la loi donne au Conseil fédéral (de lege ferenda) la compétence élargie de régler l'admission de tous les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, LAMal. Le présent projet lui donne simultanément la compétence de définir des conditions en matière de qualité et d'économicité. L'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins ne sera par ailleurs plus automatique du moment que les conditions d'admission sont remplies, mais passera par la décision du canton compétent.

Le projet prévoit la possibilité d'exiger des médecins qu'ils disposent de connaissances suffisantes du système de santé suisse. Ceux qui ne peuvent pas apporter la preuve d'une activité d'une durée de trois ans devront se soumettre à un examen pour le prouver. Il est justifié d'exiger des médecins qu'ils apportent cette preuve, parce que la fourniture des prestations a lieu essentiellement sous leur responsabilité et leur direction et qu'ils assument dans l'assurance obligatoire des soins le rôle principal, celui de charger des personnes de fournir des prestations à la charge de celle-ci, mais aussi d'ordonner des analyses et de prescrire des médicaments ainsi que des moyens et appareils servant à l'examen ou au traitement. À cet égard,
on rappellera les différences qui existent entre l'admission relevant de la police sanitaire et celle qui relève du droit des assurances sociales: l'exigence de posséder des connaissances suffisantes du système de santé suisse, inscrite à l'art. 37 du projet, ne compromet pas l'admission relevant de la police sanitaire et respecte donc le principe de la reconnaissance automatique des diplômes, certificats et autres titres conformément à l'annexe III de l'ALCP (directive 2005/36/CE); en revanche, elle élève le niveau des conditions d'admission en droit des assurances sociales et restreint ainsi l'accès aux médecins à l'exercice d'une activité lucrative dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins. Une telle restriction se justifie néanmoins pour des motifs ayant trait à la sécurité des patients et à la qualité des prestations (cf. ch. 5.2).

En 2016, 3014 médecins ont reçu une autorisation cantonale de pratiquer. Environ 40 % d'entre eux (1218) ne disposaient pas d'un titre de formation postgrade délivré par l'Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue, mais de titres reconnus par la Commission des professions médicales. Cette même année, l'organisation SASIS SA a remis 1252 numéros de registre des codes-créanciers (numéros RCC) à des médecins souhaitant fournir des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Parmi ceux-ci, 565 l'ont été à des médecins dispo3281

FF 2018

sant de titres reconnus par la Commission des professions médicales, soit environ 45 %. Une grande partie d'entre eux (444) provenaient des pays frontaliers de la Suisse. On ignore par contre dans quelle proportion ces médecins bénéficiaient d'une expérience professionnelle d'au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade.

Une autre condition ne relevant pas de la police sanitaire est la limitation de l'admission des médecins à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins prévue à l'art. 55a LAMal. La raison d'être de cette disposition (ratio legis) est la nécessité d'une maîtrise des coûts, le droit en vigueur prévoyant la possibilité de faire dépendre de l'établissement de la preuve d'un besoin l'admission des médecins qui n'ont pas travaillé au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade. Le présent projet prévoit d'adapter l'art. 55a LAMal de sorte qu'un canton puisse limiter l'admission de médecins dans un ou plusieurs domaines de spécialité médicale ou dans certaines régions à un nombre maximal défini. On a en effet remarqué une forte augmentation de la densité de médecins spécialisés durant la période de la levée du moratoire, de janvier 2012 à juin 2013 (+6,1 % en moyenne annuelle; cf.ch. 1.1.1). L'augmentation persiste depuis la réintroduction de la limitation des admissions, mais elle ralentit. Ainsi, pour les deux premiers semestres de cette période (2e semestre 2013 et 1er semestre 2014), on observe encore une augmentation soutenue (+4,6 %). Pour la médecine spécialisée, le nombre de consultations par assuré augmente plus fortement à partir de la fin du moratoire: +3,3 % en moyenne annuelle pendant la levée du moratoire et +2,6 % par la suite; la période de levée du moratoire correspond ainsi à une forte augmentation des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins (+7,8 % en moyenne annuelle). Notons également que les coûts à la charge de cette dernière augmentent encore de façon prononcée pendant les premiers trimestres du régime transitoire. On observe donc un certain décalage temporel avant que la totalité de la hausse des coûts soit perceptible: l'augmentation des coûts n'est pas uniquement un phénomène de court terme qui prendrait fin dès la période de transition. L'augmentation prononcée des
coûts correspond à un effet de seuil. Même si le taux de croissance des coûts revient à un niveau plus habituel, force est de constater que les coûts ont augmenté pendant la levée du moratoire.

La majorité des nouvelles installations et des coûts concerne une minorité de spécialités: les spécialités ne sont pas touchées de manière identique par la levée du moratoire. Si certaines voient leur effectif augmenter fortement, d'autres le voient stagner ou même diminuer. L'augmentation du nombre de spécialistes concerne un nombre limité de spécialités: près de deux tiers des spécialistes installés pendant la levée du moratoire détenaient un titre relevant de cinq spécialisations seulement. Il est difficile de juger s'il manquait vraiment de spécialistes dans ces domaines en Suisse.

Néanmoins, il semblerait que ces nouveaux spécialistes s'installent plutôt dans des cantons où la densité est déjà élevée. En effet, pour ces cinq spécialités, on observe une corrélation positive entre la densité cantonale et le nombre de nouveaux spécialistes. Du point de vue des coûts par assuré, deux tiers de l'augmentation des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins enregistrée pour l'ensemble des médecins spécialisés pendant la période de levée du moratoire sont imputables à cinq spécialités. Notons que trois spécialités sont responsables à elles seules de près de

3282

FF 2018

53 % de l'augmentation des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins enregistrée pour les spécialistes pendant cette période.

Les nouveaux médecins ne s'installent pas nécessairement dans les zones de pénuries d'offre de soins, qui sont plutôt des régions rurales. La densité de médecins reste stable dans les communes rurales entre 2010 et 2016, tant pour la médecine spécialisée que pour la médecine de premier recours, alors que dans les autres types de régions, l'augmentation de la densité de médecins est plus marquée. Les médecins se concentrent principalement dans les villes-centres d'une agglomération. Pour la médecine de premier recours, il y avait 13,7 médecins pour 10 000 habitants en 2016 et 28,8 pour la médecine spécialisée (respectivement 13,0 et 27,4 en 2010). Les communes rurales ont la plus faible densité de médecins avec 6,6 médecins de premiers recours et 2,6 médecins spécialisés pour 10 000 habitants en 2016.

Lorsqu'ils fixeront des nombres maximaux, les cantons devront tenir compte de l'évolution générale du taux d'activité des médecins. Plusieurs études montrent en effet une diminution de ce taux en Suisse. Entre 2008 et 2016, celui-ci est passé de 9,0 à 8,8 demi-journées par semaine pour l'ensemble des médecins. Pour les médecins dits «ambulatoires», il est passé de 8,7 à 8,2 demi-journées par semaine. Le projet donne de nouvelles compétences aux cantons et au Conseil fédéral dans le but de maîtriser l'augmentation des coûts des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins et d'améliorer la qualité des prestations. Ces compétences sont proportionnées et conformes à la répartition actuelle des rôles dans le système de l'assurance obligatoire des soins.

1.5

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Nombre d'États de l'OCDE disposent d'une solution pour gérer à long terme l'offre médicale dans le domaine ambulatoire. Les pays limitrophes de la Suisse, en particulier, ont déjà introduit des systèmes pour limiter le nombre de médecins admis à pratiquer à la charge du système de santé ou le volume des prestations pouvant être facturées par ces médecins. Le rapport du Conseil fédéral du 3 mars 2017 établi en exécution du postulat no 16.3000 présente de manière assez détaillée les divers modèles de gestion du domaine ambulatoire appliqués dans les pays de l'OCDE, en particulier dans certains États voisins de la Suisse. Il se fonde en particulier sur une étude de 2013 réalisée sur mandat de l'OFSP.

Autorisation d'exercer la profession et admission à pratiquer à la charge de l'assurance­maladie ou du service de santé En ce qui concerne l'exercice de la profession, les États considérés exigent pour tous les médecins une autorisation ou une approbation. Les conditions d'obtention de ce document sont très similaires (études de médecine achevées d'au moins six ans, formation postgrade achevée, fiabilité et aptitude médicale), car tous les pays européens concernés mettent en oeuvre la directive 2005/36/CE, qui fixe de manière uniforme les exigences minimales en matière de formation et de formation postgrade pour les États de l'UE et de l'AELE. Pour les médecins venant d'États avec lesquels la libre 3283

FF 2018

circulation des personnes s'applique en vertu du droit européen ou d'un accord international, les États examinés ne connaissent aucune limitation d'accès légale, ou alors ils exigent la connaissance d'une des langues nationales (comme la Suisse). À l'égard des médecins provenant d'États tiers (sans accord sur la libre circulation des personnes), quelques États élèvent des obstacles sous forme d'examens complémentaires ou d'exigences supplémentaires concernant l'expérience professionnelle.

Pour ce qui est de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie ou du service de santé, il existe dans à peu près la moitié des États examinés une obligation de contracter ou une obligation d'affiliation similaire à celle que connaît la Suisse.

Dans quelques États, elle est limitée à certains domaines. On citera par exemple la France, qui distingue entre médecins employés dans des hôpitaux et médecins indépendants. Les prestations des médecins hospitaliers sont remboursées automatiquement par les assureurs-maladie, alors que les médecins indépendants peuvent s'affilier à un assureur. Les assureurs-maladie fixent par contrat les conditions auxquelles les médecins peuvent facturer pour trois ans leurs prestations aux assureurs. À cet égard, les réglementations de la République slovaque sont également intéressantes: à l'exception des soins de base ambulatoires, les contrats conclus entre assureurs et médecins sont limités à la garantie d'une offre de soins minimale. Le choix des médecins est effectué par les assureurs-maladie, qui se fondent sur des critères de qualité fixés par la loi.

S'agissant de l'admission de médecins étrangers à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie ou du service de santé, il n'existe en principe aucune restriction légale dans les États examinés. La Suède connaît cependant des conditions spécifiques pour les médecins étrangers, exigeant une expérience médicale de plusieurs années ainsi qu'une qualification de médecin spécialiste. En Australie, un médecin étranger ne peut adhérer au système Medicare que s'il s'établit pour une durée de dix ans dans un District of Workforce Shortage, autrement dit une région où règne une pénurie de médecins. Ce n'est qu'au terme de cette période qu'il peut accéder librement au système.

Gestion de l'offre Si l'on compare les systèmes de
santé des divers États, on observe une gestion de l'offre dans différents domaines. Pour l'exercice de la profession, par exemple, la Belgique limite sur recommandation d'une commission, en cas d'offre excédentaire, le nombre de candidats à l'exercice de la profession de médecin. En Espagne, les besoins sont planifiés au moyen de «plans de santé» qui sont publiés par les régions et qui déterminent ainsi le besoin en médecins engagés dans le secteur public. Une forte majorité d'États influent également sur le nombre de places proposées pour la formation médicale. Il existe aussi des limitations des places de formation dans certains États pour les formations postgrades de spécialiste (France, Lettonie, République tchèque).

En ce qui concerne la gestion de l'offre dans le cadre du financement étatique, il existe une grande diversité de modèles dans les États examinés. Ainsi, le nombre de contrats ou de médecins admis à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie ou du système de santé est limité dans plusieurs États sur la base d'une évaluation des besoins (Allemagne, Autriche, Italie, Danemark, Islande, Lettonie, Slovaquie).

3284

FF 2018

L'Allemagne, par exemple, connaît pour l'autorisation de pratiquer en tant que médecin conventionné un système de planification des besoins qui est codifié dans la Zulassungsverordnung für Vertragsärzte (règlement régissant les conventions mutualistes des médecins). Les associations de médecins conventionnés élaborent, en accord avec les associations de caisses-maladie des différents Länder, un plan des besoins qui doit être présenté à l'autorité suprême du Land compétente pour les assurances sociales et que celle-ci peut contester dans un délai de deux mois. Le plan des besoins doit comprendre, entre autres, des constatations concernant l'offre médicale compte tenu des groupes de médecins, concernant la densité et la structure de la population, concernant la nature et l'étendue de la demande en prestations de médecins conventionnés, concernant la couverture de cette demande et son attribution géographique dans le cadre de la prise en charge par les médecins conventionnés et concernant les liaisons de transport importantes pour cette prise en charge.

Les principes de base de ce plan sont définis dans la Richtlinie des Gemeinsamen Bundesausschusses über die Bedarfsplanung sowie die Massstäbe zur Feststellung von Überversorgung und Unterversorgung in der vertragsärztlichen Versorgung (directive de la Commission fédérale commune concernant la planification des besoins et les critères de détermination d'une offre excédentaire ou insuffisante dans la prise en charge par les médecins conventionnés): le plan fixe les principes de l'offre de soins régionale, rend compte du degré de prise en charge propre à chaque groupe de spécialité par région de planification et doit être régulièrement adapté.

Quatre niveaux de prise en charge sont définis (médecine de famille et trois types de spécialités), qui sont déterminants pour l'attribution des médecins aux groupes de médecins, pour le découpage des domaines de planification et, par conséquent, pour la détermination du degré de prise en charge. Si le plan affiche un besoin de médecins conventionnés pour un domaine donné et que l'offre insuffisante ne peut être compensée dans un délai de six mois, l'association de médecins conventionnés doit mettre les postes conventionnés au concours. Dans des cas particuliers, la commission d'admission peut décider une exception
à la limitation d'admission afin d'agir contre l'offre insuffisante. En cas d'offre excédentaire, qui se définit par un dépassement de 10 % au moins du degré général de prise en charge conforme aux besoins, la commission d'admission doit ordonner des limitations d'admission, qui sont réexaminées au plus tard après six mois et qui peuvent être révoquées. Aucune autre mesure (par ex. baisses de tarif) n'est prévue.

Le volume de l'offre est également géré dans divers États au moyen d'un budget destiné au financement de prestations médicales (notamment au Royaume-Uni et en Pologne; en Allemagne, un montant total des honoraires est fixé). Notons que, en Pologne, un premier traitement ambulatoire est payé par le service de santé de l'État lorsqu'il est donné par un médecin conventionné du Fonds national de la santé. Tous les médecins qui remplissent certains critères (comme le respect de standards épidémiologiques et hygiéniques) peuvent demander un contrat avec ce fonds, la sélection s'effectuant par une procédure d'attribution spéciale. L'offre est ainsi pilotée indirectement au moyen des prestations achetées par le Fonds national de la santé.

Le Danemark et la Norvège connaissent un système de gestion de l'offre reposant sur des incitations financières, où les prestations dont l'offre est insuffisante sont mieux indemnisées.

3285

FF 2018

Concurrence régulée Aucun pays de l'OCDE ne connaît une liberté de contracter entre assureurs-maladie et fournisseurs de prestations telle que décrite au ch. 4.3 du rapport du Conseil fédéral établi en exécution du postulat no 16.3000. Il faut toutefois mentionner le système de santé des Pays-Bas, qui suit les principes de la concurrence régulée et dans lequel les négociations entre assureurs et fournisseurs de prestations jouent un rôle considérable. Aux Pays-Bas, la rémunération des médecins de famille consiste pour l'essentiel dans des forfaits par patient et des forfaits de traitement. Le forfait par patient est échelonné en trois groupes d'âge (moins de 65 ans, 65 à 75 ans et plus de 75 ans) et lié à un facteur indiquant si le patient réside dans une région défavorisée sur le plan social et économique. Le forfait de traitement dépend de la longueur de la consultation (plus ou moins de 20 minutes). Des montants plus élevés sont versés pour les consultations à domicile, moins élevés pour les consultations par courriel ou par téléphone. Des contributions supplémentaires sont payées pour les prestations fournies en dehors des heures d'ouverture normales. Les prestations de spécialistes ne peuvent être fournies que sur indication d'un médecin de famille et sont facturées selon un système détaillé de forfaits par cas, s'apparentant à une rémunération à la prestation dans les cas de courtes consultations. Une partie importante des spécialistes sont employés par les hôpitaux. Par ailleurs, il existe des conventions nationales relatives à la croissance maximale admissible des dépenses.

1.6

Mise en oeuvre

Le présent projet se fonde sur un modèle à trois niveaux. Pour la mise en oeuvre du premier niveau (exigences accrues pour les cantons en matière d'autorisation à exercer les professions régies par la LPMéd et la LPSan), on pourra se référer au message du 3 juillet 2013 concernant la modification de la loi sur les professions médicales22 et au message du 18 novembre 2015 concernant la loi fédérale sur les professions de la santé23.

Concernant le deuxième niveau d'intervention, le Conseil fédéral complétera à l'entrée en vigueur du présent projet les dispositions de l'OAMal par des conditions relatives à l'admission des fournisseurs de prestations afin de garantir que les prestations soient fournies de manière appropriée et avec un haut niveau de qualité.

Pour l'examen des connaissances du système de santé suisse prévu à l'art. 37 du présent projet, le Conseil fédéral préparera une modification de l'OAMal qui lui permettra d'instituer une commission dont l'OFSP assumera le secrétariat. Cette commission comprendra des représentants de la Confédération et des cantons, ainsi que des professions concernées. Son rôle sera, dans un premier temps, d'aider l'administration à préparer à l'intention du Conseil fédéral une proposition ad hoc pour régler notamment le contenu, la forme et l'évaluation de l'examen, les questions relatives à la procédure d'examen (par exemple les conditions d'accès à l'examen, de réussite et de recours), les organes nécessaires et leurs tâches respectives (com22 23

FF 2013 5583 FF 2015 7925

3286

FF 2018

missions d'examen, d'experts, de recours), les taxes d'examen ou encore les indemnités versées aux membres des différents organes et aux experts. Le Conseil fédéral nommera ensuite les membres des différents organes sur proposition du Département fédéral de l'intérieur (DFI). Il déléguera certaines tâches au DFI et à la commission. L'ensemble des travaux nécessaires pour aboutir à la première session d'examen devrait durer quatre à cinq ans à partir de la fin du délai référendaire.

Étant donné que la procédure d'examen prévue portera sur d'autres contenus que, par exemple, les examens prévus par la LPMéd, il est nécessaire de créer, pour la mise en oeuvre de la procédure d'examen prévue à l'art. 37, al. 3, LAMal, une commission indépendante. Les synergies avec les diverses commissions d'examen existantes seront exploitées.

Le Conseil fédéral complétera également les dispositions de l'OAMal par des charges liées à la pratique à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Ces charges porteront sur l'économicité et la qualité des prestations. Les propositions de modification de l'OAMal seront mises en consultation auprès des organisations intéressées (cantons, fédérations de fournisseurs de prestations, d'assureurs et de patients) conformément aux dispositions de la loi sur la consultation. Après que les modifications de l'OAMal auront été adoptées par le Conseil fédéral, les cantons disposeront d'une période transitoire pour adapter leurs législations, notamment pour désigner les organes chargés de l'examen des demandes d'admission conformément aux art. 36, 36a et 37 et du contrôle du respect des conditions d'admission et des charges conformément à l'art. 38 du présent projet.

En ce qui concerne le troisième niveau d'intervention, à savoir la nouvelle réglementation de l'art. 55a relative à la limitation de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie, les cantons auront la possibilité de fixer eux-mêmes les nombres maximaux de médecins admis, par domaine de spécialité et par région. Selon la répartition fédéraliste des rôles, les cantons doivent garantir la couverture des besoins et doivent en particulier veiller à ce que chaque personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé. Ils sont en effet mieux placés que le Conseil fédéral pour estimer le nombre de fournisseurs de
prestations nécessaires pour satisfaire les besoins de leur population sur leur propre territoire. S'ils estiment qu'un nombre insuffisant de médecins pratiquent à la charge de l'assurance obligatoire des soins sur leur territoire ou sur certaines parties de celui-ci, ils pourront renoncer à appliquer cette mesure ou fixer des nombres maximaux supérieurs au nombre de fournisseurs admis jusque-là. S'ils estiment au contraire que l'offre est excédentaire, ce qui peut conduire à une hausse des coûts, ils pourront fixer des nombres maximaux inférieurs au nombre de fournisseurs admis jusque-là. De cette manière, avec les sorties naturelles du marché, ils pourront réguler l'offre efficacement. Les cantons qui connaissent déjà une limitation des admissions bénéficieront d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du présent projet, délai durant lequel ils pourront continuer d'appliquer la législation existante, notamment les nombres maximaux fixés par le Conseil fédéral dans l'annexe 1 de l'ordonnance du 3 juillet 2013 sur la limitation de l'admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (OLAF)24.

24

RS 832.103

3287

FF 2018

Le Conseil fédéral pourra fixer des critères et des principes méthodologiques, afin de garantir une mise en oeuvre aussi uniforme que possible sur l'ensemble du pays.

Pour que la mesure puisse être efficace et pour que les fournisseurs de prestations ne puissent pas la contourner, les cantons qui la mettront en oeuvre devront prendre en considération tous les secteurs du domaine ambulatoire, donc aussi bien les médecins en cabinet que ceux qui pratiquent dans des institutions de soins ambulatoires, de même que ceux qui pratiquent au sein d'un hôpital pour la part exercée dans le domaine ambulatoire. Pour tenir compte de l'évolution de la société, en particulier de l'augmentation du travail à temps partiel, les cantons devront pondérer les nombres maximaux de fournisseurs admis en équivalents plein-temps. Pour fixer les nombres maximaux, ils consulteront les fédérations de fournisseurs de prestations concernées et d'assureurs, qui devront leur fournir gratuitement les données nécessaires, ainsi que les fédérations des assurés. La manière d'organiser cette consultation est laissée à l'appréciation de chaque canton. Les cantons devront aussi se coordonner pour tenir compte de la mobilité croissante des patients, qui consomment de plus en plus souvent des prestations près de leur lieu de travail. Là encore, les cantons seront libres de s'organiser comme ils l'entendent.

Pour garantir la sécurité juridique et économique des médecins ayant pratiqué de manière dépendante ou indépendante à la charge de l'assurance obligatoire des soins avant que les cantons fixent des nombres maximaux, la disposition précise que les personnes qui ont pratiqué à la charge de la LAMal dans leur propre cabinet avant l'entrée en vigueur de la mesure n'y sont pas soumises. Il en va de même pour les personnes qui ont pratiqué à la charge de la LAMal au sein d'une institution de soins ambulatoires ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital, aussi longtemps qu'elles exercent au sein de la même institution ou du même hôpital.

Indépendamment des nombres maximaux fixés, les cantons auront, dès l'entrée en vigueur de la disposition, la possibilité de bloquer toute nouvelle admission dans un domaine de spécialité s'ils constatent une augmentation massive des coûts dans ce domaine par rapport aux autres domaines de spécialité ou
par rapport aux autres cantons. Il s'agit là d'une mesure de dernière extrémité, qui permet aux cantons d'intervenir très rapidement pour éviter une explosion des coûts dans un domaine à la charge de la LAMal. La croissance rapide des primes des assurés ces dernières années, qui a notamment des conséquences sociales et financières importantes pour les assurés et les cantons, la rend acceptable.

1.7

Classement d'interventions parlementaires

Motion 16.3001 (CSSS-N) «Système de santé. Équilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire» La motion no 16.3001 a été déposée par la CSSS-N le 22 janvier 2016, dans le cadre du traitement de l'initiative cantonale no 12.308 déposée par le canton de Genève concernant «L'ouverture de nouveaux cabinets médicaux». Cette initiative a été classée en raison du refus du Conseil national d'y donner suite le 27 avril 2016. La motion a été adoptée par le Conseil national le 15 mars 2016 et par le Conseil des États le 6 juin 2016, conformément à la proposition du Conseil fédéral du 4 mars 3288

FF 2018

2016. Elle charge le Conseil fédéral de soumettre au Parlement des propositions de modification de la LAMal en s'appuyant sur les résultats du rapport qu'il était chargé de rédiger en exécution du postulat no 16.3000 de la CSSS-E «Possibilités de remplacer le système actuel de gestion en matière d'admission de médecins», rapport qu'il a adopté le 3 mars 2017, pour évaluer les différentes pistes visant à optimiser l'offre ambulatoire. La motion visait à ce que les pistes permettant notamment d'échelonner la valeur du point tarifaire en fonction de la région, de la gamme de prestations ou de critères de qualité soient évaluées, de manière à ce que les partenaires tarifaires puissent assumer leurs responsabilités et veiller à une offre territoriale équilibrée. Le Conseil fédéral a répondu à cette demande en évaluant dans son rapport du 3 mars 2017 les possibilités de remplacer le système actuel de gestion des admissions.

Postulat 13.3875 (Hardegger) «Amélioration de la sécurité des patients.

Introduire des systèmes de notification des erreurs et mettre en pratique les connaissances médicales» Le postulat déposé le 26 septembre 2013 par le conseiller national Thomas Hardegger charge le Conseil fédéral d'exposer dans un rapport les moyens à mettre en oeuvre pour que les bases légales, notamment l'art. 58 LAMal, s'appliquent de manière contraignante; il vise également à ce que les fournisseurs de prestations soient tenus d'introduire un système de notification des erreurs généralisé (CIRS, check-list pour les opérations) et mettent en pratique les connaissances médicales (par ex. liste Beers), à ce qu'une surveillance soit mise en place pour assurer le respect de ces exigences et à ce que des moyens de sanctionner les manquements soient créés. Le postulat a été accepté le 13 décembre 2013. Le deuxième niveau d'intervention du présent projet permettrait de le mettre en oeuvre.

1.8

Autres interventions liées au présent projet

Motion 13.3265 (Jürg Stahl) «Contre-proposition à la limitation de l'admission de médecins» La motion no 13.3265 a été déposée le 22 mars 2013 par le conseiller national Jürg Stahl durant les débats concernant la réintroduction de la limitation des admissions, à la suite du rejet par la population du projet de modification de la LAMal sur les réseaux de soins25 le 17 juin 2012. Elle visait l'introduction de la liberté de contracter pour les assureurs-maladie à partir d'une certaine densité médicale, qu'il reviendrait au Conseil fédéral de fixer par spécialité pour l'ensemble de la Suisse. La motion a été adoptée le 10 septembre 2014 par le Conseil national, après que le Parlement eut accepté de réintroduire la limitation des admissions jusqu'au 30 juin 2016. Elle a cependant été rejetée par le Conseil des États le 2 mars 2016, qui lui a préféré le postulat no 16.3000 de la CSSS-E.

25

FF 2011 6849

3289

FF 2018

Motion 15.3385 (groupe libéral-radical) «Système de santé. Équilibrer l'offre de soins en différenciant la valeur du point tarifaire au lieu de geler une nouvelle fois les admissions» La motion no 15.3385 a été déposée le 4 mai 2015 par le groupe libéral-radical, à titre de solution de remplacement au message du 18 février 2015 concernant la modification de la LAMal (pilotage du domaine ambulatoire)26. Elle chargeait le Conseil fédéral de soumettre au Parlement un projet qui permette aux partenaires tarifaires de veiller à une offre territoriale équilibrée en échelonnant la valeur du point tarifaire en fonction de la région, de la gamme de prestations ou de critères de qualité. La motion a été retirée le 9 mars 2017, après que le Conseil fédéral eut adopté son rapport en exécution du postulat no 16.3000 de la CSSS-S.

Interpellation 16.3821 (Heinz Brand) «La pénurie de médecins est-elle un réel problème?» Dans son interpellation du 29 septembre 2016, le conseiller national Heinz Brand interrogeait le Conseil fédéral sur l'état de l'offre de prestations médicales en Suisse, compte tenu notamment des différences de densité de médecins et d'hôpitaux selon les régions, mais aussi de la mobilité accrue des patients et de l'évolution des technologies. Il estimait, au regard des chiffres des autres pays de l'OCDE, que l'offre en Suisse devait plutôt être considérée comme excédentaire et qu'elle constituait un facteur de hausse des coûts de la santé.

Interpellation 16.3828 (Jean-Paul Gschwind) «La Suisse serait-elle devenue un eldorado pour les médecins de l'Union européenne?» Le 29 juin 2016, le conseiller national Jean-Paul Gschwind interpellait le Conseil fédéral en constatant un lien de causalité entre l'augmentation des coûts à la charge de l'assurance obligatoire des soins, qui entraîne la hausse des primes, et une hausse constante de la consommation des prestations médicales ambulatoires à mettre en corrélation avec l'ouverture de nouveaux cabinets médicaux de médecins généralistes ou de médecins spécialistes. Il mettait notamment en cause les médecins provenant de l'Union européenne.

Interpellation 16.3940 (Barbara Schmid-Federer) «Pilotage de la densité des médecins. Optimisation des ressources et de la quantité de données utiles disponibles» Dans son interpellation du 5 décembre 2016, la
conseillère nationale Barbara SchmidFederer constatait une densité de médecins élevée en Suisse en comparaison internationale et répartie de manière hétérogène entre les régions et les spécialités, rendant un pilotage nécessaire. Elle demandait au Conseil fédéral de se positionner sur un modèle élaboré par l'Académie suisse des sciences médicales publié dans une feuille de route en novembre 2016. Le Conseil fédéral décrit ce modèle dans son rapport du 3 mars 2017 en exécution du postulat n o 16.3000 de la CSSS-S. L'auteur de l'interpellation demandait par ailleurs au Conseil fédéral quelles mesures il comptait

26

FF 2015 2109

3290

FF 2018

prendre pour que les données nécessaires afin de garantir un pilotage soient disponibles.

2

Commentaire des dispositions

Art. 35, al. 1 La nouvelle formulation de l'art. 36 rend cet alinéa superflu.

Art. 36

Médecins et autres fournisseurs de prestations: principe

L'art. 36 fixe le principe selon lequel, à l'avenir, les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, ne pourront pratiquer à la charge de l'AOS que s'ils sont admis formellement par le canton sur le territoire duquel ils exercent leur activité. L'admission des fournisseurs de prestations dans le domaine ambulatoire ne sera donc plus automatique, mais n'aura lieu qu'une fois que le canton a vérifié que les conditions d'admission prévues aux art. 36a, al. 1 et 2, et 37 sont remplies.

Le nouveau régime concerne les médecins, les dentistes pour les prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins, les pharmaciens, les chiropraticiens, les sages-femmes, les autres fournisseurs de prestations qui dispensent des soins sur prescription (les physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les infirmiers, les logopédistes, les orthophonistes, les diététiciens) et les organisations qui les emploient, les laboratoires, les centres de remise de moyens et d'appareils diagnostiques ou thérapeutiques, les entreprises de transport et de sauvetage et les institutions de soins ambulatoires dispensés par des médecins.

Les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, qui, après avoir été admis, entendent pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins dans un autre canton devront déposer une nouvelle demande d'admission dans ce canton.

Le Conseil fédéral fixera dans l'OAMal les conditions d'admission de tous les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n. Il est donc possible de donner un autre contenu aux art. 36, 36a, 37 et 38 actuels. Pour ce qui concerne les pharmaciens, on rappellera que les dispositions de la LPMéd révisée s'appliquent aussi bien aux pharmaciens qu'aux médecins. Le 18 mars 2016, le Parlement a adopté une modification27 de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques (LPTh)28. Le nouvel art. 4, al. 1, let. k, LPTh définit la pro-pharmacie comme la «remise de médicaments autorisée par le canton au sein d'un cabinet médical ou d'une institution ambulatoire de santé dont la pharmacie est placée sous la responsabilité professionnelle d'un médecin possédant une autorisation d'exercer». Aux termes du nouvel art. 24, al. 1, let. b, LPTh, toutes les personnes exerçant une profession médicale sont habilitées à remettre des médicaments soumis à ordonnance, conformément aux dispositions sur la pro-pharmacie et en veillant à ce que les 27 28

FF 2016 1781 RS 812.21

3291

FF 2018

acteurs en concurrence sur le marché répondent aux mêmes exigences légales de sécurité et de qualité (art. 1, al. 3, let. c, LPTh). Les principales modifications introduites par cette révision devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2019. Il ne sera dès lors plus nécessaire de préciser dans la LAMal que les cantons fixent les conditions auxquelles les médecins sont assimilés aux pharmaciens (actuel art. 37, al. 3).

La réglementation de l'admission des fournisseurs de prestations énumérés à l'art. 35, al. 2, let. c à g, i et m, à pratiquer à la charge de la LAMal (actuel art. 38) figure désormais aux 36a et 37. L'admission des maisons de naissance (art. 35, al. 2, let. i), également visée par l'art. 38, est déjà réglée à l'art. 39, al. 3.

Art. 36a

Médecins et autres fournisseurs de prestations: conditions et charges

Al. 1 Dans le droit actuel, le Conseil fédéral règle l'admission des fournisseurs de prestations, à l'exception des médecins, des pharmaciens, des hôpitaux, des établissements médico-sociaux, des établissements de cure balnéaire et des institutions de soins ambulatoires dispensés par les médecins. Pour ces fournisseurs de prestations, les conditions d'admission sont fixées dans la loi. La nouvelle formulation donne au Conseil fédéral la compétence de fixer lui-même des conditions pour ces fournisseurs de prestations également, afin de garantir que les prestations soient appropriées et leur qualité de haut niveau. Les dentistes sont aussi concernés par cette disposition: le Conseil fédéral réglera dans l'OAMal la mise sur un pied d'égalité avec les médecins, telle qu'elle est prévue dans le droit actuel à l'art. 36, al. 3, LAMal, pour autant qu'il s'agisse de prestations visées à l'art. 31 LAMal.

Al. 2 Le Conseil fédéral pourra fixer, pour les types de fournisseurs de prestations concernés, des conditions relatives à la formation de base et à la formation postgrade en se fondant sur les conditions fixées dans la LPMéd et la LPSan. Il pourra fixer aussi des conditions relatives aux structures nécessaires pour assurer la qualité des prestations, par exemple la mise en place d'un système de gestion de la qualité.

Al. 3 Le Conseil fédéral fixera, en plus des conditions mentionnées aux al. 1 et 2, des charges visant à garantir le caractère économique et la qualité des prestations. Les fournisseurs de prestations devront les respecter pour pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Ces charges porteront notamment sur des mesures de développement de la qualité et sur la communication de données (données nécessaires pour les mesures de développement de la qualité et données permettant de surveiller l'application des dispositions relatives au caractère économique et à la qualité des prestations). Elles comprendront, par exemple, la participation à des réseaux de qualité.

3292

FF 2018

Art. 37

Médecins: conditions particulières

Al. 1 En sus des conditions d'admission visées à l'art. 36a, le Conseil fédéral pourra exiger des fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a, qu'ils possèdent les connaissances du système de santé suisse qui sont requises pour assurer la qualité des prestations et qu'ils se soumettent à un examen pour en apporter la preuve.

L'examen devra être passé dans la langue de la région dans laquelle le médecin demande à être admis. Il ne sera cependant pas nécessaire de répéter l'examen pour être admis dans une autre région linguistique.

Al. 2 Les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a, seront dispensés de d'examen s'ils peuvent attester d'une activité d'au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade.

Al. 3 Les bases matérielles de l'examen seront élaborées par une commission extraparlementaire instituée par le Conseil fédéral conformément aux art. 57a à 57g de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration29. Le Conseil fédéral nommera les membres de la commission et en désignera le président.

La commission comprendra, outre des représentants de la Confédération, une des membres de différents cantons et des catégories de fournisseurs de prestations concernées. Elle surveillera le déroulement de la procédure d'examen, en rendra compte au Conseil fédéral et apportera le cas échéant, au fil du temps, des adaptations au contenu de l'examen. La composition et le mode de travail de la commission seront définis dans l'OAMal. La commission, indépendante des autorités administratives, disposera de son propre secrétariat au sein de l'OFSP. Sur le plan administratif, elle sera rattachée au DFI.

Le Conseil fédéral réglera la perception des taxes d'examen, ainsi que l'organisation, les tâches et les compétences de la commission; il pourra aussi charger le DFI de le faire. Comme pour la LPMéd, ces tâches et compétences seront concrétisées dans une ordonnance.

Al. 4 Enfin, le Conseil fédéral pourra prévoir que les médecins qui travaillent dans une institution au sens de l'art. 35, al. 2, let. n, doivent également apporter la preuve visée à l'al. 1. S'ils n'apportent pas cette preuve, l'admission des institutions au sens de l'art. 35, al. 2, let. n, sera refusée.

29

RS 172.010

3293

FF 2018

Art. 38

Médecins et autres fournisseurs de prestations: surveillance

Al. 1 En plus de la décision d'admission visée à l'art. 36, les cantons seront responsables de surveiller que les charges visées à l'art. 36a, al. 3, sont respectées. L'al. 1 prévoit à cet égard que les cantons instituent une autorité de surveillance. Les cantons restent libres de définir comme ils l'entendent l'organisation et la composition de cette autorité, ainsi que la réglementation de la procédure de surveillance.

Al. 2 Les médecins et autres fournisseurs de prestations du domaine ambulatoire qui ne respectent pas les conditions d'admission et les charges fixées par le Conseil fédéral seront sanctionnés par un avertissement, par une amende pouvant aller jusqu'à 20 000 francs ou par le retrait temporaire (pour une année au plus) ou définitif, pour tout ou partie de leur champ d'activité, de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Les décisions des autorités cantonales de surveillance seront susceptibles de recours auprès d'un tribunal cantonal et pourront ensuite être portées devant le Tribunal fédéral en tant que cause de droit civil (art. 86, al. 2, en relation avec l'art. 82, let. a, LTF).

En cas de violation des exigences relatives à la qualité des prestations, qu'il s'agisse de conditions ou de charges à l'admission, il appartiendra à l'autorité de surveillance prévue à l'art. 38, al. 1, de prononcer une sanction sur la base de l'art. 38, al. 2. Si d'autres dispositions légales relatives à la qualité sont violées par les fournisseurs de prestations, la procédure prévue par l'art. 59 LAMal s'appliquera et la sanction devra donc être prononcée par le tribunal arbitral.

Art. 53, al. 1 L'art. 55a LAMal et les dispositions que le Conseil fédéral pourra édicter sur la base de l'art. 55a, al. 2, ne seront plus directement applicables. Il appartiendra dorénavant au droit cantonal de fixer de manière autonome, dans le cadre du droit fédéral, les conditions de la limitation du nombre de médecins. Ces conditions constitueront dès lors un droit d'exécution cantonal autonome et les décisions prises conformément à l'art. 55a pourront faire l'objet d'un recours devant un tribunal cantonal, dont les décisions pourront à leur tour être portées devant le Tribunal fédéral en tant que cause de droit public en vertu de l'art. 86, al. 2, en relation avec l'art. 82, let. a, LTF.

Par conséquent, il n'est plus nécessaire de mentionner l'art. 55a à l'art. 53, al. 1.

Art. 55a

Limitation du nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires

Al. 1

Cette disposition donne aux cantons la compétence de limiter à un nombre maximal l'admission des médecins qui fournissent des prestations dans le domaine ambulatoire dans un ou plusieurs domaines de spécialité ou dans certaines régions. Les médecins concernés sont ceux qui souhaitent exercer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, dans une institution au sens de l'art. 35, al. 2, let. n, ou dans le 3294

FF 2018

domaine ambulatoire des hôpitaux. Ainsi, toute limitation s'applique à l'ensemble du domaine ambulatoire pour les domaines de spécialité concernés dans le canton en question ou dans les régions concernées du canton.

Al. 2

Lorsqu'ils fixent des nombres maximaux pour certaines catégories de médecins, les cantons ne pourront pas simplement fixer le nombre de médecins admis à exercer une activité dans le domaine ambulatoire par spécialité médicale: ils devront aussi tenir compte de l'évolution générale du taux d'activité de ces personnes. Ils prendront ainsi en considération l'évolution des modes de travail, en particulier l'augmentation du travail à temps partiel, favorisant par là même le maintien des femmes dans le monde du travail.

Par analogie avec la planification hospitalière, le Conseil fédéral pourra définir des principes méthodologiques et des critères pour fixer les nombres maximaux de fournisseurs de prestations, afin de favoriser une application aussi uniforme que possible entre les cantons tout en leur laissant une marge de manoeuvre suffisante. Il est prévu d'appliquer des critères tels que l'accès des assurés aux traitements dans un délai raisonnable ou l'équipement diagnostique ou thérapeutique.

Comme dans le droit actuel, les dentistes seront mis sur un pied d'égalité avec les médecins pour ce qui est de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Al. 3 Les cantons devront consulter les fédérations de fournisseurs de prestations, d'assureurs et d'assurés avant de fixer les nombres maximaux de médecins. La manière dont ces fédérations seront consultées n'est délibérément pas précisée, de manière à laisser une grande marge de manoeuvre aux cantons. Plusieurs formes de consultation sont ainsi envisageables: instauration d'une commission ad hoc, mise en place d'un groupe de travail, consultation par écrit, etc.

S'ils font usage de leur compétence, les cantons devront se coordonner avec leurs voisins, en particulier pour tenir compte de la mobilité croissante des patients et des fournisseurs de prestations. À nouveau, la manière dont les cantons se coordonneront n'est délibérément pas précisée, de manière à leur laisser une grande marge de manoeuvre. Aussi bien l'instauration d'un organe national de coordination que des coordinations régionales plus ou moins formelles sont envisageables.

Al. 4 En leur qualité d'autorités de surveillance sanitaire, les cantons délivrent les autorisations de pratiquer pour les professions médicales universitaires. Ils connaissent donc en
principe le nombre et les diplômes des médecins au bénéfice d'une autorisation de pratiquer sur leur territoire. Ils disposent également des données récoltées auprès des fournisseurs de prestations conformément à l'art. 59a. Ils ne disposent en revanche pas d'informations concernant notamment leur taux d'activité et les flux de patients. Les fournisseurs de prestations et les assureurs, y compris leurs fédérations, devront donc fournir gratuitement aux cantons les informations qui sont nécessaires pour fixer les nombres maximaux et assurer la coordination. En plus des données 3295

FF 2018

existantes, comme les données de facturation et les relevés statistiques des fédérations de médecins, les cantons pourront exiger des fournisseurs de prestations, y compris les hôpitaux, des informations détaillées sur l'activité dans le domaine ambulatoire des médecins qu'ils emploient et toutes autres informations jugées utiles.

Al. 5 Les médecins qui ont été admis avant que les nombres maximaux soient fixés et qui ont pratiqué avant cette date à la charge de l'assurance obligatoire des soins ne sont pas soumis à la limitation des admissions au sens de l'art. 55a. Cette exception s'applique également aux médecins qui ont exercé au sein d'une institution de soins ambulatoires ou dans le domaine ambulatoire d'un hôpital, à condition qu'ils poursuivent leur activité dans la même institution ou dans le service ambulatoire du même hôpital. Cette disposition est nécessaire pour sauvegarder les droits acquis, notamment parce qu'il n'existait pas de limitation des admissions entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2013.

Al. 6 Cette disposition permet aux cantons, lorsqu'ils constatent une augmentation des coûts anormalement élevée dans un ou plusieurs domaines de spécialité, de stopper immédiatement les admissions médecins dans les domaines de spécialités concernés, indépendamment des nombres maximaux fixés conformément aux al. 1 à 4. On considérera qu'une augmentation est anormalement élevée dans deux cas de figure: ­

lorsque les coûts dans un domaine de spécialité augmentent plus fortement que la moyenne des coûts des autres domaines de spécialité dans le canton concerné;

­

lorsque les coûts d'un domaine de spécialité dans le canton concerné augmentent plus fortement que la moyenne des coûts de ce domaine de spécialité dans tous les cantons.

Art. 57, al. 1, 2ème phrase Les dispositions relatives à l'admission des médecins à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins ne sont plus fixées à l'art. 36, mais aux art. 36a et 37. Les renvois contenus à l'art. 57, al. 1, 2ème phrase doivent donc être adaptés.

Dispositions transitoires Le nouvel art. 55a confère aux cantons une compétence qui était jusqu'à présent du ressort du Conseil fédéral. Celui-ci pourra édicter des principes méthodologiques, mais ne fixera plus lui-même de nombres maximaux de médecins admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Il convient de laisser suffisamment de temps aux cantons pour fixer ces nombres maximaux, afin qu'ils puissent consulter les acteurs du domaine concerné et se coordonner, de manière notamment à tenir correctement compte de l'évolution générale du taux d'activité des médecins, conformément à l'art. 55a, al. 2, et de la mobilité des patients. Afin d'éviter une période durant laquelle aucune limitation des admissions ne serait possible, l'al. 1 des dispositions transitoires prévoit que les cantons disposent d'un délai de deux ans à 3296

FF 2018

compter de l'entrée en vigueur de la loi pour procéder aux adaptations nécessaires.

Jusqu'à ce que les réglementations cantonales aient été adaptées, mais pendant deux ans au plus, le droit cantonal en vigueur continuera de s'appliquer pour l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire.

La mise en oeuvre de l'art. 55a LAMal au niveau cantonal constituait jusqu'ici un droit d'exécution cantonal non autonome, et la limitation des admissions au niveau cantonal ne nécessitait pas de bases légales formelles supplémentaires (ATF 130 I 26, consid. 5.3.2.2, et 140 V 574, consid. 5.2.5). L'al. 1 des dispositions transitoires concerne donc aussi les cantons qui n'ont pas édicté jusqu'ici de législation cantonale en lien avec l'art. 55a LAMal.

Pour des raisons de sécurité du droit et de garantie des droits acquis, l'al. 2 des dispositions transitoires prévoit que les fournisseurs de prestations visés à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, qui ont été admis selon le droit actuel à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins seront réputés admis conformément à l'art. 36 du nouveau droit par le canton sur le territoire duquel ils pratiquent à l'entrée en vigueur de cet article.

Dispositions finales La réglementation actuelle relative à la limitation de l'admission (actuel art. 55a) arrivera à échéance le 30 juin 2019. Pour que la transition vers la nouvelle réglementation se fasse sans interruption, le Parlement devra prendre une décision sur le projet lors de la session d'hiver 2018. Ainsi, conformément au ch. III, l'art. 55a LAMal et le ch. II, al. 1, pourront entrer en vigueur le 1er juillet 2019, pour autant qu'aucune demande de référendum n'aboutisse.

Si le Parlement ne peut pas adopter le projet lors de la session d'hiver 2018, le ch. III de l'acte modificateur devra être adapté, de sorte que l'art. 55a et le ch. II, al. 1, entrent en vigueur rétroactivement au 1er juillet 2019. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, une rétroactivité est exceptionnellement possible si elle est expressément prévue par l'acte législatif, si elle est raisonnablement limitée dans le temps (au maximum une année) et si des motifs pertinents la justifient. Par ailleurs, elle doit être justifiée par des intérêts publics prépondérants et ne doit pas entraîner d'inégalités
ou porter atteinte à des tiers ou à des droits acquis. Dans le cas présent, ces conditions seraient remplies. Des motifs pertinents et des intérêts publics prépondérants pourraient notamment justifier une rétroactivité étant donné que sans réglementation cantonale relative à la limitation des admissions, la même situation que celle survenue entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2013 risquerait de se produire. Durant cette période, une forte augmentation de la densité de médecins spécialisés et une hausse importante des coûts à la charge de l'AOS (cf. ch. 1.4) ont été constatées.

3297

FF 2018

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Le dispositif proposé vise à maîtriser l'évolution des coûts des prestations à la charge de la LAMal. Il aura donc pour effet de limiter la hausse des primes payées par les assurés. Les mesures devraient également contribuer à freiner la hausse des subsides octroyés en vertu de l'art. 66, al. 2, LAMal par la Confédération aux cantons pour la réduction des primes des assurés de condition modeste. Ces subsides représentent en 2018 des coûts de près de 2,8 milliards de francs et l'on s'attend encore à ce qu'ils augmentent ces prochaines années.

La mise en place de la procédure d'examen prévue à l'art. 37 du projet entraînera des coûts initiaux estimés à environ 350 000 francs. Ces coûts couvriront la rémunération des membres des commissions qui devront être mises sur pied, des experts et des fournisseurs de services mandatés. Les coûts des examens, estimés à 110 000 francs par session, seront couverts par les taxes d'examen payées par les candidats.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Suivant la forme que prendra l'examen relatif aux connaissances du système de santé suisse et la gestion de cet examen par le secrétariat de la commission, la Confédération pourrait avoir besoin de personnel supplémentaire. Selon les premières estimations, la création d'un ou de deux postes à plein temps, dont un probablement pour une durée limitée, devraient suffire. Le Conseil fédéral devrait décider du financement des postes nécessaires lorsqu'il fixera l'entrée en vigueur de la révision.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le dispositif proposé donne de nouvelles compétences aux cantons. D'une part, ceux-ci devront dorénavant traiter formellement les demandes d'admission à fournir des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins soumises par les personnes visées à l'art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, en vérifiant qu'elles remplissent les conditions d'admission qui seront fixées par le Conseil fédéral. D'autre part, ils devront surveiller que ces personnes respectent les charges liées à l'admission qui seront également fixées par le Conseil fédéral. Ils pourront effectuer ces nouvelles tâches en grande partie en même temps que les tâches de police sanitaire dont les chargent la LPMéd et la LPSan. Ils pourront par ailleurs déléguer une partie de leurs tâches de surveillance aux associations professionnelles cantonales des fournisseurs de prestations.

Les cantons auront par ailleurs la possibilité, et non l'obligation, de fixer des nombres maximaux par domaine de spécialité pour l'admission des médecins. Pour ce 3298

FF 2018

faire, ils devront procéder à un relevé des effectifs, en suivant les critères et principes méthodologiques définis par le Conseil fédéral et en impliquant les principaux acteurs du domaine, afin notamment de tenir correctement compte du taux d'activité des médecins concernés et de l'accès des assurés aux soins. Ils devront également se coordonner pour tenir compte de la mobilité des patients.

La mise en oeuvre de ce dispositif entraînera donc un surcroît de travail ponctuel pour les cantons. Cependant, cette mesure leur permettra de mieux maîtriser l'offre de prestations et d'en améliorer la qualité, ce qui aura pour conséquence de freiner la hausse des coûts.

3.3

Conséquences sanitaires et sociales

La révision proposée vise une meilleure maîtrise des coûts et une amélioration de la qualité. Comme expliqué plus haut, elle aura pour conséquence de limiter la hausse des primes. Le niveau des primes d'assurance-maladie et leur augmentation année après année constituent une préoccupation majeure de la population et des cantons.

En 2018, la prime mensuelle moyenne pour adulte (avec accidents) a augmenté en moyenne de 4,0 %, pour s'établir à 465,30 francs en moyenne suisse (de 354 francs dans le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures à 591,80 francs dans le canton de Bâle-Ville). Les primes pour enfants ont même augmenté de 5,0 % en moyenne et celles pour les jeunes adultes de 4,4 %, pour atteindre respectivement 110,50 francs et 432,50 francs par mois. Pour les personnes de la classe moyenne notamment, qui n'ont pas droit aux subsides de réduction des primes, de tels niveaux de primes peuvent être difficiles à assumer et peuvent même mener au surendettement et à la pauvreté. Limiter la hausse des coûts de la santé doit donc être une priorité de la politique sociale de la Confédération.

Fin 2016, la Suisse comptait 42,7 médecins en exercice pour 10 000 habitants, bien plus que dans la plupart des pays de l'OCDE. Plus de la moitié d'entre eux (23,7) ont facturé des prestations fournies en cabinet ou en institution de soins ambulatoire à la charge de l'assurance obligatoire des soins. La situation des cantons est très variable tant du point de vue de la densité de spécialistes que de l'évolution de cette dernière. En décembre 2011, avant la levée du moratoire, la densité de spécialistes était la plus élevée dans les cantons de Bâle-Ville et de Genève, où elle était presque huit fois supérieure à celle des cantons d'Uri ou d'Obwald. À la fin de 2016, la densité de spécialistes n'est pas devenue plus homogène entre les cantons; au contraire, les différences se sont accentuées: la densité à Bâle-Ville (27,9) est ainsi dix fois supérieure à celle d'Uri (2,8).

Bien que la densité de médecins puisse varier fortement entre les cantons, on ne constate pas de pénurie. Comme relevé dans le rapport du Conseil fédéral du 3 mars 2017 établi en exécution du postulat no 16.3000, on constatait déjà en 2001 dans une étude que le degré de satisfaction de la population quant aux soins reçus, ainsi que le degré de
perception de signes de rationnement tout comme les résultats sanitaires mesurés sous l'angle de la mortalité évitable grâce aux interventions médicales, étaient pratiquement identiques en dépit d'une densité médicale présentant des différences très importantes. Par contre, on observait que cette dernière avait une nette 3299

FF 2018

influence sur l'activité (visites et consultations) et sur les coûts par assuré à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Une densité médicale moindre permet donc de garantir une offre médicale adéquate et d'atteindre le même taux de satisfaction de la population, tout en réduisant les coûts. Or, la densité de médecins en Suisse a encore fortement augmenté depuis 2001. Dans tout le pays, l'accès aux soins dans un délai rapide est garanti. La possibilité de limiter l'admission de certains nouveaux fournisseurs de prestations dans un canton n'aura pas de conséquence négative sur la couverture sanitaire. En revanche, les nouveaux fournisseurs de prestations seront incités à aller s'installer là où il n'y a pas de limitation des admissions. L'offre de soins dans les régions moins bien desservies sera donc améliorée sans péjorer la situation sanitaire dans les autres régions.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201930, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201931.

4.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral a approuvé en janvier 2013 la stratégie globale «Santé2020» (cf.

ch. 1.3.1). Celle-ci comprend 36 mesures, réparties dans quatre domaines d'action, lesquels visent à assurer la qualité de vie, à renforcer l'égalité des chances, à améliorer la qualité des soins et à optimiser la transparence. La gestion des admissions est en lien avec le domaine d'action 4 «Transparence» de la stratégie, le manque de transparence constaté dans le système de santé suisse concernant les prestations fournies, leur utilité et leur coût. Selon la stratégie, l'objectif «Pilotage de la politique de la santé» devrait pouvoir être atteint avec des mesures visant à améliorer la collaboration entre les cantons et la Confédération, à mettre en place de nouvelles solutions de pilotage, à supprimer les blocages lors des négociations tarifaires ou à optimiser le financement hospitalier. Un des projets mis en avant à cet égard est la «gestion stratégique de l'admission». Parmi les priorités du Conseil fédéral pour 2015 figurait l'adoption du message concernant la révision partielle de la LAMal visant à piloter le domaine ambulatoire (cf. ch. 1.1.2). Le projet ayant été rejeté de justesse par le Conseil national au vote final le 18 décembre 2015, l'objectif pour 2016 était d'une part de prolonger l'art. 55a LAMal et d'autre part de réaliser et adopter un rapport en exécution du postulat no 16.3000 de la CSSS-E. Ce rapport a été transmis au Parlement le 3 mars 2017 (cf. ch. 1.1.2). L'adoption du présent message figure parmi les objectifs du Conseil fédéral pour 2018.

30 31

FF 2016 981 FF 2016 4999

3300

FF 2018

Un autre objectif du Conseil fédéral pour 2015 concernait la promotion de la qualité des prestations et des soins, laquelle s'inscrit dans le domaine d'action 3 «Garantir et renforcer la qualité des soins». L'adoption du message sur le renforcement de la qualité et de l'économicité32, la poursuite des programmes pilotes nationaux visant la sécurité des patients et les projets de renforcement de la transparence (développement d'indicateurs de qualité) doivent permettre d'atteindre cet objectif. L'année 2016 a été essentiellement consacrée aux débats parlementaires sur le projet de renforcement de la qualité et de l'économicité. Alors que le Conseil des États, en qualité de premier conseil, avait décidé de ne pas entrer en matière sur le projet, la CSSS-N a décidé l'entrée en matière. Elle en est actuellement à l'examen par article.

La priorité pour les prochaines années est le développement des programmes nationaux, mais aussi l'extension des travaux relatifs à la transparence et à la qualité du secteur médical dans le domaine ambulatoire.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 117 Cst., qui attribue à la Confédération une compétence étendue en matière d'organisation de l'assurance-maladie. L'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins est en grande partie soustraite à la liberté économique (art. 27 Cst.) et doit simplement reposer sur des critères qui tiennent compte de façon appropriée du principe de l'égalité de traitement entre concurrents33. La mise en place d'une procédure d'admission formelle prévue à l'art. 36 LAMal, la définition de conditions d'admission prévue aux art. 36a, al. 1 et 2, et 37, et la possibilité de limiter les admissions en fixant des nombres maximaux pour les fournisseurs de prestations ambulatoires dans un ou plusieurs domaines de spécialité médicale ou dans certaines régions prévue à l'art. 55a respectent ledit principe.

Le projet constitue donc une base formelle claire sur laquelle les restrictions peuvent s'appuyer en toute conformité. Le Tribunal fédéral a estimé par le passé que l'art. 117 Cst. peut être considéré comme une base constitutionnelle implicite pour une disposition qui vise à maîtriser les coûts de la santé (et, partant, à freiner la hausse des primes de l'assurance-maladie). La fixation de nombres maximaux respecte le principe de proportionnalité, car elle doit se référer à un ou plusieurs domaines de spécialité médicale et à certaines régions cantonales; en outre, les fournisseurs de prestations concernés, étant donné la grande diversité en matière d'offre de soins observée sur le territoire suisse, ne sont pas empêchés d'exercer leur profession. Le principe de la confiance est lui aussi respecté, car les fournisseurs de prestations admis avant l'entrée en vigueur des nombres maximaux conservent le droit d'exercer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Enfin, le projet n'entraîne pas de distorsion de la concurrence, car les nouveaux acteurs ne sont pas durablement ni complètement exclus du marché, mais y ont un accès restreint ou au contraire facilité sur la base de critères transparents définis préalablement conformément aux 32 33

FF 2016 217 ATF 130 I 26, consid. 4.5, et 132 V 6, consid. 2.5.3 ss.

3301

FF 2018

art. 36 ss et 55a LAMal. Rappelons encore que le Tribunal fédéral a statué que la liberté économique, si elle n'accorde pas le droit à l'encouragement des entreprises par l'État, ne peut pas non plus donner aux médecins en pratique privée le droit de fournir des prestations à la charge de l'assurance-maladie sociale en quantité illimitée34.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

L'art. 3 du traité sur l'Union européenne35 assigne à l'UE la tâche de promouvoir la justice et la protection sociales. La libre circulation des travailleurs au sein de l'UE est réglée à l'art. 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne36.

L'objectif de l'ALCP est, en particulier, d'accorder en faveur des ressortissants des États membres de l'Union européenne et de la Suisse un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (art. 1, let. a, ALCP).

L'art. 1, let. d, ALCP accorde aux ressortissants des États membres de l'Union européenne et de la Suisse les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. Il est donc prévu que les ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas discriminés en raison de leur nationalité (art. 2 ALCP) et que le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti conformément aux dispositions de l'annexe I ALCP (art. 4 ALCP). En conséquence, l'ALCP prévoit, à l'art. 7, let. a, que les parties contractantes règlent en particulier le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail.

La libre circulation des personnes nécessite une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, comme le prévoit l'art. 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le droit européen ne prévoit cependant pas une harmonisation des systèmes nationaux de sécurité sociale. Les États membres conservent la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement (CE) no 883/200437 et le règlement d'application no 987/200938, que la Suisse est tenue d'appliquer en vertu des art. 8 et 16, par. 1, et de l'annexe II ALCP.

Outre les annexes I et II de l'ALCP, il faut aussi citer l'annexe III de l'ALCP (Reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles), qui a pour objectif de 34 35 36 37

38

ATF 130 I 26, consid. 4.5 JO C 191 du 29.7.1992, p. 1.

JO C 326 du 26.10.2012, p. 1.

Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29.4.2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 166 du 30.4.2004, p. 1; une version consolidée de ce règlement est publiée, à titre informatif, au RS 0.831.109.268.1.

Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16.9.2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, JO L 284 du 30.10.2009, p. 1; une version consolidée de ce règlement est publiée, à titre informatif, au RS 0.831.109.268.11.

3302

FF 2018

faciliter aux ressortissants des États membres de l'Union européenne et de la Suisse l'accès à une activité lucrative et l'exercice de celle-ci. Il faut aussi tenir compte de l'art. 55 de la directive 2005/36/CE, qui fixe les principes à respecter par les médecins pour pratiquer en tant que médecin conventionné d'une caisse d'assurancemaladie.

Le domaine ambulatoire est piloté d'une manière ou d'une autre dans de très nombreux pays (voir ch. 1.5), dans le respect des règles convenues sur le plan international. Le droit européen fixe certes des normes dans le domaine de la libre circulation des personnes, mais sans harmoniser les systèmes nationaux de sécurité sociale. Les États sont donc libres de régler ces questions comme ils l'entendent.

En ce sens, la nouvelle règle prévue à l'art. 37, al. 1, LAMal (examen pour prouver des connaissances suffisantes du système de santé suisse) n'est pas en contradiction avec l'ALCP, car elle ne fait pas dépendre d'un stage préparatoire ou d'une période d'expérience professionnelle l'admission des personnes qui ont acquis leur diplôme de médecin hors de l'UE à pratiquer en tant que médecin conventionné d'une caissemaladie conformément à l'art. 55 de la directive 2005/36/CE. L'exception prévue à l'art. 37, al. 2, LAMal, selon laquelle les médecins qui ont travaillé au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade sont dispensés de l'examen, se justifie par l'intérêt public à garantir la sécurité des patients et la qualité du système de santé suisse. Elle est aussi conforme au principe de proportionnalité, principe dont il sera également tenu compte lors de la mise en oeuvre concrète des mesures. Le projet de loi est donc bien compatible avec l'ALCP. Selon la nouvelle jurisprudence développée par le Tribunal administratif fédéral, qui concerne l'actuelle exception fixée à l'art. 55a, al. 2, LAMal, la libre circulation des personnes peut être limitée pour des raisons de santé publique. Il est donc probable que les tribunaux jugeront l'exception prévue à l'art. 37, al. 2, LAMal, compatible avec l'ALCP (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4852/2015 du 8 mars 2018, consid. 9.6).

5.3

Forme de l'acte à adopter

Aux termes de l'art. 164 Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Le présent projet répond à cette exigence.

Conformément à l'art. 141, al. 1, let. a, Cst., les lois fédérales sont sujettes au référendum. Le présent projet prévoit expressément cette possibilité.

5.4

Frein aux dépenses

L'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit, afin de freiner les dépenses, que les dispositions relatives aux subventions, ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses, s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs, doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil. Étant donné que le projet

3303

FF 2018

ne contient ni dispositions relatives aux subventions ni décisions de financement, il n'est pas soumis au frein aux dépenses.

5.5

Délégation de compétences législatives

L'art. 96 LAMal donne au Conseil fédéral la compétence d'édicter des dispositions d'exécution dans le domaine de l'assurance-maladie. Le présent projet l'autorise à édicter des dispositions dans les domaines suivants: ­

réglementation de l'admission des fournisseurs de prestations et définition de conditions relatives au caractère économique et à la qualité (art. 36a, al. 1 et 2);

­

imposition de charges (art. 36a, al. 3);

­

instauration d'une procédure d'examen servant à prouver la possession de connaissances suffisantes du système de santé suisse pour assurer la qualité des prestations et définition de cette procédure, y compris réglementation des tâches et des compétences de la commission (art. 37);

­

définition de principes méthodologiques et de critères supplémentaires pour la détermination des nombres maximaux de personnes visés à l'art. 55a, al. 1 (art. 55a, al. 2).

3304