01.300 Initiative du canton du Jura Suppression des amendes «héréditaires» en matière fiscale Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 26 janvier 2004

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21novies de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC)1, la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de loi ci-joint.

26 janvier 2004

Pour la commission: Le président, Rolf Schweiger

1

Voir art. 173, ch. 3, LParl (RS 171.10)

2004-0188

1315

Condensé Conformément au but de l'initiative du canton du Jura, la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats propose de supprimer les art. 179 LIFD et 57, al. 3, LHID qui consacrent le principe de la responsabilité des héritiers pour les amendes fiscales. Elle tient ainsi compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui considère que de telles amendes sont strictement personnelles et ne peuvent être héritées. Elle tient aussi compte de l'art. 48, ch. 3, du code pénal, selon lequel l'amende est éteinte par la mort du condamné.

1316

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

L'initiative du canton du Jura

Le 15 janvier 2001, le canton du Jura a déposé une initiative visant l'abrogation de l'art. 179 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11). Cette disposition prévoit que les héritiers d'un contribuable qui a commis une soustraction d'impôt répondent, solidairement et indépendamment de toute faute de leur part, des amendes fixées par une décision entrée en force jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie. Lorsque, au décès du contribuable, la procédure en soustraction n'est pas encore close par une décision entrée en force ou qu'elle n'est introduite qu'après le décès, aucune amende n'est perçue, pour autant que les héritiers ne soient en rien responsables de l'imposition inexacte et qu'ils assistent les autorités fiscales dans toute la mesure du possible pour établir les éléments soustraits. Dans deux arrêts rendus en 1997 à l'encontre de la Suisse2, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que cette disposition était contraire à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101).

Le Conseil des Etats a donné suite à cette initaitive le 11 mars 2002. Le Conseil national a pris la même décision le 11 mars 2003. En application de l'art. 21novies de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a été chargée d'élaborer un projet d'acte législatif.

1.2

Les divers travaux en matière d'amnistie fiscale depuis les années 1990

1.2.1

En général

Par une motion déposée par le conseiller aux Etats Delalay (92.3249 Amnistie fiscale générale), le Conseil fédéral fut chargé de préparer la législation instituant une amnistie fiscale générale entre 1993 et 1997, ayant effet pour les impôts fédéraux, cantonaux et communaux. Le Conseil fédéral élabora alors un projet qu'il mit en consultation le 31 mars 1995. Au vu des résultats de cette consultation (14 cantons s'étaient opposés à tout projet d'amnistie fiscale générale), le Conseil fédéral proposa le classement de la motion dans un rapport du 25 octobre 1995 (95.077 )3.

Après la décision du Conseil des Etats du 19 mars 1997 de classer une initiative parlementaire Delalay qui demandait la mise en oeuvre d'une amnistie fiscale générale (94.426)4, la commission entreprit l'élaboration d'un projet d'amnistie individuelle basée sur le principe de la dénonciation spontanée, sans conséquences péna2 3

4

A.P., M.P. et T.P. c. Suisse (no 71/1996/690/882) et E.L., R.L. et J.O.-L. c. Suisse (no 75/1996/694/886) FF 1995 IV 1591. La motion a été classée dans le cadre de l'examen du rapport de gestion 2002 (Rapport complémentaire des commissions de gestion; décision CE du 4.6.2003; décision CN du 5.6.2003) BO 1997 E 282 ss

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les. Le 22 mars 1999, elle adopta un avant-projet dans ce sens, modifiant la LIFD et la loi sur l'harmonisation sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14). Elle chargea le Conseil fédéral d'organiser une procédure de consultation. Lors de sa séance du 18 mai 2000, la commission prit connaissance des résultats de la consultation. Ce projet avait été bien accueilli par 21 cantons. Pour plusieurs partis politiques et organisations, il n'allait pas assez loin; certains ont exprimé leur préférence pour une amnistie générale. La commission décida toutefois de suspendre ses travaux parce que le Conseil fédéral avait arrêté, en mars 2000, une stratégie destinée à harmoniser les réformes fiscales à venir avec sa politique budgétaire. Cette stratégie comprenait un nouveau projet d'amnistie fiscale générale et une consultation était annoncée pour l'année en cours5. Le 27 juin 2001, le Conseil fédéral rejeta le projet du DFF.

Le 10 avril 2003, la commission décida de donner suite à une initiative du canton du Tessin (02.308) qui demandait la mise en oeuvre d'une amnistie fiscale générale pour les impôts fédéraux et cantonaux. Dans ce contexte, elle confirma sa décision de laisser en suspens son projet de dénonciation spontanée sans conséquences pénales, jusqu'à ce que le Parlement se soit prononcé sur la suite à donner à cette initiative cantonale6.

1.2.2

L'amnistie fiscale pour les héritiers

En mars 1997, le conseiller aux Etats Dick Marty et le conseiller national Pelli déposèrent chacun une motion (97.3087 et 97.3125: Amnistie fiscale pour les héritiers), de même teneur, qui chargeait le Conseil fédéral de proposer une modification de la législation fiscale afin d'instituer le principe d'une amnistie fiscale par laquelle il serait renoncé au recouvrement de l'impôt et à l'amende pour les héritiers qui présentent un inventaire complet des biens ayant appartenu au défunt. Ces deux motions ont été transformées en postulat7.

Le 11 mars 2002, le Conseil des Etats décida de ne pas donner suite à une initiative du canton du Tessin (01.301 Suppression des amendes «héréditaires» en matière fiscale) qui voulait donner aux cantons la possibilité de renoncer non seulement à l'amende mais aussi au rappel d'impôt en faveur des héritiers qui présenteraient un inventaire complet des biens du défunt. Le Conseil national y donna suite le 11 mars 2003. Sur proposition de sa commission des affaires juridiques, le Conseil des Etats confirma sa décision de ne pas donner suite le 3 juin 2003. La commission était d'avis qu'il convenait de se diriger plutôt vers une amnistie générale. L'initiative du canton du Tessin fut ainsi rayée de la liste des objets à traiter (art. 21octies, al. 5, LREC).

Le 25 juin 2003, le Conseil fédéral mit en consultation un projet comprenant une simplification du rappel d'impôt en cas de succession, l'abrogation de la responsabilité des héritiers pour les amendes dues par le défunt et l'introduction de la dénonciation spontanée sans conséquence pénale.

5 6 7

Communiqué de presse du DFF du 13 mars 2000 Le Conseil des Etats a donné suite à l'initiative le 3 juin 2003 Ils ont été classés dans le cadre du rapport de gestion 2002 (Rapport complémentaire des commissions de gestion; décision du CE du 4.6.2003; décision du CN du 5.6.2003)

1318

1.3

Travaux de la commission

Il ressort des divers travaux effectués jusqu'à présent que les avis divergent profondément sur l'opportunité, l'ampleur et les modalités d'une amnistie fiscale, tant pour les contribuables que pour leurs héritiers. Il est peu probable qu'un projet puisse être adopté à plus ou moins brève échéance. La question de la responsabilité des héritiers pour les amendes fiscales du de cujus n'est en revanche pas contestée. C'est pourquoi la commission est d'avis qu'il faut la sortir du contexte global de l'amnistie fiscale et procéder sans plus attendre aux modifications législatives nécessaires afin que le droit suisse soit conforme à la CEDH.

L'avant-projet de la commission du 22 mars 1999 relatif à la dénonciation spontanée sans conséquences pénales traitait aussi la responsabilité des héritiers pour les amendes infligées au contribuable décédé. La majorité de la commission avait proposé de supprimer entièrement cette responsabilité, en abrogeant l'art. 179 LIFD et l'art. 57, al. 3, LHID. Une minorité voulait que les héritiers restent responsables pour les amendes fixées par des décisions entrées en force. Dans le cadre de la consultation de 1999, 19 cantons et trois partis politiques se prononcèrent pour la solution préconisée par la minorité. La proposition de la majorité de la commission rencontra l'approbation de six cantons seulement et d'un parti.

La commission a pu largement reprendre les travaux qu'elle avait effectués en 1999.

Le 26 janvier 2004, elle a approuvé le présent rapport et le projet de loi à l'unanimité.

1.4

Droit comparé

Allemagne: Selon le paragraphe 45 AO (Abgabenordnung), les créances et les dettes fiscales du défunt passent à ses héritiers en cas de succession à titre universel. En revanche, ce n'est pas le cas pour les astreintes, car ces dernières sont destinées à forcer le contribuable à agir. La soustraction fiscale est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement de cinq ans (§ 370 AO). Une peine privative de liberté ne peut pas être héritée. En vertu du § 459c, al. 3, StPO (Strafprozessordnung), une amende ne peut pas être exécutée dans la succession du condamné.

En Autriche, ce problème est réglé dans la FinStrG (Finanzstrafgesetz). Le § 173 FinStrG précise qu'une amende est strictement personnelle et, par conséquent, qu'elle ne passe pas aux héritiers. Si l'accusé décède après l'entrée en vigueur du jugement mais qu'il n'a pas eu le temps de payer l'amende, cette obligation ne passe pas à ses héritiers et ne grève donc pas la succession.

France: Selon le droit fiscal français, non seulement des amendes, mais encore des majorations et des intérêts moratoires sont infligés à titre de peine en cas de soustraction d'impôt. A propos du traitement de ces amendes, majorations et intérêts en cas de décès du contribuable, le al. 3 de l'art. 1736 CGI (Code Général des Impôts) précise: «En cas de décès du contrevenant ou s'il s'agit d'une société, en cas de dissolution, les amendes, majorations et intérêts dont il s'agit constituent une charge de la succession ou de la liquidation.». En fin de compte, seul l'héritier qui répudie la succession est libéré des amendes, des majorations et des intérêts infligés au défunt.

1319

Italie: Le droit fiscal italien connaît aussi bien des sanctions administratives que pénales (peines privatives de liberté). Selon l'«Annuario del contribuente 2003», publié par l'Administration fiscale italienne (Agenzia delle Entrate), les sanctions administratives ne passent pas aux héritiers du contrevenant.

2

Grandes lignes du projet

2.1

La responsabilité des héritiers: une violation de la Convention européenne des droits de l'homme

L'initiative du canton du Jura se fonde sur deux arrêts que la Cour européenne des droits de l'homme a prononcés le 29 août 1997 contre la Suisse8.

Dans ces deux arrêts, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu que la responsabilité des héritiers pour les amendes que le défunt aurait dû payer en raison de soustractions fiscales est contraire à l'art. 6, al. 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 1.101). Cet alinéa fonde la présomption d'innocence et a la teneur suivante: Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Les deux cas avaient été traités en Suisse selon l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD), qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994. Le texte de l'art. 130, al. 1, de cet arrêté est le suivant: Si le montant soustrait, ainsi que l'amende, ne sont pas encore payés au moment du décès du contribuable, les obligations qui en résultent passent aux héritiers et ces derniers en sont responsables solidairement jusqu'à concurrence de leur part héréditaire. Si la procédure prévue par l'art. 132 est en cours au moment du décès, les héritiers se substituent au défunt. Si la soustraction n'est découverte qu'après la mort du contribuable, la procédure est engagée et poursuivie contre ses héritiers et ceux-ci répondent solidairement de l'impôt soustrait et des amendes encourues par le défunt, jusqu'à concurrence du montant de leur part héréditaire, même si aucune faute ne leur est imputable.

Le Tribunal fédéral avait donné raison aux autorités fiscales (ATF du 5 juillet 1991 en la cause héritier P. contre l'administration fiscale du canton de Zurich et la Commission de recours en matière d'impôt fédéral direct du canton de Zurich, publié dans l'ATF 117 Ib 367; ATF du 22 mai 1992 en la cause Administration fédérale des contributions contre héritier L. et commission de recours fiscale du canton d'Obwald, pas publié). Dans les deux cas jugés par la Cour européenne des Droits de l'Homme, les soustractions n'ont été constatées qu'après le décès du contribuable concerné. Par conséquent, les procédures pour soustraction n'ont été engagées et appliquées que contre les héritiers. En d'autres termes, aucune décision de rappel d'impôt ou d'amende n'avait encore été prise au moment du décès du contribuable.

8

Voir la note de bas de page no 2.

1320

Le Tribunal fédéral a donc révisé ses deux arrêts à la lumière des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme (art. 139a OJ).

2.2

Droit en vigueur

2.2.1

Impôt fédéral direct

La LIFD, en vigueur depuis le 1er janvier 1995, contient également la notion de responsabilité des héritiers d'un contribuable. En effet, à l'art. 179, la LIFD prescrit ceci: Les héritiers d'un contribuable qui a commis une soustraction d'impôt répondent, solidairement et indépendamment de toute faute de leur part, des amendes fixées par une décision entrée en force jusqu'à concurrence de leur part héréditaire, y compris les avancements d'hoirie.

1

Lorsque, au décès du contribuable, la procédure en soustraction n'est pas encore close par une décision entrée en force ou qu'elle n'est introduite qu'après le décès, aucune amende n'est perçue, pour autant que les héritiers ne soient en rien responsables de l'imposition inexacte et qu'ils assistent les autorités fiscales dans toute la mesure du possible pour établir les éléments soustraits.

2

Le al. 1 concerne les cas dans lesquels l'amende est déjà entrée en force au moment du décès du contribuable. Le al. 2 concerne les cas dans lesquels l'amende n'est pas encore entrée en force au moment du décès du contribuable. Selon l'art. 179 LIFD, les héritiers peuvent donc demander à être exemptés de l'amende, ce qui n'était pas le cas lorsque l'AIFD était en vigueur (art. 130, al. 1).

2.2.2

Impôts cantonaux et communaux

L'art. 129 Cst. (art. 42quinquies aCst.) prévoit l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. C'est pourquoi, parallèlement à la LIFD, l'Assemblée fédérale a arrêté la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) le 14 décembre 1990. Selon l'art. 129 Cst., le droit pénal en matière fiscale fait partie de l'harmonisation fiscale.

Par conséquent, l'art. 57, al. 3, LHID contient une disposition conforme à l'art. 179 LIFD: Les héritiers d'un contribuable qui a commis une soustraction d'impôt au sens de l'art. 56, al. 1, répondront, solidairement et indépendamment de toute faute de leur part, des amendes fixées par une décision entrée en force jusqu'à concurrence de leur part d'héritage, y compris les avancements d'hoirie. Si, au décès du contribuable, la procédure en soustraction n'a pas été close par une décision entrée en force ou qu'elle n'a été introduite qu'après son décès, aucune amende ne sera perçue, pour autant que les héritiers n'aient été en rien responsables de l'imposition inexacte et qu'ils aient assisté les autorités fiscales dans toute la mesure du possible pour établir les éléments soustraits.

3

1321

Dans cette disposition également, la responsabilité des héritiers varie selon que l'amende infligée au défunt est déjà entrée en force avant sa mort ou non, à l'instar de la disposition de l'art. 179 LIFD.

2.3

Maintien de la responsabilité des héritiers pour les amendes infligées au contrevenant avant sa mort?

La commission a examiné dans quelle mesure le maintien de la responsabilité des héritiers pour les amendes infligées au contrevenant avant sa mort était compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et quelle était la marge de manoeuvre de la Suisse dans ce contexte. Dans la procédure de consultation de 1999, une majorité des milieux consultés s'était en effet prononcée en faveur de la proposition de minorité qui préconisait le maintien d'une telle responsabilité pour les amendes passées en force (voir ch. 1.3 ci-dessus).

2.3.1

Dispositions du Code pénal suisse

L'amende est une peine qui est prévue également dans le code pénal suisse (CP; RS 311.0), aux art. 48 à 50. Le ch. 3 de l'art. 48 le résume laconiquement: L'amende est éteinte par la mort du condamné.

Cette disposition ne se fonde pas sur la question de savoir si l'amende a été infligée avant ou après la mort du condamné. La disposition de l'art. 179 LIFD (anciennement art. 130, al. 1, AIFD) déroge donc aux dispositions générales du Code pénal.

Elle est d'ailleurs critiquée par la doctrine9, d'après laquelle l'amende est une peine personnelle, qui par conséquent ne peut pas s'hériter. La responsabilité des héritiers est contraire, d'une part, au principe selon lequel une peine ne peut être infligée qu'à la personne qui porte la culpabilité de l'acte et, d'autre part, au principe de la présomption d'innocence.

2.3.2

Article 179 LIFD et Constitution fédérale

L'art. 48, ch. 3, CP est dans les dispositions générales du Code pénal. L'art. 333, al. 1, CP prescrit ce qui suit: Les dispositions générales du présent code sont applicables aux infractions prévues par d'autres lois fédérales, à moins que celles-ci ne contiennent des dispositions sur la matière.

1

En soi, cette disposition permettrait une réglementation dérogeant au ch. 3 de l'art. 48 CP pour l'impôt fédéral direct. Cependant, il reste à analyser l'art. 179 LIFD à la lumière de la Constitution. En vertu de l'art. 5, al. 4, Cst., la Confédération et les cantons sont tenus de respecter le droit international. En outre, selon 9

S. Trechsel, Strafbarkeit der Erben wegen Steuerhinterziehung des Erblassers, recht 1993, p. 16 ss S. Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd.. Zurich, p. 232 Barbara Amsler/Jürg Sollberger,Basler Kommentar, p. 779 ss

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l'art. 191 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Le principe de la primauté du droit international sur le droit national ressort donc clairement de cette disposition (ainsi que d'autres dispositions) de la Constitution fédérale. Or, la CEDH, que la Suisse a également ratifiée, fait partie du droit international. Ainsi, s'il ressort sans ambiguïté de la CEDH que les héritiers ne sont pas responsables de payer les amendes infligées au défunt, la Suisse doit adapter sa législation. En effet, en vertu de la Constitution, le législateur, qui n'a pas le droit d'édicter des dispositions contraires au droit international, est également tenu d'abroger toute disposition contraire à ce droit. La disposition de l'art. 179 LIFD, qui est contraire au droit international, doit par conséquent être abrogée en vertu de la Constitution. De plus, l'abrogation de cette disposition rendrait la LIFD conforme aux dispositions générales du Code pénal sur ce point.

La commission propose donc de supprimer l'art. 179 LIFD.

2.3.3

Article 57, alinéa 3, LHID et Constitution fédérale

Selon le ch. 2 de l'art. 335 CP, les cantons conservent le pouvoir d'édicter les dispositions pénales nécessaires pour assurer l'observation du droit cantonal en matière fiscale. Toutefois, les cantons sont tenus de respecter les dispositions de la LHID.

Ainsi, s'il s'avère que l'art. 179 LIFD est contraire à la CEDH et, par conséquent, anticonstitutionnel, il en va de de l'art. 57, al. 3, LHID, car le al. 4 de l'art. 5 Cst.

prescrit que la Confédération et les cantons doivent respecter le droit international et, donc, la CEDH. C'est pourquoi la responsabilité des héritiers de payer les amendes du défunt doit être abrogée dans le droit fiscal cantonal également.

La commission propose donc de supprimer l'art. 57, al. 3, LHID.

3

Droit transitoire

On ne peut totalement exclure que des amendes aient été infligées aux héritiers de contribuables fautifs après le prononcé des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme de 1997. Etant donné que la CEDH a constaté que la responsabilité des héritiers pour de telles amendes est contraire à l'art. 6 CEDH, ces amendes ne devraient plus être exécutées.

La question se pose notamment dans le contexte de la mainlevée définitive de l'opposition, des actes de défaut de biens et de la possibilité pour les autorités fiscales de percevoir ces amendes par compensation auprès des héritiers.

Selon l'art. 81, al. 1, LP (RS 281.1), la mainlevée définitive de l'opposition n'est accordée que si un jugement exécutoire a été prononcé en faveur du créancier. S'il existe en revanche une règle transitoire interdisant l'exécution d'un prononcé d'amende, le juge de la mainlevée est tenu de rejeter la demande de mainlevée définitive de l'opposition. Le tribunal est tenu d'office de vérifier si un jugement exécutoire a été prononcé. En tout état de cause, le débiteur poursuivi peut formuler son objection, car l'art. 81 LP n'énumère pas tous les moyens de défense dont il dispose (Staehelin/Bauer/Staehelin, SchKG-Kommentar/Staehelin Daniel, art. 81 ch. marg. 2). En revanche, si aucune règle transitoire n'est prévue, le jugement 1323

resterait exécutoire, malgré la modification postérieure de la situation juridique.

Dans ce cas, le juge serait donc tenu d'accorder la mainlevée définitive de l'opposition. Cette situation, qui n'est pas satisfaisante, doit être évitée par une réglementation transitoire.

Selon l'art. 149, al. 2, LP, l'acte de défaut de biens vaut comme reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP et, donc, comme titre donnant droit à la mainlevée provisoire. Le tribunal prononce la mainlevée provisoire si le débiteur poursuivi ne fait pas valoir des exceptions rendant vraisemblable sa libération (art. 82, al. 2, LP).

Il est à noter que le terme «exceptions» englobe également les moyens d'opposition.

Le débiteur poursuivi peut donc alléguer des faits réfutant le droit ou empêchant son application (Staehelin/Bauer/Staehelin, SchKG-Kommentar/Staehelin Daniel, art.

82, ch. marg. 83). Ainsi, le débiteur poursuivi a la possibilité de faire valoir que l'amende sur laquelle porte l'acte de défaut de biens n'est pas exécutoire. En outre, l'acte de défaut de biens dispense le créancier du commandement de payer, s'il continue la poursuite dans les six mois suivant la réception de l'acte de défaut de biens (art. 149, al. 3, LP). Dans ce cas, aucune procédure de mainlevée n'est nécessaire et le débiteur poursuivi n'a pas la possibilité d'alléguer l'exception que le prononcé de l'amende n'est plus exécutoire. Par conséquent, il est nécessaire d'instaurer une règle transitoire supprimant le caractère exécutoire de tous les actes de défaut de biens fondés sur des prononcés d'amendes en vertu de l'art. 179 LIFD ou de l'art. 57, al. 3, LHID.

Dans le droit privé, la compensation est soumise à certaines conditions: il faut notamment que la créance qui doit être compensée ne comporte ni des objections sur son existence même, ni des exceptions qui justifient le droit de refuser la prestation de l'opposant à la compensation (Basler Kommentar/ Wolfgang Peter, art. 120 CO, ch. marg. 3). Une exception s'oppose à l'exécution de la compensation (Schwenzer Ingeborg, Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, ch. marg. 4.34): si une règle interdit que les amendes prononcées soient exécutées, le paiement de ces amendes ne peut plus être exigé. Dans ce cas en effet, une exception s'opposerait à la compensation en justifiant le droit de refuser
la prestation de l'opposant à la compensation. Toutefois, ces commentaires se fondent sur le droit privé. Or, on peut se demander dans quelle mesure il est possible de faire valoir des normes de droit privé dans le cadre de la compensation d'amendes.

Enfin, la personne concernée devrait avoir la possibilité d'exiger que les éventuelles inscriptions ayant trait à des prononcés d'amendes en vertu de l'art. 179 LIFD ou de l'art. 57, al. 3, LHID soient radiées du registre des poursuites (en particulier les inscriptions relatives à des commandements de payer et à des actes de défaut de biens).

Afin de clarifier la situation juridique, la commission propose d'inscrire des règles transitoires dans la LIFD et dans la LHID. D'un côté, ces règles doivent supprimer, en général, le caractère exécutoire des prononcés d'amendes dont il est question ici et, en particulier, interdire la compensation et l'exécution des actes de défaut de biens correspondants. De l'autre côté, ces règles doivent permettre au débiteur poursuivi d'exiger que les inscriptions relatives à la poursuite soient radiées du registre des poursuites.

Une règle analogue existe en droit pénal. L'art. 336, let. a, CP prescrit que la peine pour un acte n'étant plus punissable selon le CP ne pourra plus être exécutée.

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4

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Les modifications législatives proposées n'entraîneront ni dépenses supplémentaires à charge de la Confédération, des cantons ou des communes, ni effets sur l'état du personnel.

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Constitutionnalité

La compétence de la Confédération pour édicter des principes régissant l'imposition et l'harmonisation fiscale se fonde sur les art. 127 et 129 de la Constitution.

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