04.039 Message concernant l'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» du 7 juin 2004

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message concernant l'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» et vous proposons de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Si vous deviez considérer le message du 9 décembre 2002 concernant la révision de la loi sur la protection des animaux1 comme un contre-projet indirect à l'initiative populaire, nous pourrions soutenir ce contre-projet.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 juin 2004

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Joseph Deiss La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

1

FF 2003 595

2004-0691

3077

Condensé L'initiative demande une modification de l'art. 80 de la Constitution fédérale (Cst.).

Selon les termes de l'initiative, la Confédération doit légiférer sur la protection des animaux, comme jusqu'à présent, mais en respectant les principes énoncés dans neuf paragraphes du texte de l'initiative. L'initiative attribue l'exécution aux cantons, mais exige néanmoins que la Confédération règle l'exécution par les cantons.

Elle subordonne cette disposition à deux règles restrictives qu'elle désigne par le terme de «principes».

L'actuel art. 80 de la Constitution charge la Confédération de légiférer sur la protection des animaux; il contient une liste de six domaines que la Confédération doit réglementer et attribue l'exécution aux cantons dans une large mesure. Cet article confère aux autorités législatives la compétence de fixer l'étendue de la protection dont les animaux doivent bénéficier et les détails de l'exécution. En se fondant sur cet article de la Constitution, les Chambres fédérales ont édicté, en 1978, la loi sur la protection des animaux, et le Conseil fédéral, l'ordonnance correspondante. La loi fait actuellement l'objet d'une révision: le Conseil fédéral a adopté, le 9 décembre 2002, le message concernant cette révision.

Le classement des dispositions sur la protection des animaux en fonction du niveau législatif approprié ­ le domaine à réglementer dans la Constitution, l'étendue de la protection dans la loi et les règles directement applicables dans l'ordonnance ­ permet d'adapter en temps utile la protection des animaux aux nouvelles connaissances scientifiques et de tenir compte de l'évolution de la conception de la protection des animaux dans la population.

L'initiative populaire propose une autre approche: elle contient une liste de principes dont devrait s'inspirer la Confédération lorsqu'elle élabore la législation sur la protection des animaux. Ces principes englobent, pour la plupart, des exigences déjà contenues dans la loi ou l'ordonnance ou proposées au Parlement dans le cadre de la révision de la loi. Ils devraient figurer à des niveaux législatifs différents. Ces principes ont un caractère lacunaire et arbitraire.

Le problème majeur de l'initiative est qu'elle viole plusieurs traités internationaux: l'interdiction du transit et de l'exportation des animaux de
boucherie vivants enfreint l'Accord conclu entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (plus exactement l'annexe 6 de cet accord); l'interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale qui n'ont pas été respectivement détenus ou obtenus à l'étranger conformément aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux constitue, d'une part, une violation de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1994) de l'OMC et, d'autre part, une infraction à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au Pacte II des Nations Unies. L'examen de la question de savoir si les conditions pour déclarer nulle la totalité ou une partie de l'initiative en application de l'art.

139, al. 3, Cst. sont remplies a montré que les parties de traités violées n'étaient pas «des normes impératives du droit international» au sens de l'art. 139, al. 3, Cst. et

3078

que les interdictions contenues dans l'initiative ne pouvaient donc être déclarées nulles par le Parlement, bien que l'acceptation de l'initiative sur ces points pourrait avoir de graves répercussions sur tout le pays.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'actuelle disposition de la Constitution sur la protection des animaux a fait ses preuves. Par son message concernant la révision de la loi sur la protection des animaux, il a lancé une modernisation des dispositions d'exécution. Le Conseil fédéral propose par conséquent de rejeter l'initiative «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» sans lui proposer de contre-projet direct.

Il soutiendrait les Chambres fédérales si elles devaient considérer son message concernant la révision de la loi sur la protection des animaux comme un contreprojet indirect à l'initiative.

3079

Table des matières

Condensé

3078

1 Considérations formelles 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement 1.3 Validité de l'initiative 1.3.1 Unité de la forme 1.3.2 Unité de la matière 1.3.3 Compatibilité de l'initiative avec le droit international 1.3.3.1 Remarques essentielles 1.3.3.2 Interdiction du transit et de l'exportation des animaux de boucherie vivants (proposition de l'initiative art. 80, al. 2, let. c, Cst.)

1.3.3.3 Interdiction des importations d'animaux et de produits d'origine animale respectivement détenus ou obtenus à l'étranger de façon non conforme aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux (proposition de l'initiative art. 80, al. 2, let. i, Cst.)

1.3.3.4 La notion de règles impératives du droit international

3082 3082 3083 3083 3083 3083 3084 3084

2 Le choix du niveau législatif

3089

3 Concernant la notion de «principes»

3090

4 Ordre juridique en vigueur en Suisse

3091

3084

3085 3087

5 Commentaire des dispositions de l'initiative

3092

6 Appréciation de l'initiative 6.1 Remarques générales 6.2 Contexte international 6.3 Vue d'ensemble des normes du droit international qui seraient violées 6.3.1 Convention européenne des droits de l'homme 6.3.2 Pacte II des Nations Unies 6.3.3 Accord du GATT/OMC 6.3.4 Accord avec la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de personnes par rail et par route 6.4 Conséquences sur les finances et sur le personnel 6.5 Répercussions économiques

3102 3102 3103 3104 3104 3105 3105

7 Position du Conseil fédéral 7.1 Remarques générales 7.2 Rapport avec la révision en cours de la loi sur la protection des animaux 7.3 La question du contre-projet

3108 3108

3080

3106 3107 3107

3109 3111

8 Conclusions

3112

Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» (Projet)

3113

3081

Message 1

Considérations formelles

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire a la teneur suivante: La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 80

Protection des animaux

La Confédération légifère sur la protection des animaux; elle veille à la protection du bien-être et de la dignité des animaux, cocréatures et êtres vivants doués de sensibilité.

1

2

La Confédération applique en particulier les principes suivants: a.

les animaux doivent être détenus conformément à leurs besoins et traités avec ménagement;

b.

les animaux de rente et les autres animaux domestiques doivent avoir la possibilité de se mouvoir régulièrement en plein air;

c.

les transports d'animaux doivent être limités au strict nécessaire et être accompagnés par des personnes qui ont été formées à cette fin. Le transit et l'exportation d'animaux de boucherie vivants sont interdits;

d.

la mise à mort d'animaux doit être justifiée par un motif valable et ne peut être effectuée que par des personnes qui ont été formées à cette fin.

L'abattage d'animaux sans étourdissement avant la saignée est interdit;

e.

les expériences sur les animaux ne doivent pas entraîner de douleurs ou de maux graves ou durables. Elles doivent être remplacées, dans la mesure du possible, par des méthodes de substitution;

f.

les animaux sauvages doivent être détenus dans un environnement correspondant dans une large mesure à leur habitat naturel. Seules peuvent être importées et détenues des espèces animales dont les besoins peuvent être satisfaits en captivité;

g.

le commerce d'animaux de quelque espèce que ce soit est soumis à autorisation et requiert un certificat de capacité;

h.

les objectifs et méthodes d'élevage doivent garantir la santé et le bien-être des animaux géniteurs et de leurs descendants;

i.

des animaux et des produits d'origine animale ne peuvent être importés en Suisse que si, respectivement, leur détention et leur fabrication à l'étranger ne contreviennent pas aux principes de la législation fédérale sur la protection des animaux.

3082

La Confédération règle et surveille l'exécution par les cantons, à moins que la loi ne réserve cette tâche à la Confédération. A cet égard, elle respecte notamment les principes suivants:

3

a.

les cantons gèrent des services centralisés chargés de l'exécution de la loi sur la protection des animaux;

b.

lors de procédures pénales relatives à de mauvais traitements envers les animaux ou à d'autres violations de la législation sur la protection des animaux, les intérêts de ces derniers sont défendus par un avocat compétent en matière de protection des animaux.

1.2

Aboutissement

La «Protection Suisse des Animaux (PSA)» (gérant: Dr. Hans-Ulrich Huber, Dornacherstrasse 101, case postale, 4008 Bâle) a déposé, le 23 juillet 2003, l'initiative populaire fédérale «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» avec 117 113 signatures valables. Par décision du 14 août 20032, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti.

L'initiative contient une clause de retrait, laquelle autorise le comité d'initiative, composé de huit personnes, à retirer l'initiative sans réserve par une décision prise à la majorité absolue de ses membres.

Les traductions du texte de l'initiative ont été corrigées par les services linguistiques de la Chancellerie fédérale avant le commencement de la collecte des signatures3.

1.3

Validité de l'initiative

1.3.1

Unité de la forme

Conformément aux art. 139, al. 2 et 3, et 194, al. 3, de la Constitution (Cst.)4, une initiative populaire tendant à une révision partielle de la Constitution n'est valable que si elle revêt la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé. Le mélange de ces deux formes n'est pas admis. L'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» est rédigée sous la forme d'un projet entièrement rédigé. Le principe de l'unité de la forme est par conséquent respecté.

1.3.2

Unité de la matière

Le principe de l'unité de la matière conformément aux art. 139, al. 3, et 194, al. 2, Cst. entend garantir que ne soient pas soumises au vote plusieurs questions qui n'ont aucun rapport objectif entre elles. Ce principe vise à garantir la libre et authentique formation de la volonté populaire lors du vote.

2 3 4

FF 2003 5412 FF 2002 492; FF 2002 472; FF [i] 2002 438 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101).

3083

Le sujet de l'initiative «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» est uniquement la protection des animaux.

L'initiative prévoit de les protéger par une série de règles concrètes. Le principe de l'unité de la matière est donc respecté.

1.3.3

Compatibilité de l'initiative avec le droit international

1.3.3.1

Remarques essentielles

Les art. 139, al. 3 et 194, al. 2, Cst. prescrivent que les initiatives populaires demandant une révision partielle de la Constitution fédérale ne doivent pas violer les règles impératives du droit international. Selon l'art. 139, al. 3, Cst., l'Assemblée fédérale doit déclarer totalement nulle ou en partie nulle une initiative qui viole les règles impératives du droit international. Il convient par conséquent d'examiner si l'initiative ou des parties de celle-ci violent des normes impératives du droit international.

Le Conseil fédéral estime que deux dispositions proposées dans l'initiative violeraient, si elle était acceptée, plusieurs traités internationaux importants. Il s'agit des dispositions suivantes:

1.3.3.2

Interdiction du transit et de l'exportation des animaux de boucherie vivants (proposition de l'initiative art. 80, al. 2, let. c, Cst.)

L'initiative demande d'interdire le transit et l'exportation d'animaux de boucherie vivants. En revanche, l'importation de ces animaux resterait permise.

Aujourd'hui, le transit d'animaux vivants des espèces bovine, ovine, caprine et porcine n'est autorisé que par le rail et par avion5. Le transit et l'exportation d'animaux de boucherie vivants ­ de porcs et de volailles du moins ­ sont rendus possibles indirectement par l'Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route6 (pour plus de détails cf. ch. 5, al. 2, let. c). Une interdiction du transit ne pourrait être appliquée qu'en modifiant cet accord et plus précisément son annexe 67. Aux termes de l'art. 55, al. 3, de l'accord, l'annexe 6 peut être modifiée par décision du Comité mixte des transports terrestres Communauté /Suisse8, lequel se prononce «d'un commun accord»9.

L'interdiction du transit et de l'exportation d'animaux de boucherie vivants ne pourrait donc être appliquée qu'avec le consentement du Comité mixte, en d'autres termes qu'avec l'accord de l'UE. Le Conseil fédéral considère qu'il est juste

5 6 7 8 9

Art. 59, al. 2 de l'ordonnance concernant l'importation, le transit et l'exportation d'animaux et de produits animaux (OITE; RS 916.443.11).

RS 0.740.72 Selon l'art. 56 de l'accord, les annexes font partie intégrante de l'accord.

Art. 51 de l'accord Art. 51, al. 1, de l'accord

3084

d'attirer l'attention sur cette conséquence d'une demande qui, en soi, est à considérer comme marginale.

L'interdiction du transit viole, en outre, l'art. V de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1994), qui garantit la liberté de transit.

L'interdiction d'exporter des animaux de boucherie viole l'art. XI de l'accord du GATT de 1994. Cet article interdit, sous son ch. 1, les restrictions quantitatives à l'exportation. Toutefois, il est peu probable qu'un Etat dépose une plainte auprès des instances compétentes pour cette violation de l'accord, car la Suisse n'exporte pratiquement pas de bétail de boucherie.

1.3.3.3

Interdiction des importations d'animaux et de produits d'origine animale respectivement détenus ou obtenus à l'étranger de façon non conforme aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux (proposition de l'initiative art. 80, al. 2, let. i, Cst.)

Par cette disposition, les auteurs de l'initiative demandent d'étendre le champ d'application de la loi suisse sur la protection des animaux au-delà de nos frontières; le principe de territorialité serait violé pour les animaux et les produits d'origine animale, du moins pour ceux qui doivent être exportés des pays concernés vers la Suisse.

La réalisation d'une telle disposition constitutionnelle constituerait une violation de l'accord du GATT10, repris par l'accord de l'OMC11. Selon l'art. XI, al. 1, de l'accord du GATT, il est interdit d'instituer des prohibitions ou des restrictions à l'importation ou à l'exportation de produits. Aux termes de l'art. XX, let. b de l'accord du GATT, des mesures restrictives sont toutefois permises lorsque celles-ci sont «nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux». Une interdiction d'importer du type de celle proposée dans l'initiative enfreint l'interdiction des restrictions quantitatives visée à l'art. XI de l'accord du GATT de 1994 et la règle du traitement équitable des produits importés et des produits indigènes selon l'art. III de l'accord du GATT de 1994. L'art. XVI, al. 5, de l'accord de l'OMC exclut en tout cas une réserve comme celle proposée à l'art. 80, al. 2, let. i, Cst.

Le sens de l'art. XX de l'accord du GATT est qu'il faut une atteinte à la santé et à la vie des personnes, des animaux ou à la préservation des végétaux du pays importateur pour pouvoir restreindre les importations et que la restriction des importations soit le seul moyen de combattre cette atteinte à la santé. Ces critères ne sont clairement pas réunis pour des animaux et des produits d'origine animale respectivement détenus ou obtenus à l'étranger dans des conditions contraires aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux. Le ch. 5, al. 2, let. i contient des considérations plus détaillées sur le contenu et les conséquences de cette disposition proposée par l'initiative.

10 11

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT; RS 0.632.21).

Cf. art. XI de l'Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce; RS 0.632.20.

3085

Partie intégrante de l'accord de l'OMC, l'accord du GATT est l'un des traités internationaux les plus importants. Toute violation des dispositions de cet accord autorise l'Etat plaignant à prendre des mesures de rétorsion à l'encontre de la Suisse ou à négocier avec elle des compensations sous la forme de paiements, si la Suisse refuse de modifier les dispositions contraires à l'accord après avoir été déboutée par un groupe spécial ou par l'organe d'appel de l'OMC.

Une sortie de l'OMC n'est pas une option réaliste: elle aurait de graves conséquences économiques pour l'économie suisse. Le Conseil fédéral estime qu'il est juste d'attirer l'attention sur ces conséquences en cas d'application de cette disposition de l'initiative.

L'interdiction proposée viole également la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)12: elle interdit notamment l'importation de viande d'animaux abattus selon un rituel, c'est-à-dire sans étourdissement avant la saignée. Pour des communautés religieuses dont les préceptes religieux n'autorisent que la consommation de viande d'animaux non étourdis, l'abattage sans étourdissement de l'animal est important. L'abattage rituel est interdit en Suisse13. La viande destinée aux communautés juives et musulmanes est importée depuis longtemps. Une disposition spécifique a été introduite à l'art. 9, al. 1, de la loi sur la protection des animaux dans le cadre de la politique agricole 200714. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2004 et n'a pas fait l'objet d'un référendum.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme15, il existe un droit pour ces communautés de se nourrir selon les règles de leur propre religion, droit fondé sur la liberté de pensée, de conscience et de religion prévue à l'art. 9 de la CEDH. En l'espèce, une communauté juive, qui a des exigences très strictes concernant la production de viande casher, avait demandé à l'Etat français une autorisation de pratiquer l'abattage rituel, demande qui avait été rejetée. La Cour européenne des droits de l'homme a considéré comme suffisante la possibilité d'importer de Belgique de la viande obtenue selon les règles juives.

L'interdiction d'importation proposée ­ combinée à l'interdiction de l'abattage rituel ­ empêcherait les communautés juives et musulmanes de s'approvisionner
en viandes. Ces interdictions poseraient des problèmes sérieux à la lumière de l'art. 9 de la CEDH (seul ou en relation avec l'interdiction de discrimination visée à l'art. 14 CEDH). Elles seraient problématiques également au regard des garanties analogues visées à l'art. 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et à l'art. 2, al. 1 (interdiction accessoire de la discrimination) du Pacte II des Nations Unies16. Par conséquent, on ne saurait exclure que la Cour européenne des droits de l'homme constate sur plainte une violation de l'art. 9 de la CEDH, seul ou en relation avec l'art. 14.

12 13 14 15

16

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH; RS 0.101).

Art. 20, LPA RO 2003 4076 Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 27 juin 2000 dans l'affaire Cha'are Shalom Ve Tsedek contre la France, publié dans: Recueil des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme 2000-VII.

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits politiques et civils; RS 0.103.2.

3086

La CEDH interdit le dépôt d'une réserve après la signature de la convention17.

Celle-ci peut néanmoins être dénoncée18. Une dénonciation aurait toutefois des conséquences politiques très graves; d'autant plus qu'une nouvelle adhésion à la CEDH juste après l'avoir dénoncée, mais avec une réserve conforme à la demande de l'initiative équivaudrait à exercer un droit de façon impropre; en d'autres termes, il s'agirait d'un abus de droit19. Par ailleurs, la Suisse, garante des droits de l'homme, ne serait plus crédible aux yeux de la communauté internationale. Le Conseil fédéral estime qu'il est juste d'attirer l'attention sur les possibles conséquences de l'application de cette interdiction d'importer.

1.3.3.4

La notion de règles impératives du droit international

L'art. 139, al. 2, Cst. prescrit que lorsqu'une initiative populaire ne respecte pas les règles impératives du droit international, l'Assemblée fédérale doit la déclarer totalement ou partiellement nulle. Il convient donc d'examiner si les conventions internationales que l'initiative ne respecte pas, comme nous l'avons expliqué ci-dessus, sont du «droit international impératif» (jus cogens).

La question principale est de déterminer si l'interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale détenus ou obtenus à l'étranger de façon contraire aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux est compatible avec le droit international impératif. On peut admettre que cette interdiction constitue une violation des engagements pris à l'OMC. Il est incontestable (et ce fait est corroboré par l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme) qu'un telle interdiction viole la Convention européenne des droits de l'homme et, partant, également le Pacte II des Nations Unies.

Selon la Convention de Vienne sur le droit des traités20, «une norme impérative du droit international général (jus cogens) est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme de droit international général ayant le même caractère».21 Dans son message relatif à une nouvelle Constitution fédérale22, le Conseil fédéral définit ce qu'il considère comme des règles impératives du droit international, à savoir «p. ex.

les interdictions de la torture, du génocide, de l'esclavage, des garanties de la CEDH auxquelles on ne peut déroger, même pas en état de nécessité». Même en cas de dénonciation des traités qui les consacrent, le respect de ces normes perdurerait en raison de leur caractère contraignant.

17 18 19 20 21

22

Art. 57 CEDH Art. 58 CEDH ATF 118 Ia 487 s Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités; RS 0.111.

Traduction de la citation «Eine zwingende Norm des allgemeinen Völkerrechts (ius cogens) ist gemäss der Wiener Vetragsrechtskonvention eine Norm, die von der internationalen Staatengemeinschaft in ihrer Gesamtheit angenommen und anerkannt wird als eine Norm, von der nicht abgewichen werden darf und die nur durch eine spätere Norm des allgemeinen Völkerrechts derselben Rechtsnatur geändert werden kann», tirée de: Yvo Hangartner, Andreas Kley, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich, 2000, p. 225.

FF 1997 I 1, en particulier p. 441.

3087

Dans son message du 22 juin 1994 concernant les initiatives populaires «pour une politique d'asile raisonnable» et «contre l'immigration clandestine»23, le Conseil fédéral s'est prononcé en détail sur les conditions internes que les normes internationales dites impératives doivent remplir24: «Ces règles font partie de l'ordre public international (...). Le droit international contraignant se fonde en général sur le droit international coutumier, mais peut aussi faire partie du droit international conventionnel. Il comporte des règles auxquelles les Etats ne sauraient se soustraire, même s'ils résiliaient les accords internationaux qui les consacrent. (...) Aucun Etat de droit ne peut passer outre des normes de droit international public qui sont considérées au plan international comme des dispositions élémentaires de protection des droits fondamentaux et du droit international humanitaire; indépendamment de la ratification ou de la dénonciation de traités de droit international public, ces normes présentent un caractère contraignant pour tous les Etats de droit.» La notion de règle impérative du droit international n'a pas encore été définie dans la législation suisse. La science a proposé entre-temps la notion de «norme internationale impérative de facto»25, pour désigner les engagements de droit international public qui revêtent une importance telle pour la Suisse qu'elle ne saurait les annuler.

De telles normes du droit international devraient être traitées de la même manière que le jus cogens mentionné à l'art. 139, al. 3, Cst. comme motif permettant une déclaration de nullité.

Nous y renonçons. La possibilité de déclarer nulle une demande formulée dans une initiative est en concurrence avec le droit des électeurs de se prononcer sur les modifications proposées de la Constitution. Ce droit mérite qu'on lui accorde une très grande importance. On ne saurait déroger à ce droit que dans les cas d'absolue nécessité. En d'autres termes, il faut éviter à tout prix d'introduire dans la Constitution de nouveaux motifs de nullité qui n'y figurent pas.

Il est bien sûr choquant que l'initiative objet du présent message propose un article constitutionnel qui viole à la fois les engagements pris par la Suisse à l'OMC, la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte II des Nations Unies. Ces
traités ont, dans la hiérarchie des conventions, un rang qui rend leur dénonciation de fait impossible. Cependant, ils ne constituent pas du droit international impératif au sens de l'art. 139, al. 3, Cst.

Si l'interdiction des importations proposée dans l'initiative devait entrer en vigueur, la Suisse aurait en fait deux possibilités: elle pourrait renoncer à appliquer la disposition constitutionnelle en question ou l'appliquer et violer de ce fait des normes du droit international. Or, un Etat de droit ne peut pas s'engager dans cette voie. Dans le premier cas, l'Etat violerait le principe de l'application effective du droit constitutionnel par les autorités; dans le second cas, la réputation de la Suisse serait sans aucun doute entachée.

Si les Etats (dans le cas des accords du GATT/OMC) ou les particuliers (dans le cas de la CEDH) lésés par la violation du droit international des traités déposaient une plainte auprès des instances compétentes et que la Suisse perdait la procédure, il resterait comme issue à notre pays soit une nouvelle modification de la Constitution,

23 24 25

FF 1994 III 1471 ss.

op. cit. 1480 ss, avec renvois bibliographiques.

Cf. à ce sujet et en rapport avec la présente initiative populaire: Yvo Hangartner, Rechtsprobleme des Schächtverbots, Allgemeine Juristische Praxis 9/2002, 1022 ss.

3088

soit l'acceptation de mesures de rétorsion parfois lourdes. Dénoncer ces accords internationaux et ensuite négocier une nouvelle adhésion est exclu.

Le Conseil fédéral considère comme important d'attirer l'attention des Chambres fédérales sur les conséquences d'une éventuelle acceptation de l'initiative.

2

Le choix du niveau législatif

L'actuel art. 80 de la Constitution fédérale charge la Confédération de légiférer sur la protection des animaux. Il définit les domaines où il y a lieu de légiférer, à savoir: ­

la garde des animaux et la manière de les traiter;

­

l'expérimentation animale et les atteintes à l'intégrité d'animaux vivants;

­

l'utilisation d'animaux;

­

l'importation d'animaux et de produits d'origine animale;

­

le commerce et le transport d'animaux;

­

l'abattage des animaux.

La Constitution ne fournit aucune indication sur la qualité de la protection des animaux à atteindre, c'est-à-dire sur l'étendue de la protection que l'homme doit accorder à l'animal. C'est le législateur qui détermine le niveau de protection. Il a accompli son mandat en élaborant la loi de 1978 sur la protection des animaux, et notamment son article fondamental26, lequel fixe le niveau de protection à respecter dans les dispositions suivantes de la loi et dans les règles directement applicables de l'ordonnance sur la protection des animaux. Seul cet échelonnement clair ­ domaine à réglementer dans la Constitution, niveau de réglementation dans la loi ­ permet de réagir en temps utile à l'évolution de la conception de la protection des animaux dans l'opinion publique. Si la Constitution prescrivait également le niveau de protection, et donc le niveau de réglementation, une modification de la Constitution serait nécessaire pour toute révision à la hausse ou à la baisse de ce niveau.

C'est justement la conséquence qu'aurait cette initiative populaire. Le catalogue détaillé de prescriptions qu'elle comporte permet, certes, d'une part, de ne pas descendre en deçà du niveau de protection prescrit par la nouvelle disposition constitutionnelle mais, d'autre part, de ne pas aller au-delà, ce qui n'est pas exclu en cas de changement de la conception de la protection des animaux dans l'opinion publique ou en cas d'évolution des connaissances scientifiques. La législation sur la protection des animaux refléterait, le cas échéant, la conception actuelle de la protection des animaux du peuple suisse, mais elle n'autoriserait aucune adaptation sans une nouvelle modification de la Constitution.

26

L'art. 2 LPA a la teneur suivante: 1 Les animaux doivent être traités de la manière qui tient le mieux compte de leurs besoins.

2 Toute personne qui s'occupe d'animaux doit, en tant que les circonstances le permettent, veiller à leur bien-être.

3 Personne ne doit de façon injustifiée imposer aux animaux des douleurs, des maux ou des dommages ni les mettre en état d'anxiété.

3089

Un principe reconnu veut que la Constitution fixe la base et les limites de la législation, que les lois contiennent les principes objectifs du domaine à réglementer, délimité par la Constitution, qui seront concrétisés directement dans les ordonnances fondées sur ces lois.

L'initiative populaire a une conception propre de ce qui doit figurer dans une Constitution. Cette initiative demande d'inscrire dans la loi fondamentale des dispositions qui n'ont pas leur place à un niveau législatif aussi élevé. Depuis quelque temps, de nombreuses initiatives populaires contiennent des dispositions qui devraient figurer dans une loi, voire une ordonnance27. C'est dû au fait qu'il n'existe pas en Suisse d'initiative législative, c'est-à-dire la possibilité d'agir dans la conception d'une loi au moyen d'une collecte de signatures. La présente initiative populaire contient des dispositions dont la majorité ne devraient même pas figurer dans une loi mais dans une ordonnance émanant du Conseil fédéral ou du département compétent. Nous reviendrons en détail sur cette question du niveau législatif approprié lors du commentaire des dispositions proposées dans l'initiative.

La nature constitutionnelle d'une initiative populaire n'est pas une condition de validité. Ainsi, tant qu'il n'existera pas de disposition précisant ce qui matériellement doit être considéré comme du droit constitutionnel, les auteurs d'une initiative populaire et, en fin de compte, le peuple et les cantons seront libres d'inscrire dans la Constitution fédérale la matière qu'ils souhaitent. Le Conseil fédéral estime néanmoins important d'attirer l'attention des Chambres fédérales sur le niveau législatif problématique de la présente initiative.

3

Concernant la notion de «principes»

L'actuel art. 80 Cst. ne contient aucun principe, mais confère à la Confédération pour seule tâche de légiférer dans le domaine de la protection des animaux. Les conditions de l'art. 2 LPA pouvaient être considérées jusqu'à présent comme des principes généraux; selon cet article, les animaux «doivent être traités de la manière qui tient le mieux compte de leurs besoins», toute personne qui s'occupe d'animaux doit «veiller à leur bien-être» et personne ne doit de façon injustifiée leur imposer «des douleurs, des maux ou des dommages» ni les mettre en état d'anxiété. Le projet de révision de la LPA28 reprend, à l'art. 4, ces principes sous une forme remaniée et les complète par la notion de «dignité».

L'initiative procède à un changement radical de système. Si l'on excepte la première phrase de l'alinéa premier («la Confédération légifère sur la protection des animaux»), l'initiative ne comporte que des principes qui devraient être mis en oeuvre par la nouvelle législation. Parmi ces principes figurent des règles pour lesquelles le niveau législatif de la loi, voire celui de l'ordonnance du Conseil fédéral ou du département compétent ont déjà été considérés comme appropriés. Ainsi, et pour ne citer que trois exemples, la disposition (al. 2, let. b, de l'initiative), selon laquelle les animaux de rente et les autres animaux domestiques «doivent avoir la possibilité de se mouvoir régulièrement en plein air», figure déjà pour les bovins dans l'ordonnance sur la protection des animaux (art. 18), à un niveau législatif que le Conseil 27 28

Cf. Ehrenzeller/Mastronardi/Schweizer/Vallender (Ed.), St. Galler Kommentar, Zürich/Basel/Genf, 2002, Vorbemerkungen zu Art. 138­142 Rz. 5 ff.

FF 2003 631

3090

fédéral juge approprié; le commerce professionnel d'animaux est soumis par la loi (art. 8 LPA) à une autorisation; l'intégration de l'élevage d'animaux dans le droit sur la protection des animaux a déjà été réalisée dans le cadre de la procédure Gen-Lex par la création d'un art. 7a LPA29. Lors du commentaire des différents points de l'initiative, nous réexaminerons la question du niveau législatif approprié pour chacune des propositions de l'initiative.

L'initiative désigne les propositions de son al. 2 par le terme de «principes». Même si des dispositions de détail comme celles mentionnées plus haut n'ont pas été jusqu'à présent rangées sous cette appellation, l'acceptation de l'initiative aurait pour conséquence une application stricte et sans exception des neuf principes. Or, une application sans exception de l'al. 2, let. i (interdiction d'importation) serait problématique: il faudrait prouver lors de chaque importation que les animaux dont les produits sont issus respectent les autres principes du nouvel article constitutionnel, à savoir qu'ils ont eu la possibilité «de se mouvoir régulièrement en plein air» (let. b) et qu'ils ont été étourdis avant l'abattage (let. d). Tant que nos principaux partenaires commerciaux n'auraient pas adopté une réglementation respectant les principes de l'al. 2 de l'initiative, il faudrait interdire toutes les importations de produits d'origine animale ou subordonner l'importation à des conditions que les législations sur la protection des animaux de nos partenaires commerciaux ne respecteraient pas.

L'article constitutionnel proposé par les auteurs de l'initiative viderait de son sens la notion de principe. Cette initiative censée protéger les animaux suisses risque de devenir un obstacle économique aux conséquences très graves.

4

Ordre juridique en vigueur en Suisse

Selon le jugement exprimé par un membre du comité d'initiative, la Suisse possède «une des meilleures lois sur la protection des animaux et des plus modernes»30. La genèse de cette loi a commencé il y a plus 100 ans, lorsque le peuple suisse accepta, en 1893, ­ contre l'avis du Conseil fédéral et du Parlement ­ l'inscription de l'interdiction de l'abattage rituel dans la Constitution. Jusqu'en 1973, cet article constitutionnel était la seule disposition constitutionnelle dans le domaine de la protection des animaux. Des questions de protection des animaux étaient déjà réglementées dans des lois, par ex. l'art. 264 du Code pénal qui condamnait les mauvais traitements infligés aux animaux, et dans des dispositions ponctuelles, p. ex.

dans le droit sur la circulation routière et dans l'ancienne ordonnance fédérale sur le contrôle des viandes.

Au XXe siècle, jusque dans les années 70, la protection des animaux restait essentiellement l'affaire des cantons. Zurich, Fribourg, Vaud et Genève s'étaient donné une législation sur la protection des animaux avant la création du droit fédéral en la matière.

La Confédération ne reçut la compétence de légiférer sur la protection des animaux qu'en 1973, lors de l'inscription de l'art. 25bis sur la protection des animaux dans la Constitution fédérale. L'art. 80 de l'actuelle Constitution fédérale contient un article 29 30

RO 2003 4803 Citation tirée de: Brigitta Rebsamen-Albisser, Der Vollzug des Tierschutzrechts durch Bund und Kantone, thèse, 1993 (éditeur Haupt, Bern/Stuttgart/Wien, 1994), p. 1. (Die Schweiz besitzt «eines der besten und fortschrittlichsten Tierschutzgesetze der Welt».)

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de contenu identique à l'art. 25bis d'origine. Sur la base du mandat constitutionnel, les Chambres fédérales adoptèrent, le 9 mars 1978, la loi sur la protection des animaux31, qui entra en vigueur le 1er juillet 1981, après votation sur référendum, en même temps que l'ordonnance32.

Le 5 novembre 1993, la Commission de gestion du Conseil des Etats publia un rapport d'inspection intitulé «Difficultés d'application dans la protection des animaux»33. La commission y déplorait des lacunes dans l'application de la loi. Dans son avis du 26 janvier 199434, le Conseil fédéral se déclara prêt à mettre en oeuvre les recommandations contenues dans le rapport d'inspection au moyen d'une révision de l'ordonnance sur la protection des animaux. Les recommandations de la commission qui pouvaient être inscrites dans l'ordonnance le furent en 1997. Mais une révision de la loi s'avéra également nécessaire pour introduire les nouveaux instruments d'exécution. Dans son rapport du 8 septembre 1999, intitulé «Difficultés d'application dans la protection des animaux»35, le Conseil fédéral avait annoncé une telle révision et, le 9 décembre 2002, il approuvait le message concernant cette révision.

Le 24 septembre 2003, le Conseil des Etats décidait de suspendre les délibérations portant sur ledit message et d'attendre le message du Conseil fédéral concernant l'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)».

5

Commentaire des dispositions de l'initiative

Al. 1 Le premier alinéa du texte de l'initiative reprend le premier alinéa de l'art. 80 Cst. et donne donc également mandat à la Confédération de légiférer. Suit immédiatement le but de l'activité législative. Actuellement, ce but est énoncé à l'art. 1, al. 1, LPA, qui précise le but de la loi, à savoir assurer la protection et le bien-être des animaux.

Dans le projet de révision de la LPA présenté par le Conseil fédéral, le but de la loi est décrit de façon plus détaillée36, l'article premier de la loi allemande sur la protection des animaux37 ayant servi de modèle.

La Constitution fédérale connaît deux approches législatives, à savoir le pur mandat législatif qui délimite le domaine à réglementer, à l'instar de l'art. 80 (protection des animaux) ou 96 (politique en matière de concurrence), et le mandat législatif fixant les règles selon lesquelles il faut légiférer, à l'exemple de l'art. 104 (agriculture) ou 119 (procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain).

31 32 33 34 35 36 37

LPA, RS 455 OPAn, RS 455.1 FF 1994 I 603 FF 1994 I 633 FF 1999 8822 «Vu la responsabilité de l'homme envers cette autre créature qu'est l'animal, la présente loi vise à protéger la dignité et le bien-être de l'animal.» «Zweck dieses Gesetzes ist es, aus der Verantwortung des Menschen für das Tier als Mitgeschöpf dessen Leben und Wohlbefinden zu schützen. Niemand darf einem Tier ohne vernünftigen Grund Schmerzen, Leiden oder Schäden zufügen.» (Le but de la présente loi est de protéger la vie et le bien-être de l'animal en raison de la responsabilité de l'homme envers cette autre créature qu'est l'animal. Nul ne peut infliger des douleurs, des maux ou des dommages à un animal sans raison valable.)

3092

Le texte de l'initiative veut protéger le «bien-être» et la «dignité» des animaux. Ce but recoupe celui figurant dans le projet de révision de la LPA.

Pour justifier le mandat de protection, l'initiative mentionne que les animaux sont «des cocréatures et des êtres vivants doués de sensibilité». La notion de «cocréature» se trouve également à l'art. 1 du projet de révision de LPA et à l'art. 1 de la loi allemande sur la protection des animaux. Par contre, il existe trop peu de connaissances sur la sensibilité des animaux pour justifier que la notion «d'être vivants doués de sensibilité» apparaisse au même niveau dans une loi, à plus forte raison dans un texte constitutionnel. C'est pourquoi le Conseil fédéral a renoncé, après analyse des résultats de la consultation, à définir l'objet à protéger que sont les animaux en ces termes.

Le Conseil fédéral est d'avis que le but d'une législation ne doit pas nécessairement être mentionné dans la Constitution, mais qu'il peut figurer plus judicieusement dans les premiers articles de la loi spéciale.

Al. 2 Si l'art. 80 Cst. mentionne les domaines dans lesquels la Confédération doit légiférer, l'initiative énonce ici une série de principes dont la législation devrait s'inspirer.

Les principes contenus dans l'initiative éveillent l'impression que certains d'entre eux ont été choisis de façon assez arbitraire. Deux exemples pour illustrer ce point de vue: L'initiative mentionne comme seul principe censé régir la détention «d'animaux de rente et d'autres animaux domestiques» la possibilité de se mouvoir régulièrement en plein air. L'initiative ne contient aucune règle concernant les conditions de détention des animaux, les soins à leur prodiguer et leur alimentation, autant d'exigences clés de la garde des animaux.

Il est louable que les transports d'animaux soient «accompagnés par des personnes qui ont été formées à cette fin», mais l'initiative ne dit rien sur la manière d'effectuer ces transports (chargement, déchargement, moyens de transport, densité de chargement).

Les principes de l'initiative sont déjà énoncés à différents niveaux législatifs. Le Conseil fédéral explique ici que, globalement, ces règles ne remplissent pas les conditions pour être inscrites dans une Constitution. Le Conseil fédéral se prononce sur les différents points de l'initiative
comme suit: Let. a La disposition proposée concernant la détention des animaux comporte deux parties: elle demande, dans la première partie, que les animaux soient détenus conformément à leurs besoins et, dans la deuxième partie, qu'ils soient traités avec ménagement.

La première partie est tirée de l'art. 2, al. 1, LPA qui a été repris logiquement dans le projet de révision de la LPA (art. 4, al. 1, let. a).

La deuxième partie est un énoncé simplifié de l'art. 2, al. 3, LPA, qui a été repris, tous changements opérés par ailleurs, à l'art. 4, al. 2, du projet de révision de la LPA. Cependant on ne comprend pas pourquoi la disposition essentielle de l'actuelle loi a été à ce point abrégée dans le texte de l'initiative qu'on n'y retrouve plus le droit des animaux à être traités de façon à ne pas leur causer des douleurs, des maux ou des dommages, à ne pas les mettre en état d'anxiété et à ne pas porter atteinte à 3093

leur dignité. On remarque que l'initiative ne conserve qu'une partie des principes contenus à l'art. 4 du projet de révision de la LPA.

Let. b La seule règle concernant la détention «des animaux de rente et autres animaux domestiques» contenue dans l'initiative est que ces animaux doivent avoir la possibilité de se mouvoir régulièrement en plein air. On ne sait pas comment l'initiative définit la notion «autres animaux domestiques». L'art. 12 de l'actuelle ordonnance sur la protection des animaux précise que les animaux de rente habituels sont réputés animaux domestiques, tout comme les chiens, les chats et la volaille domestiques.

On ignore où l'initiative fixe les limites et si les hamsters vivant dans une famille p. ex. font partie des «autres animaux domestiques».

Le droit à une alimentation et à des soins adéquats doit être considéré comme nécessaire à la survie de l'animal. En revanche, l'occupation, la liberté de mouvement, le logement et le mouvement en plein air peuvent être considérés comme utiles pour le bien-être des animaux. Lorsque l'initiative postule un seul droit parmi ceux du deuxième groupe d'exigences comme seul principe devant régir la détention des animaux de rente et des autres animaux domestiques, elle bouleverse l'ordre des priorités de façon incompréhensible.

Le droit de se mouvoir régulièrement en plein air pour toutes les espèces animales pour lesquelles il est judicieux n'est pas contesté. Le Conseil fédéral a prescrit en 1997, à l'art. 18 OPAn, que le bétail bovin détenu à l'attache doit pouvoir se mouvoir au moins 90 jours par année à l'extérieur de l'étable. L'ordonnance SRPA38 poursuit le même objectif, à savoir donner à tous les animaux de rente la possibilité de sortir régulièrement en plein air, et elle prévoit des incitations financières pour atteindre cet objectif. Ces dispositions détaillées ont clairement leur place dans une ordonnance: dans ce cas, le niveau constitutionnel n'est guère approprié.

Let. c Ce paragraphe réglemente deux choses bien différentes: les transports d'animaux, d'une part, le transit et l'exportation d'animaux de boucherie vivants, d'autre part.

L'initiative demande que les transports d'animaux soient limités «au strict nécessaire». Ce principe n'est pas contesté, mais les avis divergent fortement sur ce qu'il faut entendre par
«strict nécessaire». Il se peut qu'on entende par là la durée maximale des transports. Sur ce point, notre petit pays n'est pas comparable avec nos grands pays voisins, et les déplacements d'animaux en Suisse sont de durée plus courte que lors des échanges intracommunautaires, où les transports d'animaux peuvent durer plusieurs jours. Le Conseil fédéral estime néanmoins nécessaire de fixer les conditions fondamentales de protection des animaux pendant les transports (place requise par animal, chargement et déchargement, formation des personnes chargées du transport); il propose par conséquent un mandat dans ce sens, qui figure à l'art. 13 du projet de révision de la LPA. A l'exception de la limitation «à l'indispensable», l'initiative ne contient pas de conditions relevant de la protection des animaux applicables aux transports d'animaux.

38

Ordonnance du DFE du 7 décembre 1998 sur les sorties régulières en plein air d'animaux de rente, RS 910.132.5.

3094

Selon les termes de l'initiative, les transports d'animaux «doivent être accompagnés par des personnes qui ont été formées à cette fin». Cette disposition n'est pas contestée. Toutefois elle n'a pas sa place au niveau constitutionnel. Le Conseil fédéral doit être habilité, par l'art. 13 du projet de révision de la LPA, à fixer les exigences de formation des personnes chargées du transport d'animaux. Celles-ci devraient être fixées au niveau de l'ordonnance, niveau législatif qui serait bien plus approprié.

L'initiative veut interdire le transit et l'exportation d'animaux de boucherie vivants.

L'importation de ces animaux, elle, resterait autorisée. Une interdiction de transit et d'exportation pose problème, car elle viole à la fois l'accord conclu avec l'UE sur le transport de marchandises et de personnes par rail et par route39 et l'art. V de l'accord du GATT de 1994.

L'accord conclu avec l'UE ne contient pas de disposition spéciale applicable au transit d'animaux. Son annexe 6, en revanche, contient une dérogation à l'interdiction de circuler la nuit et le dimanche en faveur du transport des porcs d'abattage et des volailles. Cela permet de conclure indirectement que ces transports sont généralement autorisés.

Une acceptation et une application de l'initiative auraient pour conséquence la nécessité de compléter l'accord et d'y introduire l'interdiction de transit et d'exportation. Si l'UE ne l'acceptait pas, la Suisse devrait, pour appliquer la nouvelle disposition constitutionnelle, dénoncer l'accord in extremis et ensuite le renégocier. Cette «solution» ne pourrait être envisagée qu'en dénonçant tous les accords bilatéraux, puisque ces derniers excluent la dénonciation de parties de ces accords. Pour la Suisse, cela aurait des conséquences dont on ne peut mesurer l'ampleur.

L'interdiction du transit viole également l'art. V («Liberté de transit») de l'accord du GATT de 1994. Cette disposition n'autorise aucune autre restriction quantitative du trafic de transit que l'annonce de ce trafic au bureau de douane compétent.

Il n'y a aujourd'hui pratiquement pas de transit d'animaux de boucherie par la Suisse. Pour des raisons de police des épizooties et de protection des animaux, l'ordonnance concernant l'importation, le transit et l'exportation d'animaux et de produits animaux40 prescrit,
à son art. 59, al. 4, que les transits d'animaux des espèces bovine, ovine, caprine et porcine ne peuvent s'opérer que par le rail ou par avion. Il s'ensuit que les camions qui transportent des animaux de boucherie contournent la Suisse. Les transits d'animaux de boucherie par la Suisse ne constituent donc pas, depuis des années, un problème de protection des animaux. Les interdire expressément par une nouvelle disposition constitutionnelle pourrait créer un sérieux problème, mais qui serait d'ordre politique et non de protection des animaux.

L'interdiction d'exporter des animaux de boucherie interdit, elle aussi, une pratique que la Suisse ne connaît pas: les animaux de rente vivants ne sont pratiquement exportés qu'à des fins d'élevage et non pour être abattus. Une interdiction d'exporter, comme le demande l'initiative, viole l'art. XI de l'accord du GATT. Cet article autorise en principe à prélever des «droits de douanes, taxes ou autres impositions» sur les exportations, mais non à restreindre quantitativement les exportations, donc à interdire l'exportation, sauf si ces interdictions remplissent les critères énoncés au

39 40

RS 0.740.72 OITE; RS 916.443.11

3095

ch. 2 de l'art. XI de l'accord. Les animaux de boucherie vivants ne remplissent aucun de ces critères.

Vu qu'aujourd'hui les exportations d'animaux de boucherie sont pratiquement inexistantes, aucun pays n'aurait intérêt à déposer une plainte contre la Suisse auprès des instances compétentes pour violation de l'accord du GATT. Mais une interdiction d'exporter empêcherait l'agriculture suisse de réagir à d'éventuels changements intervenant sur le marché qui pourraient susciter une demande de bétail de boucherie suisse.

Let. d Le droit suisse sur la protection des animaux ne protège pas la vie des animaux. Il fixe des lignes directrices à respecter lors de la mise à mort d'animaux. Ces règles revêtent une grande importance en particulier lors du processus d'abattage et au terme de toute expérience sur des animaux.

L'initiative demande à présent que la mise à mort des animaux soit justifiée «par un motif valable». Cette notion permet toutes les interprétations possibles. La mise à mort de poussins mâles lors de la production de pondeuses est-elle raisonnable? La chasse et la pêche sportive le sont-elles? La lutte contre les animaux nuisibles estelle raisonnable? Une interprétation du terme «animaux» utilisé ici par les auteurs de l'initiative serait aussi nécessaire. Entendent-ils par là les animaux vertébrés, sens donné à ce terme par la loi allemande lorsqu'elle définit la mise à mort d'animaux, ou ce mot englobe-t-il aussi les invertébrés, qui sont aussi incontestablement des animaux?

De plus, les animaux devraient être mis à mort uniquement par «des personnes qui ont été formées à cette fin». L'initiative ne prévoit aucune exception. Ici aussi une interprétation s'impose. Le Conseil fédéral estime qu'il convient d'exiger une formation spéciale là où des compétences particulières sont requises, p. ex. lors de la mise à mort à l'abattoir ou lors de celle pratiquée au terme d'une expérience sur des animaux. Il est toutefois d'avis qu'il est exagéré d'exiger la formation de personnes qui tuent des animaux nuisibles sur un terrain privé.

La proposition d'interdire l'abattage d'animaux sans étourdissement avant la saignée était inscrite depuis 1893 à l'art. 25bis de la Constitution. En 1973, cette interdiction a été retirée de la Constitution et introduite, en 1978, sous la forme d'un art. 20 dans
la nouvelle loi sur la protection des animaux. L'interdiction de l'abattage rituel (sans étourdissement) est maintenue dans le projet de révision de la LPA (art. 19). Les auteurs de l'initiative souhaitent inscrire à nouveau cette interdiction dans la Constitution.

Mais ce n'est pas le seul objectif de cette disposition de l'initiative. L'interdiction en vigueur n'est applicable qu'à l'abattage de mammifères et non à d'autres animaux utilisés dans l'alimentation humaine (poissons, volaille). En demandant une obligation d'étourdir pour les animaux en général, l'initiative exige que l'abattage des poissons et de la volaille soit également soumis à l'obligation d'étourdir.

L'élargissement du champ d'application de l'obligation d'étourdir à la volaille est en discussion depuis un certain temps. En fait, la majorité de la volaille est saignée aujourd'hui après un étourdissement à l'électricité. Ce n'est qu'occasionnellement que de petites quantités de poulets sont encore abattus sans étourdissement pour les besoins des communautés juives. Le Conseil fédéral n'entend pas interdire cette possibilité de s'auto-approvisionner en viande de volaille issue d'un abattage rituel.

3096

Il a par conséquent renoncé à proposer dans son projet de LPA une extension du champ d'application de l'obligation d'étourdir.

Le Conseil fédéral estime en outre que l'étourdissement des animaux avant la saignée est une règle qui n'a pas à figurer dans la Constitution.

Let. e L'expérimentation animale fait l'objet de vives discussions depuis la création de la loi sur la protection des animaux. Trois initiatives populaires, dont une avait été lancée par la Protection Suisse des Animaux PSA, ont demandé l'interdiction des expériences sur des animaux au niveau constitutionnel. Toutes trois ont été rejetées par le peuple.

La disposition proposée par l'initiative demande une interdiction partielle de l'expérimentation animale: les expériences qui «entraînent des douleurs ou des maux graves ou durables» et celles qui peuvent être remplacées par des méthodes de substitution ne doivent plus être effectuées en Suisse.

Selon la loi actuelle, il faut, avant d'autoriser ou non une expérience sur des animaux, peser les intérêts entre l'utilité de l'expérience et les souffrances et maux imposés à l'animal (limitation à l'indispensable, art. 13 LPA).

En Suisse, les expériences causant aux animaux une contrainte sévère (degré de gravité 3) ne concernent que 3,6 % des animaux utilisés dans l'expérimentation (chiffres de 2002). Les services cantonaux chargés de l'autorisation des expériences examinent pour chaque demande si la contrainte imposée à l'animal est nécessaire pour atteindre le but de l'expérience et si le but de celle-ci ne peut être atteint avec une espèce animale de classe inférieure. Toutes les autorisations délivrées sont présentées à l'Office vétérinaire fédéral, lequel vérifie si elles remplissent les critères permettant de déterminer qu'elles se limitent à l'indispensable. Cette vérification a pour but de s'assurer qu'aucun animal utilisé dans des expériences ne subit une contrainte qui n'est pas nécessaire pour atteindre le but de l'expérience.

La même procédure est utilisée par les autorités délivrant les autorisations pour déterminer si une expérience doit vraiment être réalisée au moyen d'animaux ou si d'autres méthodes qui ne font pas appel à des animaux (méthodes de substitution) seraient appropriées. La Confédération encourage depuis longtemps le développement et la validation de ces
méthodes alternatives.

L'objectif visé à moyen terme est de réduire encore davantage le nombre d'animaux d'expérience auxquels on impose des contraintes et d'utiliser, dans chaque catégorie d'expériences, le nombre maximal de méthodes alternatives. Remplacer entièrement les expériences sur animaux par d'autres méthodes est aujourd'hui impensable. Des interdictions partielles dans ce domaine n'apportent rien: elles n'auraient pour seul effet que de délocaliser à l'étranger les expériences imposant des contraintes sévères.

Let. f La détention des animaux est réglementée dans la loi actuelle au moyen de principes généraux (art. 3 et ss LPA). Ces principes sont complétés par des règles détaillées figurant dans l'ordonnance. Celles-ci définissent quelles espèces animales peuvent être détenues dans quel environnement. Le projet de révision de la LPA s'en tient lui aussi à ce principe (cf. son art. 6).

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L'initiative propose une forme de détention des animaux sauvages qui peut en principe être approuvée. Cependant, on ne comprend pas pourquoi il faudrait inscrire dans la Constitution une disposition sur la détention des animaux sauvages et pas sur celle des autres animaux (animaux de rente, animaux de compagnie, animaux de laboratoire).

L'initiative demande en outre une restriction d'importation par laquelle seuls des animaux (animaux sauvages?) pourraient être importés et détenus «dont les besoins peuvent être satisfaits en captivité.» Une interprétation de cette disposition s'impose, puisque même dans les milieux spécialisés les avis sur les besoins des animaux divergent. Peut-on p. ex. exiger d'un animal sauvage qui, dans les conditions naturelles, parcourt de longues distances pour chercher sa nourriture, qu'il vive enfermé dans l'enclos d'un zoo, où il reçoit suffisamment de nourriture et est protégé d'ennemis naturels?

Il convient de souligner que ce principe de l'initiative n'englobe que les aspects de protection des animaux liés à l'importation d'animaux sauvages. Aujourd'hui déjà, de nombreux animaux sauvages ne peuvent pas être importés en raison de la convention régissant le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction41, que la Suisse applique depuis 1975.

Let. g Le commerce d'animaux est déjà soumis à autorisation (art. 8, al. 1, LPA) et le restera à l'avenir également (art. 11 du projet de révision LPA). Vu que le champ d'application de la loi est limité aux animaux vertébrés (art. 1, al. 2, LPA), cette obligation d'être titulaire d'une autorisation concerne plus précisément le commerce professionnel d'animaux vertébrés.

L'initiative souhaite non seulement inscrire cette règle dans la Constitution, mais encore la renforcer considérablement. Elle désire non seulement que le commerce professionnel de vertébrés, mais également le «commerce d'animaux de quelque espèce que ce soit» nécessite une autorisation. L'initiative ne prévoit aucune exception. Il en résulte que non seulement le commerce occasionnel de vertébrés mais aussi le commerce de vers (pour la pêche p. ex.) ou le commerce d'insectes (comme aliments dans les terrariums) doivent être soumis à autorisation. Les auteurs de l'initiative ne fournissent aucune justification de protection
des animaux pour restreindre ce commerce libre.

Cette limitation du commerce est encore renforcée par la prescription contenue dans l'initiative qui demande que toute personne qui fait le commerce d'animaux «de quelque espèce que ce soit» doit être titulaire d'un certificat de capacité. Cela peut entraîner des situations aussi absurdes que celles décrites dans l'alinéa précédent, à savoir que même les personnes qui ne font qu'occasionnellement le commerce d'animaux ou le commerce d'espèces auxquelles l'actuelle loi sur la protection des animaux ne s'applique pas, doivent acquérir un certificat de capacité.

41

RS 0.453

3098

Let. h Les Chambres fédérales ont introduit le nouvel art. 7a dans la LPA au cours de la procédure Gen-Lex42, article qui poursuit le même but que le texte proposé par l'initiative. En effet, l'art. 80 Cst. ne prévoit aucune réglementation fédérale concernant l'élevage d'animaux. Ce n'est qu'en 1992 qu'a été créée une base constitutionnelle avec l'art. 120, al. 2, Cst., qui autorise la Confédération «à légiférer sur l'utilisation du patrimoine germinal et génétique des animaux».

Si le nouvel art. 7a LPA, dans son premier alinéa, formule la disposition sur l'élevage sous la forme d'une interdiction43, la proposition de l'initiative formule un but positif.

Vu que l'initiative ne demande pas une modification de l'art. 120 Cst., la demande constituant la lettre h est une concrétisation du mandat législatif contenu à l'art. 120, al. 2, Cst. Il est pour le moins inhabituel qu'un mandat inscrit dans la Constitution soit concrétisé dans un autre article de la Constitution.

Let. i Selon le texte de l'initiative, il faudrait interdire les importations d'animaux qui ont été détenus à l'étranger de façon non conforme aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux et interdire les importations de produits d'origine animale qui n'ont pas été obtenus conformément à ces principes. Les auteurs de l'initiative tentent ici d'étendre le champ d'application du droit suisse sur la protection des animaux au-delà de nos frontières, à savoir aux animaux et aux produits qui seront exportés de l'étranger vers la Suisse, conscients peut-être du fait que la législation suisse sur la protection est sur certains points plus sévère que celle de nos principaux partenaires économiques.

Seraient frappés par cette interdiction d'importation non seulement les produits dont la fabrication à l'étranger a déjà fait l'objet de vives discussions, p. ex. le foie gras ou les oeufs de poules détenues en batterie, mais aussi les produits de consommation courante, tels que le fromage français, le salami italien, les pâtes aux oeufs ou encore les chaussures en cuir. Cette interdiction d'importation toucherait également la viande halal et la viande casher qui sont importées pour satisfaire les besoins de membres des communautés religieuses juive et musulmane.

Une telle interdiction d'importation aurait des conséquences
graves. Pour certaines catégories d'animaux, on pourrait, certes, contrôler le mode de détention pratiqué à l'étranger, p. ex. pour les animaux de rente qui sont importés en Suisse à des fins d'élevage et pour les animaux de boucherie. Concernant les autres catégories d'animaux, il ne serait guère possible d'établir leur mode de détention, p. ex. celui des poissons d'ornement.

Et la tâche serait encore plus difficile pour les produits d'origine animale. Vu que les auteurs de l'initiative ne délimitent pas cette notion, il faut inclure toute marchandise d'origine animale, à savoir la viande et les produits à base de viande, les aliments 42 43

Les nouveaux art. 7a et 7b (ce dernier règle l'élevage d'animaux par des méthodes génétiques) entreront en vigueur conjointement à la révision de la LPA.

«L'utilisation de méthodes d'élevage et de reproduction naturelles et artificielles ne doit pas causer, chez les parents et chez les descendants, des douleurs, des maux, des dommages ou des troubles du comportement qui seraient une conséquence du but de l'élevage ou qui lui seraient liés; les dispositions relatives aux expériences sur animaux sont réservées.»

3099

pour animaux, le cuir et les produits en cuir comme les chaussures, les sacs à main, les meubles, les vêtements, la laine et les habits en laine, la semence bovine, les oeufs, le lait et les produits laitiers. Voici deux exemples qui présentent brièvement les conséquences d'une telle interdiction: ­

parmi les principes énoncés par l'initiative, figure celui que les animaux de rente doivent avoir la possibilité de se mouvoir «régulièrement en plein air» (al. 2, let. b de l'initiative). Pour l'importation du camembert français, cela signifierait qu'il faudrait prouver que toutes les vaches dont le lait a été transformé pour obtenir ce fromage exporté vers la Suisse ont été détenues régulièrement en plein air. Pour l'importation du salami italien, il faudrait prouver que tous les porcs dont la viande et le lard ont été transformés en saucisses qui seront exportées vers la Suisse ont été détenus régulièrement en plein air. Il ne serait guère possible d'apporter ces deux preuves, puisque dans les deux cas ce n'est pas une seule vache ou un seul cochon qui fournit la matière première des produits mentionnés, mais ce sont en général de grands lots de production de lait ou de viande qui ont été transformés pour obtenir ces produits. On peut, certes, s'imaginer que pour exporter leurs fromages et leurs saucisses les producteurs français et italiens adaptent leurs règles de production aux exigences de la législation suisse sur la protection des animaux.

Néanmoins, il ne faut pas s'attendre à ce que les pays exportateurs acceptent facilement l'interdiction suisse d'importer. Il y a 12 ans, la France s'était vivement opposée à l'interdiction suisse d'importer du foie gras exigée dans une motion44 et elle avait menacé la Suisse de mesures de représailles. Un Etat touché par une interdiction d'exporter pourrait porter l'affaire devant les instances de l'OMC et obtenir de celles-ci que la Suisse revienne sur sa décision et annule sa nouvelle disposition constitutionnelle sous peine d'encourir de graves mesures de rétorsion.

­

Comme deuxième exemple, citons le cas spécial de l'importation de viande d'animaux abattus selon un rituel, en d'autres termes de la viande d'animaux qui n'ont pas été étourdis avant la saignée. Après l'inscription de l'interdiction de l'abattage rituel dans la Constitution, cette viande a été importée pendant des décennies sans qu'il existe de disposition légale expresse. Dans le projet de politique agricole 2007, les Chambres fédérales ont intégré une disposition spéciale à l'art. 9, al. 1, LPA régissant ces importations45, disposition qui permet aux membres des communautés religieuses juive et musulmane d'importer de la viande obtenue selon les règles de leur religion.

L'interdiction d'importation supprimerait cette possibilité.

Al. 3 Selon le texte de l'initiative, l'exécution reste l'affaire des cantons. C'est ce qu'on peut en conclure indirectement de sa formulation: «La Confédération règle et surveille l'exécution par les cantons ...».

44 45

91.3338 Motion Maeder du 3 octobre 1991 Interdiction d'importer du foie gras.

RO 2003 4181

3100

L'art. 80 Cst. attribue, dans son al. 3, l'exécution des dispositions sur la protection des animaux aux cantons «dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi.» La LPA n'attribue que peu de tâches d'exécution à la Confédération, à savoir, en vertu de l'art. 33, al. 3, LPA, l'exécution à la frontière douanière, la procédure d'autorisation pour les systèmes de stabulation et les aménagements d'étables ainsi que la surveillance du commerce international d'animaux et de produits d'origine animale. A ces tâches sont venues s'en ajouter d'autres au fil du temps, qui ne peuvent être accomplies que par une autorité centrale, telles que l'établissement d'une statistique annuelle des expériences sur animaux (art. 19a LPA), l'encouragement de la recherche dans la protection des animaux ou le contrôle des autorisations d'effectuer des expériences sur animaux dans la perspective du droit de recours des autorités (art. 26a LPA).

L'initiative demande un rôle plus actif de la Confédération en lui attribuant la nouvelle tâche de régler et de surveiller l'exécution par les cantons. Aujourd'hui déjà, la Confédération exerce la haute surveillance sur la base de l'art. 35 LPA et elle a concentré ses forces pour parvenir à une exécution uniforme de la législation sur la protection des animaux dans tous les cantons.

L'initiative confère à la Confédération un mandat nouveau et inhabituel de régler l'exécution par les cantons. Par l'exécution du droit fédéral, on entend la réalisation de toutes les mesures qui contribuent à la mise en oeuvre du droit fédéral dans les cantons et à son efficacité, notamment l'organisation des autorités cantonales chargées de l'exécution, l'élaboration des procédures de décision, l'organisation des procédures de recours et d'exécution forcée, etc. Si la compétence réglementaire de la Confédération devait s'étendre également à ces aspects, la mise en oeuvre du droit fédéral par les cantons se réduirait à la simple application du droit. Cela serait contraire à l'art. 46 Cst., dont l'al. 2 précise la marge de manoeuvre laissée par la Confédération aux cantons dans la mise en oeuvre du droit fédéral.46 Les deux sections de l'initiative qui suivent n'ont pas de lien clair avec la tâche fédérale de régler et de surveiller l'exécution par les cantons: la Confédération
doit respecter des principes qui sont cependant formulés comme étant des tâches des cantons et qui font partie de leur sphère de compétence. Il incomberait donc aux cantons d'appliquer le contenu de ces deux sections.

Let. a L'initiative propose ici ce que l'art. 32 du projet de révision de la LPA, formulé de manière plus détaillée, souhaiterait réaliser, à savoir une concentration de l'exécution au niveau des cantons, cette dernière étant répartie sur plusieurs services dans certains cantons.

Ces dispositions sur l'organisation de l'exécution n'ont pas leur place dans la Constitution, mais bien dans une loi.

Let. b L'initiative entend s'immiscer dans l'organisation cantonale de la protection des animaux, domaine où les cantons sont souverains, non seulement sur les questions administratives, mais aussi sur l'organisation de la procédure pénale dans les can46

«La Confédération laisse aux cantons une marge de manoeuvre aussi large que possible et tient compte de leurs particularités.»

3101

tons. L'initiative demande qu'un «avocat en matière de protection des animaux» défende les intérêts des animaux lésés lors de procès pénaux cantonaux ouverts pour infraction à la législation sur la protection des animaux.

Aucun des pays qui nous entourent ne connaît l'institution de l'avocat en matière de protection des animaux. Le gouvernement de la principauté de Liechtenstein a proposé, au printemps 2004, la création de cette nouvelle institution dans un projet de révision de la loi sur la protection des animaux.

Le canton de Zurich a créé un tel poste dans sa loi de 1991 sur la protection des animaux, mais aucun canton n'a suivi cet exemple. Dans son projet de révision de la LPA, le Conseil fédéral a renoncé à prescrire aux cantons la création d'un tel poste.

Chaque canton est donc libre de compléter ou non son code de procédure pénale en la matière.

Le Conseil fédéral s'est laissé guidé par l'idée qu'une disposition qui exigerait l'institution d'un poste «d'avocat en matière de protection des animaux» pourrait constituer un signe de méfiance à l'égard des tribunaux cantonaux. Il est exact que dans un procès pénal les animaux ne peuvent exercer les droits qu'aurait une partie au procès, mais c'est aussi le cas de l'environnement, de la forêt et des cours d'eau qui, bien entendu, ne peuvent faire valoir eux-mêmes devant les tribunaux leurs droits en cas de violation des législations spéciales respectives.

6

Appréciation de l'initiative

6.1

Remarques générales

Le Conseil fédéral tient à sa conception de base actuelle, selon laquelle la Constitution ne doit régler que la compétence de légiférer sur la protection des animaux. Les dispositions de contenu doivent figurer dans la loi et l'ordonnance. On peut ainsi réagir en temps utile et avec un effort acceptable à tout changement de conception de la protection des animaux dans l'opinion publique.

Le Conseil fédéral reconnaît qu'un autre concept de base serait juridiquement possible. Selon celui-ci, les lignes directrices de la protection des animaux pourraient aussi figurer dans la Constitution. Néanmoins, le texte de l'initiative n'est pas approprié: il contient beaucoup de dispositions de détail, mais ne comporte pas de systématique visible, et il omet précisément les principes qui devraient guider la nouvelle législation.

Signalons qu'en principe l'initiative populaire serait réalisable. Pour certaines de ses exigences, la question de la réalisation ne doit pas faire l'objet d'un examen spécial, puisqu'elles sont déjà contenues dans l'actuelle LPA ou dans le projet de révision de la LPA du Conseil fédéral. Concernant les demandes qui violent le droit international, il faut néanmoins relever qu'elles seraient aussi réalisables, mais seulement en acceptant les mesures de rétorsion énoncées dans les chapitres traitant la question de la conformité de l'initiative au droit international. Il appartient au peuple de décider s'il est prêt à accepter les graves conséquences économiques et politiques qu'entraînerait la réalisation de ces objectifs de protection des animaux, en eux-mêmes non essentiels.

3102

6.2

Contexte international

Une acceptation de l'initiative populaire par le peuple et les cantons aurait de graves conséquences, non pas tant sur les adaptations de la loi sur la protection des animaux qu'elle nécessiterait (comme indiqué plus haut, la loi et l'ordonnance contiennent déjà une partie des revendications de l'initiative), mais sur les traités internationaux.

Le législateur est tenu de mettre en oeuvre les dispositions constitutionnelles entièrement et fidèlement. En l'espèce, cela signifierait, notamment, que les dispositions suivantes devraient être introduites dans la loi sur la protection des animaux: ­

interdiction de transit applicable aux animaux de boucherie;

­

interdiction d'exportation applicable aux animaux de boucherie;

­

interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale qui n'ont pas été respectivement détenus ou obtenus selon les principes suisses de la protection des animaux.

Ainsi le législateur violerait le droit international et la Suisse devrait en supporter les conséquences. La Suisse ne doit pas s'attendre à ce que ses partenaires commerciaux acceptent ces nouvelles restrictions aux échanges sans broncher. Les autorités de l'UE surveillent attentivement les règles régissant le transit et il se peut qu'elles n'acceptent pas une nouvelle restriction, même si celle-ci ne devrait entraîner aucun changement immédiat dans la pratique.

L'interdiction d'exporter des animaux de boucherie vivants viole, certes, le droit international, mais sa mise en oeuvre ne pénaliserait que l'agriculture suisse, qui ne pourrait satisfaire une éventuelle demande en animaux de boucherie venant de l'étranger.

Mais ce sont surtout les nouvelles restrictions à l'importation qui pourraient avoir les conséquences les plus graves: la plupart de nos partenaires commerciaux nous fournissent en produits d'origine animale tels que la viande, les produits à base de viande, le fromage, le cuir, la laine. Si ces pays ne veulent pas apporter la preuve que les animaux dont sont issus les produits à exporter vers la Suisse ont été détenus conformément aux principes suisses de la protection des animaux, ils peuvent ouvrir une procédure contre la Suisse auprès de l'OMC. Devant cette instance, la Suisse devrait prouver p. ex. que le fromage français (importations en 2003: 10 882 tonnes) ou les chaussures en cuir italiennes (importations en 2003: de l'ordre de 382 millions de francs) mettent en danger en Suisse «la santé et la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux»47. Notre pays ne sera pas en mesure d'apporter cette preuve.

La Suisse se mettrait en outre dans une situation difficile, car elle interdirait l'importation de viandes d'animaux abattus selon un rituel, à savoir la viande d'animaux non étourdis avant la saignée. Cette nouvelle disposition légale pourrait être attaquée à la fois devant les organes de l'OMC (par les pays exportateurs pour violation des accords du GATT) et devant la Cour européenne des droits de l'homme (par les personnes touchées). Les résultats de ces plaintes sont prévisibles: le risque que la Suisse perde devant ces deux instances est grand. Si elle souhaite

47

Art. XX, let. b de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT; RS 0.632.21).

3103

maintenir néanmoins la disposition attaquée, la Suisse doit en supporter les conséquences.

Une pesée des intérêts entre l'objectif de protection des animaux poursuivi par la modification constitutionnelle et les conséquences possibles de cette dernière sur l'ensemble du pays montre clairement la disproportion entre la cause et ses conséquences.

La loi sur la protection des animaux a pour but d'améliorer le sort des animaux en Suisse. L'interdiction d'importation ne contribuerait en rien à faire progresser cette cause, puisqu'elle ne s'applique pas aux animaux suisses, mais à ceux d'autres pays où le droit suisse sur la protection des animaux ne s'applique pas.

Il est, certes, louable d'intervenir auprès d'autres pays pour qu'ils adaptent leur niveau de protection des animaux à celui, plus élevé, de la Suisse. Mais une interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale qui ne remplissent pas les exigences suisses ne constitue pas le bon moyen de le faire. Le Conseil fédéral mise sur la coopération intense au sein d'organisations internationales, principalement au Conseil de l'Europe, pour améliorer la protection des animaux.

Le Conseil de l'Europe a codifié dans cinq conventions sa conception de la protection des animaux. La Suisse respecte ces conventions dans une large mesure au moyen de sa législation sur la protection des animaux. Par ailleurs, elle est autonome dans l'organisation de son droit national en la matière.

Les accords bilatéraux conclus avec l'UE ne s'appliquent pas à la protection des animaux.

6.3

Vue d'ensemble des normes du droit international qui seraient violées

Le commentaire des dispositions proposées dans l'initiative (ch. 5) et le ch. 6.2 ci-dessus présentent les dispositions qui, si elles étaient acceptées, enfreindraient des traités internationaux. Le nombre de violations possibles du droit international et la diversité des traités internationaux concernés justifient que nous fournissions une vue d'ensemble.

6.3.1

Convention européenne des droits de l'homme

L'interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale qui n'ont pas été respectivement détenus ou obtenus à l'étranger conformément aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux s'appliquerait également aux viandes casher et halal, c.-à-d. provenant d'animaux qui n'ont pas été étourdis avant la saignée, comme l'exigent les règles religieuses des communautés juive et musulmane. Cette interdiction ne permettrait plus à ces communautés de s'approvisionner en viande obtenue selon ces rites.

3104

Cette interdiction violerait l'art. 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet avis est partagé par un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l'homme48. Il se peut que cette interdiction d'importer enfreigne aussi l'interdiction de discrimination figurant à l'art. 14 de cette convention.

Si la Cour européenne des droits de l'homme devait constater que l'interdiction d'importer viole la CEDH, la Suisse devrait créer un droit qui soit à nouveau conforme à la CEDH. En d'autres termes, elle devrait autoriser de nouveau l'importation de viandes casher et halal. Cela nécessiterait une modification de la Constitution.

La Suisse pourrait se soustraire à un jugement en dénonçant la CEDH. Cette dénonciation qui serait suivie de négociations pour une nouvelle adhésion à la convention en présentant une réserve qui permettrait de maintenir l'interdiction d'importer serait qualifiée d'abus de droit (cf. plus haut ch. 1.3.3.3).

6.3.2

Pacte II des Nations Unies

L'interdiction d'importation décrite au ch. 6.3.1 violerait également l'art. 2, al. 1 (interdiction de toute discrimination accessoire) et l'art. 18 (liberté de pensée, de conscience et de religion) du Pacte II des Nations Unies49.

Le comité des droits de l'homme, institué dans la quatrième partie du pacte, peut, certes, constater des violations des droits de l'homme découlant du Pacte II des Nations Unies, mais ne peut pas les sanctionner.

Le pacte peut être modifié: son art. 51 stipule que tout Etat partie au pacte peut proposer un amendement. Mais on ne peut examiner ici le caractère judicieux d'une proposition suisse d'amendement du Pacte II des Nations Unies dans le sens des exigences formulées dans la présente initiative populaire.

Selon la doctrine dominante50, le Pacte II des Nations Unies ne peut pas être dénoncé.

6.3.3

Accord du GATT/OMC

Les exigences suivantes de l'initiative violeraient l'Accord instituant l'OMC et en partie l'accord du GATT de 1994: ­

48

49 50

L'interdiction d'importer des animaux et des produits d'origine animale qui n'ont pas été respectivement détenus ou obtenus à l'étranger conformément aux principes de la législation suisse sur la protection des animaux. Cette interdiction constituerait une violation des articles suivants du GATT de 1994: art. III (obligation de traiter de manière équitable les produits importés et les

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 27 juin 2000 dans l'affaire Cha'are Shalom Ve Tsedek contre la France, publié dans: Recueil des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l'homme 2000-VII.

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques; RS 0.103.2.

Vgl. Ehrenzeller/Mastronardi/Schweizer/Vallender (éd.), St.Galler Kommentar, Art. 139 BV, Rz 10.

3105

produits nationaux), art. XI (élimination des restrictions quantitatives) et art. XX (restrictions au commerce international).

­

L'interdiction de transit applicable aux animaux de boucherie vivants violerait l'art. V du GATT de 1994 (liberté de transit).

­

L'interdiction d'exporter des animaux de boucherie constituerait une infraction à l'art. XI du GATT de 1994 (élimination des restrictions quantitatives).

Des membres de l'OMC pourraient s'élever contre les mesures suisses. L'OMC dispose d'une procédure sophistiquée de règlement des différends (annexe 2 de l'Accord instituant l'OMC) qui peut, le cas échéant, autoriser des mesures de rétorsion. Celles-ci pourraient nuire aux entreprises suisses d'exportation dans la même mesure que l'interdiction d'importation suisse nuirait à l'économie des pays exportateurs.

L'accord instituant l'OMC peut être amendé. L'art. X stipule que tout Etat membre peut proposer des amendements à l'accord. Les chances de succès d'une proposition suisse demandant d'étendre le champ d'application du standard suisse de protection des animaux au monde entier dépassent le cadre du présent message.

Si, suite à une procédure de règlement des différends, la Suisse ne souhaite pas remédier aux violations des accords susmentionnés, elle peut quitter l'OMC.

6.3.4

Accord avec la Communauté européenne sur le transport de marchandises et de personnes par rail et par route

L'interdiction du transit et de l'exportation des animaux de boucherie vivants viole l'accord sur le transport de marchandises et de personnes conclu avec la Communauté européenne. On peut déduire de l'annexe 6 de l'accord («exemptions à la limite de poids et à l'interdiction de circuler la nuit et le dimanche»), laquelle prévoit des exceptions pour le transport des porcs et de la volaille d'abattage, que ces transits et ces exportations seraient autorisés de manière générale (à savoir en dehors des heures où il est interdit de circuler la nuit et le dimanche).

Une interdiction de transit et d'exportation devrait être édictée expressément en cas d'acceptation de l'initiative.

L'art. 55 de l'accord stipule qu'il est possible de modifier l'accord sur le transport de marchandises et de personnes; mais il appartient au Comité mixte51 de proposer un amendement. Toutefois, l'accord prescrit que le comité se prononce «d'un commun accord». On ne saurait discuter ici si l'UE accepterait d'inscrire une interdiction du transit dans l'accord.

Comme on le sait, il est impossible de dénoncer un seul accord sectoriel conclu dans le cadre des accords bilatéraux sans dénoncer les autres également. Une clause dite «guillotine» lie les accords entre eux. Si la Suisse souhaite dénoncer l'accord sur les transports terrestres, elle doit dénoncer tous les autres accords bilatéraux.

51

Comité mixte des transports terrestres Communauté/Suisse, art. 51 de l'accord.

3106

6.4

Conséquences sur les finances et sur le personnel

Une partie des revendications de l'initiative est déjà contenue dans la loi et l'ordonnance actuelles ou dans le projet de révision de la loi et n'occasionne donc aucune nouvelle tâche d'exécution. Cela vaut également pour l'organisation de l'exécution à la Confédération et dans les cantons.

Une acceptation de l'initiative n'entraînerait aucune nouvelle dépense périodique.

Elle aurait pour effet la création d'un nouveau poste dans les cantons: celui d'avocat compétent en matière de protection des animaux, lequel défendrait les intérêts des animaux lésés lors de procès pour violation de la législation sur la protection des animaux.

Les coûts que ce poste occasionnerait sont difficilement chiffrables. On peut tout au plus établir une estimation des coûts qu'un canton devrait supporter sur la base des chiffres suivants: les cantons ont notifié 337 procédures pénales à l'OVF en 2002 dans le domaine de la protection des animaux (en 2001: 296 procédures). Environ un tiers de ces notifications provenait du canton de Zurich, les deux tiers restants se répartissaient plus ou moins régulièrement sur les autres cantons, avec des chiffres assez élevés dans les cantons de Saint-Gall, d'Argovie, de Berne, de Lucerne et de Bâle-Ville. En 2003, le canton de Zurich a alloué quelque 60 000 francs d'indemnités à l'avocat qui a défendu les intérêts des animaux lors de procès pénaux. Même les cantons qui n'auraient que quelques cas de violation de la législation poursuivis au pénal devraient modifier leur droit de procédure pénale et désigner un avocat en matière de protection des animaux.

6.5

Répercussions économiques

Une bonne partie des demandes de l'initiative est déjà réalisée par la LPA ou l'OPAn ou contenue dans le projet du Conseil fédéral de révision de la LPA. Dans ces domaines, l'acceptation de l'initiative n'aurait pas de répercussions économiques supplémentaires. Il faut néanmoins attirer l'attention sur quelques problèmes économiques qui naîtraient directement ou indirectement de la mise en oeuvre de l'initiative.

La tendance de l'initiative à élever le niveau de protection des animaux est inquiétante du point de vue économique. Toute nouvelle mesure de protection des animaux renchérit la production et par conséquent le prix des produits. Dans sa motion 99.312252 transmise au Conseil fédéral sous la forme d'un postulat, le Conseil national a accepté un moratoire sur les charges liées à la protection des animaux supportées par l'agriculture. L'intention de ce moratoire est d'empêcher les distorsions de concurrence qui désavantagent les agriculteurs suisses par rapport aux producteurs étrangers. Le Conseil fédéral a orienté son projet de révision de la LPA en tenant compte de ce moratoire, car il est d'avis qu'une amélioration de l'exécution à l'aide de nouveaux instruments profite davantage aux animaux que de nouvelles mesures de protection des animaux, mesures pour lesquelles les instruments législatifs existants ne garantissent pas une exécution stricte et équitable.

52

Motion 99.3122, Agriculture. Moratoire sur les charges; acceptée par le Conseil national comme motion et transmise par le Conseil des Etats sous forme de postulat.

3107

Pour la recherche industrielle ou universitaire, l'acceptation de l'initiative lui occasionnerait des coûts supplémentaires liés à l'interdiction de faire en Suisse des expériences à contrainte sévère, et l'inciterait à délocaliser ces expériences à l'étranger.

Mais c'est surtout les restrictions au commerce demandées par l'initiative qui auraient de graves conséquences économiques si elles étaient appliquées. D'une part, les consommateurs devraient payer des prix plus élevés pour les produits d'origine animale, puisque l'économie suisse n'est en mesure de compenser qu'en partie la diminution massive des importations, ce qui pourrait entraîner des pénuries sur le marché; d'autre part, les mesures de rétorsion attendues des pays exportateurs auraient des effets directs sur la compétitivité des produits d'exportation suisses; un tel obstacle à la concurrence pourrait avoir des répercussions négatives sur la croissance économique en Suisse.

7

Position du Conseil fédéral

7.1

Remarques générales

Les dispositions étatiques sur la protection des animaux sont depuis toujours aux prises d'une part avec les exigences des utilisateurs d'animaux et d'autre part avec celles des protecteurs des animaux contre les influences nuisibles de l'homme.

Depuis que la Suisse s'est dotée d'une loi sur la protection des animaux, il y a plus de 25 ans, ces tensions portent principalement sur la densité normative et le niveau de protection des animaux fixé dans cette législation.

Le Conseil fédéral et le Parlement ont cherché à trouver une voie médiane praticable entre l'exploitation et la protection des animaux. La protection des animaux mise en place par l'Etat est censée préserver les animaux de maux inacceptables et imposer aux utilisateurs d'animaux, en particulier aux agriculteurs et aux chercheurs, des charges supportables.

Plusieurs tentatives ont montré qu'un compromis entre ces deux objectifs n'est possible que dans de rares cas. Un compromis aurait pu se dessiner p. ex. lors des délibérations parlementaires portant sur l'initiative populaire «pour une réduction stricte et progressive des expériences sur animaux (Limitons strictement l'expérimentation animale!)»53, lorsque les Chambres fédérales ont renforcé la sixième section de la loi sur la protection des animaux («Expériences sur animaux») sous la forme d'un contre-projet à l'initiative; le comité d'initiative a néanmoins insisté pour que l'initiative soit votée, et le peuple l'a rejetée.

Le Conseil fédéral a construit son message du 9 décembre 2002 concernant la révision de la loi sur la protection des animaux sur le principe suivant: ne pas abaisser ni élever le niveau de protection des animaux, mais améliorer l'exécution à l'aide de nouveaux instruments. Pour ce faire, il s'est appuyé sur le rapport d'inspection du 5 novembre 1993 de la Commission de gestion du Conseil des Etats54, mais aussi sur la motion 99.3122 transmise comme postulat par les Chambres, qui demande un moratoire sur les charges en faveur des agriculteurs. Les organisations de protection 53 54

FF 1992 III 723; l'initiative a été rejetée par le peuple, le 16 février 1992, par 1 117 236 non contre 864 898 oui.

FF 1994 I 603

3108

des animaux ont néanmoins exigé, au cours de la consultation, des dispositions qui élèvent fortement le niveau de protection.

Le Conseil fédéral reconnaît que ces organisations défendent une position qui accorde une place centrale à l'animal. Même si cette position s'écarte souvent de la conception qu'ont de nombreuses personnes de l'animal, à savoir un fournisseur de denrées alimentaires et une aide pour le travail, elle peut être défendue et est largement partagée dans la population.

7.2

Rapport avec la révision en cours de la loi sur la protection des animaux

L'initiative populaire n'est pas une réponse au message du Conseil fédéral du 9 décembre 2002 concernant la révision de la loi sur la protection des animaux. La liste de signatures à l'appui de l'initiative a été remise le 29 novembre 2001 à la Chancellerie fédérale, donc durant la consultation sur l'avant-projet de révision de la loi sur la protection des animaux.

Dans son message du 9 décembre 2002 concernant la révision de la loi sur la protection des animaux, le Conseil fédéral a repris les suggestions de la Commission de gestion, celles d'un groupe de travail et les résultats d'une vaste procédure de consultation et remis une proposition équilibrée aux Chambres fédérales sous la forme d'une loi qui répond aux exigences modernes de la protection des animaux.

Le Conseil fédéral est conscient que sa proposition sera critiquée par les organisations de protection des animaux; néanmoins, la protection des animaux conçue par l'Etat est toujours une voie médiane entre l'optimisation de la détention des animaux et les revendications des personnes qui détiennent et utilisent des animaux.

Dans un communiqué paru en février 2003, la Protection Suisse des Animaux (PSA) a établi une liste d'exigences centrales qu'elle a qualifiées de points de départ et de base de discussion en vue de la collaboration souhaitée avec les autorités législatives dans le processus de révision en cours.

Ces exigences centrales d'après le communiqué de la PSA peuvent être évaluées comme suit: ­

Intégration de la «dignité de l'animal» dans la loi sur la protection des animaux: elle a déjà été intégrée à l'art. 1 du projet de révision de la LPA.

­

Développement de la formation et de l'information: cette exigence ne figure pas dans l'initiative. La formation et l'information sont rendues possibles par l'art. 5 du projet de révision.

­

Encouragement de la détention des animaux de rente en plein air: les sorties en plein air du bétail bovin détenu à l'attache sont obligatoires depuis 1997 en application de l'art. 18 de l'OPAn. Elles sont encouragées depuis 1993 par des mesures incitatives de nature financière prévues par la législation sur l'agriculture et elles figurent également depuis 1998 dans l'ordonnance SRPA du DFE, laquelle est applicable à tous les animaux de rente.

­

Autorisation des systèmes de stabulation également pour les chevaux: cette exigence n'est pas contenue dans l'initiative.

3109

55 56

­

Intégration d'un article sur l'élevage d'animaux: les Chambres fédérales ont introduit, le 21 mars 2003, dans le cadre de la création de la loi sur le génie génétique, un nouvel art. 7a dans la LPA qui répond à cette exigence. Cet article était déjà partie intégrante du message du Conseil fédéral du 1er mars 200055.

­

Importations conformes aux principes de la protection des animaux: la PSA entend par là que la détention d'animaux et l'obtention des produits d'origine animale exportés vers la Suisse doivent être conformes aux règles suisses de la protection des animaux. Cette exigence centrale est fermement rejetée.

­

Réglementation de l'importation de la viande casher et de la viande halal dans la loi sur l'agriculture: par cette exigence centrale, la PSA fait un pas en arrière par rapport à ce qu'elle demande dans l'initiative, à savoir une interdiction de l'importation. Effectivement les Chambres fédérales ont introduit, le 20 juin 2003, dans le cadre de la politique agricole 200756 une disposition, à l'art. 9, al. 1, LPA, réglementant ces importations.

­

Limitation des transports d'animaux: selon l'art. 10, al. 2, LPA, le Conseil fédéral est chargé de régler le transport d'animaux de façon qu'il soit conforme aux principes de la protection des animaux. Il l'a réglementé en détail dans les art. 52 à 56 de l'OPAn. De plus, le projet de révision de la loi prévoit que le Conseil fédéral peut fixer les exigences auxquelles doit satisfaire la formation du personnel chargé des transports d'animaux.

­

Expériences sur animaux: concrétisation de la limitation à l'indispensable, interdiction des expériences imposant une contrainte sévère: le Conseil fédéral avait défini en 1991 déjà, à l'art. 61 OPAn, ce qu'il fallait entendre par la limitation à l'indispensable. Cette exigence ne figure pas dans l'initiative. Ladite disposition fixe que les expériences imposant une contrainte sévère ne peuvent être effectuées que si elles sont réellement indispensables. Une interdiction partielle des expériences sur animaux est à rejeter.

­

Mise à mort d'animaux par un personnel formé à cette fin; obligation d'étourdir tous les animaux de boucherie: la première partie de cette exigence centrale ne peut et ne doit pas être satisfaite (cf. ch. 5.2.4); la deuxième partie est déjà satisfaite pour les mammifères dans l'actuelle LPA (art. 20, al. 1). Concernant les autres espèces animales utilisées pour l'alimentation de l'homme (poissons, volaille), une obligation générale d'étourdir est rejetée (cf. ch. 5.2.4).

­

Validité dans toute la Suisse des interdictions de détenir des animaux: le projet de révision de LPA prévoit cette exigence à l'art. 21, al. 2. L'initiative ne contient pas d'exigence de ce genre.

­

Recours à des avocats compétents en matière de protection des animaux: le Conseil fédéral n'entend pas empiéter sur la souveraineté des cantons en matière de procédure pénale. Tout canton peut, d'ores et déjà, créer une telle fonction.

FF 2000 2283 RO 2003 4181

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Création d'un service cantonal spécialisé pour les questions de protection des animaux: le projet de révision de la LPA prévoit, à l'art. 32, un service cantonal centralisé pour l'exécution qui devrait être logiquement un service administratif cantonal placé sous la direction du vétérinaire cantonal et non pas un service «autonome et travaillant de manière indépendante».

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Convention d'objectifs et mandat de prestations comme nouveaux instruments d'exécution: ces instruments ne sont pas demandés par l'initiative. Ils sont déjà contenus aux art. 36 et 37 du projet de révision de la loi.

On remarque qu'une partie de ces exigences centrales de la PSA est en contradiction avec son initiative populaire ou n'est pas mentionnée dans l'initiative. Ce fait est particulièrement frappant pour l'exigence d'une réglementation de l'importation de viandes casher et halal.

Si l'on admet que la révision en cours de la loi sur la protection des animaux sera approuvée dans la forme proposée par le Conseil fédéral, alors il faut constater qu'une grande partie des exigences de la PSA sont contenues dans le projet de révision de la LPA. C'est vrai tant pour les demandes énoncées dans l'initiative populaire que pour celles mentionnées dans les exigences centrales formulées en février 2003. Le Conseil fédéral estime que les premières exigences ne peuvent figurer dans la Constitution, la loi ou l'ordonnance et ne doivent pas être reprises pour les raisons invoquées au chapitre 5, parce que certaines d'entre elles violent le droit international et que d'autres entraînent des charges supplémentaires pour les organes d'exécution cantonaux ou pour d'autres raisons objectives justifiées.

7.3

La question du contre-projet

Le Conseil fédéral a examiné s'il fallait élaborer un contre-projet au niveau de la Constitution comme alternative à l'initiative. Il est arrivé à la conclusion qu'il fallait y renoncer.

Le Conseil fédéral a exposé au ch. 2 les raisons pour lesquelles il considérait juste la façon actuelle de légiférer, à savoir en inscrivant la compétence législative de la Confédération dans la Constitution et en fixant l'étendue et le niveau de la protection des animaux dans la loi et l'ordonnance. Il estime également que les domaines où légiférer, mentionnés à l'art. 80, al. 2, Cst., sont suffisants pour réglementer de manière exhaustive et judicieuse tous les aspects nécessaires de la protection des animaux.

Concernant un contre-projet indirect, le Conseil fédéral a les mains liées. L'art. 73, al. 3, de la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale57 interdit au Conseil fédéral de retirer un objet qu'il a déposé au Parlement. Le Conseil fédéral a adopté son message concernant une révision de la loi sur la protection des animaux plus de six mois avant le dépôt de l'initiative et ne peut plus le retirer.

Il faut cependant considérer que le projet du Conseil fédéral comprend une grande partie des demandes contenues dans l'initiative. Les quelques exigences qui n'y figurent pas sont rejetées pour des raisons de forme (principalement violation du droit international, mais aussi ingérence dans la souveraineté des cantons en matière 57

Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10.

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d'organisation) ou de fond ou pour des raisons objectives. Ces motifs sont exposés en détail au ch. 5.

Si le Conseil fédéral devait être chargé d'élaborer un contre-projet indirect au niveau de la loi, celui-ci ne différerait vraisemblablement pas du projet de révision de la LPA actuellement en discussion au Parlement. Pour cette raison, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de considérer le projet de loi du 9 décembre 2002 comme un contre-projet indirect à l'initiative.

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Conclusions

La protection des animaux est réglée à l'art. 80 Cst. d'une façon qui permet au législateur de fixer le niveau de protection à accorder aux animaux aux niveaux législatifs appropriés, à savoir dans la loi et l'ordonnance sur la protection des animaux.

L'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» souhaite bouleverser ce principe législatif et remplacer les domaines où légiférer par une série de principes sur lesquels la législation ultérieure devrait se fonder. Ces principes semblent avoir été choisis de manière arbitraire et n'englobent pas tous les principes contenus dans la loi de 1978 sur la protection des animaux. Certaines règles déjà contenues au niveau de l'ordonnance sont nommées principes et certains de ces principes violent le droit international public, d'autres enfin sont à rejeter pour d'autres raisons objectives.

Le Conseil fédéral considère que l'initiative «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)» doit être rejetée sans lui proposer de contre-projet direct. Si les Chambres fédérales voulaient considérer le projet de révision de la LPA du 9 décembre 2002 comme un contre-projet indirect à l'initiative, le Conseil fédéral se rallierait à ce choix.

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