02.413 Initiative parlementaire Mesures de prévention des accidents professionnels.

Exonération de la TVA Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 25 mai 2004

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de loi ci-joint.

25 mai 2004

Pour la commission: Le président, Fulvio Pelli

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 18 mars 2002, le conseiller national Triponez déposait une initiative parlementaire demandant, sous forme d'un projet rédigé de toutes pièces, la modification de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée. Il demandait que la liste des opérations exclues du champ de l'impôt de l'art. 18 de la loi sur la TVA (LTVA) soit complétée de manière à exclure également l'exécution par la CNA des prescriptions sur la prévention des accidents et maladies professionnels.

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a procédé à l'examen de l'initiative le 18 février 2003 et a proposé de lui donner suite.

Le 23 septembre 2003, le Conseil national a décidé tacitement de donner suite à l'initiative et a ainsi chargé la CER d'élaborer un projet de loi. Lors de sa séance du 25 mai 2004, la commission a approuvé le présent projet de loi à l'unamimité.

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Grandes lignes du projet

2.1

Nécessité de légiférer

Selon l'appréciation juridique par l'Administration fédérale des contributions (AFC) lors de l'entrée en vigueur de la TVA, la prévention des accidents et des maladies professionnels était considérée comme une tâche relevant de la puissance publique, indépendamment du fait qu'elle soit exercée par un organe d'exécution de la loi sur le travail ou par la CNA. Pour cette raison, les opérations provenant des suppléments de prime réalisées par ces organes d'exécution étaient exclues du champ de la TVA.

À fin 1998, l'AFC a modifié sa pratique; pour l'essentiel, elle était d'avis que, dans le domaine de la prévention des accidents et des maladies professionnels, il y avait un échange de prestations soumis à la TVA entre la commission de coordination (Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail, CFST) prévue par le Conseil fédéral, conformément à l'art. 85, al. 2, de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA; RS 832.20) et la CNA, mais qu'il n'y en avait pas entre la CFST et les organes d'exécution de la loi sur le travail. Étant donné que le contenu du règlement prévu par la LAA n'a pas changé, une modification de la pratique en matière de perception de la TVA n'est pas acceptable; elle entraîne des conséquences que le législateur ne souhaite pas.

Le supplément de prime pour l'assurance des accidents professionnels, comme taxe à affectation spéciale, relevant du droit public, est soumis en plus à un impôt sur le chiffre d'affaires. Étant donné que la CNA ne peut pas transférer l'impôt, les moyens dont elle dispose pour accomplir le mandat de prévention prévu par la loi sont réduits.

Apparemment, l'AFC considère uniquement les parts qui sont créditées aux organes d'exécution de la loi sur le travail (IFT et ICT) et provenant du supplément de prime comme des prestations entre collectivités, prestations qui sont donc exclues du champ de la TVA. L'AFC effectue ainsi une distinction juridique, qui est à peine compréhensible pour les employeurs devant payer le supplément de prime. La

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modification de l'art. 18 LTVA doit permettre de garantir l'égalité de traitement des organes d'exécution et d'instituer la sécurité du droit pour l'avenir.

La pratique de l'AFC impose et détourne des ressources qui, en tant que taxes à affectation spéciale, doivent exclusivement être utilisées pour financer les tâches d'exécution servant à protéger la vie et la santé des travailleurs à leur poste de travail. Afin que la CNA puisse continuer d'accomplir ces tâches à l'avenir, le Conseil fédéral devrait augmenter le supplément de prime pour compenser la TVA, sinon la CNA devrait réduire ses prestations, ce qui ne serait pas dans l'intérêt des employeurs ni des travailleurs. En complétant l'art. 18 LTVA par le ch. 26, on vise à rétablir la situation juridique évidente et incontestée d'un financement le plus transparent possible des dépenses destinées à la prévention des accidents et des maladies professionnels. Il faut continuer d'utiliser dans le but prévu par le législateur la totalité du supplément de prime perçu par les assureurs-accidents, supplément qui, en tant que taxe de droit public, peut être imposé d'office à ses débiteurs.

2.2

Proposition de la commission

La commission propose de compléter l'art. 18 LTVA, qui énumère les opérations exclues du champ de l'impôt, par le ch. 26, et d'exclure du champ de la TVA les mesures prises pour la prévention des accidents et des maladies professionnels, dans la mesure où elles sont le fait direct des organes d'exécution de la loi sur le travail et de la CNA.

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Commentaire des dispositions

La taxe sur la valeur ajoutée est un impôt général sur la consommation. Elle doit donc être globale et frapper sans aucune distinction toutes les livraisons de biens et les prestations de services effectuées sur le territoire suisse. De même, pour répondre à la fois au principe de la généralité ­ qui interdit tout octroi de privilège ­ et au principe de l'égalité de traitement, il est impératif de restreindre le plus possible le nombre des cas d'exonération. Le Tribunal fédéral l'a confirmé dans plusieurs de ses arrêts (cf. ATF 124 II 193 ss et 372 ss). Conformément à ce principe, l'ordonnance du 22 juin 1994 sur la TVA (OTVA), édictée par le Conseil fédéral, disposait déjà que toutes les prestations devaient être imposables, les opérations exclues du champ de l'impôt ayant été expressément prévues. C'était là l'objet de l'art. 14 OTVA, qui dressait une liste exhaustive des opérations exclues du champ de l'impôt. La loi sur la TVA (LTVA), adoptée par l'Assemblée fédérale le 2 septembre 1999 et entrée en vigueur le 1er janvier 2001, prévoit également que toutes les prestations sont imposables indépendamment du fournisseur (art. 5 en relation avec l'art. 18 LTVA). Lors des délibérations sur la LTVA, le législateur s'est prononcé à diverses reprises pour une définition restrictive des exonérations prévues à l'art. 18 LTVA; il a en effet considéré que ces exonérations étaient incompatibles avec le système de la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elles pouvaient entraîner des distorsions de la concurrence.

La loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA; RS 832.20) prévoit les mesures à prendre pour prévenir les accidents et les maladies professionnels à son titre 6 (art. 81 ss). L'art. 82, al. 1, LAA oblige en premier lieu l'employeur à prendre, pour prévenir les accidents et les maladies professionnels, toutes les mesu4663

res dont l'expérience a démontré la nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui sont adaptées aux conditions données. Les travailleurs doivent collaborer à ces mesures de prévention (art. 82, al. 2, LAA) et sont tenus de seconder l'employeur dans l'application des prescriptions sur la prévention des accidents et des maladies professionnels (art. 82, al. 3, LAA). Comme il ressort de l'art. 83, al. 1, LAA, le Conseil fédéral, après avoir consulté les organisations d'employeurs et de travailleurs, édicte les prescriptions sur les mesures techniques, médicales et d'autre nature destinées à prévenir les accidents et les maladies professionnels dans les entreprises. Quant à l'exécution des prescriptions en question, l'art. 85, al. 1, LAA prévoit que les organes d'exécution de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (Loi sur le travail; RS 822.11) ainsi que la CNA doivent exécuter les prescriptions sur la prévention des accidents et des maladies professionnels. Le Conseil fédéral règle la compétence des organes d'exécution et leur collaboration. Il doit tenir compte de leurs possibilités matérielles et techniques ainsi que de leurs ressources en personnel.

La loi sur le travail prévoit à l'art. 41, al. 1 que l'exécution de la loi et des ordonnances incombe, sous réserve de l'art. 42, aux cantons. Ceux-ci doivent notamment désigner les autorités chargées de l'exécution; en l'occurrence, il s'agit des inspections cantonales du travail. Selon l'art. 42, al. 4, de la loi sur le travail, le secrétariat d'État à l'économie (seco), dans l'exercice de ses attributions, recourt à l'inspection fédérale du travail (auparavant: les inspections fédérales du travail) qui a son siège à Lausanne et à Zurich. Le seco peut en outre faire appel à des inspections spécialisées ou à des experts.

Pour que les organes d'exécution puissent appliquer les prescriptions sur la prévention des accidents et des maladies professionnels, le Conseil fédéral, se basant sur l'art. 87, al. 1, LAA, a fixé un supplément de prime pour l'assurance obligatoire des accidents et des maladies professionnels (cf. aussi art. 92, al. 1, LAA). L'al. 2 de cette prescription prévoit que le supplément de prime est prélevé par les assureurs et géré par la CNA. Celle-ci doit tenir un
compte séparé qui est soumis à l'approbation du Conseil fédéral. L'al. 3 de l'art. 87 LAA prescrit expressément que le supplément de prime sert à couvrir les frais découlant de l'activité exercée par les organes chargés de prévenir les accidents et les maladies professionnels.

Selon l'art. 85, al. 2, LAA, le Conseil fédéral nomme la commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) qui se compose de neuf à onze membres, et il désigne comme président un représentant de la CNA. La commission se compose pour moitié de représentants des assureurs et pour moitié de représentants des organes d'exécution de la loi sur le travail. Comme il ressort de l'art. 85, al. 3, LAA, la CFST, en tant qu'organe central, doit en particulier coordonner le travail des organes d'exécution.

Comme il ressort des explications qui précèdent, c'est aux inspections fédérale et cantonales du travail, d'une part, et à la CNA, d'autre part, qu'incombe l'exécution des prescriptions sur la prévention des accidents et maladies professionnels. Ces organes d'exécution remplissent ainsi une tâche de droit public, notamment la surveillance d'entreprises et d'installations, pour ce qui est de la prévention d'accidents et de maladies professionnels, la promotion de la prévoyance en matière de santé, la mise sur pied de campagnes d'information dans ce domaine ainsi que des conseils.

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Du point de vue du droit régissant la TVA, les tâches remplies par ces organes d'exécution constituent un échange de prestations. Les inspections fédérale et cantonales du travail fournissent des prestations, et ceci en échange d'une contreprestation, puiqu'elles reçoivent les suppléments de prime en contrepartie. Ces prestations de services fournies à titre onéreux constituent une opération au sens de l'art. 5, let. b, en relation avec l'art. 7 de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20). Cependant, il faut se demander si la LTVA connaît des raisons qui excluraient une imposition de ces opérations.

a.

Dans la mesure où les tâches d'exécution sont effectuées par les inspections fédérale et cantonales du travail, on a affaire à un échange de prestations entre collectivités publiques. Dans ce cas, les prestations ne sont pas soumises à l'impôt, aux conditions de l'art. 23, al. 1, 1re phrase, LTVA.

b.

Il n'en va pas de même pour la CNA. En effet, cette institution, en tant qu'institution de droit public érigée en personne morale (art. 61 LAA), est une autre institution du droit public au sens de l'art. 23, al. 1, 1re phrase, LTVA. Étant donné qu'elle fournit des prestations imposables à des tiers autres que des collectivités publique et que leur montant excède 25 000 francs par année, elle est assujettie, selon le droit en vigueur, à l'impôt pour les opérations découlant des mesures de prévention des accidents professionnels. Même si la CNA recevait un mandat de la part de la CFST, cela ne changerait rien au caractère imposable des prestations en question de la CNA. En effet, il ressort expressément de l'art. 8 LTVA que les opérations effectuées en vertu de la loi constituent des prestations de services et la CNA est tenue de prendre les mesures nécessaires à la prévention des accidents professionnels en vertu de l'art. 85, al. 1, LAA. En outre, il faut relever qu'en accomplissant ce mandat légal, la CNA ne fournit pas des prestations dans l'exercice de la puissance publique, car elle ne se trouve pas dans un rapport d'échange de prestations avec les entreprises qu'elle contrôle ou conseille. En effet, ces entreprises ne versent aucun montant ni émolument ayant la valeur d'une contre-prestation pour les mesures prises par la CNA; la CNA remplit au contraire un mandat légal et sa rémunération se compose d'une partie du revenu provenant des suppléments de primes. Il existe donc un rapport d'échange de prestations entre la CNA et la Confédération.

Vu cette situation juridique, une nouvelle mesure dérogatoire est nécessaire pour mettre la CNA sur le même plan d'égalité que les autres organes d'exécution, en matière de TVA, en ce qui concerne l'exécution des dispositions régissant la prévention des accidents et des maladies professionnels.

Conformément à la proposition du nouveau ch. 26 de l'art. 18 LTVA, il faut exclure du champ de l'impôt l'exécution des prescriptions sur la prévention des accidents et des maladies professionnels, financée par le supplément de prime prévu à l'art. 87 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents, dans la mesure où elle est le fait direct des organes d'exécution de la loi du 13 mars 1964 sur le travail et de la CNA.

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Conséquences financières

L'exonération des prestations que la CNA doit fournir sur la base de l'art. 85, al. 1, LAA dans le domaine de la prévention des accidents et des maladies professionnels se traduirait par des pertes fiscales allant de 4 à 5 millions de francs chaque année.

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Relation avec le droit européen

En ce qui concerne la relation de la mesure proposée avec le droit européen, il faut rappeler que, si la Sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (77/388/CEE) contient effectivement une liste d'opérations exonérées à l'art. 13, cette liste ne comporte pas de cas d'exonération analogue à celui-ci.

L'art. 12, al. 3, let. a, en rapport avec l'annexe H de la Sixième directive ne prévoit d'ailleurs pas non plus de taux d'imposition réduit pour les opérations visées par la présente initiative.

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Constitutionnalité

La présente modification de la LTVA se fonde sur l'art. 130 de la Constitution, qui donne la compétence à la Confédération de prélever une taxe sur la valeur ajoutée.

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