Délimitation des enquêtes de la Délégation des Commissions de gestion par rapport aux enquêtes administratives internes à la lumière des examens portant sur les événements relatifs à l'Afrique du Sud Rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales du 30 septembre 2003

2003-2138

4905

Rapport 1

Situation initiale

Le 12 novembre 1999 déjà, la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales (DCG) avait publié un rapport sur l'implication des services de renseignement suisses dans le cadre des relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud. À cette occasion, elle avait proposé diverses recommandations à l'attention du Conseil fédéral.1 Fin juin 2001, au cours du procès contre Wouter Basson qui se tenait en Afrique du Sud, de nouvelles présomptions sur le rôle des Services de renseignement suisses sont apparues.2 Ces éléments ont alors rendu nécessaires de nouvelles investigations.

En août 2001, le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) chargeait le secrétaire général du département d'effectuer une enquête interne préalable. Ce dernier a déposé son rapport d'enquête le 31 octobre 2001.

En raison des faits nouvellement établis, la DCG a estimé de son côté qu'il était nécessaire de compléter ses précédents travaux et, le cas échéant, d'en élargir les bases. Le 12 novembre 2001, elle a par conséquent décidé de reprendre ses investigations sur les activités des services de renseignement suisses en Afrique du Sud.

Les travaux sont aujourd'hui terminés et les résultats ont été publiés le 26 août 20033.

En novembre 2001, indépendamment des travaux de la DCG, le chef du DDPS avait également ordonné une enquête administrative sur les rapports entretenus par les Services de renseignement suisses avec l'Afrique du Sud ainsi que sur la légalité de la destruction de certains dossiers. Cette enquête a abouti à la publication d'un rapport daté du 16 décembre 2002.

Parallèlement aux enquêtes de la DCG et du DDPS, le Ministère public de la Confédération avait ouvert une enquête contre inconnu entre autres pour soupçon d'infraction à la loi sur le contrôle des biens. Entre-temps, l'enquête de police judiciaire a également été close; l'enquête préliminaire est en instance devant le juge d'instruction fédéral depuis le 8 janvier 2003.

Il ressort de ce qui précède que les contacts des services de renseignement suisses avec l'Afrique du Sud ont fait l'objet de trois procédures qui ont partiellement eu lieu en même temps.

1

2 3

Le rôle des Services de renseignement suisses dans le cadre des relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud. Rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales du 12 novembre 1999 (FF 2000 505).

Voir note de bas de page nº 7.

Examen des contacts des services de renseignement suisses avec l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid. Rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales du 18 août 2003 (FF 2004 2110).

4906

2

Délimitation de l'objet de l'examen

2.1

Simultanéité des enquêtes relatives aux événements en rapport avec l'Afrique du Sud

Le fait qu'il y ait eu simultanément trois enquêtes relatives aux événements en rapport avec l'Afrique du Sud a fortement nui aux investigations de la DCG.

Il n'y a toutefois pas eu de problèmes avec la procédure d'enquête conduite par le Ministère public de la Confédération. En effet, il était clair dès le début que celle-ci servirait à découvrir d'éventuelles infractions commises par des individus en rapport avec la livraison de matériel de guerre à l'Afrique du Sud ou avec la législation sur le contrôle des biens. Quant aux investigations de la DCG, elles étaient axées sur les rapports entretenus par les services de renseignement suisses et l'ancien sous-chef d'état-major du Groupe des renseignements Peter Regli avec des représentants du régime de l'apartheid en Afrique du Sud.

En revanche, il est bien vite apparu que la simultanéité d'une procédure relevant de la surveillance parlementaire et d'une enquête administrative interne du DDPS ayant un but semblable allait entraîner des problèmes de délimitation et de coordination.

Tout au long de ses investigations, la DCG a été confrontée, en rapport avec l'enquête administrative, à des obstacles devenant de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l'avancement de ses travaux. La DCG ne peut s'empêcher de penser que, au cours du temps, le chargé d'enquête mis en place par le chef du DDPS a développé une certaine dynamique propre allant jusqu'à échapper à l'influence du chef du département. Bien que le DDPS ait régulièrement souligné la prééminence de la DCG dans l'examen des événements en relation avec l'Afrique du Sud, le département n'a pas été en mesure de tenir en tous points ses engagements et de garantir le bon déroulement des investigations parlementaires.

2.2

Description de l'objet de l'examen

En novembre 2001, la DCG a repris ses investigations au sujet des rapports entre la Suisse et l'Afrique du Sud sur une base la plus large possible. Elle a fait part, non seulement envers l'opinion publique, mais également et plus particulièrement envers le DDPS, de sa volonté de se pencher en détail sur tous les faits et d'examiner également jusqu'aux plus simples présomptions. Dans ce but, la DCG a commencé par faire un état des lieux des divers bruits et allégations qui circulaient sur le rôle que les services de renseignement suisses auraient joué en Afrique du Sud. Dans ce but, elle a tout d'abord entendu divers journalistes qui avaient récemment traité le sujet.

Sur la base des résultats de ces auditions et des autres investigations qu'elle avait également menées entre-temps, la DCG a défini l'objet et le concept de son enquête.

Sur demande du DDPS, des représentants de la DCG, du DDPS et du Ministère public de la Confédération se sont réunis à l'occasion de deux séances de coordination. A cette occasion ont été définies, d'entente entre les parties, la délimitation et les interfaces entre les diverses procédures. La procédure d'enquête du Ministère public de la Confédération devait se limiter à découvrir les éventuelles infractions pénales commises par un certain nombre d'individus, l'enquête administrative du DDPS devait essentiellement porter sur les prescriptions générales de service relatives à la collecte et à l'évaluation d'informations par les services de renseignement 4907

du DDPS ainsi que sur la gestion, l'archivage et la destruction des dossiers. Quant aux investigations de la DCG, elles devaient avant tout se concentrer sur la portée effective, les détails et la dimension politique des contacts des services de renseignement avec l'Afrique du Sud.

En adoptant son concept d'enquête en janvier 2002, la DCG partait du principe que l'enquête administrative ordonnée par le DDPS allait essentiellement se concentrer sur les sujets qui, selon l'enquête préalable du secrétaire général du DDPS d'octobre 2001, appelaient un approfondissement.

Le chef du DDPS a fixé le mandat de l'enquête administrative en février 2002.

Après en avoir pris connaissance, la DCG a constaté que son objet correspondait dans une très large mesure au concept d'enquête que la délégation avait elle-même déjà adopté un mois auparavant. Elle a estimé que cette manière de procéder n'était guère judicieuse. Il était à craindre que des enquêtes se recouvrant largement seraient menées en parallèle par deux instances différentes, que les personnes à entendre le seraient deux fois sur les mêmes sujets et que l'administration allait être doublement chargée par les demandes de renseignements et de production de dossiers.

Sur la base du droit en vigueur, la DCG dispose certes de pouvoirs d'enquête pratiquement aussi étendus que ceux d'une commission d'enquête parlementaire (CEP).

Toutefois, à la différence d'une CEP, elle n'a pas la possibilité d'exiger la suspension des enquêtes administratives internes.4 La DCG a donc dû se contenter d'attirer l'attention du chef du département sur les problèmes susceptibles de survenir en raison de la simultanéité des procédures et le prier de bien vouloir y remédier.

À cet égard, afin de créer un environnement plus propice pour ses prochaines enquêtes, la DCG a décidé de décrire les problèmes qui se posent lorsqu'une enquête administrative se déroule en même temps qu'une enquête de la délégation. Le présent rapport a ainsi pour but de montrer les difficultés auxquelles la DCG a été confrontée lors de ses investigations sur le rôle des services de renseignement suisses dans le cadre des relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud ainsi que sur les conséquences qui en découlent sur le plan législatif. La problématique abordée ci-après n'est pas liée à l'objet de
l'enquête de la DCG en tant que tel. Elle est généralisable et pourrait se reproduire sous une autre forme à l'occasion d'une autre enquête de la délégation. Il paraissait donc judicieux d'analyser la problématique de la délimitation des enquêtes en dehors du rapport principal ayant eu pour objet l'enquête sur le rôle des services de renseignement suisses dans le cadre des relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud. Ce rapport a déjà été publié le 26 août 2003.

La DCG a adopté son projet de rapport le 23 juin 2003 et l'a soumis au Conseil pour prise de position le 24 juin 2003. Le Conseil fédéral a rendu son avis en date du 2 juillet 2003. Le rapport final a également été discuté avec une délégation du Conseil fédéral le 18 août et le 8 septembre 2003.

La délégation a également accordé à quatre personnes le droit d'être entendu. Ces personnes ont reçu les passages correspondants du projet de rapport pour prise de position.

4

Voir art. 65, al. 3, de loi fédérale du 23 mars 1962 sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils, LREC), RS 171.11.

4908

Le présent rapport tient compte, dans une mesure appropriée, des avis du Conseil fédéral et des personnes concernées. La DCG a achevé ses travaux le 30 septembre 2003 et a adopté le présent rapport à l'attention des commissions plénières.

Les Commissions de gestion des Chambres fédérales ont pris connaissance du rapport de la DCG le 6 octobre 2003. Elles ont décidé de le publier.

2.3

Exigences en matière d'information réciproque

Les premiers problèmes sont apparus dès le début de l'enquête, lorsque le DDPS s'était approché de la DCG et avait souhaité pouvoir procéder à des échanges d'informations réguliers avec la DCG. Le DDPS n'attendait toutefois pas seulement d'être informé de manière suivie sur les travaux de la DCG, il souhaitait également pouvoir prendre connaissance de l'intégralité des procès-verbaux de la DCG.

La DCG s'est opposée à cette demande pour les raisons suivantes: Premièrement, dans le cadre de l'exercice de la haute surveillance parlementaire, il incombe à la DCG d'examiner régulièrement en détail les activités dans le domaine de la sécurité de l'Etat et du renseignement.5 Un tel examen ne peut aboutir à des résultats crédibles que si la DCG l'effectue sous sa propre responsabilité et sans tenir compte du département concerné. Deuxièmement, les intérêts de la DCG et du département faisant l'objet de l'examen ne sont pas convergents. Il serait facile pour le DDPS d'abuser d'un échange intégral d'informations afin de s'entendre au sein du département, voire de manipuler des résultats d'enquête. Troisièmement, bien qu'elle reconnaisse l'intérêt du DDPS à disposer de résultats d'enquête supplémentaires sur les procédures internes (telles que prescriptions générales de service, gestion et archivage de documents, etc.), la DCG ne voit pas pourquoi la question de l'ampleur et des tenants et aboutissants des contacts entretenus par les services de renseignement suisses avec l'Afrique du Sud ­ dont l'importance est essentiellement politique ­ devrait faire l'objet de deux examens et être jugée à double. Au contraire, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le contrôle politique ressortit essentiellement au Parlement et aux organes auxquels il a confié cette mission.

2.4

Interventions de la DCG auprès du chef du DDPS

En avril 2002, lors d'un entretien, la DCG a rendu le chef du DDPS attentif à ses réserves concernant la simultanéité de ses investigations et de l'enquête administrative. À cet égard, le conseiller fédéral Samuel Schmid a affirmé en substance que la primauté de la DCG n'était pas contestée, qu'il serait judicieux que le DDPS et la DCG enquêtent sur des objets différents et que les deux procédures devaient éviter de se superposer afin de se compléter dans la mesure du possible. Le chef du département a explicitement assuré la DCG qu'il réexaminerait le mandat de l'enquête administrative afin de le limiter aux prescriptions générales de service relatives à la collecte et à l'évaluation des informations ainsi qu'à l'archivage et à la destruction des dossiers au sein des services de renseignement.

5

Art. 47quinquies, al. 2, LREC.

4909

Ces assurances n'ont pourtant pas été respectées. Au contraire, après une nouvelle intervention de la DCG en mai 2002, le chef du département a en substance indiqué que, outre la problématique relative à la gestion et à l'archivage des dossiers, la soidisante enquête complémentaire du DDPS allait également et surtout porter sur les rapports entretenus par les services de renseignement suisses avec l'Afrique du Sud.

En même temps, le chef du DDPS a assuré la DCG qu'elle serait chaque fois informée avant l'audition de personnes extérieures à l'administration et que les résultats principaux de l'enquête administrative lui seraient communiqués. La DCG a dû constater aux cours de ses travaux qu'elle n'a pas toujours été informée au préalable des auditions du chargé d'enquête. La DCG n'a également reçu aucune information sur les résultats de l'enquête administrative avant la publication du rapport final.

Il n'appartient pas à la DCG de se prononcer sur les méthodes de travail du chargé d'enquête du DDPS. Cela étant, et dans la mesure où ses propres investigations s'en sont trouvées affectées, la DCG estime qu'une remarque à ce sujet se justifie. Les problèmes de compétences et de délimitation n'ont de toute évidence pas uniquement concerné les rapports avec l'autorité chargée de la surveillance parlementaire.

En effet, des autorités administratives de la Confédération ont également été concernées. Ainsi, l'Office fédéral de la police (OFP) s'est plaint du fait que le chargé d'enquête du DDPS n'a jamais accepté les limites inhérentes à une enquête administrative interne du département, qu'il a exigé la production de documents au mépris des dispositions légales et que, après une première fin de non-recevoir, il est même allé jusqu'à contourner la voie de service pour obtenir les informations qu'il cherchait. En outre, la DCG dispose d'un ensemble de lettres du chargé d'enquête du DDPS adressées à une personne privée dans laquelle il exige que celle-ci lui remette des documents sous peine de mesures de contrainte.

2.5

Reprise de résultats de l'enquête de la DCG

Comme cela a déjà été mentionné plus haut, la DCG a défini un concept d'enquête détaillé en janvier 2002. Sur cette base, la délégation a fixé le cercle des personnes qu'elle désirait entendre. Elle a également établi d'importants catalogues de questions et a demandé de nombreuses pièces à divers départements fédéraux et gouvernements cantonaux. Ainsi, les requêtes adressées au seul DDPS concernaient pas moins de 50 problématiques spécifiques et comportaient un grand nombre de questions détaillées sur les services de renseignement, le protocole militaire, le Groupement de l'armement en général et le Laboratoire AC de Spiez en particulier ainsi que sur le Groupe des affaires sanitaires. Les départements et les gouvernements cantonaux concernés ont transmis les renseignements demandés à la DCG dans le courant du mois d'avril 2002. À diverses reprises, il a encore été nécessaire de demander des précisions ou des prises de positions complémentaires.

Ce n'est que lorsque l'enquête administrative a été close que la DCG a constaté que le DDPS avait remis à son chargé d'enquête non seulement des copies des catalogues de questions, mais également des copies des réponses transmises à la DCG.

Bien que le DDPS ait régulièrement souligné l'indépendance du chargé d'enquête qu'il avait institué, il lui remettait en copie intégrale les réponses et les documents rassemblés à l'attention de la DCG. La DCG n'a jamais été entendue à ce sujet. Elle n'a par conséquent jamais autorisé le chargé d'enquête à utiliser, commenter ou publier les résultats de l'enquête qu'elle menait. En analysant le rapport final du 4910

chargé d'enquête ­ rapport qui lui a été transmis peu avant sa publication ­ la DCG a dû constater que le chargé d'enquête avait déjà exploité à son profit une partie importante des résultats des investigations de la DCG. Pour certains résultats, la DCG n'a pas pu décider en toute indépendance s'ils devaient être publiés ou s'il méritaient, pour des raisons liés à des intérêts justifiés et prépondérants, d'être traités de manière confidentielle.

2.6

Ingérence dans les affaires de la DCG

Il a déjà été mentionné ci-avant que la DCG ne voit aucun motif de se prononcer sur les méthodes et les résultats de l'enquête administrative. Cette tâche appartient au seul DDPS qui a diligenté cette enquête et qui doit en assumer la responsabilité finale. Cela étant, le rapport de l'enquête administrative comporte un chapitre «Problèmes juridiques du contrôle par la Délégation des commissions de gestion» sur lequel la DCG se doit de prendre position. Dans ce chapitre, le chargé d'enquête estime notamment que le domaine des contrôles parlementaires doit être examiné, que les instruments légaux sur lesquels se fondent les moyens de contrôle doivent être précisés et qu'une voie de droit doit être prévue et garantie pour toutes les personnes concernées.

Pour la délégation, il n'appartient pas à une enquête administrative limitée au DDPS de se prononcer sur des questions ayant trait à l'exercice de la haute surveillance parlementaire.

3

Demande de la DCG concernant des investigations en Afrique du Sud

En février 2002, la DCG a informé le Conseil fédéral de son intention de procéder, au besoin, à des investigations en Afrique du Sud. Elle lui a simultanément demandé d'examiner les possibilités correspondantes, le cas échéant auprès des autorités sudafricaines. Dans sa première réponse de mars 2002, le Conseil fédéral s'est contenté de prendre position sur la question de l'opportunité politique d'une telle démarche, tant du point de vue de la politique intérieure qu'extérieure, et a fait part d'importantes réserves. Il a notamment fait valoir que la Suisse elle-même refusait régulièrement de donner suite à de telles demandes si bien qu'il semblait peu opportun d'exiger d'un Etat tiers qu'il accorde à la Suisse ce qu'elle n'aurait pas accordé ellemême. De plus, le Conseil fédéral a également exprimé la crainte que des investigations menées par la DCG pourraient provoquer une certaine surprise en Afrique du Sud en raison de la demande d'entraide judiciaire du Ministère public de la Confédération déjà en suspens. Le Conseil fédéral était d'avis que de telles investigations auraient pu avoir des effets sur les bons rapports entre les deux pays.

Ce n'est que plus tard que la DCG a constaté que c'est le DDPS qui avait été chargé de préparer la réponse à sa demande. Le Conseil fédéral avait ensuite essentiellement repris l'argumentation négative de l'administration et avait de toute évidence estimé qu'il était inutile de procéder à des sondages complémentaires en Afrique du Sud. Du point de vue du DDPS, la procédure que la DCG voulait engager était inhabituelle et risquait d'attirer l'attention des médias internationaux. Cela mis à part, le DDPS estimait que la DCG ne disposait pas des compétences lui permettant 4911

d'agir à l'étranger et que, de plus, les éventuels contacts officiels avec l'Afrique du Sud devaient être pris par l'intermédiaire du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Une note d'entretien du DDPS remarque d'ailleurs qu'il s'agit d'une affaire de politique extérieure assez délicate («ziemlich heikle aussenpolitische Angelegenheit»).

Cet avis négatif du DDPS est intéressant parce qu'il montre que le département évaluait de toute évidence à sa guise la question de l'opportunité d'investigations directes en Afrique du Sud. Alors qu'il s'était clairement opposé à ce que la DCG procède à ses propres investigations en Afrique du Sud, il ne voyait pas la moindre raison d'empêcher son chargé d'enquête d'effectuer des investigations à l'étranger (voir infra ch. 5).

A cet égard il est également frappant de constater que, peu de temps après avoir été soumise au Conseil fédéral en février 2002, la demande de la DCG a fait l'objet d'une indiscrétion, dont il n'a pas été possible de trouver l'origine. A la même période, la Berner Zeitung citait le porte-parole du DDPS qui saluait l'intention de la DCG de recourir à tous les moyens à sa disposition pour faire la lumière sur cette affaire («Die Anfrage zeigt, dass die Delegation alle ihr zustehenden Möglichkeiten ausnützen will, um Licht in die Angelegenheit zu bringen. Dem stehen wir positiv gegenüber.»6) Cette déclaration est en contradiction avec la prise de position du DDPS au Conseil fédéral qui s'opposait à des démarches de la DCG en Afrique du Sud. La DCG ne s'est pas satisfaite de la première réponse négative du Conseil fédéral. En juin 2002, après avoir entendu divers représentants du DFAE, elle a prié ce département de se mettre en contact avec les autorités sud-africaines. La délégation a ensuite transmis au DFAE un document à l'intention du gouvernement d'Afrique du Sud dans lequel elle décrivait l'objet de son enquête et elle communiquait la liste des personnes qu'elle désirait entendre (notamment Wouter Basson) (cf. ch. 5.3.).

4

Invitation du procureur sud-africain Anton Ackermann à venir en Suisse

4.1

Première visite de juillet 2002

En mai 2002, le procureur Anton Ackermann qui avait été chargé en Afrique du Sud de diriger l'accusation contre Wouter Basson ­ l'ancien chef du projet secret «Coast»7 des forces armées sud-africaines ­ a fait savoir au DFAE qu'il était intéressé à être entendu en Suisse au sujet du déroulement du procès et en particulier des aspects touchant la Suisse. Suite à cela, la DCG a prié le DFAE de transmettre au

6 7

Cité dans la Berner Zeitung du 16 février 2002, page 5.

Depuis 1982, l'Afrique du Sud travaillait sur les différents aspects de la guerre chimique et biologique dans le cadre du projet secret «Coast». Ce projet avait été lancé en 1981 par le ministre sud-africain de la défense de l'époque, le général Magnus Malan. Depuis 1988, ce projet était placé sous la responsabilité formelle du général Niel Knobel, le médecin en chef de l'armée sud-africaine. La direction opérationnelle du projet était assumée par Wouter Basson en tant que directeur exécutif. Voir à ce sujet le rapport d'enquête de la Délégation des commissions de gestion sur le rôle des Services de renseignements suisses dans le cadre des relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud, du 12 novembre 1999.

4912

procureur Anton Ackermann une invitation officielle du Parlement suisse et de lui faire parvenir une liste des sujets qui seraient abordés lors de son audition en Suisse.

Lors des travaux préparatoires à cette visite, le Ministère public de la Confédération et le DDPS ont émis le souhait de pouvoir également s'entretenir avec le procureur Anton Ackermann. La DCG a refusé la demande du DDPS qui souhaitait une audition commune, mais a explicitement laissé le chargé d'enquête libre d'entendre le procureur sud-africain lors de son séjour en Suisse à l'invitation du Parlement.

Lors de la séance du 1er juillet 2002, le procureur Anton Ackermann a informé la DCG sur le déroulement en Afrique du Sud du procès contre Wouter Basson. Ce sont avant tout les aspects de ce procès relatifs à la Suisse, en particulier aux services de renseignement, qui ont été abordés à cette occasion. Le lendemain et le surlendemain, le procureur chargé de l'enquête au Ministère public de la Confédération, puis le chargé d'enquête du DDPS se sont entretenus avec Anton Ackermann.

À peine une semaine plus tard, le chargé d'enquête du DDPS a indiqué au procureur du Ministère public de la Confédération qu'il avait encore quelques questions complémentaires à poser au procureur Anton Ackermann. Par la même occasion, il a suggéré au Ministère public de présenter une demande de renseignements complémentaires commune en Afrique du Sud en précisant qu'il savait que le procureur Anton Ackermann trouverait cela très opportun.8 La demande commune souhaitée n'ayant pas été présentée, le procureur Ackermann a ensuite eu des contacts directs avec le chargé d'enquête du DDPS. Lors de ces contacts, le chargé d'enquête du DDPS a notamment chargé le procureur sud-africain d'interroger comme témoin en Afrique du Sud un ancien attaché de défense qui avait été accrédité en Suisse. Le rapport final de l'enquête administrative précise d'ailleurs que cet ancien attaché de défense sud-africain en Suisse a été interrogé sous serment en septembre 2002. Il est intéressant de constater que, lors de sa seconde visite en Suisse en septembre 2002, le procureur Anton Ackermann n'a pas seulement facturé ses frais de séjour en Suisse, mais également les frais de l'interrogatoire qu'il avait effectuée en Afrique du Sud à la demande du chargé d'enquête du DDPS.

4.2

Seconde visite de septembre 2002

La DCG n'a jamais fait un mystère de l'invitation qu'elle avait adressée au procureur Anton Ackermann. Elle a non seulement donné au Ministère public de la Confédération et au DDPS la possibilité d'éclaircir certains points à l'occasion de cette visite, mais elle a également rendu cette invitation publique en l'annonçant aux médias. C'est donc avec surprise que, en automne 2002, la DCG a appris quelque peu par hasard que le procureur sud-africain séjournait une seconde fois en Suisse sans qu'elle en ait été informée. Plusieurs tentatives d'obtenir plus de renseignements sur cette visite auprès du rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales sont demeurées sans succès étant donné que celui-ci se trouvait au service militaire. Son supérieur hiérarchique a finalement indiqué au secrétariat de la DCG que le conseiller fédéral Samuel Schmid contacterait le président de la DCG dans le courant de la journée.

8

«[...] dass dies Herrn Dr. Ackermann sehr gelegen käme», lettre du chargé d'enquête au Ministère public de la Confédération du 10 juillet 2002.

4913

En fin de l'après-midi du 18 septembre 2002, le chef du DDPS a appelé comme convenu le président de la DCG. Celui-ci a résumé le contenu de la discussion dans une note datée du même jour. Ainsi, lors de cet appel téléphonique, le chef du DDPS a indiqué que le procureur sud-africain séjournait en Suisse sur invitation du Ministère public de la Confédération et qu'il aurait emporté des déclarations faites sous serment. Le chef du département a également expliqué que le chargé d'enquête du DDPS avait appris que le procureur sud-africain séjournait en Suisse et s'était joint à l'audition. Le conseiller fédéral Samuel Schmid a également déclaré que la consigne était de faire parvenir tous les documents à ce sujet à la DCG.9 Le porte-parole du DDPS a déclaré la même chose à la presse: le procureur Anton Ackermann se trouvait en Suisse uniquement sur intervention du Ministère public de la Confédération et dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire.

Le même jour paraît un article du «TagesAnzeiger» intitulé «Audition d'un procureur sud-africain» («Staatsanwalt aus Südafrika befragt»). Dans cet article, il est mentionné que le procureur Anton Ackermann aurait séjourné «de manière discrète» en Suisse et aurait rencontré des représentants du Ministère public de la Confédération ainsi que le chargé d'enquête du DDPS. Selon l'article, le procureur sudafricain aurait rencontré les représentants du Ministère public dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire. En octobre 2002, en réponse à une question de la DCG, le procureur général de la Confédération Valentin Roschacher a toutefois indiqué que le procureur sud-africain avait séjourné à Berne durant toute la semaine 38 et cela sur invitation du chargé d'enquête du DDPS. Le procureur compétent du Ministère public de la Confédération n'a eu connaissance de cette invitation que peu de temps avant la visite.

Alors qu'il était devenu évident que non seulement la DCG, mais également les médias avaient été faussement informés au sujet de la seconde visite du procureur sud-africain Anton Ackermann, la DCG a décidé de clarifier la situation à cet égard.

Les résultats des différentes démarches de la DCG ont montré que non seulement le procureur sud-africain était venu en Suisse en septembre 2002 sur la seule invitation du chargé d'enquête du DDPS,
mais qu'il y avait également séjourné aux frais du département. Le versement de ses indemnités et le remboursement de ses frais ont été effectués en liquide et le Secrétariat général du DDPS a imputé les montants correspondants au crédit de l'enquête administrative. Le DDPS et, partant, son chargé d'enquête étaient par conséquent parfaitement informés de cette visite.

Lors de sa première audition par la DCG, le rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales avait encore prétendu qu'il ne connaissait pas les tenants et aboutissants de la seconde visite du procureur sud-africain. Il a déclaré qu'il savait seulement que le désir d'entendre le procureur Anton Ackermann était apparu à l'occasion des contacts entre le chargé d'enquête du DDPS et le procureur du Ministère public de la Confédération. Il n'aurait en particulier pas su pourquoi le chef du DDPS avait indiqué au président de la CDG que le procureur Anton Ackermann séjournait en Suisse sur invitation du Ministère public. Etant au service militaire durant la semaine en question, il n'aurait pas pu dire quelles informations étaient

9

«Schmid erklärt, Ackermann sei auf Einladung der BA hier. Er habe eidesstattliche Erklärungen mitgebracht. [Der Untersuchungsbeauftagte des VBS] habe davon gehört und habe sich dann . Schmid erklärte, es bestehe im VBS die Weisung, uns alle Unterlagen diesbezüglich zukommen zu lassen.»

4914

passées par quels canaux et comment le chef du département était parvenu à cette information.

La DCG a toutefois appris par la suite que le rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales était informé de la seconde visite en Suisse du procureur Anton Ackermann. Lors d'une seconde audition, le rapporteur du chef du DDPS a indiqué qu'il s'était encore informé des tenants et aboutissants de la visite en question en téléphonant au chargé d'enquête du DDPS le matin même du 18 septembre 2002. Il aurait ensuite résumé cet entretien téléphonique dans un courrier électronique à l'attention du chef du département et envoyé celui-ci à son supérieur hiérarchique.

Au vu du contenu de ce courriel, il faut conclure que le chargé d'enquête du DDPS a fourni des informations en partie fausses et incomplètes à son mandant.

Le procureur du Ministère public de la Confédération ayant été informé qu'à court terme de la visite du procureur sud-africain par le chargé d'enquête du DDPS en a profité pour s'entretenir avec Anton Ackermann durant un après-midi (17 septembre 2002). Ils ont discuté de diverses questions relatives à la procédure d'entraide en instance. Pour le reste, procurerur du Ministère public de la Confédération n'a rien à voir avec l'invitation et le séjour d'une semaine (du 14 au 21 septembre 2002) du procureur sud-africain.

Il est encore apparu que, le 18 septembre 2002 à midi, le conseiller fédéral Samuel Schmid avait appelé le procureur du Ministère public de la Confédération chargé de la procédure à son domicile privé pour se renseigner sur les tenants et les aboutissants du séjour en Suisse du procureur Anton Ackermann. Le procureur du Ministère public de la Confédération a catégoriquement nié que le Ministère public était à l'origine de cette visite et précisé que le procureur sud-africain était venu en Suisse à l'invitation du DDPS. Malgré ces précisions, lors de son téléphone du même jour avec le président de la DCG, le chef du département s'en est tenu à la version du chargé d'enquête du DDPS. Le chef du département a indiqué lors de son audition qu'il s'était appuyé sans réserve sur la description des faits telle qu'elle lui avait été présentée par le chargé d'enquête, une description des faits qui s'avéra néanmoins par la suite être inexacte.

5

Remise d'un catalogue de questions à Wouter Basson et autres interventions du chargé d'enquête à l'étranger

5.1

Chronologie des événements d'octobre 2002

À peine un mois après les événements liés à la seconde visite du procureur Anton Ackermann, la DCG a appris par un journaliste qu'un catalogue de questions, formulé sur du papier à en-tête du DDPS, avait été remis à Wouter Basson afin qu'il y réponde par écrit. Le journaliste en question était en possession du catalogue de questions et de la lettre d'accompagnement et entretenait de toute évidence des contacts directs avec Wouter Basson. Il a annoncé à la DCG son intention de publier un article à ce sujet dans la Weltwoche du 24 octobre 2002. Il s'est toutefois déclaré prêt à remettre à la DCG des copies du catalogue de questions ainsi qu'une lettre d'accompagnement rédigée par le chargé d'enquête du DDPS.

L'examen de ces documents a permis de constater que le catalogue de questions à l'attention de Wouter Basson et la lettre d'accompagnement avait été rédigés sur du 4915

papier à en-tête officiel du DDPS et que la lettre d'accompagnement avait été signée par une collaboratrice du Secrétariat général du DDPS. En tenant compte des informations dont elle disposait, la DCG pouvait à l'époque envisager trois hypothèses.

La première était qu'il pouvait s'agir de faux documents mis en circulation par certains milieux ou tiers concernés par l'affaire dans le but de faire obstacle à l'enquête en cours. La deuxième était que la lettre d'accompagnement était authentique, mais que le questionnaire était un faux établi dans le dessein de discréditer l'enquête administrative du DDPS. La troisième hypothèse était qu'il pouvait effectivement s'agir d'un questionnaire rédigé par le chargé d'enquête du DDPS et transmis à Wouter Basson pour qu'il y réponde par écrit.

Même si l'enquête administrative du DDPS a été menée indépendamment des investigations de la DCG, celle-ci a estimé qu'il était urgent d'agir. Qu'il s'agisse de la remise d'un questionnaire sur papier à en-tête officiel de l'administration suisse à un citoyen étranger résidant à l'étranger ou d'une éventuelle tentative de manipulation de la part d'une tierce personne, ces éléments semblaient de nature à nuire aux investigations de la DCG. La formulation absurde et en partie extrêmement offensante des questions permettait en outre de craindre que Wouter Basson ne serait plus d'accord d'être entendu par la DCG et le Ministère public de la Confédération. Par la suite, Wouter Basson a effectivement déclaré à la Weltwoche (art. du 24 octobre 2002) qu'il n'était plus disposé à déposer.

La DCG a donc décidé de prendre immédiatement toutes les mesures permettant d'élucider complètement cette affaire le plus rapidement possible. Le 22 octobre 2002, la DCG a transmis au conseiller fédéral Samuel Schmid les informations en sa possession. En accord avec le chef du DDPS, des recherches ont été immédiatement entreprises afin d'établir l'authenticité des documents en question ou d'apporter la preuve qu'il s'agissait de faux. Le catalogue de questions et la lettre d'accompagnement ont pu être saisis dans le bureau de la collaboratrice du Secrétariat général du DDPS qui était chargée d'assister le chargé d'enquête pour les travaux administratifs. L'hypothèse de la manipulation au moyen de faux a ainsi pu être écartée.

Une fois établi
que le questionnaire avait bien été rédigé par le chargé d'enquête du DDPS et expédié sur son ordre, tous les documents ayant un quelconque rapport avec le questionnaire ont été ­ également avec l'accord du conseiller fédéral Samuel Schmid ­ saisis par la DCG et provisoirement mis sous scellés le jour même. La DCG a renoncé à procéder à la saisie des dossiers se trouvant dans le bureau du chargé d'enquête du DDPS à Saint-Gall comme le chef du département l'avait également proposé. Sur sa demande expresse, tous les documents ont été remis à la disposition du DDPS le jour suivant, sous la réserve que les dossiers de travail soient copiés et que ces copies soient provisoirement gardées en lieu sûr par le DDPS.

5.2

Tentatives d'explication du DDPS

Sachant que, dans son édition du 24 octobre 2002, la Weltwoche allait aborder le sujet du catalogue de questions, la DCG a, le même jour, informé les médias sur l'état provisoire de ses investigations. À la suite de cela, le même jour encore, le DDPS a également donné une conférence de presse. Dans le communiqué écrit remis aux représentants de la presse, le chef du DDPS confirmait qu'il avait pleine confiance dans le chargé d'enquête. Le DDPS a donné les explications suivantes au sujet du catalogue de questions remis à Wouter Basson: 4916

«À propos des questions citées par la , le DDPS estime qu'il s'agit d'une regrettable: un premier projet de questions au Dr Wouter Basson a été envoyé directement ­ et par erreur ­ par le secrétariat du DDPS sans consultation préalable du professeur chargé de l'enquête.»10

Les jours suivants, le porte-parole du DDPS a présenté quatre versions différentes des faits. La collaboratrice du Secrétariat général accusée par le communiqué de presse a demandé un entretien au chef du département. Elle lui a présenté tous les documents relatifs à l'affaire. Une première rectification était apportée le lendemain,le DDPS affirmant que le catalogue de questions en question ne constituait qu'une esquisse de projet rédigée par un collaborateur du DDPS et qui avait été envoyée par erreur, sans consultation et sans la signature du chargé d'enquête. Un jour plus tard, citant le porte-parole du DDPS, la presse a rapporté que le département connaissait l'identité de la personne qui avait ordonné la rédaction du catalogue de questions, mais qu'il ne voulait pas révéler son nom. Par la même occasion, le DDPS a précisé que, une fois l'enquête administrative close, il présenterait en compte-rendu sur les circonstances précises de la panne. Enfin, le 27 octobre 2002, la presse dominicale a rapporté que les reproches initiaux formulés à l'encontre d'une collaboratrice du Secrétariat général du DDPS étaient retirés et qu'il semblait établi que le questionnaire provenait de l'équipe du chargé d'enquête.

En outre, le même jour, le porte-parole du DDPS indiquait que Wouter Basson s'était mis en rapport avec le DDPS et serait de nouveau disposé à répondre aux questions qui lui seraient posées dans le cadre de l'enquête administrative. Les médias ont cité le porte-parole du DDPS et ont rapporté que le département ne connaissait pas les raisons qui avaient été à l'origine de ce changement d'opinion.

Toujours selon le porte-parole du DDPS, le chargé d'enquête du DDPS ayant pu expliquer l'erreur, il semblait que la colère de Wouter Basson n'était plus si grande au point qu'il ne veuille plus déposer. Le DDPS a en outre indiqué que c'était Wouter Basson qui avait pris l'initiative du contact et non le département et qu'il n'était pas encore établi si l'audition se déroulerait en Suisse ou en Afrique du Sud, ni quand elle était susceptible d'avoir lieu. Les recherches que la DCG a effectuées à cet égard ont montré que ce n'est pas Wouter Basson, mais le destinataire de la lettre d'accompagnement du fameux catalogue de questions ­ un ancien partenaire commercial de Wouter Basson habitant en Suisse11 ­
qui, le 25 octobre 2002, avait fait parvenir un courrier électronique au secrétariat du chargé d'enquête du DDPS dans lequel il se référait à un entretien téléphonique qu'il avait eu avec Wouter Basson.

5.3

Résistance du DDPS envers un examen approfondi des circonstances

Après que sa première demande adressée au Conseil fédéral au sujet de l'opportunité et des modalités d'éventuelles investigations en Afrique du Sud eut été rejetée, la DCG a, par l'entremise du DFAE, présenté aux autorités sud-africaines une demande formelle portant sur l'audition de plusieurs personnes, dont Wouter Basson (voir ch. 3 supra). La DCG savait également que le Ministère public de la Confédération

10 11

Communiqué de presse du DDPS du 24 octobre 2002.

À ce sujet, voir infra ch. 5.4.3.

4917

avait également l'intention d'entendre Wouter Basson par voie d'entraide judiciaire dans le cadre de sa propre procédure d'enquête.

La transmission pour le moins critiquable du point de vue légal d'un catalogue de questions d'un contenu douteux a considérablement gêné, voire empêché non seulement les investigations que la DCG avait souhaité pouvoir mener en Afrique du Sud, mais également la procédure d'enquête du Ministère public de la Confédération. Il était à craindre que les autorités sud-africaines considèrent ce non-respect des principes élémentaires de la procédure comme une violation de la souveraineté nationale et que Wouter Basson prenne le ton tendancieux du catalogue de questions comme une attaque dirigée contre sa personne. Le procureur du Ministère public de la Confédération a d'ailleurs exprimé son avis sans détour à la DCG et a souligné le fait que la manière d'agir du chargé d'enquête du DDPS aurait des conséquences fâcheuses, ce que certaines réactions étaient déjà en train de confirmer12.

Dans de telles circonstances, la DCG était d'avis que le préjudice provoqué par l'envoi de ce catalogue de questions était si important qu'il n'était plus possible de se contenter des tentatives d'explication contradictoires du DDPS. Elle a donc décidé d'élucider les circonstances de cette prétendue panne intervenue au sein du DDPS.

Le DDPS et plus particulièrement son chargé d'enquête ont opposé quelque résistance aux démarches de la DCG. Ainsi, par lettre du 8 novembre 2002, le chef du département a non seulement refusé de remettre les documents du Secrétariat général du DDPS en rapport avec le catalogue de questions, mais il a en plus interdit à la collaboratrice du DDPS chargée d'assister le chargé d'enquête de répondre aux questions de la CDG: «[...] Sur la base de ces considérations, indépendamment du fait qu'ils collaborent à l'enquête administrative, je ne peux qu'interdire à mes collaborateurs de déposer devant la DCG au sujet de l'enquête administrative ou de remettre des documents qui s'y rapportent! Cette interdiction durera en tout cas aussi longtemps que l'enquête administrative ne sera pas formellement close.» [traduit de l'allemand]

N'ayant pas accepté cette attitude de refus, la DCG a eu une explication avec le chef du DDPS le 22 novembre 2002. Lors de celle-ci, le conseiller fédéral Samuel Schmid a prié la DCG d'attendre la publication du rapport final du chargé d'enquête avant d'entreprendre les investigations prévues, le report ainsi nécessaire ne serait d'ailleurs que de trois ou quatre semaines. En effet, le chargé d'enquête l'avait assuré qu'il serait en mesure de transmettre le rapport de l'enquête administrative à la DCG le 6 décembre 2002. Le chef du DDPS a clairement précisé que, à partir de ce moment, la DCG pourrait bien évidemment prendre connaissance de tous les documents et entendre toutes les personnes qu'elle désirait comme la loi lui en donnait le pouvoir. Au vu de cette affirmation claire et sans équivoque, la DCG a renoncé à entreprendre les investigations prévues avant la publication du rapport final de l'enquête administrative.

La DCG a reçu ce rapport le 16 décembre 2002. Une fois publié, elle a renouvelé sa demande de remise des documents en rapport avec le catalogue de questions. Parallèlement, elle a invité à une audition la secrétaire du DDPS qui avait envoyé le catalogue de questions ainsi que le rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales. Le Secrétariat général du DDPS a transmis la demande de la DCG au 12

«[...] was gewisse Rückmeldungen auch bestätigen.»

4918

chargé d'enquête du DDPS et l'a prié de la traiter promptement. En effet, malgré les assurances explicites que le chef du département avait précédemment données à la DCG, le Secrétariat général du DDPS estimait que, malgré la publication du rapport final de l'enquête administrative, celle-ci n'était pas close pour autant et que la compétence de décider de la remise de documents ressortissait encore à la seule responsabilité du chargé d'enquête et non à celle du DDPS.

Par la suite, le chargé d'enquête du DDPS a fait part à la CDG que, en tant que responsable de l'enquête, il assumait bien entendu l'entière responsabilité de la «panne» intervenue en rapport avec le catalogue de questions transmis à Wouter Basson. Pour le reste, il s'en est tenu au point de vue adopté par le Secrétariat général du DDPS et a non seulement refusé de donner suite à la demande de remise de pièces de la DCG, mais a également estimé que l'audition prévue de collaborateurs du Secrétariat général du DDPS ne pouvait avoir lieu sans son assentiment formel.

Malgré cette prise de position, la CDG a insisté sur sa demande de remise de pièces et a maintenu l'audition prévue des deux collaborateurs du Secrétariat général du DDPS. Celle-ce a pu avoir lieu le 13 janvier 2003. En effet, en dernière minute, le chef du département avait personnellement invité ses deux subordonnés à venir s'exprimer devant la délégation. La délégation a finalement reçu le 21 janvier 2003 les des documents du Secrétariat général qu'elle avait demandés en rapport avec le catalogue de questions à Wouter Basson.

5.4

Résultat des investigations de la DCG

5.4.1

Préparation du contact avec Wouter Basson

Les investigations de la DCG ont permis de constater que, dans le courant de l'été 2002, le chargé d'enquête du DDPS avait notamment entendu un ancien membre du conseil d'administration de la société Medchem SA domiciliée à Allschwil (BâleCampagne). Cela s'explique du fait que, au début des années 90, Wouter Basson a participé de manière importante à la fondation de la société Medchem SA et qu'il a entretenu des liens assez étroits avec cet ancien membre du conseil d'administration au-delà de cette période. C'est de toute évidence par l'entremise de cet ancien membre du conseil d'administration que, par la suite, le chargé d'enquête du DDPS et Wouter Basson ont eu des contacts directs; la DCG n'en connaît toutefois pas les modalités.

5.4.2

Première intervention du DFAE

En tout état de cause, Wouter Basson s'est mis en rapport avec l'ambassade de Suisse à Pretoria début août 2002 et a indiqué que, environ deux semaines auparavant, le chargé d'enquête du DDPS l'avait contacté par téléphone au sujet d'une éventuelle audition en Suisse. Etant donné qu'il ne pouvait pas répondre à cette invitation, le chargé d'enquête lui avait annoncé qu'il lui ferait parvenir une série de questions par l'entremise de l'ambassade à Pretoria. L'ambassade suisse a immédiatement transmis ce message au DFAE. Lors d'un premier examen de la situation, ce dernier est parvenu à la conclusion que cette affaire nécessitait un certain nombre d'éclaircissements puisque la réponse des autorités sud-africaines à la demande 4919

officielle de la DCG était encore en suspens et qu'il était indispensable de respecter certaines règles.

Le DFAE ayant entre-temps chargé la Direction du droit international public d'approfondir certains points, une entrevue réunissant des représentants du DFAE et le chargé d'enquête du DDPS a eu lieu mi-août 2002. Lors de cette entrevue, le DFAE a fortement insisté sur le fait qu'il s'agissait d'une manière de procéder extrêmement délicate et que, de toute manière, il n'était pas concevable d'interroger formellement Wouter Basson, oralement ou par voie écrite, sans l'accord des autorités sud-africaines. Les représentants du DFAE ont rappelé au chargé d'enquête du DDPS qu'une demande de la DCG visant à entendre Wouter Basson avait été, depuis un certain temps déjà, officiellement présentée au gouvernement sud-africain par l'entremise du DFAE et que la réponse était encore attendue. Là-dessus, le chargé d'enquête du DDPS a répondu qu'il souhaitait attendre la réponse du gouvernement sud-africain à la demande officielle de la DCG tout en acceptant l'aide proposée par le procureur sud-africain Anton Ackermann.

5.4.3

Remise du catalogue de questions

Une collaboratrice de secrétariat du Secrétariat général du DDPS avait été chargée d'assister le chargé d'enquête pour les travaux administratifs. Entre autres tâches, elle était chargée d'organiser les auditions et de convoquer les personnes appelées à être entendues. Le chargé d'enquête ou sa secrétaire de Saint-Gall lui faisaient parvenir les instructions correspondantes, généralement par courrier électronique.

Elle était autorisée à signer les invitations et autres correspondances «par ordre du chargé d'enquête».

Le 4 septembre 2002, cette collaboratrice a reçu du secrétariat saint-gallois du chargé d'enquête un courriel la chargeant de liquider elle-même un certain nombre tâches. Parmi ces tâches, il y avait également la lettre d'accompagnement devant être envoyée par courrier A à l'attention de l'ancien membre du conseil d'administration de la société Medchem SA, dont le contenu avait déjà été formulé et était le suivant: «Monsieur, M. W. Basson m'a téléphoné il y a environ trois semaines pour m'informer qu'il était disposé à fournir les renseignements demandés. N'ayant pas son adresse, je vous saurais gré de bien vouloir lui transmettre le questionnaire ci-joint afin qu'il puisse me le retourner dûment complété.

Secrétariat général du DDPS Le chargé de l'enquête administrative du DDPS Rainer J. Schweizer Annexe: Questions to Wouter Basson» [traduit de l'allemand]

La lettre d'accompagnement ne comportant pas le catalogue de questions mentionné, la collaboratrice du Secrétariat général du DDPS a appelé le secrétariat du chargé d'enquête à Saint-Gall. Etant donné qu'il ne disposait pas de ce catalogue sous forme électronique, le secrétariat saint-gallois l'a transmis à Berne par télécopie. La collaboratrice du DDPS l'a ensuite mis au net. Elle a explicitement déclaré à la DCG qu'il n'y avait aucun indice qui lui aurait permis de penser que le contenu de la télécopie ne constituait qu'un projet. Une fois effectué le travail qui lui avait été demandé, elle a, par courrier électronique, envoyé une copie de la lettre d'accom4920

pagnement et du catalogue de questions au chargé d'enquête du DDPS ainsi qu'au rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales. Au bout de quelques heures, sans réaction de l'un ou de l'autre destinataire des copies, elle a remis la lettre adressée à l'ancien membre du conseil d'administration de la société Medchem SA à la poste. Comme elle l'a elle-même constaté, il y aurait eu suffisamment de temps pour empêcher cet envoi.

Le catalogue de questions adressé à Wouter Basson, rédigé en anglais, présentait un salmigondis de questions sur Peter Regli, sur Wouter Basson ainsi que sur la situation en Afrique du Sud. Certaines des questions étaient proprement injurieuses et reposaient sur des préjugés13.

5.4.4

Seconde intervention du DFAE

Le 5 septembre 2002, immédiatement après avoir reçu le catalogue de questions, Wouter Basson s'est mis une nouvelle fois en relation avec l'ambassade de Suisse à Pretoria. Il s'est dit choqué du contenu des questions qui lui ont été soumises et s'est renseigné sur ce qu'il devait faire. L'ambassade a immédiatement informé le DFAE et lui a transmis le catalogue de questions que Wouter Basson lui avait fait parvenir.

Le 10 septembre, lors d'une séance interne, le DFAE a examiné la situation et a décidé d'inviter le chargé d'enquête et le DDPS à l'informer au sujet de cet incident.

En outre, instruction a été donnée à l'ambassade de Suisse à Pretoria de préciser à Wouter Basson que les questions étaient de nature privée et qu'il était libre de refuser d'y répondre. À l'issue de cette séance interne, le rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales a immédiatement été mis au courant des problèmes provoqués par la transmision du catalogue de questions à Wouter Basson.

Le 16 septembre 2002, lors d'une conversation téléphonique, le chef de la Division des affaires économiques et financières du DFAE a expliqué au chargé d'enquête du DDPS les problèmes liés à sa manière de procéder. À cette occasion, le contenu des questions soumises à Wouter Basson n'a pas été abordé et le chargé d'enquête du DDPS n'a pas non plus objecté qu'il s'agissait d'une esquisse de projet envoyée par erreur. Au cours de cette conversation, il a simplement regretté que le catalogue de questions ait été rédigé sur du papier à en-tête officiel du DDPS et non pas sur du papier neutre.

5.4.5

Etat d'information du DDPS

Le rapporteur du chef du DDPS pour les tâches spéciales était certes en possession d'une copie électronique de la lettre d'accompagnement et du catalogue de questions dès le 4 septembre 2002. A l'époque, il n'avait pas pris connaissance du catalogue de questions étant donné qu'il n'était pas impliqué dans les investigations du chargé d'enquête du DDPS. Ce n'est que le 10 septembre 2002 au plus tard, au moment où le DFAE l'a informé, qu'il appris cette affaire. Il n'en a pas informé le chef du département et n'a pas non plus jugé bon d'en avertir la DCG. Lors de sa première audition par la DCG, il a expliqué que c'était tout à fait par hasard, à l'issue d'une 13

Voir Daniel Ammann, Südafrika: «... oder wollte Peter Regli einfach einen Jet fliegen?», in: Weltwoche, nº 43, 2002, pp. 10 ss.

4921

séance d'un groupe de travail, qu'il avait appris que Wouter Basson s'était mis en relation avec l'ambassade de Suisse en Afrique du Sud et qu'il devait y avoir un problème. Il a déclaré qu'il était au courant qu'une discussion avait eu lieu entre le chargé d'enquête du DDPS et des représentants du DFAE, mais qu'il n'y avait pas participé. Il ressort des investigations de la DCG que le DDPS était informé en détail du catalogue de questions à Wouter Basson au plus tard depuis la mi-septembre 2002. Bien qu'il était évident que ce documnt allait compromettre les investigations de la délégation, le DDPS n'a pas informé la DCG.

Quant au rapport final de l'enquête administrative, il passe sous silence la question du catalogue de questions envoyé à Wouter Basson. D'ailleurs, lors d'un entretien avec la DCG, le chargé d'enquête administrative ne s'est pas montré plus prolixe sur cette affaire. En revanche, une lettre datée du 9 janvier 2003 que le chargé d'enquête avait adressée à deux anciens commandants de corps qui avaient publié un communiqué de presse après la publication du rapport final de l'enquête administrative contient l'explication suivante: «[...] je ne suis pas l'auteur du catalogue de questions que vous incriminez et qui est parvenu au criminel de guerre sud-africain W. Basson. Les questions ont été rédigées par un journaliste originaire d'Afrique du Sud et spécialisé dans les questions d'économie politique. Son envoi est dû à une panne pour laquelle, en tant que responsable de la procédure, j'assume l'entière responsabilité. Même si W. Basson a été acquitté en première instance ­ acquittement pas encore passé en force de chose jugée! ­, d'autres procédures sont encore en instance en Afrique du Sud et en Namibie contre le projet criminel Coast et son ancien chef. Comme Karadzic, Basson n'est assurément pas un témoin crédible dans une procédure conforme aux principes d'un Etat de droit tel que la Suisse [...]» [traduit de l'allemand]

5.5

Catalogue de questions adressé à un ressortissant danois

Le rapport final de l'enquête administrative mentionne notamment qu'un ressortissant danois du nom de Henrik Thomsen «s'est de lui-même adressé [au chargé d'enquête du DDPS] par un courrier du 12 novembre 2002 [...]»14 et lui a fait parvenir diverses informations. Dans le cadre de sa demande de production de documents (voir ch. 6 infra), la DCG a demandé à pouvoir consulter cette lettre. La lettre datée du 12 novembre 2002 ne lui a pas été remise. En revanche, le DDPS lui a remis une lettre que Henrik Thomsen avait adressée au chargé d'enquête du DDPS le 8 décembre 2002 par l'entremise de l'ambassade de Suisse à Copenhague. Dans cette lettre, Henrik Thomsen répondait à diverses questions qui, à l'évidence, lui avaient été transmises précédemment par écrit.

La DCG ne dispose que de la réponse du 8 décembre 2002 envoyée par Henrik Thomsen au chargé d'enquête du DDPS. Elle n'est en revanche pas en possession du catalogue de questions en tant que tel auquel la lettre répond.

14

Voir le rapport final de l'enquête administrative dans l'affaire «Service de renseignement/ Afrique du Sud» au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports de Rainer J. Schweizer du 16 décembre 2002,. p. 138.

4922

Pour la DCG, il est incompréhensible que, après les diverses interventions sans équivoque au sujet de l'affaire du catalogue de questions soumis à Wouter Basson, le chargé d'enquête du DDPS ait de toute évidence procédé à d'autres investigation à l'étranger sans passer par les voies officielles.

6

Controverse portant sur la maîtrise du dossier de l'enquête administrative

Immédiatement après la publication du rapport final de l'enquête administrative en décembre 2002, la DCG a exigé du DDPS qu'il produise certains documents auxquels le rapport se référait explicitement ou qui étaient de nature à étayer certaines de ses conclusions; la demande de production de documents a été complétée en janvier 2003. Dans un premier temps, le DDPS était d'avis que «la maîtrise du dossier, tant d'un point de vue légal que de fait» [traduit de l'allemand] appartenait au seul chargé d'enquête du DDPS et non pas au département qui l'avait mandaté.

En complément, le chargé d'enquête du DDPS a indiqué à la DCG qu'il «assumait durant quelque temps encore la maîtrise du dossier jusqu'à la clôture formelle de la procédure [...] et que toutes les décisions relevant de la direction de la procédure, notamment les demandes de renseignements, lui incombaient à lui seul.»15 [traduit de l'allemand] Après une nouvelle intervention de la délégation, le chef du département a proposé à la DCG de lui remettre tous les documents relatifs à l'enquête administrative avant mi-février 2003. La DCG a refusé de reprendre l'intégralité de ces documents estimant que l'enquête administrative relevait exclusivement de la responsabilité du DDPS. La DCG a confirmé qu'elle tenait à consulter uniquement les documents dont elle avait demandé la production.

Alors que, en novembre 2002, le chef du DDPS avait encore assuré la DCG qu'elle pourrait consulter tous les documents dès la remise du rapport final de l'enquête administrative, les documents dont elle avait demandé la production ne lui ont été transmis que le 10 mars 2003, soit avec un retard de près de trois mois.

7

Interventions visant à instituer une commission d'enquête parlementaire

Le 18 mars 2002, le Conseil national avait décidé de ne pas donner suite à une première initiative demandant l'institution d'une commission d'enquête parlementaire (CEP).16 Les raisons de ce refus tenaient essentiellement dans le fait que la DCG s'occupait de la problématique des relations entre les services de renseignement suisses et l'Afrique du Sud depuis bon nombre d'années et que les moyens de la DCG, qui sont pratiquement identiques à ceux d'une CEP, lui permettaient tout à fait de venir à bout de l'enquête en cours.

15 16

Voir également ch. 5.3 supra.

01.448 Initiative parlementaire. Services de renseignements et apartheid. Création de commissions d'enquête parlementaires; 4 octobre 2001 (BO 2002 N 310).

4923

Le 28 novembre 2002, une nouvelle initiative parlementaire demandait l'institution d'une commission d'enquête parlementaire.17 Cette intervention souligne en particulier que les investigations de la DCG ont été entravées par l'enquête administrative conduite parallèlement par le DDPS. À cet égard, elle rappelle que l'institution d'une CEP permettrait de suspendre toutes les autres procédures en cours alors que la DCG ne dispose d'aucun moyen permettant d'éviter que d'autres procédures menées en parallèle puissent porter préjudice à ses propres travaux.

8

Droits et compétences de la DCG en relation avec une enquête administrative

8.1

Introduction

Les explications ci-avant montrent que la DCG a été confrontée à divers problèmes de procédure découlant de la simultanéité de l'enquête administrative du DDPS. La DCG a, dans le cas présent, finalement pu s'imposer face au DDPS. Il reste que dans l'intérêt des enquêtes à venir, la DCG est d'avis qu'il importe de clarifier les rapports entre les procédures de la surveillance parlementaire et les enquêtes administratives internes des départements.

8.2

Point de vue du DDPS

Dans deux courriers adressés à la DCG les 8 et 19 novembre 2002, le DDPS a avancé divers arguments pour refuser de donner suite aux requêtes de la délégation: (i)

Le DDPS a soutenu d'abord que les compétences de la DCG se limitaient au contrôle des services de renseignements et que les mesures de surveillance prises par le département échappaient au champ soumis au contrôle de la DCG.

(ii) Le DDPS a affirmé ensuite que les démarches de la DCG en relation avec le catalogue de questions à Wouter Basson auraient un lien étroit avec l'enquête administrative et que cette procédure serait totalement indépendante du DDPS. Donner suite aux requêtes de la délégation porterait atteinte, selon le DDPS, à l'indépendance de l'enquête et aux droits des parties.

(iii) Le DDPS a objecté également que l'enquête administrative serait une procédure «juridictionnelle»18, soumise au secret de l'instruction. Pour appuyer sa démonstration, le chef du DDPS a invoqué l'art. 25 de la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)19 ainsi que l'art. 97 de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers)20 qui règlent les enquêtes administratives dans l'administration 17

18

19 20

02.464 Initiative parlementaire. Relations entre Services de renseignements suisses et services secrets sud-africains; 28 novembre 2002 (pas encore traitée au plénum du Conseil national).

Le DDPS utilise le terme allemand «justiziell» qui n'existe pas en droit suisse. Ce terme se rapproche le mieux en français du terme «juridictionnel» qui fait référence au pouvoir de juger ou de rendre une décision.

RS 172.220.1 RS 172.220.111.3

4924

fédérale. L'art. 97, al. 5, OPers précise en particulier que «les règles générales de procédure définies dans la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative21 s'appliquent à l'enquête administrative». Le DDPS a estimé que le renvoi de l'ordonnance à la procédure administrative donnerait un caractère «juridictionnel» à l'enquête administrative et exclurait ipso jure tout contrôle de la DCG durant la procédure.

(iv) Le DDPS a fait également grief à la DCG de saper l'obligation de garder le secret dans une procédure juridictionnelle.

(v) Se fondant sur l'art. 47quinquies, al. 5, LREC, le DDPS a fini par dénier à la DCG le droit d'exiger des informations écrites ou orales concernant des affaires sur lesquelles le Conseil fédéral doit encore prendre des décisions. Selon le chef du DDPS, cette réserve s'appliquerait encore plus lorsqu'une procédure «juridictionnelle» est engagée par un département.

Dans une lettre du 9 janvier 2003 à la DCG, le chargé d'enquête du DDPS reprenait à son compte tous les arguments du DDPS, sans toutefois les étayer davantage.

8.3

Point de vue de la DCG

Conformément à l'art. 47quinquies, al. 2, LREC, la DCG «a pour mandat d'examiner régulièrement en détail les activités dans le domaine de la sécurité de l'Etat et du renseignement.». L'art. 47quinquies, al. 4, LREC, stipule en outre qu': «après avoir entendu le Conseil fédéral, la Délégation des commissions de gestion a le droit d'exiger que des autorités fédérales et cantonales et des particuliers lui remettent des documents et elle a le droit d'interroger des fonctionnaires fédéraux et des particuliers à titre de personnes tenues à renseigner ou de témoins sans prendre en considération le secret de fonction ou le secret militaire. [...]». «Les droits de la Délégation des commissions de gestion ne s'appliquent pas aux documents relatifs aux affaires pendantes qui sont destinés à forger l'avis du Conseil fédéral.» (art. 47quinquies, al. 5, LREC). S'agissant du maintien du secret, la loi précise à l'art. 47quinquies, al. 6, LREC, que «les membres, secrétaires et rédacteurs des procès-verbaux de la délégation sont tenus, pour leur part, au secret de fonction en ce qui concerne les documents secrets qui ont été produits et les dépositions soumises au secret en vertu du statut des fonctionnaires ou au secret militaire. Après avoir entendu le Conseil fédéral dans le cas d'espèce, la délégation détermine à quelles déclarations ou à quels documents cette disposition s'applique.» Eu égard aux dispositions légales en vigueur, la DCG prend position comme il suit sur les arguments du DDPS et du chargé d'enquête: (i)

Sur les compétences de la DCG à l'égard des mesures de surveillance du DDPS «La DCG exerce sa tâche de haute surveillance au premier chef sur les services actifs dans le domaine du renseignement. Il s'agit notamment des services de renseignements du DDPS (Renseignement stratégique, Rensei-

21

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA), RS 172.021.

4925

gnement militaire, Renseignement des Forces aériennes)22 et des services du Département fédéral de justice et police (DFJP) actifs dans le domaine de la protection de l'Etat.

Vu que la délégation dispose d'un mandat global, elle ne se borne pas à examiner seulement l'activité des services de renseignements compris dans un sens étroit. En effet, en raison de l'organisation hiérarchique de l'administration et du principe de responsabilité politique du Conseil fédéral vis-àvis du Parlement, la délégation doit porter son regard sur l'ensemble de la chaîne de direction interne et de surveillance politique des services de renseignement. Cette chaîne comprend certes les services eux-mêmes, mais également toutes les instances hiérarchiques jusqu'aux chefs de départements et au Conseil fédéral.

Pour la DCG, le Conseil fédéral et les chefs de départements concernés sont responsables à l'égard du Parlement de l'activité des services de renseignements23. Il importe dès lors que la délégation puisse s'informer sur la manière avec les autorités politiques responsables conduisent et surveillent les services de renseignement. En d'autres termes: le champ de compétences de la DCG en matière de haute surveillance exercée sur les activités du renseignement de la Confédération ne se limite pas aux services concernés, mais recouvre exactement celui de la surveillance du Conseil fédéral.24 L'argument du DDPS selon lequel la DCG n'aurait pas compétence pour examiner les mesures de surveillance prises par département sur les services de renseignements n'est donc pas défendable. Cette interprétation est contredite d'une part par la constitution ainsi que par la lettre et l'esprit de la loi et, d'autre part, par la pratique de la DCG qui a n'a jamais été contestée par le Conseil fédéral jusqu'à aujourd'hui.

En conclusion: la haute surveillance parlementaire dans le domaine du renseignement porte aussi bien sur les services de renseignements au sens strict que sur les mesures prises par le chef du DDPS et le Conseil fédéral pour diriger et surveiller ces services.25 (ii) Sur l'indépendance d'une enquête administrative L'enquête administrative représente l'un des instruments dont dispose un chef de département pour diriger et surveiller son administration. Une enquête administrative ressortit à la surveillance hiérarchique26 et vise à rétablir

22

23

24 25 26

Voir l'ordonnance du 4 décembre 2000 sur l'organisation du renseignement au sein du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (Ordonnance sur le renseignement, ORens), RS 510.291.

L'art. 169 de la Constitution fédérale précise que la haute surveillance parlementaire porte au premier chef sur le Conseil fédéral en tant qu'organe exécutif suprême de la Confédération. Cette responsabilité politique primaire du Conseil fédéral est matérialisée dans la LREC par le fait que le Conseil fédéral a le droit d'être entendu préalablement à toute démarche de la délégation (art. 47quinquies, al. 4, LREC).

On notera d'ailleurs que la notion de «haute surveillance» comprend, selon la définition usuelle, le contrôle d'activités qui se trouvent déjà sous la surveillance d'un autre organe.

Voir aussi l'art. 26, al. 1, en relation avec les art. 52 et 53 de la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl).

Voir le ch. 11 des directives du Conseil fédéral concernant les enquêtes administratives, du 18 novembre 1981, FF 1981 III 982.

4926

la gestion correcte des affaires administratives27. Une enquête administrative n'est pas dirigée contre des personnes déterminées28: s'il existe des indices suffisants permettant d'admettre que les faits à élucider sont dus à une violation éventuelle des devoirs de service, une enquête disciplinaire doit être ordonnée en lieu et place d'une enquête administrative. L'exécution d'une enquête administrative peut être confiée à un organe de l'administration ou à une personne extérieure à l'administration fédérale.29 Le fait qu'une enquête administrative soit confiée à une personne extérieure à l'administration ne change rien au fait que cette personne travaille sous la responsabilité de l'autorité qui l'a mandatée.

L'organe d'enquête peut disposer d'une indépendance plus ou moins grande dans l'exécution de son mandat. Mais, cette indépendance est purement fonctionnelle et doit s'exercer dans les limites du mandat et dans le cadre du pouvoir hiérarchique de celui qui a ordonné l'enquête; elle n'est pas garantie par la loi et ne peut pas être comparée avec l'indépendance organique d'un tribunal.30 L'indépendance fonctionnelle d'un organe d'enquête permet certes à ce dernier de déterminer librement sa méthode de travail, notamment en ce qui concerne l'administration des moyens de preuve. Cette autonomie n'accorde cependant pas de prérogatives équivalentes, voire plus étendues que celles dont dispose l'autorité qui a donné le mandat. Cette dernière peut, si elle l'estime nécessaire, intervenir dans la procédure, suggérer des pistes de réflexion à l'organe d'enquête, faire des propositions, poser des questions et exiger la production de documents. Le mandant peut également à tout moment mettre un terme à l'enquête, se substituer au chargé d'enquête administrative ou confier le mandat à une autre personne31.

En d'autres termes, l'indépendance dont jouit un chargé d'enquête administrative ne saurait soustraire ses travaux à l'autorité et au contrôle du chef du département qui l'a mandaté, ni a fortiori à la haute surveillance parlementaire. Soutenir le contraire reviendrait à admettre qu'une enquête administrative soit en mesure d'échapper à son mandant et que des pans entiers de l'administration puissent ainsi s'affranchir de tout contrôle hiérarchique et parlementaire. On notera également que les dispositions
de procédure relatives aux enquêtes administratives sont fixées dans une ordonnance du Conseil fédéral alors que les droits d'information de la DCG sont inscrits au niveau de la constitution et de la loi. Sous l'angle de la hiérarchie des normes, il ne saurait être soutenu qu'une ordonnance du Conseil fédéral puisse être interprétée de telle manière que cela ait pour effet d'annihiler les droits de la délégation.

27

28 29 30 31

Voir l'art. 8, al. 3, et l'art. 57, al. 1, de la loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA), RS 172.010, ainsi que l'art. 25, al. 1, LPers.

Voir l'art. 97, al. 2, OPers.

Voir l'art. 97, al. 4, OPers.

Voir l'art. 30, al. 1, cst.

Voir l'art. 38 LOGA: «Au sein du département, le chef de département a toujours qualité pour donner des instructions, procéder à des contrôles et intervenir personnellement dans une affaire.»

4927

Il ressort de ce qui précède qu'une enquête administrative se déroule par ordre et sous la responsabilité du chef de département qui l'a mandatée.

L'indépendance fonctionnelle dont jouit un chargé d'enquête administrative ne confère pas à ce dernier des droits lui permettant d'échapper à tout contrôle de la part du mandant, ni de la DCG. Cette indépendance ne lui confère pas davantage le statut d'autorité fédérale.

(iii) L'enquête administrative en tant que procédure «juridictionnelle» Il convient tout d'abord de préciser que la doctrine ne connaît pas de définition de la procédure juridictionnelle en matière administrative. Dans le cas d'espèce, il semble que le chef DDPS ait voulu se référer à la procédure administrative non contentieuse telle qu'elle est réglée par la loi sur la procédure administrative (PA).32 La loi fédérale sur la procédure administrative s'applique aux procédures administratives de première instance (procédure non contentieuse) ainsi qu'aux procédures de recours (procédure contentieuse). Quel que soit le cas

32

L'Office fédéral de la justice à donné l'avis suivant sur cette question: «Pour autant qu'il est possible d'en juger, la notion de n'est guère utilisée par la doctrine. Son contenu est par conséquent peu clair. Actuellement, le régime procédural fait les distinctions suivantes: La notion de régime procédural est utilisé en tant que terme générique très général équivalent à la notion de droit de procédure (voir notamment Peter Saladin, Das Verwaltungsverfahrensrecht des Bundes, Bâle 1979, p. 21).

En règle générale, la procédure administrative est une procédure non contentieuse de première instance portant sur des droits, des obligations ou le statut de tiers sur lesquels l'autorité se prononce par décision (Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993, p.13). À l'échelon de la Confédération, c'est essentiellement la loi fédérale sur la procédure administrative qui s'applique.

Les procédures ressortissant à la juridiction administrative s'en distinguent du fait qu'il s'agit de procédures dites contentieuses: celles-ci se distinguent à leur tour selon qu'il s'agit de procédures de recours de droit administratif (par exemple au sein de l'administration fédérale) ou de procédures judiciaires administratives qui sont appliquées par un tribunal doté de l'indépendance judiciaire (voir notamment Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, Berne 1983, pp. 13 et 14, Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993, p.15). En ce qui concerne la notion de «justice», voir également Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, Basel etc. 1996; N. 35 et ss., plus particulièrement N. 38, où il est précisé que, au sens large, l'administration de la justice par l'exécutif fait partie de la justice.

Il y a, finalement, la procédure de surveillance qui se base sur les dispositions fédérales régissant l'organisation et le personnel. Il s'agit en tous les cas de procédures conformes aux principes d'un État de droit qui doivent respecter les principes de procédure de la constitution, mais pour lesquelles la procédure administrative selon l'art. 3, let. b, de la loi fédérale sur la procédure administrative ne s'applique en règle génrale pas directement.

[...]»

4928

de figure, contentieux ou non, la PA règle les procédures qui conduisent à des décisions au sens de l'art. 5 PA.33 Or une enquête administrative ne conduit pas à une décision. Elle a pour but d'élucider des dysfonctionnements dans l'accomplissement des tâches de l'administration et d'en établir les causes. L'enquête débouche en règle générale sur un rapport assorti de propositions non contraignantes pour le destinataire. À la différence d'une procédure disciplinaire, par exemple, où l'autorité doit statuer au terme de l'enquête sur les manquements d'un agent à ses obligations professionnelles et déterminer les mesures disciplinaires, une enquête administrative se borne à constater les faits et à proposer, le cas échéant, des mesures à l'autorité qui l'a mandatée. L'autorité peut certes, sur la base du rapport, prendre une décision susceptible de recours, mais le rapport d'enquête ne constitue pas en lui-même une décision formelle au sens de la PA. Le rapport ne crée pas d'effet juridique et n'est pas susceptible de recours34. Un rapport d'enquête administrative constitue tout au plus un acte préparatoire d'une décision incombant exclusivement à l'autorité mandante.

On relèvera d'ailleurs que la PA exclut de son champ d'application les procédures internes des autorités administratives (art. 3, let. a, PA).

L'interprétation qui précède est confortée aussi par le libellé de l'art. 97, al. 5, OPers, qui ne prévoit pas une application intégrale de la PA pour les enquêtes administratives. L'OPers se limite à faire référence aux règles générales de procédure de la PA. Le renvoi aux règles de procédure vise en premier lieu à protéger les droits constitutionnels des personnes concernées par l'enquête administrative (principes de récusation, droit d'être entendu, etc.)35, mais ne saurait conférer à une enquête administrative ipso jure la qualité de procédure administrative non contentieuse («juridictionnelle» dans le sens où l'entend le DDPS).

A contrario, il est utile de constater que l'art. 98 OPers, qui règle la procédure en matière disciplinaire, ne fait pas seulement référence aux règles générales de procédure de la PA, mais qu'il prévoit explicitement une application intégrale de la loi. Cela se justifie par le fait que, contrairement à une enquête administrative, une procédure disciplinaire conduit à une décision formelle susceptible de recours.

33

34 35

En vertu de l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative, sont considérées comme décisions les mesures fondées sur le droit public fédéral prises par les autorités dans des cas d'espèce ayant pour objet de régler, unilatéralement et de manière contraignante, une relation juridique de droit administratif (Tschannen/Zimmerli/Kiener, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2000, p. 156; Knapp, Précis de droit administratif, 1991, p. 218; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993, p.79). Il peut s'agir d'une décision de première instance, d'une décision sur opposition, d'une décision de reconsidération, d'une décision de révision ou d'une interprétation (Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, Basel etc. 1996, p. 207).

Voir sur ce point ATF 1A./225/2002, du 27 mai 2003, attendu nº 2, page 10.

Ce renvoi aux règles générales de procédure est dans l'intérêt des agents concernés. Il permet d'éviter qu'une enquête administrative puisse, comme par le passé, être utilisée pour éluder certaines garanties minimales qui sont offertes dans d'autres procédures, et notamment dans la procédure disciplinaire. Voir sur ce point le rapport de la Commission de gestion du Conseil des États concernant les mesures prises par le DETEC lors des événements survenus à la tête de la direction générale de la Poste (fin 1997 et début 1998, du 21 juin 1999 (FF 1999 8099).

4929

Dans un avis de droit établi à la demande de la DCG, l'Office fédéral de la justice (OFJ) arrive d'ailleurs à des conclusions identiques à celles de la DCG une conclusion identique (voir infra section 8.4,). L'OFJ relève en particulier que «l'enquête administrative est une procédure interne à l'administration et relevant du droit en matière de surveillance, au cours de laquelle il n'est pas pris de décisions contraignantes concernant des droits ou des devoirs. Les dossiers dans lesquels est consigné le déroulement de l'enquête, ses résultats et leur évaluation, ne sont donc pas des actes de procédure [...]

et ils ne peuvent pas non plus être assimilés à de tels actes.».36 En conclusion, l'argument selon lequel l'enquête administrative aurait été une procédure «juridictionnelle» (ou plutôt une procédure administrative non contentieuse) n'est pas fondé juridiquement. D'ailleurs, si tant est que cela ait pu être le cas, il n'existe aucune disposition de la LREC qui autoriserait le DDPS à s'opposer aux investigations de la DCG. En effet, contrairement à l'art. 47quater, al. 2, LREC, qui permet au Conseil fédéral de différer la remise de documents officiels aux commissions de gestion jusqu'à la clôture d'une procédure, une telle disposition ne s'applique pas aux activités de la DCG.

(iv) L'obligation de garder le secret La référence au secret invoquée encore par le DDPS est inadéquate. La DCG dispose, en vertu de la constitution et de la loi (art. 169, al. 2, en relation avec l'art. 153, al. 4, cst.; art. 47quinquies, al. 4, LREC) du droit d'être informée sur tous les dossiers et procédures dans sa sphère de compétences.

Aucun secret ne saurait être opposé à la délégation. La DCG est par ailleurs soumise au secret de fonction et au secret militaire (art. 47quinquies, al. 6, LREC).

D'ailleurs, dans le cadre d'une collaboration coordonnée entre les plus hautes autorités de la Confédération, la transmission de constatations relevant de la surveillance n'a pas besoin de bases légales étant donné que ces constatations font partie du champ d'activités et du domaine de compétences des Commissions de gestion et la DCG. Les informations qui sont échangées dans ce cadre ne contreviennent pas à l'obligation de garder le secret.37 (v) L'enquête administrative en tant qu'affaire du collège gouvernemental (art. 47quinquies, al. 5, LREC) Le DDPS a invoqué la réserve inscrite à l'art. 47quinquies, al. 5, LREC38, pour s'opposer aux demandes de renseignements de la DCG.

36

37 38

Champ d'application et but d'une enquête administrative, avis de droit de l'Office fédéral de la justice à l'intention de la Délégation des commissions de gestion, du 19 décembre 2002, p. 32.

Voir notamment ATF 114 IV 44 E. 3b ou 116 IV 56 E. II/1b.

Art. 47quinquies, al. 5, LREC: «Les droits de la Délégation des commissions de gestion ne s'appliquent pas aux documents relatifs aux affaires pendantes qui sont destinés à forger l'avis du Conseil fédéral.»

4930

Cet argument n'est pas pertinent, et ce pour plusieurs raisons: Il convient tout d'abord de noter que la disposition invoquée s'applique uniquement aux documents qui sont destinés à forger l'opinion du Conseil fédéral en tant que collège. Il s'agit principalement des documents sur lesquels le Conseil fédéral doit encore se pencher et qui sont en instance d'une décision (co-rapports, notes de discussion, etc.). La disposition ne couvre pas au contraire «les documents dont aucun chef de département n'endosse la responsabilité par sa signature (rapports d'experts, projets émanant des services administratifs et concernant des propositions et des co-rapports et des annexes à ces textes)»39, c'est-à-dire les documents qui sont soumis au Conseil fédéral pour information, mais qui ne sont pas présentés au nom d'un chef de département.

Les documents demandés par la DCG concernaient des échanges de correspondance ainsi que des courriers électroniques entre différents services de l'administration, d'une part, ainsi qu'entre le chargé d'enquête et le DDPS, d'autre part. Ces documents n'ont à l'évidence pas le caractère prévu par la loi. Ils n'étaient destinés ni au Conseil fédéral in corpore, ni d'ailleurs au chef du DDPS. Le DDPS ne pouvait donc pas refuser à la délégation le droit de les consulter, ni à plus forte raison d'interroger des collaborateurs du DDPS sur la question Dans son avis de droit, l'OFJ arrive d'ailleurs aux mêmes conclusions.40 En conclusion: la réserve de l'art. 47quinquies, al. 5, LREC, ne peut être appliquée à des documents établis dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par un département. Cette disposition ne permet pas non plus à un département d'interdire à la DCG d'entendre des agents de l'administration sur les travaux d'une enquête administrative.

De l'avis de la délégation, il ressort de tout ce qui précède que c'est à tort que le DDPS s'est opposé à certaines demandes de renseignements de la DCG et qu'il avait l'obligation légale, nonobstant le déroulement de l'enquête administrative, de donner une suite positive et immédiate aux requêtes de la délégation.

39

40

Voir iv. pa. 89.243. Commission de gestion. Constitution d'une délégation. Rapport complémentaire de la commission du Conseil national, du 21 novembre 1991, FF 1992 VI 447; voir aussi les votes du conseiller fédéral Arnold Koller dans le bulletin officiel du Conseil des Etats, du 11 juin 1991, BOCE 1991 462 ss., et dans le bulletin officiel du Conseil national, du 19 septembre 1991, BOCN 1991 1564).

Idem, page 33. On notera d'ailleurs que la réserve de l'art. 47quinquies, al. 5, LREC, a été supprimée dans la nouvelle loi sur le Parlement, afin de la mettre en conformité avec l'art.

169, al. 2, cst. L'art. 154, al. 2, lit. a, LParl, prévoit explicitement que la Délégation des commissions de gestion dispose, dans ses domaines de compétences, également du droit «de consulter les documents sur lesquels le Conseil fédéral s'est directement fondé pour prendre une décision ainsi que les documents qui doivent rester secrets pour des raisons relevant de la sécurité de l'État ou du renseignement». La nouvelle loi sur le Parlement entrera vraisemblablement en vigueur en décembre 2003.

4931

8.4

Avis de droit de l'Office fédéral de la justice

Parallèlement à ses travaux, la DCG a chargé le DFJP d'établir un avis de droit sur le champ d'application et le but d'une enquête administrative ainsi que sur la délimitation des compétences d'enquêtes de la DCG par rapport aux enquêtes administratives internes.

Il n'est pas utile d'exposer ici tous les détails de cet avis de droit auquel la DCG se rallie entièrement. Elle se permet de renvoyer les lecteurs intéressés au texte intégral de l'avis qui sera publié prochainement dans la revue de Jurisprudence des autorités administrative de la Confédération (JACC).

La DCG tient toutefois à relever les points suivants: L'avis de droit souligne que l'enquête administrative est une procédure interne à l'administration qui relève du droit de la surveillance (p. 2). Dans ce cadre, la PA ne s'applique pas intégralement à la procédure et seules peuvent être invoquées les règles générales de la loi (p. 15 à 18). Il s'agit en particulier de l'examen d'office de la compétence (art. 7 PA), de la récusation (art. 10 PA), de la représentation et de l'assistance (art. 11 PA), de la constatation des faits (art. 12 PA), de la collaboration des parties (art. 13, al. 1, let. c, PA), du droit de consulter les pièces (art. 26 à 28 PA), du droit d'être entendu (art. 29 PA), de l'audition de la partie adverse (art. 31 PA), de l'examen des allégués des parties (art. 32 PA) et des offres de preuves (art. 33 PA). Ces principes visent à protéger les droits constitutionnels des personnes concernées.

S'agissant des droits et devoirs d'un organe d'enquête administrative, l'avis arrive aux conclusions suivantes: ­

L'organe chargé par un département d'une enquête administrative «n'a aucune marge d'appréciation pour définir ou imposer des droits ou des devoirs; [il] agit uniquement en qualité de mandataire et d'organe auxiliaire de l'autorité qui a émis le mandat. [Il] peut [...], en vertu du mandat qui lui a été confié, avoir accès aux documents, interroger les employés du département et rédiger un rapport sur ce qu'[il] a découvert, mais [il] n'est pas habilité à édicter [lui]-même des instructions de service ou à arrêter des décisions» (page 9).

­

Faute de base légale, les personnes chargées d'une enquête administrative n'ont pas la compétence d'arrêter des décisions (page 19). Elles ne sont pas non plus habilitées à menacer de sanctions les personnes qu'elles interrogent, ni, à plus forte raison, de prononcer de telles mesures (page 19).

­

L'organe chargé par un département d'une enquête administrative n'a pas le droit de procéder à des auditions formelles de témoins.

­

L'organe chargé par un département d'une enquête administrative n'a aucune compétence en ce qui concerne les agents d'autres départements (page 9).

«Lorsqu'un département ordonne une enquête administrative dans un domaine relevant de sa compétence, les employés des autres départements ne sont pas directement tenus d'autoriser la personne chargée de l'enquête à consulter les dossiers de leur département ou de lui fournir des renseignements ni, par conséquent, de déférer à une invitation à être entendu, parce qu'ils ne sont pas soumis à la surveillance du département ayant ordonné

4932

l'enquête» (page 12). En pareille hypothèse, le chargé d'enquête devra requérir l'aval du département en question, dans la mesure où les informations visées sont protégées par l'obligation de garder le secret (page 13). Cela est valable tant pour les auditions que pour les documents officiels ou les données traitées par des systèmes informatiques (page 29).

­

L'organe chargé d'une enquête administrative a le droit d'interroger des personnes qui ne font pas partie de l'administration fédérale. Ces dernières n'ont cependant aucune obligation de coopérer et tous les renseignements fournis reposent sur une base volontaire; «lors de l'entretien, ces personnes doivent être rendues attentives au fait qu'elles peuvent refuser de répondre» (page 10).

­

L'organe chargé d'une enquête administrative n'a «aucune compétence pour imposer l'audition d'employés ou de fonctionnaires d'un autre Etat ou d'une organisation internationale» (page 11).

­

L'organe chargé d'une enquête administrative «souhaitant interroger des particuliers à l'étranger pour obtenir des renseignements doi(ven)t, en premier lieu, respecter le principe selon lequel ces renseignements ne peuvent être fournis qu'à bien plaire [...].» Si tel est le cas, le chargé d'enquête doit requérir, par le fait qu'il exerce une fonction officielle pour le compte de la Confédération, le consentement de l'Etat en question. «Le DFAE devrait toujours être associé à toute activité déployée en dehors du territoire suisse et, suivant les cas, une décision du Conseil fédéral pourrait même être requise» (page 11). Il en va de même si l'organe chargé d'une enquête veut requérir, directement ou par l'entremise d'intermédiaires, des moyens de preuve se trouvant à l'étranger.

­

L'organe chargé d'une enquête administrative par un département peut adresser des demandes d'entraide administrative à des services qui sont extérieurs au département concerné. Il appartient au service sollicité de décider dans quelle mesure il peut apporter son aide lorsque l'enquête a été ordonnée par un département dont il ne dépend pas. En cas de doute, il demandera à son autorité de tutelle l'autorisation de fournir l'entraide administrative demandée (page 24).

­

L'organe chargé d'une enquête administrative n'est pas habilité à adresser des demandes formelles d'entraide judiciaire à des instances judiciaires de la Confédération, des cantons ou, à plus forte raison, d'autres Etats (page 25).

­

L'organe chargé d'une enquête administrative n'a pas le droit d'avoir accès à des données afférentes à des procédures de police judiciaire, à moins qu'il n'agisse sur mandat direct du Conseil fédéral (page 28). Il n'a pas non plus le droit de consulter des documents concernant une instruction préparatoire.

­

L'organe chargé d'une enquête administrative peut s'adjoindre la collaboration de personnes privées pour mener leur enquête. «Il ne paraît pas admissible, en revanche, qu'un chargé d'enquête délègue de son propre chef des actes d'investigation essentiels à une tierce personne sans que le mandat qui lui a été confié ne le prévoie» (page 31).

4933

9

Appréciation

Les obstacles rencontrés par la délégation dans ses investigations en rapport avec l'Afrique du Sud décrites plus haut montrent les problèmes qui sont susceptibles de se poser lorsqu'une enquête administrative est menée en parallèle à des investigations parlementaires. Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Ils se sont déjà présentés lors de précédentes inspections de la DCG.41 Par le passé, la DCG est toujours parvenue à trouver des solutions pratiques avec les départements concernés qui les ont respectées. Dans le cas d'espèce, la DCG a dû constater au contraire que le DDPS et son chargé d'enquête ont contrevenu à leurs engagements. À plusieurs reprises, la délégation a été placée devant le fait accompli. Dans certains cas, elle n'a pas eu d'autres choix que de faire des concessions pour ne pas mettre en péril sa propre enquête.

Pour la DCG, il est inadmissible que des enquêtes internes à l'administration puissent interférer dans la haute surveillance parlementaire. Les difficultés qui ont émaillé cette fois les travaux de la délégation ont également montré que certains services du DDPS ne saisissent apparemment pas le sens et la portée de la haute surveillance parlementaire, voire se refusent à admettre sa nécessité dans un Etat de droit démocratique. Ces difficultés ont nui au bon déroulement de l'enquête parlementaire et ont porté atteinte aux relations de confiance entre la DCG et le DDPS.

Du fait de la suprématie du Parlement dans l'ordre des pouvoirs, la DCG est convaincue qu'elle est en droit de déterminer ce qui est nécessaire et utile à l'exercice de son mandat de haute surveillance; ce droit ne saurait être entravé par des mesures administratives sous peine de voir l'organe surveillé, en l'occurrence l'exécutif, décider de l'étendue de la surveillance parlementaire. Cela est non seulement vrai pour l'ensemble des activités de contrôle du Parlement, mais bien davantage encore dans le domaine des services de renseignements où les activités du gouvernement sont soumises uniquement au contrôle de la délégation et échappent ainsi à toute autre forme d'examen (judiciaire, médiatique, etc.). Aussi appartient-il à la DCG, sous la surveillance des commissions de gestion et en application des dispositions légales, de fixer ce qui est utile à l'exercice de son mandat constitutionnel (art. 153,
al. 4, en relation avec l'art. 169 cst.). Il s'agit tant d'une question de droit que d'une question politique et de légitimité démocratique.

À l'avenir, il faut que les enquêtes diligentées par l'exécutif cèdent le pas aux enquêtes parlementaires. Il s'agit en effet d'éviter qu'un département ou le Conseil fédéral puisse, à dessein ou non, compromettre l'issue d'enquêtes parlementaires en engageant des procédures parallèles. Dans le cas d'espèce, la DCG est d'avis que son activité aurait pu être grandement facilitée si, à l'instar d'une commission d'enquête parlementaire (CEP), elle avait pu suspendre l'enquête administrative.

Une CEP peut en effet subordonner à son autorisation la conduite d'enquêtes disciplinaires ou administratives sur des faits ou personnes étant concernés par l'enquête parlementaire (art. 65, al. 3, LREC). Cette «réserve d'autorisation» a été décidée par 41

Dans les affaires «Dino Bellasi» et «Friedrich Nyffenegger», par exemple, le DDPS avait aussi ordonné des enquêtes administratives parallèlement aux investigations de la délégation. Voir rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales sur les événements survenus au Groupe des renseignements de 'l'état-major général («affaire Bellasi»), du 24 novembre 1999 (FF 2000 528). Voir aussi le rapport de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales sur les événements survenus au DMF («affaire Nyffenegger»), du 13 novembre 1996 (FF 1997 III 750).

4934

le Parlement le 6 octobre 199t et est entrée en vigueur le 1er mars 1996. Elle été introduite à la demande de la CEP DMF qui avait dû mener son enquête en parallèle avec une enquête administrative et une enquête disciplinaire. Cette simultanéité des procédures avait généré des problèmes identiques à ceux qu'a connus la délégation lors de la présente inspection.42 La DCG peut entièrement reprendre à son compte la description que la commission du Conseil national avait dressée dans son rapport relatif aux difficultés engendrées par des procédures simultanées: «Des problèmes se posent en tout cas en ce qui concerne la délimitation des objets, la remise de documents et l'interrogation de témoins et de sources de renseignements. À cela s'ajoute une forte sollicitation lorsque les mêmes personnes sont interrogées à plusieurs reprises sur les mêmes points par les instances différentes. Enfin, une certaine confusion peut être suscitée dans l'opinion publique, car il n'est pas toujours facile de distinguer entre les résultats d'une enquête parlementaire d'une part, et ceux d'une enquête administrative ou disciplinaire d'autre part».43 Dans son rapport sur l'affaire «Nyffenegger», daté du 13 novembre 1996, la DCG arrivait d'ailleurs à un constat similaire lorsqu'elle relevait, eu égard aux différentes enquêtes menées dans cette affaire, que des personnes «avaient [...] dû se présenter devant plusieurs commissions et qu'il leur était difficile, voire impossible, de s'y retrouver et de savoir qui était responsable de quoi.»44 Pour pouvoir garantir une haute surveillance étendue et efficace sur les services secrets, la DCG doit disposer des mêmes compétences qu'une CEP en ce qui concerne d'autres procédures administratives. Cette compétence ne concerne pas en revanche les procédures civiles ou pénales, ni les investigations de police judiciaire.

Recommandation 1 La délégation invite les Commissions de gestion à proposer à leur conseil d'introduire dans la nouvelle loi sur le Parlement une disposition permettant à la Délégation des commissions de gestion d'empêcher ou de suspendre des enquêtes administratives et disciplinaires dans les cas où il existe un lien entre ces enquêtes et ses propres investigations.

Pour la DCG, les problèmes qui se sont posées en relation avec l'enquête administrative ont été
accentués par la conception particulièrement large que le chargé d'enquête du DDPS a développée quant aux possibilités et au caractère d'une enquête administrative. La DCG ne peut se départir de l'impression que le chargé d'enquête du DDPS a développé avec le temps une dynamique propre qui échappait en partie à l'influence du chef du DDPS. Le département a bien vu le problème. Au début, il a n'a pas voulu intervenir pour ne pas compromettre l'indépendance du 42

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Voir sur cette question Sägesser, Thomas, «Wirkung der Einsetzung einer PUK auf andere Verfahren», in: Revue Pénale Suisse, Stämpfli Verlag, tome 120, 2002, pp. 225 ss.

Voir aussi le ch. I.5. du rapport de la Commission d'enquête parlementaire chargée de clarifier les faits d'une grande portée survenus au Département militaire fédéral (CEP DMF), du 17 novembre 1990, FF 1990 III 1229.

Voir le ch. 31 du rapport de la Commission du Conseil national sur l'initiative parlementaire 90.266 relative au maintien du secret et à la haute surveillance du Parlement, du 14 mars 1994, FF 1994 II 1412 ss.

Voir note de bas de page nº 40, FF 1997 III 781.

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chargé d'enquête. Par la suite, et sous la pression de devoir présenter des résultats, le chef du département a dû s'accommoder de la situation à son corps défendant.

Rétrospectivement, il s'avère que le DDPS a donné une trop grande marge de manoeuvre à son chargé d'enquête.

Le caractère relativement vague de l'art. 97 de l'ordonnance sur le personnel concernant les enquêtes administratives a aussi contribué aux problèmes rencontrés. La délégation est d'avis que les droits et les devoirs des chargés d'enquête administrative devraient être précisés notamment à l'égard des mandants et des personnes concernées par l'enquête. La délégation est également d'avis que les règles de procédure applicables aux enquêtes administratives devraient être définies plus clairement que les directions correspondantes du Conseil fédéral sur les enquêtes administratives, du 18 novembre 19981, devraient être adaptées.

Recommandation 2 La délégation invite le Conseil fédéral à adapter les dispositions sur les enquêtes administratives à la Confédération. Le Conseil fédéral veillera dans ce cadre à définir les droits et devoirs des organes chargés des enquêtes, notamment vis-àvis des mandants et des personnes concernées. Il précisera également les règles de procédures applicables aux enquêtes administratives.

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Appréciation

La délégation invite le Conseil fédéral à prendre position sur le présent rapport d'ici à fin 2003.

30 septembre 2003

Au nom de la Délégation des commissions de gestion: Le président, Alexander Tschäppät, conseiller national Le secrétaire, Philippe Schwab

Les commissions de gestion ont pris acte du présent rapport le 6 octobre 2003 et en ont approuvé la publication.

6 octobre 2003

Au nom des Commissions de gestion: Le président de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Michel Béguelin, député au Conseil des Etats La présidente de la Commission de gestion du Conseil national: Brigitta M. Gadient, conseillère nationale

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Liste des abréviations ATF BO CEP cst.

DCG DDPS DETEC DFAE DFJP DMF FF LParl LREC N OFJ OFP ORens PA

Arrêt du Tribunal fédéral Bulletin officiel Commission d'enquête parlementaire Constitution fédérale de la Confédération suisse (RS 101) Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de justice et police Département militaire fédéral (aujourd'hui: DDPS) Feuille fédérale Loi sur le Parlement Loi fédérale sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils; RS 171.11) Conseil national Office fédéral de la justice Office fédéral de la police Ordonnance sur le renseignement du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (ordonnance sur le renseignement; RS 510.291) Loi fédérale sur la procédure administrative (RS 172.021)

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Déclaration personnelle Je déclare par la présente que les droits prévus par l'art. 63 en rel. avec l'art.

47quinquies LREC (aujourd'hui : art. 168 en rel. avec l'art. 155 LParl) n'ont pas été respectés en ce qui me concerne, et que plusieurs affirmations contenues dans le rapport sont inexactes. Ainsi, le procureur Anton R. Ackermann a déclaré sous serment après adoption et publication du rapport par les CdG que : "It must be born in mind that Professor Schweizer did not instruct me to obtain any evidence under oath." De même, je n'ai en aucune façon procédé de ma propre initiative à des investigations officieuses à l'étranger. Enfin, dans la déclaration qu'il a faite sous serment, le procureur Ackermann a également confirmé qu'il avait effectué sa seconde visite en Suisse à la demande du DDPS et du Ministère public de la Confédération, d'où il ressort que l'information que j'avais fournie au conseiller fédéral S. Schmid à ce sujet était exacte.

St Gall/Glaris, le 16 août 2004

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Prof. Dr. Rainer J. Schweizer Ancien chargé d'enquête du DDPS