Directives concernant des mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle du 27 octobre 2004

Le Conseil fédéral suisse, se fondant sur l'art. 64 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)1, arrête les directives suivantes:

1

Champ d'application Les présentes directives s'adressent aux autorités de surveillance de la prévoyance professionnelle conformément à l'art. 64 LPP. Elles s'appliquent aux institutions de prévoyance enregistrées ainsi qu'aux institutions de prévoyance non enregistrées soumises à la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage2 (LFLP; art. 48, 49, al. 2, ch. 14, 62, al. 1, 64 LPP et art. 89bis, al. 6, ch. 12, du code civil3).

2

Partie générale Principes et obligations applicables aux institutions de prévoyance en découvert et conséquences pour les tâches de l'autorité de surveillance L'autorité de surveillance doit, dans son activité, tenir compte des principes et obligations particuliers que les institutions de prévoyance et leurs organes sont tenus de respecter. Elle veillera en particulier aux principes et obligations suivants:

21

Principe de l'équilibre financier (art. 65, al. 1, LPP) Garantir le respect du principe selon lequel il doit exister un équilibre entre prestations et financement est une tâche permanente de l'organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance. En cas de découvert, le retour à l'équilibre doit faire l'objet de mesures prioritaires. L'expert en matière de prévoyance professionnelle doit s'exprimer, dans son expertise, sur l'équilibre financier de l'institution de prévoyance.

1

1 2 3

RS 831.40 RS 831.42 RS 210

2004-2114

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En situation de découvert, il convient en premier lieu d'analyser les causes de l'insuffisance de couverture. Si cette analyse montre qu'en sus des pertes sur la fortune, une base de financement insuffisante a grevé ou grève la situation financière, il est nécessaire d'examiner l'opportunité d'adapter le financement ou les prestations et, le cas échéant, de procéder à des adaptations. Une base de financement insuffisante peut résulter par exemple de la prise en considération d'un rendement théorique de référence trop optimiste ou d'une cotisation de risque qui ne couvre pas suffisamment l'évolution des risques.

2

22

Principes et obligations à respecter par l'institution de prévoyance en découvert L'institution de prévoyance doit en particulier respecter les principes et obligations suivants, avec les conséquences qu'ils ont sur l'activité de surveillance de l'autorité compétente:

221

Responsabilité propre de l'institution de prévoyance (art. 65d, al. 1, LPP)4 Le principe de la responsabilité propre de l'institution de prévoyance est applicable. L'organe paritaire suprême, respectivement la commission de prévoyance paritaire à l'échelon de l'institution affiliée à une fondation collective, doit prendre les mesures nécessaires et est responsable de leur application. L'organe de gestion doit s'appuyer sur les propositions de l'expert en matière de prévoyance professionnelle et, au besoin, sur celles d'autres spécialistes tels que l'expert en placements ou l'organe de contrôle.

222

Annonce à l'autorité de surveillance (cf. art. 65c, al. 2, LPP et art. 44, al. 2 et 3, OPP 25) L'institution de prévoyance doit dans tous les cas informer du découvert l'autorité de surveillance directe compétente, quel que soit le degré dudit découvert. Cette information doit être transmise par écrit, au plus tard lors de la remise des comptes annuels.

1

L'autorité de surveillance doit exiger au moins les indications ou documents suivants: a. rapport actuel de l'expert en prévoyance professionnelle (rapport actuariel ou expertise actuarielle, où le capital de prévoyance des assurés doit être présenté séparément de celui des rentiers, cf. art. 41a, al. 1, OPP 2);

2

4 5

Modification du 18 juin 2004 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), en vigueur depuis le 1er janvier 2005, RO 2004 4635.

Modification du 27 octobre 2004 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2), en vigueur depuis le 1er janvier 2005, RO 2004 4643.

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b.

c.

d.

e.

f.

g.

223

concept de mesures, en d'autres termes présentation concluante des bases de décisions pour les mesures prises ou encore à prendre, avec les décisions correspondantes de l'organe paritaire suprême de gestion respectivement de la commission de prévoyance paritaire à l'échelon de l'institution affiliée à une fondation collective, et un programme de mise en oeuvre indiquant dans quel délai et par quelles mesures il sera possible de résorber le découvert (cf. art. 65d, al. 2, LPP); preuve que le besoin prévisible de liquidités pourra être couvert; degré du découvert calculé selon l'annexe relative à l'art. 44, al. 1, OPP 2; causes du découvert; événements significatifs postérieurs à la date du bilan; concept d'information (information initiale et information du suivi à l'attention de l'employeur, des destinataires ­ assurés, bénéficiaires de rentes ­ et de l'autorité de surveillance).

Obligations en matière d'information ultérieure Dans le cadre de l'obligation de renseigner régulièrement l'autorité de surveillance sur le succès des mesures prises, l'institution de prévoyance doit, conformément à l'art. 44, al. 2, let. b et c, OPP 2, assurer un suivi en continu de l'efficacité, de l'opportunité et de la durée d'application des mesures; au besoin, elle procède aux adaptations nécessaires. Elle doit se doter d'instruments de reporting adéquats.

224

Exigences accrues en matière d'information destinée à l'autorité de surveillance, à l'employeur et aux destinataires (cf. art. 65c, al. 2, LPP et art. 44, al. 2 et 3, OPP 2) En cas de découvert, l'institution de prévoyance est soumise à des exigences accrues en matière d'information. La périodicité des informations doit être adaptée à l'ensemble des destinataires, à l'importance du découvert et aux mesures prises (cf. art. 44, al. 2 et 3, et 44a, al. 2 et 4 OPP 2 et art. 6a, al. 2 OEPL).

225

Devoir accru de diligence Un découvert se traduit pour l'institution de prévoyance et ses organes, comme pour les autorités de surveillance, par un devoir accru de diligence et par des exigences accrues en matière de transparence. L'institution de prévoyance doit, en particulier, veiller avec plus d'attention encore à ce que la sécurité de la réalisation des buts de prévoyance soit garantie dans le domaine des placements, surtout en ce qui concerne les placements auprès de l'employeur (cf. art. 50, al. 2, OPP 2).

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Exigences minimales pour les mesures (cf. art. 65d, al. 2, LPP) Les mesures doivent être conformes à la loi. Elles ne doivent ni porter atteinte aux droits acquis, ni avoir aucun effet rétroactif illicite.

1

Les mesures doivent être adaptées au degré du découvert (cf. art. 65d, al. 2, LPP). Il est possible à cet égard de distinguer entre un découvert limité et un découvert important. Il y a lieu de considérer en règle générale qu'un découvert est important lorsque l'insuffisance de couverture est supérieure à 10 %.

L'expert en prévoyance professionnelle doit donner son avis sur cette valeur de référence. Il s'appuie à cet effet sur des principes reconnus. Compte tenu de la situation propre à l'institution de prévoyance, un découvert peut être déjà important lorsque l'insuffisance de couverture est inférieure à la valeur de référence précitée.

2

Les mesures doivent être adaptées aux contraintes de durée. Elles doivent pouvoir être appliquées en temps utile, être gérables au plan administratif et conduire à une résorption du découvert dans un délai raisonnable. En règle générale, un délai raisonnable s'entend d'une période de cinq à sept ans; une durée de dix ans ne devrait pas être dépassée.

3

Les mesures doivent prendre en compte les événements futurs prévisibles (changement de propriétaire de l'entreprise, externalisation d'unités de production, ventes partielles de l'entreprise, suppression générale de postes de travail, etc.).

4

Les mesures doivent être efficaces, applicables, et cohérentes par rapport aux causes du découvert.

5

Les mesures doivent respecter la proportionnalité et être équilibrées dans le cadre d'un concept d'ensemble (cf. art. 65d, al. 2, LPP). La proportionnalité est respectée par exemple si les destinataires et/ou employeurs qui ont bénéficié antérieurement de prestations supplémentaires supportent la charge des mesures appliquées.

6

Les mesures doivent permettre de couvrir les besoins prévisibles en matière de liquidités.

7

Le principe de subsidiarité doit être respecté lorsque des mesures sont appliquées. Des mesures radicales comme celles prévues à l'art. 65d, al. 3, LPP (prélèvement auprès de l'employeur et des salariés de cotisations d'assainissement et, auprès des bénéficiaires de rentes, d'une contribution aux mêmes fins) ne peuvent être prises que lorsque d'autres mesures, de moindre portée, ne permettent pas d'atteindre l'objectif. Les avoirs de vieillesse ne peuvent être rémunérés à un taux inférieur au taux minimal en application de l'art. 65d, al. 4, LPP que lorsque les mesures prévues à l'al. 3 de cet article se sont révélées insuffisantes.

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Tâches particulières de l'autorité de surveillance L'autorité de surveillance examine si l'organe de contrôle et l'expert en matière de prévoyance professionnelle remplissent les tâches spéciales prévues par les art. 35a et 41a OPP 2. Elle vérifie en particulier qu'un concept de mesures visant à résorber le découvert a été élaboré et que les documents et indications prévues au ch. 222 ont été réunis. Elle en vérifie la légalité et la conformité au règlement et elle examine si le concept de mesures présente de manière concluante les moyens d'atteindre les objectifs. Le concept de mesures doit comporter des indications sur le respect des principes susmentionnés et de ceux visés à l'art. 65d, al. 2, LPP, ainsi que sur l'efficacité attendue et les échéances prévues. Il doit également indiquer les premières étapes contraignantes du processus de résorption du découvert et indiquer selon quelles modalités et avec quelle périodicité l'institution de prévoyance renseigne l'autorité de surveillance et les destinataires sur la progression de l'application des mesures. L'autorité de surveillance s'assure que les acteurs concernés (organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance et commission de prévoyance paritaire à l'échelon de l'institution affiliée à une fondation collective, organe de contrôle, expert en matière de prévoyance professionnelle) sont impliqués dans le processus conformément au partage légal de leurs rôles. Elle examine en particulier si le concept de mesures a été élaboré avec le concours de l'expert en matière de prévoyance professionnelle et au besoin d'autres spécialistes (tels que des experts en placements) et si l'organe de contrôle a vérifié que les décisions de l'organe paritaire suprême, respectivement de la commission de prévoyance paritaire à l'échelon de l'institution affiliée à une fondation collective, figurent au procès-verbal de ces derniers. Elle surveille et examine l'établissement par l'institution de prévoyance de rapports réguliers sur l'efficacité des mesures.

231

Institutions affiliées à une fondation collective qui gèrent les placements de manière autonome Lorsque des fondations collectives autorisent les institutions affiliées à opérer de manière autonome les placements de la fortune, les règles applicables aux institutions affiliées qui sont en découvert sont en principe les mêmes que celles qui s'appliquent aux institutions de prévoyance autonomes.

232

Examen périodique de la situation financière des institutions de prévoyance (cf. art. 44c OPP 2) Dans le cadre de l'enquête sur la situation financière des institutions de prévoyance, l'autorité de surveillance doit relever le degré de couverture calculé selon l'annexe relative à l'art. 44, al. 1, OPP 2. S'il existe une réserve de cotisations d'employeur incluant une déclaration de renonciation à leur utilisation, un degré de couverture complémentaire sans imputation de cette réserve à la fortune disponible est nécessaire (art. 44a, al. 4, OPP 2).

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Partie spéciale Détail des mesures d'assainissement Application, en cas de découvert, d'un taux d'intérêt réduit ou nul par les institutions de prévoyance enveloppantes en primauté des cotisations

31

Les institutions de prévoyance enregistrées et en primauté des cotisations qui étendent la prévoyance au-delà des prestations minimales de la LPP (institutions de prévoyances dites enveloppantes) doivent, lorsqu'en cas de découvert elles appliquent à l'ensemble de l'avoir d'épargne un taux d'intérêt réduit ou nul selon le principe d'imputation, respecter les limites légales précisées ci-après.

311

Limites légales L'application d'un taux d'intérêt réduit ou nul en application du principe d'imputation dans le cas d'une institution de prévoyance enveloppante et en primauté des cotisations est licite si cette possibilité est prévue dans le règlement et si le devoir d'information envers les assurés et l'autorité de surveillance est respecté. L'application d'un intérêt négatif est exclue pour toutes les institutions de prévoyance soumises à la LFLP, soit également pour les institutions de prévoyance dites de cadres (art. 15 et 17 LFLP).

1

Si un assuré quitte l'institution de prévoyance individuellement, les prescriptions minimales de la LPP et de la LFLP s'appliquent sans aucune restriction et il y a lieu en particulier de respecter les dispositions de l'art. 17 LFLP (en corrélation avec l'art. 6, al. 2, ordonnance du 3 octobre 1994 sur le libre passage6). L'institution de prévoyance doit fournir la preuve que lors du calcul du compte-témoin LPP et du calcul selon la LFLP, la rémunération au taux d'intérêt minimal conformément à l'art. 15 LPP (en corrélation avec l'art. 12 OPP 2 et l'art. 65d, al. 4, LPP) est respectée.

2

Les règlements peuvent prévoir que l'organe paritaire suprême de gestion ne fixe le taux d'intérêt pour l'année écoulée qu'après avoir pris connaissance des comptes annuels. S'il existe une telle disposition dans le règlement, on est en présence d'une réduction licite rétroactive du taux d'intérêt.

En règle générale, les mesures avec effet rétroactif sont toutefois interdites.

3

32

Modification des prétentions réglementaires futures dans le domaine surobligatoire Sur la base d'une disposition réglementaire expresse (modification réservée), l'organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance peut réduire les droits futurs (droits expectatifs) des assurés à des prestations surobligatoires, d'une manière générale ou temporairement seulement.

6

RS 831.425

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321

Limites légales S'il n'existe pas de base réglementaire suffisante (modification réservée), les conditions formelles d'une modification du règlement, respectivement d'une modification du plan de prévoyance, doivent être respectées. Il est en particulier impératif que le règlement modifié soit soumis au contrôle de conformité légale de l'autorité de surveillance.

1

Il y a lieu d'observer l'interdiction de la rétroactivité et la protection des droits acquis des destinataires et ainsi la distinction entre droits déjà acquis et droits à acquérir (cf. art. 21 LFLP, changement de plan de prévoyance).

Aussi longtemps que des expectatives de prestations futures peuvent être réduites ­ notamment lorsque les conditions d'une modification unilatérale d'un règlement sont remplies ­ ces expectatives ne bénéficient pas de la garantie des droits acquis. Ce n'est que lorsque le règlement lui-même est déclaré irrévocable sur un point précis (p. ex. le droit à certaines prestations) ou lorsque des garanties explicites ont été données dans un cas précis que la garantie des droits acquis l'emporterait sur une éventuelle réduction des droits expectatifs.

2

4

Abrogation des directives du 21 mai 2003 Les directives du 21 mai 2003 concernant des mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle7 sont abrogées.

5

Entrée en vigueur Les présentes directives entrent en vigueur le 1er janvier 2005.

27 octobre 2004

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Joseph Deiss La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

7

FF 2003 3863

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