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N° 36

FEUILLE FÉDÉRALE 77e année.

Berne, le 9 septembre 1925.

Volume III.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui

d'un projet de loi fédérale sur la lutte contre la tuberculose.

(Du 1er septembre 1925.)

Le projet de loi que nous avons l'honneur de soumettre aux Chambres fédérales avec le présent message est attendu depuis de longues années dans les milieux très divers et très étendus, où l'on s'intéresse activement à la lutte contre la plus grave des maladies de notre temps, la tuberculose.

C'est pour donner une base constitutionnelle à une future législation contre la tuberculose que le peuple suisse a adopté le 4 mai 1913 une nouvelle rédaction de l'article 69 de la constitution fédérale étendant aux maladies très répandues ou particulièrement: dangereuses la compétence législative de la Confédération, limitée auparavant aux maladies épidémiques, et prescrivant que la Confédération peut prendre des mesures destinées à lutter contre ces maladies, alors qu'il n'était question jusqu'alors que de mesures de police sanitaire.

Toute la discussion qui a précédé, aux Chambres fédérales, l'adoption de l'article 69 nouveau, montre que sans négliger d'autres maladies graves telles que le goitre, le cancer, les maladies vénériennes, c'est ·avant tout la lutte contre la tuberculose qu'on avait en vue, et qu'on attendait du Conseil fédéral la présentation prochaine d'un projet de loi organisant cette lutte.

L'article 69 ancien ne parlant que d'épidémies, la tuberculose qui n'a pas ce caractère et qui est au contraire le type des maladies endémiques, c'est-à-dire fixées dans la population et présentant une fréquence à peu près constante, la tuberculose, disons-nous, échappait ,au législateur fédéral. On avait cependant reconnu depuis longtemps Feuille fédérale. 77e année. Vol. III.

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le devoir de la Confédération de s'associer à la lutte contre cette maladie, qui emporte chaque année des milliers de vies humaines et attaque à leur source même, par ses répercussions sur la descendance des nialades, les forces vives de la nation.

C'est cette conviction qui engagea M. le Dr Rikli à présenter, en 1909, au Conseil national le postulat suivant : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur la question de savoir si, par voie d'application de l'article 69 de la Constitution fédérale ou en ajoutant un article à la Constitution, il n'est pas possible à la Confédération, de prendre à l'égard de la tuberculose épidémique chronique des mesures semblables à celles qui ont été prises à l'égard des épidémies offrant un danger général. » Ce postulat fut accepté par le Conseil national, mais le Conseil fédéral dut reconnaître, après étude de la question, que l'article 69 n'était pas applicable à la tuberculose sans modification préalable, pour la raison que nous venons d'indiquer. Faisant siennes toutefois les préoccupations qui avaient engagé M. Rikli à présenter son postulat, il soumit aux Chambres fédérales, par un message du 20 décembre 1911, un projet de revision de l'article cité. Comme on l'a dit plus haut, il ne s'agissait plus seulement dans l'article nouveau de maladies épidémiques, mais de maladies caractérisées par leur transmissibilité, leur gravité ou leur fréquence, et la tuberculose, qui réunit ces trois caractères, tombait dorénavant sous le coup de la compétence législative de la Confédération.

C'est ce nouveau texte constitutionnel qui nous a permis de renforcer par des dispositions nouvelles, qui font l'objet de la'loi du 18 février 1921, notre loi fédérale sur les épidémies de 1886 et d'appliquer, lorsque les circonstances l'exigent, les dispositions de cette loi à d'autres maladies que celles qui s'y trouvent expressément mentionnées. C'est lui aussi qui a rendu possible, sans nouvelle révision constitutionnelle, une législation fédérale sur les stupéfiants, destinée à prévenir les maladies particulièrement dangereuses -- morphinisme et cocainismo -- qui peuvent naître de l'usage abusif de ces drogues. C'est lui enfin qui va nous permettre de nous donner cette législation fédérale contre la tuberculose, que tant de voix autorisées réclament
depuis si longtemps.

Cette législation fait l'objet du présent message. Mais nous désirons, avant d'entrer dans le vif de notre sujet, réunir ici quelques indications sur l'ennemi qu'il s'agit de combattre et sur l'ampleur de la tâche que cette lutte nous impose.

11 La tuberculose est la plus répandue des infections. C'est la maladie ubiquitaire et la maladie sociale par excellence. Elle s'observe sous tous les climats, s'attaque à tous les peuples, à toutes les races, à toutes les classes de la société; elle suit pas à pas la civilisation et pénètre avec elle dans les contrées les plus reculées. Elle sévit dans les agglomérations humaines, envahit les campagnes, atteint les animaux, qui deviennent les propagateurs du virus. Peu d'adultes y échappent -- chez 90 % des sujets autopsiés par lui, un médecin suisse, Nsegeli, a trouvé des lésions qui témoignaient d'une ancienne tuberculose guérie, et un savant français, Brouardel, a confirmé ces résultats -- et si beaucoup résistent à l'infection et ne semblent pas incommodés par la présence de quelques bacilles dans leur organisme, beaucoup aussi succombent au mal.

On a calculé que, dans nos pays, deux individus sur sept contractent, au cours de leur existence, une tuberculose avérée et qu'un décès sur sept est d'origine tuberculeuse, cette proportion s'élevant même à un sur trois pour la période pendant laquelle l'homme atteint son plein rendement économique, soit de 20 à 50 ans.

En Suisse, la mortalité tuberculeuse, qui atteignait le taux de 28,2 pour 10000 habitants de 1891 à 1895, était encore, en dépit de la lutte active menée depuis un certain nombre d'années contre le fléau, de 19,9 pour 10000 pour la période 1916--1920 et de 16,4 pour les années 1921--1922, ce qui veut dire qu'aujourd'hui encore, en Suisse, 7000 vies humaines, en chiffre rond, sonò fauchées chaque annés par la tuberculose.

Ce qui augmente la triste éloquence de ces chiffres, c'est que cette mortalité si lourde, qui dépasse de beaucoup celle de toutes les maladies infectieuses réunies et demeure notablement supérieure à celle du cancer, est le fait d'une maladie évitable, si évitable même, que les mesures que nous lui opposons aujourd'hui, tout incomplètes qu'elles soient, l'ont déjà fait reculer dans une large mesure. En Angleterre, la mortalité est tombée à 11,2 pour 10000 habitants, à 13,7 en Allemagne; dans tous les pays civilisés on a constaté un recul analogue, et nous venons de constater qu'en Suisse la tuberculose qui, sur 10000 habitants, faisait encore près de 30 victimes il y a 30 ans, n'en emporte plus guère que 17
aujourd'hui. Qu'on se représente le bénéfice social que nous enregistrerions si, ce recul se poursuivant, nous arrivions à ramener notre mortalité tuberculeuse à la moitié de son taux actuel et à réaliser ainsi, chaque année, à un moment où la natalité commence à montrer, chez nous aussi, un recul inquiétant, un gain de 3000 à 4000 vies humaines. Telle est la tâche que doit chercher à réaliser la prophylaxie antituberculeuse. Et la réalisation plus ou moins complète de cette tâche dépendra de ce que la science et l'expérience

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pratique nous auront appris des causes de la tuberculose et de ses modes de propagation.

L'étiologie, c'est-à-dire la cause originaire de la tuberculose, s'est posée longtemps devant la science comme un problème insoluble, et nombreuses sont les théories qui ont été échafaudées autour d'elle.

C'est dans la moitié du dernier siècle seulement, après les travaux de Villemin qui démontra l'inoculabilité de la tuberculose, et de Koch qui en découvrit le germe, que la lumière s'est faite, éclatante et définitive. Nous savons aujourd'hui de la façon la plus certaine que la tuberculose est contagieuse -- à vrai dire, cette contagiosité était soupçonnée depuis longtemps, preuve en soient les mesures draconiennes que certains Etats prenaient, au 18e siècle déjà, contre les tuberculeux -- et pourquoi elle est contagieuse. La tuberculose est la conséquence de l'invasion de l'organisme par un bacille spécifique, le bacille de Koch, qui s'y établit, s'y multiplié, s'y répand de proche en proche et, le minant par l'action des produits toxiques qu'il sécrète, finit par en avoir raison.

La tuberculose est une maladie éminemment contagieuse. Mais à rencontre de telle autre de ces maladies, de la fièvre typhoïde, par exemple, ou de la variole, qui éclatent brusquement et évoluent en · un temps relativement court, elle se distingue, dans l'immense majorité des cas, par ses allures lentes, sournoises et par là même trompeuses. L'organisme peut être envahi depuis longtemps avant que se manifestent les signes révélateurs de cette invasion. Et c'est là un caractère de la maladie qu'il ne faudra pas oublier lorsqu'il s'agira de dresser contre elle une prophylaxie rationnelle et efficace.

Dans la grande majorité des cas, l'origine de la contagion doit être recherchée chez l'homme. Il existe certes d'autres sources d'infection : les congrès et les académies ont retenti de débats passionnés sur le rôle que peuvent jouer dans la propagation de la maladie la viande ou le lait des animaux tuberculeux. S'il paraît à peu près certain que ces facteurs de contagion ne peuvent pas être absolument exclus, on admet assez généralement aujourd'hui que leur rôle n'est que secondaire. Par contre, il est un fait certain : c'est l'homme tuberculeux qui est la source principale du virus, qui répand la contagion autour de lui, par
l'intermédiaire de ses excrétions et surtout de ses crachats receleurs du bacille. Ce sont en définitive les crachats qui sont surtout les propagateurs du virus, d'abord parce que les cas de tuberculose pulmonaire sont beaucoup plus fréquents que les autres, puis parce que nous avons en général la mauvaise habitude de cracher partout. Tombés sur le sol ou recueillis sur des linges,

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ces crachats se dessèchent sans que la vitalité du microbe qu'ils recèlent soit atteinte. Le maniement de ces linges ou, quand les crachats sont sur le sol, le piétinement incessant, surtout dans les logis encombrés, en font de la poussière que l'agitation de l'air peut porter uu peui partout. Et voilà pourquoi il n'est pas si ridicule que d'aucuns le prétendent de vouloir interdire de cracher au hasard et où que l'on se trouve; cette habitude malpropre est, en fait, une grande propagatrice de tuberculose et l'on ne doit rien négliger pour la faire disparaître, sinon par des mesures législatives, du moins par l'enseignement et l'éducation.

Cela montre aussi que le tuberculeux est surtout dangereux pour son entourage immédiat : chacun est menacé en proportion de la durée du séjour dans le logis contaminé, et le maximum du danger est pour ceux qui sont assujettis à une cohabitation permanente. Mais en dehors de ceux-ci, le danger décroît rapidement à mesure que la distance augmente et que les contacts avec les malades sont plus courts. Et ce serait une erreur, à propos de la tuberculose, de voir le danger partout, alors que c'est au péril prochain, immédiat, qu'il faut surtout penser.

D'ailleurs, si les causes de contamination sont nombreuses, cette contamination n'est pas nécessairement fatale. Si nous sommes tous exposés à héberger à un moment donné le bacille, nous ne sommes pas tous pour cela des tuberculeux. Le bacille peut exister en nous comme organisme inoffensif. Il peut produire quelques colonies invisibles qui périssent sur place, il peut en former de plus grandes, visibles à l'oeil nu, et dont l'évolution sera arrêtée par une guérison, sans que l'infection se soit trahie par aucun symptôme extérieur. Il peut enfin l'emporter, envahir un ou plusieurs organes, ett ce sont les individus ainsi atteints qui sont, à proprement parler, des tuberculeux. On peut donc prétendre, sans beaucoup d'exagération, qu'au lieu d'être incurable, fatalement incurable, comme on l'a cru longtemps, la tuberculose est au contraire parfaitement curable. Pourquoi ces différences dans son évolution ? . Pourquoi l'activité du bacille, enrayée dès le début dans certains cas, peutelle se poursuivre dans d'autres jusqu'à constituer la maladie déclarée, la tuberculose ì Cela dépend jusqu'à un certain point de la virulence,
c'est-à-dire du pouvoir infectant du bacille; mais cela dépend bien plus encore du terrain sur lequel il évolue. L'évolution de la tuberculose est, en dernière analyse, bien plus une question de terrain qu'une question de germe, et c'est cette question qui commande la prophylaxie antituberculeuse. Dans beaucoup de cas, le terrain ayant une résistance suffisante, l'organisme se suffit à luimême pour la lutte; le germe ne peut pas se développer et la maladie

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avorte. Dans d'autres cas, au contraire, celle-ci trouve un terrain favorable; l'organisme est désarmé, impuissant à se défendre, et c'est alors qu'il faut lui venir en aide, augmenter sa résistance et ses réserves de forces. Mais ici, comme pour les incendies, ainsi que le disait Duclaux, on est d'autant plus sûr du succès qu'on interviendra plus tôt.

Il est, dans le problème de la tuberculose, un autre facteur d'une importance (primordiale. On admet très généralement aujourd'hui que, dans beaucoup de cas, la contamination tuberculeuse se fait pendant l'enfance. La tuberculose de l'adulte, a dit Behring, sans doute avec un peu d'exagération, est presque toujours le dernier couplet d'une chanson qui a commenieé dès le berceau. Les habitudes des jeunes enfants, leurs contacts intimes et répétés avec leurs parents expliquent suffisamment ce phénomène. De ce fait découle pour la prophylaxie antituberculeuse un nouveau commandement: protéger l'enfant. Le protéger dès les premiers jours de son existence, le mettre à l'abri des infections précoces, le soustraire à toutes les influences qui peuvent favoriser les progrès de la tuberculisation; si celle-ci est déjà réalisée, exalter par tous les moyens la résistance de son organisme, de façon à le mettre en état de lutter contre le germe envahisseur. L'on sait aujourd'hui d'autre part, que la tuberculose n'est pas héréditaire dans le sens absolu du mot; l'enfant procréé par des parents tuberculeux ne naît pas tuberculeux luimême. Mais il apporte avec lui, en venant au monde, un état constitutionnel tout particulier, une prédisposition à contracter la tuberculose plus facilement que les sujets nés de parents sains. Et c'est ainsi que, de quelque côté que l'on considère le problème de la tuberculose dans ses rapports avec l'enfance, on arrive à cette conclusion que l'enfant est par excellence le terrain de la lutte préventive; le risque couru par l'enfant étant le plus grand, c'est che/ l'enfant que la prophylaxie doit tendre à donner son plus grand effort.

Maladie infectieuse, maladie évitable, maladie curable : ces trois constatations nous permettent d'établir le programme de la lutte contre la tuberculose. Elle doit viser à la fois le bacille et l'individu, le germe de l'infection et le terrain où il pourra évoluer.

Pour le bacille, nous devons nous efforcer, par des mesures appropriées, de le détruire là où nous pouvons le saisir et d'empêcher sa dispersion ; c'est là, somme toute, la partie du problème la moins difficile à résoudre. Pour l'individu, la lutte exige le concours de deux actions : il faut essayer de guérir le tuberculeux et de préserver ceux qui ne le sont pas. C'est la première de ces deux actions, l'ac-

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tion curative, qui, au début de la lutte antituberculeuse, a surtout retenu l'attention. Et cette première préoccupation a eu pour conséquence la création des sanatoriums, plus particulièrement des sanatoriums à l'altitude, dont Davos fit la première expérience, et qui sont répandus aujourd'hui dans le monde entier. Certes le sanatorium a rendu d'immenses services; des milliers et des milliers de tuberculeux lui doivent d'avoir été rendus à une existence active et d'être redevenus des membres utiles de la société, pour laquelle ils étaient auparavant une charge. De plus, l'action utile du sanatorium dépasse le côté simplement curatif du problème; le malade qui en sort, et qui a été soumis pendant des mois à une discipline sévère et à une véritable éducation antituberculeuse, emporte cette éducation avec lui dans le milieu où il vivra désormais et où il pourra exercer, ne fûtce que par l'exemple, une propagande fort utile. Donc le sanatorium1, dont nous possédons en Suisse des types modèles, est indispensable; il doit être maintenu sous ses diverses formes -- grand sanatorium à l'altitude, petit sanatorium de plaine -- pour les malades qui offrent de bonnes chances de guérison; et à côté de lui doit être créé, là où il n'existe pas, et développé son complément naturel et nécessaire, l'hôpital ou pavillon pour tuberculeux, destiné aux malades qui n'ont plus de guérison à espérer et qui y trouveront tous les soins que réclame leur état.

Tout cela concerne le côté purement curatif du problème. Mais nous savons qu'en matière de lutte antituberculeuse -- et cette conviction n'a fait que s'affirmer à mesure que s'accumulaient les faits d'expérience et que la science étendait ses recherches -- le rôle principal est dévolu à la prévention. Ayant constaté que si la tuberculose est fréquente, beaucoup d'individus, malgré les multiples possibilités d'infection, échappent à celle-ci, nous devons tout d'abord -- comme nous le faisons pour toute maladie infectieuse -- chercher à préserver, dans la mesure du possible, la population du risque que lui font courir les tuberculeux vivant au milieu d'elle, puis à mettre le plus grand nombre possible d'individus en état de résister à l'infection qui pourrait, malgré tout, les atteindre. Et cela précise et délimite d'une façon très nette la tâche de la prévention
antituberculeuse.

Elle doit rechercher la maladie, la dépister à ses débuts, avant même, si possible, qu'elle ait trahi son existence par des manifestations extérieures, pour empêcher le malade, par une intervention appropriée, de contaminer son entourage, tout en lui fournissant l'aide matérielle dont il pourra avoir besoin, pour lui et pour les siens, dans les nouvelles conditions d'existence où sa maladie le placera. Ce point assuré, elle doit s'occuper de tous ceux que le danger menace, surtout des enfants -- nous avons vu plus haut, pourquoi -- des faibles, des

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maladifs, de ceux dont l'hérédité constitutionnelle est chargée et qui offrent un terrain tout préparé aux attaques du bacille; elle doit écarter d'eux les risques de contamination, multiplier pour eux les.

oeuvres -- préventoriums, cures d'air, colonies à la campagne et à la, montagne, etc. -- qui ont pour but de fortifier les tempéraments débiles et de les mettre en état de résister au mal.

Une bonne partie de cette activité aux faces multiples est dévolue» au dispensaire antituberculeux. Qu'est-ce en effet que le dispensaire ?

C'est la cellule centrale ou, si l'on veut, le quartier général de la lutteantituberculeuse. C'est lui qui, par l'intermédiaire de ses infirmièresvisiteuses, formées spécialement à cette besogne, doit dépister le malade, aller le chercher dans son logis, à l'atelier, à l'école; c'est à lui que s'adressant directement les personnes qui ont quelque raison de se croire atteintes et qui ont besoin, pour se soigner, d'une aide matérielle. C'est lui qui doit conseiller le tuberculeux, le guider, le surveiller, le suivre dans son existence, contribuer à lui fournir les ressources matérielles nécessaires pour se soigner, entretenir sa famille, améliorer son hygiène, son alimentation, son logement, enfin, si cela est nécessaire, le diriger sur l'établissement de curequi convient le mieux à son état. Le dispensaire est également le conseiller de tous les prédisposés, de tous les menacés, de tous ceux qui sont, comme on dit, en imminence de tuberculose et que l'on peut, en s'y prenant à temps, soustraire à la maladie et éloigner du cortège lamentable qui se presse à la porte de nos sanatoriums et de nés hôpitaux. Le dispensaire, institution socialepar excellence, est appelé à jouer un rôle toujours plus considérable dans la -lutte antituberculeuse et il importe que son activité soit encouragée, intensifiée et développée par tous les moyens.

Telle est, brièvement résumée, la tâche que nous pouvons appeler immédiate de la prophylaxie antituberculeuse. Mais il y a plus à faire encore. Si la tuberculose est une maladie ubiquitaire, qui n'épargne aucune classe de la société, nous savons qu'elle sévit surtout -- et cela s'explique par sa nature même et par son mode de propagation -- parmi ceux qui vivent dans des conditions matérielles et Hygiéniques précaires et défectueuses, dans des logis étroits, encombrés, sans air et sans soleil, où les possibilités de contamination d'individu à individu se multiplient, où le.bacille, de son côté, qui redoute, lui, le soleil et la lumière, trouve les conditions les plus favorables à sa pullulation. Il faut donc, si nous voulons que les oeuvres de prévention réalisent leur programme dans toute son ampleur, apporter ici des réformes profo'ndes : améliorer les conditions d'existence

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des classes laborieuses, assainir les quartiers malsains, supprimer le taudis, qui est encore trop souvent la honte de nos grandes villes, faire pénétrer partout l'air et la lumière -- Michelet n'a-t-il pas dit que, de toutes les plantes, la plante humaine est celle qui a le plus besoin de soleil -- en un mot, faire bénéficier la population d'une hygiène toujours mieux comprise et toujours plus efficace. Nous entrons ici dans un domaine qui déborde celui de la prévention antituberculeuse proprement dite, le domaine de l'hygiène sociale dans le sens le plus étendoi du mot. Mais l'un ne va pas sans l'autre, et seule l'étroite collaboration de toutes ces activités nous permettra de réaliser un jour le but que nous cherchons à atteindre : la suppression complète et définitive de la tuberculose.

Nous venons de résumer le programme de la lutte antituberculeuse.

Ce programme, qui s'est développé et complété à mesure que l'expérience et la science apportaient de nouvelles données, est appliqué aujourd'hui, d'une façon plus ou moins complète, dans la plupart des pays civilisés et il est indéniable que cette lutte, systématiquement conduite, a déjà obtenu des résultats très encourageants. Pour apprécier ces résultats d'une façon parfaitement exacte, il faudrait connaître la morbidité tuberculeuse, c'est-à-dire la fréquence de la tuberculose au cours de périodes successives; malheureusement il n'est pas possible, pour de multiples raisons, de dresser une statistique tant soit peu exacte des cas de tuberculose et d'établir, même d'une façon très approximative, la courbe de cette morbidité. Mais à défaut d'elle, nous avons un autre témoin, qui nous donnera des indications précises : la courbe de la mortalité tuberculeuse. Si cette courbe s'abaisse, cela ne peut être dû, pour une bonne part, qu'à un recul correspondant de la morbidité; s'il meurt moins de tuberculeux, c'est qu'il y en a moins; la chose paraît évidente. Or, nous constatons dans tous les pays où la lutte contre la tuberculose a été organisée d'une façon plus ou moins systématique, un recul marqué de cette mortalité. C'est ainsi que de 1906 à 1918-1921 le taux de mortalité tuberculeuse a passé de 16,6 à 11,2 pour 10000 habitants en GrandeBretagne, de 20,6 à 11,7 en Ecosse, de 16,8 à 9,9 en Danemark, de 18,9 o, 13,7 en Allemagne, de 25,3 à 19,6
en Norvège, de 25 à 17,7 en Suède, de 17,4 à 14,7 aux Pays-Bas, de 13,3 à 11,8 en Belgique, de 26,7 à 21,7 en Irlande, de 18 à 9 dans un groupe d'Etats de l'Union Américaine, de 9,3 à 7,1 en Australie. Seuls quelques Etats, tels que le Japon (19,8 en 1906, 25,2 en 1918) et l'Espagne (18,8 en 1906, 20,4 en 1918), ont enregistré une augmentation. En France (22,2 en 1906, 22,6 en 1921), la mortalité semble être demeurée stationnaire.

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On se demandera peut-être si ces progrès sont bien le résultat de la campagne menée contre la tuberculose, ou s'il ne faut pas y voir plutôt une simple conséquence d'un phénomène général : l'amélioration progressive des conditions d'hygiène et du bien-être matériel. La question peut se poser; mais les faits apportés à Lausanne, à la 4e conférence de l'Association internationale contre la tuberculose, par sir Eobert Philip, le pionnier de la lutte antituberculeuse en GrandeBretagne, ont montré de la façon la plus évidente que si l'amélioration des conditions générales a joué ici, comme dans tous les domaines de l'économie sociale, un certain rôle, c'est bien à l'oeuvre antituberculeuse elle-même que revient le principal mérite des progrès réalisés. Et sir Robert Philip parlait en parfaite connaissance de cause, car la Grande-Bretagne est, à l'heure actuelle, un des pays du mion.de où la lutte contre la tuberculose est le mieux et le plus systématiquement organisée, et les expériences recueillies dans ce pays constituent pour tous un précieux enseignement.

Et nous-mêmes, qu'avons-nous fait et où en sommes-nous à l'heure actuelle ?

Le mouvement antituberculeux a, dans notre pays, une histoire déjà longue. C'est en 1899, pour ne pas remonter plus haut, que le Dr Christen d'Olten demande à la Société d'utilité publique de s'intéresser aux tuberculeux et de créer des sanatoriums à l'altitude. L'appel ne reste pas sans écho et, en 1895 déjà, s'ouvre le sanatorium populaire bernois de Heiligenschwendi, créé pour commémorer le 700e anniversaire de la fondation de la ville de Berne, et qui fut le premier, sinon des sanatoriums populaires, du moins des sanatoriums populaires à l'altitude, construits en Europe. L'exemple de Berne fut suivi successivement par les cantons de Baie-Ville, de BaieCampagne, de Zurich, de Neuchâtel, de Vaud, de Genève, de Glaris, de St-Gall, de Soleure, d'Argovie, des Grisons, du Tessin, de Schaffhquse et de Thurgovie.

En miême temps, des dispensaires se fondent à Neuchâtel d'abord, puis dans toutes nos grandes villes et dans certaines localités de la campagne. Des pavillons spéciaux pour tuberculeux s'ouvrent, tantôt indépendants, comme le plus récent d'entre eux, celui de Mottex-sur-V'evey, tantôt annexés à un hôpital déjà existant. On voit se multiplier les oeuvres préventives
de toute nature. Partout des associations et des ligues se fondent pour soutenir, entretenir et développer les oeuvres déjà créées-, ou pour en créer de nouvelles. Nous ne voulons pas entrer ici dans le détail de toutes ces créations, dans lesquelles l'esprit de solidarité du peuple suisse a trouvé une de ses expressions les plus nobles et les plus émouvantes.

Elles sont décrites et commentées clans le beau livre « La lutte

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contre la tuberculose en Suisse » offert par l'Association suisse contre la tuberculose à l'Association internationale contre la tuberculose, à l'occasion de sa 4e conférence réunie à Lausanne en 1924, et dû au Dr Olivier, un des apôtres les plus convaincus de la cause antituberculeuse en Suisse, esprit clair et pratique, conscient des nécessités et des possibilités de l'heur», qui a sa nous montrer, dans un exposé d'une précision et d'une limpidité frappantes, tout ce qui, à côté de l'oeuvre importante déjà faite, restait encore à réaliser. Nous devons nous contenter d'emprunter à cet exposé quelques chiffres, qui nous montreront toute l'ampleur du mouvement et le développement qu'il a atteint aujourd'hui.

Nous possédons actuellement en Suisse 24 sanatoriums populaires pour adultes avec 2000 lits et 29 sanatoriums et préventoriums pour enfants avec 1200 lits, ce qui nous donne un total de 3200 lits, soit 1 lit pour 1200 habitants, proportion déjà très satisfaisante. Si on la compare avec ce qui a été fait dans d'autres pays, que nous citons plus loin, elle nous montre que le moment est proche où nous serons pourvus du nécessaire à cet égard. Ces établissements hospitalisent annuellement de 4000 à 5000 malades, tandis que les hôpitaux en reçoivent environ 8000, dont un millier environ pour les pavillons spéciaux, au nombre de 12, actuellement réservés aux tuberculeux.

Par les soins de 62 associations et ligues antituberculeuses, unies entre elles par le lien de l'Association centrale suisse contre la tuberculose, il a été créé 30 dispensaires et des centaines de commissions locales, qui assument le rôle et les fonctions du dispensaire dans les localités de la campagne; en 1923, dispensaires et commissions ont vu passer à leurs consultations 25 464 personnes (à peu près autant d'enfants que d'adultes), dont 11493 (3350 enfants et 8143 adultes) ont été reconnus tuberculeux.

Telle est actuellement l'armature maîtresse de notre organisation antituberculeuse. Mais il faut ajouter à ces institutions, une série d'établissements et d'institutions auxiliaires de toute nature, tels que préventoriums pour adultes, asiles d'été, asiles de convalescence, galeries de cure d'air, écoles en plein air, ouverts soit à ceux qui .sortent du sanatorium et doivent passer par une sorte de stage intermédiaire avant de
rentrer dans la vie active, soit, à ceux qui devraient peut-être devenir un jour les hôtes de ce même sanatorium, s'ils n'avaient pas justement la possibilité de venir se fortifier par un séjour dans ces diverses institutions contre les attaques sournoises du! bacille; enfin les colonies de vacances qui couvrent actuellement la Suisse d'un réseau serré et ont ouvert leurs portes en 1923 à plus de 20000 enfants chétifs, maladifs, mal nourris ou vivant dans des conditions hygiéniques défectueuses.

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II nous faut encore, pour compléter ce tableau, mentionner ici quatre institutions intéressantes à des titres différents: le sanatorium, universitaire de Leysin, ouvert en 1923, qui doit donner aux étudiants tuberculeux la possibilité de faire une cure à l'altitude sans interrompre complètement leurs études et qui est entretenu en majeure partiepar les cotisations volontaires et joyeusement consenties des étudiants de nos universités; les établissements pour la cure par le travail créés à Novaggio et à Tenero, dans le Tassin, par le service sanitaire de l'armée ; enfin le bureau de placement fondé par la liguezurichoise pour procurer aux malades sortis du sanatorium une occupation adaptée à leurs forces et à leur état.

Dans un ordre d'idées un peu différent, mais en rapport étroit avec les questions qui nous occupent ici, nous devons signaler également la création récente, à Davos, de l'Institut pour l'étude de la physiologie à l'altitude et de la tuberculose. Cet institut a été fondé par les sociétés médicales de Davos et des Grisons, les autorités locales et cantonales, la Société helvétique des sciences naturelles, la CroixRouge suisse et la Société suisse de balnéologie. Il comprend actuellement Une division de physiologie et espère ouvrir prochainement une division de pathologie et de bactériologie. On peut espérer que cet établissement, placé dans un centre où les malades affluent et qui est ouvert à tous les chercheurs présentant certaines garanties de compétence, fera faire de notablas progrès à nos connaissances sur la physiologie et la pathologie de l'homme, plus particulièrement dans leurs rapports avec la tuberculose.

Voilà ce que nous pouvons appeler le bilan des dépenses (nous reviendrons plus loin sur ce chapitre). Quel est maintenant celui des recettes ? En d'autres termes, quels sont les résultats de cette multiple activité? Ici encore, nous devons, pour nous renseigner, nous adresser à la statistique de la mortalité. Mais avant de donner des chiffres, nous devons formuler quelques remarques. Notre statistique mortuaire est, de l'aveu général, une des plus précises, celle qui a été établie sur les bases les plus solides; mais elle présente cependant, comme toutes les statistiques, des particularités et des lacunes qu'il importe de bien connaître avant d'utiliser ses données. Il
faut noter tout d'abord que la nomenclature des décès a été modifiée à plusieurs reprises depuis 1876, où fut instituée notre statistique officielle, ce qui rend parfois un peu malaisé la comparaison des chiffres relevant de périodes différentes. En outre, la carte de décès, qui sous sa forme actuelle est la caractéristique de notre statistique et le principal facteur de sa solidité, n'a été introduite qu'en 1890 pour les villes de plus de 10 000 habitants et en 1901 seulement pour l'ensemble de la Suisse.

Il faut se rappeler encore que la proportion des décès sans attestation

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médicale, aujourd'hui très faible (2,4 pour 100 décès en 1916--1920), «tait considérable au début (12 sur 100 décès en 1881--1885), et se répartissait d'une façon fort inégale entre les diverses régions du pays.

Si donc on veut obtenir une indication se rapprochant d'une façon aussi exacte que possible de la réalité, il faut procéder à une correction des chiffres tenant compte des décès par tuberculose qui doivent très certainement se trouver parmi les décès sans attestation médicale. Cette correction, qui comporte toujours une certaine approximation (et c'est là un facteur qu'il ne faut pas perdre de vue quand nous comparons nos chiffres avec ceux des statistiques étrangères), a été faite sur les chiffres que nous donnons plus loin.

Enfin, il est un autre facteur d'insécurité, et le plus important de tous, commun à tous les pays : autrefois on connaissait relativement "bien certaines formes de tuberculose (phtisie), mais pour d'autres, nous savons que les diagnostics d'il y a 40 à 50 ans devaient être peu .solides. La conséquence naturelle de cette constatation est que nous accorderons à notre statistique une confiance inversement proportionnelle à son ancienneté; grande pour les décès récents, à partir de 1901,
Ceci dit, voici les chiffres de notre mortalité tuberculeuse à partir de l'année 1891 : Tuberculose pulmonaire Décès Correction déclarés à ajouter

1891-1895 1896-1900 1901-1905 1906-1910 1911-1915 1916-1920 1921-1922

6056 6131 6397 6144 5515 5481 4727

233 172 129 95 68 68 75

Tableau I.

Autres tuberculoses

Total corrigé

Mortalité corrigée o/ooo

Décès déclarés

6289 6303 6526 6239 5583 5549 4802

20,7

2050 2217 2631 2527 2210 2092 1531

19,5

19,o 17,i 14.5 14,3 12,4

Correction Total à ajouter, corrigé scrofulose incluse 224 2274 '161 2378

147 104 99 64 37

2778 2631 2309 2156 1568

Toutes tubero.

Mortalité corrigée

"/ooo 7,6 7,4 8,!

7,2

6,0 5,o 4,o

Décès Mortalité corrigés corrigée °/ooo

8563 8681 9304 8870 7892 7705 6370

28,a

26,o 27,!

24,3 20,5 19,3 16,4

Nos 'Chiffrées nous font voir une mortalité tuberculeuse diminuant assez régulièrement, cette diminution prenant cependant une plus grande amplitude à partir de l'année 1901, qui marque, en fait, le début d'une lutte rationnelle, systématique et générale contre la tuberculose. Cette mortalité a passé de 28,2 pour 10 000 habitants en 1891--1895 à 19,3 pour 10000 pendant la période 1916--1920 et à 16,4 pour les années 1921 et 1922. Nous voyons donc que de 1891 à 1922, la mortalité tuberculeuse de la Suisse a subi une diminution de 42 %.

Cette diminution se rapporte surtout à la tuberculose pulmonaire, la mortalité des autres tuberculoses, notamment des tuberculoses chirurgicales, ayant beaucoup m'oins varié. Cela est dû, pour une

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bonne part, au fait qu'on s'est surtout préoccupé jusqu'ici de la tuberculose pulmonaire, forme contagieuse par excellence et par conséquent particulièrement dangereuse de l'infection tuberculeuse; ce sera la tâche de demain de reporter sur les tuberculeux chirurgicaux une partie de l'attention vouée jusqu'ici presque exclusivement aux tuberculeux pulmonaires. On a d'ailleurs commencé à le faire; nous possédons déjà des sanatoriums populaires destinés spécialement aux tuberculoses chirurgicales et l'héliothérapie, qui a donné d'excellents résultats dans le traitement de ce genre de tuberculoses, sera sans doute une arme efficace dans ce domaine particulier de la lutte antituberculeuse.

Tableau IL Cantons

Thurgovie . . . .

Unterwald-le-Haut .

Baie-Campagne . .

Appenzell Rh. -Ext.

Zurich Lucerne Schaf fhouse . . .

Soleure l Uri Baie -Ville . . . .

Neuchâtel . . . .

Claris . . . ' . . .

1 Berne . . . .

St-Gall . . .

i Argovie . . .

Unterwald-le-Bas .

Appenzell Rh.-Int. .

Schwyz . . .

Grisons ! Vaud Zoug . . .

Fribourg . . .

Tessin . . . .

Genève . . .

Valais . . . .

Diminution Tubero, Autres Toutes luberc. Autres Toutes Tubero, Autres Toutes depuis pulm. tubero. tubero. pulm. tubero. tubero. pulm. tubero. tubero. 1891/95;

m11--1895

19.3 19.2

29Ì8 13,o

Suisse 20,7 Villes de plus de 10000 habitants. . 24,7 Reste de la Suisse. 19,7

14,0 14,4

5,o

18,6

6,8 5,6 7,5

22,s 23,2 26,o 26,i

18,7

4,9 5,2

21,0 23,9

28,2

14,3

5,0

19,9

12,4

4,o

16,4

42

33,8 26,8

15,3 13,9

5,3 5,7

20.6

12,6 12,8

3,9

16,6 16,4

51 38

14,8

9,o

5,5

15.0 18,o

12,0

4,6 5,3 5,2 4,9 5,3

8,6 10,6 9,5 10,4 9,9

17,5

7,5

9,1

7,4 7,2 8,8

20.5

4,4 4,9 5,8

4,3

20.4 17,i

19,7

430/0 35 53 43 51 42 42 48 43 54 47 52 47 46 i 37 ; 34 52 38 36 33 32 26 24 : 45 (angm.361)

10,6 10,2 12,6 11,5

ï'5,26

24.7 20,o 24,i 22,4 22,i 20,o 20.2 30,6 20,8 22,o

19!!1-I9 22

21,0 19,0 27.6 23,6 27,8 24.8 25,4 29,s 27,3 34,i 29,5 32,4 29.0 30,2 27,i 26,8 36,7 28,9 29,3 28.o 28,s 26,i 25,4 38,3

16,4 13,8 19,7 16.6 16,6 21,2 16,3

19 6-19 20

7,9

7,0

8,1

11,0 9,4 9,5 8,3 7,6

8,1 1 fi' 6,1 6,1 8,1

7.8 8,3 7,8 6,8 6,2 8.6 4,6

6,6

10,6

14,« 13,9 9.9 14,4 14,3 13,9 14,3

14,0 13.1 15,o 14,8 15,2 17,9 16,5 13,9 15,3 16,4

20,4

£e 6,0

17,6 16,6 15,9 19,8 18,8 15,7 19,4

10,0

3,o 4,o 2,6 3,9

3,i 4,i

5,7 5,8 5,3 6,3 6,3

20,0

12,0

4,8 3,4 3,6 3,9 3,7

19,7 19.6

11.6

4,1

20,s 19,4

11,7 12,8

5,0

20,o

12,1

4.6 6.2

19,4 21,4

6,1

24,o 22.1

13,7 13.4 13,8 14,6 14,8

5,0

5,6 5,8

7,0

19,7

19,6

11,9

12,0 11,7

12,1

16,1

3,7 4,6 4,2 5,3 3,8 4,6

5,0

4,i

12,o 12,5

13,i 13,4 13,5

14,o 14,8 15.3 15,6 15,6 15,7 15.7 15,8 16,8

17,0 17,4 17,6

18,0 18,8 18.9 19,2 19,3 19,4

1 ) Cette augmentation est plus apparente que réelle ; elle est due sans doute au fait qu'autrefois l'enregistrement des décès était insuffisamment exact dans ce canton montagneux et ne possédant qu'un nombre restreint de médecins; on remarquera d'ailleurs que les années 1921-22 présentent une diminution par rapport à la période 1916--1920.

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Cette mortalité n'est pas répartie d'une façon uniforme sur toute la surface du pays. Elle présente, d'une région à l'autre, d'un canton à l'autre, des variations notables, que n'expliquent pas toujours les différences de sol, de climat et de milieu. Ces variations ressortent très clairement du tableau II ci-dessus, qui nous montre que leur amplitude est presque celle du simple au double entre les régions qui sont le moins tuberculisées et celles qui le sont le pl
Quelle est dans cette mortalité la part dévolue à l'enfance ? Car il faut to.ujours en revenir à l'enfant, quand on parle de prévention antituberculeuse. Le petit tableau ci-après, que nous empruntons ait travail du Dr Olivier1), le montre clairement.

Tableau III.

18Î6-1S85

1906-1915

Gain

Perte

Tous âges en dessous de 15 ans .

8,0 4,4 44 % -- Tous âges en dessus de 15 ans .

23,2 20,0 14 % -- Et en divisant les adultes en deux groupes : De 15 à 59 ans 26,7 20,1 22 % -- 60 ans et au delà . . . .

13,2 13,9 -- 5% Ces chiffres nous apprennent que la mortalité tuberculeuse del'enfance baisse beaucoup plus rapidement que celle des classes d'âge supérieures, puisque le gain est de 44 °/o pour tous les âges au-dessous de 15 ans, tandis que pour las âges au-dessus de 15 ans, il n'est plus que de 14 %. La mortalité de l'enfance a donc baissé trois fois plus vite que celle de tous les autres âges, résultat très, encourageant sans doute, malgré l'insuffisance de cette partie de: notre organisation. Mais, comme le fait remarquer le Dr Olivier,, si ces chiffres sont satisfaisants à certains égards, ils suggèrent d'autre part des réflexions assez sérieuses : on voit en effet que,, si les progrès enregistrés pour l'enfance sont réjouissants, beaucoup 0 Si l'on a choisi pour ce tableau les deux périodes 1876-1885 et 1906-- 1915, c'est qu'elles correspondent aux années de recensement 1880 et 1910. Le fait que les résultats définitifs du recensement de 1920, notamment la répartition de la population entre les différentes classes d'âge, ne sont pas encore complètement connus, n'a pas permis d'étendre les calculs à une période plus rapprochée. Il est probable d'ailleurs que cela n'aurait rien changé aux indications générales qui ressortent de notre tableau.

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de ceux que neus prétendons avoir sauvés ne le sont que momentanément et succombent néanmoins plus tard à la tuberculose. Preuve que .notre oeuvre de préservation manque encore de solidité. Si les résultats immédiats semblent bons, le déchet ultérieur reste considérable; la ténacité de la tuberculose est plus grande que notre obstination à la vaincre; mais il faut arriver à ce que celle-ci l'emporte ·enfin sur :Cëlle-là, en donnant toujours plus d'importance à la prévention de la tuberculose infantile.

On sera peut-être étonné de voir que le gain obtenu dans certains pays, à en juger, par les chiffres que nous avons donnés plus haut, est passablement .plus élevé que le nôtre. Cette constatation répond .sans doute, pour une part tout au moins, à la réalité; il est certain qu'il est des pays ayant aujourd'hui une mortalité bien inférieure à la nôtre, soit que leurs conditions générales soient meilleures, soit -qu'ils aient su, mieux que nous, mener le bon combat contre le fléau.

Et il est bon de le constater, ne serait-ce que pour nous rendre plus modestes et diminuer l'optimisme auquel nous nous abandonnons volontiers. Mais il faut aussi, lorsque nous voulons comparer nos chifires à ceux de l'étranger, se rappeler ce que nous avons dit plus haut de notre statistique. Celle-ci est, c'est indéniable et nous le répétons, plus complète, plus exacte que toute autre; au lieu de se baser sur des chiffres bruts, elle se base, comme nous l'avons dit, sur des chiffres corrigés, c'est-à-dire plus élevés que les chiffres bruts et cela nous met en état d'infériorité certaine vis-à-vis des statistiques étrangères, de la même façon que nos statistiques les plus récentes sont ·en état d'infériorité vis-à-vis des plus anciennes, auxquelles beaucoup de tuberculeux échappaient nécessairement. Tout en tirant donc de ces comparaisons les leçons utiles qu'elles comportent, il ne faut pas non plus en prendre le résultat immédiat trop à la lettre : tout compte fait, notre situation est meilleure qu'il n'apparaît dès l'abord.

Cette chute de 42°/o dans les taux de la mortalité tuberculeuse représente pour la seule période 1901--1922 un gain de 30000 vies humaines, arrachées à la tuberculose par l'intensification et la généralisation de la lutte. Résultat réconfortant certes, qui apparaîtrait encore plus frappant, si nous
pouvions calculer la valeur économique de ces 30000 existences conservées à. la vie active. Il suffit de le mentionner pour montrer ce qui a été fait et pour en déduire ce qui reste encore à faire, si nous voulons arriver au niveau atteint actuellement dans certains Etats. Il nous faudrait pour cela réduire encore de moitié notre mortalité tuberculeuse, la ramener au taux de 10 pour 10 000, ce qui nous donnerait un nouveau gain annuel de près de 3000 vies humaines, en attendant le résultat définitif, mais encore lointain, -qui doit être la disparition totale du fléau tuberculeux.

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Diminution de 42 % de la mortalité tuberculeuse ; économie en vingt ans de 30000 vies humaines. Ces deux chiffres résument les ré.sultats de la campagne menée jusqu'ici contre la tuberculose. Or, ces résultats, nous les devons presque exclusivement à l'initiative privée. C'est elle qui a fondé dans toutes les parties du pays des associations et des ligues antituberculeuses; c'est elle qui a créé les sanatoriums populaires, les dispensaires et toutes les oeuvres auxiliaires qui sont venues se grouper peu à peu autour de ces deux centres de la lutte; c'est elle qui a réuni, sans aucun secours officiel, pour ainsi dire, jusqu'à ces dernières années les ressources nécessaires .pour alimenter sa campagne. C'est elle encore qui a entrepris de faire l'éducation du public, de l'éclairer sur la nature et les modes de propagation de la tuberculose, de lui montrer que -celle-ci est une maladie évitable et curable et de lui apprendre comment on peut s'en préserver. L'optimisme, le courage, la généreuse inspiration des hommes ·qui inaugurèrent la campagne antituberculeuse et la poursuivirent au .milieu de mille difficultés morales et matérielles, sans se laisser rebuter par aucun obstacle, méritent toute notre reconnaissance.

Mais pour lutter contre une maladie aussi grave dans ses manifestations et ses conséquences, l'action de l'initiative privée, si importante qu'elle soit, n'est pas suffisante. Tous ces efforts dispersés perdent, par leur dispersion même, une partie de leur efficacité. Pour qu'ils donnent tout leur rendement, il faut les concentrer, les unifier, il faut réunir dans une large coopération toutes les ressources, celles de l'Etat, celles des communes, celles de l'initiative privée; c'est ainsi seulement qu'on pourra avoir raison de l'ennemi. Et c'est ainsi qu'après avoir passé par la phase nécessaire de l'initiative privée, la lutte antituberculeuse doit faire appel à l'intervention sagement comprise et mesurée de l'Etat.

Cette nécessité est partout reconnue aujourd'hui et dans beaucoup de pays l'Etat participe déjà d'une façon ou d'une autre à la lutte antituberculeuse. Il ne sera pas sans intérêt sans doute de passer rapidement «es pays en revue, et cette brève étude nous fournira d'utiles enseignements pour notre propre organisation.

La Norvège est le premier pays qui soit entré dans
cette voie.

Une loi promulguée en 1900 prescrit la déclaration obligatoire de tous les cas de tuberculose contagieuse et ordonne, le cas échéant, l'isolement ou l'hospitalisation du malade, la désinfection de sa chambre et de ses effets personnels. L'hospitalisation des nécessiteux incombe aux districts et aux communes, mais l'Etat prend à sa charge 40 % des frais. Depuis 1914, l'Etat norvégien a confié à un fonctionnaire spécial le soin de conduire, la lutte contre la tuberculose. En 1931, il a consacré à celle-ci, pour une population de 2,700,000 habitants Feuille fédérale. 77e année. Vol. III.

3

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une somme de 6 millions de couronnes. A noter que la loi ne permet pas à quiconque d'exercer les fonctions d'instituteur s'il ne peut présenter, un certificat attestant qu'il n'est pas atteint de tuberculose contagieuse.

La Suède a promulgué une loi analogue en 1904 et réglementé à nouveau en 1912 la participation de l'Etat à la construction et à l'exploitation de sanatoriums. Elle possédait, en 1920, pour une population de 6 millions d'habitants, 70 établissements divers pour tuberculeux avec 5150 lits, et environ 170 dispensaires.

Le Danemark a promulgué en 1905 une loi sur les mesures à prendre contre la tuberculose, en même temps qu'une autre loi -- revisée en 1912 -- sur la participation de l'Etat aux frais des sanatoriums et an traitement des malades hospitalisés. Cette législation» soumise à une nouvelle revision en 1918 et en 1919, prévoit la déclaration obligatoire, l'isolement et l'hospitalisation des malades, la désinfection de leur logement (en cas de mort ou de changement de domicile), et de leurs vêtements. Les frais d'hospitalisation sont à la charge des communes auxquelles l'Etat en rembourse les trois quarts.

De 1913 à 1917, l'Etat a consacré annuellement un million et demi de couronnes à la lutte contre la tuberculose, pour une population de.

3,370,000 habitants.

ii'Ecosse, où fut fondée en 1887 la première institution qui devait, servir plus tard de modèle au dispensaire, a introduit en 1907 la déclaration obligatoire de la tuberculose pulmonaire et a étendu en 1914 cette obligation à toutes les tuberculoses. A la fin de 1922, l'Ecosse, dont la population atteignait à cette date le chiffre de 5 millions d'habitants, comptait 104 sanatoriums et hôpitaux pour tuberculeux, avec 3711 lits et 31 dispensaires subventionnés les uns et les.

autres par l'Etat.

En Angleterre et dans le Pays de Galles, la déclaration de tous les cas de tuberculose est obligatoire depuis 1912. Cette déclaration est faite par le médecin traitant au médecin du district, qui prend les mesures nécessaires pour découvrir la source de l'infection et en empêcher la propagation. L'Etat prend à sa charge les trois cinquièmes des frais de construction des sanatoriums, les quatre cinquièmes des.

dépenses des dispensaires et la moitié des frais d'hospitalisation des.

tuberculeux indigents. Une loi de 1920 donne
aux autorités des comtés le droit de décréter l'hospitalisation d'office de certains malades; une autre loi de 1921 a créé des comités de patronage pour les tuberculeux, sortis des sanatoriums.

Au 31 mars 1923, il existait en Angleterre, y compris le Pays de Galles (35 millions d'habitants), 442 dispensaires, 198 sanatoriums et hôpitaux pour tuberculeux avec 13 300 lits, auxquels venaient se join-

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dre 2780 lits pour tuberculeux dans les hôpitaux généraux et 3310 lits dans 61 établissements divers. A la même date, l'Etat avait consacré 1,5 million de livres sterling à subventionner la construction de sanatoriums; en 1922/23, il a dépensé 1,2 million de livres sterling en subventions à l'exploitation de ces mêmes établissements.

En France, Une loi du mois d'octobre 1915 a prescrit la création de sanatoriums pour tuberculeux et a accordé pour cela à l'Etat un premier crédit de 5 millions. Une autre loi, d'avril 1916, ordonne la création de dispensaires par les départements, dès que leur mortalité générale a dépassé pendant cinq ans le taux de la mortalité moyenne de la France; les dépenses qui en résultent sont à la charge de l'Etat, du département et des communes. Une troisième loi de septembre 1919 ' oblige l'Etat à participer à la construction des sanatoriums par des subventions allant jusqu'à la moitié des dépenses effectives, et aux frais d'exploitation de ces établissements pour la portion de ces frais qui dépasse les frais d'hospitalisation dans les hôpitaux ordinaires.

En janvier 1919, le gouvernement a soumis aux Chambres un projet introduisant la déclaration obligatoire pour le cas de tuberculose ouverte (tuberculose contagieuse) en assurant aux malades nécessiteux, dont la maladie tombe sous le coup de cette mesure, l'aide de l'Etat. L'Académie de médecine, après des débats longs et passionnés, s'est ralliée au principe de l'obligation tout en demandant : 1° que la déclaration soit adressée à un médecin sanitaire tenu au secret, qui veillerait à l'exécution des mesures de prophylaxie; 2° que les pouvoirs publics procurent réellement aux malades nécessiteux tous les soins que leur état réclame, ainsi que toute l'aide dont ils peuvent avoir besoin. Cette dernière mesure a sans doute été déterminante pour l'ajournement du projet, les Chambres ayant préféré assurer d'abord la «réation des établissements et des institutions nécessaires.

Ij'Italie, le premier pays dm monde où des mesures aient été prises contre ce qu'on appelait alors la phtisie (République de Lucques, lois de 1699 et de 1733) possède depuis 1902 la déclaration obligatoire de la tuberculose pulmonaire, mais limitée aux habitations collectives, aux fromageries et aux laiteries, ainsi qu'aux cas de mort ou de changement
de domicile.

Une loi de juillet 1917 a déclaré d'utilité publique la lutte antituberculeuse et l'assistance antituberculeuse, et a chargé les provinces et les communes d'y pourvoir. Des comités provinciaux doivent procéder à la création de sanatoriums, d'hôpitaux, de préventoriums, etc.

L'Etat participe à ces créations par des prêts à long terme sans inté-

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rets. Il participe également aux frais d'exploitation de ces établissements. Il est vrai que ces derniers ont été utilisés presque exclusivement jusqu'ici par des militaires, mais ils s'ouvriront sans doute de plus en plus à la population civile. De nouvelles dispositions légales, promulguées en 1919, autorisent les caisses d'épargne de l'Etat à octroyer aux communes, pour la création d'institutions antituberculeuses, jusqu'au 30 juin 1927, des prêts sans intérêts remboursables en 35 ans, et dont les institutions de bienfaisance peuvent aussi réclamer le bénéfice; toutefois, le montant total de ces prêts ne devra pas dépasser 45 millions de lires. Pour les dispensaires, l'Etat porte actuellement à son budget une somme annuelle de 2 millions de lires.

En Autriche, c'est la législation sur les assurances qui a permis le développement de l'assistance aux tuberculeux et la création de sanatoriums et de dispensaires. Une ordonnance de la direction de la santé publique, promulguée en février 1919, prévoit la déclaration obligatoire des cas de tuberculose contagieuse (ouverte) des organes respiratoires; pour les hôpitaux, les dispensaires et les habitations collectives, la notification englobe tous les cas de tuberculose. Sont considérés comme atteints de tuberculose contagieuse, à côté de ceux qui éliminent des bacilles, tous ceux que l'examen clinique permet de considérer comme bacillifères. Le médecin doit joindre à sa déclaration l'indication des mesures dont l'application lui paraît nécessaire.

"L'Allemagne qui, à côté de la Grande-Bretagne, de quelques Etats de l'Union américaine et des Etats Scandinaves, est le pays où la lutte contre la tuberculose a été le plus systématiquement organisée et a enregistré les résultats les plus probants, ne possède pas à l'heure actuelle, de loi d'Empire sur la tuberculose. Comme c'est encore le cas chez nous, la matière: est réglée par les différents Etats. Le gouvernement central ne s'est guère associé jusqu'ici à la lutte antituberculeuse que par la publication d'instructions générales sur tel ou tel objet et par la création d'un organe semi-officiel, le Comité central pour la lutte contre la tuberculose. En outre, il a invité les Etats, en 1904, à affecter des ressources spéciales à l'hospitalisation de nécessiteux atteints de tuberculose, tout en veillant
à ce que cette oeuvre ne puisse être confondue avec l'assistance publique.

Les assurances ouvrières ont imprimé en Allemagne une impulsion énergique à la lutte contre la tuberculose, du fait que les caisses d'assurance des différents Etats et en partie aussi les caisses d'assurance-maladie ont mis à sa disposition une partie de leurs vastes ressources. Ces caisses ont créé elles-mêmes un grand nombre de sanatoriums, d'hôpitaux et d'asiles pour tuberculeux et subventionné d'autre part la création d'établissements de ce genre par des associations d'utilité publique; elles ont enfin contribué largement, par des sub-

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sides réguliers, aux frais d'entretien des institutions antituberculeuses et à la construction de logements hygiéniques.

Parmi les Etats allemands qui ont légiféré sur la tuberculose, nous trouvons d'abord la Prusse. Dans cet Etat, la déclaration des décès de tuberculeux était déjà obligatoire en 1905, en vertu de la loi sur les maladies transmissibles; une autre disposition légale interdisait aux instituteurs et aux écoliers tuberculeux l'accès de l'école aussi longtemps qu'ils éliminaient des bacilles. Une loi sur la tuberculose a été enfin promulguée en avril 1923. Cette loi déclare obligatoire la déclaration des cas de tuberculose contagieuse ; une ordonnance du ministre de la santé publique définit ce qu'il faut entendre par là et fixe les modalités de cette déclaration. La déclaration peut, avec l'assentiment de l'autorité, être adressée directement au dispensaire (disposition pratique excellente !), qui se charge de la communiquer au médecin officiel. Si le dispensaire estime nécessaires certaines mesures, il les prend d'accord avec le médecin, la commune ou telle autre instance. A défaut du dispensaire, c'est au médecin qu'incombé l'application des mesures de prévention et d'assistance.

La déclaration obligatoire a été introduite en 1909 dans la Hesse et l'Oldenbourg, en 1910 dans le Wurtemberg et à Hambourg, en 1911 dans le pays de Bade. Elle vise, cpjmme en Prusse, les cas de tuberculose contagieuse. La loi badoise prévoit spécialement la déclaration des cas de tuberculose constatés chez les enfants qui fréquentent l'école et qui doivent en être éloignés aussi longtemps qu'ils sont dangereux pour leur entourage. La Bavière a pris des mesures analogues en 1912.

Grâce à l'activité des autorités et des institutions antituberculeuses de tout ordre, l'Allemagne possède actuellement, pour sa population de 62 millions d'habitants, un armement antituberculeux remarquable, soit : 190 sanatoriums pour tuberculeux adultes avec 20500 lits, 257 sanatoriums pour enfants avec 19000 lits, 148 stations de cure en forêt, 21 écoles en forêt, 6 colonies de travail pour tuberculeux, 88 stations d'observation et de triage pour les malades qtfi veulent entrer dans un sanatorium, et 385 hôpitaux ou divisions d'hôpitaux pour les tuberculeux.

Les Pays-Bas'ne possèdent pas de loi contre la tuberculose. Mais
l'initiative privée s'y occupe depuis longtemps de la lutte antituberculeuse. Elle y a créé 80 dispensaires et des sanatoriums qui disposent actuellement de 2000 lits pour une population de 7 millions d'habitants. Depuis 1904, l'Etat accorde à ces diverses institutions des subsides qui atteignent actuellement la somme de 1 million de florins par an,

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Le Portugal possède depuis 1901 la déclaration obligatoire de la tuberculose, qui avait d'abord été introduite dans les villes de Lisbonne et d'Oporto.

Aux Etats-Unis, c'est de très bonne heure que certains "Etats ont pris des mesures contre la tuberculose. Dans les dix dernières années du siècle passé, plusieurs d'entre eux et un certain nombre de villes avaient déclaré obligatoire la déclaration des décès de tuberculeux, prescrit la désinfection en cas de changement de domicile ou de décès et interdit de cracher sur le sol. Dès le commencement du 203 siècle, la plupart des autres Etats de l'Union et presque toutes les grandes villes ont édicté des lois et règlements facilitant la construction et l'exploitation des sanatoriums et des dispensaires, prescrivant la déclaration des décès de tuberculeux, l'isolement des malades qui sont devenus un danger pour leur entourage, ainsi que la désinfection de leurs logements et de leurs effets, instituant l'examen gratuit des crachats^ interdisant aux tuberculeux de boire à des vases communs et d'exercer certaines professions, etc. Une loi fédérale de 1906 interdit à tous les employés de. l'Union de cracher à terre et oblige ceux qui sont tuberculeux à se servir de crachoirs de poche et à utiliser, pour boire, des verres individuels. En 1916 enfin, les entreprises de transport ont été invitées à ne transporter que les tuberculeux qui possèdent un crachoir à fermeture hermétique et une réserve suffisante de mouchoirs de poche, de gaze, et d'objets analogues.

Au Japon, le gouvernement promulguait dès 1904 une ordonnance qui interdisait de cracher sur le sol dans les écoles, lieux publics, etc.

et qui contenait des dispositions spéciales pour les stations d'étrangers, les bains de mer, les hôpitaux, les établissements d'éducation, etc.

Cette ordonnance a été remplacée en 1919 par une loi sur la tuberculose. D'après cette loi, tout médecin qui constate un cas de tuberculose doit appeler l'attention du malade ou de son entourage sur le danger de contagion et indiquer les mesures à prendre pour l'éviter. Si le diagnostic n'est fait qu'après le décès, les intéressés seront rendus attentifs à la nécessité d'une désinfection. Le cas échéant, 'l'autorité peut exiger de ceux qui'exercent une profession susceptible de favoriser la propagation de la maladie, qu'ils
se soumettent à un examen médical et qu'ils renoncent à cette profession si cet examen démontre qu'ils émettent des bacilles. L'autorité 'peut aussi prendre des mesures pour empêcher la propagation de la tuberculose dans les établissements tels que les écoles, hôpitaux, hôtels, fabriques, etc., et interdire l'utilisation des logements insalubres. Toute ville de plus de 50 000 habitants peut être tenue de construire un sanatorium populaire, l'Etat participant à cette création par des subsides variant du sixième à la moitié des dépenses. Les mêmes subsides peuvent être

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accordés aussi aux corporations et aux personnes qui construisent des sanatoriums destinés aux indigents. L'Etat peut enfin décréter l'envoi dans un sanatorium des malades qui constituent un danger pour leur entourage et se charger dans ce cas d'une partie dés frais. Un décret de l'année 1922 règle d'une façon plus précise la question des indemnités, des subsides de l'Etat, de la répartition des frais d'assistance des malades nécessiteux, la part de l'Etat ne pouvant pas, dans la règle, dépasser le dixième de ces diverses dépenses.

On remarquera que ces législations, à côté d© variantes nombreuses, sur lesquelles nous n'insistons pas, ont un caractère commun: : presque toutes ont adopté le principe de la déclaration obligatoire, limitée ou non, de la tuberculose. Nous tenons à le relever dès maintenant, parce que cette question de la déclaration obligatoire revêt, en matière de lutte contre la tuberculose, une importance capitale, sur laquelle nous aurons à revenir.

En Suisse, l'intervention de l'autorité dans la lutte contre la tuberculose est demeurée jusqu'ici assez limitée. Dans le domaine législatif, voici ce que nous trouvons : Les autorités neucbâteloises ont été les premières à publier, en 1891, des conseils visant la prévention de la tuberculose. En 1895, la ville de Lausanne prescrit de désinfecter les habitations des tuberculeux en cas de mort ou de changement de domicile et, l'année suivante, la ville de Zurich suit son exemple. En 1900, le cercle de Davos et la commune d'Arosa décident d'exiger la notification des décès et des changements de domicile de tuberculeux, afin de pouvoir nettoyer et désinfecter les logements qu'ils ont habités, les meubles et les objets dont ils se sont servis. En 1902, ces prescriptions sont étendues, par vole législative, à tout le canton des Grisons. En 1903, la commune de Leysin édicté des prescriptions analogues, et le gouvernement d'Appenzell Rh.-Ext. recommande instamment aux médecins du canton la désinfection dans les cas de tuberculose. En 1907, le gouvernement zurichois ordonne lui aussi la notification obligatoire et la désinfection, en cas de mort ou de changement de domicile de malades atteints de tuberculose ouverte, puis, en 1912, étend cette mesure à tous les malades atteints de tuberculose ouverte qui constituent un danger pour leur entourage. En même temps, il interdit de cracher à terre dans les locaux publics et il exige l'installation de crachoirs dans ces derniers; il accorde la gratuité pour l'examen bactériologique des excrétions suspectes et donne aux autorités sanitaires locales le droit de prendre des mesures contre la propagation de la maladie dans l'entourage des tuberculeux.

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En 1908, le canton de Berne vote une loi contre la tuberculose., qui autorise l'Etat à participer aux frais de construction et d'entretien des établissements et institutions ayant pour but de donner des soins ou des conseils aux tuberculeux. En exécution de cette loi, le Grand Conseil vote en 1910 un décret obligeant les médecins à notifier les cas de tuberculose ouverte dangereux pour l'entourage du malade, ordonnant la désinfection des logements habités par des.

tuberculeux, interdisant de cracher à terre dans les locaux publics,, facilitant l'examen bactériologique des excrétions suspectes et autorisant les communes à surveiller les personnes atteintes de tuberculose ouverte qui sont employées dans certaines professions, ainsi qu'à interdire l'utilisation des logements insalubres.

L'exemple de ces d'eux cantons a été. suivi par les gouvernementsdé Thurgovie, Lucerne, Sichaffhouse et Glaris, qui ont pris, l'un aprèsl'autre, des mesures plus ou moins sévères contre la tuberculose.

Les cantons romands ne possèdent pas, il est vrai, de lois générales contre la tuberculose, mais les lois des cantons de Vaud, de Genève et de Neuchâtel sur la police des constructions et des habitations prescrivent la désinfection des logements occupés par des tuberculeux. Le canton de Genève et les villes de Neuchâtel et Lausanneont adopté le casier sanitaire des habitations, qui consista à établir pour chaque immeuble une fiche sur laquelle sont notées toutes ses, défectuosités et les mesures qui ont été prises pour y porter remède..

Institution excellente, qui pourra contribuer dans une large mesure à l'assainissement de nos villes et, par là, à la lutte contre la tuberculose, pourvu qu'elle soit complétée par les sanctions nécessaires.

Dans le canton de Neuchâtel, les autorités communales ont été autoxisées à prendre des mesures contre les logements insalubres.

Les cantons de Baie-Ville et Fribourg accordent aux nécessiteux: la gratuité de l'examen bactériologique des excrétions suspectes et celle de la désinfection en cas de décès ou de changement de domicile.

Si cette législation ne s'est plus développée à partir de 1913, c'est sans doute que les cantons attendaient la promulgation d'une loi fédérale. C'est pour la même raison que les cantons ont observé jusqu'ici une certaine réserve dans l'appui financier
qu'ils ont accordé aux oeuvres antituberculeuses : quelques-uns paient à cesoeuvres des subsides directs ; d'autre ont pris à leur charge un certain nombre de lits dans les sanatoriums populaires. Dans ce domaine cependant, la Confédération est déjà intervenue depuis trois ans, comme on sait, en accordant aux oeuvres antituberculeuses des subsides d'une réelle importance, qui ont été pour elles un puissant encouragement et leur ont permis, dans la période de crise économique intense que nous avons traversée et qui a para-

sa lysé tant d'oeuvres excellentes, de maintenir et même de développer leur bienfaisante activité (voir nos messages du 12 décembre 1921, du.

14 décembre 1922 et du 26 septembre 1924).

Mais tout cela ne peut être qu'un palliatif provisoire. Pour arriver à cette concentration des efforts dont nous avons parlé plus haut» il fallait créer une législation qui, tout en fixant les règles générales, les principes directeurs de la lutte antituberculeuse, et sans gêner aucune initiative, d'où qu'elle vienne, permettrait à la Confédération» aux cantons, aux communes et à l'initiative privée de travailler la main dans la main, en utilisant toutes les ressources et toutes les bonnes volontés.

Nous n'ignorons pas qu'une loi n'est pas nécessairement une panacée infaillible, et qu'elle n'est efficace qu'en fonction du milieu auquel elle s'applique : ce ne sont pas les lois qui font les moeurs, ce sont les moeurs qui déterminent les lois, et avant de promulguer une législation nouvelle, il faut préparer le terrain sur lequel elle devra évoluer. Or, chez nous, le terrain a été préparé : on ose aujourd'hui parler ouvertement de la tuberculose; les conférences, les tracts, le cinéma lui-même ont appris au public ce qu'est cette maladie, 'comment on peut s'en préserver, et aussi qu'on peut en guérir; il s'est intéressé depuis longtemps et d'une façon toujours plus active aux oeuvres antituberculeuses. N'est-ce pas lui, somme toute, qui leur a apporté, avec une générosité jamais lassée, les ressources dont elles avaient besoin ? Son éducation est donc faite et l'heure paraît venue où le législateur pourra intervenir à son tour.

Il convient de noter, avant d'aller plus loin, que la Confédération a déjà fait quelques modestes tentatives législatives dans les limites où le lui permettait la constitution : mesures contre la tuberculose bovine en vertu de la loi sur les épizooties; instructions concernant la prévention de la tuberculose dans les ateliers, basées sur la loi sur le travail dans les fabriques; interdiction de cracher sur le plancher dans les locaux dépendant des entreprises de transport; dispositions de la législation fédérale sur les denrées alimentaires visant les aliments -- lait, pain, viande -- susceptibles de propager la tuberculose, quand ils sont contaminés; sans parler des dispositions du code civil
(art. 169,170, 283, 284) qui autoriseraient, le cas échéant, le juge à prendre, sur requête, des mesures pour protéger la santé d'un épo.ux, lorsque le conjoint est tuberculeux, et permettraient à l'autorité tutélaire de retirer aux parents tuberculeux la garde de leurs enfants.

Mais ces dispositions, utiles sans doute, mais trop fragmentaires, sans lien organique entre elles, ne peuvent remplacer une législation fédérale dirigée directement contre la tuberculose.

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Nous avons vu que le texte nouveau de l'article 69 de la constitution, accepté par le peuple le 4 mai 1913, a rendu cette législation possible. Aussi, dès que le vote populaire fut acquis, notre département de l'intérieur entreprit-il immédiatement de préparer un projet de loi. Désireux de connaître, avant toute chose, l'avis des gouvernements cantonaux sur l'opportunité d'une loi fédérale contre la tuberculose, il leur demanda, dès le mois de décembre 1912, de lui faire connaître leurs voeux et leurs suggestions, notamment au sujet de la notification obligatoire, de l'isolement des malades dangereux pour leur entourage, de la surveillance des tuberculeux occupés dans certaines professions, de la question des logements insalubres et, d'une manière générale, de tous les problèmes que soulève la tuberculose. Une fois en possession des résultats de cette première consultation, il chargea le service de l'hygiène publique de préparer un avant-projet de loi, ce qui fut fait dès le mois d'août 1913.

Cet avant-projet avait déjà été étudié et approuvé par la commission centrale suisse pour la lutte contre la tuberculose, qui pouvait être considérée comme la délégation des ligues et des oeuvres antituberculeuses, et il allait être soumis à l'examen d'une commission consultative départementale, lorsque la guerra survint, qui obligea l'autorité fédérale à concentrer son attention sur des besognes sinon plus graves, du moins 'plus urgentes. Et c'est ainsi que l'élaboration d'une loi fédérale sur la tuberculose dut être ajournée à des temps meilleurs. Une fois la guerre terminée, les travaux purent être repris; et l'avant-projet, après de nouveaux remaniements, qui avaient pour but de l'alléger de tout ce qui n'était pas essentiel, tout en tenant compte des voeux formulés dans les milieux plus particulièrement intéressés à la solution du problème, put être soumis au mois de décembre 1918 aux médecins qui faisaient partie à cette époque de l'Assemblée fédérale. Ceux-ci l'approuvèrent en principe, tout en proposant, pour des raisons diverses, d'en sortir certaines dispositions .qui devaient être réservées aux mesures d'exécution. D'où nécessité d'un nouveau remaniement du projet, qui, ce travail fait, fut soumis en janvier 1921 à une grande comh mission consultative départementale, dans laquelle étaient représentés
les gouvernements cantonaux, les médecins et tous les milieux qui s'étaient intéressés jusqu'alors à la lutte antituberculeuse. Cette commission examina très attentivement le projet, le discuta longuement et l'approuva avec quelques réserves de détail, qui nécessitèrent de nouvelles modifications. Le projet fut encore soumis à plusieurs reprises à la conférence annuelle des directeurs des affaires sanitaires cantonales, enfin aux gouvernements cantonaux eux-mêmes.

Toutes ces consultations ont permis de constater une unanimité presque complète dans l'approbation de l'esprit qui avait guidé les

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lédacteurs du projet et des principes qui avaient été mis à la base de celui-ci. Forts de ces approbations, nous avons pu enfin donner au projet une forme définitive, celle sous laquelle nous vous le présentons aujourd'hui.

Nous aurions vivement désiré pouvoir vous présenter ce projet plus tôt et répondre ainsi à la fois aux voeux exprimés à plusieurs reprises par les Chambres elles-mêmes et aux requêtes venues des milieux les plus divers, nous demandant, avec une insistance que nous comprenons, de faire enfin passer la loi fédérale contre la tuberculose dans le domaine des réalités. Mais ce n'est pas sans de fortes raisons que nous nous sommes résolus à cet ajournement.

Vous n'ignorez pas en effet que cette loi, qui a justement pour but de permettre d'intensifier la lutte contre la tuberculose en lui prêtant l'appui de la Confédération, aura pour celle-ci d'assez lourdes conséquences financières, comme nous le verrons plus loin. Or, et il est sans doute superflu de le rappeler, notre situation financière nous a contraints pendant ces dernières années à une extrême prudence et nous interdisait impérieusement de chercher à réaliser toute législation quelconque -- la législation sur la tuberculose n'était pas seule en cause ici -- qui .chargerait notre budget de dépenses nouvelles. On no'us dira peut-être que des raisons budgétaires ne sauraient être invoquées lorsqu'il s'agit d'un problème aussi grave pour le pays que la lutte contre la tuberculose. Certes, cet argument peut valoir en temps ordinaire. Mais il est cependant des temps et des circonstances où les nécessités budgétaires s'imposent impérieusement et doivent faire taire toute autre considération, · et telle était bien la situation où nous nous trouvions, surtout au moment où la crise de chômage obligeait la Confédération à des dépenses imprévues et considérables.

Une autre cause de retard fut le vote regrettable du 3 juin 1923, qui, en rejetant le projet de revision constitutionnelle relatif à la législation sur l'alcool enlevait à la Confédération l'espoir de ressources nouvelles qu'elle entendait consacrer aux oeuvres sociales. Ce vote nous apportait une raison de plus d'ajourner la loi sur la tuberculose, et nous n'avons pas hésité à le déclarer en répondant aux interpellations qui nous funent adressées dans les Chambres fédérales. Dès
lors, le ciel semble s'être éclairci : notre situation financière s'améliore lentement, mais d'une façon régulière, et cela nous permet d'envisager aujourd'hui des possibilités qui nous paraissaient irréalisables il y a peu de temps encore. Nous espérons d'autre part que la solution du problème de l'alcool n'est, elle aussi, qu'ajournée et que le peuple suisse, mieux informé et plus conscient de son intérêt moral et matériel, acceptera les propositions qui lui seront soumises et nous donnera enfin les moyens de réaliser les oeuvres socia'les qui s'imposent à nous. Et ce n'est pas un hasard, une simple coïncidence, qui fait se rencontrer ici

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ces deux graves problèmes, celui de l'alcool et celui de la tuberculose.

Ils sont en effet étroitement liés. Comme tous les agents de débilitation de l'organisme, l'alcoolisme est une cause importante de tuberculisation. L'alcool, a-t-on pu dire, fait le lit de la tuberculose. Combattre l'un, c'est donc combattre l'autre, et nous pouvons espérer d/'un recul des méfaits de l'alcoolisme un recul correspondant de ceux de la tuberculose.

Pour toutes ces raisons, nous croyons pouvoir vous demander aujourd'hui d'aborder le problème de 'la tuberculose en vous soumettant le projet de loi qui fait l'objet du présent message.

Une loi fédérale contre la tuberculose doit être en première ligne une loi de collaboration, puisque son but est justement de faciliter l'action commune de l'Etat et de l'initiative privée. L'initiative privée, à laquelle -- nous ne saurions le rappeler trop haut, ni trop souvent -- nous devons presque tout ce qui s'est fait chez nous dans le domaine de la lutte contre la tuberculose, n'aura pas terminé son rôle avec l'adoption d'une législation fédérale. Bien au contraire : ce rôle demeurera prépondérant. Il faut que l'initiative privée continue à joindre son action à celle de l'Etat, car il est certain que sans elle, les mesures prévues perdraient une bonne part de leur efficacité. Parmi ces mesures, il en est d'ailleurs d'une nature si délicate, qui interviennent si directement dans la vie privée des individus, qu'il importe d'enlever d'emblée à leur application tout caractère bureaucratique, et le meilleur moyen pour cela est sans doute de confier cette application, dans la mesure du possible, aux oeuvres privées. Ce caractère de collaboration, nous avons essayé de le donner dans la plus large mesure possible à notre projet de loi contre la tuberculose, et sans doute ressortira-t-il encore davantage des ordonnances d'exécution que de la loi elle-même.

Un autre but de la loi est de permettre à la Confédération d'intervenir activement dans la lutte contre la tuberculose, et cette intervention doit se traduire surtout par des mesures financières, par l'octroi de subventions aux oeuvres officielles et privées. Cela étant, on nous dira peut-être que point n'était besoin de légiférer sur la tuberculose elle-même, qu'une simple loi de subvention aurait suffi à tous les besoins. Mais «ette objection nous paraît méconnaître un des côtés essentiels 'du problème. Nous avons dit, en effet, plus haut que ce qui enlève à la lutte contre la tuberculose, telle qu'elle est organisée actuellement, une partie de son efficacité, c'est son manque d'unité, c'est qu'e'lle souffre d'une dispersion d'efforts qui constitue un véritable gaspillage de forces et de ressources. Pour établir cette unité

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nécessaire, il faut que la loi fixe tout au moins les principes directeurs de la lutte antituberculeuse, principes qui, bien entendu, ne pourront être formulés que dans leurs grandes lignes, leur application devant être comprise d'une façon très large, en laissant à chacun la plus grande liberté possible dans un cadre nettement tracé cependant. Ce que nous devons rechercher en outra, ce n'est pas uniquement de venir en aide à ceux qui font quelque chose. Nous voulons imposer aux cantons et à la Confédération certaines obligations pour rendre plus effective leur intervention, susciter par elle l'initiative privée partout où elle n'a pas encore commencé à agir et arriver à ce que soit mieux contrôlée et dirigea l'activité des oeuvres antituberculeuses. Avec une simple loi de subvention rien de tout cela ne serait possible, puisqu'une autorité cantonale n'aurait qu'à renoncer aux subsides fédéraux pour sa croire autorisée à ne rien faire.

Si nous estimons indispensable que la loi établisse les grandes iignes de la lutte contre la tuberculose, nous pensons aussi qu'elle doit s'en tenir là, qu'il est préférable de ne pas la surcharger de détails et de réserver tout ce qui concerne les mesures d'exécution proprement dites aux ordonnances et aux règlements qui devront être promulgués dans les limites fixées par la loi elle-même. L'application de la loi y gagnera en souplesse. Elle pourra être adaptée plus facilement aux nécessités des divers milieux, elle permettra d'utiliser tout ce qui existe déjà et de passer sans heurts du régime actuel au nouveau régime. Il ne faut pas oublier, au surplus, que la science fait des progrès incessants et qu'il est plus facile de modifier une ordonnance -qu'une loi.

Nous avons vu qu'en matière de lutte contre la tuberculose, il faut distinguer entre deux sortes de mesures : les mesures d'ordre curatif et les mesures d'ordre préventif. Il n'est personne aujourd'hui qui ne reconnaisse l'importance du côté préventif du problème. C'est même ce côté-là qui tend de plus en plus à passer au premier plan, en vertu du vieil adage qui, pour être un truisme, n'en conserve pas moins toute sa vérité, à savoir qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Nous voulons encore ajouter qu'en fait la loi que nous vous soumettons n'innove pas, sauf peut-être en matière d'hygiène de l'habitation. Elle
ne fait que consolider ce qui existe déjà: dispensaires, sanatoriums, préventoriums, oeuvres diverses en faveur des tuberculeux indigents, nous possédons déjà la majeure partie de tout cela; notre armement antituberculeux est déjà parvenu, nous l'avons vu, à un degré avancé de développement et cette constatation limite notablement la portée -- qui pourrait paraître excessive au premier abord -- de la loi. Il s'agit uniquement, en dernière analyse, de permettre à cette oeuvre de prévention de se développer encore davan-

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tage, en lui fournissant les ressources nécessaires, en coordonnant l'activité de ses divers rouages et en donnant comme règle à celle-ci quelques principes généraux. Tel est le but de notre projet de loi dont nous allons exposer maintenant le mécanisme.

"L'article premier est un simple article introductif dont il n'y a rien de plus à dire.

ISarticle 2 pose le principe de la déclaration obligatoire et est un des plus importants, à notre avis, de la loi. La condition primordiale de toute loi dirigée contre une maladie transmissible, c'est la déclaration obligatoire; car pour lutter utilement contre cette maladie, il faut connaître ses victimes. Il est donc indispensable d'appliquer ce principe à la tuberculose, et nous n'hésitons pas à dare que, sans déclaration obligatoire, il ne saurait y avoir de prévention antituberculeuse efficace. On objectera sans doute que la tuberculose n'est pas une maladie épidémique, dont il importe de connaître sans retard les premiers cas, afin de pouvoir agir rapidement et étouffer la maladie sur place. A cela, on doit répondre que ce n'est pas la, notion d'épidémicité ou d'end'émicité qui conditionne le problème; mais bien la notion de transmissibilité. Tout tuberculeux peut, en effet, constituer, un foyer d'infection, et il s'agit avant tout de rendre ce foyer inoffensif. Il y a donc intérêt à connaître le malade, non pas sans doute pour, l'isoler, mais pour lui faire observer tout au moins certaines mesures de précaution, d'application relativement facile, qui mettront son entourage à l'abri de la contamination. La déclaration doit aussi, en faisant connaître le tuberculeux aux autorités et pan elles aux oeuvres vouées à la lutte antituberculeuse* permettre aux unes et aux autres d'intervenir et de donner, le cas échéant, au malade les soins que son état exige.

La déclaration obligatoire est, à notre avis, la pierre d'angle d'une loi telle que celle que nous avons en vue; elle a d'ailleurs été admise, comme nous l'avons dit, par la presque totalité des Etats qui se sont donné une législation sur la tuberculose, et en France même, où toute obligation dans ce domaine s'est toujours heurtée à une très vive hostilité, on a fini, après de longues discussions, par en accepter le principe. Toutefois, la tuberculose ne peut pas être assimilée complètement, en ce qui concerne la déclaration obligatoire, aux autres maladies transmissibles, telles que la variole ou la fièvretyphoïde, dont on admet qu'elles sont dangereuses par elles-mêmes et dont tous les cas, par conséquent, doivent être signalés, dans quelques circonstances que ce soit. Pour, la tuberculose, il en est

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autrement; d'abord parce qu'elle n'est pas toujours contagieuse -- il est des tuberculoses dites fermées, certaines tuberculoses chirurgicales, par exemple, qui n'éliminent pas de bacilles --, puis parce quei les malades atteints de tuberculoses qualifiées ouvertes, disons plutôt les malades qui éliminent ou peuvent éliminer le bacille, ne sont pas nécessairement dangereux pour autrui, pourvu qu'ils puissent et veuillent observer certaines mesures de précaution en somme assex simples. Nous avons donc pensé qu'il y avait lieu de limiter la déclaration obligatoire aux cas dans lesquels le malade constitue réellement un danger pour autrui, c'est-à-dire lorsque les circonstances ou les conditions dans lesquelles il vit ne lui permettent pas d'observer les mesures prescrites, lorsque son état est tel qua ces mesures deviennent illusoires ou bien encore -- et le cas se présente parfois -- lorsiqu'il refuse de s'y soumettre. Ainsi limitée, il ne semble pas que la déclaration puisse soulever des objections pertinentes. Nous ne devons, pas nous dissimuler cependant que c'est là une question délicate, dont la solution comporta certaines difficultés; il dépendra surtout du corps, médical que celles-ci puissent être surmontées.

Nous nous sommes bornés à poser dans la loi le principe de la déclaration, laissant aux ordonnances d'exécution le soin d'en fixer les modalités. Ce sont les ordonnances qui diront par qui la notification doit être faite et à qui elle doit être adressée, de façon à sauvegarder de la manière la plus complète le secret médical. Certaines législations étrangères permettent d'adresser la déclaration au dispensaire, qui la communique à son tour à l'autorité : il y a là.

une disposition qui facilite l'intervention du dispensaire tout eu enlevant à la notification une bonne part de son caractère bureaucratique. Nous pensons qu'il y aurait lieu de s'en inspirer chez nous : on ferait sans doute tomber par là quelques-unes des objections qu'on oppose encore à la déclaration obligatoire.

Une disposition spéciale de l'article 2 prévoit que les médecins.

recevront une indemnité pour leurs déclarations à l'autorité. Elle nous a paru nécessaire non pas tant pour l'avantage pécuniaire, bien modeste d'ailleurs, que pourra en retirer le médecin, que pour bien montrer à celui-ci qu'on ne voit pas en
lui, ce dont il se plaint parfois, le serviteur à tout faire, dont on peut tout exiger sans rien lui accorder, et pour lui faire accepter une obligation dont dépend pourune bonne part l'efficacité de la loi.

Une dernière disposition enfin oblige les administrations à garder le secret sur les déclarations qui leur sont adressées: disposition qui se comprend d'elle-même, car elle est la contrepartie nécessaire, pour la tuberculose plus encore qus pour toute autre maladie infectieuse, de la déclaration obligatoire.

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L''article 3 est en quelque -sorte le complément du précédent, en ce qu'il met à la disposition du médecin la possibilité da l'examen bactériologique chaque fois qu'il est jugé nécessaire à l'établissement du diagnostic. Il nous paraît, presque superflu d'insister sur la nécessité de cette disposition. Si en effet la déclaration obligatoire est une des bases de la prévention antituberculeuse, le dépistaga précoce de la maladie en est une autre, et tout aussi importante; il convient donc de pourvoir à ce que ce dépistage puisse^, se faire et pour cela l'analyse bactériologique est indispensable.

lu'article 4 ne fait qu'indiquer d'une manière générale le devoir des cantons, qui découle de la déclaration. Il est en corrélation directe avec l'article 7, suivant lequel le Conseil fédéral précise dans ses ordonnances les mesures qui ont pour but de prévenir la contagion.

Il ne nous a pas paru nécessaire de développer davantage les dispositions de l'article 4, le choix des mesures et leur application devant être laissés, dans les limites fixées par les ordonnances du Conseil fédéral, aux autorités locales ou aux institutions antituberculeuses, notamment au dispensaire.

I-t'article 5 vise le tuberculeux exerçant une profession susceptible de favoriser la propagation de la tuberculose. La loi a surtout en vue ici deux catégories de personnes : d'une part, les membres du corps enseignant, d'autre part les personnes occupées dans les industries de l'alimentation. Etant donné ce que nous savons du mode de propagation de la tuberculose, on conçoit les risques que ces personnes peuvent faire courir à ceux avec qui leur profession les met eu contact. Il est évident, par exemple, qu'un tuberculeux éliminateur de bacilles, occupé dans une laiterie, une boulangerie, une boucherie ou encore dans Une auberge pourra, dans certaines circonstances, constituer un danger pour ceux qui consomment les aliments manipulés par lui. Ce danger, il ne faut pas l'exagérer, mais il suffit qu'il existe pour qu'on doive en tenir compte. Le projet prévoit donc que les personnes de cette catégorie doivent être soumises à une surveillance médicale et qu'on prendra, le cas échéant, les mesures nécessaires pour, empêcher qu'elles ne deviennent des agents de contamination, ce qui veut dire qu'on pourra leur interdire de continuer à
exercer leur profession.

La question des instituteurs tuberculeux est délicate. Tout instituteur tuberculeux ne doit pas être nécessairement éloigné de l'école; dans bien des cas, il suffira, pour supprimer les risques de contamination des élèves, de quelques mesures de précaution d'une application très simple. La première mesure qui s'impose ici est donc de procurer à l'instituteur une surveillance médicale régulière et, dès qu'il sera reconnu que sa présence au milieu des élèves devient un

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danger pour eux, mais alors seulement, il conviendra de l'éloigner de l'école.

Nous devons ajouter ici quelques mots sur les conséquences financières de cet article. Nous estimons que l'autorité, interdisant à quelqu'un, dans l'intérêt de la communauté, de continuer à exercer sa profession, contracte à son égard certaines obligations. Mais pour restreindre la portée de ce principe, nous avons introduit dans l'article la notion du besoin. Ce n'est que dans les cas où la personne atteinte par la mesure dont il est question ici tombera de ce fait dans le besoin, qu'elle aura droit à des ' secours équitables, sans être considérée pour cela comme assistée. Dans ces conditions, les conséquences financières d'une telle disposition ne pourront pas aller bien loin. C'est en effet l'autorité cantonale ou communale qui décidera que telle ou telle personne ne peut plus continuer à exercer sa profession sans danger pour autrui, et qui s'obliger-a, si la nécessité en est démontrée, à lui accorder des sscours équitables. Il n'est donc pas à craindre que l'autorité, première intéressée à éviter des dépenses inutiles, fassa de cet article un emploi abusif. On peutì redouter plutôt que l'article ne soit appliqué que d'une façon insuffisante et seulement dans les cas tout-à-fait exceptionnels.

Article 6. Avec l'article 5, nous avons déjà abordé un chapitre particulier de la prévention de la tuberculose: celui de l'école. Avec l'article 6, nous -demeurons sur le même terrain. Tandis que l'article 5 s'accupe du personnel scolaire, l'article 6 s'occupe des écoliers; il prévoit que les enfants des asiles, écoles, crèches, etc. seront placés sous une surveillance médicale régulière, que ceux qui présentent des manifestations suspectes seront mis en observation et qu'on éloignera tous ceux qui seront trouvés atteints de tuberculose avérée et contagieuse. Ces mesures auront pour corollaire obligatoire la création des diverses institutions mentionnées à l'article 12 et destinées aux enfants atteints de tuberculose avérée, prédisposés ou menacés.

L'application de cette partie de la législation antituberculeuse entraîne logiquement l'institution de médecins scolaires, là où il ne s'en trouve pas encore, et ce sera là, nous semble-t-il, une conséquence très heureuse de la loi.

Un paragraphe de cet article vise les enfants --
orphelins ou autres -- que les autorités sont appelées à placer d'office. Les enfants sains ne devront pas être confiés à des familles où ils courraient le risque de se contaminer. Les enfants tuberculeux, en revanche, ne devraient pas être placés dans des familles où se trouvent des enfants sains. Ces dispositions se comprennent d'elles-mêmes et n'ont pas besoin de commentaires.

Feuille fédérale. 77e année. Vol. III.

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On pourrait se demander si la disposition de l'article 6, qui prescrit d'Instituer une surveillance médicale dans les écoles, est compatible avec l'article 27bis de la Constitution fédérale, au terme duquel l'organisation et la surveillance de l'enseignement primaire sont l'affaire des cantons. Mais il nous semble que cette objection ne serait pas fondée, la disposition dont il s'agit ici ne touchant pas l'organisation proprement dite de l'enseignement, mais constituant une simple mesure d'hygiène. Au surplus les attributions des cantons demeurent entières, puisque ce sont eux qui organiseront, comme bon leur semblera, cette surveillance médicale, qui, d'ailleurs, ne constitue pas une innovation', beaucoup de cantons et de communes l'ayant déjà instituée pour leurs écoles.

ïj'article 7 charge le Conseil fédéral de fixer par voie d'ordonnance les mesures auxquelles nous avons fait allusion dans ce qui précède et dont l'observation rationnelle épargnera ali malade l'application de toute coercition quelconque. Puisque les crachats sont le véhicule le plus habituel du virus contagieux, il s'agira surtout d'é- f viter, qu'ils deviennent des agents de contamination, en obligeant le malade à se servir de crachoirs de poche, à désinfecter régulièrement son linge, à éviter toute promiscuité qui pourrait favoriser la propagation du bacille; mesures hygiéniques et mesures de propreté d'une application facile qui, judicieusement employées, permettront à bien des tuberculeux de vivre de la vie de tout le monde, sans aucune restriction.

Ce même article charge le Conseil fédéral de fixer les mesures de prophylaxie qui devront être appliquées dans tous les bâtiments et locaux où des individus vivent, travaillent oui se rencontrent en grand nombre (fabriques, ateliers, entreprises de transport, etc.)- Cette disposition a déjà trouvé un commencement d'exé·cution dans la loi fédérale sur le travail d'ans les fabriques; mais il nous paraît logique de confier à la législation sur la tuberculo'se le soin d'édicter dans ce domaine des prescriptions plus complètes.

^L'article 8 vise la désinfection des locaux utilisés par les tuberculeux et précise les cas dans lesquels cette désinfection doit pins particulièrement se faire. C'est en quelque sorte ici la prophylaxie immédiate de la tuberculose, et tout cela peut se
passer de commentaires. On peut seulement se demander si toutes ces désinfections, de même >que l'examen bactériologique des «crachats (art. 3) ne devraient pas être gratuits pour tout le monde. Sans doute, la prévention de la tuberculose y gagnerait; mais on a pensé cependant qu'il suffisait pour l'instant de réserver la gratuité aux cas dans lesquels le médecin QU le dispensaire la demanderont. Plus tard, lorsque la loi sera entrée dans sa période de pleine application, la question pourra être reprise.

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IS article 9, qui interdit d'annoncer, de mettre en vente ou de vendre des remèdes secrets pour le traitement de la tuberculo.se, doit mettre fin aux manoeuvres d'industriels et de charlatans sans scrupules qui abusent de la crédulité des malades, crédulité qu'augmenté encore le sentiment d'être atteint d'une maladie que beaucoup croient incurable et fait accepter toutes les panacées dont on peut lire les noms à la quatrième page des journaux.

Art. 10. Nous avons déjà dit que l'Etat, en exigeant la déclaration' obligatoire, s'impose, par là même, l'obligation de donner aux tuberculeux la possibilité de se soigner d'une façon rationnelle; il faut que le tuberculeux puisse trouver partout et toujours, dans les meilleures 'conditions possibles, les conseils, les soins et les secours dont il a besoin. C'est pour cela que l'article 10 fait à la Confédération, aux cantons et aux communes, un devoir de créer les institutions et établissements nécessaires pour prévenir et combattre la tuberculose, pour secourir, soigner et hospitaliser les tuberculeux.

C'est ici surtout que l'Etat aura besoin de la coopération de l'initiative privée, dont nous avons déjà rappelé les mérites dans la lutte contre la tuberculose. Nous n'y revenons ici que pour insister sur la nécessité de laisser à cette coopération, dans les limites fixées par, la loi, toute la liberté d'action nécessaire. Loin de l'entraver, l'Etat doit lui fournir les ressources indispensables pour développer et compléter les oeuvres qu'elle a déjà créées et pour créer celles dont nous avons encore besoin.

Art. 11. Dans le domaine de la prévention antituberculeuse, il est un point que nous avons déjà signalé et qui mérite une attention particulière : la question du logement. Il nous a semblé qu'une loi sur la tuberculose devait aussi aborder ce côté du problème et nous avons introduit dans notre projet une disposition, qui permettra à l'autorité d'intervenir dans certains cas et d'interdire, entre autres choses, l'utilisation de logements malsains. Il est certain qu'il s'agit d'une matière qui relevait jusqu'ici exclusivement des législations cantonales; mais il ne nous parait pas que l'article 11 empiète directement sur les attributions des cantons. Il ne formule qu'une indication générale, un principe, que les cantons appliqueront de la façon et dans
la mesure où ils le jugeront convenable, et nous ne croyons pas que la Confédération, en attirant l'attention des autorités cantonales sur la nécessité de mesures de ce genre et en encourageant leur application par des subsides, sorte de son rôle et de ses attributions. Au début, il faudra sans doute limiter cette intervention, qui sera certainement coûteuse; mais nous pensons que ce chapitre de notre législation, encore fort insuffisante à cet égard, devra se développer avec le temps, l'hygiène du logement étant un, des postulats les plus importants et les plus impérieux de l'hygiène sociale-

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L'arride 12, qui impose aux cantons l'obligation de pourvoir à l'éducation du public en matière de tuberculose, n'exige pas de commentaires.

Art. 13. Il en est de même de l'article 13, qui fait à la Confédération un devoir d'encourager les recherches qui relèvent de l'étude scientifique de la tuberculose. Il nous paraît en effet évident que la recherche scientifique est l'auxiliaire indispensable de la prévention, que les découvertes de celle-là conditionnent les progrès de celle-ci et que la Confédération, voulant intervenir en matière de prévention, a par conséquent le devoir d'encourager, la recherche scientifique.

Art. U. Cet article détermine les prestations financières de la Confédération. Sur quelle base ces prestations doivent-elles se calculer ? Question difficile à trancher, car il est à peu près impossible d'évaluer avec quelque précisiojn ce que nous coûte effectivement la lutte contre la tuberculose; celle-ci touche en effet à tant de domaines de l'assistance publique et privée, elle frappe à tant de portes qui ne s'ouvrent pas aux tuberculeux seulement, mais à bien d'autres catégories de nécessiteux, que l'on doit renoncer à faire le départ entre les uns et les autres et à établir des estimations précises. Nous en sommes réduits à faire nos calculs par des voies détournées et par approximations.

La première de ces approximations concerne le nombre des tuberculeux que nous avons en Suisse et qui devrait être la base de nos calculs. Or, ce nombre, nous ne le connaissons pas. Une enquête générale est en effet matériellement impossible, car une- foule de tuberculeux lui échappperaient de toute façon; et les enquêtes partielles auxquelles il a été procédé ça et là -- nous citerons le dénombrement des tuberculoses chirurgicales de la ville de Baie fait en 1913 -- sont trop fragmentaires pour qu'on puisse en faire état. Mais c'est une opinion couramment admise que, pour un décès tuberculeux, il faut compter, les uns disent 8, les autres 10 malades. Admettons le multiplicateur le plus faible : 8. Comme le chiffre annuel de nos décès par tuberculose oscille encore entre 7 et 8000, c'est donc sur un chiffre de 56 à 64000 tuberculeux, chiffre minimum: et sans dp.ute passablement inférieur à la réalité, que nous devons tabler, et auquel il faut ajouter celui des individus menacés ou déjà
contaminés, mais ne présentant encore aucun signe extérieur de tuberculose; ce chiffre peut être évalué empiriquement au double des tuberculeux avérés, soit à 120 à 130 000. Et c'est ce que coûte cet énorme effectif de tuberculeux et de candidats à la tuberculose que nous devons essayer d'établir.

Le calcul a été fait, il y a quelques années, par notre service de l'hygiène publique, en prenant pour base les chiffres que nous venons

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d'indiquer. On a fait entrer dans ce calcul les frais de traitement des tuberculeux dans les sanatoriums, à l'hôpital et à domicile, les frais de cure préventive des sujets menacés, les secours accordés aux familles nécessiteuses, les indemnités payées aux personnes obligées par la maladie de renoncer à l'exercice d'une certaine profession, le coût des analyses bactériologiques et des désinfections, tout cela ramené au coût minimum, et l'on est arrivé ainsi au chiffre rond de 20 millions. Il faut encore ajouter à ce chiffre les frais de construction de sanatoriums, d'hôpitaux, d'asiles et de tous autres établissements, destinés aux tuberculeux; en admettant que le nombre des lits de ces divers établissements ne s'augmente que de 100 unités par an et en fixant le coût moyen du lit à 7000 francs (10 000 francs pour, les sanatoriums, 7500 francs pour les hôpitaux, 3--5000 francs pour les 'autres établissements destinés aux tuberculeux), nous arrivions à une dépense supplémentaire de 700000 francs par an. Si maintenant nous voulons tenir compte du renchérissement de la vie intervenu depuis l'époque où les calculs ont été établis -- ils datent de 1916 --, du fait qu'ils se basent sur 'des chiffres minima, et aussi des inconnues qui se rencontrent nécessairement dans des évaluations de ce genre, nous pouvons sans exagération, nous semble-t-il, relever nos totaux de 50 %, ce qui aboutit à fixer à 30 millions en chiffre rond ce que coûte annuellement en' Suisse la tuberculose. En d'autres termes, la tuberculose prélève en Suisse un impôt annuel de 7 à 8 francs par tête de population. Et encore n'est-ce là que l'impôt direct, qui ne tient compte ni des pertes résultant du manque à gagner des tuberculeux morts entre 15 et 50 ans, ni de celles qui sont dues au1 raccourcissement de la vie par le fait de la tuberculose, ni d'autres facteurs encore. Certains calculs (Olivier) évaluent à 120 millions par an les pertes économiques imputables à ces divers facteurs; mais nous n'avons pas à nous en occuper ici. Ajoutons que les renseignements d'une certaine précision recueillis auprès de quelques cantons -- les indications fournies par la plupart d'entre eux étaient inutilisables -- ont confirmé, d'une manière générale, le résultat de ces calculs.

On peut admettre -- autre approximation -- que la proportion des
tuberculeux qui relèvent de l'assistance publique ou privée, représente la mJoitié environ du chiffre total; c'est donc la moitié de la somme de 30 millions, soit 15 millions environ, qui représente les dépenses faites en1 faveur des tuberculeux. Quelle doit être, maintenant, dans l'ensemble de ces prestations qui incombent à la fois à l'assistance publique et à l'assistance privée, la part de la Confédélation ?

Pour nous guider, nous avons ici les renseignements recueillis à l'occasion de la répartition du crédit mis à note disposition

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par les Chambres fédérales pour subventionner la lutte contre la tuberculose. Cette action de secours était devenue indispensable et devait aider les oeuvres antituberculeuses à surmonter la crise économique, en attendant la promulgation d'une loi fédérale. Elle a débuté en 1921, s'est poursuivie depuis lors et nous avons dit combien elle avait été la bienvenue et quelle heureuse influence elle avait exercé sur l'activité des oeuvres antituberculeuses. Le crédit mis par les Chambres à notre disposition, fixé d'abord1 à un million de francs pour 1921 et 1922, a été porté pour 1923 à IH million, et réparti suivant les normes que vous trouverez exposées et motivées dans nos messages : les ligues, les associations et les dispensaires ont reçu des subsides équivalant au 30 % environ de leurs dépenses totales, tandis que ceux qui ont été accordés aux sanatoriums, hôpitaux, préventoriums et autres institutions analogues ont été calculés d'après le nombre des journées de malades, à raison de 35 à 40 centimes par journée, avec un supplément égal au 2,5 % des dépenses d'exploitation. Les diverses oeuvres et institutions ainsi subventionnées ont accusé en 1923 un' total de dépenses de 9 millions en chiffre rond, de telle sorte que le montant des subventions payées (1K million) représente le 14--15 % de ces dépenses.

Mais il ne faut pas oublier que, dans cette somme de 9 millions de dépenses subventionnées, ne figurent ni les frais de construction d'établissements pour tuberculeux, ni les dépenses occasionnées par le traitement de nombreux tuberculeux soignés dans les hôpitaux généraux, en dehors des pavillons et des divisions spéciales qui leur sont réservés en certains endroits et qui seuls ont été subventionnés jusqu'ici, ni les indemnités qui devront être payées aux personnes obligées, par mesure die prévention, de renoncer à l'exercice de leur profession, ni les dépenses résultant de l'assainissement des logis insalubres. En tenant compte de tous ces facteurs, nous arriverons à Un chiffre total de dépenses qui ne s'éloignera pas beaucoup sans doute de celui de 15 millions établi par le calcul.

Si nous admettions pour les prestations de la Confédération le taux moyen qui résulte, comme nous l'avons vu, de la répartition des crédits de subvention, soit 15 %, ces prestations atteindraient, pour un total
de 15 millions de dépenses, le chiffre de 2-K à 2K> millions. Mais, étant donné les conditions fixées par la loi, ce taux seïait certainement trop faible; d'abord parce que la loi fixe à 33 % (au lieu de 30 %), les subventions accordées aux ligues et aux dispensaires; parce que le taux de 8 à 10 % du coût de la journée de malade, adopté pour les sanatoriums et les hôpitaux, est certainement supérieur à celui que représentent les 35 ou les 40 centimes payés jusqu'ici; parce que les subventions prévues pour les frais d.3 construction

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·d'établissements destinés aux tuberculeux et les subventions pour l'assainissement des logis insalubres -- prestation toute nouvelle dont, soit dit en passant, .nous ne pouvons pour le moment mesurer, même approximativement, la portée financière -- peuvent atteindre le 25 % des dépenses. Enfin, il ne faut pas oublier que la loi a justement pour but de favoriser le développement de toute l'oeuvre antituberculeuse, et que ce. développement entraînera nécessairement, pendant un certain temps tout ou moins, une augmentation régulière des dépenses.

Ces diverses considérations nous amènent à cojnclure que c'est une somme de 3 à 4 millions par -an que la Confédération devra consacrer, sinon immédiatement, du moins dans le cours des années, à la lutte antituberculeuse. A ce chiffre viendra s'ajouter le montant des subventions aux caisses d'assurance-maladie, qui font l'objet de l'article 15 ci-après. Mais avant d'aborder cet article, nous voulons doïmer encore quelques explications sur la structure de l'article 14.

Cet article répartit les subventions fédérales en un certain nombre de catégories. La première (alinéa 1er de l'article) comprend les subsides payés aux cantons pour l'exécution des obligations que la loi leur impose, et qui sont précisées aux articles 2 (déclaration obligatoire), '3 (examens bactériologiques), 4, 5 et 6 (application des diverses mesures destinées à prévenir la propagation1 de la tuberculose), 8 (désinfections), 11 (hygiène des habitations) et 12 (éducation populaire en matière de lutte antituberculeuse). C'est ce chapitre qui présente le moins de précision, puisqu'il s'agit d'un domaine à peu près neuf encore, dans lequel l'activité des cantons est demeurée jusqu'ici fort restreinte. Nous avons donc pensé qu'il convenait de ne pas fixer pour les subventions de cette catégorie un taux invariable, mais bien un taux maximum (25'%') qui permettra de calculer le montant des subventions en tenant compte de toutes les conditions, sans doute très diverses, dans lesquelles les demandes seront présentées.

Pour les mêmes raisons, nous avons admis ce meinte taux maximum de 25% pour les subventions en faveur de l'amélioration des logements.

Avec les institutions antituberculeuses proprement dites, nous nous trouvons sur un terrain plus solide, et nous savons où nous allons, puisqu'il
s'agit d'institutions déjà créées en grande partie, qui reçoivent déjà provisoirement des subventions fédérales et sur lesquelles nous possédons la documentation dont nous avons parlé. Les renseignements que nous avons recueillis nous ont montré que les normes -admises par nous pour la répartition' des subsides provisoires étaient, d'une façon générale, heureusement choisies et que nous pouvions nous y tenir. Nous les avons donc reprises dans l'article 14, et nous avons admis 'qu'étant donné qu'il s'agissait ici d'oeuvres travaillant dans dés conditions à peu près identiques, nous pouvions admettre

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pour les subventions un taux uniforme et fixe. Ce taux était jusqu'ici de 30 % environ pour les institutions visées à la lettre b de l'article lé (dispensaires, services de consultation, etc.); nous nous sommes bornés à le relever légèrement en le portant à 33 %, ce qui nous paraît une proportion équitable. Pour les établissements énumérés aux lettres a et c de l'article 14 (sanatoriums, préventoriums, hôpitaux, etc.), nous avions pris jusqu'ici pour base de calcul de nos subventions le coût de la journée de malade; nous avons fait passer également cette n'onne dans la loi, et fixé le taux des subventions au 8 à 10'%' de ce coût. En: fait, il s'agit encore ici d'un taux fixe : si nous avons admis une modeste marge de 2 %, c'est que1, parmi les établissements dont nous parlons ici, il s'en trouve (nous pensons surtout aux santoriums de haute montagne) qui travaillent dans des conditions plus difficiles que les autres et auxquels nous devons nous réserver la possibilité d'accorder des subventions un peu plus élevées qu'aux autres.

Eestent les subventions pour la construction, l'agrandissement et l'acquisition des établissements dont nous venons de parler. Ici, de nouveau, nous avons admis, non pas un taux fixe, mais le taux maximum de 25°/o, dans l'idée que nous nous trouverons, lorsqu'il s'agira d'accorder ces subventions, devant des conditions très diverses, dont il faudra tenir compte.

EU résumé, l'article 14 établit deux catégories de subventions r d'une part, celles qui se rapportent à des objets sur lesquels nous ne possédons pas actuellement des données précises et pour lesquelles il nous a parli prudent d'admettre un taux variable, limité par un maximum déterminé;.d'autre part, celles qui rentrent dans un domaine sur lequel nous possédons des indications précises et pour lesquelles nous avons adopté, en nous autorisant des expériences déjà faites, des taux à peu près identiques à ceux que nous avons fixés pour les subventions provisoires que nous payons depuis trois ans.

Art. 15. Cet article doit permettre à la Confédération de verser des subventions spéciales aux caisses d'assurance-maladie qui accordent, en faveur du traitement et des soins de leurs assurés tuberculeux, des prestations qui dépassent, par leur nature et leur durée, celles que prévoit la loi fédérale sur les assurances;
les mêmes subventions dloivent être accordées, dans les mêmes conditions, aux institutions d'assurance mutuelle ayant pour but de compléter les secours fournis par les caisses-maladie.

Diverses raisons justifient cette allocation directe de subventions aux caisses reconnues, à côté des subventions indirectes que quelques-unes d'entre elles reçoivent du fait de leur participation à la création et à l'exploitation de certaines institutions antituberculeusestelles, par exemple, que les sanatoriums. En effet, cette participation1

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n'est guère permise qu'à quelques caisses particulièrement importantes; pour les autres, il ne peut en être question, car une participation de ce genre ne serait pas sans risques pour leur stabilité financière. En revanche, il nous paraît fort désirable d'encourager les caisses, par le versement de subventions spéciales, à élargir leurs prestations qui, dans le domaine de la tuberculose surtout, sont encore bien insuffisantes. Les caisses pourraient réaliser cet élargissement soit en prolongeant la durée de la période pendant laquelle elles accordent des subsides à leurs assurés, soit en se chargeant, non plus seulement des frais de médecin et dfe pharmacien, mais de la totalité ou d'une partie des frais du traitement complet des tuberculeux.

Ces conditions, dont nous voulons faire déprendre l'octroi des subventions, pourraient être remplies par toutes les caisses, même les plus petites. Le principe de ce subventionnement serait d'ailleurs conformé à l'esprit de notre législation sur les assurances, qui veut que l'importance des subsides de l'Etat aille de pair avec l'importation des prestations des caisses et des assurés eux-mêmes. En l'admettant, nous encouragerons les .caisses à s'occuper davantage des maladies qui, par leur longue durée, constituent une lourde charge économique pour la communauté et, plus particulièrement, de la tuberculose, la plus répandue des maladies sociales.

Pour la répartition des subventions, on peut envisager plusieurs systèmes. Le meilleur sera, bien entendu, celui qui, tout en tenant, compte des possibilités financières de la Confédération, favorisera dans la plus grande mesure les progrès de l'assurance-maladie. Mais comme il s'agit ici d'une matière toute nouvelle, nous pensons que le mieux serait pour l'instant de n'introduire dans la loi que le seul principe du subventionnement, en laissant les détails de son application aux ordonnances d'exécution qui pourront être plus facilement adaptées aux données de l'expérience. Ces mêmes données, nous devons les attendre pour apprécier quelle sera la charge imposée à la- Confédération par cette nouvelle catégorie de subventions, d'où il résulte que nous ne pouvons fixer dans la loi les taux suivant lesquels les subventions seront calculées.

Ce qui nous paraît surtout nécessaire, c'est de payer des subventions pour des
traitements en sanatorium, lorsque ceux-ci affectent une certaine durée et que les caisses se chargent d'une partie importante, et à déterminer, des frais qui en résultent. En procédant de cette façon, nous concentrerons l'intervention de la Confédération sur les cas les plus urgents et les plus graves et nous empêcherons qu'elle soit mise à contribution d'une façon exagérée.

Les matériaux statistiques dont nous disposons nous permettent d'établir dans une certaine mesure la charge que ce mode de subven-

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tionnement imposerait à la Confédération. Il ressort en effet des chiffres réunis par quatre grandes caisses, que leurs membres étaient atteints ou menacés de tuberculose dans la proportion de 0,25 à 2,55% (ces chiffres, qui donnent une moyenne de 1,5% environ, se rapprochent beaucoup, comme on le voit, de celui que nous avons indiqué plus haut pour l'ensemble de la population de la Suisse), et les prestations des caisses représentaient ici le 5,8--10,6 % des frais totaux du traitement, soit une dépense de fr. 1.03 à 2.75 par malade.

Les statistiques des sanatoriums populaires pour l'année 1923 nous apprennent d'autre part que la durée moyenne du séjour des malades, en laissant de côté ceux qui ont quitté le sanatorium avant la fin des!

quatre premières semaines, a été de 164 jours, durée que l'on peut porter à 170 jours pour tenir compte du fait que les tuberculoses chirurgicales exigent généralement un séjour en sanatorium plus longque les autres. Nous admettrons que les cas légers, qui ne font que passer par le sanatorium, ne bénéficieront pas du subside fédéral, lequel ne sera payé qu'à partir d'un certain délai après le commencement de la cure, soit à partir du 90e jour. Nous admettrons également que parmi le million de membres que comptent, en chiffre rond, les caisses-maladie, on trouve, comme nous l'avons vu plus haut, 1,5 % de tuberculeux, et que la Confédération paiera par jour et par malade, à partir du 90e jour, soit pendant 80 jours, un subside de 1 franc, correspondant, en moyenne, au Ve du coût de la journée : nous arriverions ainsi à une somme d'un million deux cent mille francs, qui représenterait la charge de la Confédération. Il convient toutefois de remarquer que nous avons tablé sur un. chiffre de 15000 malades, chiffre évidemment exagéré, puisque les sanatoriums populaires n'ont hospitalisé en 1923 que 4000 personnes, qui n'appartenaient pas toutes, bien certainement, à une caisse-maladie. Mais il ne faut pas oublier, en revanche, que parmi les tuberculeux membres d'une caisse-maladie, il. s'en trouve qui sont traités dans certains hôpitaux suivant les règles observées dans les sanatoriums et dont il faut par conséquent tenir compte. Il est enfin de nombreux cas de tuberculose grave qui exigent un séjour en sanatorium! dépassant les 170 jours que rious avons admis pour base
de nos supputations. Tout compte fait, nous arrivons à cette conclusion qu'il suffirait, pour la période de début tout au moins, de porter au budget une somme d'un demi-million de francs.

Les subsides devraient être payés sur le vu des certificats fournis par les caisses pour les malades qu'elles subsidient elles-mêmes.

L'examen des demandes de subsides, le contrôle des certificats et le paiement des subsides eux-mêmes devraient être confiés à celle des administrations fédérales qui a le contrôle des caisses d'assurancemaladie, c'est-à-dire à l'office des assurances sociales, de façon à ce que les caisses n'aient affaire qu'avec une seule administration.

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Une disposition telle que celle que formule l'article 15 de notre projet de loi ne constituera pas seulement un moyen d'action efficace dans la lutte contre la tuberculose; nous devons en attendre aussi une progression sensible de l'assurance-maladie; elle répondra enfin au désir qu'a manifesté le concordat des caisses-maladie de pouvoir s'associer activement à la lutte contre la tuberculose.

Les conséquences financières de la loi, telles qu'elles ressortent des articles 15 et 15 de notre projet, peuvent donc se résumer, pour la ·Confédération, dans -ces deux chiffres : trois à quatre millions par année pour les subventions aux oeuvres antituberculeuses proprement dites; un demi-million ati moins pour les subventions aux caisses .d'assurance-maladie : soit au total une somme de 3% à 4% millions, c'est-à-dire 2 à 3 millions de charges nouvelles, puisque la Confédération consacre déjà, sous forme de subventions provisoires, une somme d'un million et demi à la lutte antituberculeuse.

Cette somme est sans doute considérable; mais nous sommes certains que ce sera de l'argent bien employé et dont les intérêts se re-fcrouveront largement plus tard; tout ce que nous avons dit du fléau social qu'est la tuberculose et des désastres économiques dont elle est la cause, le prouve surabondamment et nous dispense d'insister.

D'ailleurs la somme que nous venons d'indiquer ne sera pas nécessaire d'emblée: les dépenses de la Confédération suivront une marche parallèle au développement de la lutte antituberculeuse et à l'impulsion1 qui lui sera donnée par la nouvelle législation, et ce n'est que dans quelques années sans doute que les dépenses de la Confédération atteindront le chiffre auquel nos supputations nous ont ·conduits. D'autre part, nous pouvons nous attendre à voir la tuberculose, vigoureusement attaquée, diminuer peu à peu ses ravages, de telle sorte qu'un jour viendra où les frais de la lutte diminuerontl eux aussi. Les charges de la Confédération pourront ainsi être représentées par une courbe, qui, après avoir suivi pendant quelque temps une marche ascendante, s'abaissera lentement jusqu'au jour où le combat contre la tuberculose pourra prendre fin.

Nous ferons remarquer encore, avant de quitter ce chapitre, que les subventions, à l'exception de celles qui seront versées aux caisses d'assurance,
seront payées aux intéressés par l'entremise et sur le préavis des autorités cantonales. Celles-ci devant assumer l'application de la loi ret exercer un contrôle sur les institutions subventionnées, cette disposition se comprend d'elle-même.

Art. 16 et 17. Ces articles sont de caractère purement juridique et ne nous retiendront pas longtemps. L'article 16 fixe la procédure de recours, tant sur le terrain! cantonal que sur le terrain fédéral, et l'article 17 statue les dispositions pénales. Certes, une loi sur la lutte

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contre la tuberculose n'est en aucune manière une loi de coercition et le chapitre des pénalités ne peut avoir qu'une importance seconoJaire.

E. nous a paru pourtant nécessaire, dans l'intérêt même de ceux que la loi veut protéger, de prévoir, à côté des contraventions proprement dites, certains abus auxquels so> application pourrait donner lieu.

Art. 18 à 21. Nous n'avons pas grand-chose à dire des autres articles du projet, qui ne sont guère que la reproduction des dispositions générales que l'on retrouve dans toutes les lois fédérales. Nous appelons cependant votre attention sur la disposition de l'article 18, qui charge les cantons de désigner les organes auxquels l'application de la loi sera confiée; nous voudrions que les .cantons prissent occasion de cette disposition1 pour] se doter, là où elle n'existe pas encore, de l'institution du médecin cantonal, indispensable à notre avis non seulement pour la bonne organisation de la lutte contre la tuberculose, mais pour l'application de toutes les lois de police sanitaire.

Nous voici arrivés à la fin de notre exposé et notre conclusion pourra être brève. Nous croyons en effet en avoir assez dit pour montrer l'importance de la lutte contre la tuberculose et la nécessité pour la Confédération de s'associer à une oeuvre de solidarité et de sauvegarde sociales, qui réclame impérieusement le concours de tqutes les ressources et de toutes les bonnes volontés. Aussi, sans insister davantage, vous demandons-nous de donner votre approbation au projet de loi que nous avons l'honneur de vous soumettre et qui constituera une étape importante dans l'oeuvre de législation sociale que nous nous efforçons de réaliser.

Berne, le 1er septembre 1925.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le vice-président, H^EBERLIN.

Le chancelier de la 'Confédération, KAESLIN.

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(Projet.)

Loi fédérale sur

la lutte contre la tuberculose.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, '

vu l'art. 69 de la Constitution, vu' le message du Conseil fédéral du 1er septembre 1925 arrête :

Article premier. Pour combattre la tuberculose, la Confédération, les cantons et les communes appliquent, avec le concours des oeuvres dues à l'initiative privée, les mesures énumérées dans les articles ciaprès.

Art. 2. La tuberculose est soumise à la déclaration obligatoire dans tous les cas où le malade, par le degré d'avancement de sai maladie et les conditions personnelles dans lesquelles il vit, constitue un danger pour autrui.

Le Conseil fédéral fixe par voie d'ordonnance les mesures que doivent prendre les cantons pour appliquer le principe de la déclaration obligatoire.

Les médecins reçoivent de l'autorité cantonale une indemnité pour leurs déclarations.

Les administrations sont tenues de garder le secret sur les déclarations qui leur sont adressées.

Art. 3. Les cantons pourvoient à ce que les excrétions de toute personne tuberculeuse ou suspecte de tuberculose puissent être soumises à un examen bactériologique; sur demande du médecin ou du dispensaire adressée à l'autorité compétente, cet examen bactériologique pourra se faire gratuitementArt. 4. Les cantons veillent à ce qu'il soit pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir la propagation de la tuberculose par les personnes qui 'ont fait l'objet d'une déclaration au sens de l'article 2 ci-dessus.

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Art. 5. Les cantons doivent notamment veiller à ce que les personnes atteintes de tuberculose soient l'objet d'une surveillance médicale, si leur profession peut favoriser la propagation de la maladie et, plus particulièrement, les met en contact régulier avec des enfants.

Ils prennent, le cas échéant, les mesures nécessaires pour que ces personnes ne deviennent pas des agents de contamination.

Si, par suite de l'application desdites mesures, ces personnes sont mises dans l'impossibilité d'exercer leur profession ou de trouver une autre occupation, et s'il est reconnu par l'autorité compétente qu'elles tombent de ce fait dans le besoin', elles recevront des secours, équitables, sans pour cela être considérées comme assistées.

Art. 6. Les cantons pourvoient à ce que, dans les écoles, établissements d'éducation, crèches, asiles, etc. et, d'une façon générale, dans tous les établissements où des enfants vivent en commun, ceux-ci soient l'objet d'une surveillance médicale régulière. Les enfants qui présentent des manifestations suspectes seront mis en1 observation, et ceux qui sont atteints de tuberculose avérée et dangereuse pour autrui seront éloignés.

Les autorités chargées de placer d'office des enfants ne peuvent les cojmer qu'à des familles où ils ne courent pas le risque d'être contaminés; d'autre 'part, les enfants tuberculeux ne peuvent être placés que dans des familles où ne se trouvent pas des enfants non tuberculeux.

Art. 7. Le Conseil fédéral précise par voie d'ordonnance les mesures visées aux articles 4, 5 et 6 ci-dessus, qui ont pour but de prévenir la contagion.

Il fixe également les mesures de prophylaxie qui doivent être appliquées dans les ateliers, fabriques et autres exploitations, dans les industries de l'alimentation, dans les entreprises de transport et dans les lieux publics.

Art. 8. Tous les locaux utilisés régulièrement par les tuberculeux reconnus dangereux au sens de l'article 2, doivent être désinfectés et soigneusement nettoyés, notamment en cas de changement de domicile, de transfert dans un hôpital ou de décès du malade.

Les cantons pourvoient à l'application de cette mesure, qui, sur demande du médecin oui du dispensaire adressée à l'autorité compétente, pourra être gratuite.

Ils sont autorisés à prescrire des mesures plus sévères que celles prévues à l'alinéa premier, ci-dessus.

Art. 9. Il est interdit d'annoncer, de mettre en vente ou de vendre des remèdes secrets pour le traitement de la tuberculo'se.

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Art. 10. Suivant les besoins, et pour autant qu'il n'y a pas déjà été pourvu, les cantons veilleront à ce que soient créés notamment a) les établissements et institutions nécessaires pour prévenir l'apparition de la tuberculose et pour fortifier l'organisme des individus menacés, plus particulièrement des enfants, tels que : préventoriums, stations de convalescence, colonies et homes de vacances consacrés aux enfants suspects ou menacés de tuberculose; b) les dispensaires et les services de consultations destinés à dépister les tuberculeux, à conseiller, surveiller et assister les tuberculeux soignés à domicile ainsi que leurs familles, en vouant une attention1 toute particulière aux enfants qui présentent des manifestations suspectes et aux enfants menacés; les bureaux de placement pour tuberculeux capables de travailler; c) les établissements et institutions nécessaires pour recueillir et traiter les tuberculeux et pour les réadapter au travail, tels que : sanatoriums, hôpitaux, divisions hospitalières et pavillons hospitaliers, colonies de travail.

Art. 11. Eu vue de la lutte contre la tuberculose, les cantons doivent édicter des prescriptions sur l'hygiène des habitationsUs peuvent : a) interdire d'habiter et d'utiliser des locaux favorisant la propagation de la tuberculose, b) accorder des subventions pour les améliorations auxquelles le propriétaire ne peut pas être équitablement tenu de procéder à ses frais.

Art. 12. Les cantons pourvoient à ce que soit faite l'éducation du publie en ce qui concerne la nature, les dangers et la prophylaxie^ d'e l'infection tuberculeuse.

Art. 13. La Confédération encourage et favorise les recherches qui relèvent dé l'étude scientifique de la tuberculose.

Art. 14. Pour les dépenses résultant de l'application des mesures prévues aux articles 2 à 6, 8 et 12 ci-dessus, la Confédération accorde aux cantons et aux communes des subventions s'élevant jusqu'au 25 % de leurs dépenses effectives.

Pour l'amélioration des logements suivant l'article 11, la Confédéïation accorde des subventions s'élevant jusqu'au1 25 % des dépenses totales; le Conseil fédéral, auquel les plans et devis doivent être soumis, contrôle le bien-fondé des demandes de subventions.

Pour les institutions et établissements prévus à l'article 10, créés et entretenus par les cantons, "par les communes, par les caissesmaladie, par les associations de caisses-maladie, ou pour toute autre

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oeuvre due à l'initiative privée, la Confédération accorde des subventions calculées comme suit : 1. Pour la construction, l'agrandissement et l'acquisition d'établissements ou d'installations mentionnés aux lettres a et c de l'article 10, les subventions peuvent atteindre le 25 % des dépenses effectives. Les plans, les devis des travaux et les contrats d'achat doivent être soumis à l'approbation du Conseil fédéral.

2. Les établissements mjentionnés aux lettres a et c de l'article 10 reçoivent, pour; leurs frais d'exploitation, une subvention basée sur le nombre des journées de maladie de tuberculeux; suivant la nature de l'établissement, ces subventions peuvent atteindre le 8 à 10 % du: coût effectif de la journée.

3. Les institutions visées à la lettre b de l'article 10, ainsi que les ligues et associations antituberculeuses, reçoivent des subventions égales au 33 % de leurs dépenses effectives.

Toutes ces subventions seront payées aux intéressés par l'intermédiaire et sur le préavis des autorités cantonales.

Cependant, les oeuvres antituberculeuses dont l'activité s'étend sur plusieurs cantons peuvent être subventionnées directement par le Conseil fédéral.

Art. 15. La Confédération peut allouer, sur la base 'de la présente loi, des subsides spéciaux aux caisses-maladie reconnues en conformité de la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, à condition qu'à teneur de leurs statuts, ces caisses accordent en faveur du traitement et des soins d'assurés atteints de tuberculose des prestations qui, par leur nature ou leur durée, dépassent celles prévues par la loi précitée. Cette disposition s'applique également aux institutions d'assurance mutuelle ayant pour but de compléter les secours fournis par les caisses-maladie.

Ces subventions sont payées directement par le Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral fixe par voie d'ordonnance les conditions auxquelles est subordonné l'octroi de ces subsides ainsi que la manière de les calculer et les modalités de paiement.

Art. 16. Les cantons déterminent les cas dans lesquels les décisions rendues en application de la présente loi peuvent être déférées aux autorités cantonales supérieures. Ils désignent les instances compétentes.

Demeure réservé le recours au Conseil fédéral pour violation de la loi fédérale, en conformité de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale (art. 189, 2e al.). Le prononcé du Conseil fédéral est définitif.

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Art. 17. Celui qui, intentionnellement ou par négligence, contrevient aux prescriptions de police sanitaire de la présente loi ou de ses dispositions fédérales ou cantonales d'exécutioïi, est puni de l'amende jusqu'à 1000 francs.

Celui qui, par des indications mensongères ou par la dissimulation de certaines circonstances fait accorder ou cherche à faire accorder à lui-même ou à autrui un secours ou une intervention gratuite, est puni de l'amende jusqu'à 2000 francs, à moins qu'il ne soit passible de dispositions pénales plus rigoureuses.

Les dispositions du code pénal de la Confédération suisse du 4 février 1853 sont applicables, en tant que la présente loi n'en dispose pas autrement.

La poursuite pénale et le jugement incombent aux cantons.

Le projduit des amendes sera attribué aux cantons.

Art. 18. Le Conseil fédéral édicté les dispositions nécessaires à l'exécution de la présente loi et en surveille l'application' par les cantons.

Art. 19. Les cantons édictent les dispositions nécessaires à l'exécution de la présente loi sur leur territoire.

Ils désignent l'autorité cantonale chargée de surveiller l'application de la loi. Ils désignent également les organes (médecin cantonal, médecin officiel, dispensaire, etc.) auxquels cette application sera confiée et déterminent les attributions et obligations de ces organes.

Les dispositions d'exécution édictées par les cantons sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

Art. 20. Les gouvernements cantonaux sont tenus de présenter chaque année au Conseil fédéral un rapport sur l'application de la loi et sur les observations qu'elle a suscitées.

Art. 21. Le Conseil fédéral fixera la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Sont abrogées les dispositions des lois et ordonnances fédérales et cantonales contraires à la présente loi.

Feuille fédérale. 77e année. Vol. III.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi fédérale sur la lutte contre la tuberculose. (Du 1er septembre 1925.)

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1992

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