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FEUILLE FÉDÉRALE 77 année.

Berne, le 18 mars 1925.

Volume I.

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Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois plus la finance d'abonnement ou de remboursement pur la poste.

Insertions: SO centimes la ligne ou son espace; doivent être adressées franco a l'imprimerie K.-J. Wyss Erben, à Berne.

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1943

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

un projet de loi fédérale tendant à renouveler à la Banque nationale le droit exclusif d'émettre des billets de banque.

(Du 10 mars 1925.)

Le Conseil national a invité le Conseil fédéral par postulat du 20 janvier 1921 à présenter en temps utile un rapport et des propositions sur la situation qui sera faite à la Banque nationale après le 20 juin 1927. Nous avons l'honneur de donner suite ici à cette invitation.

* .,.

* L'Assemblée générale de la Banque nationale, en vertu de l'art. 40, chiffre 6, de la loi fédérale sur la Banque nationale suisse du 7 avril 1921, a déjà discuté la question le 20 décembre 1924 et le conseil de banque a donné connaissance de ses décisions au Conseil fédéral, à l'intention de l'Assemblée fédérale, par lettre du 14 janvier 1925, dont nous reproduisons ci-après le texte intégral : « Donnant suite à la décision prise par l'Assemblée générale extraordinaire de la Banque nationale suisse du 20 décembre 1924, ainsi qu'au mémoire du conseil de banque du 6 septembre de la même année, nous avons l'honneur de vous soumettre, au nom de la Banque nationale, pour vous-mêmes et pour l'Assemblée fédérale, la proposition de renouveler à la banque, par le moyen d'une loi fédérale, pour la période du 21 juin 1927 au 20 juin 1937, la concession du droit exclusif d'émettre des billets de banque, étant entendu que ce renouvellement aura lieu, essentiellement, conformément aux dispositions de la loi actuelle.

Nous joignons à cette proposition le procès-verbal de ladite as·semblée générale.

Feuille fédérale. 77e année. Vol. I.

50

742

Celle-ci, à laquelle étaient représentées 57386 actions, c'est-à-dire plus de la moitié du total, a pris sa décision à l'unanimité. (Quelques actionnaires appartenant à la ligue suisse d'économie franche avaient proposé que la Banque nationale prît l'engagement de régler désormais la circulation des billets de te'lle manière que le pouvoir d'achat du franc suisse demeurât toujours constant. Cette proposition, toutefois, a été rejetée par la grande majorité des actionnaires et des actions et n'est pas comprise dans celle que nous vous soumettons aujourd'hui.)

Nous nous permettons de vous exposer ci-après les motifs invoqués par la Banque nationale à l'appui de sa proposition, ainsi que la situation de droit et de fait que la banque occupe, à notre avis, par rapport à la révision de la loi dont il s'agit.

Le peuple et les Etats suisses ont conféré à la Confédération, le 18 octobre 1891, la compétence d'instituer une banque suisse d'émission, alors que jusqu'à ce moment-là elle ne possédait qu'un simple droit de surveillance du régime cantonal des billets de banque. Le nouvel article constitutionnel adopté à la date ci-dessus donnait à la Confédération la latitude soit d'instituer une banque, d'Etat, soit de concéder le droit d'émission à une banque centrale par actions, admi' nistrée avec le concours et sous le contrôle de la Confédération. L'intention première de l'Assemblée fédérale, d'organiser l'établissement d'émission comme banque d'Etat, conformément au premier terme de cette alternative, ayant été repoussée par vote populaire du 28 février 1897, les Chambres édictèrent, dans le sens du second terme, la loi du 6 octobre 1905 sur la Banque nationale suisse. Après l'avoir modifiée une première fois sur quelques points, le 24 juin 1911, l'Assemblée fédérale soumit cette loi à une revision plus générale à la date des 6/7 avril 1921 et la compléta encore le 7 septembre 1923 en admettant comme couverture métallique des billets, à la valeur de l'argent-métal, les pièces étrangères de cinq francs mises hors cours le 28 décembre 1920.

Cette législation constitue l'application intégrale de l'article 39 de la Constitution fédérale, quant aux compétences de la Confédération; de ceci résulta, en droit public fédéral, d'une part l'abolition des lois cantonales sur la matière et, d'autre part, l'obligation pour la Confédération de pourvoir à ce que ce nouvel objet attribué à sa compétence soit constamment réglementé par une loi, dans le cadre de l'article 39 de la constitution, tel qu'il existe actuellement ou tel qu'il pourra être revisé par la suite. Nous ne nous trompons certainement pas en affirmant qu'aujourd'hui personne ne songe plus à abroger

743

cet article constitutionnel pour rétablir la souveraineté des cantons, pas plus, d'ailleurs, qu'il n'a jamais été sérieusement question depuis la promulgation de la loi de 1905, de reviser cette base consitutionnelle sur laquelle repose notre établissement. Dans ces conditions, il ne nous paraît pas douteux que le législateur ne puisse que s'en tenir à ce cadre-là pour réglementer à nouveau le monopole des billets de banque.

Le « droit de rachat » réservé à la Confédération par la constitution donne au monopole conféré à la Banque nationale le caractère d'un droit de durée limitée. Aux ternies de l'article 76 de notre loi organique, le renouvellement ou le non-renouvellement de ce monopole doit avoir lieu par voie législative. Il s'ensuit qu'un nouveau régime légal devra être adopté d'ici au 20 juin 1927, date de l'expiration du droit d'émission qui nous est concédé.

IL En vertu des articles 76 et 40 de la loi du 7 avril 1921, la situation juridique réciproque de la Confédération et de la Banque nationale repose, en ce qui concerne le renouvellement du privilège des billets, sur le principe de l'égalité de droits des deux parties. D'après ces dispositions, chacune de ces deux parties peut mettre fin au privilège le 20 juin 1927 pu consentir à son renouvellement, et cela pour .une durée de dix ans. Mais en plus de cela, la Confédération possède le droit de ne régler la situation à nouveau', par voie législative, que pour le 20 juin 1930; dans ce cas, le terme d'expiration des obligations et des droits de la Banque résultant de la loi est reporté à cette date.

La Confédération peut donc faire expirer le droit d'émission concédé à la banque soit au terme normal du 20 juin 1927, soit extraordinairement le 20 juin 1930, mais elle a, d'autre part, l'obligation de créer pour cette date, par une loi promulguée en temps utile, une nouvelle banque d'émission, soit banque d'Etat, soit banque par actions, en remplacement de l'établissement actuel, tout en ayant la latitude de reprendre la Banque nationale avec actif et passif ou de provoquer sa liquidation.

De son côté, l'assemblée générale de la Banque nationale a le droit de décider la liquidation de celle-ci aux termes prévus par la loi et de laisser à la Confédération le soin, qui lui est attribué par la constitution, de pourvoir à l'existence d'un
établissement central d'émission1.

Si l'une des deux parties entend faire expirer au terme du 20 juin 1927 (ou 20 juin 1930) le droit d'émission concédé à la Banque nationale, elle doit notifier sa décision à l'autre partie un an avant ce terme.

744

III.

Etant donné que, de la part de la Confédération, le nouveau régime de l'émission des billets doit en tout cas être fixé par voie législative, o'est-à-dire par le moyen d'une revision de la loi actuelle, et qu'en vertu de cette dernière l'assemblée générale des actionnaires a le droit de faire au Conseil fédéral des propositions à transmettre à l'Assemblée fédérale au sujet de la revision de la loi (art. 40, chiff. 5), la Banque nationale a décidé de proposer aux autorités fédérales de lui renouveler son privilège; elle a cru devoir faire cette démarche dès maintenant, afin que la procédure législative, qui peut être assez longue suivant les circonstances, puisse encore aboutir en temps utile, c'est-à-dire avant le terme du 20 juin 1927, tout en laissant, le cas échéant, aux parties le temps nécessaire à des négociations.

Nous attachons une grande importance à ce que le terme du 20 juin 1927 soit observé, parce qu'un état de choses provisoire (pour les années 1927 à 1930) serait préjudiciable à notre monnaie nationale et hautement indésirable au point de vue d'une bonne gestion de la banque, et cela sans aucun profit pour personne.

IV.

La proposition de la Banque nationale s'appuie sur le verdict populaire du 28 février 1897; elle s'appuie aussi sur les expériences faites par la Suisse depuis 1907, tant au cours de sept années de paix que durant la guerre qui a sévi tout autour de son territoire, la plus grande de l'histoire, et pendant les années qui l'ont suivie. Ces expériences revêtent une importance d'autant plus considérable que la nécessité de posséder en temps de guerre une banque centrale d'émission a été, depuis 1874, l'une des premières considérations par lesquelles on a motivé l'article 39 actuel de la Constitution fédérale.

Si l'on cheche à porter un jugement équitable sur l'oeuvre accomplie depuis l'origine par la Banque nationale, c'est-à-dire depuis le 21 juin 1907, on reconnaîtra qu'elle a, d'une manière générale, accompli d'une façon satisfaisante les tâches qui lui étaient assignées.

Par une politique d'escompte exempte de toute spéculation, elle a régularisé le marché de l'argent dans le pays et maintenu la monnaie nationale sur un pied honorable vis-à-vis de l'étranger; elle a facilité les opérations de paiement, affermi les rapports avec les autres établissements financiers et a su se créer, avec un modeste capital social versé de vingt-cinq millions de francs, une position solide en regard du pays même aussi bien que de l'extérieur. De plus, tout en réussissant à verser à la Confédération des sommes appréciables sur les bénéfices nets, elle a largement dédommagé les cantons (ceci

745

même en dépit de la dépréciation de l'argent) pour leurs pertes subies du fait de l'abolition des recettes provenant des impôts sur les billets de banque ou des bénéfices produits par l'émission de ces billets; ces sources ont en effet disparu par suite de l'attribution à la Confédération du droit de souveraineté en matière de législation sur les billets.

Nous nous permettons de donner ci-après quelques chiffres qui corroborent cette justification matérielle de la proposition de la Banque nationale.

À. Activité.

20 juin 1907 Fin 1924

IVlinimum

Maximum

Moyenne

20 juin 1807 - fin 1924 en millions de francs

1. Billets en circulation 2. Encaisse métallique 3. Encaisse métallique exprimée en % par rapport aux billets en circulation . . . .

44 au matin du jour de l'ouverture

914

512 47 1036 (25. 6. 1907) (31. 12. 1919)

33

593

33 (20. 6. 07)

751 (31. 3. 21)

354

75,62 "/O

64,89 «/O

45,i8 (12. 11. 18)

(24. 8. 08)

91,45

69,07

4 . Portefeuille . . . .

20

311

20 (20. 6. 07)

594 (£8. 11. 18)

200

5. Avoir à vue à l'étranger

--

47

1 (15. 2. 12)

99 (7. 3. 20)

20

6. Avances sur nantissement . .

1

70

1 (16. 8. 07)

85 (31. 12. 23)

25

7. Comptes de virements

11

103

9 (10. 7. 08)

304 (23. 2. 23)

60

17

1 (20. 6. 07)

131 (10. 1. 19)

28

2997 1908

14831 1920

8 . Déposants

. . . .

9. Clearing (mouvements annuels) . .

1

1908

1924

2997

13129

746

B. Taux d'intérêt.

Fin 1807

Fin 1924

Minimum

Maxi- Moyenne mum

20 iuin 1007 à fin : 92J

en o/o 10. Taux d'escompte officiel . . .

12. Mouvement des taux d'intérêt: a) Modifications survenus dans l e taux d'escompte . . . .

Du 20 juin 1907 à fin 1924 . . . .

Chiffre maximum des changements survenus par an Chiffre minimum des changements ' survenus par an b) Modifications du taux pour

du 20 juin 1907 à fin 1924 . . . .

Chiffre maximum des changements

en o/o

41/2 5

4 5

3 31/3

3 Si/3 4 41/2 5 5V2 6

3 fois 7 » 8 »

744 jours 1001 » 1279 » 1890 » 1059 » 394 » 38 » 6405 jours

5 1 3 » 1 » 35 fois

6 7

I

4<>i> ^,«.v

4,93

6 (1914) pas de modification en 1916, 1917, 1920, 1924 Ifois 133 jours Si/s 7 » 1234 » 4 917 » 5 » 4Vs 2412 » 8 => 5 667 » 7 » 51/2 1004 » 6 4 » 1 » 38 » 7 33 fois 6405 jours 6 (1914) pas de modification en 1916, 1917, 1919. 1920 1924

Chiffre minimum des changements survenus par an

Minimum

Maximum

Moyenne

20 , uin 1007 à fin 192 4

13. Stabilité des taux d'intérêt: a) Taux d'escompte .

b) Taux pour avances . . . .

4V» 1 jour (30. 7. 14)

1371 jours (du 1. 1. 15

5V* 1 jour (30. 7. 14)

5 1280 jours (du 1. 1. 15

41/3

183 jours

au 2. 10. 18) 194 jours au 3.7.18)

747

C. Change.

Minimum 20 Juin

14. Situation du change suisse comparativement; a. aux changes 'des 7 pays intéressant plus spécialement la Suisse de 1907 à 1914, (Amérique non comprise) moyenne annuelle b. aux changes anglais, hollandais et au $ américain, de 1915 à 1924, moyenne annuelle

1807 + 0,76 °/00

1915

-- 23,60 °/oo

Maximum 1907 -- Fin 1924

1914 -f

12,78

o/oo

+ 0,oi °/oo (1912)

o/oo (1914)

- 34,40 o/oo (1923)

o/oo (1918)

+

12,78

1924 -- 6,81

o/oo

+ 137,85

Moyenne

748

D. Bénéfices.

1906/07

Minimum

1923

Maximum

Moyenne

1907/08-1923 en millions de francs

15. Bénéfice brut. . ·

4509

13095

16. Bénéfice net . . .

17. Bénéfice net exprimé en % par rapport au capital actions versé . . . .

2017

7037

5,26 %

1 8 . Dividende . . . . i)1800 19. Dividende exprimé en % par rapport au capital action s versé !) 4,69 %

28,i6 %

2958 (1909) 1315 (1909)

22879 (1920) 11420 (1920)

10614

5,26 %

45,68 %

'21.840/0

5346

1500

(1907/08 (1920) et 1909) 1000 1500 i) 1 109 (1909-1920) (1921-1923)

6 «/o

4 »/o 6o/o (1909-1920) (1921-1923)

1907/08

.g,, 1923

!) 4,« %

1 1907/08 | | à 1923

en muions de francs

20. Participation de la Confédération et des Cantons au bénéfice net: a. Indemnité aux Cantons sur le monopole des billets de la Confédération .

b. Participation des Cantons au surplus du bénéfice net Participation totale des Cantons suivant a et b c. Participation de la Confédération au

2441

2441 S

2426 )

Participation totale de la Confédération et des Cantons suivant a, b, c

3104

41757

1288

13271

4392

55028

645

6636

5037

61664

') Y compris les 2 1/2 d'intérêts depuis le versement du capital-actions jusqu'à l'ouverture de la banque.

*) Avance de la Confédération.

749

E. Ponds de réserve. Bilan et mouvement total.

Minimum

Maximum

Fin 1908 Fin 1923 ciu 20 j u i n 1907 à fin 1923

Moyenne du 20 juin

1907 à fin 1924

en millions de francs

2l. Fonds de réserve . . .

22. Total d u bilan

. . . .

23. Mouvement total (addition d'un seul côté, clearing excepté

0,2

--

6,4

20 juin ISO? Fin 1924 168 2195 1908

1923

15528

68457

--

--

15528 (1908)

84712 (1920)

--

1125

Ces résultats ne répondent pas seulement aux exigences de la constitution et de la loi, ils justifient encore tous les espoirs que l'oa avait mis dans les dispositions de ces dernières. Et si l'on tient compte des circonstances dans lesquelles ils ont été réalisés, si l'on considère que ce sont les résultats des années de guerre et d'après-guerre, on y voit la preuve que le principe mis à la base de notre institution, principe qui est celui de l'indépendance de la banque centrale d'émission et de son crédit vis-à-vis de l'Etat et du crédit de celui-ci, est propreà satisfaire à tout ce qu'un pays est en droit d'attendre de sa banque centrale. D'autre part, la période que nous venons de traverser a démontré, plus que toute autre, que le principe de la banque d'Etat expose celle-ci, dans les temps difficiles, au gros danger d'être complètement absorbée par l'Etat, en entraînant avec soi l'économie publique et son élément essentiel, la monnaie nationale, de telle sorte que la ruine économique de l'Etat conduit à l'effondrement de la monnaie. Ce danger réside dans le fait qu'un Etat dont la situation économique est bouleversée est facilement tenté de chercher un refuge dans l'illusion que la monnaie fiduciaire c'est la fortune, et, par conséquent, d'abuser de la presse à billets, à l'aide de laquelle il est si facile de satisfaire à tous les désirs. L'univers entier a assisté au désastreux anéantissement de certaines monnaies nationales, causé par l'inflation, et il est tout particulièrement intéressant de voir que la loi régissant la banque d'émission du pays d'inflation par excellence prévoit le transfert à l'étranger non seulement de la couverture me-

750

tallique, mais même de la presse à billets, pour la soustraire, au besoin, à la libre disposition de l'Etat.

Certes, des événements tels que ceux dont nous venons de faire mention ne sont à craindre qu'à des époques exceptionnelles. Mais ·étant donné que notre Banque nationale a précisément été créée en prévision de semblables circonstances, le législateur a le devoir de s'inspirer avant tout de ces considérations pour l'exécution future de l'article 39 de la Constitution fédérale et de conserver, par conséquent, celui des deux systèmes envisagés qui a été choisi en 1905, c'est-à-dire celui ide la banque centrale d'émission autonome, indépendante de l'Etat. Un débat public a été ouvert sur cette question à propos de l'assemblée générale extraordinaire du 20 décembre, publiquement convoquée, mais personne, ni au sein de la banque, ni en dehors de celleci, ne s'est prononcé en cette occurrence pour l'adoption du système de la banque d'Etat; les cantons eux-mêmes et les banques cantonales, principaux actionnaires de notre établissement, entendent certainement aussi que le régime actuel soit maintenu.

V.

L'assemblée générale du 20 décembre 1924 a lié sa proposition, visant au renouvellement du droit exclusif d'émission des billets, à la condition que ce renouvellement ait lieu, essentiellement, conformément aux dispositions de la loi actuelle. Cette condition est pleinement justifiée par les buts d'intérêt public auxquels la banque doit satisfaire et par les risques que cette tâche entraîne pour elle.

Les dispositions légales visées par cette condition sont, tout d'abord, celles qui revêtent un caractère contractuel. Ce sont notamment celles qui fixent les droits de l'assemblée générale -- art. 38 à 41 de la loi --, celles qui se rapportent au capital social, au fonds de réserve et à la répartition des bénéfices -- art. 5 à 8, 27 et 28 --, ainsi qu'à la liquidation -- art. 78. La Banque nationale considère ces dispositions comme étant, dans tous les cas, de celles qui ne peuvent pas, sans son consentement, être modifiées en sa défaveur par voie législative. Cette manière de voir est motivée par le fait que le capital social n'est pas fourni par la Confédération, mais qu'il est constitué par la banque même et que l'article 39 de la constitution lui garantit, pour cela et pour le risque commercial
qu'elle encourt, un dividende équitable.

L'assemblée générale a, de plus, voulu réserver sa liberté d'action pour le cas où l'on voudrait, à propos du renouvellement du privilège d'émission, opérer une revision de la loi qui, sans être en rapport avec ce renouvellement, pourrait être de nature à exercer une influence sur l'attitude qu'il appartiendrait à la banque de prendre.

751

Sous ce rapport, nous relèverons tout d'abord que la banque a un intérêt matériel à posséder une organisation qui lui offre toute garantie pour son capital et pour un rendement de ce capital permettant la constitution de réserves et le paiement des dividendes.

A cela vient s'ajouter une considération, de premier plan : c'est qu'en sa qualité de dépositaire du droit d'émission des billets, la banque est chargée de la grande responsabilité morale de pourvoir à ce que le taux de l'intérêt demeure stable et modéré et de maintenir en bonne posture le cours de la monnaie suisse. Sous ce rapport, la tâche de la Banque nationale est d'autant plus lourde qu'elle se heurte à des intérêts économiques organisés et puissants, tant nationaux qu'étrangers, qui contrarient les effets et la portée de rémission et de la politique d'escompte de la Banque nationale, dont les moyens d'action sont si modestes; et c'est dans ces conditions difficiles qu'elle est obligée, chaque année, non seulement d'alimenter de fr. 500 000 son fonds de réserve et d'effectuer le service d'intérêt de ses actions, qui absorbe fr. 1500000, mais encore de réaliser des bénéfices suffisants pour assurer le paiement des indemnités ordinaires aux cantons, qui actuellement ne représentent pas moins, en chiffre rond, de 3 millions de francs ou 10 % des fonds propres de la banque.

L'organisation actuelle de la Banque nationale nous est imposée par les conditions politiques et économiques du pays. Elle a satisfait aux exigences des périodes de trouble aussi bien que des périodes de calme, et comme elle a été revue en détail en 1920, il y a donc cinq ans à peine, il n'existe aujourd'hui aucun motif de la discuter à nouveau.

Si cependant les autorités fédérales croyaient devoir apporter des changements à la loi sur la banque, la réserve faite par l'assemblée générale des actionnaires subsisterait en ce sens que cette dernière, dans le cas où elle considérerait la revision projetée comme touchant à des points essentiels, se verrait amenée à prendre position vis-à-vis de ce projet; elle devrait également s'adresser aux autorités pour sauvegarder ses droits légaux et défendre son point de vue. Le temps qui s'écoulera jusqu'aux débats parlementaires sur la loi qu'il s'agira d'édicter et pendant ces débats mêmes, ainsi que le délai référendaire, qui
devra commencer à courir au plus tard le 11 mars 1926, lui donneront la possibilité et l'occasion non seulement de se mettre en rapport avec les autorités compétentes pour présenter ses désirs et poxir les discuter, mais encore de prendre en temps utile une résolution définitive sur l'acceptation du renouvellement de son privilège pour la période de 1927 à 1937.

Etant donnée cette situation juridique de la banque vis-à-vis de la loi du 7 avril 1921, nous nous permettons de vous adresser, eu votre

qualité d'autorité chargée de l'exécution des lois et pour le cas où lèspouvoirs fédéraux auraient l'intention de renouveler le privilège d'émission des billets, la demande formelle de vouloir bien établir alors le contact entre les autorités de la Confédération et la banque, et nous prenons la liberté de relever qu'à notre avis il y aurait intérêt à ce que ces rapports fussent engagés le plus tôt possible, car cela faciliterait sans aucun doute la tâcbe des deux parties.

VI.

En même temps que nous vous communiquons par le présent mémoire la résolution de l'Assemblée générale des actionnaires, que nous recommandons à votre bienveillant examen, nous y joignons le rapport et la proposition du conseil de banque sur le même objet du 5 septembre 1924, ainsi que le rapport adressé à ce conseil sur les dispositions de la loi sur la Banque nationale qui ont trait au renouvellement du privilège d'émission des billets, en vous priant de vouloir bien considérer, ces documents comme parties intégrantes de notre mémoire. »

La décision de l'assemblée générale de la Banque nationale a été prise sous la réserve formelle que le renouvellement du privilège aurait lieu, essentiellement, en conformité des dispositions de la loi actuelle.

Le conseil de banque, dans sa lettre précitée, a développé les motifs de cette réserve et a signalé particulièrement les prescriptionslégales de caractère contractuel établies d'un commun accord entre les deux parties.

Le Conseil fédéral a pu d'autant plus se rallier à l'opinion de la banque que la loi sur la Banque nationale a été soumise à une révision: complète en 1921, après une longue expérience et qu'il n'existe pas de motifs de nature à solliciter une nouvelle revision.

Les propositions des autorités de la banque pour le renouvelle^ ment du privilège sont basées sur les expériences concluantes faites par la Suisse depuis 1907 avec le système actuellement en vigueur de la banque centrale d'émission indépendante. Nous ne pouvons qu'appuyer les motifs invoqués dans la requête du conseil de banque et reconnaissons volontiers que d'une manière générale la Banque nationale a suffi, à sa tâche.

Il y a lieu de faire ressortir ici tout particulièrement que le principe de l'indépendance de la banque centrale d'émission s'est affirmé également pendant la période critique de guerre et d'après-guerre pour le plus grand bien du pays.

753 En considération de toutes les raisons énoncées plus haut, nous ne pouvons que recommander les propositions des autorités de la banque à l'Assemblée fédérale concernant le renouvellement du privilège et nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation le projet d'arrêté fédéral ci-après.

Veuillez agréer, Monsieur le président et Messieurs, l'assurance
Berne, le 10 mars 1925.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, MUSY.

Le vice-chancelier, KAESLIN.

(Projet.)

concernant

le renouvellement à la Banque nationale du droit exclusif d'émettre des billets de banque.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA C O N F É D É R A T I O N S U I S S E , en vertu de l'article 76 de la loi fédérale sur la Banque nationale du 7 avril 1921, vu le message du Conseil fédéral du 10 mars 1925.

arrête : Article unique.

Le privilège de la Banque nationale pour l'émission des billets de banque suivant l'article 75 de la loi fédérale sur la Banque nationale du 7 avril 1921 et venant à échéance le 20 juin 1927 est renouvelé pour une période de dix ans, soit jusqu'au 20 juin 1937.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale tendant à renouveler à la Banque nationale le droit exclusif d'émettre des billets de banque.

(Du 10 mars 1925.)

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Jahr

1925

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Volume Volume Heft

11

Cahier Numero Geschäftsnummer

1943

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

18.03.1925

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741-753

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