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FEUILLE FÉDÉRALE

73e année.

Berne, le 9 mars 1921.

Volume I.

Paraît une fois par semaine. Prix : SO francs par an ; 10 francs pour six mois plus la finance d'abonnement ou de remboursement par la poste.

Insertions : SO centimes la ligne ou son espace : doivent être adressées franco à l'imprimerie K.-J. Wyss Erben, à Berne.

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Message

da Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

l'attitude de la Suisse à l'égard de la résolution de l'Assemblée de la Société des Nations, du 13 décembre 1920, relative à l'établissement d'une Cour Permanente de Justice Internationale.

(Du 1er mars 1921.)

Les efforts faits en vue d'assurer le maintien de la paix entre les Etats par l'établissement d'une juridiction internationale tendirent tout d'abord à imposer aux Etats l'obligation de vider leurs différends par la voie judiciaire. Le juge devait être désigné, de cas en cas, par les parties et faisait ainsi figure d'arbitre. Ce principe n'a pas seulement été mis à la base des traités d'arbitrage actuels et des Conventions de La Haye de 1899 et de 1907 relatives au règlement pacifique des conflits internationaux. Il a prévalu également dans le « droit fédéral » jusqu'en 1848, après avoir toutefois subi une éclipse sous le régime de l'Acte de Médiation. Villes et cantons étaient bien tenus die se soumettre à une procédure arbitrale, mais ils ne choisissaient les juges qu'au fur et à mesure que des différends venaient à les diviser.

A l'instar des Etats-Unis d'Amérique, la Suisse créa, lors de la constitution de l'Etat fédératif, un tribunal fédéral permanent, qui supplanta les tribunaux d'arbitrage que les parties étaient réduites à instituer de litige en litige.

Une cour de justice ainsi prête à remplir en tout temps sa mission ne permet pas seulement de créer une jurisprudence Feuille fédérale. 73° année. Vol. I.

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cohérente et suceptible de contribuer puissamment à l'évolution juridique; elle est moins soumise aux influences politiques et, partant, plus indépendante qu'un tribunal qui n'est érigé par les parties que lorsqu'un conflit est entré dans une phase brûlante. De plus, les tribunaux d'arbitrage se considèrent, dans la règle, comme autorisés à faire, au détriment du droit strict, de larges concessions à l'équité et, par voie de conséquence, au facteur politique. Il n'est pas rare que ces arbitres rendent leurs sentences plutôt à titre de médiateurs qu'en qualité de juges proprement dits. Par contre, on peut attendre d'une cour de justice permanentequ'elle établisse une jurisprudence qui, sans être pour autant marquée au coin d'un rigorisme étroit et sans entraver le libre développement du droit, repose exclusivement sur des principes et des considérations juridiques.

Lors de la première et surtout lors de la seconde Conférence de la Paix de La Haye, de 1907, les Etats-Unis notamment insistèrent, avec beaucoup de force, sur la nécessité d'instituer une Cour de droit international, par opposition à des tribunaux d'arbitrage. Les huit grandes Puissances représentées à la Conférence furent unanimes à approuver cette proposition et les autres Etats s'y rallièrent également à une grande majorité. Cependant, on ne parvint pas à se mettre d'accord sur le texte d'un traité, attendu que, sur les quinze sièges de juge prévus, les grandes Puissances en revendiquaient huit pour elles et que les autres Etats ne voulaient ni ne pouvaient rien sacrifier de leur prétention à être traités sur un pied d'égalité.

Aussi le Conseil fédéral avait-il refusé catégoriquement de s'associer au voeu émis dans l'acte final de la Conférence et suivant lequel les pourparlers devaient être poursuivis en vue de réaliser un accord sur la question de la composition de la Cour. Cette ligne de conduite lui avait été dictée par les réserves très sérieuses que lui paraissait appeler le principedé l'arbitrage obligatoire. Il a exposé depuis, dans son rapport à l'Assemblée fédérale, du 11 décembre 1919*), les motifs pour lesquels il a aujourd'hui une autre opinion.

Lorsqu'au cours des hostilités et notamment dans la dernière phase de la guerre, l'idée fut agitée d'une Société des Nations, c'est-à-dire d'une organisation des Etats fondée
sur le droit, la création d'une cour de justice internationale, armée d'importantes compétences, fut envisagée de toutes*) Voir Feuille fédérale, 1919, tome V, pages 809 et suiv.

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parts comme répondant, sinon à la nécessité la plus impérieuse, du moins à un besoin essentiel. L'avant-projet de Pacte fédéral et de Statut constitutionnel élaboré, en 1918-- 1919, par la commission consultative désignée par le Conseil fédéral, prévoyait un tribunal qui, sans différer dans ses grandes lignes de la cour actuellement projetée, aurait eu pour tâche de statuer, en dernier ressort, sur tous les conflits entre Etats, pour autant que ces différends n'eussent pu être aplanis par une procédure de conciliation ou n'eussent pu, sur une décision rendue par une cour des conflits à la requête d'une des parties, être déférés exceptionnellement aux organes politiques de la Société des Nations (Annexes au message concernant la question de l'accession de la Suisse à la Société des Nations, p. 113 et suiv.).

Lorsque fut connu le premier projet de Pacte de la Société des Nations élaboré par la Conférence de Paris (du 14 février 1919), il provoqua une déception générale à raison du fait qu'il ne prévoyait une juridiction obligatoire ni pour les tribunaux d'arbitrage, ni pour la Cour permanente de justice internationale, dont le plan de création devait être arrêté par le Conseil exécutif. Aussi, comme d'autres Etats neutres, le Conseil fédéral demanda-t-il tant par sa note à la Conférence de la Paix, de mars 1919, que par l'entremise de sa délégation à la Conférence des Neutres, que les bases de l'organisation de la cour de justice fussent déterminées dans le Pacte lui-même et que cette instance judiciaire fût investie de compétences étendues. Comparé à sa teneur primitive, le texte définitif du Pacte de la Société des Nations accuse, sous ce rapport, certaines améliorations; mais il n'a pas subi de modification vraiment essentielle. Lors de la discussion publique sur la Société des Nations, en Suisse comme à l'étranger, on reprocha d'une façon générale aux ,auteurs du Pacte d'avoir · déféré la connaissance des litiges internationaux, non pas à une cour de justice indépendante, mais aux organes politiques de la Société (Conseil ou Assemblée).

Dans le but de hâter et d'encourager la réalisation du programme que renferme l'article 14 du Pacte de la Société des Nations, le gouvernement des Pays-Bas convoqua, en février 1920, une conférence à laquelle prirent part, outre des représentants des Pays-Bas,
des délégués de la Suisse, du Danemark, de la Norvège et de la Suède. Ces pourparlers, auxquels la Suisse était représentée par M. le ministre Carlin et M. le professeur Eugène Huber, aboutirent à l'élabora-

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tion d'un projet, qui devait constituer une source d'information extrêmement précieuse pour les travaux auxquels allait se livrer le comité consultatif des juristes formé par le Conseil de la Société des Nations.

Il semble que les Puissances, qui ont coopéré plus particulièrement à l'élaboration dm Pacte de la Société des Nations, ont reconnu également la nécessité de revêtir l'institution juridictionnelle à créer d'un caractère nettement judiciaire. Dès que la Société des Nations fut constituée, le Conseil s'apprêta, conformément au devoir qui lui en était fait par l'article 14, à soumettre aux Etats membres de la Société le projet de Cour permanente de justice internationale.

En date du 13 février 1920, il décida de convoquer une commission de dix jurisconsultes chargée de lui présenter un avant-projet sur la. matière. Cette commission, dont faisaient partie d'éminents représentants de la science et de la pratique du dn-oit international de Belgique, du Brésil, de France, de Grande-Bretagne, d'Italie, du Japon, des PaysBas, de Norvège et des Etats-Unis1, tint ses séances à La Haye du 16 juin au 24 juillet 1920. Elle parvint à surmonter les obstacles auxquels s'étaient heurtées les tentatives de 1907 et convint à l'unanimité d'un projet de statut de 62 articles, qui fut remis au Conseil. Abstraction faite de la solution donnée à la question des compétences, qui sera examinée plus loin, ce projet correspond, en substance, et dans la plupart des détails, au statut adopté par l'Assemblée de la Société des Nations.

Après avoir décidé, en date du 5 août déjà, de communiquer, à titre provisoire, le projet aux Etats membres de la Société, le Conseil, se fondant, sur un rapport de M. Léon Bourgeois, prit, dans sa séance d,û 27 octobre, officiellement position en faveur du projet et lui donna la forme sous laquelle il a été présenté à l'Assemblée. Le Conseil lui avait apporté une importante modification. L'avant-projet du Comité consultatif de juristes, comme d'ailleurs le projet issu de la Conférence des cinq Etats neutres, stipulait que la Cour internationale de justice devait être d'emblée compétente, c'est-à-dire sans que les parties eussent encore à établir préalablement mi compromis (convention spéciale d'arbitrage), pour tous les différends d'ordre juridique que l'article 13 du Pacte de la Société des Nations déclare, d'une façon générale, susceptibles de solution arbitrale.

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Le Conseil estimait que l'institution d'une juridiction obligatoire constituerait une dérogation au Pacte de la Société des Nations Qui, par son article 12, laisse aux parties le choix de s'entendre pour soumettre leur différend à la procédure de l'arbitrage ou de porter, à la requête d'une seule d'entre elles, le litige devant le Conseil on l'Assemblée (art. 15). Si l'on s'en tient à la lettre même ou à la genèse du Pacte, cette opinion apparaît comme juridiquement fondée*). Le Conseil avait proposé, en conséquence, une rédaction qui consistait en ïin simple renvoi au Pacte et ne prévoyait la compétence immédiate de la Cour, lorsque celleci était saisie d'un litige par une partie, que là où un recours à cette juridiction était garantie par des traités en vigueur.

L'Assemblée de la Société des Nations, à laquelle le Conseil avait transmis le projet en vue d'arrêter définitivement le texte de la convention àe soumettre aux Etats membres de la Société, confia à la 3 commission le soin d'examiner la question. Une sous-commission, dans laquelle la délégation suisse était représentée par M. le professeur Max Huber, passa le projet au crible d'une discussion approfondie et le corrigea sur de nombreux points de détail plus ou moins importants sans toutefois lui apporter, au demeurant, de modifications essentielles. Abstraction faite de l'article 36, alinéa 2, sur l'organisation de la compétence, la commission, réunie en séance plénière, ne fit que quelques retouches au projet et l'Assemblée elle-même se montra encore plus réservée dans ce travail de mise au point. De même que le Conseil, l'Assemblée et sa commission eurent le sentiment très net que le projet diu Comité des juristes de La Haye était le fruit d'un travail long et approfondi ainsi que le résultat d'un compromis difficile à réaliser et que, par conséquent, si l'on voulait aboutir à un accord! rapide et certain, il fallait lui faire snbir le moins de changements possible. Ce qui importait, c'était de créer, dans un avenir rapproché, une Cour de justice internationale, dont les bases fussent acceptables pour tous les membres de la Société des Nations, dussent des points d'importance secondaire ne pas recueillir l'adhésion unanime des Etats: De profondes divergences d'opinion ne surgirent que sur la question de savoir s'il y avait lieu d'attribuer
à la Cour une juridiction générale et sur la méthode qu'il convenait d'adopter pour donner au statut force obligatoire.

*) Voir Feuille fédérale, 1919, tome IV, pages 578 et suiv.

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L'article 14 du Pacte de la Société des Nations dispose : « Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour permanente de justice internationale et de le soumettre aux membres de la Société ». Ce texte a fourni matière à diverses interprétations. La majorité des Etats soutint, et à lion droit, que l'adhésion de l'Assemblée pouvait tenir définitivement lieu d'adhésion pour les membres de la Société, attendu que l'institution de la Cour de justice est admise eu principe par l'article 14 et que, dès lors, l'élaboration du statut doit être envisag-ée comme une question d'organisation interne. Quelques Etats, par contre, inclinèrent à penser qu'il fallait réserver aux membres de la Société des Nations le droit de se prononcer individuellement sur l'adoption de la solution donnée au postulat de l'article 14 du Pacte ou, en d'autres termes, qu'il fallait suivre, en pareil cas, la procédure requise en matière de conventions internationales.

Il est indiscutable qu'un grave danger menacerait l'avenir die la Société des Nations si le principe prévalait jamais que, pour avoir force de loi, les décisions de l'Assemblée dussent encore être ratifiées par les membres de -la Société.

D'un pareil état de choses surgiraient les mêmes, entraves qui ont compromis et par moments complètement paralysé, avant 1848, le développement de notre droit fédéral suisse.

Après de vives discussions dans la commission, discussions dont l'écho parvint jusque dans la réunion pionière de l'Assemblée, une entente fut réalisée sur la base suivante : en premier lieu, la résolution de l'Assemblée relève expressément qu'en raison de la rédaction toute spéciale de l'article 14, il est nécessaire d'obtenir la ratification de chaque Etat.

Il serait inadmissible, dès lors, de conclure que cette manière de procéder constitue un précédent pour d'autres résolutions de l'Assemblée. Ce point a été expressément mis en relief aussi bien par le rapport de la commission que par les déclarations du chef de la délégation suisse dans la séance du 13 décembre. En second lieu, la procédure suivie en matière de conventions se justifie par cette circonstance que les dispositions sur la compétence de la Cour acceptées par les juristes de la Haye ont été réintroduites dans le texte du statut, mais avec cette modalité qu'il est loisible à chaque Etat
d'accepter ces attributions sans réserve, de ne les accepter qu'en partie ou bien aussi de ne point les accepter du tout.

Comme ces compétences ne sauraient être déduites du Pacte de la Société des Nations, elles ne peuvent être établies qu'à

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l'aide d'une convention tant et aussi longtemps que le Pacte n'aura pas fait, sur ce point, l'objet d'une revision.

La convention international«, par laquelle la résolution de l'Assemblée de la Société des Nations, du 13 décembre 1920, relative au statut de la Cour permanente de justice internationale (annexe I au message) doit entrer en vigueur, ne revêt pas la forme extérieure d'un traité, mais n'est qu'un « protocole de signature », dans lequel les Etats signataires déclarent qu'ils reconnaissent, comme Cour permanente de justice internationale (annexe II au message), le tribunal institué en conformité du statut approuvé par l'Assemblée et joint au protocole (annexe IV au message).

Si les Etats acceptent sans réserve on seulement eu partie la disposition facultative de l'article 36, alin. 2, relative à la juridiction obligatoire de la Cour de justice, ils apposeront leur signature au bas d'un second protocole (annexe III au message).

En ce qui concerne l'attitude que l'Assemblée fédérale doit adopter à l'égard de ces deux protocoles, nous renvoyons aux considérations émises au chapitre IV du présent message.

Le protocole n'est pas seulement ouvert à la signature des membres de la Société des Nations. Il l'est aussi à celle des Etats figurant dans l'annexe au Pacte comme membres originaires de la Société. Cette faculté a surtout une importance pour les Etats-Unis d'Amérique, qui sont bien mentionnés à l'annexe, mais qui, pour n'avoir pas ratifié les traités de paix, ne sont pas devenus membre de la Société.

Le protocole reste ouvert aux Etats figurant à l'annexe sans qu'un délai leur soit imparti pour y apposer leur signature.

Le chiffre 3 de la résolution de l'Assemblée, du 13 dét'embre 1920, contient une clause qui, en pratique comme en principe, est d'une portée considérable. Il est dit que le sta.tut de la Cour de justice, «era en vigueur dès qu'il aura été ratifié par la majorité des membres de la Société, sans qu'il soit fait de distinction, à cet égard, entre les Etats à représentation permanente ou occasionnelle au Conseil et les autres Etats. Par sa résolution, qui ne pouvait être prise qu'à l'unanimité des votants, l'Assemblée a décidé qu'un organisme qui n'a été, dans le principe, reconnu que par une simple majorité des Etats, n'en doit pas moins être re-

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gardé comme une institution de la Société des Nations. II s'ensuit que, d'une part, cette dernière est appelée à fonctionner comme collège électoral pour la nomination des juges et que, d'autre part, elle doit supporter les frais de la Cour®) et pourvoir à l'exécution de ses sentences **). Cette juridiction ne trouvera, en revanche, son application que dans les rapports entre Etats qui ont ratifié le protocole et cela aussi bien en ce qui concerne les compétences générales qu'en ce qui concerne les compétences particulières et facultatives de la Cour prévues à l'article 36, alin. 2.

Au moment de la clôture de la première Assemblée de la Société des Nations, la majorité des Etats avait déjà signé le protocole relatif au statut. On s'attend à ce que les ratifications de tous les membres, en tout cas de la majorité des Etats, interviendront assez tôt pour que la deuxième Assemblée de la Société des Nations et le Conseil puissent procéder à l'élection des juges et que la Cour soit ainsi en mesure de remplir sa haute mission.

II

Le statut (annexe IV au message) règle principalement l'organisation (art. 1--33) et la procédure (art. 39--69) de la Cour permanente de justice internationale.

Dans le domaine de l'organisation, une question de haute politique surgit qui est d'une importance décisive : c'est celle de l'égalité ou de l'inégalité des Etats pour la formation de la Cour. Que les grandes Puissances jouissent d'une situation privilégiée dans une itistance de nature foncièrement politique, comme c'est le cas pour le Conseil, cela est compréhensible et correspond bien à la structure même de l'ordre politique; cependant, sur le terrain de la justice, ce n'est pas la puissance politique qui doit tenir lieu de critère, mais seulement l'impartialité et la capacité du juge. Dans sa note à la Conférence de la Paix sur l'institution d'une Société des Nations, le Conseil fédéral avait insisté avec beaucoup de force sur ce point. C'est dans ce sens également que s'était prononcée la délégation suisse au cours de la conférence des cinq Etats neutres.

Il nous est agréable de constater que les principes adoptés pour la constitution de la Cour font droit aux scrupules des Etats qui ne sont pas des grandes Puissances et que le statut présenté par le Conseil et adopté par l'Assemblée Art 33 du statut;.

«Ì Art. 13 du Pacte de la Société des Nations.

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fournit des garanties suffisamment grandes pour n'avoir pas à redouter que l'indépendance de la Cour permanente de justice internationale ait à souffrir d'influences d'ordre politique.

L'établissement des listes de candidats offre déjà des garanties. En effet, les propositions émanent non pas des gouvernements, mais des arbitres désignés .par chaque Etat dans la Cour permanente d'arbitrage de la Haye, créée par la première et la deuxième Conférences de la Paix*)- Ces arbitres sont constitués à cet effet en groupes nationaux particuliers (art. 4 et 5). La procédure ainsi adoptée empêche que l'élection des juges revête un caractère politique.

D'autre part, les Etats, qui, à l'Assemblée ou dans le Conseil, procèdent aux élections, conserveront ainsi une plus grande liberté d'appréciation à l'égard de candidatures qui n'émanent pas des gouvernements eux-mêmes. Grâce à la disposition suivant laquelle aucun groupe national formé par les arbitres de la Cour d'arbitrage de La Haye ne peut présenter plus de quatre personnes, dont deux, au plus, de sa nationalité, le choix devra porter également sur des personnes qui se sont acquis, par delà les frontières de leur propre pays, la confiance de milieux très étendus. L'avantprojet suisse avait déjà préconisé une solution analogue.

L'article 2 dispose expressément que les juges sont élus sans égard à leur nationalité; ils ne sont pas, dans ces conditions, des représentants de leur patrie. D'autre part, la Cour ne peut pas avoir sur le siège plus d'un juge d'une même nationalité (art. 10). Il est à noter à ce propos que tout membre de la Société des Nations, qu'il soit souverain ou non, compte comme un Etat distinct, ayant sa propre nationalité. Quant à la disposition aux termes de laquelle il y a lieu d'avoir égard, dans toute élection, à la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux courants juridiques du monde, elle constitue une nouvelle garantie qu'un esprit par trop exclusif ne présidera pas à la composition de la Cour de justice.

Le système de l'élection des juges est d'une importance sur laquelle on .ne saurait trop insister. La Cour sort d'une désignation de l'Assemblée et du Conseil, qui fonctionnent comme collèges électoraux distincts (art. 8--11). Pour être élu, un candidat doit réunir la majorité absolue des voix dans les deux collèges. Comme, dans l'Assemblée, les Etats *) Voir Recueil officiel,

tome XXVI, pages 296 et suiv.

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qui ne sont pas des grandes Puissances disposent d'une majorité manifeste, et .que, dans le Conseil, par contre, les grandes Puissances possèdent au moins la moitié des voix, il n'est pas à craindre que les grandes Puissances fassent la loi aux Etats petits et moyens et qu'inversement, les petits se coalisent contre les grands. Seule l'existence de la Société des Nations a rendu possible cette solution, qui sauvegarde suffisamment le principe de l'égalité des Etats et conjure, en même temps, le danger que les peuples les plus grands et politiquement les plus importants soient privés d'un représentant et soient peut-être ainsi enclins à pratiquer une certaine politique d'obstruction contre la Cour permanente de justice internationale et, partant, contre la Société des Nations. Le double corps politique dont est constituée cette dernière a permis la formation de collèges électoraux appropriés. C'est ainsi qu'on a pu aboutir à un résultat là où, en 1907, on s'était heurté à des obstacles insurmontables. La preuve est ainsi faite que la Société des Nations facilite l'organisation internationale.

Si, après la troisième séance d'élection, tous les sièges n'ont pas encore été pourvus, il peut être formé une commission médiatrice de six membres nommés par l'Assemblée et le Conseil (art. 12). Il incombe à cette commission défaire des propositions. A cet effet, il lui est loisible, pourvu qu'elle se prononce à l'unanimité, de proposer de nouveaux candidats, qui n'ont pas été présentés par les groupes nationaux de la Cour d'arbitrage de la Haye, mais satisfont néanmoins aux conditions requises par le statut. Si la commission médiatrice est arrivée à la conviction que les sièges disponibles ne peuvent être pourvus par ce moyen, c'est alors aux membres de la Cour déjà nommés qu'échoit la tâche de pourvoir, par cooptation, aux sièges vacants.

Comme la Cour se compose de onze juges titulaires et de quatre juges suppléants, et. que, dans le Conseil, quatre grandes Puissances -- cinq, si les Etats-Unis adhèrent au Pacte -- sont représentées, ces dernières ne réuniront en aucun cas la majorité. Si, plus tard, l'Allemagne et la Russie sont admises dans le sein de la Société et bénéficient d'une représentation permanente au Conseil, il est possible que les onze juges titulaires comptent alors parmi eux une majorité
de ressortissants des grandes Puissances. Mais, abstraction faite de cette circonstance que ces Puissances ne seraient pas, en réalité, représentées comme telles par des personnes de leur choix, la désignation des juges ne peut être faite qu'à la majorité des voix de l'Assemblée. La

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solution à laquelle ou s'est arrêté doit être,' en conséquence, envisagée comme un compromis tout à fait acceptable, par lequel, ainsi que l'a relevé le chef de la délégation suisse dans la séance du 13 septembre 1920, les grandes Puissances ont fait droit, dans un sentiment de justice auquel on doit rendre hommage, au point de vue soutenu par les petits Etats.

Outre les règles admises en matière d'élection, les dispositions suivantes sont encore des cautions de l'indépendance de la Cour : les juges titulaires ne peuvent pas occuper des postes d'un caractère politique ou administratif; par contre, rien ne les empêche d'exercer par exemple des fonctions judiciaires ou académiques. Cette disposition ne s'applique aux juges suppléants que durant le temps qu'ils exercent effectivement leurs fonctions près de la Cour (art. 16); elle n'affecte donc pas la fonction, mais seulement son exercice. Au surplus, il faut considérer que tous les juges, pour autant qu'ils ne sont pas nommés au cours d'une période administrative, sont élus pour 9 ans (art. 13 et 14) et lie peuvent être relevés de leurs fonctions qu'au jugement unanime de leurs collègues (art. 18).

Il est tine question qxii divisa naguère fortement les esprits. Il s'agissait de -savoir s'il convenait, dans un litige déterminé, d'admettre ou d'éliminer des juges relevant des Etats qui se présentent, comme plaideurs, devant la Cour.

La méthode de l'admission ou de l'addition correspond à celle des tribunaux d'arbitrage; celle de l'élimination ou de la soustraction se rapproche davantage de celle d'une véritable institution judiciaire, où un juge peut être récusé par soupçon de partialité. Le Comité consultatif des juristes, s'écartant en cela de l'idée qui avait prévalu à la Coiiférem;e des cinq Neutres, s'était déjà rallié au premier système (art. 31) et le Conseil aussi bien que l'Assemblée ont souscrit également à cette manière de voir. Cette solution comporte certainement plus d'avantages que d'inconvénients. Dans des tribunaux d'arbitrage de cinq ou même de trois juges, la présence sur le siège de juges, qui relèvent de chacune des parties litigantes ou ont été du moins désignés par elles, donne matière à réflexion, car l'élément qui fait véritablement oeuvre de juge, son impartialité ne pouvant absolument pas être suspectée, est trop peu
représenté; mais, dans une cour qui compte neuf juges au minimum, ce danger n'est pas à craindre. D'un autre côté, et du point de vue politique, nne juridiction est d'autant plus acceptable pour les Etats qu'ils sont représentés dans le tribunal lui-même et qu'ils

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peuvent être en da-oit d'admettre que leur conception juridique nationale sera défendue non seulement par des. avocats, mais encore, dans les délibérations de la Cour de justice, jusqu'à la discussion et au libellé de la sentence. Comme le quart à peine des membres de la Société des Nations auront un représentant parmi les onze juges titulaires, il est désirable que tout Etat ait un de ses compatriotes sur le siège chaque fois qu'il plaidera devant la Cour.

La Cour se compose, à l'ordinaire, de onze juges, auxquels viennent s'adjoindre, suivant les circonstances, un ou deux juges ressortissants d'Etats non représentés dans .la Cour. Si les juges empêchés de siéger ne peuvent être remplacés par les quatre juges suppléants, la Cour peut quand même valablement délibérer, à condition que le quorum de neuf soit atteint (art. 25). D'une façon générale, une Cour de justice de neuf ou de onze et même, le cas échéant, de treize juges, est décidément trop nombreuse; un nombre aussi élevé de juges a pour effet de ralentir les travaux et d'augmenter sensiblement les frais de justice. Si les affaires sont nombreuses, chaque juge verra une tâche lui incomber qui dépassera ses forces ou les litiges ne seront plus, de fait, examinés que par chaque rapporteur. La limitation du nombre total des juges à 5 ou à 7 serait politiquement impraticable, parce qu'alors, ce ne seraient plus que les grands Etats qui, en réalité, désigneraient les juges. Par ailleurs, la formation de plusieurs chambres, composées de cinq juges par exemple, serait inconciliable avec cette considération capitale que la Cour ne doit pas être constituée de façon à porter préjudice à l'une ou à l'autre des parties, ce qui pourrait facilement être le cas avec des chambres disposant d'un petit nombre de sièges et ce qui ferait, par surcroît, dégénérer, dans certaines circonstances, Le renvoi d'un litige à l'une ou l'autre chambre en une question purement politique. C'est pour ces motifs que, tant à la Conférence de la Paix qu'à la Conférence des Neutres, la Suisse avait défendu le point de vue que le tribunal devait être réduit dans chaque cas, à l'instar d'une cour d'assises, de quinze à cinq juges ordinaires par voie de récusations opérées par les plaideurs. Ce système garantirait aux parties litigantes des juges capables et impartiaux tout en
maintenant la jurisprudence dans le cadre d'une uniformité tout au moins relative. Peut-être sera-t-il nécessaire de reviser plus tard la convention. Quoiqu'il en soit, tant que la tâche incombant à la Cour ne dépassera pas une certaine mesure, le tribunal

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avec ses onze juges sur le siège pourra demeurer à la hauteur de son travail/et exercer une autorité particulière du fait même que ces décisions émaneront du collège en entier.

Le statut prévoit l'institution de toute une série d'organismes distincts qui ont des missions spéciales. D'abord, la Cour compose annuellement une chambre de trois juges qui est appelée, lorsque les deux parties litigantes le demandent, à expédier les affaires en procédure sommaire (art. 29--30).

Puis, la Cour constitue, pour une période de trois années, deux chambres de cinq juges, dont l'une s'occupera des litiges relatifs au Travail (art. 26); l'autre, des affaires concernant le transit et les communications. Dans les deux chambres, les juges sont assistés de quatre assesseurs techniques. Ces derniers siègent avec voix consultative; ce ne sont donc pas des juges.

Les traités de paix (parties XII et XIII du Traité de Versailles et parties correspondantes des autres traités de paix) confèrent d'importantes compétences à la Cour permanente de justice internationale : ainsi, par exemple, laconnaissance, en dernière instance, des litiges que soulève l'organisation dû Travail, ainsi que la détermination des sanctions d'ordre économique contre les Etats qui ne s'acquittent pas des obligations qu'ils ont assumées dans le domaine du travail. La création de ces chambres spéciales s'est heurtée à une vive opposition qui puisait principalement sa force dans une question de principe, attendu que ce système risquait de compromettre l'unité et l'impartialité de la Cour. On fit cependant valoir, en faveur de l'institution d'une chambre spéciale appelée à statuer sur les litiges relatifs au Travail, que des conflits de cette nature n'affectaient pas seulement les rapports entre les Etats, niais encore atteignaient les deux grands groupes économiques des travailleurs et des patrons, dont les intérêts se trouvent fréquemment en opposition. Dès lors, c'est bien pour ne pas laisser ébranler son autorité que la Cour devait pouvoir consulter, d'une part, des experts spéciaux et, d'autre part, des représentants de ces deux importants groupements du monde économique. Des experts nommés librement par la Cour ne pourraient pas remplir cette mission. Ces arguments ne visent pas, ou visent en tout cas dans une très faible mesure, les conflits
qui ont leur source dans des questions de transit et de communications. Pour concilier ces divergences de vues, les compétences de ces chambres spéciales furent fixées de la façon suivante : ce n'est qu'à la requête des deux parties que les

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chambres composées de cinq juges statueront en lieu et place de la Cour siégeant comme à l'ordinaire. Dans les litiges que suscite le droit du Travail, les assesseurs techniques coopèrent toujours à l'élaboration de la sentence, tandis que, dans les conflits en matière de trafic, ils n'assistent les juges que .si les deux parties en font la demande ou que si la Cour le décide.

Le traitement des juges (art. 32) a été réglé en détail par l'Assemblée. Celle-ci s'est efforcée de tenir compte des critiques qui avaient été formulées de différents côtés en raison des traitements élevés accordés au personnel du Secrétariat général. Il ne lui a pas échappé, toutefois, qu'il serait extrêmement difficile de recruter, sans leur offrir une rémunération assez considérable, des hommes de premier plan, qui sont .absolument indispensables pour donner à la Cour internationale de justice l'autorité dont elle a besoin. Comme le tribunal ne siège pas en permanence, ses membres ne doivent pas non plus être rétribués comme des juges permanents. De plus, comme les juges doivent venir de toutes les parties du globe pour tenir des sessions plus ou moins longues -- d'une durée tout à fait imprévisible à l'heure actuelle -- la plupart d'entre eux, notamment ceux venant de pays d'outre-mer, perdent nécessairement un temps précieux en de longs voyages et sont réduits à abandonner, non sans de graves inconvénients, l'exercice de leurs fonctions ou de leur profession habituelles. Vu le renchérissement actuel de la vie, les chiffres qui ont été admis ne sauraient être taxés d'exagération, surtout si on les ' compare aux échelles de traitement en usage, dans nombre de pays, pour les juges suprêmes et les avocats de premier ordre.

Les traitements annuels et les allocations ont été fixés, en florins hollandais, de la manière suivante : Président (fonction permanente) : Traitement fl.

Allocation spéciale .

.

.

.

15.000 » 45.000 fl. 60.000

Vice-président : Traitement fl.

15.000 Allocation par jour de fonction (fl. 150) (au maximum 200 j o u r s ) . . . » 80.000 (max.)

fl. 45.000 (max.)

319

Juges titulaires : Traitement annuel fl.

Allocation par jour de fonction (fl. 100) (au maximum 200 jours).

.

.

15.000 » 20.000 (max.)

fl. 35.000 (max.)

Juges suppléants : Allocation par jour de fonction (fl. 150) (au maximum 200 jours).

.

. fl.

30.000 (max.)

Les allocations par jour de fonction courent à compter du jour de départ jusqu'au jour de retour du bénéficiaire et une allocation de cinquante florins par jour de séjour est, en outre, attribuée pendant les jours de présence effective au lieu du siège du tribunal (exception faite pour le président qui reçoit un traitement fixe). Les traitements et allocations doivent être libres de tout impôt.

Les autres dispositions du statut relatives à l'organisation et à la procédure se suffisent à elles-mêmes et peuvent, dès lors, se passer de commentaire. Il y a pourtant lieu de relever encore que le transfert du siège de la Cour à la Haye, où se trouve le Palais de la paix qu'Andrew Carnegie a érigé pour la justice internationale, a été salué avec beaucoup de satisfaction par le Conseil fédéral, non seulement parce que la décentralisation d'organes fédéraux est dans la ligne dé la politique suisse, mais encore parce qu'est rétabli ainsi, comme il est juste, le lien qui doit exister entre la Société des Nations, d'une part, et les institutions de La Haye, que la Conférence de Paris avait ignoféss, et les grandes traditions des Pays-Bas dans le domaine du droit des gens, d'autre part (art 22).

La Cour tiendra, chaque année, une session ordinaire, qui commencera le 15 juin et dont la durée dépendra des affaires inscrites au rôle du tribunal.' Elle sera aussi convoquée en session extraordinaire lorsque des litiges, au sens de l'article 12 du Pace de la Société des Nations seront portés devant elle ou simplement lorsque les circonstances l'exigeront.

Les prescriptions relatives à la procédure reposent en partie sur les conventions de La Haye de 1899 et de 1907.

Elles ne contiennent aucune disposition qui pourrait donner lieu à des difficultés d'ordre politique.

320

Le Comité consultatif des juristes de La Haye avait décrété le français langue de la Cour. Mais le Conseil a rétabli l'égalité entre le français et l'anglais à raison du caractère bilingue de la Société des Nations (art. 39).

L'article 41 contient une nouvelle et importante disposition, qui donne à la Cour le pouvoir = d'indiquer les mesures conservatoires du droit de chacune des parties litigantes.

Son texte a été modifié en ce sens qu'il ne s'agit pas seulement, en l'espèce, de simples recommandations, mais encore de véritables instructions adressées aux plaideurs. Celui qui recourt ou se soumet à une procédure judiciaire doit s'en remettre entièrement à la sentence qui clôturera les débats; il n'a donc pas le droit de préjuger la décision qui sera rendue.

Les débats sont publics. C'est le principe. Il ne peut y être déirogé que si les deux parties le demandent ou que si la Cour le décide (art. 46).

III

Outre la question de l'organisation, celle de la compétence de la Cour permanente de justice internationale revêt une importance toute particulière : elle doit d'autant plus retenir l'attention que, suivant les circonstances, à la compétence de la Cour correspond une obligation des Etats d'avoir recours au · juge et, partant, de pourvoir à l'exécution des sentences rendues contre eux.

La compétence de la Cour permanente de justice internationale doit être envisagée sous les aspects suivants : lo Pour quels Etats fait-elle règle ?

2° Comment marquer la limite entre cette compétence et celle d'autres tribunaux ?

3° Quelle est la nature des sentences pour lesquelles elle fait règle ?

4° Est-elle, le cas échéant, établie directement par le seul dépôt d'une plainte émanant d'une des parties ?

5° Pour quelles catégories de litiges existe-t-elle 1 1° La Cour permanente de justice internationale ne connaît que des litiges entre Etats. Ni des particuliers, ni des communautés sans souveraineté politique -- pour autant «qu'elles ne sont pas devenues membres de la Société des Na-

321

tions -- ne peuvent se présenter, comme plaideurs, devant la ·Cour; cette réserve n'enlève pas, bien entendu, à un Etat, comme ce fut jusqu'ici très fréquemment le cas pour les «cours d'arbitrage internationales, la possibilité de faire valoir devant la Cour contre un autre Etat, sur la base d'un titre de droit public international, une réclamation qui a pour origine une prétention d'un de ses nationaux (par -exemple, une demande en dommages-intérêts à raison d'un acte commis par un Etat en violation d'un traité ou d'une prescription du droit des gens). Mais, du point de vue formel, il ne- s'agit toujours que de litiges entre Etats (art. 34).

La Cour permanente de justice internationale est, en première ligne, ouverte aux membres de la Société des Nations; à ces derniers sont assimilés d'autres Etats qui sont désignés dans l'annexe au Pacte de la Société des Nations ·et parmi lesquels figurent tout particulièrement les EtatsUnis d'Amérique. Il est loisible à ces Etats de déférer à la Cour tous les litiges de nature internationale qui surgissent «ntre eux, c'est-à-dire qui existent entre eux en tant qu'Etats, soit par la voie d'accords conclus dans chaque cas particulier, soit sur la base de traités d'arbitrage généraux, soit enfin, et surtout, en conformité du deuxième alinéa de l'article 36 du statut.

Les Etats faisant .partie de la Société des Nations sont pour la plupart signataires des différents traités de paix ainsi que des conventions spéciales complétant ces traités, «11 particulier, des traités destinés à assurer la protection des minorités ethniques et religieuses. Or, ces traités imposent aux parties contractantes l'obligation de recourir à la juridiction de la. Cour permanente de justice internationale dans toute une série de cas déterminés. La même observation peut être faite pour les Etats membres de la Société qui, s'ils ne sont pas signataires des traités en question, ont néanmoins adhéré à certaines de leurs dispositions, notamment à la partie XIII (organisation du Travail) et ont ainsi accepté, pour des cas donnés, la juridiction de la Cour de justice.

Il n'en est pas moins vrai qu'un Etat qui, conformément à la résolution de l'Assemblée de la Société des Nations, du 13 décembre 1920, est invité à ratifier le protocole relatif au statut, n'est pas soumis à cette juridiction
tant et aussi longtemps qu'il n'a pas fait acte de ratification. Il ne le sera pas non plus si, en vertu même de la résolution du 13 décembre, le statut est entré en vigueur ensuite de sa ratification par La majorité des membres de la Société. Dans ces Feuille fédérale. 73e année. Vol. I.

25

322

circonstances, pour autant toutefois qu'il n'existe pas de juridiction obligatoire pour les deux parties, et en attendant que la Cour permanente de justice soit à même d'entrer en action, la connaissance des litiges est dévolue exclusivement aux tribunaux d'arbitrage formés d'affaire en affaire et institués aussi bien par l'article 40 du statut de l'Organisation internationale du Travail (art. 426 du Traité de Versailles) que par la résolution de l'Assemblée de la Société des Nations, du 9 décembre 1920, concernant les différends relatifs aux communications et au transit.

La Cour est encore ouverte à d'autres Etats que ceux qui ont été invités à signer le protocole, ainsi aux Etats signataires des traités de paix qui ne sont pas désignés dans l'annexe au Pacte de la Société des Nations; dans ce cas.,, et pourvu que certaines conditions se trouvent remplies, la Cour a de plein droit compétence à teneur même des traités de paix, notamment des parties XII et XIII du Traité de Versailles et des parties correspondantes des autres traités.

Le statut ayant été façonné en quelque sorte à l'aune dèsmembres de la Société des Nations, des difficultés d'interprétation pourront surgir par rapport à d'autres Etats étrangers à la Société. Il y a donc lieu de déterminer comment ces dispositions s'appliquent, par voie d'analogie, à ces derniers. Ces difficultés pourront se présenter aussi bien vis-àvis d'Etats auxquels la Cour est accessible d'une manière générale que vis-à-vis d'Etats auxquels elle ne sera ouverteque d'affaire en affaire. A ce propos, et à la demande de ladélégation suisse, il a été décidé de la façon la plus expresse que, dans chaque cas et dans toutes les circonstances, tous les Etats seront investis, comme plaideurs, de droits absolument identiques. Ne fût-elle qu'apparente, la moindre possibilité de restreindre les droits dévolus aux parties au préjudice d'Etats n'appartenant pas à la Société des Nations et obligés de recourir, le cas 'échéant, à la juridiction de la Cour permanente de justice internationale, porterait Tin coup extrêmement sensible à l'autorité de cette dernière.

C'est sous cette importante réserve que le Conseil a. la compétence et a été chargé de régler les conditions auxquelles la Cour est ouverte aux Etats restés en dehors de la Société.

Toutefois, la contribution aux frais de la Cour que ces Etats, auront à supporter sera fixée par le tribunal lui-même (art. 35).

323

2o La Cour permanente die justice internationale n'est investie d'une compétence qui prime celle de tout autre tribunal que dans le cas où sa juridiction obligatoire est expressément reconnue par les traités die paix, par les traités dits des minorités ainsi que par d'autres conventions. Il y a lieu d'admettre ,que les traités conclus sous les auspices de la Société des Nations réserveront également la compétence de la Cour pour tous les litiges qui pourraient résulter de leur application. Comme la convention relative à la circulation aérienne, du 13 octobre 1919 (art. 37), les projets de conventions sur la liberté du transit (art. 15 et 16), sur le régime international des voies navigables (art. 19 et 20), sur le régime international des voies ferrées (art. 11 et 12), ainsi que la résolution concernant l'organisation internationale des ports (art. 16), sur lesquels délibérera, en mars, une conférence des membres de la Société des Nations réunie à Barcelone, admettent la compétence de la Cour permanente de justice internationale.

Mais les Etats faisant partie de la Société des Nations -- le cas échéant d'autres Etats aussi -- ont toute liberté de porter leurs litiges devant d'autres cours de justice. L'article premier du statut ne laisse subsister aucun doute à cet égard. La troisième commission de l'Assemblée a repoussé une proposition tendant à la suppression d!e la Cour permanente d'arbitrage de La Haye créée en 1899 et a fait observer à cet égard, dans son rapport, que si des traités d'arbitrage stipulent, comme c'est généralement le cas pour ceux qui sont actuellement en vigueur, que le tribunal doit être constitué d'affaire en affaire, nul ne saurait exiger que le litige fût déféré à la Cour permanente de justice internationale.

La position juridique des parties contractantes reste ainsi indemne.

3° On a voulu que la Cour permanente de justice internationale agisse comme une véritable cour de justice, c'est-àdire comme un tribunal, qui dit droit selon des principes juridiques et non pas comme un prétoire qui apaise des différends en s'inspirant de motifs tirés de l'opportunité politique. L'article 38 du statut énumère les normes juridiques d'après lesquelles la Cour doit juger : droit dérivant des conventions internationales, coutume internationale et principes généraux du droit dont force
sera, dans de très nombreux cas, de faire application à raison même des lacunes que décèle le droit des gens. Les décisions judiciaires et la doctrine sont expressément indiquées comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

324

Le même article 38, en son dernier alinéa, autorise cependant la Cour de justice, si les deux parties y consentent, à statuer ex aeq-uo et bono, c'est-à-dire à s'écarter complètement ou dans une mesure relative de la règle de droit pour ne s'attacher qu'à des considérations d'équité et d'opportunité; Par cette disposition on a voulu donner avant tout aux plaideurs la possibilité d'aboutir à un compromis qui, tout en conservant la forme d'un véritable jugement, s'étayerait sur des considérations admissibles pour les deux parties. Mais il se peut aussi que les parties confèrent d'emblée pleins pouvoirs à la Cour pour faire reposer sa sentence sur des considérants d'où l'élément juridique serait absent. C'est pour cette raison que des litiges d'ordre purement politique peuvent également être soumis à la Cour afin de provoquer une solution définitive et obligatoire pour les parties. Une compétence de cette nature doit toutefois être établie en termes exprès; elle ne saurait, en aucun cas, être déduite de la simple reconnaissance de la juridiction spécifiée à l'article 36, alinéa 2.

En ce qui concerne les dispositions se rapportant à l'organisation internationale du Travail (art. 418 du Traité do Versailles), les traités de paix confèrent à la Cour permanente de justice internationale la compétence de fixer des sanctions en cas de violation des engagements résultant d'une convention. On rencontre également des dispositions analogues dans la partie XII du traité susmentionné ainsi que dans les projete de conventions relatives au transit et aux communications (voir page 18). Cette compétence ne revêt pas un caractère purement juridictionnel, mais la Cour en est néanmoins investie en vertu de clauses conventionnelles expresses.

Des propositions, tendant à conférer aux gouvernements des Etats membres de la Société et aux organes de l'organisation internationale du Travail le droit de demander des avis à la Cour, n'ont pas été accueillies favorablement par la troisième cornmission. Seuls l'Assemblée et le Conseil dispensent 'd'un droit de cette nature; ils d'oivent en être investis parce que les litiges, soumis à leur décision conformément à l'article 15 du Pacte, les mettront, de temps ù autre, clans la nécessité de trancher des problèmes d'ordre juridique. C'est si vrai qu'à l'occasion de la première
contestation dont le Conseil a dû se saisir en conformité de l'article 15, celle ayant trait aux Iles d'Aala,nd, le besoin s'est déjà fait sentir de demander un préavis juridique.

325

4° Aux termes de la Convention de la Haye de 1899 ou de 1907 relative au règlement pacifique des conflits internationaux (art. 31 ou 52), les parties en litige arrêtent, dans chaque cas et même si elles sont liées par un traité d'arbitrage à portée générale, les termes d'une convention spéciale (compromis), dans laquelle elles déterminent, d'une part, tous les points soulevés par l'installation du tribunal et, d'autre part, les points sur lesquels devra porter la sentence arbitrale. Là où n'existe pas de tribunal permanent, cette procédure est inévitable. Elle offre, du point de vue politique, l'avantage de donner aux deux parties litigantes l'apparence de s'être soumises volontairement à la décision du tribunal sur toutes les questions dont ce dernier a été saisi; elle ménage ainsi les susceptibilités des gouvernements et des Etats intéressés. Elle est, par contre, la source de retards et de complications .quand bien même la partie défenderesse reconnaît, en principe, l'obligation de recourir à l'arbitrage. C'est pour ce motif qu'on s'est efforcé de vaincre les difficultés inhérentes à la conclusion d'un compromis, soit en réglant à l'avance, dans des traités d'arbitrage spéciaux, la plupart des points qui devaient faire ordinairement l'objet d'un accord préalable, soit en chargeant, à défaut d'entente, une instance particulière du soin d'établir le compromis (Convention de La Haye de 1907, art.

53 et 54) °). On peut dire toutefois, d'une façon générale, que cette nouvelle procédure n'a pas non plus procuré de solutions ayant le mérite de la simplicité.

L'existence de la Cour permanente de justice internationale a créé, en ce domaine, une situation tout à fait différente. Le Comité consultatif des juristes de la Haye en a tiré immédiatement les conséquences et les articles 33--35 de son projet donnaient compétence à la Cour, à la simple demande d'une des parties litigantes, pour tous les différends d'ordre juridique mentionnés à l'article 13 du Pacte de la Société des Nations. Le tribunal, dont la composition et la procédure ont été soigneusement déterminées par ]e statut, est toujours prêt à se saisir d'une affaire et à statuer sur les réclamations formulées par les parties. De la sorte, le principe partout admis en matière de procédure civile, que le procès se lie sur l'initiative d'une seule
partie, a passé dans le domaine du litige international.

*) Voir Recueil officiel, tome XXVI, page 302. -- La Suisse a exclu l'art. 53, chiffre 2 de la ratification.

326

A part quelques modifications de peu d'importance, cette règle figure actuellement, sous forme de disposition facultative, dans l'article 36, alinéa 2, du statut. Dans les limites où il accepte la juridiction qui est précisée par le susdit article, un Etat reconnaît que la partie demanderesse peut introduire la procédure devant la Cour avec tous les effets qui en découlent. Il s'ensuit que le tribunal peut statuer même si la partie défenderesse ne se présente pas (art. 53).

Au surplus, cette question doit être résolue d'après la lettre et l'esprit des traités dont se prévaut un Etat pour porter un litige devant la Cour de justice internationale.

S'il s'agit de traités d'arbitrage conçus dans la forme qu'ils ont revêtue ordinairement jusqu'ici, les parties doivent nécessairement élaborer encore un compromis destiné à fixer la compétence de la Cour permanente de justice internationale. En ce qui concerne les dispositions des traités de paix et d'autres arrangements conclus depuis la naissance de la Société des Nations, dispositions qui renvoient à la Cour permanente de justice ou, ce qui revient au même, à la juridiction à établir par la Société des Nations, le problème n'est pas tranché par les conventions dont il s'agit dans une forme aussi catégorique que celle de l'article 36, alin. 2. La sous-commission de la troisième commission a soutenu, dans son rapport à cette dernière ainsi qu'à l'Assemblée de la, Société des Nations, le point de vue, qui n'a du reste pas été combattu, qu'il n'était pas besoin, dans ce cas également, d'une entente spéciale. Même si l'on fait abstraction du fait que l'article 53 (procédure en cas de défaut d'une des parties) renvoie à l'article 37 (juridiction attribuée à la Société des Nations en vertu de traités), il faut considérer qu'avec l'organisation judiciaire actuelle, un compromis n'est plus nécessaire et qu'il était sans conteste dans l'intention des parties contractantes d'établir une juridiction qui offrît toute sécurité et fonctionnât avec toute la célérité voulue. Cela explique pourquoi ces traités ne font allusion ni à un compromis, ni, d'uïie façon générale, à des institutions relevant d'une procédure d'arbitrage proprement dite.

5° Parmi les attributions de la Cour, le point le plus important est celui de la compétence ratione materice, car il implique
la détermination des litiges ou, mieux, des catégories de litiges pour lesquelles la compétence de la Cour est établie dans les conditions que nous avons examinées sous chiffre 1--4.

327

Bien que le Conseil eût élagué du projet du Comité dea juristes de La Haye les dispositions relatives à la juridiction obligatoire de la Cour de justice, c'est sur cette question
Les conceptions qui se trouvèrent aux prises à Genève furent, en substance, les mêmes que celles qui, en 1907, se firent jour à La Haye, lorsque la deuxième Conférence de la Paix s'occupa de l'élaboration d'une convention universelle sur l'arbitrage obligatoire. Il faut dire qu'entre temps, quelques Etats avaient modifié leur point dé vue, soit qu'ils se fussent ralliés en fin de compte au système de l'obligation, soit qu'ils eussent jugé préférable, au contraire, de revenir au système de la liberté. Deux principes opposés et en quelque sorte extrêmes se disputèrent tout particulièrement le terrain. D'après l'un, la juridiction ne peut être établie que par voie de conventions entre Etats et doit demeurer ainsi purement facultative, de sorte qu'il faut renoncer à une réglementation uniforme de la compétence du tribunal. Selon l'autre, au contraire, il convient avant tout de s'attacher ù instituer
une juridiction uniforme d'ans le but d'investir la Cour de justice internationale de compétences comparables à celles dont sont armés les tribunaux nationaux. Le premier système, que soutenaient la minorité et le Conseil, a l'avantage d'offrir aux Etats la possibilité de régler cette

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question juridictionnelle, soit d'affaire en affaire, soit par des conventions d'arbitrage générales, en prenant conseil de.« circonstances particulières et en tenant compte des conceptions propres à chaque Etat. Mais les faits sont là pour démontrer qu'en dépit de l'impulsion très forte que les deux Conférences de La Haye ont imprimé au mouvement eu faveur de la juridiction arbitrale, cette idée, après avoir quelque temps progressé, s'est de nouveau chaque fois figuedans une immobilité complète et que le nombre des traités d'arbitrage qui ont vu le jour est relativement peu élevé.

La majeure partie de ces conventions a été conclue par les Etats-Unis et l'Espagne, qui, sur les 112 traités d'arbitrage en vigueur en 1913, en avaient passé chacun 21. La plupart des Puissances n'ont conclu qu'en très petit nombre de ces conventions ; plusieurs n'en ont même pas conclu du tout.

Ces traités -- ainsi ceux auxquels la Suisse est partie -- n'imposent généralement aux Etats que des obligations très limitées et condìtionnelLes à cause de la réserve dite de l'honneur et de l'indépendance. Si les 48 Etats de la Société des Nations voulaient se soumettre à la juridiction obligatoire par la conclusion de traités spéciaux, il ne faudrait pas moins de 1128 conventions. Or, il est absolument impossible d'imaginer un instant qu'une forte fraction de ces traités puissent jamais être conclus et être simultanément en vigueur.

Quant au système de la juridiction uniforme, qui est rationnellement le plus juste et auquel s'était ralliée la majorité des membres, il ne pouvait prendre corps avec la réalité que sur la base d'une décision unanime des Etats ou moyennant une revision du Pacte de la Société des Nations, revision qui, de son côté, présuppose tout au moins l'unanimité des Etats représentés au Conseil. Or, à supposer que l'une et l'autre des thèses en présence n'eussent pas été juridiquement et politiquement condamnées sans rémission par le refus péremptoire de certaines Puissances de reconnaître, pour le moment, une juridiction obligatoire générale, on n'aurait pu réaliser qu'une juridiction uniforme limitée et conditionnelle et cela même entre les Etats qui se sont montrés favorables au principe lui-même. Le projet de La Haye, qui avait rallié, en 1907, une majorité des trois quarts des votants, était aussi,
au fond, assez anodin.

En raison des inconvénients et des difficultés inhérents à l'un et à l'autre de ces systèmes, la délégation suisse à la, deuxième Conférence de la Paix avait déjà fait une proposi-

329

tion tendant à adopter une solution intermédiaire, qui amalgamait le principe de l'organisation collective uniforme avec le caractère facultatif an recours au juge. Aux termes de cette suggestion, la convention générale aurait déterminé les matières susceptibles d'être soumises à l'arbitrage obligatoire. Après avoir fait librement leur choix, les Etats auraient notifié, par une déclaration unilatérale, les catégories de différends pour lesquelles ils se seraient obligés, sous réserve de réciprocité, à recourir à la juridiction arbitrale. Dès que deux ou plusieurs Etats eussent fait des notifications analogues quant aux matières propres, à leur sens, à être soumises obligatoirement à l'arbitrage, un rapport contractuel se fût établi automatiquement entre eux. Un traité collectif, dépourvu à l'origine de toute force obligatoire, aurait été conclu et n'aurait lié \\n Etat que dès l'instant où il aurait fait sa déclaration d'adhésion et pour, autant que d'autres signataires eussent déjà procédé de même.

Cette solution avait été repoussée parles deux défenseurs des deux thèses extrêmes. Ce qu'elle contenait d'essentiel fut néanmoins incorporé au projet de la majorité et sombra finalement avec ce dernier.

Le Conseil fédéral avait chargé la délégation suisse à l'Assemblée de là Société des Nations de tenter de faire prévaloir le principe de l'arbitrage obligatoire tout au moins à l'aide d'une convention collective conclue dans le cadre de la Société des Nations s'il s'avérait impossible d'aboutir à ce résultat par une réglementation uniforme et applicableenvers et contre tous. Mais ce projet Se heurta à une pierre d'achoppement dans Le fait que l'Assemblée était déjà partrop accablée de besogne pour pouvoir ouvrir des débats spéciaux sur cette matière et il résulta, d'autre part, de conversations personnelles et préliminaires que des divergences «le vues difficiles à concilier s'étaient également manifestées parmi les partisans déclarés de l'arbitrage obligatoire au sujet du champ d'action dans lequel il convenait de circonscrire la juridiction.

Dans ces circonstances, la délégation suisse saisit l'occasion, qui lui était fournie par la réintroduction dans le statut de l'article sur la compétence de la Cour, pour se prononcer en faveur d'une réglementation de la juridiction obligatoire fondée sur le principe de la réciprocité et faisant les plus larges concessions possible aux différents points de vue soutenus par les Etats. Ce but a été atteint.

-330

A teneur de l'article 36, alinéas 2 et 3, les membres de la.

Société des Nations, comme aussi les Etats invités à signer le protocole du statut, peuvent, soit lors de la signature ou de la ratification du dit protocole, soit à toute époque ultérieure, accepter la juridiction obligatoire et directe de la Cour permanente de justice internationale. Ils auront à spécifier les conditions auxquelles ils accordent, sous réserve de réciprocité, à d'autres Etats appelés à signer le protocole le droit de soumettre un litige pendant entre eux à la Décision de la Cour, sans qu'il soit nécessaire de conclure, su préalable, un accord spécial (compromis).

Ces conditions peuvent viser : «. la nature des litiges (ratione materice); ì>, Y individualisation des Etats envers lesquels existe l'obligation de recourir à la juridiction (ratione personoe) ; ·c. la 'durée de cette obligation (ratione temporis).

a. En ce qui concerne tout d'abord la nature des conflits, "il y a lieu de considérer avant tout que la Cour de justice -«l'est compétente que pour les différends d'ordre juridique, ·c'est-à-dire pour des litiges qui sont considérés, à teneur de l'article 13 du Pacte "de la Société des Nations, comme étant ·susceptibles de solution arbitrale et sont qualifiés de « justiciables » dans la terminologie juridique anglo-américaine.

ÏJn conflit, ayant pour origine des revendications d'ordre ·politique qui s'étayeraient non pas sur des normes juridiques, mais seulement sur des considérations d'opportunité fictives ou réelles, ne relève absolument pas, à moins que les parties n'en conviennent, expressément, de la Cour permanente de justice internationale. La question préjudicielle de savoir si un litige revêt bien un caractère juridique est tranchée par la Cour.

L'article 36, alinéa 2, du statut, en harmonie parfaite avec l'article 13 du. Pacte de la Société des Nations, distingue, parmi les conflits d'ordre juridique, quatre catégoïies de litiges, qui, à vrai dire, embrassent tous les difféj'ciids de nature juridique, à savoir les litiges ayant pour objet : a. l'interprétation d'un traité; ß. tout point de droit international; y. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement international; <$. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international.

331

Un Etat reste · libre de reconnaître la compétence de la Cour pour ces quatre catégories de litiges ou seulement pour quelques-unes d'entre elles. C'est la catégorie indiquée sous lettre ß qui a, de loin, la plus grande importance.

&. Cette faculté de choix peut aussi s'exercer à l'égard des Etats. Sauf déclaration contraire, la compétence ratione materioe reconnue à la Cour vaut envers tous les Etats. Mais il est loisible de limiter la juridiction obligatoire à un ou à plusieurs Etats désignés nominativement ou de poser la condition qu'un nombre minimum d'Etats, ou que, dans CP nombre minimum, certains Etats déterminés adhèrent également, et dans la même mesure, à la clause de la juridiction obligatoire.

c. L'obligation du recours au juge peut être aussi restreinte quant à sa durée. Mais, si un Etat ne l'assumait que pour un laps de temps très bref dans le seul but d'être fondé à porter, comme demandeur, un litige devant la Cour, elle devrait, parce que constituant un abus de droit manifeste, être déclarée nulle et non avenue.

On peut enfin se demander si d'autres conditions pourraient 'encore être stipulées; si, pour citer un ca»s concret, l'on serait en droit d'établir des distinctions parmi les quatre groupes de litiges, ainsi par exemple de n'admettre, sous lettre «, que des différends résultant de l'interprétation de certaines catégories de traités. Serait-il aussi admissible d'exiger, entre autres, l'ouverture préalable d'une procédure de conciliation déterminée ou d'exciper, sous forme de question préjudicielle, de la réserve de l'honneur et de l'indépendance ? Si l'on s'en tenait à la lettre même de l'article 36, alinéa 3, on inclinerait à répondre par la négative. Quoi qu'il en soit, des conditions spéciales de cette nature ne sortiraient pas sans autre des effets juridiques à l'encontre d'autres .Etats. En revanche, rien ne s'oppose à ce que les signataires dai protocole concernant l'article 36 concluent entre e/iix des conventions destinées à déterminer avec plus de précision ou à modifier, dans leurs propres relations, la portée des engagements qu'ils aui*aient assumés en signant le protocole. Il n'est même pas impossible qu'après avoir réglé d'une façon spéciale la juridiction qui fera règle dans ses rapports avec des Etats ayant pour lui une importance toute particulière, par
exemple des Etats limitrophes, un Etat se. contente d'accepter purement et simplement, dans ses rapports avec les autres Etats, la juridiction obligatoire prévue par l'article 36, alinéa 2.

382

Quant à la question de savoir si, dans un cas donné, la Cour permanente de justice internationale a qualité pour statuer, elle est tranchée par la Cour elle-même. Cela résulte de l'essence même de la juridiction obligatoire, tout au moins lorsque l'activité du tribunal n'est pas subordonnée à l'établissement préalable d'un compromis. Le dernier alinéa de l'article 36 énonce ce principe d'une manière tout à fait générale; mais il s'applique tout particulièrement aux contestations dont la source se trouve dans la portée à donner à la juridiction obligatoire spécifiée par l'article 36, alinéas 2 et 3.

Il est indispensable que le dépôt de la plainte ait eu pour prologue des négociations diplomatiques restées infructueuses. Encore qu'on ne l'ait pas relevé expressément, c'est une condition sine qua non de l'ouverture de la procédure devant la Cour. Le principe est d'ailleurs clairement posé par l'article 13 du Pacte de la Société des Nations et il domine l'administration de la justice au sein de la Société. Si un Etat saisissait la Cour sans que des pourparlers eussent été entamés auparavant entre les parties, l'Etat défendeur pourrait toujours exciper d'une exception d'incompétence, dont l'effet serait d'enrayer temporairement le cours de la procédure.

En conformité des instructions qu'elle avait reçues du Conseil fédéral, la délégation suisse a signé le premier protocole concernant la Cour de justice et elle a signé le second, relatif à la clause facultative de la juridiction obligatoire, en reconnaissant cette juridiction pour toutes les catégories de différends d'ordre juridique énumérées à l'article 36, alin. 2, et vis-à-vis de tous les autres signataires du protocole, tout en limitant cette obligation à une durée de cinq ans.

En ce qui concerne le premier protocole, sa ratification ne peut pas avoir pour effet de créer de nouvelles obligalions, attendu qu'une juridiction obligatoire ne subsiste visà-vis de la Suisse que dans la mesure où celle-ci a déjà reconnu ou reconnaîtra, dans des traités, l'institution juridictionnelle de la Société des Nations (art. 33 et 34 du statut de l'organisation internationale du Travail, art. 419 et 420 du Traité de Versailles). Le principe contenu dans l'article 14 du Pacte tivant déjà été formellement admis, les membres de la Société des Nations sont tenus moralement d'adopter le statut d'organisation de la Cour de justice, qui a recueilli les suffrages unanimes de l'Assemblée de la Société, pour autant

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-- ce qui est bien le cas ici -- que l'organisation de la Cour réponde aux principes d'une justice saine et impartiale et fasse droit aux exigences politiques justifiées des Etats.

Par contre, la signature du second protocole relatif à la juridiction obligatoire demande à être examinée de plus près. Dans son rapport du 11 décembre 1919, le Conseil fédéral a déjà exposé les motifs pour lesquels il avait cru devoir se départir des principes dont il s'était autrefois inspiré et pour lesquels il considère, désormais, comme indiqué de conclure des traités d'arbitrage aussi généraux que possible, et de renoncer, s'il le faut, à la réserve dite de l'honneur et de l'indépendance. Mais l'obligation qui résulte de la ratification du deuxième protocole est d'une portée particulière, car, d'une part, elle implique la reconnaissance d'une juridiction obligatoire générale et inconditionnelle pour tous les litiges d'ordre juridique et, d'autre part, elle est assumée, sous réserve de réciprocité, à l'égard de tous les membres âe la Société des Nations ainsi qu'à l'égard des Etats qui ne font pas partie de la Société, mais sont désignés dans l'annexe au Pacte.

Si, malgré les critiques qui furent formulées contre les stipulations par trop étendues des traités d'arbitrage lors de la discussion par les Chambres fédérales du rapport déjà cité du 11 décembre 1919, le Conseil fédéral a signé néanmoins le protocole de la juridiction obligatoire et demande aujourd'hui aux Conseils législatifs d'approuver son attitude, c'est que los arguments suivants lui ont paru sans réplique.

Partisans et adversaires de la Société des Nations ont manifesté leur désappointement de ne point trouver dans le Pacte une juridiction obligatoire pour les conflits internationaux. Les partisans relèvent l'insuffisance manifeste de l'article 14, qui ne contenait, à vrai dire, qu'une simple promesse et se bornait à renvoyer à une Cour de justice, qui était encore à créer de toutes pièces. De leur côté, les adversaires virent dans cette disposition la preuve de l'incapacité et du manque de sincérité des auteurs du Pacte. Au surplus, l'attitude de certains Etats qui, lors de la première Assemblée de la Société des Nations, s'opposèrent à l'institution d'une juridiction obligatoire, fut vivement et même âprement combattue tant au sein des commissions
que dans la séance de l'Assemblée, du 5 décembre. L'idée s'est emparée de la conscience du monde actuel que l'institution d'une justice internationale réalise le moyen le plus efficace

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de maintenir la paix et constitue la garantie la plus précieuse en faveur du triomphe du droit sur la politique de la force. Ce sentiment s'est manifesté non seulement dans les Etats du nouveau monde, mais encore dans les pays d'Europe, dont les conceptions et conditions politiques ont plus d'un point de commun avec nous. Si des divergences de vues se font encore jour à l'heure actuelle, ce n'est pas le principe de la juridiction obligatoire qui les suscite, mais bien la détermination du moment le plus propice à sa réalisation et des limites dans lesquelles il conviendrait pratiquement de le circonscrire. Personne ne pourrait s'attaquer à l'idée même qui en forme l'essence sans blesser la conscience juridique des nations qui s'attachent aujourd'hui à reconstruire le monde sur des bases nouvelles.

L'institution de la Cour permanente de justice internationale marque un progrès considérable qui n'avait pu être réalisé jusqu'à ce jour. Or, l'opinion publique aurait peine à s'imaginer un tribunal dépourvu d'une juridiction obligatoire limitée ou générale. Il importe, en conséquence, de l'investir, ce tribunal, d'une compétence qui échappe à l'arbitraire des Etats en litige, de lui témoigner, non seulement par des paroles, mais encore par des actes, la confiance qui est indispensable à son autorité et, enfin, de s'engager résolument dans la voie qui ouvrira au droit international la possibilité de gagner en homogénéité et en clarté sans s'arrêter dans son évolution. Aussi bien, nous considérons -- et confirmons ainsi ce que nous disions déjà dans notre message du 4 août -- qu'il est du devoir de la Suisse de ne pas demeurer inactive, à cet égard, dans le domaine de lapolitique internationale. La critique que nous pouvons exercer contre la Société des Nations sera dépourvue de toute valeur si, dans la mesure où il nous est donné de le faire, nous ne contribuons pas, de toutes nos forces, à améliorer ce ,qui aujourd'hui peut être amélioré. Nous lie voulons pas sacrifier ce qui est bon, c'est-à-dire l'établissement provisoire d'une juridiction entre les Etats qui croiront devoir s'y soumettre, à ce que nous voyons de meilleur dans une organisation générale et uniforme. Aussi bien, la solution, que nous préconisons renferme le maximum, de ce qui est actuellement réalisable et offre le moyen de faciliter le
développement de la juridiction internationale dans une mesure beaucoup plus grande que les Conventions de la Haye et les traités d'arbitrage. Tout bien considéré, il vaut la peine de faire sérieusement cette tentative. Le résultat ob-

385tenu nous permettra de juger si, et dans quelle mesure, if existe effectivement dans le monde une volonté d'instaurer une juridiction obligatoire et universelle. Dans le discours de clôture qu'il prononça, le 18 décembre, à la première Assemblée de la Société des Nations, le chef de la délégationi suisse a défini, dans les termes suivants, le but élevé que flous poursuivons par la reconnaissance de la juridiction obligatoire : « En signant après le Portugal et avec le Danemark la déclaration relative à la juridiction obligatoire de la Cour' permanente de justice, la Suisse proclame, par là, à la face de l'Univers son idéal de paix et sa confiance dans la forceimmortelle du droit, raison d'être principale -de la. Sociétédés Nations ».

Si la Suisse veut se ranger à ce point de vue, elle ne peut le faire que par une déclaration sincère et sans réticences, constatant qu'elle reconnaît, sous réserve de réciprocité, et vis-à-vis de tous les Etats, la juridiction obligatoire' pour tous les différends d'ordre juridique mentionnés à l'article 36. A la lumière des principes qui nous ont guidés dans l'examen de ce problème, l'idée de faire un choix entre les différentes catégories de litiges apparaîtrait nécessairement comme mesquine. D'un autre côté, ce serait une tâche particulièrement embarrassante pour la Suisse que d'établir entre les Etats une distinction, qui d'ailleurs ne se justifierait point. Une limitation dans le temps est évidemment de toute nécessité, puisque la faculté de se retirer à tout moment rendrait la déclaration nulle et die nul effet et qu'inversement, un acte excluant toute possibilité de dénonciation serait inacceptable. Dans ces circonstances, le Conseil fédéral a envisagé un engagement s'étendant sur une période dficinq ans, ce laps de temps coïncidant avec la durée de la.

plupart des conventions d'arbitrage conclues par la Suisse.

La Suisse ne veut poursuivre ni une politique de sentiment, ni une politique de prestige; il faut donc faire la part des inconvénients que' comporte l'attribution d'une compétence aussi étendue à la Cour permanente, de justice internationale. En ce qui concerne 'l'abandon de la réserve de l'honneur et de l'indépendance, nous renvoyons à ce que nous avons dit à ce sujet dans le rapport du 11 décembre1919. Nous n'aurions absolument rien eu à objecter
si cette clause avait été admise avec les garanties que nous exigions dans le dit rapport. Mais il eût été impossible, vu la façon dont se déroulaient les débats à Genève, de remanier l'ar-

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ticle 36 dans ce sens, ce qui d'ailleurs n'est nullement chose simple. D'autre part, un amendement de cette nature eiit compromis, dans une mesure considérable, la réalisation de ]'idée qui a pris corps dans l'article 36. Il ne faut pas oublier que la plupart des Etats, qui sont partisans d'une juridiction internationale effective, voient, dans la clause de l'honneur et de l'indépendance, moins une mesure destinée ;\ sauvegarder leur liberté qu'un prétexte, pour leur adversaire, de se livrer à un jeu d'échappatoires; le recours inconditionnel à l'arbitrage représente, à leurs yeux, le moyen le plus sûr, pour des Etats moins puissants, de donner à des différends une solution juste. L'attitude qu'on adopte à cet égard est dictée, en partie, par une question de sentiment, ·en partie par. les expériences particulières qu'a faites chaque gouvernement en ce domaine.

Déjà pour des raisons d'ordre géographique, notre indépendance, par rapport à la plupart des Etats, ne peut pas «tre sérieusement mise en danger par des litiges. Si les Puissances, dont la politiqvie a pour nous une importance vitale1,, reconnaissent réellement, à l'avenir, la juridiction obligatoire, il en résultera pour nous, au contraire, à n'en pas douter, vin avantage politique appréciable, eu échange duquel nous pouvons bien, de notre côté, assumer aussi certaines obligations. D'une façon générale, chaque Piiissance, à plus forte raison un Etat comme la Suisse, s'accomoderà mieux d'un régime de droit et d'une justice indépendante que d'une politique des mains libres. An surplus, il ne faut pas perdre bien malaisé de concevoir comment ime sentence judiciaire pourrait jamais mettre notre indépendance en péril.

On pourrait voir, à reconnaître la juridiction obligatoire sur la base proposée, un inconvénient dans le fait qu'il n'est

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pas possible de prédire aujourd'hui, avec quelque certitude, quels sont les Etats envers lesquels nous seront liés en définitive et dans quelle mesure nous le serons. Précisément les Etats, dont l'adhésion serait pour nous de la plus grande importance, resteront peut-être à l'écart ou bien feront, parmi les compétences ratione materice, un choix tel que la juridiction n'aura pour eux force obligatoire que dans les cas qui nous importent ou nous agréent le moins. Mais ces inconvénients se retrouvent, sur une échelle plus ou moins grande, aussi bien dans ces conventions collectives ouvertes à la signature des Etats que là où une matière, comme par exemple les postes, le droit international privé, le droit de la guerre, le droit du travail, est réglementée par plusieurs traités et où il appartient à chaque Etat de n'adhérer qu'aux conventions qui lui procurent le plus d'avantages. L'essentiel est donc que nos engagements reposent toujours sur le principe de la réciprocité.

Jusqu'ici, la juridiction arbitrale obligatoire avait fourni un sérieux aliment à la critique du fait qu'avec un tribunal de trois ou cinq juges, la décision est principalement l'oeuvre du président et qu'un tribunal, qui doit être constitué de cas en cas, non seulement ne peut créer une jurisprudence uniforme, mais encore ne soustrait pas les membres qui le composent à la tentation de se comporter en médiateurs plutôt qu'en interprètes fidèles du droit. En d'autres termes, on faisait un grief à ces cours intermittentes de rendre des sentences où l'aléa tient une place trop considérable. Comme nous croyons l'avoir démontré plus haut, l'institution d'une Cour permanente de justice internationale enlève à cette objection toute sa valeur. L'existence de cette cour de justice constitue aussi un fait nouveau qui plaide en faveur de la juridiction obligatoire et est du meilleur augure si on la place en regard des hypothèses sur lesquelles reposait le rapport de 1919 du Conseil fédéral.

Il est vrai qu'on ne connaît aujourd'hui que le mode de recrutement des juges et qu'on ne sait pas encore quelles sont les personnalités qui seront appelées à constituer le tribunal. Mais il ne serait guère logique d'attendre, avant de prendre une décision, la désignation de ces personnes, car le statut offre déjà, de par ses prescriptions sur l'élection
des juges, des garanties bien plus sérieuses en faveur d'une jurisprudence indépendante que ce n'est le cas, suivant les circonstances, pour une cour d'arbitrage qui est" l'oeuvre des parties litigantes.

Feuille fédérale. 73" année. Vol. I.

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Le Conseil fédéral estime que les inconvénients de l'engagement à souscrire ne doivent pas l'emporter sur le grand avantage que présente, d'une façon générale, pour la position de la Suisse, pour sa sécurité et son indépendance, le développement de la juridiction internationale auquel travaille la Société des Nations. Il ne doit échapper à personne que, même dans le cas où nous ne disposerions pas d'un titre juridique pour saisir l'instance judiciaire d'un litige qui surgirait entre nous et un autre Etat, nous serions néanmoins en mesure de défendre notre point de vue avec une autorité morale infiniment plus grande si nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour ménager à la justice internationale un empire étendu et indiscuté. Si la Suisse ratifie et le protocole concernant le statut de la Cour de justice et le protocole relatif à la compétence obligatoire, elle aura fait à cet égard tout ce qu'il était en son pouvoir de faire. Il ne lui restera plus qu'à conclure, dans un esprit analogue, des conventions avec les Etats restés en dehors de la Société des Nations pour autant, toutefois, qu'elle rencontrera chez ces derniers des dispositions favorables à la conclusion d'accords de cette nature. Aucun Etat n'aura alors témoigné un plus grand empressement -- empressement qui s'est traduit sous la forme d'un engagement contractuel -- à faire reconnaître l'autorité du droit dans le domaine de la politique internationale. La Suisse agit, eu cette matière, suivant les paroles que ce représentant de Berne aurait prononcées à la diète helvétique : « Si les autres ouvrent la marche, les Confédérés les suivent, et si les autres n'ouvrent pas la marche, ce sont les Confédérés qui le font ».

IV

Comme nous l'avons déjà exposé plus haut, l'adoption du statut de la Cour permanente de justice internationale et la reconnaissance de la juridiction obligatoire interviennent par la signature, ainsi que par la ratification du premier et diu second protocoles. Ces derniers actes sont de droit international pubjic et c'est ce caractère qui doit prévaloir en droit public fédéral.

Ni l'un, ni l'autre des protocoles ne revêtent la forme extérieure d'un traité; ils constituent néanmoins, quant au fond, de véritables conventions, qui n'engendrent des droits et des obligations que pour les Etats signataires. L'adoption du

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statut implique pour les Etats la reconnaissance de la compétence de la Cour permanente de justice dans tous les cas qui relèvent, en vertu de traités, de la juridiction de la Société des Nations. Quant à la ratification du protocole des compétences, elle donnera naissance à des rapports juridiques tout à fait semblables à ceux qui s'établissent sous l'empire d'un traité d'arbitrage collectif. Il convient, dès lors, d'envisager ces deux protocoles comme de véritables traités sans tenir compte de la forme qu'ils revêtent et de la question de savoir si l'Assemblée de la Société des Nations n'aurait pas pu agir, dans le cadre de ses propres compétences, sans réserver la ratification des membres sociétaires.

A teneur du chiffre I, alinéa 2, de l'arrêté fédéral du 5 mars 1920, accepté par le peuple et les Etats le 16 mai 1920 et relatif à l'accession de la Suisse à la Société des Nations, les dispositions de la Constitution fédérale concernant la promulgation des lois fédérales sont applicables à la ratification des amendements audit Pacte et à l'approbation des conventions de tout genre qui sont en rapport avec la Société des Nations.

Les deux protocoles contiennent manifestement des conventions en corrélation avec la Société des Nations, tous deux devant permettre de ratifier des résolutions de l'Assemblée de la Société des Nations. Le premier a pour but d'élargir en quelque sorte la structure organique de la Société des Nations; le second, d'établir une juridiction obligatoire entre les membres de la Société. Il y a lieu, par conséquent, de publier l'arrêté relatif à l'adoption de ces protocoles conformément à l'article 89 de la Constitution fédérale et à la loi fédérale, du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux. Comme les dispositions prévues pour les lois fédérales sont applicables en l'espèce, il n'est pas possible de munir l'arrêté de la clause d'urgence. Dans son message du 4 août 1919, le Conseil fédéral avait proposé que les dispositions constitutionnelles applicables aux traités fissent règle pour la revision du Pacte dé la Société des Nations et pour les conventions en rapport avec cette dernière. L'Assemblée fédérale a élaboré des dispositions qui rendent plus difficile l'approbation de pareilles revisions ou la ratification de semblables
conventions. Le but de ces prescriptions était d'empêcher que les obligations assumées par le peuple suisse en accédant à la Société des Nations pussent être modifiées ou aggravées sans lui donner

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la possibilité de faire connaître son opinion. Dans la mesure où l'hypothèse envisagée se trouve vérifiée, le referendum facultatif se justifie pleinement. Mais on ne s'en tiendrait guère à la volonté du législateur qui a élaboré la constitution si, par une interprétation extensive de la disposition susvisée, on traitait, de la même manière qu'une loi fédérale proprement dite, une convention n'ayant plus avec la Société des Nations qu'un rapport lointain. Cette observation vaut particulièrement pour les projets de convention qu'élaboré la Conférence générale de l'organisation internationale du Travail, ainsi que cela fut le cas pour la première fois, en 1919, lors de la Conférence qui a tenu ses assises à Washington. C'est si vrai que cette organisation du Travail n'est rattachée à la Société des Nations que par un lien très ténu et comprend aussi, comme membres ayant plénitude de droits, des Etats qui n'ont pas accédé à la Société. Les projets de convention émanant de la Conférence générale se rapportent au droit en quelque sorte technique du travail et ne ee distinguent en rien de conventions qui peuvent être conclues en dehors de la Société des Nations. Ils doivent, dans ces conditions, être traités, comme d'autres conventions, en conformité de l'article 85, chiffre 5, de la Constitution fédérale (cf. message du 16 décembre 1920, Feuille
, Nous avons fait observer plus haut qu'un certain nombre d'Etats et, parmi eux, ceux-là mêmes, qui ont une importance particulière pour nous, tiendront peut-être à signer le protocole de la juridiction obligatoire avec des réserves et des conditions, que l'article 36 du statut ne prévoit pas. Des réserves de cette nature entraîneraient inévitablement une diminution des charges que comporte l'adoption de l'article 36, alin. 2 et 3. Elles pourraient, par voie d'entente, ainsi par exemple par un simple échange de notes, avoir force obligatoire dans les rapports entre deux Etats. Or, on compromettrait imitilement la conclusion d'accords semblables avec ces Etats en assimilant, du point de vue du droit public, à de nouvelles conventions des arrangements ayant pour objet de restreindre les obligations qui découlent pour la Suisse de l'article 36 du statut. Le Conseil fédéral est autorisé à dénoncer les traités ratifiés par l'Assemblée fédérale, comme
à ne pas faire valoir les droite dévolus à la Suisse par des traités en vigueur. Il doit donc être considéré comme ayant également qualité pour s'entendre avec d'autres Etats au sujet d'une limitation des engagements dérivant de la ratification du deuxième protocole. Il est de notre intérêt d'en-

341 gager le plus grand nombre possible d'Etats à adopter, même sous certaines réserves, le deuxième protocole tout au moins » dans leurs rapports avec la Suisse. Le Conseil fédéral devrait, dès lors, être investi de la compétence de conclure, dans les conditions les plus simples possible, des accords de cette nature. Il n'en résulterait pas un surcroît d'obligations pour la Suisse, qui s'apprête à reconnaître, dans sa plénitude, la juridiction de la Cour de justice internationale.

Pour la simple prolongation de la durée pendant laquelle le second protocole nous lie, il suffirait, semble-t-il, d'une approbation par les Chambres fédérales au sens de l'article 85, chiffre 5, de la Constitution fédérale ainsi que de son article 89 revisé en conformité de la votation du peuple et des cantons, du 30 janvier 1921. Si, comme c'est le cas dans le projet d'arrêté annexé au présent message, cette compétence est dévolue à l'Assemblée fédérale par un arrêté fédéral, qui soit en harmonie avec les dispositions faisant règle pour la promulgation d'une loi fédérale, il est hors de conteste qu'on se sera conformé à la lettre et à l'esprit de l'arrêté fédéral concernant l'accession de la Suisse à la Société des Nations.

Vu ce qui précède, nous vous proposons d'adopter le projet d'arrêté joint au présent message. Comme, d'une part, la Cour permanente de justice internationale ne peut être appelée à siéger qu'après la ratification du statut par la majorité des membres de la Société et que, d'autre part, la deuxième Assemblée de la Société des Nations, dont la convocation est prévue pour le mois de septembre, devra élire les membres de la Cour de justice, il est éminemment désirable que la Suisse ratifie, avant septembre, les protocoles, en particulier le premier, qui a trait au statut lui-même. Pour ces motifs, et notamment eu égard à la nécessité d'observer le délai référendaire, le règlement de cette affaire apparaît comme urgent.

Agréez, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 1er mars 1921.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, SCHULTHESS.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

342 (Projet.)

Arrêté fédéral concernant

l'attitude de la Suisse à l'égard de la résolution de l'assemblée de la Société des Nations, du 13 décembre 1920, relative à l'établissement d'une Cour Permanènte de Justice Internationale.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DELA C O N F É D É R A T I O N SUISSE, Après avoir pris connaissance d'un message du Conseil fédéral en date du 1" mars 1921, arrête : I. Les protocoles signés à Genève, Je 18 décembre 1920, sont ratifiés, à savoir : 1° le protocole concernant le statut de la Cour .permanente de justice internationale, approuvé, le 13 décembre 192!), par l'Assemblée de la Société des Nations; 2° le protocole concernant la compétence dévolue à la Cour permanente de justice internationale en conformité de l'article 36, alinéa 2, du statut.

II. Le Conseil fédéral est autorisé à conclure, sous réserve de communication à l'Assemblée fédérale, des accords destinés à limiter et à conditionner les obligations assumées en vertu du protocole mentionné sous chiffre I, 2, du présent arrêté.

III. L'Assemblée fédérale est autorisée à décréter, conformément à l'article 85, chiffre 5, et à l'article 89 de la Constitution fédérale, la prolongation de la durée pour laquelle est valable le protocole mentionné sous chiffre I, 2, du présent arrêté.

IV. En vertu du chiffre I, alinéa 2, de l'arrêté fédéral du 5 mars 1920 concernant l'accession de la. Suisse à la Société des Nations, le présent arrêté sera publié en conformité des dispositions de la loi fédérale concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, du 17 juin 1874.

V. Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

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Annexe I.

Résolution relative

à l'établissement d'une Cour Permanente de Justice Internationale approuvée par l'Assemblée de la Société des Nations Genève, le 13 décembre 1920.

1. L'Assemblée à l'unanimité déclare approuver, avec les amendements qu'elle y a apportés, le projet de Statut de la Cour permamente de Justice Internationale, qui, préparé par le Conseil aux termes de l'article 14 du Pacte, a été soumis à son approbation.

2. Le Statut de la Cour, vu les termes particuliers dudit article 14, sera soumis, dans le plus bref délai,1 aux Membres de la Société des Nations pour adoption sous forme de Protocole dûment ratifié constatant qu'ils reconnaissent ce Statut.

Le soin de procéder à cette présentation est confié au Conseil.

3. Dès que ce Protocole aura été ratifié par la majorité des Membres de la Société, le Statut de la Cour sera en vigueur et la Cour sera appelée à siéger, conformément audit Statut, dans tous les litiges entre les Membres ou Etats ayant ratifié, ainsi que pour les autres Etats auxquels la Cour est ouverte aux termes de l'article 35, alinéa 2, dudit Statut.

4. Ledit Protocole restera également ouvert à la signature des Etats mentionnés à l'Annexe au Pacte.

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Annexe H.

Protocole de signature.

Les Membres de la Société des Nations, représentés par les soussignés dûment autorisés, déclarent reconnaître le statut ci-joint de la Cour Permanente de 'Justice Internationale de la Société des Nations, approuvé par le vote unanime de l'Assemblée de la Société, en date, à Genève, du 13 décembre 1920.

En conséquence, ils déclarent accepter la juridiction de la Cour dans les termes et conditions prévus dans le Statut cidessus visé.

Le présent Protocole, dressé conformément à la décision de l'Assemblée de la Société des> Nations du 13 décembre 1920, sera ratifié. Chaque Puissance adressera sa ratification au Secrétariat Général de la Société des Nations, par les soins duquel il en sera donné avis à toutes les autres Puissances signataires. Les ratifications resteront déposées dans les archives du Secrétariat de la Société des Nations.

Le présent Protocole restera ouvert à la signature des Etats visés à l'Annexe du Pacte de la Société.

Le Statut de la Cour entrera en vigueur ainsi qu'il est prévu par ladite décision.

Fait à Genève, en un seul exemplaire, dont les texte» français et anglais feront foi.

Le 16 décembre 1920.

Pour le Portugal: Alfonso Costa Pour la Grèce: Politis Pour VUruquaij: J T ,, _, J. C. .Bianco B. Fernandez y Médina Pour le Siam: Charoon Pour la Suède: M. Branting

Pour le Japon: Hayashi pour ie Paraguay: H. Yelazqueä -,, , ,T ,, ,,., , Pour la Nouvelle Zelande; j All Pour la

Norvège: - »agerup

r

Pour la Suisse : Motta

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Pour le Danemark: Herluf Zahle Pour les Pays-Bas: R. London Pour l'Afrique du Sud: Signed subjeet to thè approvai of thé Govt. of thé Union of So. Africa.

R. Blankenberg Pour la Chine: Y. Wellington Koo J. Tang Pour la Pologne: I. J. Paderewski Pour le Brésil: Rodrigo Octavio Castao da Cunha Raul Fernandez Pour Costa Rica: Manuel M. de Peralta Pour l'Italie: Carlo Schanzer

Pour le Salvador: Gustavo Guerrero Arturo R. Avila Pour l'Inde: S. Meyer Pour la France: Léon Bourgeois Pour l'Empire Britanniques A. James Balfour Pour le Panama: Harmodio Arias Pour Cuba: Aristide« De Aguero Rafaël Martinez Ortiz Ezequiel Carcia.

Pour le Venezuela: Manuel Diaz Bodriguez Santiago Key-Ayala Diogenes Escalante Pour la Colombie: Francisco José Urrutia A. J. Restrepo

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Annexe HL

Disposition facultative.

Les soussignés, dûment autorisés, déclarent eri outre, au nom de leur Gouvernement, reconnaître dès à présent, comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, la juridiction de la Cour conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour et dans les termes suivants : «Au nom du Portugal je déclare reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, vis-àvis de tout autre Membre ou Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour, purement et simplement. » (Signé) Affonso Costa.

« Au nom du Gouvernement suisse et sous réserve de ratification par l'Assemblée fédérale, je déclare reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale vis-à-vis de tout autre membre ou Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour, purement et simplement, pour la durée de cinq années. » (Signé) Motta.

« Au nom du Gouvernement Danois et sous réserve de ratification je déclare reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale vis-à-vis de tout autre Membre ou Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour, purement et simplement pour la durée de cinq années ».

(Signé) Herluf Zahle.

« Sous réserve de réciprocité. » (Signé) J. Gustavo Gu errer o.

Arturo R. Avila (Salvador).

« Sous réserve de réciprocité, » (Signé) Manuel M. de Peralta (Costa Rica).

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« Au nom du Gouvernement de l'Uruguay, je déclare reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, vis-à-vis de tout autre Membre de la Société ou Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour, purement et simplement. » (Signé) B. Fernandez y Medin«.

« Au nom du Gouvernement Luxembourgeois et sous réserve de ratification, je déclare reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale vis-à-vis de tout autre Membre ou Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour purement et simplement pour une durée de cinq années. » (Signé) Lcfort.

348 Annexe IV.

STATUT de la

Cour Permanente de Justice Internationale visé par l'article 14 du Pacte de la Société des Nations.

Article premier.

Indépendamment de la Cour d'Arbitrage, organisée par les Conventions de La Haye de 1899 et 1907, et des Tribunaux spéciaux d'Arbitres, auxquels les Etats demeurent toujours libres de confier la solution de leurs différends, il est institué, conformément à l'article 14 du Pacte de la Société des Nations, une Cour Permanente de Justice Internationale.

Chapitre 'premier.

ORGANISATION DE LA COUR Article 2.

La Cour Permanente de Justice Internationale est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international.

Article 3.

La Cour se compose de quinze membres: onze juges titulaires et quatre juges suppléants. Le nombre des juges titulaires et des juges suppléants peut être éventuellement augmenté par l'Assemblée, sur la proposition du Conseil de la Société des Nations, à concurrence de quinze juges titulaires et de six juges suppléants.

Article 4.

Les membres de la Cour sont élus par l'Assemblée et par le Conseil sur une liste de personnes présentées par les

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groupes nationaux de la Cour d'Arbitrage, conformément aux dispositions suivantes.

En ce qui concerne les membres de la Société qui ne sont pas représentés à la Cour permanente d'Arbitrage, les listes de candidats seront présentées par des groupes nationaux désignés à cet effet par leurs Gouvernements dans les mêmes conditions que celles stipulées pour les membres de la Cour d'Arbitrage par l'article 44 'de la Convention de La Haye de 1907 sur le règlement pacifique des conflits internationaux.

Article 5.

Trois mois au moins avant la date de l'élection, le Secrétaire Général de la Société des Nations invite par écrit les Membres de la Cour d'Arbitrage appartenant aux Etats mentionnés à l'Annexe au Pacte ou entrés ultérieurement dans la Société des Nations, ainsi que les personnes désignées conformément à l'alinéa 2 de l'article 4, à procéder dans un délai déterminé par groupes nationaux à la présentation de personnes en situation de remplir les fonctions de Membre de la Cour.

Chaque groupe ne peut, en aucun cas, présenter plus de quatre personnes, dont deux au plus de sa nationalité. En aucun cas, il ne peut être présenté un nombre de candidata plus élevé que le double des places à remplir.

Article 6.

Avant de procéder à cette désignation, il est recommandé à chaque groupe national de consulter la plus haute Cour de Justice, les Facultés et Ecoles de Droit, les Académies nationales et les sections nationales d'Académies internationales, vouées à l'étude du droit.

Article 7.

Le Secrétaire Général de la Société des Nations dresse, par ordre alphabétique, une liste de toutes les personnes ainsi désignées: seules ces personnes sont éligibles, sauf le cas prévu à l'article 12, paragraphe 2.

Le Secrétaire Général communique cette liste à l'Assemblée et au Conseil.

Article 8.

L'Assemblée et le Conseil procèdent, indépendamment l'une de l'autre, à l'élection, d'abord des juges titulaires/ ensuite des juges suppléants.

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Article 9.

Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour, non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la représentation des grandes fortaes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde.

Article 10.

Sont élus ceux qui ont réuni la majorité absolue des voix dans l'Assemblée et dans le Conseil.

Au cas où le double scrutin de l'Assemblée et du Conseil se porterait sur plus d'un ressortissant du même Membre de la Société des Nations, le plus âgé est seul élu.

Article 11.

Si, après la première séance d'élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il est procédé, de la même manière, à une seconde et, s'il est nécessaire, à une troisième.

Article 12.

Si, après la troisième séance d'élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il peut être à tout moment formé sur la demande, soit de l'Assemblée, soit du Conseil, une Commission médiatrice de six membres, nommés trois par l'Assemblée, trois par le Conseil, en vue de choisir pour chaque siège non pourvu un nom à présenter à l'adoption séparée de l'Assemblée et du Conseil.

Peuvent être portées sur cette liste, à l'unanimité, toutes personnes satisfaisant aux conditions requises, alors même qu'elles n'auraient pas figuré sur la liste de présentation visée aux articles 4 et 5.

Si la Commission médiatrice constate qu'elle ne peut réussir à assurer l'élection, les membres de la Cour déjà nommés pourvoient aux sièges vacants, dans un délai à fixer par le Conseil, en choisissant parmi les personnes qui ont obtenu des suffrages soit dans l'Assemblée, soit dans le Conseil.

Si parmi les jugea il y a partage égal des voix, la voix du juge le plus âgé l'emporte.

351

Artide 13.

Les membres de la Cour sont élus pour neuf ans.

Ils sont rééligibles.

Ils restent en fonction jusqu'à leur remplacement. Après ce remplacement, ils continuent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis.

Article 14.

Il est pourvu aux sièges devenus vacants selon la méthode suivie pour la première élection. Le membre de la Cour élu en remplacement d'un membre dont le mandat n'est pas expiré achève le terme du mandat de son prédécesseur.

Article 15.

Les juges suppléants sont appelés dans l'ordre du tableau.

Le tableau est dressé par la Cour, en tenant compte d'abord de la priorité d'élection et ensuite de l'ancienneté d'âge.

Article 16.

Les Membres de la Cour ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative. Cette disposition ne s'applique pas aux juges suppléants en dehors de l'exercice de leurs fonctions près de la Cour.

En cas de doute, la Cour décide.

Article 17.

Les Membres de la Cour ne peuvent exercer les fonctions d'agent, de conseil ou d'avocat dans aucune affaire d'ordre international. Cette disposition ne s'applique aux juges suppléants que relativement aux affaires pour lesquelles ils sont appelés à exercer leurs fonctions près de la Cour.

Ils ne peuvent participer au règlement d'aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l'une des parties, Membres d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête, ou à tout autre titre.

En cas de doute, la Cour décide.

352

Article 18.

Les membres de la Cour ne peuvent être relevés de leurs fonctions que si, au jugement unanime des autres membres, ils ont cessé de répondre aux conditions requises.

Le Secrétaire Général de la Société des Nations en est officiellement informé par le Greffier.

Cette communication emporte vacance de siège.

Article 19.

Les membres de la Cour jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques.

Article 20.

Tout membre de la Cour doit, avant d'entrer en fonction, en séance publique, prendre engagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience.

Article 21.

La Cour élit, pour trois ans, son Président et son VicePrésident; ils sont rééligibles.

Elle nomme son Greffier.

La fonction de Greffier de la Cour n'est pas incompatible avec celle de Secrétaire Général de la Cour Permanente ·d'Arbitrage.

Article 22.

Le siège de la Cour est fixé à La Haye.

Le Président et le Greffier résident au siège de la Cour.

Article 23.

La Cour tient une session chaque année.

Sauf disposition contraire du règlement de la Cour, cette session commence le 15 juin, et continue tant que le rôle n'est pas épuisé.

Le Président convoque la Cour en session .extraordinaire quand les circonstances l'exigent.

353

Article 24.

Si, pour une raison spéciale, l'un des membres de la Cour estime devoir ne pas participer au jugement d'une affaire déterminée, il en fait part au Président.

Si le Président estime qu'un des membres de la Cour ne doit pas, pour une raison spéciale, siéger dans une affaire déterminée, il en avertit celui-ci.

Si, en pareils cas, le membre de la Cour et le Président sont en désaccord, la Cour décide.

Article 25.

Sauf exception expressément prévue, la Cour exerce ess attributions en séance pionière.

Si la présence de onze juges titulaires n'est pas assurée, «se nombre est parfait par l'entrée en fonction des juges suppléants.

Toutefois, si onze juges ne sont pas disponibles, le quorum de neuf est suffisant pour constituer la Cour.

Article 26.

Pour les affaires concernant 1© Travail et spécialement pour les affaires visées dans la partie XIII (Travail) du Traité de Versailles et les parties correspondantes des autres Traités de Paix, la Cour statuera dans les conditions ciaprès : La Cour constituera pour chaque période de trois années une chambre spéciale composée de cinq juges désignés en tenant compte, autant que possible, des prescriptions de l'article 9. Deux juges seront, en outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l'impossibilité de siéger. Sur la demande des parties, cette chambre; statuera.

A défaut de cette demande, la Cour siégera avec 1© nombre de juges prévu à l'article 25. Dans tous les cas, les jugesl sont assistés de quatre assesseurs techniques siégeant à leurs côtés avec voix consultative et assurant une juste représentation des intérêts en cause.

Si l'une seulement des parties a un de S3S ressortissants siégeant comme juge dans la chambre prévue à l'alinéa précédent, le Président priera un autre juge de céder sa place à un juge choisi par l'autre partie, en conformité de l'article 31.

Feuille fédérale. 73e année. Vol. I.

27

354

Les assesseurs techniques sont choisis dans chaque cas spécial d'après les règles de procédure visées à l'article 30, sur une liste « d'Assesseurs pour litiges de travail », composée de noms présentés à raison de deux par chaque?

membre de la Société des Nations et d'un nombre égal présenté par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail. Le Conseil désignera par moitié des représentants des travailleurs et par moitié des représentants des patrons pris sur la lisfce prévue à l'article 412 du Traité de Versailles et les articles correspondants des autres traités de paix.

Dans les affaires concernant le Travail, le Bureau International aura la faculté de fournir à la Cour tous les renseignements nécessaires et, à cet effet, le Directeiir de ce Bureau recevra communication de toutes les pièces de procédure présentées par écrit.

Article 27.

Pour les affaires concernant le transit et les communications, et spécialement pour les affaires visées dans la partie XII (ports, voies d'eau, voies ferrées) du Traité de Versailles et les parties correspondantes des autres Traités de Paix, la Cour statuera dans les conditions ci-après: La Cour constituera pour chaque période de trois années une chambre spéciale composée de cinq juges désignés en tenant compte autant que possible des prescriptions de l'article 9. Deux juges seront, en outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l'impossibilité de siéger. Sur la demande des parties, cette chambre statuera.

A défaut de cette demande, la Cour siégera avec le nombre de juges prévu à l'article 25. Si les parties le désirent, ou si la Cour le décide, les juges seront assistés de quatre assesseurs techniques siégeant à leurs côtés avec voix consultative.

Si l'une seulement des parties a un de ses ressortissants siégeant comme juge dans la chambre prévue à l'alinéa précédent, le Président priera un autre juge de céder sa place à un juge choisi par l'autre partie, en conformité de l'article 31.

Les assesseurs techniques seront choisis dans chaque cas spécial d'après les règles de procédure visées à l'article 30, sur une liste « d'Assesseurs pour litiges de transit et de communications », composée de noms présantés à raison de deux par chaque membre de la Société des Nations.

355

Article 28.

Les chambres spéciales prévues aux articles 26 et 27 peuvent, avec le consentement des parties en cause, siéger ailleurs qu'à La Haye.

Article 29.

En vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de trois juges, appelée à statuer en procédure sommaire, lorsque les parties le demandent.

Article 30.

La Cour détermine par un règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions. Elle règle notamment la procédure sommaire.

Article 31.

Les juges de la nationalité de chacune des parties en.

cause conservent le droit de siéger dans l'affaire dont la Cour est saisie.

Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une seule des parties, l'autre partie peut désigner pour siéger un juge suppléant s'il s'en trouve un de sa nationalité.

.S'il n'en existe pas, elle peut choisir un juge, pris de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet d'une présentation en conformité des articles 4 et 5.

Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation ou au choix d'un juge de la même manière qu'au paragraphe précédent.

Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent pour l'application des dispositions qui précèdent que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide.

Les juges désignés ou choisis, comme il est dit aux paragraphes 2 et 3 du présent article, doivent satisfaire aux prescriptions des articles 2, 16, 17, 20, 24 du présent acte. Ils statuent sur un pied d'égalité avec leurs collègues.

356

Article 32.

Les juges titulaires reçoivent une indemnité annuelle à fixer par l'Assemblée de la Société des Nations sur la proposition du Conseil. Cette indemnité ne peut être diminuée pendant la durée des fonctions du juge.

Le Président reçoit une indemnité spéciale déterminée de la même manière pour la durée de ses fonctions.

Le Vice-Président, les juges et les juges suppléante reçoivent dans l'exercice de leurs fonctions une indemnité à fixer de la même manière.

Les juges titulaires et suppléants qui ne résident pas au siège de la Cour reçoivent le remboursement des frais de voyages nécessités par l'accomplissement de leurs fonctions.

Les indemnités dues aux juges désignés ou choisis conformément à l'article 31 sont réglées de la même manière.

Le traitement du Greffier est fixé par le Conseil sur la proposition de la Cour.

L'Assemblée de la Société des Nations, sur la proposition du Conseil, adoptera un règlement spécial fixant le« conditions sous lesquelles des pensions seront allouées am personnel de la Cour.

Article 33.

Les frais de la Cour sont supportés par la Société dea Nations de la manière que l'Assemblée décide sur la proposition du Conseil.

Chapitre 11.

COMPETENCE DE LA COUE.

Article 34.

Seuls les Etats ou les Membres de la Société dea Nations ont qualité pour se présenter devant la Cour.

Article 35.

La Cour est ouverte aux Membres de la Société dee Nations, ainsi qu'aux Etats mentionnés à l'Annexe au Pacte.

Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des

357

traités en vigueur, réglées par le Conseil, et dans tous les eae, sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.

Lorsqu'un Etat, qui n'est pas membre de la Société de« Nations, est partie en cause, la Cour fixera la contribution aux frais de la Cour, que cette partie devra supporter.

Article 36.

La compétence de la Cour s'étend à toutes affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans les traités et conventions en vigueur.

Les Membres de la Société et Etats mentionnés à l'Annexe au Pacte pourront, soit lors de la signature ou de la ratification du Protocole, auquel le présent Acte est joint, soit ultérieurement, déclarer reconnaître dès à présent comme obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale, vis-à-vis de tout autre Membre ou Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur toutes ou quelques-unes des catégories de différends d'ordre juridique ayant pour objet: a) L'interprétation d'un Traité; b) Tout point de droit international; c) La réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un engagement international; d) La nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international.

La déclaration ci-dessus visée pourra être faite purement et simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains Membres ou Etats, ou pour un délai déterminé.

En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.

Article 37.

Lorsqu'un traité ou convention en vigueur vise le renvoi à une juridiction à établir par la Société des Nations, la · Cour constituera cette juridiction.

Article 38.

La Cour applique : 1. Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige;

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2. La coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit; 3. Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; 4. Sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d'accord, de statuer ex oequo et bono.

Chapitre

III.

PROCEDURE.

Article 39.

Les langues officielles de la Cour sont le français et l'anglais. Si les parties sont d'accord pour que toute la procédure ait lieu en français, le jugement sera prononcé ea cette langue. Si les parties sont d'accord pour que toute la procédure ait lieu en anglais, le jugement sera prononcé en cette langue.

A défaut d'un accord fixant la langue dont il sera fait usage, les parties pourront employer pour les plaidoiries celle des deux langues qu'elles préféreront, et l'arrêt de la Cour sera rendu en français et en anglais. En ce cas, la Cour désignera en même temps celui des deux textes qui fera foi.

La Cour pourra, à la requête des parties, autoriser l'empLoi d'une langue autre que Je français ou l'anglais.

Article 40.

Les affaires sont portées devant la Cour, selon, le cas, soit par notification du compromis, soit par une requête, adressées au Greffe; dans les deux cas, l'objet du différend et les paria«» en cause doivent être indiqués.

Le Greffe donne immédiatement communication de la requête à tous intéressés.

Il en informe également les membres de la Société des Nations par l'entremise du Secrétaire Général.

359

Article 41.

La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire.

En attendant l'arrêt définitif, l'indication de ces mesures «sst immédiatement notifiée aux parties et au Conseil.

Article 42.

I-ies parties sont représentées par des agents.

Elles peuvent se faire assister devant la Cour par des conseils ou des avocats.

Article 43.

La procédure a deux phases: l'une écrite, l'autre orale.

La procédure écrite comprend la communication à juge «t à partie des mémoires, des contremémoires, et, éventuellement, des répliques, ainsi que de toute pièce et document à l'appui.

La communication se fait par l'entremise du Greffe dans l'ordre et les délais déterminés par la Cour.

Toute pièce produite par l'une des parties doit être communiquée à l'autre en copie certifiée conforme.

La procédure orale consiste dans l'audition par la Cour des témoins, experts, agents, conseils et avocats.

Article 44.

Pour toute notification à faire à d'autres personnes que les agents, conseils et avocats, la Cour s'adresse directement au Gouvernement de l'Etat sur le territoire duquel la notification doit produire effet.

Il en est de même s'il s'agit de faire procéder susplace à l'établissement de tous moyens de preuve.

Article 45.

Les débats sont dirigés par le Président et à défaut de celui-ci par le Vice-Président; en cas d'empêchement, par le plus ancien des juges présents.

360

Article 46.

L'audience est publique, à moins qu'il n'en soit autrement décidé par la Cour ou que les deux parties ne demandent que le public ne soit pas admis.

Article 47.

Il est tenu de chaque audience un procès-verbal signé par le Greffier et le Président.

Ce procès-verbal a seul caractère authentique.

Article 48.

La Cour rend des ordonnances pour la direction du procès, la détermination des formes et délais dans lesquels chaque partie doit finalement conclure; elle prend toutes les mesures que comporte l'administration des preuves.

Article 49.

La Cour peut, même avant tout débat, demander aux agents de produire tout document et de fournir toutes explications. En cas de refus, elle en prend acte.

Article 50.

A tout moment, la Cour peut confier une enquête ou une expertise à toute personne, corps, bureau, commission ou organe de son choix.

Article 51.

Au cours des débats, toutes questions utiles sont posées aux témoins et experts dans les conditions que fixera la Cour dans le règlement visé à l'article 30.

Article 52.

Après avoir reçu les preuves et témoignages dans les délais déterminés par elle, la Cour peut écarter toutes dépositions ou documents nouveaux qu'une des parties voudrait lui présenter sans l'assentiment de l'autre.

Article 53.

Lorsqu'une des parties ne se présente pas, ou s'abstient de faire valoir ses moyens, l'autre partie peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.

361

La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer non seuleBaent qu'elle a compétence aux termes des articles 36 et 37, mais que les conclusions sont fondées en fait et en droit.

Article 54.

Quand les agents, avocats et conseils ont fait valoir, souslé contrôle de la Cour, tous les moyens qu'ils jugent utiles,, le Président prononce la clôture des débats.

La Cour se retire en chambre du Conseil pour délibérer.

Les délibérations de la Cour sont et restent secrètes.

Article 55.

Les décisions de la Cour sont prises à la majorité des, juges présents.

En cas de partage de voix, la voix du Président ou d& celui qui le remplace est prépondérante.

Article 56.

L'arrêt est motivé.

Il mentionne les noms des juges qui y ont pris part.

Article 57.

Si l'arrêt n'exprime pas en tout ou en partie l'opinioiî unanime des juges, les dissidents ont le droit d'y joindre l'exposé de leur opinion individuelle.

Article 58.

L'arrêt est signé par le Président et par le Greffier.

Il est lu en séance publique, les agents dûment prévenus.

Article 59.

La décision de la Cour n'est obligatoire que pour le» parties en litige et dans le cas qui a été décidé.

Article 60.

L'arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation* sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie.

362

Article 61.

La revision de l'arrêt ne peut être éventuellement demandée à la Cour qu'à raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie ;qui demande la i-evision, sans qu'il y ait, de sa part, faute à l'ignorer.

La procédure de revision s'ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l'existence du fait nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la revision, et déclarant de ce chef la demande recevable.

La Cour peut subordonner l'ouverture de la procédure «n revision à l'exécution préalable de l'arrêt.

La demande en revision devra être formée au plus tard ·dans le délai de six mois après la découverte du fait nouveau.

Aucune demande de revision ne pourra être formée après l'gxpiration d'un délai de dix ans à dater de l'arrêt.

Article 62.

Lorsqu'un Etat estime que dans un différend un intérêt d'ordre juridique est pour lui en cause, il peut adresser à la C/our une requête, à fin d'intervention.

La Cour décide.

Article 63.

Lorsqu'il s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle ont participé d'autres Etats que les parties en litige, le Greffe les avertit sans délai.

Chacun d'eux a le droit d'intervenir au procès, et s'il exerce cette faculté, l'interprétation contenue dans la sentence est également obligatoire à son égard.

Article 64.

S'il n'en est autrement décidé par la Cour, chaque partie supporte ses frais de procédure.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'attitude de la Suisse à l'égard de la résolution de l'Assemblée de la Société des Nations, du 13 décembre 1920, relative à l'établissement d'une Cour Permanente de Justice Internationale....

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1377

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