416

# S T #

7435 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les mesures propres à encourager la culture de la betterave sucrière et à mieux assurer l'approvisionnement du pays en sucre (Du 26 août 1957)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous présenter un message et un projet d'arrêté fédéral qui traitent des mesures à prendre pour encourager la culture de la betterave sucrière et assurer plus largement l'approvisionnement du pays en sucre.

I. Le marché du sucre en Suisse 1. Consommation Le sucre, qui était encore un article de luxe il y a deux cents ans, est devenu une importante denrée de première nécessité dans tous les pays civilisés. En Suisse comme dans le monde entier, sa consommation ne cesse d'augmenter; elle est passée de 89600 tonnes en 1911 à 162600 pour la moyenne des années 1931 à 1935, Après un fléchissement consécutif à la guerre, elle est remontée à quelque 193 000 tonnes en 1955, et cette tendance va persister au cours des prochaines années. Le sucre réexporté sous une autre forme n'est pas compris dans ces chiffres.

2. Importation et production nationale A l'heure actuelle, la Suisse recoit à, peu près 85 pour cent de son sucre de l'étranger (163 000 t) et se suffit à elle-même dans la proportion de 15 pour cent (30 000 t). D'après la statistique douanière, les pays qui

417

participent à notre ravitaillement en sucre cristallisé (sucre blanc) et en sucre brut (nos 68a, 680 et 70 du tarif) sont les suivants: PayS

Allemagne de l'Ouest France Belgique/Luxembourg Pays-Bas Grande-Bretagne . .

Pologne Tchécoslovaquie Hongrie Cuba dont sucre brut . .

Colombie.

Venezuela Pérou Brésil sucre brut exclusiv

Quantité en toimea 1955 1956 7 1 165 194

1954

. .

. . 30 733 . . 1 042 14 375 . . 62 028 4063 17064 7 399 21 645 . . 20 398 -- -- 1 708 6 172

52455 1 256 19 135 31 657 --

10 980 6594 28 722 24758 160 --

4146 2943

93 115 978

5347 46203 -- ' 7454 1 243 31 881 31 372 3 644 11 927 5009 --

Valeur en miniers de tranoa 1954

1955

1956

10 13839

670 25088

242 46049

890 6659 28490 1 719 7845 3517 8160 7539

941 9377 15519 -- 5411 3261 11294 9324

2872 23 896 -- 3817 644 13003 12739

--

77

835

-- 679

-- 1 893

1 894 6062 2421

2309

1 137

--

Les fournitures de ces pays varient considérablement d'une année à l'autre.

3. Particularités du marché suisse Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays, le marché suisse du sucre est libre. La délivrance des permis 'd'importation est subordonnée uniquement à la conclusion et à l'exécution d'un contrat de stockage obligatoire. De même, les prix sont libres. En temps normaux, ceux du sucre importé et, indirectement aussi, ceux du sucre indigène sont régis par les facteurs que voici: a.

6.

c.

d.

Cours de la marchandise d'importation franco frontière; Droit de douane; Frais pour formalités à la frontière (environ 1 fr. 25 par 100 kg) ; Contribution au fonds de garantie des stocks obligatoires (présentement 7 fr. par 100 kg sur le sucre cristallisé et 6 fr. sur le sucre brut) ; e. Frais de transport à partir de la frontière suisse; /. Marges des grossistes et des détaillants.

4. Stocks obligatoires Votre assemblée, guidée par les expériences faites pendant la guerre mondiale de 1939-1945, a voté le 30 septembre 1955 la loi sur la préparation

418 de la défense nationale économique, qui a remplacé la loi du 1er avril 1938/ 29 septembre 1949 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables. Le texte actuel prévoit certaines mesures pour les périodes où l'importation de marchandises indispensables est sérieusement entravée et d'autres, plus étendues, en cas de danger de guerre imminent. Au cours de la première de ces deux phases, qui correspond à la situation actuelle, le Conseil fédéral peut encourager des tiers, en concluant des contrats et par d'autres moyens appropriés, à constituer des stocks et à les accroître. Pour compléter les réserves des particuliers, la Confédération a la faculté d'en faire elle-même ou d'augmenter celles qu'elle possède déjà.

Les réserves de sucre constituées à titre obligatoire couvrent à peu près les besoins d'une année.

Les mêmes dispositions autorisent le Conseil fédéral à réglementer, en cas de menace de conflit armé, la production, la transformation, l'emploi, la vente et l'achat de certaines marchandises telles que le sucre, ainsi qu'à fixer des prix maximums. Il lui est également loisible d'ordonner la vente forcée, de réquisitionner des entrepôts et de faire fermer temporairement des magasins.

6. Stocks libres Les réserves obligatoires sont constituées pour le cas où les importations seraient sérieusement entravées. Elles ne peuvent être entamées qu'en cas de véritable pénurie et employées uniquement dans les limites de la réglementations oificielle (rationnement par exemple).

Lors de la guerre de Corée et de la crise de Suez, des mesures de rationnement ne s'imposèrent pas, en dépit de la raréfaction de certains articles. Le marché fut approvisionné comme en temps normaux par des prélèvements sur les stocks libres, généralement peu considérables et sujets à de grandes variations.

II. Aperçu de l'économie sucrière mondiale 1. Production Le sucre est fabriqué industriellement à partir de la canne à sucre ou de la betterave sucrière. La première est si exigeante du point de vue du climat qu'elle ne peut prospérer que dans les régions voisines des tropiques. Elle est plantée surtout aux Antilles, en Amérique centrale, en Amérique du Sud, en Afrique, aux Indes, en Indonésie, à Formose et en Australie.

La betterave sucrière, plante des régions tempérées, est cultivée dans
tous les pays d'Europe, à l'exception du Portugal, de la Norvège, de la Grèce et du Luxembourg. Elle est en outre très répandue aux Etats-Unis d'Amérique, au Canada, en Argentine, en Uruguay et dans quelques pays d'Asie.

419

La production mondiale de sucre de canne et de betterave, exprimée en sucre brut, a évolué comme suit : · _ .

fjxeroioB

1900/1901.

1920/1921.

1940/1941 .

1950/1951 .

1955/1956 .

Suore de betterave en 1000 tonnes en pour-cent

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

. 5963 . 4843 . 11 620 . 14 046 . 16 109

Suore de canne en 1000 tonnen en pour-cent

53,0 29,5 37,7 38,1 37,9

5297 11562 19 238 22 820 26 412

47,0 70,5 62,3 61,9 62,1

Production mondiale en 1000 tonnes

11260 16405 30 858 36 866 42 521

En l'espace de 55 ans, la production de sucre de betterave a presque triplé et celle de sucre de canne quintuplé.

Voici, extraites de l'agenda de l'économie sucrière (édition de 1956), quelques données sur le développement de la culture de la betterave à sucre en Europe au cours des 20 dernières années : Pays UESS Pologne France Allemagne de l'Ouest i Allemagne de l'Est / ' ' ' ' Italie.

Tchécoslovaquie Grande-Bretagne Hongrie Roumanie Turquie Espagne Pays-Bas Yougoslavie Belgique Danemark Suède Autriche Bulgarie Irlande Finlande Suisse Europe

mime

1950/1951

1955/1956

en 1000 lia

en 1000 ha

en 1000 ha

1257 130 237 ,, à TM 115 152 144 48 29 34 86 43 27 51 41 52 42 7 21 3 2

1220 260 320 / 184 \ 211 175 215 165 115 73 52 90 67 83 62 60 54 29 32 24 10 -ï

1700 400 341 264 215 239 220 164 124 110 98 95 67 67 61 55 52 45 35 22 16 5

2860

3506

4395

420 2. Consommation D'après l'agenda de l'économie sucrière (édition de 1957), la consommation, exprimée en sucre cristallisé, par tête de population, est la suivante dans quelques pays : 1855/1056 kg

Pays

Pays-Bas Grande-Bretagne Australie Canada Suède Etats-Unis Suisse Allemagne de l'Ouest France Italie.

Japon Turquie

. 49,3 46,5 46,5 41,5 41,2 40,8 40,8 27,8 26,6 16,2 11,2 10,0

Ces chiffres ont été calculés dans chaque cas d'après la consommation totale. Ils ne tiennent donc pas compte du sucre réexporté après transformation. La consommation par habitant a tendance à augmenter partout, même en Suisse.

3. L'apport de la production nationale dans les divers pays Le tableau comparatif qui suit illustre uniquement la situation telle qu'elle se présentait en Europe occidentale en 1955/1956, Cette année-là, 1955/1956

Consommation (suore brut) tonnes

Italie France Belgique Danemark . . . . .

Autriche Espagne . . . . . .

Allemagne de l'Ouest Pays-Bas Suède Irlande Grande-Bretagne . .

Suisse Finlande

855000 1 286 606 306 500 257033 250000 387 315 1 625 389 59411.8 335065 157034 2664062 22GÓS8 178462

.

.

.

.

Production nationale do sucre de betterave (sucre brut) en pour-cent tonnes de la consommation

1182000 1 631 339 379 115 274700 214080 322 312 1 297 162 426 289 231893 98193 703231 33444 24988

138,2 126,8 123,7 106,9 85,6 83,2 79,8 71,7 69,2 62,5 26,4 14,8 14,0

421

l'Italie, la France, la Belgique et le Danemark disposaient d'excédents pour l'exportation, tandis que l'Autriche, l'Espagne et l'Allemagne de l'Ouest ont cultivé presque assez de betteraves pour couvrir leurs besoins. Grâce à leurs vastes raffineries travaillant d'importantes quantités de sucre brut d'outre-mer, la Grande-Bretagne et la Hollande peuvent aussi exporter; la première d'une manière régulière, la seconde occasionnellement.

4. Les prix Le tableau ci-dessous, tiré de la statistique mondiale du sucre de F. 0. Licht, donne un aperçu du prix de détail du kilo de sucre cristallisé au 1er octobre 1950.

Paya

Pr.

Turquie 2,79 Italie 1,73 Grèce 1,69 Allemagne de l'Ouest . . . 1,38 Portugal 1,35 Finlande 1,24 Allemagne de l'Est . . . . 1,19 Belgique 1,12-1,21 France 1,14

Pays

Autriche Suisse Suède . . . r . . . . . . .

Grande-Bretagne Pays-Bas Mande Irlande Norvège Danemark

Fr.

1,04 0,96 0,95 0,92 0,90 0,89 0,79 0,71 0,64

Comparativement à d'autres pays d'Europe, la Suisse se distingue par des prix assez bas. Cela s'explique par le fait que le sucre n'est ni frappé d'un impôt spécial ni taxé officiellement dans notre pays, si bien que son prix dépend essentiellement des cours mondiaux. D'autre part, la marge du commerce suisse est en général très limitée sur cet article. Un droit fiscal élevé est cependant perçu à la frontière.

5. L'accord international sur le sucre L'accord international sur le sucre a été signé à Londres le 24 août 1953. Il a pour objet d'assurer l'approvisionnement régulier du marché mondial à des prix équilibrés et rémunérateurs, comme aussi de stimuler la consommation. A cet effet, un contingent de base est fixé pour chaque pays exportateur. Les gouvernements intéressés ont en outre accepté de mettre la production sucrière de leur territoire en harmonie avec les exigences de l'accord en fixant l'étendue des cultures en conséquence. Avant chaque période de contingentement, le comité du sucre, qui est l'organe d'exécution de l'accord, doit évaluer le volume net des importations nécessaires au marché libre. En novembre 1956, il avait prévu 5,3 raillions de tonnes pour 1957 (sucre brut); à la session de mars 1957, ce chiffre a été porté à 5,6 millions de tonnes. Sur une production mondiale de 42,5 mil-

422

lions de tonnes, 13 pour cent seulement, soit 5,6 millions de tonnes, sont mis sur le marché libre. Il s'agit en fait d'excédents. C'est la raison pour laquelle le moindre déséquilibre entre l'offre et la demande se répercute sur les prix.

Le reste de la production mondiale -- 87 pour cent -- est écoulé aux taux contractuels.

Il est intéressant de voir comment les prix ont évolué depuis le 1er janvier 1954, date de l'entrée en vigueur de l'accord international. Les cours ci-après sont ceux qui ont été notés à la bourse de New-York au début de chaque mois pour le sucre brut disponible (contrat mondial n° 4) : 1954

1865

1956

1957

Cents USA par Ib (453 g), f. o. b. port cubain

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre

3,25 3,43 3,30 3,33 3,38 3,31 3,17 3,17 3,20 3,24 3,25 3,25

3,17 3,17 3,17 3,31 3,33 3,38 3,20 3,22 3,25 3,28 3,26 3,13

3,23 3,28 3,35 3,31 3,39 3,38 3,37 3,39 3,25 3,25 3,25 4,60

5,10 5,30 6,35 6,08 6,15 5,90 6,15 4,20

Après être demeurés assez stables pendant une période prolongée, les prix ont subi une hausse appréciable, déclenchée en particulier par la crise de Suez. Ces derniers temps, ils marquent de nouveau une baisse sensible.

Un petit pays tel que la Suisse, dont les besoins sont faibles au regard de la consommation mondiale, s'exposerait à de grandes difficultés en s'engageant à acquérir une quantité fixe de sucre sur certains marchés. C'est pourquoi nous n'avons pas adhéré à l'accord international.

III. Arguments en faveur de l'extension de la culture de la betterave et d'une nouvelle réglementation de la production sucrière 1. L'eïïet stimulateur de la culture de la betterave sucrière sur l'économie agricole En Suisse, l'extension de la culture de la betterave sucrière est appelée à occuper une large place dans le programme de production agricole et la formation du revenu paysan. II faut donc étudier le problème sans négliger les efforts tentés depuis de nombreuses années pour développer la culture des champs, et compte tenu des difficultés rencontrées dans ce domaine.

423

Au cours des années «trente», la place excessive faite au secteur animal et le rendement élevé dû à l'emploi d'aumenta importés eurent pour conséquences la pléthore, la mévente, un avilissement des prix et le contingentement des productions laitière et porcine. Ce système mal équilibré suscita des critiques justifiées. L'arrêté fédéral du 6 avril 1939 sur l'extension de la culture des champs devait amener un revirement, son hut étant de décongestionner l'économie laitière et de régler la production agricole sur les besoins du pays, de façon qu'elle participe mieux au ravitaillement en denrées alimentaires.

Le 27 juillet 1935, des considérations semblables avaient déjà engagé le département des finances et des douanes à conclure avec la sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A., au nom du Conseil fédéral, un contrat prévoyant un accroissement immédiat de la capacité de cette entreprise, afin qu'elle travaille annuellement jusqu'à 100 000 tonnes de betteraves dès 1936.

La situation créée en matière d'approvisionnements par l'ouverture des hostilités à la fin du mois d'août 1939 nécessita une exécution rapide du plan de cultures. D'étape en étape, les labours passèrent de 209 000 hectares en 1939 à 355000 en 1945. Pour trouver de nouvelles ressources alimentaires, il convenait en particulier de développer la production de denrées immédiatement consommables, aux dépens de celles qui résultent d'un processus de transformation.

Après la guerre, l'étendue des labours a de nouveau diminué, surtout en bordure de la zone des cultures ; elle était encore de 255 000 hectares en 1950. Les principales causes de ce recul furent la suppression de l'obligation de cultiver, l'écoulement difficile des pommes de terre et des légumes, ainsi que l'influence exercée par les importations sur les prix et la vente des produits du pays.

De nos jours, la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 définit clairement la place et le rôle assignés à la culture des champs. Les mesures prises dans ce domaine apparaissent comme les plus propres à régulariser l'ensemble de la production agricole (art. 19). C'est même le seul moyen d'atteindre l'objectif fixé à l'article 18 de la loi, selon lequel cette production doit suffire autant que possible à l'approvisionnement du pays tout en étant en fonction des débouchés intérieurs et
extérieurs. Une certaine étendue de labours est nécessaire pour varier la production et étendre rapidement les cultures au cas où les importations seraient menacées ou entravées. En octobre 1954, nous avons établi un plan de cultures prévoyant une certaine extension de la superficie prise sous la charrue.

Il ne faut pas oublier qu'en temps de paix les récoltes des champs correspondent déjà aux possibilités d'utilisation maximums, ce qui rend leur écoulement d'autant plus difficile. Les pommes de terre occupent main, tenant à peu près 57 000 hectares, contre 85 000 en 1945. Malgré cette différence de 28 000 hectares, il suait que les récoltes soient normales pour que Feuille fédérale. 109e année. Vol. H.

30

424

la régie des alcools doive en faciliter le placement. Les rendements variant beaucoup d'une année à l'autre, les dépenses consenties par ladite régie pour en assurer l'utilisation sans distillation oscillent généralement entre 3 et 7 millions de francs par an ; elles ont même atteint quelque 24 millions de francs pour la production record de 1954, et 17 millions pour 1956/1957.

De ce point de vue, une certaine limitation de la culture de la pomme de terre serait souhaitable en temps de paix. Dans le secteur des légumes, les débouchés sont également restreints, bien qu'il semble encore possible de développer tant soit peu la production à longue échéance. Pour ce qui est des autres cultures sarclées telles que la betterave fourragère, le maïs grain, le maïs à ensiler et le colza, les possibilités d'extension sont limitées ou nulles. La question des pois pour la conserve sera traitée plus loin.

Dans ces circonstances, tout ce qui peut encore concourir au développement des cultures sarclées mérite la plus grande attention. La mesure la plus indiquée est l'accroissement de la superfìcie plantée en betterave sucrière, car elle permettrait à l'agriculteur d'étendre ses labours et serait profitable à l'économie du pays. On pourait alors imprimer au marché une orientation plus conforme au but visé. Le fait de planter en betterave sucrière une plus grande partie de la surface actuellement en champs réduirait aussi les charges occasionnées à la Confédération par l'utilisation des pommes de terre. De plus, ainsi que nous l'avons vu, l'augmentation de la production de denrées destinées à la vente aurait l'avantage d'améliorer la situation économique de l'agriculteur. En cultivant de la betterave sucrière, le paysan consolide sa position. Par suite de l'industrialisation rapide du pays, il importe, pour des raisons d'ordre économique et social, d'obtenir un rendement élevé du sol encore disponible et d'améliorer le revenu global de l'agriculture.

On ne saurait trop insister sur l'opportunité de mettre le paysan en état de développer les cultures d'un rapport intéressant qui excluent par avance tout risque de surproduction. Or, aucun produit du sol ne répond mieux à ces exigences que la betterave sucrière qui, grâce à sa racine profonde, améliore le sol et n'est guère sensible aux intempéries.

Moins sujette
aux maladies et aux attaques des parasites que les autres plantes sarclées, elle réclame aussi moins de traitements, et les rendements demeurent assez stables en dépit des variations atmosphériques.

Il reste encore à voir si l'extension de la superficie plantée en betterave est compatible avec la rotation des cultures. Les statistiques montrent que, depuis 1945, les plantes sarclées ont perdu relativement plus de terrain que les céréales. Un certain équilibre est pourtant indispensable. Lorsqu'il est rompu, il faut s'attendre à des maladies qui se traduisent par des pertes de récoltes. Pour le pays considéré dans son ensemble, la proportion idéale est à peu près de 65 pour cent de céréales et 35 pour cent de plantes sarclées et autres cultures. Plus les conditions naturelles sont défavorables, plus les céréales cèdent la place aux plantes sarclées, mais, même dans les régions

425

les plus propices, les lois de l'assolement interdisent d'attribuer aux prémières 70 pour cent des terres labourées. De ce fait, l'extension de la production betteravière acquiert une portée considérable.

A l'étranger, la superficie consacrée à la betterave atteste l'importance du rôle qui lui est dévolu. Bien que les conditions régnant dans les autres pays ne soient pas toujours comparables à celles qui prévalent chez nous, elles autorisent néanmoins certaines déductions.

2. La Suisse doit produire une plus grande partie du sucre qu'elle consomme Le fait de devoir acheter à l'étranger 85 pour cent d'une denrée représentant un élément si considérable de l'alimentation populaire implique de sérieux risques. L'expérience enseigne qu'en temps de guerre, l'importation du sucre devient difficile, voire parfois impossible. De plus, les obstacles auxquels se heurtent la fabrication et les transports font monter les prix.

Même en temps normaux, des grèves ou des difficultés d'acheminement peuvent entraver le ravitaillement.

L'importation, le stockage et la production indigène doivent contribuer à assurer l'approvisionnement du pays en sucre dans une mesure raisonnable et économiquement supportable. La fixation du pourcentage à partir duquel la production indigène répond à cette exigence est surtout affaire d'appréciation. De toute façon, le chiffre actuel de 15 pour cent est insuffisant. Si la superficie plantée en betterave passait, comme prévu, de 6000 hectares à peine à environ 10 000 hectares, les besoins normaux pourraient être couverts dans la proportion de 25 pour cent au moins.

3. La convention conclue arec la sucrerie d'Aarberg La première convention que le Conseil fédéral a conclue avec la sucrerie et raffinerie d'Aarberg 8. A., le 27 juillet 1935, a été maintes fois modifiée, complétée et renouvelée. Parmi les obligations qui en découlent pour l'entreprise figurent: -- La mise en oeuvre d'une récolte indigène de 220 000 tonnes de betteraves ; -- Une gestion rationnelle fondée sur des principes commerciaux; -- La limitation du dividende à 4 pour cent au maximum; -- Une demande d'autorisation pour les investissements dépassant les frais d'entretien courants.

Le Conseil fédéral, pour sa part, peut fixer le prix des betteraves, examiner les comptes annuels et se prononcer sur l'emploi du fonds
de réserve spécial. La fabrique est autorisée à raffiner annuellement jusqu'à 36 000 tonnes de sucre brut étranger. Les betteraves étant taxées officiellement et le sucre ne pouvant se vendre qu'au cours du jour du sucre importé,

426

la Confédération garantit le remboursement de la moitié des pertes d'exploitation, sans que sa part puisse excéder 3,6 millions de francs par an.

Il sied cependant de préciser que, depuis 1939, la sucrerie n'a rien demandé à ce titre.

La convention en cause expirant fin 1958, un nouvel arrêté fédéral doit fournir l'assise du futur régime de la fabrication du sucre. Ce point est développé à la page 20, IV. Les initiatives en vue de la construction d'une seconde sucrerie La première sucrerie suisse fut fondée à Monthey en 1891, mais elle dut déjà fermer ses portes en 1894. Celle d'Aarberg entra en activité en automne 1899, avec une capacité journalière de 3000 quintaux de betteraves. Durant les premières années, elle se débattit dans de graves difficultés financières, puis fut dévastée par un violent incendie en janvier 1912. C'est de cette année que date la fondation de l'actuelle sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A., qui a reconstruit la fabrique en en augmentant la capacité.

1. L'arrêté fédéral de 1946 sur le régime du sucre Les initiatives en vue de la construction d'une seconde sucrerie remontent aux années «trente». Le groupement de la Suisse orientale pour la culture de la betterave a en effet entrepris les études nécessaires avant la dernière guerre mondiale, en sollicitant le concours de la Confédération. Le 3 juin 1942, le Conseil national adoptait à une grande majorité le postulat déposé le 5 décembre 1941 par M. Eugster, qui invitait le Conseil fédéral à examiner jusqu'à quel point il y aurait lieu de soutenir financièrement les efforts déployés par ce groupement en vue de la construction d'une sucrerie. Le 10 décembre 1945, le Conseil fédéral adressa aux chambres un message à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral réglant le régime du sucre, projet qu'elles adoptèrent le 28 juin sans en modifier la teneur.

Il devait donner à la Confédération la faculté d'organiser l'économie sucrière suisse et de fixer le nombre de sucreries nécessaires. La construction de la deuxième de ces entreprises était déjà décidée pour le cas où l'arrêté serait entré en vigueur. Le Conseil fédéral était autorisé à fixer la surface cultivable en betteraves, ainsi que le prix à payer aux producteurs à chaque récolte. Pour le service des intérêts des capitaux engagés dans les nouvelles fabriques, ainsi que pour
les amortissements, une taxe compensatoire pouvant atteindre 2 francs par quintal de sucre cristallisé et 1 fr. 60 sur le sucre brut devait être perçue à l'importation. Les pertes d'exploitation eussent été couvertes par un prélèvement de 10 francs par quintal sur les droits de douane grevant le sucre brut. De plus, tout le sucre destiné à la consommation devait être frappé d'une taxe de 2 francs au plus par quintal.

Un «fonds du sucre» eût été créé pour faire jouer la compensation. Si ces

427 ressources n'avaient pas suffi, le Conseil fédéral aurait pu décréter la prise en charge de la production indigène par les importateurs, comme aussi édicter les dispositions relatives à l'octroi des fonds destinés à assurer le service des intérêts et l'amortissement, ainsi que l'exploitation.

Une demande de referendum ayant abouti, le peuple a rejeté cet arrêté par 481 000 voix contre 271 000.

D'après les commentaires émis avant et après le scrutin populaire, les principaux motifs de cette décision négative ont été les suivants : a. Aux yeux du peuple, l'arrêté procédait d'une conception trop étatiste.

On a même parlé de dirigisme. Après les nombreuses restrictions imposées par le droit de nécessité durant une période prolongée, de larges milieux aspiraient à plus de liberté dans le domaine économique. Le fait que la Confédération pouvait, lors de l'extension de la culture de la betterave, prévoir la construction de plus d'une sucrerie en prenant les mesures financières nécessaires était sérieusement critiqué ; 6. Le consommateur, qui devait assumerune partie des frais de l'opération, appréhendait un renchérissement du sucre. On s'achoppait aussi au fait que la prise en charge aurait pu être décrétée si les taxes et les versements de la Confédération n'avaient pas suffi ; c. Il n'apparaissait pas assez clairement que les nouvelles sucreries auraient été étroitement liées à celle d'Aarberg ; d. Etant donné le rôle du sucre sur le marché international, on craignait que le développement de la production suisse ne nuisît à nos relations commerciales avec d'autres pays ; e. Un vaste public reprochait à l'agriculture de ne fournir aucun effort, alors qu'elle aurait dû prendre les devants et n'être secondée par les pouvoirs publics que dans la mesure strictement nécessaire ; /. Dans quelques régions, les paysans redoutaient même d'être astreints à cultiver des betteraves sucrières ; g. On a prétendu que l'agriculture disposerait de trop peu de main-d'oeuvre pour développer la culture de la betterave et que celle-ci ne jouerait jamais un rôle appréciable en Suisse orientale.

Il est difficile de discerner parmi les arguments avancés -- dirigisme accru, atteinte à la liberté individuelle, enchérissement du sucre, difficultés dans les relations commerciales -- ceux qui ont le plus impressionné le citoyen.
2. La consultation organisée par le département de l'économie publique Puisque le vote négatif du 14 mars 1948 visait non pas essentiellement la culture des champs et l'extension de la production betteravier«, mais bien les modalités proposées, le Conseil fédéral reprit l'étude du problème de l'économie sucrière suisse. Il confia alors au département de l'économie

428

publique le soin d'examiner, conjointement avec celui des finances et des douanes, la situation créée par le rejet de l'arrêté et de consulter les associations économiques pour savoir si et, le cas échéant, à quelles conditions la construction d'une seconde sucrerie pourrait être de nouveau envisagée, Le 18 novembre 1948, le département de l'économie publique adressa aux associations économiques une circulaire leur demandant de s'exprimer sur l'opportunité et la possibilité d'une expansion de la production betteravière et sucrière, sans négliger ni les questions de principe ni les aspects techniques et financiers de la question. Les réponses reçues se résument pour l'essentiel comme suit : a. Pour des raisons de politique agricole, économique et générale, toutes les associations économiques admettent la nécessité de conserver une agriculture saine et prospère ; b. Elles demandent cependant que les mesures protégeant l'agriculture soient supportables pour les autres groupes économiques et les autres classes de la population et n'empêchent pas les branches non agricoles de demeurer compétitives sur les marchés internationaux ; c. Parmi les associations consultées, une seule, qui se rattache au commerce d'importation, a répondu de manière franchement négative à la question plus concrète de la reprise des démarches et des travaux en vue de l'extension de la production betteravière et sucrière.

3. Institution d'une commission d'étude Le 5 mai 1949, le département de l'économie publique désigna une commission d'étude chargée de lui faire rapport sur toutes les questions relatives à l'extension de la culture de la betterave. Cette commission, qui comptait des représentants de tous les groupes économiques, fut présidée d'abord par M. F. T. Wahlen, puis par M. H. Stähli, conseiller national. Le département de l'économie publique a reçu son rapport final le 21 septembre 1955, en même temps qu'un projet d'arrêté fédéral.

4. Le rapport final de la commission d'étude Voici une brève analyse des principaux chapitres du rapport final de la commission d'étude. A noter cependant que nous n'avons pas toujours pu la suivre dans ses constatations et propositions de rédaction lorsque nous avons élaboré notre projet d'arrêté.

a. Le besoin La commission s'est d'abord interrogée sur la mesure dans laquelle le marché
intérieur peut absorber la production agricole du paye, sur l'évolution et le rôle de la culture des champs, ainsi que sur les particularités de l'économie suorière suisse. Elle a constaté que l'extension des

429 labours implique nécessairement l'augmentation de la superficie consacrée aux plantes sarclées. Aux termes du rapport, la seule possibilité intéressante consisterait à faire passer la surface plantée en betterave d'environ 4000 hectares à 10000.

6. Installations de fortune pour le traitement d'une plus grande quantité de betteraves Avant qu'il soit question de construire une nouvelle sucrerie ou d'agrandir celle d'Aarberg, la commission a examiné s'il n'y aurait pas lieu d'aménager des installations de fortune pour accroître la quantité de betteraves mises en oeuvre. Elle s'est notamment demandé si le séchage de racines en vue de leur traitement ultérieur, leur pressage et l'utilisation du jus au fur et à mesure des possibilités ou l'installation d'une râperie travaillant de concert avec Aarberg ne résoudrait pas le problème. Tous ces procédés lui sont apparus soit désuets, soit inopportuns ; ils ont d'ailleurs été abandonnés à l'étranger au cours des dernières années.

c. Agrandissement de la sucrerie d'Aarberg Pour plusieurs raisons, la commission estime préférable, dans les circonstances présentes, de ne pas chercher à agrandir notablement la sucrerie d'Aarberg. Le trafic par rail et par route suscite déjà des difilcultés et il faut tenir compte des frais considérables que la fabrique doit assumer en recevant des betteraves de toute la Suisse. Si la quantité de racines à travailler augmentait encore, le prix du produit fini en serait plus lourdement grevé. Le coût du transport a également des incidences sur la réexpédition des pulpes fraîches et le prix de vente du sucre.

d. Création d'une nouvelle sucrerie A l'heure actuelle, seule l'édification d'une nouvelle sucrerie permettra de résoudre de manière satisfaisante le problème de l'extension de la culture de la betterave. La commission a étudié attentivement le statut juridique qu'il conviendra de donner à la nouvelle entreprise. On s'accorde à reconnaître que celle-ci devra coopérer étroitement avec Aarberg, pour réduire le coût des constructions et les frais d'exploitation, de manière que le prix de revient du sucre demeure au niveau le plus bas.

La commission a d'abord jugé que la création d'une succursale d'Aarberg présenterait maints avantages. L'entreprise existante ne serait cependant pas en mesure d'assumer les frais de construction,
évalués à plus de trente millions. En outre, 60 pour cent de son capital appartenant au canton de Berne et environ 26 pour cent aux communes du Seeland, ces collectivités ne sauraient être astreintes à fournir la totalité des fonds nécessaires à l'établissement d'une nouvelle sucrerie dans une autre région.

430

La commission a également envisagé avec un grand intérêt la fondation d'une société affiliée à celle d'Aarberg. L'idée dut être cependant abandonnée parce que les fonds nécessaires excéderaient les possibilités de la société existante.

Il apparut alors aux experts qu'une entreprise indépendante pourrait aussi réunir la plupart des avantages d'une succursale et d'une maison affiliée.

Cela supposerait une communauté d'exploitation garantie par une convention, de façon que la nouvelle sucrerie soit à même de profiter de la longue expérience acquise par Aarberg sur les plans technique et économique.

Les charges constituées par les frais d'exploitation, notamment par les salaires et les frais généraux, étant inversement proportionnelles à la capacité de l'entreprise, la commission estime que la nouvelle fabrique de sucre cristallisé devrait pouvoir mettre en oeuvre à peu près 1600 tonnes de betteraves par jour. Sous notre climat, la campagne de fabrication commence en général la dernière semaine de septembre et doit être achevée à Noël, à cause du froid, car les racines gelées ralentissent les opérations et font perdre une grande quantité de sucre. Elle dure donc à peu près 85 jours.

Pour ce qui est du choix de l'emplacement, la commission insiste dans son rapport pour qu'il soit tenu compte des voies de communication, des possibilités de culture, de la main-d'oeuvre disponible, de la nature du sol et des conditions hydrographiques. Elle relève que le coût de la production du sucre dépendra beaucoup de la situation géographique de l'usine. D'après ses constatations, les frais de transport atteignent à Aarberg 1,6 million de francs par an, ce qui représente plus de 6 francs par quintal de sucre. La fabrique paie en effet les betteraves franco gare de chargement et assume le coût du transport, qui varie de 20 centimes à 2 francs par quintal. Sept ou huit quintaux de racines étant nécessaires pour en fabriquer un de sucre, on peut mesurer toute l'importance du choix de l'emplacement de la future sucrerie par rapport à la zone de culture et le rôle qu'il jouera dans la formation du prix de revient du produit fini. Une meilleure organisation des transports permettra d'abaisser d'un franc au moins le prix de revient du quintal de sucre cristallisé livré par les deux fabriques. Pour des raisons d'ordre
économique, la commission conseille d'installer la nouvelle usine le plus près possible du centre de la zone betteravière de la Suisse orientale.

e. Frais d'établissement et financement de la seconde sucrerie

De l'avis de la commission d'étude, la dépense ne pourra être calculée de manière asseà précise qu'après que l'emplacement des bâtiments aura été choisi. En 1949, une fabrique suisse de machines avait établi un devis de 28,5 millions de francs pour une sucrerie en état de traiter 1500 tonnes de betteraves par jour, sans qu'aucune collaboration particulière avec Aarberg fût prévue. En 1950, un spécialiste allemand qui avait coopéré activement

431

à l'édification de plusieurs sucreries prévoyait une dépense de 24 à 25millions de francs, compte tenu des avantages d'une communauté d'exploitation avec Âarberg. En 1955 enfin, elle était supputée par la commission à 32 millions de francs, sur la base des renseignements fournis antérieurement par les spécialistes.

Pour ce qui est du financement, la commission s'est prononcée en faveur de la constitution d'un capital aussi élevé que possible qui supporte les risques de l'entreprise. Elle a articulé le chiffre de 20 à 22 millions de francs, à placer sous forme d'actions auprès des cantons, des communes, des associations agricoles, des agriculteurs, des grossistes, de l'industrie, des instituts de crédit, etc. Au cas où une telle somme ne pourrait être réunie de cette façon sans de grandes difficultés, la Confédération devrait peut-être consentir un prêt sans intérêt ou à un taux minime. Quant aux fonds qui manqueraient encore pour l'édification de cette deuxième sucrerie -- une dizaine de millions de francs --, ils seraient fournis sous forme de prêts hypothécaires par des banques ou d'autres prêteurs.

Le fonds de roulement nécessaire à la nouvelle entreprise est évalué à 6 millions de francs ; il devrait être constitué par des crédits bancaires.

/. Déficits éventuels

Le rapport de la commission d'étude contient une analyse détaillée du; prix de revient du sucre à Aarberg. Ses auteurs estiment cependant à peu: près impossible de prévoir l'évolution ultérieure des frais de production. La capacité de concurrence du produit suisse dépend moins de son prix de revient que des cours des sucres livrés par les pays chauds. En dépit d& l'accord international sur le sucre et des efforts entrepris pour normaliser la production, il ne faut pas s'attendre à une stabilité absolue du marché.

Partant du prix de revient du sucre noté à l'époque, la commission s'est.

appliquée à calculer le déficit maximum que les deux fabriques pourraient enregistrer. Si l'on envisage la suppression de la contribution en faveur des réserves obligatoires, un fléchissement prononcé du cours mondial du sucre et la différence du prix de revient d'une fabrique à l'autre, le déficit des deux entreprises serait au maximum de 6,2 millions de francs par an pendant la période des amortissements, puis de 5,4 millions par la suite. D'autre part, il suffirait d'abaisser le prix des betteraves par exemple de 25 centimes par 100 kilos pour que les dépenses des deux fabriques se trouvent réduite» de quelque 900 000 francs au total.

La commission conclut que si le rapport entre les prix et les frais ne varie pas, Aarberg continuera à travailler sans perte, tandis que la nouvelle; entreprise enregistrera un déficit n'excédant pas 1,5 million de francs.

g. Couverture des déficits

La commission d'étude a examiné attentivement s'il y aurait lieu déverser des primes de culture, d'ordonner la prise en charge de la production.

432 indigène, de renforcer la protection douanière de manière durable, de percevoir des droite d'entrée supplémentaires selon les besoins et enfin de relever le contingent d'importation de sucre brut. Il apparut préférable de renoncer à ces solutions.

La commission en vient ainsi à proposer que la Confédération garantisse la couverture des déficits des deux fabriques jusqu'à concurrence de 6 millions de francs par an, d'une façon qui s'inspire de la convention liant présentement la Confédération et la sucrerie et raffinerie d'Aarberg S, A.

Une clause de cette convention oblige la fabrique à supporter la moitié de ses pertes aussi longtemps que possible en mettant à contribution les réserves latentes qui résultent de l'évaluation des stocks, ainsi que son fonds de réserve spécial. L'autre moitié est assumée par la Confédération jusqu'à concurrence de 3,6 millions de francs par an. Pour le surplus, la société doit encore faire appel à ses réserves et, si elles ne suffisent pas, la différence est portée à compte nouveau.

En définitive, la commission suggère que la différence entre le coût de production du sucre suisse et le cours mondial soit comblée, dans sa totalité ou en partie, par le droit d'entrée actuel et la contribution au fonds de garantie pour les stocks obligatoires, suivant le niveau des prix.

Une solution relevant exclusivement du droit privé, qui n'impliquerait pas une garantie de la couverture des pertes par la Confédération, ne lui paraît pas appropriée à toutes les situations. En outre, eu égard aux particularités de l'économie sucrière, l'Etat ne saurait se tenir tout à fait à l'écart. L'observation de quelques principes essentiels est nécessaire. H s'agit en effet de ne pas exiger de la Confédération plus qu'il ne sied, d'éviter ·d'imposer des charges supplémentaires au consommateur et enfin d'assurer la collaboration des deux fabriques.

h. Propositions touchant la marche à suivre La commission d'étude a conseillé de soumettre son rapport à l'appréciation des cantons et des grandes associations économiques, puis d'élaborer l'instrument législatif sous la forme d'un «arrêté fédéral tendant à mieux assurer l'approvisionnement du pays en sucre», qui se fonderait sur les articles économiques et serait soumis au referendum.

5. Les interventions parlementaires en vue de la création
d'une seconde sucrerie Depuis le 14 mars 1948, date à laquelle le premier projet d'arrêté sur le régime du sucre a été rejeté, l'extension de la culture betteravière a fait l'objet de deux postulats déposés par MM. Bühler et Rubattel, conseillers nationaux, de quatre interpellations émanant de MM. Barrelet, député AU Conseil des Etats, Reichling, Anderegg et Käch, conseillers nationaux, ·et de trois questions écrites, dont deux posées par M. de Courten, conseil-

433

1er national, et une par M. Schwendener, conseiller national. Dans chacun de ces cas, nous avons adopté une attitude positive, non sans rappeler au préalable les difficultés dues à l'issue négative du scrutin populaire de 1948. La dernière fois que l'occasion nous a été donnée de nous exprimer, dans une réponse à une question écrite, au début de 1957, nous avons manifesté l'intention de vous adresser le plus tôt possible un message accompagné d'un projet d'arrêté, 6. L'association pour l'économie sucrîère suisse

L'association pour l'économie sucrière suisse, fondée le 15 mars 1956, se propose notamment d'encourager tous les travaux préliminaires indispensables à l'édification d'une deuxième sucrerie tels que l'information du public et la propagande, le règlement des questions financières et la préparation du statut de la nouvelle société. Tïn juillet 1957, l'association comptait dans ses rangs 20 gouvernements cantonaux, ainsi qu'un grand nombre de groupements, de maisons de commerce, d'industries, de banques et de membres individuels.

V. Les avis des cantons et des associations économiques au sujet du rapport de la commission d'étude et du projet d'arrêté fédéral Le 6 décembre 1955, le département de l'économie publique soumit à l'appréciation des cantons et des associations économiques nationales le rapport final de la commission d'étude du 21 septembre de la même armée et le projet d'arrêté fédéral. Les réponses s'échelonnèrent jusqu'à fin novembre 1956.

Les avis dos cantons

Tous les gouvernements cantonaux approuvent en principe le développement de la production sucrière indigène et les règles établies à cet effet par la commission d'étude. Us motivent leur attitude par la nécessité de mieux assurer l'approvisionnement en sucre, par la difficulté d'appliquer le plan de cultures du Conseil fédéral ou encore par le fait qu'il serait souhaitable d'améliorer la situation économique du paysan. Certains cantons de montagne voient dans l'extension de la culture de la betterave un moyen de mieux répartir le travail entre l'agriculture de montagne et celle de plaine, ce qui élargirait les débouchés du bétail dans la région du Plateau. Plusieurs gouvernements insistent pour que la création d'une deuxième sucrerie ne fasse pas renchérir le prix du sucre.

Les avis des associations économiques

L'utilité d'accroître la production sncrière nationale est mise en évidence par des groupements féminins, des associations ouvrières et un organisme du commerce et de l'industrie.

434

La culture de la betterave à sucre est considérée dans divers cas comme étant de nature à consolider la situation, économique du paysan.

Le moment serait venu d'assurer le revenu agricole par d'autres moyens que la seule manipulation des prix.

Le mode de financement prévu (capital social élevé, participation des paysans et de leurs groupements) a recueilli bien des suffrages. On se féliciterait de la collaboration de la nouvelle sucrerie avec l'ancienne.

On se demande souvent si, malgré la pénurie de main-d'oeuvre, il est indiqué de développer la culture de la betterave, qui donne beaucoup à faire.

Les auteurs de maintes réponses se prononcent également sur l'ensemble du problème «betterave -- ensilage -- exportation du fromage».

Us voudraient voir insérer dans l'arrêté fédéral une disposition précisant que la culture betteravière et en particulier ses sous-produits ne doivent pas porter préjudice à la fabrication du fromage à pâte dure.

Les modalités de la taxation des betteraves et du sucre au départ de la fabrique, ainsi que celles du raffinage du sucre brut font l'objet de commentaires détaillés.

On reproche très souvent au rapport de ne pas faire connaître suffisamment les charges qui incomberont à l'économie nationale. Des précisions sont demandées au sujet de la diminution du produit des droits de douane et des ressources du fonds de garantie, de même qu'en ce qui concerne le surcroît de dépenses pour la mise en valeur des excédents de pommes de terre et du colza. Bien des doutes s'élèvent apropos des allégements qu'une production betteravière accrue procurera à l'économie laitière. On attribue néanmoins assez d'importance à la consolidation de la situation économique d'un nombre appréciable d'exploitations paysannes pour que le projet soit envisagé en principe avec bienveillance, du double point de vue de la politique agricole et de la préparation de l'économie de guerre.

Dans les cinq avis négatifs, on reconnaît que la commission s'est appliquée à présenter une solution qui soit à l'abri des critiques dirigées contre le premier projet, mais on nie la nécessité de fabriquer plus de sucre en Suisse.

Cette denrée ayant un marché mondial, l'accroissement de la production indigène serait préjudiciable à nos échanges internationaux. De plus, le cours mondial des sucres est en
baisse. L'intérêt général commande plutôt de pousser la culture des pois pour la conserve. Les sucreries sont tributaires de l'extérieur pour les fournitures de charbon. En cas de guerre, les attributions de sucre étranger seront fixées compte tenu de la production suisse, si bien que la référence au rôle de l'extension de la culture de la betterave dans la préparation de l'économie de guerre est vaine. L'approvisionnement du pays serait assuré à meilleur compte par la constitution de stocks de sucre, qui se conservent indéfiniment. Le régime envisagé est enfin condamné en raison des sacrifices déjà consentis en faveur de l'agriculture, qui amenuisent le revenu national réel.

435 VI. Le nouveau projet 1. Les bases légales La convention liant le Conseil fédéral et la sucrerie d'Aarberg a déjà été évoquée à la page 10. H s'agit maintenant d'examiner de plus près les bases légales.

La convention conclue le 26 novembre 1953 entre le département des finances et des douanes et la sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A. pour la période allant du lei octobre 1951 au 30 septembre 1954 se fondait sur l'arrêté du Conseil fédéral du 3 novembre 1944 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en produits agricoles pour le temps de guerre et l'aprèsguerre. Cet acte législatif, pris en vertu des pouvoirs extraordinaires, devait cesser ses effets à la fin de 1953. Nous pouvions invoquer à sa place soit l'article 20 de la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951, soit l'article 4 de la loi du 1er avril 1938/29 septembre 1949 tendant à assurer l'approvisionnement du pays en marchandises indispensables. Sans nous prononcer sur ce choix, nous avons décidé, le 2 septembre 1955, de proroger la convention jusqu'au 31 décembre de la même année, de façon qu'elle régît encore la mise en oeuvre des récoltes de 1954 et 1955. Enfin, le 14 septembre 1956, nous appuyant sur l'article 20 de la loi sur l'agriculture, puisque l'article 4 de la loi du 1er avril 1938/29 septembre 1949 était devenu caduc, nous avons pris une nouvelle décision permettant de renouveler la convention pour les récoltes de 1956, 1957 et 1958 au titre de mesure transitoire. Cette réglementation des rapports avec la sucrerie d'Aarberg devrait donc être remplacée le plus rapidement possible par des dispositions spéciales dotant la production sucrière suisse d'un nouveau régime.

Les conditions dans lesquelles s'est élaborée la loi sur l'agriculture empêchent d'invoquer son article 20 en ce qui concerne la création d'une seconde sucrerie, puisqu'il a été relevé à l'époque, sans équivoque, qu'elle ne constituerait aucune référence en pareil cas. A cet égard, les avis sont unanimes.

Les bases légales nécessaires au maintien des relations avec Aarberg et à l'édification d'une nouvelle sucrerie doivent dès lors être fournies par un nouvel arrêté fédéral se fondant sur l'article 3 lois de la constitution et qui sera soumis au referendum en vertu de l'article 32, 3. Objectifs et réalisations Les raisons militant en faveur de l'extension
de la culture de la betterave à sucre et d'une nouvelle réglementation fédérale de la production sucrière ont été longuement exposées au chapitre III ci-dessus. En bref, l'augmentation de la superficie plantée en betterave doit, d'une part, permettre de maintenir en champs une étendue propre à faciliter l'adaptation de la production agricole aux débouchés, la pratique de la polyculture et l'ex-

436

tension des labours en temps utile, au cas où les importations seraient entravées. D'autre part, il est urgent que le marché national soit mieux fourni en sucre du pays. C'est ainsi que la Confédération est amenée à encourager la culture et la transformation de la betterave sucrière, comme aussi à garantir, dans une mesure à préciser dans un chapitre ultérieur, la couverture des pertes de la sucrerie d'Aarberg et de celle qui doit être construite. Puisqu'il en est ainsi, la Confédération sera fondée à imposer aux deux fabriques des conditions qui seront encore définies ci-après et dont certaines s'appliqueront évidemment à l'établissement de la future sucrerie.

3. Choix de l'emplacement

L'article 2 de l'arrêté dispose que la nouvelle sucrerie sera installée à l'est des cantons de Baie-Campagne, Soleure et Berne. Elle recevra par conséquent les betteraves de Zurich, Schwyz, Schaffhouse, Saint-Gall, Argovie et Thurgovie. Grâce à la collaboration définie par ailleurs, les deux sucreries pourront s'entendre pour modifier cette ligne de démarcation selon le volume des récoltes. Pour ce qui est de l'implantation de la nouvelle fabrique, nous nous permettons de renvoyer aux éclaircissements de la commission d'étude qui propose des éléments d'appréciation d'ordre purement économique et objectif. Au demeurant, l'association pour l'économie sucrière se charge de constituer en temps utile la nouvelle société, qui choisira elle-même l'emplacement exact de son usine.

4. Financement de la seconde sucrerie; la Confédération n'acquerra pas d'actions Le Conseil fédéral admet avec la commission d'étude que la seconde sucrerie doit appartenir à une société anonyme indépendante dotée d'un capital-actions aussi élevé que possible qui supporte les risques. Il s'agit en effet d'éviter que le compte d'exploitation ne soit par trop grevé par le service des intérêts dans les années les moins bonnes.

Pour le calcul du capital-actions minimum dont dépendra l'appoint de la Confédération, nous ne pouvons que nous référer aux travaux de la commission d'étude qui, en 1955, supputait à 32 millions de francs le coût de l'établissement d'une seconde sucrerie. Par suite du renchérissement, il faut compter de nos jours 34 millions, dont 24 devraient être demandés aux nouveaux actionnaires. A défaut de ce montant, les souscriptions devront représenter au moins 22 millions de francs pour que la Confédération puisse fournir les prestations prévues dans l'arrêté fédéral, mais il faudrait un concours de circonstances vraiment exceptionnel pour que le chiffre de 24 millions ne fût pas atteint. L'apport des actionnaires sera complété par des prêts hypothécaires et d'autres emprunts. L'arrêté dispose expressément que la Confédération ne participera pas à la formation du capital social De même, aucun texte législatif ne l'autorisera à consentir un prêt pour compléter les mesures de financement.

43T

Telles sont les conditions d'ordre financier auxquelles nous subordonnons la réalisation du projet d'établissement d'une seconde sucrerie. H incombera aux milieux intéressés d'entreprendre les démarches nécessaires pour recueillir les fonds.

5. Financement de la seconde sucrerie par les milieux intéressés; résultats de la consultation relative à la souscription du capital social La nouvelle société anonyme ne pouvant en tout cas pas être constituée avant l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral, il est encore impossible d'indiquer la composition exacte du capital-actions.

Le financement a été organisé de manière que non seulement le montantdû capital-actions, mais encore sa composition reflètent l'effort des intéressés. L'association pour l'économie sucrière se propose de demander à peu près les deux tiers de ce capital à des particuliers et à l'économie, le reste devant être fourni par les cantons et les communes. Une forte souscription de la part des milieux paysans montrerait que si l'agriculture réclame une seconde sucrerie, elle est en outre désireuse de coopérer activement à cette réalisation, ce dont les milieux non agricoles semblent faire dépendre essentiellement leur concours. De toute façon, l'agriculture n'est pas une branche de l'économie qui retire un capital important de son activité; il ne lui sera donc pas possible de souscrire un montant très élevé, ce dont il sied de tenir compte. Quant à la participation des divers groupes, l'association pour l'économie sucrière a établi le plan suivant : Millions de frouos-

1. Organismes agricoles , dont 4 millions fournis par les planteurs de betterave sucrière 2. Souscripteurs de petites actions 3. Sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A 4. Commerce du sucre et industrie 5. Cantons 6. Etablissements de crédit locaux et banques 7. Communes du rayon de la nouvelle sucrerie Total

7 130 2300 3 000 2 000 8000 1 000 0 570 24000

S'inspirant de ce plan de financement, l'association pour l'économiesucrière s'est attachée, dès le début, à obtenir des bailleurs de fonds présumés des assurances ou du moins des déclarations quant au montant deleurs futures souscriptions. A l'heure actuelle, quelques millions sont déjà promis ferme. lies déclarations de principe montrent en outre que les organes compétents vont être invités, si ce n'est pas déjà fait, à souscrire des sommes importantes qui peuvent être considérées comme acquises.

D'autres milieux sont prêts à se joindre aux souscripteurs, mais ils subordonnent leur concours à l'adoption et à la mise en vigueur de l'arrêté-

438

A une exception près où la réponse est, au fond, tout de même affirmative, les vingt cantons membres de l'association pour l'économie sumère ont annoncé leur participation dans le délai le plus bref, non sans faire valoir que la décision définitive appartiendra au parlement cantonal, .auquel une proposition ne pourra être soumise qu'après l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral. Le Grand Conseil neuchâtelois a toutefois déjà voté la part que lui assigne le plan de financement. Certains gouvernements ont enfin informé l'association que le corps électoral devra encore se ^prononcer après les conseils législatifs.

Le résultat des démarches entreprises en vue du financement de la nouvelle sucrerie apparaît satisfaisant. Au point où en sont les choses, la fondation de la nouvelle société anonyme suivra probablement de près l'entrée en vigueur de l'arrêté.

6. La capacité des deux sucreries Le contrat qui lie la Confédération à la sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A. fixe à 220 000 tonnes la quantité maximum de betteraves pouvant être mise en oeuvre pour que la participation à la couverture du déficit soit assurée. Le nouvel arrêté reprend ce chiffre.

Quant à la capacité de la nouvelle fabrique, diverses considérations s'imposent. Du point de vue économique, il ne faudrait pas descendre audessous d'une certaine limite. Les frais d'exploitation, en particulier la dépense pour la main-d'oeuvre et la production de chaleur n'augmentent pas en proportion de la quantité de betteraves traitée journellement; le rapport est d'autant plus favorable que la fabrique est importante. Si l'on veut que ces éléments des frais généraux et les autres soient bien répartis, la capacité de la nouvelle fabrique doit être fixée à environ 160 000 tonnes de betteraves par an, comme c'est le cas pour la plupart des petites sucreries nouvellement installées à l'étranger. Ce chiffre correspond d'ailleurs à l'extension de cette culture que nous venons de considérer comme indispensable.

Le rendement de la betterave sucrière à l'unité de surface dépend passablement dû temps, au point que les apports risquent de dépasser la capacité d'une fabrique même lorsqu'elle a pris toutes les précautions nécessaires. Afin que toutes les fournitures puissent néanmoins être travaillées aux conditions usuelles, il ne faut attribuer aux chiffres
relatifs à la capacité qu'une valeur indicative. Les sucreries devront cependant veiller, lors de la conclusion des contrats de culture, que leurs contingents ne soient pas dépassés en permanence.

7. Collaboration des deux sucreries; obligation de pratiquer une gestion rationnelle Parmi les motifs invoqués pour justifier le rejet du premier projet de 1948 figure notamment l'insuffisance de la collaboration entre l'usine

439

d'Aarberg et la nouvelle entreprise. La commission d'étude a déjà tenu compte de cette critique et insisté sur la nécessité d'une étroite coopération.

L'arrêté fédéral exige maintenant que les deux fabriques collaborent sur les plans technique et économique en concluant à cet effet une convention.

La Confédération se réserve d'intervenir pour le cas ou cette coordination laisserait à désirer au point de léser ses intérêts ou de nuire à l'application de l'arrêté.

La répartition de certains travaux entre les deux entreprises contribuera à réduire les besoins en capitaux et les frais d'exploitation courants.

Ainsi, la nouvelle sucrerie pourra renoncer à posséder sa propre distillerie, parce que ses excédents de mélasse seront envoyés à Aarberg pour la fabrication d'alcool. Les achats et les ventes en commun se tracluiront par des économies, et la possibilité d'échanger du personnel conférera aux deux entreprises une sécurité accrue.

La coopération contractuelle des deux sucreries les aidera grandement à pratiquer la gestion rationnelle requise par l'arrêté.

8. Réglementation empêchant de concurrencer les entreprises existantes; raffinage du sucre brut réservé à Aarberg

La disposition de l'arrêté qui charge le Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que les deux sucreries ne fassent une concurrence injustifiée à des entreprises suisses intéresse surtout les trois maisons du groupe de Rupperswil.

La «Zuckermühle Rupperswil A.-G.», à Rupperswil, sa succursale d'Egnach et la «Zuckermühlo Läufelfingen A.-G.», à Läufelfingen, occupent en tout à peu près 180 personnes. Ces entreprises ont été installées, à l'époque, dans les régions fort peu industrialisées, où leur présence est toujours très utile, du fait qu'elles offrent des possibilités de travail à la population rurale.

Toutes trois fabriquent notamment du sucre en morceaux à partir de sucre cristallisé importé ou produit en Suisse. Elles se sont entendues avec Aarberg, en 1932, au sujet de la vente de cette production: Aarberg ravitaille en règle générale le canton de Berne et la Suisse romande, tandis que les autres usines livrent cet article dans le reste du pays. II est dès lors compréhensible que le nouveau régime du sucre qui s'élabore et la construction de la seconde sucrerie les intéressent au plus haut point. Craignant pour leur existence, elles ont demandé qae l'arrêté fédéral les protège en conséquence.

Ces entreprises, qui subsistent sans aide directe de la part des pouvoirs publics, méritent assurément d'être préservées de la concurrence injustifiée

d'une nouvelle sucrerie, dont la création dépendra dans une large mesure de la garantie que la Confédération accordera pour couvrir ses déficits.

Feuille fédérale. 109e année. Vol. II.

31

440

L'article 5 de l'arrêté nous permettra donc d'intervenir pour empêcher que l'activité de ces fabriques ne soit entravée d'une manière intolérable pour l'économie nationale.

En général, la situation n'a pas encore été assez étudiée pour que l'on puisse fixer ici des conditions précises. La disposition citée montre néanmoins clairement que la Confédération sauvegardera les intérêts des fabriques du groupe de Rupperswil. Les autres modalités figureront dans les règlements d'exécution, lors de l'élaboration desquels il faudra par exemple décider si la nouvelle sucrerie doit renoncer à produire du sucre en morceaux.

D'ailleurs, l'article 10 de l'arrêté subordonne à l'approbation du Conseil fédéral les investissements qui excèdent les frais d'entretien courants.

Nous aurons donc la faculté de nous interposer lorsque seront envisagés des agrandissements permettant de concurrencer les fabriques de sucre en morceaux.

Les exigences du consommateur pouvant aussi varier de manière imprévisible, il apparaît indiqué de ne pas faire figurer dans l'arrêté des dispositions de détail qui obligeraient peut-être de le modifier à plus ou moins brève échéance. La convention déjà conclue entre les fabriques du groupe de Rupperswil et celle d'Aarberg ouvre également la voie à une solution acceptable, librement consentie, lorsque la nouvelle sucrerie sera en activité. Des démarches ont été entreprises à cet effet.

Notons qu'entre le droit d'entrée perçu sur le sucre cristallisé (22 fr.

par 100 kg) et celui qui grève le sucre en morceaux (27 fr. par 100 kg), il y a une marge de 5 francs par quintal qui profite aux maisons équipées pour la fabrication des morceaux.

Le groupe de Rupperswil redoute que la création d'une seconde sucrerie ne l'entrave surtout dans le commerce du sucre cristallisé, dont il est importateur. L'attitude adoptée à l'égard de ce commerce et de l'importation en général sera définie dans un chapitre ultérieur.

L'article 5 de l'arrêté fédéral interdit à la seconde fabrique d'importer du sucre brut pour le raffiner. La quantité qu'Aarberg pourra recevoir de l'étranger sera fixée par le Conseil fédéral selon les circonstances, mais elle ne dépassera pas 30 000 tonnes par an.

Du point de vue économique, le rainnage de sucre brut importé contribue à étaler les charges fixes de l'entreprise et,
partant, à réduire le prix de revient du produit fini. L'intérêt qu'il présente dépend aussi dans une large mesure du prix d'achat du sucre brut. L'écart entre le prix de cette matière première et celui du sucre cristallisé est souvent faible. La différence des droits de douane, déterminée essentiellement par la teneur en sucre pur, est de 4 francs seulement (droit sur le sucre brut destiné à être raffiné à Aarberg: 18 fr. par 100 kg), si bien que l'opération n'est pas forcément rémunératrice, mais elle offre de toute façon de sérieux avantages en ce qui concerne l'organisation du travail. C'est pourquoi l'entreprise d'Aarberg

441 doit indéniablement continuer à raffiner tuie certaine quantité de sucre brut.

Aux termes du projet (art. 13), la quantité ainsi travaillée dont il sera tenu compte pour la couverture des déficits par la Confédération n'excédera pas, dorénavant, 30 000 tonnes par an. Présentement, la limite est, nous l'avons vu, de 36 000 tonnes. Une réduction s'impose par égard pour le commerce d'importation, qui verra diminuer temporairement ses arrivages ensuite de l'extension de la culture betteravière. Ces dernières années, Aarberg n'a jamais utilisé entièrement son contingent.

Ces considérations donnent à penser que les pertes éventuelles de la nouvelle fabrique pourraient être comblées grâce au raffinage de sucre brut.

La commission d'étude, qui s'est déjà penchée sur le problème, a déconseillé cette solution, pour ne pas léser davantage les intérêts des importateurs.

Du point de vue strict de l'économie d'entreprise, le raffinage du sucre brut serait peut-être de quelque utilité pour la nouvelle fabrique. C'est la raison pour laquelle diverses associations économiques consultées ont demandé qu'elle s'y adonnât. De notre côté, nous avons pesé les conséquences d'une telle mesure en confrontant les avantages du raffinage d'une quantité supplémentaire de sucre brut avec les inconvénients qui résulteraient d'une opposition encore plus marquée des importateurs à l'égard de l'ensemble du problème. Nous en avons conclu, pour les mêmes motifs qui ont dicté l'avis de la commission d'étude, que la nouvelle fabrique ne devra pas ramner du sucre brut. Elle connaîtra d'ailleurs un degré d'automatisation beaucoup plus poussé que celle d'Aarberg et bénéficiera d'une avance certaine sur cette dernière, en dépit de sa modernisation constante. Elle pourra se contenter d'une main-d'ceuvre sensiblement moins nombreuse et d'assez peu de personnel saisonnier pour la période de mise en oeuvre des betteraves. Le problème de l'occupation des auxiliaires jusqu'au printemps ne se posera pas avec la même acuité qu'à Aarberg. Aucune considération relative à l'emploi des ouvriers et, partant d'ordre social, ne donne à penser que la nouvelle fabrique doive absolument raffiner du sucre brut importé.

9. Fartage des bénéfices laissés par le raffinage du sacre brut L'ancienne sucrerie sera tenue d'aider la nouvelle entreprise à
couvrir ses pertes en lui cédant une partie du bénéfice obtenu grâce au raffinage du sucre brut. Cette disposition ne sera cependant applicable que dans le cas où la seconde sucrerie devrait autrement faire jouer la garantie fédérale prévue à l'article 13.

Nous venons de voir, au chapitre précédent, pourquoi la nouvelle sucrerie ne sera pas autorisée à recevoir du sucre brut pour le raffiner. Le partage prescrit est nécessaire si l'on veut éviter que la Confédération ne soit obligée de prendre à sa charge des déficits au moment même où Aarberg enregistrerait des bénéfices et pourrait constituer des réserves en raison de la garantie,

442

qui s'étend aussi au raffinage du sucre brut. Le Conseil fédéral réglera le partage au vu de la situation financière des deux entreprises.

10. Sauvegarde des intérêts de l'économie laitière Le nouvel arrêté fédéral doit permettre de développer la production tetteràvière sans que la fabrication du fromage à pâte dure s'en ressente en aucune façon.

L'extension de la culture de la betterave à sucre pourrait avoir en effet des répercussions indésirables sur la fabrication du fromage à pâte dure. Ce serait le cas par exemple si des sous-produits de cette culture étaient employés contrairement aux prescriptions du règlement suisse de livraison du lait, du 29 décembre 1954, qui interdit de donner, même en hiver, des aliments ensilés aux vaches laitières des régions où il se fabrique du fromage gras ou demi-gras, de crainte que la qualité des produits n'en pâtisse. Il est établi scientifiquement que cette règle ne souffre aucune exception. L'union centrale des producteurs suisses de lait constate en outre que le nombre des sociétés de fromagerie situées dans les zones où l'ensilage est interdit et remplissant les conditions requises pour la fabrication du fromage en hiver ne doit plus diminuer, car il ne subsiste qu'une faible réserve pour l'accroissement de la fabrication, d'emmental en particulier. Si la culture de la betterave sucrière et la pratique de l'ensilage allaient vraiment de pair, comme on le prétend souvent, les appréhensions suscitées par le développement de la première du point de vue de l'économie laitère seraient fondées jusqu'à un certain point.

Elles ne résistent cependant pas à un examen approfondi. Premièrement, l'ensilage -- nouveau mode de conservation avantageux du fourrage produit à la ferme -- n'est pas lié à la culture de la betterave. Les sous-produits de la fabrication du sucre ne sont affectés à cette fin que dans une faible mesure. L'emploi des aliments ainsi conservés n'étant autorisé qu'en hiver, la production fromagère ne court aucun risque en été, époque où elle est précisément la plus abondante en raison des conditions naturelles favorables. Secondement, l'extension de la culture betteravière consécutive à l'édification d'une nouvelle sucrerie se fera en grande partie dans des régions ou dans le secteur de coopératives laitières où, l'ensilage n'étant pas interdit,
le fourrage conservé de cette manière peut être utilisé en conformité du règlement de livraison du lait.

Il est néanmoins possible de placer des contrats de culture pour des betteraves suerières dans les zones où l'ensilage est interdit, si les règles ci-après sont observées de manière sûre: --· Feuilles et collets de betteraves doivent être donnés aux vaches en lactation seulement à l'état frais et par petites quantités. A titre de compensation, les rations de ces produits destinées au jeune bétail et aux

443

vaches taries peuvent être augmentées. Lorsqu'il n'est pas possible d'écouler de cette façon toute la récolte, le surplus doit être séché dans un séchoir à herbe, selon un usage déjà courant à l'étranger et qui tend à s'introduire en Suisse.

-- Les planteurs de betteraves des zones où l'ensilage est interdit ne peuvent être astreints à reprendre des pulpes fraîches. Pour qu'ils puissent avoir au moins une partie de celles qui correspondent à leurs fournitures, la nouvelle fabrique doit être pourvue d'une installation de séchage, comme c'est le cas à Aarberg. Les pulpes séchées constituent un excellent aliment pour les vaches laitières, aussi bien là où l'ensilage est prohibé qu'ailleurs.

-- La reprise de la mélasse ne doit pas être imposée aux producteurs de lait des zones où l'ensilage est interdit. De même, les contrats de culture ne devront pas prévoir, en pareil cas, l'acquisition d'aliments mélasses au prorata des livraisons de betteraves. Si la culture de la betterave est développée, la mélasse pourra encore être écoulée, sous forme d'aliments composés, dans les zones d'ensilage, où le règlement de livraison du lait permet de donner de ces produits au bétail laitier. L'acquisition d'aliments mélasses pour les chevaux, les vaches taries et les porcs est autorisée partout.

-- Pour assurer l'observation de ces dispositions, les sucreries doivent tenir un contrôle des planteurs de betteraves des zones où l'ensilage est interdit. Pour eux, les clauses du contrat de culture relatives à la reprise de pulpes fraîches, de mélasse et d'aliments mélasses n'auront pas la même teneur que pour les autres producteurs.

Inévitablement, ces réserves amenuisent quelque peu le profit des planteurs, mais la culture de la betterave sucrière ne cesse pas pour autant d'être très utile du point de vue de l'économie d'entreprise et profitable à l'économie nationale. Au demeurant, les paysans auxquels la pratique de l'ensilage est interdite touchent une indemnité sous forme d'un relèvement du prix du lait en hiver.

Ces restrictions, toujours supportables, sont commandées par la sauvegarde des intérêts de l'économie laitière. Les mesures de protection prévues à l'article 7 de l'arrêté confèrent à l'autorité fédérale les pouvoirs indispensables pour faire respecter les règles établies.

11. Fixation du prix des
betteraves sucrières par le Conseil fédéral Le Conseil fédéral fixe le prix des betteraves depuis 1935. Ce système, également nécessaire du fait que la Confédération est appelée à garantir en partie la couverture des déficits des sucreries, doit être maintenu. Le prix des racines prises en charge franco gare de départ se calcule d'après les frais de production correspondant à la moyenne de plusieurs années notée dans les

444

exploitations rationnellement gérées et reprises à des conditions normales.

Le cours mondial du sucre entre aussi en ligne de compte et, au besoin, si les fonds disponibles selon l'article 13, alinéas 1 à 3, ne devaient plus suffire à combler les pertes d'exploitation, il faudrait déroger au principe de la couverture des frais de production. Le prix de revient du sucre cristallisé du pays étant étroitement lié au prix des betteraves, la moindre réduction de celui-ci a une incidence considérable et serait de nature à exercer une grande influence sur la situation financière des deux entreprises.

Cette réserve au sujet du prix à la production ·-- déjà énoncée dans le rapport de la commission d'étude -- a suscité des critiques dans les milieux agricoles. Les raisons que nous venons d'exposer militent pourtant en faveur de son maintien. En Suisse, le prix du sucre se forme librement et dépend pour l'essentiel du cours de la marchandise importée. La situation n'est donc pas du tout comparable à celle de la plupart des autres secteurs de la production agricole, et l'on ne saurait attribuer au prix des betteraves sucrières la même importance qu'à celui du lait, des bestiaux de boucherie, des porcs et des céréales panifiables par exemple.

Les consommateurs sont représentés dans maints organismes consultés par les autorités et qui s'occupent entre autres choses de la fixation du prix des principaux produits agricoles tels que le lait et la viande. Dans plusieurs avis concernant le rapport final de la commission d'étude, on demande que les consommateurs participent aussi à la fixation du prix des betteraves sucrières. Il conviendrait de déférer à ce voeu, bien que, par suite de conditions différentes, la taxation des betteraves ne se répercute pas directement sur le prix de détail du sucre, qui intéresse plus particulièrement le consommateur. L'arrêté exige que le Conseil fédéral entende la commission consultative mentionnée à l'article 3 de la loi sur l'agriculture avant de fixer les prix.

12. Principes régissant la fixation du prix du sucre fabriqué en Suisse

La question a déjà été abordée plusieurs fois dans le présent message. Nous nous bornerons à rappeler ici que le marché du sucre et la formation du prix de cette denrée doivent demeurer entièrement libres malgré la création d'une seconde sucrerie. A l'avenir comme par le passé, le prix appliqué sur le marché suisse sera déterminé en principe par le cours mondial augmenté du droit d'entrée, de la contribution au fonds de garantie des stocks obligatoires, des frais de formalités à la frontière, du coût du transport et des marges commerciales. Aux termes de l'arrêté, les deux sucreries vendront les produits et sous-produits de leur fabrication à des taux en rapport avec ceux de la marchandise importée de qualité comparable. Lorsque les cours mondiaux subiront une hausse exceptionnelle, le pri^r du sucre suisse ne devra pas dépasser le niveau nécessaire pour couvrir tous les frais de production et alimenter convenablement un fonds de réserve. L'arrêté contiendra ainsi

445 une disposition expresse qui empêchera les deux sucreries de réaliser des gaina injustifiés en profitant des prix pratiqués à l'étranger.

En vertu de ces principes, le consommateur ne cessera pas de payer le sucre suisse au cours du sucre importé. Si des baisses se produisent sur le marché mondial, elles se répercuteront sur la production suisse aussi bien que sur les arrivages du dehors.

Parmi les avis reçus à propos de la création d'une seconde sucrerie, il en est qui soulèvent la question de l'imposition douanière du sucre.

On note que, dans l'intérêt du consommateur, le droit prélevé ne devrait pas aboutir à une protection permanente de la production sucrière indigène et que, suivant la solution adoptée en l'occurrence, il ne serait pas tout à fait exact de prétendre que le projet actuel ne provoquera pas un renchérissement du sucre. D'autre part, une réduction massive des droits de douane a été réclamée pour freiner la hausse du coût de la vie de l'hiver dernier. La question des droits sur le sucre ne peut être traitée dans le présent message; il faut attendre de connaître le sort qui lui sera réservé lors de la revision que subit actuellement le tarif douanier.

A l'inverse du projet de 1948, la nouvelle réglementation prévue pour développer la culture de la betterave sucrière ne fera pas augmenter le prix de détail du sucre; elle n'aura aucune incidence sur l'indice national des prix à la consommation.

13. Surveillance exercée par la Confédération

Puisque la Confédération doit participier à la couverture des déficits des deux sucreries, il faut lui réserver le droit de surveiller la gestion des sociétés propriétaires. Elle examinera les comptabilités et exigera que les nouvelles immobilisation dépassant les frais d'entretien courants soient soumises à son approbation. Elle fixera les annuités des amortissements, statuera sur l'emploi des fonds de réserve spéciaux -- s'ils ne doivent pas être mis à contribution en vertu de l'article 13 de l'arrêté -- et surveillera le fonds de réserve légal, ainsi que les autres réserves (pour la création de possibilités de travail, pour amortir les fluctuations des cours). La Confédération veillera en outre à ce que les deux entreprises soient gérées rationnellement et s'engagent par contrat à collaborer comme prévu au chiffre 7 cidessus.

14. Limitation des dividendes L'arrêté fédéral contient une disposition limitant à cinq pour cent le dividende brut distribué à l'aide des bénéfices nets. Le solde éventuellement disponible après le versement à la réserve légale et le paiement du dividende sera affecté à un fonds de réserve spécial dont les deux fabriques ne pourront se servir qu'avec l'autorisation expresse du Conseil fédéral, abstraction

446

faite de la couverture des déficits prévue à l'article 13. La limitation des dividendes s'impose du fait que la Confédération s'engage à combler une partie du déficit au cas où les affaires iraient mal ou même à le prendre entièrement à sa charge jusqu'à concurrence d'une certaine somme si les sociétés ne disposent pas de réserves.

Pour les exercices de 1938/1939 à 1951/1952, la sucrerie d'Aarberg a pu répartir un dividende de cinq pour cent. Depuis 1952/1953, la convention conclue avec la Confédération le limite à quatre pour cent ; les possibilités de rendement sont relativement modestes. Les actionnaires doivent se contenter, dans les bonnes années, d'un dividende artificiellement restreint, tandis que leur, capital ne rapporte rien quand les affaires vont mal. Au demeurant, cette limitation résulte seulement d'une disposition contractuelle et pourrait, de ce fait, être modifiée à brève échéance, tandis que le taux maximum fixé dans l'arrêté restera valable durant une longue période, quelle que soit l'évolution du marché des capitaux. Enfin, la perspective d'un dividende de cinq pour cent brut devrait conférer un certain attrait aux actions de la nouvelle société.

15. Appoint financier accordé aux sucreries par la Confédération (garantie de la couverture des déficits) La plupart des pays d'Europe ont soustrait leur économie sucrière aux fluctuations des cours mondiaux en appliquant des prix fixes, calculés de manière que les fabriques rentrent dans leurs frais. Ce système est totalement inconnu en Suisse. Vu la façon dont on envisage les choses, il ne saurait être question de l'y introduire. Notre solution doit éviter de léser les intérêts du consommateur tout en permettant aux .deux sucreries de subsister. Du point de vue administratif, la plus grande simplicité s'impose.

La proposition de la commission d'étude relative à l'octroi d'un appoint aux sucreries par la Confédération répond à ces postulats. La garantie ne jouera que si l'une ou l'autre des sucreries ou les deux ensemble enregistrent des pertes malgré une gestion scrupuleuse et l'absence de dividende.

Tant que les sucreries disposeront de réserves (fonds spécial) ou d'autres provisions (fonds pour amortir les fluctuations des cours, réserve légale), l'appoint de la Confédération n'excédera pas, en règle générale, la moitié des
déficits. Contrairement à ce qui se passe sous le régime transitoire institué par la convention conclue avec Aarberg, les sommes nécessaires en l'occurrence seront prélevées non pas sur la provision pour la culture des champs et le placement des produits, mais sur les ressources générales de la Confédération.

Si les prestations fédérales ne suffisent pas à couvrir la moitié des déficits, d'autres réserves devront être entamées, mais au cas où les deux sociétés n'en auraient plus assez ou plus du tout, la Confédération pourrait fournir plus du 50 pour cent prévu. Ainsi que le conseille la commission d'étude, la part de la caisse fédérale ne devra pas dépasser 6 millions de

447

francs par an pour les deux fabriques. Les pertes non résorbées par ces mesures seront portées à compte nouveau. Ces dispositions correspondent, dans les grandes lignes, à celles de la convention liant la Confédération et la sucrerie d'Aarberg qui règlent la couverture des déficits.

Nous avons déjà vu, dans un autre ordre d'idées (p. 11), qu'aux termes de la convention actuelle, la Confédération assume la moitié des pertes d'exploitation d'Aarberg, mais sans fournir plus de 3,6 millions de francs par an.

Ce chiffre dérive de la réglementation en vigueur du 15 juin 1947 au 30 juin 1951, laquelle mettait les déficits à la charge de l'Etat jusqu'à concurrence de 10 francs par quintal de sucre brut importé pour un contingent maximum de 36 000 tonnes, ce qui représentait 3,6 millions de francs. Depuis le 1er juillet 1951, la garantie porte sur 3,6 millions de francs, quelle que soit la part du contingent de sucre brut utilisée.

Sous le nouveau régime, la Confédération accordera sa garantie aux deux sucreries pour 6 millions de francs au total. Ce montant découle des explications de la commission d'étude, selon lesquelles il correspondrait au déficit que les deux sociétés risquent de subir dans les conditions les plus défavorables, par exemple dans le cas d'une chute exceptionnelle de la cote mondiale ou si le fonds de garantie était supprimé. On obtient un résultat semblable en relevant proportionnellement à l'accroissement de la production sucrière indigène la somme prévue jusqu'ici pour Aarberg seulement.

Cette garantie est également motivée par le fait que le Conseil fédéral taxe les betteraves, ce qui détermine dans une large mesure le coût de production du sucre.

VII. OBJECTIONS TOUCHANT L'ACCROISSEMENT DE LA PRODUCTION SUCRIÈRE SUISSE Les gouvernements cantonaux et les associations économiques ont examiné le rapport de la commission d'étude de manière très approfondie.

Dès la publication de ce rapport, l'opinion s'est vivement préoccupée du problème soulevé par la création d'une seconde sucrerie. Des avis critiques n'ont pas manqué de se faire entendre. Nous allons voir jusqu'à quel point ils sont justifiés par les faits.

1. Conditions pédologiques et climatiques défavorables

On affirme que la Suisse ne se prête pas à la culture de la betterave sucrière et que même nos voisins y auraient renoncé dans les régions limitrophes. Les rendements et les densités notés sur notre territoire prouvent le contraire. On oublie manifestement que les régions en cause sont avant tout montagneuses en France (excepté en Alsace, où il y a une sucrerie), en Italie et en Autriche. En Allemagne méridionale (Bade, Wurtem-

448

berg, Bavière), il n'existe pas moins de neuf sucreries, dont quelquesunes comptent parmi les plus grandes et les plus modernes d'Europe.

Le tableau ci-après, emprunté à la statistique internationale du sucre de F. 0. Licht, montre que notre production betteravière supporte la comparaison avec celle d'autres pays d'Europe occidentale.

Pays

Moyenne des années 1951 à 1955 Rendement Rendement en betteraves en suore à l'heotare à l'hectare (*) q.

q.

Pays-Bas 426 58,7 Suisse 389 58,5 Belgique 361 55,1 Allemagne de l'Ouest 343 50,3 Danemark 325 50,2 Suède 322 48,7 Autriche 283 44,0 Grande-Bretagne 286 42,5 France 265 40,3 Italie 286 37,3 La culture de la betterave présente pour le paysan suisse un tel intérêt que les livraisons durent être contingentées dès le début des années «trente», puis de 1946 à nos jours, en dépit d'un sérieux accroissement de la capacité de l'usine d'Aarberg. Chaque année, un grand nombre de demandes tendant à l'octroi ou à l'augmentation de contingents de culture sont écartées.

Il est bien permis d'en déduire que le paysan apprécie hautement les avantages de la culture betteravière et ne pense pas qu'elle soit mal adaptée aux conditions pédologiques et climatiques de la Suisse.

2. Pénurie de main-d'oeuvre Le manque chronique de main-d'oeuvre agricole fait, dit-on, douter de la possibilité de développer assez la culture de la betterave pour alimenter une deuxième sucrerie, d'autant plus que cette culture exige beaucoup de travail. Une fois encore, l'intérêt que l'agriculteur porte à cette production vient démentir l'objection. Le cultivateitr n'a d'ailleurs pas besoin d'ouvriers supplémentaires. Il cherche au contraire à utiliser de manière aussi rationnelle et complète que possible la main-d'oeuvre familiale et le personnel salarié disponibles. Le terrain nécessaire est déjà en champs, si bien que le surcroît de labeur exigé ne sera que partiel. Les machines peuvent en outre être d'un grand secours dans ce secteur, où les techniques et le rendement des ouvriers ne sont plus comparables à ce qu'ils étaient il y a une dizaine d'années.

(*) D'après la teneur en sucre de la betterave; pour obtenir le rendement effectif, déduire la freinte.

449

La productivité du travail a beaucoup augmenté. Le fait que l'on peut s'occuper des betteraves entre les périodes où les autres cultures donnent le plus d'ouvrage permet d'employer au mieux la main-d'oeuvre familiale dans la petite exploitation. Enfin, l'extension de cette production consolide la situation économique de l'entreprise agricole, ce qui est un atout appréciable dans la lutte contre l'exode rural.

3. Préjudice causé aux petits paysans et aux paysans de la montagne

Pour les raisons que nous venons d'exposer, la culture de la betterave rend service au petit paysan, qui doit tirer le meilleur parti possible de son lopin de terre. Elle lui permet en effet d'améliorer son revenu brut et le produit de son travail. Depuis de nombreuses années, des artisans et des ouvriers de fabriques qui s'adonnent à l'agriculture à titre accessoire concluent ou demandent à conclure des contrats pour la culture de betteraves sucrières.

En Suisse, elle est surtout en honneur dans des exploitations relativement petites. On ne saurait donc dire qu'elle est uniquement l'affaire des plus grandes. Il faut s'attendre que les petites et moyennes entreprises agricoles continueront à s'y intéresser et qu'une forte proportion des nouveaux planteurs se recrutera dans ces milieux.

Dans leurs avis sur le rapport final de la commission d'étude, les gouvernements de plusieurs cantons de montagne ont souligné la relation existant entre l'écoulement du bétail et la culture de la betterave à sucre. Ils estiment que l'extension projetée pourrait profiter indirectement aux paysans de la montagne par son incidence sur le marché des bestiaux. Cela ne doit cependant pas donner à penser que le problème de l'agriculture en montagne sera résolu par le développement de la production betteravière. Une telle conclusion serait erronée et ne répondrait pas aux vues des autorités responsables. Les raisons militant en faveur de l'augmentation de la superficie consacrée à la betterave ont été exposées en détail au chapitre III. Quant à l'aide aux régions de montagne, elle requiert des mesures plus étendues qui font déjà l'objet de propositions à votre assemblée ou sont encore à l'étude.

4. Economie laitière

Nous avons déjà fait le tour du problème au chapitre VI en insistant sur la nécessité de pouvoir fabriquer du fromage à pâte dure en quantité suffisante. Tout nouveau commentaire est dès lors superflu.

5. Légumes pour la conserve

Ces dernières années, les fabriques de conserves de la Suisse orientale ont éprouvé des difficultés à s'approvisionner en pois dans le pays. Avant l'introduction des nouvelles méthodes de récolte, cette situation s'expliquait par la pénurie de main-d'oeuvre pour la cueillette. La culture des pois

450

à battre a amené les fabriques à appliquer un nouveau système de taxation, qui présentait toutefois certaines imperfections les premières aimées et indisposait les cultivateurs. Lorsque l'industrie l'eut amélioré, la culture gagna progressivement un millier d'hectares. -- Les haricots pour la conserve sont également très demandés (de manière générale, les considérations qui suivent s'appliquent aussi à ce légume). L'industrie redoute que l'extension de la superficie consacrée à la betterave ne rende encore plus difficile le placement de contrats de culture pour des pois. On objecte aux partisans d'une seconde sucrerie qu'il serait plus naturel et plus économique de satisfaire d'abord entièrement les besoins de la conserverie avant d'aborder leur projet.

Si les prix des betteraves sucrières et des pois sont tant soit peu comparables, la culture des seconds ne doit guère perdre de son intérêt. Surtout du fait que la surface plantée en pommes de terre ne peut plus guère être augmentée, on constate maintenant un grand besoin de plantes sarclées de toutes sortes, auxquelles les pois sont assimilables dans l'assolement. Or, seuls les betteraves sucrières ou les légumes (pois à battre) offrent encore des possibilités. En outre, la betterave prépare bien le terrain pour les pois, et dans la rotation, ces deux productions ne se remplacent pas mais se complètent. Les pois à battre sont d'autant plus intéressants qu'ils se récoltent tôt et laissent la place à une seconde culture, en général pour la production de fourrage.

La plupart des fabriques de conserves entrant .en ligne de compte pour l'utilisation des pois sont groupées dans un secteur restreint de la Suisse orientale (Frauenfeld, Bischofszell, Rorschach, Saint-Gali). La zone de culture est limitée en conséquence, car la récolte se déprécie rapidement en cours de route. L'usine de Stalden/Konolfingen est fermée depuis plusieurs années, si bien que, jusqu'à une époque récente, il n'y avait plus qu'une fabrique de Berne pour le canton du même nom et la Suisse romande.

Maintenant, l'usine d'Estavayer offre à ces régions une nouvelle possibilité de développer la culture du pois à battre. A la longue, l'industrie de la Suisse orientale ne pourra éviter d'étendre cette production à l'ouest de la Limmat, où elle serait d'ailleurs bien accueillie. Au cours
des dernières années, des contrats de culture de peu d'importance ont été placés à l'étranger; ils devront encore être autorisés à l'avenir pour assurer la couverture des besoins, mais il conviendrait surtout de donner sans plus tarder la possibilité d'augmenter la production indigène.

Même si les planteurs suisses parvenaient à approvisionner entièrement les conserveries en pois et en haricots, ce résultat n'égalerait pas encore celui auquel vise l'extension de la culture de la betterave sucrière. Les pois couvrent à l'heure actuelle une superficie d'environ 3000 hectares qui pourrait être accrue tout au plus de 500 hectares, alors que l'on envisage d'en consacrer 4000 de plus a la betterave. Cela ne signifie cependant

451 pas qu'il faille renoncer à produire plus de légumes pour la conserve et à satisfaire la demande.

La culture du pois à battre est enfin assez récente. Les productions intéressantes du point de vue technique et d'un bon rapport finissent toujours par s'imposer.

6. Commerce de gros et importation En pleine activité, la nouvelle sucrerie produira annuellement près de 20 000 tonnes de sucre cristallisé. Importateurs et grossistes en déduisent que le volume de leurs affaires diminuera d'autant, si bien que c'est surtout dans ces milieux que le projet suscite de l'opposition.

L'accroissement de la population et de la consommation par habitant laisse pourtant subsister des perspectives qui ne sont pas mauvaises pour les importateurs. D'autre part, la production sucrière suisse passe en règle générale par le commerce de gros -- à l'heure actuelle, la plupart des grossistes s'approvisionnent au moins en partie dans le pays --, si bien que le volume de leurs transactions ne devrait guère varier, ou en tout cas pas diminuer. Le contingent de sucre brut accordé à Aarberg sera d'ailleurs réduit à titre de concession au commerce.

7. A propos d'une troisième sucrerie D'aucuns redoutent qu'après l'édification d'une sucrerie à l'est du secteur immédiat où Aarberg s'approvisionne il ne faille concéder à la Suisse romande le droit d'avoir aussi la sienne. C'est ainsi qu'une grande association économique demande que l'on s'engage expressément à ne pas construire une troisième sucrerie.

Les conditions sont telles dans notre pays que deux sucreries suffisent.

La Suisse romande se propose d'ailleurs de participer au financement de la seconde dans une mesure appréciable. Une fois interrompues les livraisons de betteraves de la, Suisse orientale, Aarberg pourra accepter les offres de nouveaux fournisseurs de son secteur et en particulier de la Suisse romande, où cette culture recevra dès lors une impulsion notable.

L'emplacement des fabriques est un élément secondaire pour les planteurs, puisque les betteraves sont payées franco gare de chargement.

Il n'y a donc là aucun motif d'appréhension. L'arrêté crée uniquement, sur le terrain fédéral, les conditions requises pour édifier une seconde sucrerie et l'exploiter conjointement avec celle qui existe déjà.

8. Le coût de production du sucre suisse Pour pouvoir
se prononcer, il faudrait examiner le coût de production du sucre dans les différents pays, les cours du sucre importé.franco frontière suisse et les prix à la consommation à l'intérieur du pays.

452

Les données exactes nécessaires à l'établissement d'une comparaison entre les prix de revient dans les différents pays font défaut. Il apparaît cependant que le prix appliqué à la matière première (betterave) en Suisse dépasse moins le niveau noté à l'étranger que ce n'est le cas pour d'autres produits agricoles. Les coûts de fabrication sont en revanche tout à fait comparables à ceux d'autres sucreries européennes.

Si, en temps normaux, le sucre suisse revient toutefois beaucoup plus cher que celui de provenance étrangère, la différence au stade de la production est moins forte que ne le laissent supposer les offres de l'extérieur. Certains pays exportent en effet des excédents, et cela à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués chez eux.

Les éléments déterminants de la structure des prix du sucre suisse ont déjà été passés en revue. Nous nous bornerons dès lors à répéter que la production indigène n'exerce aucune influence sur le prix de détail.

Lorsque les cours mondiaux seront en hausse, la production suisse devra, comme par le passé, contribuer à en atténuer les conséquences. Les prix moyens du sucre franco entrepôt, tous droits payés, enregistrés dans les années 1939 à 1947 l'attestent (chiffres tirés du rapport du département de l'économie publique «L'économie de guerre en Suisse 1939-1948», p. 402).

Prix du quintal de sucre importé Fr.

Prix du quintal de sucre suisse Fr.

Différence par quintal Fr,

.

.

.

.

.

.

.

.

.

56,23 81,25 10531 11224 11272 12324 11538 10550 10305

5427 65 16 72 61 87 13 81 57 85 05 92 07 97 87 99 87

1,96 16,09 32,70 25,11 31,15 38,19 23,31 7,63 3,18

. . .

99.98

85.86

14,12

Année

1939 . . . . .

1940 1941 1942 1943 1944 1945 1946 1947 Moyenne 1939-1947. . .

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

Depuis 1948, les conditions d'approvisionnement étant normales, les prix de détail sont de nouveau régis essentiellement par la cotation mondiale.

La raréfaction des stocks consécutive au soulèvement populaire de Hongrie et à la crise de Suez a amorcé, en novembre 1956, une hausse ininterrompue des cours mondiaux du sucre, qui ont parfois dépassé de plus de 100 pour cent ceux d'octobre 1956. Si les prix de détail n'ont pas suivi ce mouvement en Suisse et ne sont montés que de quelques centimes, le consommateur le doit au fait que le commerce, les fabriques du groupe de Rupperswil et la sucrerie d'Aarberg consentent à écouler le sucre disponible à un prix moyen.

453

9. Le développement de la production sucrière et l'économie de guerre On fait valoir à juste titre que le sucre est un produit de bonne conservation se prêtant à la constitution de réserves importantes telles que celles qu'imposé le régime du stockage obligatoire. Il semblerait donc préférable d'accroître les stocks plutôt que de développer la production nationale.

Lie stockage présente indéniablement de grands avantages, mais, du fait que la marchandise ne peut être consommée qu'une fois, la portée de cette mesure dans le temps est limitée. L'objection, selon laquelle le sucre fabriqué en Suisse serait imputé sur les attributions si cette denrée faisait l'objet d'une réglementation internationale en cas de guerre ou de pénurie est spécieuse, car les stocks entreront aussi en ligne de compte. La solution consistant à favoriser aussi bien la constitution de réserves que la production indigène semble raisonnable. Mieux vaut se prémunir de part et d'autre plutôt que d'escompter uniquement les attributions fixées par des puissances étrangères. Le rapport du département de l'économie publique «L'économie de guerre en Suisse 1939-1948» (p. 382) montre que les contingents de sucre de la Suisse ont été chichement mesurés dé 1941 à 1945.

Il est exact que l'industrie sucrière suisse est tributaire de l'étranger pour son approvisionnement en combustible, mais c'est le sort de toutes les entreprises qui ont besoin de charbon et de mazout. Ce n'est pas parce que cela risque de susciter des difficultés qu'il faut d'emblée renoncer à assurer la production nationale dans un secteur quelconque. Après épuisement des réserves de charbon et de mazout, on recourra, comme on l'a fait pendant la dernière guerre, aux combustibles suisses de remplacement quand l'énergie électrique ne pourra fournir l'appoint nécessaire. Dans l'ensemble, du point de vue de la préparation de l'économie de guerre, l'établissement d'une seconde sucrerie présente plus d'avantages que d'inconvénients.

10, Diminution dos recettes douanières Si la Suisse augmente sa production sucrière d'environ 20 000 tonnes par an, le produit des droits d'entrée, calculé au taux actuel (y compris les frais pour formalités à la frontière), fléchira de 4,65 millions de francs, ce qui apparaît considérable à certains milieux. H sied d'abord de rapprocher ce
chiare de la somme des recettes douanières de la Confédération et de constater qu'on ne saurait fabriquer dans le pays des articles passibles d'un droit d'entrée sans provoquer simultanément un recul des recettes douanières. Si la réduction du droit sur le sucre qui est demandée était admise, ce recul serait beaucoup plus accentué. L'importation représentant encore plus de 160 000 tonnes, un abattement de 5 francs par quintal représenterait une différence d'environ 8 millions de francs, laquelle passerait à 16 millions pour un dégrèvement de 10 francs.

454

Les objections de cet ordre ne sont pas fondées. Ce serait faire fausse route que de renoncer à une production intéressante du point de vue économique uniquement pour ménager les recettes douanières.

11. Diminution du produit des taxes versées au fonds de garantie pour les stocks obligatoires Pour épargner des portes aux entrepositaires lors de la liquidation des stocks obligatoires, comme aussi pour couvrir les frais d'entretien de ces réserves, un fonds de garantie a été créé auprès de l'office fiduciaire des importateurs de denrées alimentaires, qui est un organisme d'entraide de caractère privé. Ce fonds est alimenté par des taxes prélevées sur tout le sucre importé. Si, par suite du développement de la production nationale, les achats à l'étranger diminuent d'environ 20 000 tonnes, les ressources du fonds, constituées présentement par une taxe de 7 francs par quintal, fléchiront de 1,4 million de francs. L'amortissement des stocks obligatoires prendra un peu plus de temps, mais le pays sera mieux armé pour faire face aux difficultés en matière de ravitaillement.

VIII. L'INCIDENCE FINANCIÈRE DE L'EXTENSION DE LA CULTURE DE LA BETTERAVE SUCRIÈRE De divers côtés, on voudrait subordonner la décision concernant la construction de la seconde sucrerie au résultat de l'étude des répercussions financières de l'extension de la culture betteravière.

La commission d'étude s'est déjà occupée du problème, qui lui est apparu pour ainsi dire insoluble. Il faudrait en effet pouvoir traduire en chiffres aussi bien les nombreux avantages de cette production que toutes ses incidences sur les secteurs non agricoles, mais ce serait s'aventurer sur un terrain trop mouvant. La portée fiscale de la mesure envisagée peut assurément être connue. Nous avons vu que si la production sucrière du pays augmente de 20 000 tonnes par an, le produit des droits de douane, au taux de 22 francs par 100 kilos, et des frais pour formalités à la frontière (1 fr, 25) baissera de 4,65 millions de francs en tout. En garantissant la couverture des pertes d'exploitation des deux sucreries, la Confédération risque de devoir débourser jusqu'à 6 millions de francs par an si tant est .qu'elle soit mise à contribution. Aarberg étant déjà au bénéfice d'une garantie semblable jusqu'à concurrence de 3,6 millions de francs, l'augmentation ne
dépassera en tout cas pas 2,4 millions.

Il a été dit au chapitre III que l'expansion de la production betteravière pourrait alléger les dépenses assumées par la Confédération pour l'écoulement des pommes de terre. D'autre part, d'aucuns redoutent une extension des emblavures et, partant, de nouvelles charges pour le budget fédéral aa cas où ce projet serait réalisé. Tout pronostic au sujet de l'évolution

455

future dans ces secteurs serait extrêmement risqué. En tout état de cause, une extension des emblavures est moins -vraisemblable qu'une certaine diminution de la surface plantée en pommes de terre. A cet égard, l'opération tendrait donc à se solder par un avantage, mais nous renoncerons a le calculer.

L'établissement d'une seconde sucrerie revêtirait de l'importance non seulement pour les finances de la Confédération, mais encore pour les groupes économiques qu'elle toucherait. La somme des dépenses pour l'acbat des betteraves, ainsi que pour le paiement des salaires, du matériel, des transports, des intérêts et des impôts correspondra à peu près à la valeur du sucre et de ses sous-produits, qui peut être taxée à 15 ou 20 millions de francs. Bien qu'il ne faille pas porter ces chiffres tels quels à l'actif du bilan, il est permis de penser qu'une seconde sucrerie sera très utile à l'économie du pays.

Lorsque les cours mondiaux seront en hausse, l'article 10, 2e alinéa, de l'arrêté permettra de céder le sucre suisse à un prix inférieur à celui de le marchandise importée. Supposé que la différence soit de 15 francs par 100 kilos, une production de 20 000 tonnes par an procurera au pays une économie pouvait atteindre 3 millions de francs.

Ces quelques indications, qui se rapportent uniquement à l'extension de la culture de la betterave telle qu'elle est envisagée, abstraction faite de la production d'Aarberg, font ressortir toute l'importance du problème pour notre économie nationale, encore que maints éléments échappent à toute transcription chiffrée.

Considérant les progrès de la productivité industrielle, on estime ici et là que la construction d'une seconde sucrerie entraînera un gaspillage de main-d'oeuvre et de capital. C'est là un raisonnement borné et périlleux.

Notre éloignement des mers et le besoin de sécurité qui en découle posent dés exigences particulières en matière de ravitaillement. La prime à payer pour se mettre à l'abri des risques est supportable et justifiée. L'industrialisation et la concentration urbaine suscitent en outre des périls qui doivent être conjurés en particulier par le maintien de la classe paysanne et le renforcement de sa situation économique.

Ainsi, la fonction d'une seconde sucrerie dans l'économie du pays ne saurait se résoudre à la manière d'un problème
de comptabilité excluant tout autre ordre de considération. Un gouvernement cantonal qui l'a bien compris écrit que l'importance de cette fabrique se mesure d'après les impératifs de la politique générale et non en termes de finance.

IX. LES DISPOSITIONS DU PROJET D'ARRÊTÉ Préambule. L'arrêté prévoyant des mesures d'encouragement, on peut se demander s'il ne suffirait pas de citer l'article Slbis, 2e alinéa, de Feuille fédérale. 109« année. Vol. II.

32

456

la constitution relatif aux dispositions en faveur de certaines branches économiques ou professions. La mention du 3e alinéa de cet article, lettres 6 (mesures en faveur de l'agriculture) et e (précautions en vue du temps de guerre) est nécessaire puisque la Confédération se propose de faire développer la culture de la betterave pour aider l'agriculture tout en demandant aux sucreries d'acquérir les récoltes aux prix fixés par elle et à des conditions qui restreignent partiellement la liberté du commerce et de l'industrie. Il faut en outre considérer que, dans l'intérêt général, l'Etat s'appliquera non seulement à encourager une branche de l'économie, mais encore à mieux assurer l'approvisionnement du pays en sucre par les moyens décrits. Le 4e alinéa est mentionné parce que la création d'une seconde sucrerie destinée à stimuler la production betteravière témoignera de la volonté des intéressés de s'aider eux-mêmes.

Articles 1er et 2. Aucune mesure d'application générale obligatoire n'est envisagée. Il s'agit uniquement d'accorder un appui, c'est-à-dire certaines prestations, pour combler les déficits de l'ancienne ou de la nouvelle sucrerie, pourvu que des conditions et obligations précises soient observées. Si une fabrique ne remplit pas l'une des conditions imposées, par exemple en refusant de payer le prix fixé pour les betteraves, elle sera privée du bénéfice des mesures d'encouragement. Le but auquel tend cette aide est également défini : maintien de la superficie labourée et recherche d'une sécurité accrue dans le domaine de l'approvisionnement en sucre. Une partie de la formule adoptée s'inspire nettement de l'article 19 de la loi sur l'agriculture. Si la seconde sucrerie n'est pas construite ou ne satisfait pas aux exigences de l'arrêté, il ne s'appliquera qu'à l'entreprise d'Aarberg.

Article 3, La nouvelle sucrerie ne bénéficiera de l'aide prévue que si elle est édifiée par une société au capital-actions de 22 millions de francs réuni sans le concours de la Confédération. Il faudra s'efforcer d'obtenir une participation équitable de tous les milieux mentionnés au 2e alinéa.

Article 4. Le résultat financier de l'activité des deux sucreries dépendra notamment de l'usage rationnel d'une installation bien calculée et de leur collaboration. La capacité des deux entreprises doit par conséquent
demeurer très proche des chiffres indiqués. Le chiffre fixé pour Aarberg correspond à la capacité actuelle, tandis que pour la nouvelle fabrique ce sont les considérations émises dans le présent message qui ont été déterminantes.

Article 5. En participant à la couverture des déficits, la Confédération affranchit les sucreries d'un certain risque et leur accorde un soutien économique, ce dont elles ne doivent pas profiter pour faire subir une concurrence injustifiée à d'autres entreprises suisses. L'arrêté règle l'importante question du raffinage du sucre étranger, mais laisse au Conseil fédéral le soin de statuer sur les autres questions, de nature complexe et impossibles à définir ou à résoudre une fois pour toutes dans un arrêté fédéral. Le projet donne au

457

gouvernement ordre et compétence d'y pourvoir. Cette disposition signifie, à l'instar de celles qui figurent dans d'autres articles, que nous ne pourrons pas déléguer nos attributions.

Article 6. Toutes les explications utiles ont déjà été données dans le message.

Article 7. La fourniture de pulpes fraîches et de mélasse, c'est-à-dire d'aliments que le paysan n'est pas autorisé à donner au bétail dans les zones où l'ensilage est interdit en raison de la fabrication de fromage à pâte dure (art. 22 du règlement suisse de livraison du lait du 29 décembre 1954) augmentera proportionnellement à la quantité de betteraves affectée à la fabrication du sucre. Les sucreries ne doivent pas avoir le moyen d'imposer la reprise de ces sous-produits dans les zones où l'ensilage est interdit et, partant, d'inciter les cultivateurs à enfreindre les prescriptions sur l'alimentation du bétail. Ces prescriptions permettraient au besoin à la Confédération de défendre à l'industrie d'accepter des betteraves de la part de producteurs faisant un usage illicite de pulpes fraîches et de mélasse.

Articles 8 et 9. La Confédération ne veut pas énoncer tout le contenu des clauses des contrats de culture qui seront conclus par les sucreries.

Elle se borne à fixer les lignes essentielles, notamment au sujet des prix que les fabriques auront à payer pour les betteraves acquises dans les limites de leur capacité. Les autres dispositions devront être néanmoins rédigées selon des règles uniformes. Si les sucreries ne parviennent pas à s'entendre, la Confédération aura également la faculté d'intervenir. Selon le principe posé à l'article 29, 1er alinéa, de la loi sur l'agriculture, les prix seront fixés de manière à couvrir les frais de production, sauf toutefois si l'application ce cette méthode doit causer aux fabriques des pertes sèches malgré l'application de l'article 13, alinéas 1 à 3. Ce dispositif découle de la garantie accordée par la Confédération pour la couverture des déficits.

Article 10. Le 2e alinéa -- le seul qui nécessite une explication -- a pour but d'amener les sucreries, lorsque les conditions d'approvisionnement sont normales, à offrir leurs produits à des prix tenant compte du jeu habituel de la concurrence de l'importation. Si la situation se gâte, par exemple parce que des événements politiques suscitent
des difficultés dans le domaine des importations et une hausse des cours mondiaux, elles devront vendre leur production non pas aux prix les plus hauts, mais seulement de manière à couvrir leurs frais et à constituer une réserve convenable, c'est-à-dire qui, considérée à longue échéance, soit en rapport avec la situation financière de chaque entreprise et tienne compte de l'évolution future des prix et des coûts de production.

Articles 11 à 14. L'article 11 donne à la Confédération les moyens d'exercer une surveillance et un contrôle efficaces. L'expression «fera vérifier» est prise dans le sens le plus large. La Confédération ne pourra se contenter d'une

458

simple vérification ; elle devra encore en tirer les conclusions qu'elle jugera opportunes. Le paiement des prestations fédérales prévues à l'article 13 dépendra ainsi du résultat du contrôle. L'article 12 restreint la liberté des deux sucreries quant à l'emploi des bénéfices nets en subordonnant l'octroi des prestations fédérales à certaines obligations, tandis que les deux suivants fixent les modalités de la couverture des déficits éventuels. L'article 13 traite des pertes enregistrées en dépit d'une gestion consciencieuse, l'article 14 de celles qui résulteraient d'une mauvaise administration. Il est évident que le même régime ne peut être appliqué dans les deux cas.

L'article 13 est de beaucoup le plus important du projet. Aux termes du 1er alinéa, le déficit enregistré au cours d'un exercice par l'une ou l'autre sucrerie doit être résorbé en règle générale par moitié à l'aide des réserves de la société intéressée et par moitié à l'aide de l'appoint fourni par la Confédération comme prévu, lequel n'excédera pas 6 millions de francs par an au total.

Le 2e alinéa précise que le montant maximum global de 6 millions de francs mis à disposition chaque année pour les deux sucreries prises ensemble servira à la couverture des déficits de l'une d'entre elles ou des deux à la fois, dans la proportion fixée par le Conseil fédéral compte tenu du résultat de l'exercice et de l'état des réserves. Cela signifie qu'aucune des deux fabriques ne pourra revendiquer d'emblée la moitié de cette somme pour combler la moitié de son déficit. Suivant les circonstances, il arrivera qu'une sucrerie ne reçoive pas un montant correspondant à la moitié de son déficit ou doive même se passer de tout appui si sa situation financière demeure incomparablement meilleure que celle de l'autre entreprise, au point que la majeure partie des 6 millions soient nécessaire à cette dernière. Il incombera d'ailleurs au Conseil fédéral, en sa qualité d'organe d'exécution, de régler la répartition conformément au 2e alinéa.

Le 3e alinéa énumère de manière limitative les exceptions à la règle posée aux 1er et 2e alinéas selon laquelle le déficit constaté à la fin de l'exercice d'une sucrerie doit être résorbé par moitié à l'aide des réserves disponibles (1er al., lettre a) et par moitié à l'aide de l'appoint de la Confédération (1er al.,
lettre?)). La première exception a trait au cas où l'une des deux sucreries ou les deux ensemble auraient besoin, pour couvrir les déficits, d'une somme supérieure aux 6 millions de francs offerts par la Confédération. La sucrerie intéressée devra alors, en vertu de la première phrase du 3e alinéa, puiser dans ses réserves si elles sont suffisantes. Si la société possède encore des fonds promettant de combler tout ou partie de la moitié du découvert qui n'est pas entièrement résorbée par la Confédération, ils devront être mis à contribution pour fournir ce qui manquera après application des règles énoncées aus 1er et 2e alinéas. Un report à compte nouveau est rione exclu.

La seconde exception est faite lorsque les réserves ne suffisent pas à couvrir les déficits d'une ou des deux sucreries en conformité du 1er alinéa, lettre a.

459

Si, en l'occurrence, les 6 millions mis à la disposition de la Confédération chaque année en conformité du 1er alinéa, lettre b, permettent de résorber, dans sa totalité ou en partie, le solde de la moitié du déficit qui doit être amortie en principe à l'aide des réserves de la société, la différence sera encore comblée au moyen de ce crédit (3e al,, 2e phrase).

Le 4e alinéa indique la marche à suivre lorsque les mesures prévues aux alinéas 1 à 3 ne fournissent pas la possibilité de résorber entièrement les pertes d'un exercice. Si les conditions requises pour l'application de l'article 725 du code des obligations ne sont pas remplies, le solde doit être porté à compte nouveau et il sera résorbé au coure de l'exercice suivant, ou des autres, comme prévu aux alinéas 1 à 3, pour peu que le crédit fédéral disponible selon le 1er alinéa, lettre b, semble permettre l'opération.

Quand ces dispositions ne permettront pas d'éviter l'application de l'article 725 du code des obligations, le Conseil fédéral devra être immédiatement mis au courant de la situation. II lui appartiendra alors d'examiner si d'autres mesures s'imposent et de soumettre à l'Assemblée fédérale des propositions quant aux moyens d'assurer le maintien de l'entreprise au cas où l'intérêt général l'exigerait.

En revanche, si la Confédération constate que le déficit résulte d'une mauvaise gestion de la sucrerie en cause, il lui sera loisible, aux termes de l'article 14, de décider si et, le cas échéant, dans quelle mesure elle apportera son concours. En l'occurrence, l'entreprise ne sera pas fondée à revendiquer l'aide fédérale.

Articles 15 à 17. Ces articles ont trait au droit de la Confédération à la restitution des sommes perçues abusivement dès le début ou pour des raisons apparaissant plus tard. Sauf en ce qui concerne la prescription, le régime proposé correspond à celui qui est institué aux articles 27 et 29 de la loi du 30 septembre 1955 sur la préparation de l'économie de guerre.

La durée accrue des délais de prescription s'explique par le fait que les situations sont le plus souvent compliquées et par le souci de la Confédération de n'intervenir que lorsque le faits peuvent être appréciés de manière sûre. L'article 17 défère au Tribunal fédéral les litiges relatifs à la restitution de subsides; il institue ainsi clairement
les voies de droit.

Article 18. Ces dispositions découlent du fait que l'arrêté ne règle, sur le plan du droit public, que les rapports entre la Confédération et les sucreries.

Article- 19. La Confédération ne saurait se contenter de préparer le terrain pour la construction d'une seconde sucrerie sans s'assurer que l'entreprise dont elle souhaite la création voie le jour le plus tôt possible.

C'est pourquoi l'arrêté étendra ses effets à la nouvelle sucrerie seulement si la société est fondée et inscrite au registre du commerce d'ici au 31 décembre 1960 et si la fabrique est mise en service le 31 décembre 1963 au

460

plus tard. Il est également prévu, à titre transitoire, que la Confédération ne continuera à garantir la couverture des déficits d'Aarberg que dans la mesure habituelle tant que la nouvelle sucrerie ne sera pas en service.

Article 20. Ne requiert aucune explication.

Nous vous proposons de classer les postulats du Conseil national n08 6852 et 6903, mentionnés au chapitre IV, chiffre 5, et auxquels il est donné suite dans le présent message.

Nous fondant sur ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet d'arrêté ci-joint et vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 26 août 1957.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Streuli 11730

Le, chancelier de la Confédération, Ch. Oser

461

(Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL tendant à encourager la culture de la betterave gucrière et à mieux assurer l'approvisionnement du pays en sucre

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

vu l'article 31 bis, 3e alinéa, lettres b et e, et 4e alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 26 août 1957, arrête:

Article premier En vue de maintenir en champs une surface qui permette de diversifier la production agricole, d'en faciliter l'adaptation aux débouchés et de développer en temps utile les labours lorsque les importations rencontrent des difficultés, comme aussi pour assurer plus largement l'approvisionnement du pays en sucre, la Confédération encourage la culture et la mise en oeuvre de la betterave sucrière en conformité des dispositions du présent arrêté.

Art. 2 La Confédération accorde à la sucrerie et raffinerie d'Aarberg S. A., ainsi qu'à une nouvelle sucrerie qui sera installée à l'est des cantons de Baie-Campagne, Soleure et Berne, des prestations destinées à couvrir, le cas échéant, les déficits mentionnés aux articles 13 et 14 et en subordonne le paiement aux conditions et obligations prévues aux articles 3 et suivants.

Art. 3 Pour l'établissement de la nouvelle sucrerie, il sera constitué une société anonyme dont le capital social s'élèvera à 22 millions de francs au moins.

2 Sont notamment invités à souscrire le capital social : les planteurs de betteraves, les associations agricoles, ainsi que les cantons et communes des régions intéressées à l'extension de la culture de la betterave sucrière.

3 La Confédération ne participera pas à la souscription du capital social.

1

462

Art. 4 La capacité des installations sera calculée de manière que la sucrerie d'Aarberg puisse, en général, travailler rationnellement environ 220 000 tonnes de betteraves par campagne, et la nouvelle fabrique environ 160 000 tonnes.

2 Les deux sucreries seront tenues de coopérer sur les plans technique et économique. Elles régleront les modalités de cette collaboration dans une convention soumise à l'approbation de l'autorité fédérale.

1

Art. 5 Le Conseil fédéral prend les mesures nécessaires pour empêcher que les deux sucreries ne fassent une concurrence injustifiée à d'autres entreprises suisses. En particulier, le raffinage du sucre brut importé est interdit à la nouvelle fabrique ; il est autorisé à Aarberg seulement dans la mesure fixée par la Confédération et au plus à raison de 30 000 tonnes par an.

Art. 6 Si, grâce au raffinage du sucre brut, la sucrerie d'Aarberg enregistre un bénéfice à la fin de l'exercice alors que la nouvelle ne pourrait combler son déficit sans recourir aux prestations fédérales prévues à l'article 13, celle-ci recevra une partie dudit excédent fixée par le Conseil fédéral.

Art. 7 Les deux sucreries appliqueront les mesures qui leur sont prescrites par la Confédération pour garantir la fabrication d'une quantité suffisante de fromage à pâte dure. Elles ne pourront notamment imposer la reprise de pulpes fraîches, de mélasses et d'aliments mélasses aux planteurs de betteraves des zones où l'ensilage est interdit.

Art. 8 Chaque année, les deux sucreries concluront avec les planteurs des contrats de culture rédigés selon des principes uniformes et fixant tant les quantités de betteraves livrables dans les limites des possibilités de transformation que les autres conditions de prise en charge. Sont réservées les restrictions prévues à l'article 7 en ce qui concerne les planteurs des zones où l'ensilage est interdit.

Art. 9 Le Conseil fédéral fixera chaque année le prix des betteraves acquises par les deux sucreries en vertu des contrats de culture, de même que les principales conditions de prise en charge.

2 Ce prix correspondra à la moyenne du coût de production, calculé« sur plusieurs années, dans des entreprises agricoles rationnellement gérées 1

463

et reprises à des conditions normales. Il pourra être dérogé à cette règle lorsque les ressources prévues à l'article 13, alinéas 1 à 3, ne suffiront pas à couvrir les déficits des sucreries.

3 Avant de fixer le prix, le Conseil fédéral prendra l'avis de la commission consultative mentionnée à l'article 3 de la loi sur l'agriculture.

Art. 10 Les deux sucreries seront gérées rationnellement.

3 Elles vendront leur sucre et ses sous-produits à des prix en rapport avec ceux de la marchandise importée de qualité comparable. Si le cours mondial du sucre subit une hausse exceptionnelle, les prix ne devront pas dépasser le niveau nécessaire pour couvrir entièrement les frais de production et permettre la constitution d'une réserve convenable.

3 L'investissement de fonds excédant les frais d'entretien courants, la création de nouvelles branches d'exploitation et le taux des amortissements seront soumis à l'approbation de l'autorité fédérale.

1

Art. 11 Chaque année, les deux sucreries tiendront leur rapport de gestion, leurs comptes et le rapport de vérification de leur organe de contrôle à la disposition de l'autorité fédérale, qui fera vérifier la comptabilité et les bilans.

2 Sur demande, les deux sucreries doivent autoriser les organes et mandataires de la Confédération à consulter leurs livres, pièces justificatives et autres pièces comptables, leur fournir les renseignements dont ils ont besoin et les laisser pénétrer dans les locaux de fabrication et entrepôts.

3 Les personnes chargées par l'autorité fédérale de la surveillance et des contrôles sont tenues de garder le secret sur leurs constatations et observations. Elles sont autorisées à renseigner seulement les services désignés par le Conseil fédéral.

1

Art. 12 Le dividende brut payé aux actionnaires des deux sucreries à l'aide du bénéfice net ne pourra excéder cinq pour cent du capital versé.

2 Le solde du bénéfice disponible après le versement à la réserve légale (art. 671, 1er al., CO) et le paiement du dividende sera attribué à un fonds de réserve spécial dont il ne pourra être disposé qu'avec l'assentiment du Conseil fédéral, l'article 13 étant réservé.

1

1

Art, 13 Si, en dépit d'une gestion consciencieuse et de l'application de l'ar-

464

ticle 6, l'une ou l'autre des sucreries ou les deux ensemble enregistrent des déficits, ceux-ci seront couverts en règle générale: a. Par moitié à l'aide des réserves disponibles; ï>. Par moitié à l'aide de prestations fédérales qui ne doivent pas excéder la somme de six millions de francs par an pour les deux sucreries ensemble.

2

Le Conseil fédéral statuera sur la répartition des prestations fédérales (1 al., lettre b) entre les deux sucreries au vu des résultats d'exploitation et des réserves disponibles.

er

3 Si les prestations fédérales prévues au 1er alinéa, lettre b, ne suffisent pas à couvrir la moitié d'un déficit, les autres fonds de réserve seront mis à contribution. Une fois épuisées les possibilités mentionnées au 1er alinéa, lettre a, seules entreront en ligne de compte les prestations fédérales, dans la mesure fixée au 1er alinéa, lettre b.

* S'il est impossible de résorber entièrement un déficit de cette façon, le solde sera porté à compte nouveau. Cette perte sera également amortie selon les règles fixées aux alinéas 1 à 3 si le résultat de l'exercice suivant ne permet pas de la résorber dans sa totalité ou en partie.

5

Si tous ces moyens se révèlent insuffisants et qu'il en résulte un risque de diminution du capital ou d'insolvabilité au sens de l'article 725 du code des obligations, il y aura lieu d'en aviser tout de suite le Conseil fédéral, indépendamment des mesures prévues audit article.

Art. 14 1

Si la société fait un déficit par suite d'une violation- des devoirs qu'impliqué une gestion consciencieuse et si elle est hors d'état de le combler à l'aide de ses propres ressources, elle demandera au Conseil fédéral l'autorisation d'opérer un prélèvement sur le fonds de réserve spécial (art. 12, 2e al.). Sont réservées les prétentions de la société contre ses organes et employés responsables.

2

Les déficits qui ne pourront être intégralement résorbés de cette manière seront portés à compte nouveau. S'il en résulte un risque de diminution du capital ou d'insolvabilité au sens de l'article 725 du code des obligations, il y aura lieu d'en aviser tout de suite le Conseil fédéral, indépendamment des mesures prévues audit article. Le Conseil fédéral examinera si et, le cas échéant, à quelles conditions l'intérêt général requiert une aide financière dans les limites du présent arrêté après l'octroi des prestations ordinaires à l'autre fabrique (art. 13).

465

Art. 15 1

La restitution des prestations pourra être exigée lorsqu'elles auront été allouées à tort ou si le bénéficiaire, après sommation, ne remplît pas les conditions qui lui ont été imposées.

* La restitution ne pourra être exigée que dans la mesure où le bénéficiaire sera alors encore enrichi de ce fait, à moins : a. Qu'il n'ait, pour obtenir la prestation, fourni intentionnellement ou par négligence des indications inexactes, fallacieuses ou incomplètes; b. Qu'il n'ait, d'une manière coupable, pas rempli les conditions imposées, ou c. Qu'il ne se soit dessaisi de ce qu'il a reçu, bien qu'il dût s'attendre à être tenu à restitution.

3

Le Conseil fédéral désignera les services habilités à réclamer la restitution et, au besoin, à engager l'action prévue à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (1).

Art. 16 Les droits de la Confédération à la restitution des prestations se prescrivent par cinq ans à compter du jour où les organes fédéraux compétents ont eu connaissance de leur existence, mais au plus tard par dix ans à compter du jour où ces droits ont pris naissance. Si la prétention de la Confédération dérive d'une infraction soumise par le droit pénal à une prescription plus longue, cette dernière est applicable.

2 Tout acte tendant au recouvrement interrompt la prescription.

1

Art. 17 Le Tribunal fédéral statue en instance unique sur les litiges relatifs à la restitution de prestations, en conformité des articles 110 et 111, lettres i et suivantes, de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

Art. 18 Les tribunaux ordinaires connaissent de tous les litiges naissant entre les deux sucreries, notamment à propos des conventions prévues à l'article 4, 2e alinéa, de même que de ceux qui les opposent à leurs organes, aux actionnaires, aux créanciers, aux planteurs de betteraves ou à d'autres tiers. L'article 17 est réservé.

( l ) RS 3, 521.

466

Art. 19 iLe présent arrêté deviendra caduc en ce qui concerne la seconde sucrerie si elle n'a pas été fondée le 31 décembre 1960 et si elle n'est pas mise en service avant le 31 décembre 1963.

2 Tant que la seconde sucrerie ne sera paa en service, les prestations fédérales prévues à l'article 13, 1er alinéa, lettre b, seront au maximum de 3,6 millions de francs pour la sucrerie d'Aarberg.

Art. 20 1

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur du présent arrêté.

2 II est chargé de l'exécution.

3 II est chargé de publier le présent arrêté en vertu des dispositions de la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les mesures propres à encourager la culture de la betterave sucrière et à mieux assurer l'approvisionnement du pays en sucre (Du 26 août 1957)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1957

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

36

Cahier Numero Geschäftsnummer

7435

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

05.09.1957

Date Data Seite

416-466

Page Pagina Ref. No

10 094 763

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.