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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945 (Du 1er février 1957)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-joint un projet d'arrêté fédéral concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945.

Le 23 décembre 1953, les chambres adoptaient un arrêté qui mettait à la disposition du Conseil fédéral un montant de 121,5 millions de francs pour une aide extraordinaire aux Suisses victimes de la guerre. Les 19 et 20 juin 1954, à la suite d'un referendum lancé contre cet arrêté, le peuple rejeta le projet par 309083 voix contre 243311.

Le résultat de cette votation nous engagea à examiner derechef l'ensemble du problème de l'aide aux victimes de la guerre. Nous en étions formellement saisis par une interpellation Schmid du 22 juin 1954, appuyée par 13 membres du Conseil national, et par un postulat Stüssi du 29 septembre 1954, contresigné par 29 députés au Conseil des Etats. Pour le cas où le peuple rejeterait l'arrêté adopté par les chambres, le conseiller national Vontobel avait déposé, le jour même de l'adoption de l'arrêté, une motion -- transformée ultérieurement en postulat -- demandant l'utilisation de 121,5 millions de francs en faveur des victimes suisses de la guerre, Un premier examen de la situation, telle qu'elle se présentait après le scrutin populaire, montra que le crédit de 75 millions de francs prévu dans l'arrêté fédéral du 17 octobre 1946 permettait d'assurer l'aide en cours jusqu'à fin 1954 seulement. Sur notre proposition, vous avez reconduit cette aide le 22 décembre 1954, en en limitant toutefois la durée au

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31 décembre 1957. Cette solution transitoire, pour un laps de temps de trois ans, devait permettre d'étudier le moyen de résoudre la question de l'aide aux victimes suisses de la guerre de 1939 à 1945.

Mentionnons ici que, jusqu'au 31 décembre 1956, la Confédération a versé 161 millions de francs à nos compatriotes sinistrés de la deuxième guerre mondiale; à ce montant s'ajoutent 23 millions sous forme de prestations cantonales et communales et huit millions sous forme de secours de provenance privée.

Nous confiâmes au département politique la nouvelle étude à entreprendre. Ce département consulta tout d'abord les légations et consulats dans les pays qui ont été le théâtre de la guerre. Des études sur place furent faites. Des Suisses sinistrés furent visités par des représentants des légations et consulats. Des sondages permirent de faire d'utiles constatations et confirmèrent qu'une oeuvre accrue, souple et rapide s'imposait, Le département politique entendit les avis de nombreuses sociétés suisses dans ces pays. En Suisse, les organisations des rapatriés purent s'exprimer. La communauté de travail des organisations des Suisses à l'étranger et des rapatriés victimes de dommages de guerre, de même que la fédération des associations des Suisses rentrés de l'étranger, agissant de concert avec la «Nouvelle Société Helvétique», présentèrent des mémoires au chef du département politique, qui reçut leurs délégués. L'association des Suisses rentrés de l'étranger, à Saint-Gall, se prononça également.

Enfin, de très nombreux contacts furent pris avec des sinistrés suisses de toutes catégories et de tous pays.

Après cet examen d'ensemble et les pourparlers que le département politique eut d'une manière suivie avec les autres départements, le Conseil fédéral arrêta son attitude et établit le projet d'arrêté joint au présent Un permier avant-projet du Conseil fédéral avait recueilli l'approbation de principe de nombreux représentants de communautés suisses à l'étranger, notamment en Allemagne, en France et en Italie. H en fut de même lors de la journée des Suisses de l'étranger, qui se tint en août 1956 à Locamo. Au sein de certaines associations de rapatriés en Suisse, on aurait -- il est vrai -- désiré voir le Conseil fédéral aller au-delà des limites qu'il vous propose ici.

II L'étude entreprise démontra
une fois de plus que le problème de l'aide aux Suisses victimes de la guerre est, à l'analyse, infiniment plus complexe qu'on ne se l'imagine à première vue.

Vous n'ignorez pas que les questions soulevées par les dommages de guerre éprouvés par les Suisses à l'étranger ont déjà préoccupé sérieusement nos compatriotes et les autorités fédérales pendant et après la première

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guerre mondiale. Les pertes que nos colonies ont subies par suite de la guerre de 1939 à 1945 ont été plus graves encore. Les discussions ont été vives et non dépourvues de passion. Les solutions envisagées par le Conseil fédéral ou les chambres n'ont peut-être pas toujours été bien prises dans leur véritable sens par les intéressés et leurs représentants. Etant données les atteintes souvent très profondes qu'ont subies par deux fois nos compatriotes et qui se sont répercutées sur la deuxième génération, il faut cependant comprendre les sentiments des Suisses qui ont souffert de deux guerres mondiales, alors que notre pays avait le bonheur d'être épargné.

Les dommages subis par des Suisses ne sont pas seulement des dommages de guerre proprement dits, c'est-à-dire des pertes de biens dues à des bombardements, tirs d'artillerie, combats, mesures d'évacuation. Ils sont dus aussi à des actes de pillage, des réquisitions et des expropriations. Il y a des cas d'atteinte à l'intégrité corporelle. Il y a aussi et surtout les pertes de ceux qui, sous le coup des événements, ont dû abandonner leur situation et quitter le milieu dans lequel ils vivaient. Il ne faut pas perdre de vue non plus les cas de nos compatriotes qui ont été privés de leurs ressources par des mesures prises à l'étranger en relation directe avec la guerre dans les domaines financier et économique. Ainsi donc, il serait erroné de s'en tenir, pour l'oeuvre envisagée, à une définition formaliste et, partant, restrictive du dommage de guerre. On doit considérer cette notion sous l'angle large, avec ce qu'elle peut comporter de sociologique.

Indépendamment de la diversité due aux causes mêmes du dommage, il faut considérer les cas où l'intéressé a, sous une forme ou une autre, déjà reçu des prestations étrangères ou peut en attendre. Celles-ci varient fortement d'un Etat à l'autre, et leur importance globale est très difficile à déterminer. Dans cet ordre d'idées, il y a lieu de mentionner les accords bilatéraux que la Suisse a conclus en faveur de ses ressortissants sinistrés en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, aux Philippines, à Singapour et en Malaisie. En vertu de ces accords, nos compatriotes sont traités sur le même pied que les nationaux. En Belgique et au Luxembourg, les Suisses victimes de la.guerre reçoivent, grâce à des accords
signés en 1956, la moitié de ce qu'obtiennent de leur gouvernement les Belges et les Luxembourgeois. On sait également que la législation sur la péréquation des charges (LastenaMSgleich) instituée dans la République fédérale d'Allemagne traite en principe les ressortissants étrangers, partant les Suisses, sur le même pied que les nationaux. Il en résulte que nos compatriotes ont l'obligation de verser des contributions, mais que, s'ils sont sinistrés de guerre, ils ont aussi le droit à des prestations. Les contributions ont commencé à être prélevées dès 1955.

Le gros des prestations du fonds ne sera cependant versé aux intéressés qu'à partir de cette année, en s'échelonnant selon les cas jusqu'en 1979. Nous mentionnerons aussi l'accord conclu en 1955 avec le Japon. Il permet de faire bénéficier, sous certaines conditions limitées, des Suisses victimes de

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la guerre en Extrême-Orient d'une indemnité totale de 14,60 millions de francs. Ces différentes prestations obtenues de l'étranger ne représentent pas peu de chose pour ceux qu'elles concernent. Elles ne constituent cependant pas un apport décisif au règlement du problème des dommages de guerre considéré dans son ensemble et du point de vue suisse, et cela d'autant moins qu'il s'agit -- comme nous l'avons déjà dit -- d'envisager la notion du dommage au sens large. Ces réglementations étrangères dénaentrent en même temps que chaque cas doit être examiné pour soi.

Les victimes suisses de la guerre ont subi leurs dommages dans les continents et les pays les plus divers, ce qui a une influence sur leur situation actuelle. On peut même aller plus loin et constater combien variées sont les manières de vivre et de penser de nos compatriotes selon le pays où ils ont été ou sont encore domiciliés. La diversité est encore plus frappante lorsqu'on tient compte de l'âge, de la différence entre la situation antérieure et l'actuelle, des perspectives d'avenir, de la santé, des charges de famille des intéressés. Le fermier qui a dirigé un domaine en Prusse orientale se trouve aujourd'hui dans une situation différente de celle du Suisse qui avait un restaurant à Toulon, qui était à la tête d'une plantation de caoutchouc en Extrême-Orient, qui enseignait les langues dans un institut à Berlin, qui était géologue en Indonésie ou d'une couturière suisse qui exerçait son métier en Pologne.

Ainsi, plus on examine les cas individuels, plus on se rend compte de leur extraordinaire variété et de l'impossibilité d'appliquer un barème très simple, égalitaire, valable pour tous à la fois. Il faut se garder de généralisations. Une solution qui consisterait par exemple dans le versement d'une prestation calculée uniquement en fonction du dommage subi et faisant abstraction de la situation pécuniaire actuelle de l'intéressé serait aussi injuste qu'inefficace. Cette diversité appelle nécessairement une solution souple permettant de tenir compte, dans la mesure du possible, de tous les éléments pouvant se présenter dans un cas particulier. C'est seulement en procédant de cette façon que la Confédération parviendra à résoudre le problème d'une manière juste et équitable.

m A notre avis, le seul but que la Confédération puisse viser n'est ni d'accorder à des sinistrés qui se trouvent dans une situation aisée une somme proportionnelle au dommage subi, ni de secourir les seuls sinistrés nécessiteux au sens étroit de l'assistance publique, mais bien d'aider dans la mesure du possible ceux qui n'ont pas pu jusqu'à maintenant se relever du sort qne la guerre leur a fait subir. Telle est, en peu de mots, la conception que nous nous faisons de la tâche de la Confédération dans ce domaine où Ton doit tenir compte aussi bien de l'intérêt général que de l'intérêt individuel.

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Voici, décrites en détail, les mesures que nous vous proposons d'adopter à cet effet: . · Nous vous demandons de consacrer à l'oeuvre envisagée une somme de 121,5 millions de francs, et une autre de 7,44 millions, soit au total 128,94 millions. Pourquoi ces deux montants ?

a. L'accord financier conclu à Washington le 25 mai 1946 prévoyait la liquidation pure et simple des biens situés en Suisse et appartenant à des Allemands en Allemagne. Il était entendu que le produit de cette liquidation irait à parts égales à la Suisse et aux Alliés. Ceux-ci voulaient destiner leur part à la reconstruction des pays appauvris par la guerre et au ravitaillement des populations affamées. Notre intention était de proposer aux chambres, le moment venu, d'utiliser la part échéant à la Suisse en faveur des victimes suisses de la guerre. Ces biens allemands étaient estimés forfaitairement et à première vue à 500 millions de francs; ainsi 250 millions de francs seraient revenus à la Suisse.

Sur des desiderata suisses, de nombreux titulaires furent cependant déliés de l'obligation de verser une contribution (propriétaires d'avoirs inférieurs à 10000 francs, anciennes Suissesses, doubles nationaux, victimes de la persécution nationale-socialiste, etc.). C'est ainsi que les gouvernements intéressés partirent du fait que le produit de liquidation devait être estimé à 270 millions de francs, ce qui portait à 135 millions le montant de chacune des deux parts revenant aux Alliés et à la Suisse.

Comme on le sait, l'accord de Washington ne fut pas exécuté.

En ce qui concerne la liquidation des avoirs allemands, elle fut remplacée par un règlement aux termes duquel la République fédérale d'Allemagne s'engageait à verser aux Alliés la somme prévue de 135 millions de francs, déduction faite d'un escompte de dix pour cent pour paiement immédiat, soit, en définitive, 121,5 millions.

Les Alliés ayant renoncé à la liquidation desdits avoirs, la Suisse abandonna l'idée d'une telle opération, qu'elle n'avait d'ailleurs acceptée qu'à contre-coeur. En revanche, elle demanda à la République · fédérale d'Allemagne, dans le cadre de l'accord conclu avec elle le 26 août 1952 sur le règlement des créances de la Confédération suisse contre l'ancien Reich allemand, de lui verser rapidement une tranche de 121,5 millions de francs.

C'est cette
somme que le Conseil fédéral était prêt à substituer à la part qui lui aurait échu dans la liquidation des biens allemands et qu'il vous propose d'affecter à l'oeuvre en faveur des Suisses victimes de la guerre.

b. La République fédérale d'Allemagne amortit ce montant de 121,5 millions de francs par versements échelonnés. Elle paie ainsi un intérêt

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devant atteindre au total 7,44 millions de francs. H convient d'ajouter cette somme aux 121,5 millions destinés à financer l'oeuvre.

La Confédération -- on le sait -- n'a pas l'obligation juridique de réparer les dommages de guerre que ses ressortissants ont subis à l'étranger.

EÛe ne peut donc être tenue d'appliquer le principe de l'indemnisation, selon lequel tout sinistré recevrait un pourcentage de son dommage dans le cadre du montant global. L'indemnisation ne pourrait entrer en ligne de compte que pour des dommages au sens étroit. Il faudrait donc, pour l'appliquer, renoncer à réparer les dommages au sens large du terme, ceuxlà mêmes qu'il importe vraiment de prendre en considération. L'indemnisation, surtout parce qu'elle ne pourrait être que partielle, aboutirait d'ailleurs à une dispersion des effets, sans que ceux qui devraient être aidés se vissent accorder une aide digne de ce nom. Or, de toute évidence, l'aide doit être organisée d'une manière aussi efficace que possible. Les moyens financiers doivent être concentrés là où ils sont nécessaires. C'est pourquoi nous proposons comme règle de base que le montant de 128,94 millions de francs soit mis à disposition «des Suisses domiciliés à l'étranger ou rapatriés en Suisse qui, par suite de la guerre de 1939 à 1945 ou de mesures politiques ou économiques prises par les autorités étrangères en relation avec la guerre, ont été privés totalement ou partiellement de leurs moyens d'existence et n'ont pas pu depuis lors se recréer une situation soit à l'étranger soit en Suisse». L'aide s'étendrait à ceux «qui, à cause de la perte de leur soutien, ne sont pas en mesure de se créer la situation à laquelle ils auraient pu normalement prétendre» (cf. art.-1er, 1er al., du projet d'arrêté).

La documentation que nous possédons est incomplète et, en grande partie, dépassée. C'est pourquoi le projet prévoit la possibilité de lancer un appel public avec effet forclusif, seul moyen de constater, au moment voulu, l'état précis de chaque cas annoncé et, par là, de mettre un terme au problème de l'aide aux victimes suisses de la guerre de 1939 à 1945.

Sur la base de la documentation que nous aurons en mains après expiration du délai imparti, il sera possible d'établir les prescriptions d'application plus détaillées. L'autorité compétente disposera de
cette manière du matériel indispensable pour confronter les différents cas, faire, dans le cadre de l'arrêté fédéral et de l'ordonnance du Conseil fédéral, le départ entre ceux qui doivent bénéficier de l'aide et ceux qui, pour telle ou telle raison, ne pourront pas être pris en considération et fixer les allocations en proportion du montant global prévu.

Les constatations déjà faites au sujet de la diversité des conditions réclament un arrêté qui ne soit ni rigide ni formaliste. Cet acte législatif doit être assez souple pour que l'autorité compétente puisse fixer selon les critères à appliquer la prestation dans chaque cas individuel. Ces critères pourront être les suivants : gravité de la perte pour l'intéressé ; situation antérieure à l'étranger; situation actuelle (âge, santé, profession,

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fortune, revenu, charges de famille); perspectives d'avenir; prestations reçues. Ces éléments se combinent entre eux. Comme on le voit, nous ne vous proposons pas une solution d'assistance, mais d'aide constructive.

Nous le soulignons, en espérant dissiper un malentendu.

La forme de l'aide doit aussi être adaptée aux particularités du cas.

A cet égard, nous eussions désiré, pour des raisons pratiques, pouvoir nous en tenir à des allocations uniques. Or, force est d'admettre que là encore intervient l'élément de la diversité, qui obligera de servir des rentes à nombre de nos compatriotes. Des prêts également devront être envisagés, étant données les expériences, en général concluantes, qui ont été faites avec ce moyen. Est prévu encore l'octroi d'avances sur des prestations à verser par des Etats étrangers dans le domaine des dommages de guerre ou des nationalisations.

Si elle variera donc dans la forme, l'aide s'inspirera dans le fond de principes uniformes. Il ne saurait s'agir de créer deux classes de bénéficiaires, les uns -- parce qu'ils devraient être secourus d'une manière durable pour raison d'âge ou de santé -- étant traités dans le cadre d'un arrêté spécial comme des assistés, les autres l'étant au niveau prévu dans le présent projet. Pour les mêmes motifs, les prestations que nous proposons ne seraient plus le fait des autorités cantonales d'assistance. La Confédération ne dispose d'aucun pouvoir pour obliger les cantons à contribuer à l'oeuvre dont il s'agit, II est naturel que le sinistré soit porté à considérer avant tout son propre cas et puisse parfois perdre de vue, sans le vouloir, la masse des autres. Nombre de nos compatriotes ont vécu pendant longtemps dans des conditions difficiles, ne leur permettant pas toujours de conserver avec le pays les liens suivis qui les eussent maintenus en contact avec l'atmosphère suisse. D'autre part, force est de reconnaître que les Suisses au pays peuvent, eux aussi, ne pas toujours se faire une juste idée des situations, souvent très particulières, dans lesquelles vivent, ou ont vécu, nombre de leurs compatriotes émigrés ou rapatriés, H noua a paru bon, dès lors, d'associer les autorités et les victimes de la guerre pour l'exécution de l'oeuvre envisagée.

Une telle collaboration entre milieux intéressés et autorités est déjà de plus en
plus fréquente dans les domaines les plus divers. Elle ne semble que plus justifiée en l'occurrence, où des questions ayant un aspect humain et psychologique jouent un rôle de premier plan. C'est là qu'interviendra utilement l'expérience de ceux qui ont vécu à l'étranger.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est prévu qu'une commission mixte, composée de quatre ou cinq représentants de l'administration fédérale et de quatre ou cinq autres experts, sous la présidence d'une personnalité choisie en dehors de l'administration fédérale, sera chargée d'exécuter l'oeuvre et de régler l'aide dans chaque cas. La commission mixte participera en outre à titre consultatif à la préparation de l'ordonnance, d'exécution à

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prendre par le Conseil fédéral. Nous envisageons de nommer comme experts au sein de la commission des représentants qualifiés des victimes de la guerre. Nous comptons que cette oeuvre commune pourra être menée à chef dans une atmosphère de compréhension réciproque. Il sera en tout état de cause de bonne politique de prévoir que les victimes de la guerre auront voix au chapitre dans une affaire aussi délicate. Nous ne nous cachons point que la tâche de la commission mixte sera difficile. Mais cela ne saurait être un obstacle insurmontable à son fonctionnement. Au contraire, les cas individuels, du moins les groupes de cas, feront l'objet de délibérations où pourront se confronter les avis divers. Nous sommes persuadés que, dans ce cadre pratique, ces avis trouveront un dénominateur commun et aboutiront à des décisions constructives.

Une commission de recours est prévue. Il paraît indiqué de créer cette voie de droit, vu les attributions assez larges qu'exercera la commission mixte. Les personnes appelées à statuer sur les recours seront choisies en dehors de l'administration fédérale et des milieux des sinistrés. Les attributions de la commission de recours sont définies à l'article 7 du projet d'arrêté.

IV

H convient de relever que grâce aux échanges de vues qui ont eu lieu entre les autorités fédérales et les organisations privées intéressées, ainsi qu'aux enquêtes faites par le département politique tant à l'étranger qu'en Suisse, les divergences qui semblaient profondes lors de la campagne référendaire 1953/1954 ont pu être réduites à un minimum. Ce qui en subsiste peut être défini comme suit.

Les organisations privées voient au fond deux sortes de mesures.

L'une devrait permettre aux intéressés de se recréer une situation ou de consolider celle qu'ils ont actuellement. Les 128,94 millions de francs y seraient consacrés. L'autre s'appliquerait aux victimes qu'il importe d'assister durablement parce qu'elles ne sont pas en état, soit pour raison d'âge ou de santé, de subvenir à leur entretien. Les prestations prendraient dans ces cas-là la forme de rentes et seraient prélevées sur un crédit en dehors des 128,94 millions. En fait donc, les organisations demandent dans l'ensemble une aide de la Confédération allant nettement au-delà de celle que nous avons prévue. Bien que nous ne disposions pas à l'heure actuelle de données précises -- les organisations intéressées n'en possèdent pas non plus -- on peut considérer que la somme nécessaire pour les rentes sera d'environ 70 millions de francs. Des indications précises font également défaut pour établir le montant nécessaire aux versements uniques. Nos expériences permettent toutefois d'admettre qu'avec une soixantaine de millions de francs, il doit être possible de réaliser une oeuvre eonstructive, limitée cependant aux cas où une aide de la Confédération se justifie. C'est

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pourquoi nous avons estime devoir nous en tenir à la somme de 128,94 millions de francs, qui résulte d'ailleurs, pour la Confédération, de la genèse du présent projet.

D'aucuns semblent tenir absolument au principe de l'indemnisation établie en pour-cent, celle-ci fût-elle symbolique (2%). Il va de soi que pour réaliser une telle idée un montant bien supérieur aux 128,94 millions de francs serait nécessaire. Pour qu'elle reste dans des limites raisonnables, l'aide de la Confédération doit être concentrée sur ceux qui en ont véritablement besoin.

V D'une manière générale, nous tenons à souligner que les dispositions proposées à votre approbation doivent être considérées aussi sous l'angle de la politique d'ensemble que la Confédération doit pouvoir appliquer à la « cinquième Suisse ». Il y a lieu de coordonner autant que possible les mesures adoptées par le pays à l'égard de ses ressortissants à l'étranger et de les mettre en harmonie avec les intérêts du pays tout entier. Le fait d'associer à l'oeuvre projetée des représentants des Suisses victimes de la guerre répond à ce double besoin. Dans le cadre de cette politique générale devra intervenir aussi la notion de la nationalité prépondérante en ce qui concerne les doubles nationaux. Ceux de nos compatriotes qui possèdent la nationalité de leur pays de résidence deviennent toujours plus nombreux. Il y a parmi eux un nombre assez important de Suisses dont la nationalité étrangère est incontestablement prépondérante. Bien entendu, il ne saurait être question d'appliquer ce critère dans un esprit étroit. Le souci d'éviter toute étroitesse doit d'ailleurs animer l'entière exécution de l'oeuvre que nous vous proposons pour régler le problème de nos compatriotes victimes de la guerre.

Nous aimons à penser que les mesures recommandées rencontreront l'approbation des chambres. Elles ont été l'objet d'un examen minutieux, qui a été fait sans idée préconçue. Vu l'infinie diversité qui caractérise les cas de nos compatriotes éprouvés par la guerre, une solution idéale est impossible. Nous croyons que celle qui vous est soumise est au moins raisonnable et équitable. H est indispensable que le problème soit résolu sans délai, si l'on veut que les intéressés puissent bénéficier de cette oeuvre avant qu'il ne soit trop tard.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 1er février 1957.

U466

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Streuli Le chancelier de la, Confédération, Ch. Oser

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ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 1er février 1957, arrête: Article premier Une aide extraordinaire de la Confédération est accordée aux Suisses domiciliés à l'étranger ou rapatriés en Suisse qui, par suite de la guerre de 1939 à 1945 ou de mesures politiques ou économiques prises par les autorités étrangères en relation avec la guerre, ont été privés totalement ou partiellement de leurs moyens d'existence et n'ont pas pu, depuis lors, se recréer une situation soit à l'étranger soit en Suisse. L'aide s'étend aux Suisses qui, par suite de la perte de leur soutien, ne sont pas en mesure de se créer la situation à laquelle ils auraient pu normalement prétendre.

Cette aide extraordinaire pourra également être accordée à des Suisses qui, dans les mêmes conditions, ont subi des lésions corporelles ou dont la santé a été durablement compromise.

Est réputée Suisse, au sens du présent arrêté, toute personne physique dont la nationalité suisse est établie aussi bien à la date du dommage qu'à celle où l'aide est accordée, et toute ancienne Suissesse qui, depuis le dommage, a été réintégrée ou rétablie dans la nationalité suisse.

Art. 2 L'aide a notamment pour but de donner aux plus âgés des Suisses visés par l'article premier les moyens nécessaires à leur entretien, d'assister les personnes aptes au travail dans leurs efforts en vue de recréer ou d'assurer leur situation et de faciliter la formation professionnelle des jeunes.

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Art. 3 L'aide est accordée de préférence sous forme d'une allocation unique.

Elle peut aussi consister en une rente ou un prêt. Si l'intéressé a une créance contre un Etat tiers du fait de pertes dues à la guerre ou à des mesures de nationalisation, ime avance peut lui être versée.

Le genre de prestation sera adapté aux particularités du cas.

Le montant des prestations sera déterminé d'après les conditions d'existence antérieures du sinistré et le degré de gravité que la perte subie représente pour ce dernier. L'état actuel de la fortune et des revenus de l'intéressé, ses charges de famille, son âge et ses perspectives d'avenir seront pris en considération d'une manière appropriée. Le montant à accorder dans chaque cas sera mis dans une juste relation avec les moyens financiers disponibles selon l'article 5.

Dès l'instant où l'octroi d'une aide est en principe décidé, des acomptes appropriés seront versés à l'intéressé qui le demande.

Art. 4 Sont, d'une manière générale, exclus de l'aide : a. Les doubles nationaux dont la nationalité étrangère est prépondérante ; 6. Les personnes ayant porté gravement atteinte aux intérêts publics suisses; c. Les personnes faisant l'objet d'une condamnation pénale exécutoire, en raison d'actes commis en relation avec l'aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre.

Art. 5 La somme destinée à l'aide instituée par le présent arrêté est fixée à 121,5 millions de francs, auxquels s'ajoutent les 7,44 millions de francs versés au titre d'intérêts sur ce montant.

Art. 6 Le Conseil fédéral règle l'exécution du présent arrêté par une ordonnance. Il détermine les mesures politiques et économiques à considérer, selon l'article premier, 1er alinéa, comme étant en corrélation avec la guerre de 1939 à 1945 et établit les principes directeurs applicables à l'octroi de l'aide.

Art. 7 Une commission nommée par le Conseil fédéral, composée d'un président désigné hors de l'administration fédérale, de quatre ou cinq représentants de cette dernière et d'un nombre égal d'autres experts, décide des prestations

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à verser dans chaque cas conformément au présent arrêté et à l'ordonnance d'exécution.

Les décisions de la commission peuvent être déférées à une commission de recours composée de trois membres désignés hors de l'administration fédérale et statuant en dernier ressort.

Le recours n'est recevable que pour violation du droit. L'appréciation juridique erronée d'un fait est assimilée à la violation du droit. La commission de recours fonde ses décisions sur les faits tels qu'ils ont été constatés en première instance. Cependant, elle rectifie d'office les constatations qui sont fondées manifestement sur une inadvertance.

Le Conseil fédéral règle l'organisation des deux commissions et édicté une ordonnance relative à la procédure. Il ordonne la publication d'un appel avec délai forclusif.

Tous les services administratifs de la Confédération, des cantons et des communes sont tenus de renseigner les commissions, à leur requête et gratuitement, sur les faits dont ils ont connaissance dans les limites de leur activité officielle. Ils entreprendront au même titre les investigations qui sont de leur ressort.

Art. 8 Le Conseil fédéral rendra compte de l'exécution du présent arrêté dans son rapport de gestion.

Art. 9 Le Conseil fédéral publiera le présent arrêté et fixera la date de son entrée en vigueur conformément à la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

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