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FEUILLE FÉDÉRALE 82e année

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Berne, le 9 juillet 1930

Volume n

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur la monnaie.

(Du 3 juillet 1930.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre le message ci-après, à l'appui de notre projet de loi fédérale sur la monnaie.

1. INTRODUCTION.

L'Union monétaire latine a été dissoute le 31 décembre 1926 par suite de la dénonciation de la Belgique ; elle avait duré 61 ans. Les anciens Etats contractants, soit la France, l'Italie, la Belgique, la Grèce et la Suisse, se sont donc trouvés une fois de plus dans la nécessité de reprendre leur propre initiative en matière de politique monétaire.

Sans aucun doute, le moment est venu pour la Suisse d'élaborer une nouvelle loi fédérale sur la monnaie. Une question se pose toutefois : va-t-on simplement cristalliser dans un texte de loi l'état de choses actuel en matière monétaire, ou bien jugera-t-on opportun de profiter de l'occasion pour réaliser certaines réformes ?

En 1865 déjà, lors des pourparlers relatifs à la création de l'Union monétaire latine, la délégation suisse avait défendu le principe de l'étalon d'or. Lors de presque toutes les conférences subséquentes de l'Union latine, nos représentants ont eu pour but d'obtenir que les Etats contractants prissent l'étalon d'or comme base exclusive de leur système monétaire; il en a été de même encore à la dernière conférence de l'union, convoquée à Paris en février 1920. A l'heure actuelle, nous avons les mains libres et nous pouvons enfin mettre en pratique ce qui a toujours été notre idéal. Durant la session de juin 1928, le Conseil national a pris en considération un postulat dans lequel M. Meyer, de Zurich, demande, Feuille fédérale. 82e année. Vol. II.

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outre la prochaine suppression, du cours forcé des billets de banque, une revision de la loi monétaire dans le sens d'une adoption définitive de l'étalon d'or.

H importe en outre que la loi assigne également à la pièce de cinq francs le rôle secondaire qu'elle a d'ailleurs toujours rempli dans la pratique, du moins depuis la création de la banque nationale : celui de monnaie divisionnaire ayant force libératoire limitée. Sur ce point-là, il n'y a pas de divergences.

Depuis des années déjà, maintes discussions ont eu lieu soit au département des finances, soit lors des séances auxquelles les représentants de ce dernier prenaient part avec les délégués de la banque nationale, sur la question de savoir s'il y avait lieu de réduire les dimensions de l'écu de cinq francs et de le frapper en nickel. Une fois l'Union latine dissoute, il était naturel que les possibilités de réforme fussent de nouveau l'objet d'un intérêt particulier. Toutes les questions que la nouvelle réglementation de notre monnaie et la création d'une loi monétaire font surgir seront examinées au cours des pages qui suivent.

2. NATIONALISATION DE LA CIRCULATION MONÉTAIRE.

En déclarant que.la frappe de la monnaie et la fixation de l'unité de base étaient du domaine de la Confédération, la constitution de 1848 a réalisé un grand progrès. La présence sur le territoire de la Confédération de 11 systèmes monétaires différents nécessitant des calculs continuels pour établir l'équivalent d'un canton à l'autre, l'existence de plus de 70 types divers de monnaies en circulation, tout cela entravait singulièrement le trafic. A une époque où les chemins de fer commençaient à exercer une influence prépondérante sur le trafic, rapprochant de plus en plus les villes et les différentes régions de notre pays, cette confusion monétaire devait disparaître.

Mais, du moment qu'on avait entrepris de faire tomber les barrières tant locales que cantonales et qu'on ne voulait pas s'arrêter à mi-chemin, on se proposa comme but d'établir un trait d'union entre notre vie économique et celle des autres peuples en dotant la Suisse d'un système monétaire d'une portée internationale.' Et, en effet, la première loi fédérale sur la monnaie, datant du 7 mai 1850, prescrivait à l'article 7 que toutes nos nouvelles pièces d'argent eussent le même diamètre que les
pièces françaises correspondantes et que toutes les pièces étrangères .frappées d'après le même système eussent également cours légal chez nous. Dans la suite, lorsque les monnaies d'or françaises pénétrèrent dans notre circulation, la loi fédérale du 31 janvier 1860 déclara qu'elles avaient également cours légal. Cette adhésion au système monétaire de la France devait automatiquement avoir comme conséquence la libre circulation des pièces belges et italiennes dans notre pays. Toutefois, comme la Suisse voulait

enrayer l'émigration de ses monnaies d'argent, provoquée par la diffusion des pièces d'or, elle réduisit, en vertu de cette même loi fédérale de 1860, de 900/1000 à 800/1000 le titre de ses monnaies d'argent dont la valeur nominale était inférieure à cinq francs. Comme l'Italie avait, de son côté, fixé le titre des pièces correspondantes à 835/1000 d'argent fin, l'uniformité menaçait d'être rompue.

C'est alors que la France, sur l'initiative de la Belgique, invita en 1865 ce dernier pays, ainsi que l'Italie et la Suisse, à réunir une conférence dans le dessein de rétablir l'unité qui avait précédemment régné. Le résultat des délibérations fut la convention monétaire du 23 décembre 1865, à laquelle adhérèrent les quatre pays susmentionnés, formant ainsi une union dont tous les membres avaient adopté des monnaies d'or et d'argent identiques au point de vue du poids, du titre, des dimensions et du cours. On reconnut la nécessité de donner à toutes les monnaies d'argent de moins de cinq francs une valeur intrinsèque inférieure à la valeur nominale et le titre en fut fixé à 835/1000 d'argent fin. La Suisse dut consentir à un sacrifice et procéder au retrait de toutes ses monnaies d'argent au titre de 800/1000.

Dans son message du 2 février 1886 concernant la convention monétaire, le Conseil fédéral considérait « l'unification des monnaies d'argent des quatre pays comme un premier jalon vers la réalisation d'une monnaie universelle ». Il déclarait plus loin : « Le traité établit, entre quatre Etats comptant 65 millions d'habitants, une union monétaire qui sera d'une heureuse influence pour les besoins du commerce, tout comme pour le développement des rapports internationaux. » L'importance de cette union était si grande qu'elle ne pouvait manquer d'exercer son influence sur les Etats voisins. Il y avait lieu d'espérer que cette union s'étendrait encore considérablement. Cette attente ne s'est pas réalisée. L'admission de la Grèce' eut lieu trois ans plus tard, il est vrai, mais ce fut la dernière. Il se peut fort bien que les fluctuations de la politique internationale aient empêché l'Union monétaire latine de se développer davantage. Ce qui est certain, c'est que les rapides et gigantesques progrès économiques réalisés ont également contribué à faire passer au second plan l'importance d'une union
internationale de cette nature. Cette constatation peut avoir l'air d'un paradoxe. N'était-ce pas,~en effet, grâce au développement progressif des relations internationales que le besoin d'un système monétaire unifié avait pu aboutir à une réalisation concrète ? C'est incontestable ; mais, d'autre part, ce même essor économique et cette même complication des relations internationales ont fait naître d'autres moyens de paiement, dont l'importance s'est puissamment accrue au cours des décennies suivantes, condamnant l'argent monnayé à jouer, soit dans le trafic interne de chaque pays, soit surtout dans les relations internationales, un rôle dont l'importance décroissait à vue d'oeil. Vers 1850 et 1860, l'argent monnayé constituait évidemment sur notre continent le moyen de paiement par excellence, mais peu à peu les billets de banque, les traites, les comptes de

chèques et de virements des banques et des postes prirent une importance de premier plan, contribuant à leur tour à développer le commerce tant national qu'international. Sans aucun doute, l'existence d'une monnaie commune à plusieurs pays facilite encore à l'heure actuelle le trafic frontière et celui des voyageurs. Toutefois, l'un et l'autre ne jouent qu'un rôle bien modeste, si on les compare au mouvement de capitaux fantastiques que nécessite le commerce tant intérieur qu'extérieur et qui n'implique, sauf de minimes exceptions, aucun déplacement de numéraire. L'évolution économique a complètement débordé les louables intentions des fondateurs de l'Union monétaire et permis d'atteindre avec d'autres moyens des résultats de beaucoup supérieurs au but qu'ils s'étaient posé.

Cette même évolution a non seulement relégué au second plan l'importance de l'Union monétaire latine ; elle a sapé les bases de l'édifice et provoqué à la fin son effondrement. Au cours des années, le papier-monnaie s'était établi dans la circulation parallèlement avec la monnaie métallique.

Son usage a commencé à s'étendre de plus en plus; parfois même il est arrivé dans certains pays que déjà avant la guerre, et surtout pendant la période qui l'a suivie, l'inflation a eu pour effet d'éliminer la monnaie de la circulation et de lui faire passer la frontière. Il devint aussi évident qu'à moins de s'appuyer sur une politique commune en matière d'émission, toute union monétaire internationale serait infailliblement vouée à l'insuccès durant les périodes de crise. Au point de vue pratique, les unions monétaires internationales ne sont plus qu'une réminiscence historique; ce qu'on verra peut-être à l'avenir, c'est une certaine coopération des banques d'émission.

En réalité, l'émission des billets de banque a porté atteinte à l'Union monétaire latine. Elle venait à peine d'être fondée que les monnaies d'argent italiennes passaient en masse dans les autres pays contractants. Parallèlement avec la déclaration de cours forcé du papier-monnaie, celui-ci fut émis en quantité excessive, ce qui eut pour effet de déprécier le papier italien. Puisque en vertu de la loi la monnaie métallique n'avait pas une force libératoire supérieure à celle du papier déprécié, elle afflua chez les voisins, où sa valeur n'avait subf aucune modification
et où elle était changée avec bénéfice contre du papier-monnaie italien. En 1878, les monnaies d'argent italiennes qui avaient été exportées furent rapatriées. Toutefois, le même phénomène se répéta vers 1890. A cette époque, le cours des traites italiennes tomba de 16 pour cent et l'exode des monnaies d'argent vers la France et la Suisse reprit de plus belle. En 1892, on procéda en Suisse à un recensement des monnaies et il fut constaté que le 49 pour cent des monnaies divisionnaires d'argent trouvées dans les caisses soumises à la revision étaient de provenance italienne. Pour opposer à l'avenir une barrière à ces migrations de monnaies et prévenir le danger où se trouvait l'Italie d'être périodiquement privée de sa monnaie d'appoint, alors que les voisins en étaient inondés, il ne restait qu'une chose à faire : nationaliser

toutes les monnaies d'argent de la péninsule, c'est-à-dire les déclarer hors de cours partout ailleurs que dans leur pays d'origine. Ce fut là l'objet de la convention du 15 novembre 1893. Une première brèche venait ainsi d'être ouverte dans le mur de l'Union latine. Le même sort atteignit les monnaies divisionnaires d'argent grecques en vertu de la convention additionnelle du 4 novembre 1908.

C'est encore à une émission exagérée de billets de banque, maintenue, il est vrai, dans certaines limites par le fait que la faculté de les échanger contre de la monnaie métallique a toujours été conservée, qu'il faut attribuer le peu reluisant drainage de nos monnaies d'argent vers la France durant les dernières années du siècle passé. Tant qu'il y avait chez nous une pluralité de banques d'émission de billets, chacune d'elles s'efforçait, d'en mettre le plus grand nombre possible en circulation. Il en résulta une légère inflation, qui eut pour effet de déprécier le franc suisse à l'étranger et de provoquer un exode continu de nos écus vers la France. Afin de combler le vide qui s'était produit dans notre couverture métallique, les banques, suisses se préoccupèrent de rapatrier nos pièces de cinq francs. Cette opération se fit encore au moyen de billets de banque et dans la suite le drainage, continua comme par le passé.

En 1914 éclata la guerre mondiale, qui contraignit presque tous les pays du monde à décréter le cours forcé du papier-monnaie et à en émettre une quantité exagérée. La monnaie métallique disparut dans les bas de laine et dans les coffres ou bien s'achemina, en dépit de toutes les interdictions d'exportation, vers les pays étrangers dont les émissions avaient été maintenues dans des limites plus modestes et où, par conséquent, la monnaie métallique avait plus de valeur. Les pays les plus éprouvés par ces immigrations et émigrations de monnaie étaient précisément ceux qui faisaient partie d'une union monétaire (latine ou scandinave), attendu que leurs monnaies avaient cours dans plusieurs pays.

Dès les premiers mois de la guerre, on remarqua tout d'abord en Suisse que la monnaie d'argent s'écoulait par les frontières sud et ouest. Dans le canton du Tessin, on faisait véritablement la chasse aux pièces de cinq francs pour les exporter en Italie. La Suisse avait cru qu'en interdisant l'agio
elle opposerait une barrière efficace à l'exode de l'argent. Elle se faisait un scrupule d'interdire purement et simplement l'exportation, craignant d'agir contrairement à l'esprit qui avait présidé à la constitution de l'Union latine, alors que les autres pays contractants avaient déjà pris cette mesure sans la moindre hésitation. On avait à peine eu le temps de croire que l'exportation des monnaies d'argent par la frontière sud était définitivement enrayée, qu'en mai 1915 se dessina le mouvement contraire. Ce fut une véritable invasion de monnaies italiennes. La même année, et surtout en 1916, la France nous a envoyé de grandes quantités de pièces de cinq francs. Pour éviter de nouveaux envois, nous fûmes contraints de consentir une avance à nos voisins de l'ouest. En 1917, des quantités considérables

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d'écus français et belges ont pénétré dans notre pays par l'Allemagne. U fallut recourir à des représentations diplomatiques pour réduire cette malencontreuse importation. En 1919, nous fûmes véritablement inondés de monnaies divisionnaires d'argent françaises. Ce fut la convention additionnelle du 25 mars 1920 qui apporta enfin le vrai remède: les monnaies divisionnaires françaises et suisses furent nationalisées. Pour combler la mesure, nous subîmes durant la seconde moitié de 1920 une nouvelle invasion de pièces de cinq francs en argent. Nous avons d'abord essayé d'y opposer une barrière (4 octobre 1920) en interdisant l'importation des écus frappés dans les autres pays de l'Union latine. Le 2 novembre, une interdiction analogue frappait les monnaies divisionnaires belges. Ces mesures n'eurent guère de succès. C'est alors que le Conseil fédéral, se trouvant en état de légitime défense, recourut à l'unique moyen rapide et efficace qui pût protéger notre circulation monétaire: il déclara que les écus des autres pays de l'union, de même que les monnaies divisionnaires d'argent belges, n'auraient plus cours légal à partir du 31 mars 1921 et demanda en même temps aux Etats contractants de convoquer une conférence monétaire. L'existence de la pièce de cinq francs, qui formait pour ainsi dire le bastion de l'Union latine, se trouvait ainsi mise en péril. Par la convention additionnelle du 9 décembre 1921, les Etats membres de l'Union latine donnèrent leur assentiment à cette mesure. La Suisse avait ainsi nationalisé toutes ses monnaies d'argent. Que subsistait-il de cette Union latine dont la fondation avait autrefois fait naître tant d'espérances ?

La monnaie d'or, qui seule circulait encore dans toute l'union.

Bientôt il se révéla que ce dernier vestige présentait, lui aussi, certains inconvénients. En effet, en 1925 et en 1926, il fut importé en Suisse une assez grande quantité d'or monnayé. C'étaient la plupart du temps des pièces usées, mais dont le frai ne dépassait pas la limite de tolérance, que l'on avait avantage à introduire chez nous, puisque en vertu de la loi monétaire, on pouvait les écouler sans aucune perte ni déduction.

Au 31 décembre 1926, la Belgique dénonça la convention monétaire.

C'est ainsi que l'Union latine se trouva dissoute. De la sorte, notre propre législation sur la
monnaie resta seule en vigueur, en particulier l'article 1er de la loi fédérale du 31 janvier 1860, ayant la teneur suivante: « Les pièces d'or françaises qui sont frappées dans la proportion de 1 livre d'or fin pour 15% livres d'argent fin seront admises à leur valeur nominale comme monnaie légale, aussi longtemps qu'elles ont en France un cours légal à leur valeur nominale. Cette décision s'applique également aux pièces d'or d'autres Etats qui sont frappées en parfaite concordance avec les pièces françaises correspondantes. » Cet article devint caduc, dès que l'on put constater qu'en vertu de certaines mesures législatives, les monnaies d'or italiennes et françaises avaient dans leur pays d'origine un cours différent du cours- nominal. Par ordonnance du 8 février 1927, le Conseil fédéral

déclara hors de cours les monnaies d'or étrangères. A partir de ce moment, notre circulation monétaire se trouva entièrement nationalisée.

Maintenant que l'heure est venue pour nous de réorganiser notre monnaie par l'adoption de nouvelles dispositions légales, il ne se trouverait sans doute personne chez nous qui fût disposé à renoncer, du moins pour le moment, à cette monnaie nationale que nous avons eu tant de peine à reconstituer. L'expérience nous a instruits; s'il est un domaine dans lequel les conventions internationales sont non seulement inutiles, mais encore inséparables de gros inconvénients au point de vue économique, c'est incontestablement celui de la législation monétaire.

La nationalisation de notre monnaie ne nous fera toutefois pas oublier qu'une valeur régit le monde à l'heure actuelle : c'est l'étalon d'or. Le pied monétaire (rapport existant entre un kilogramme d'or et le nombre d'unités monétaires qu'il a servi à frapper) peut varier d'un pays à l'autre, et les dénominations mêmes de ces unités seront peut-être fort différentes; une base leur est commune: l'or. Il est vrai que le cours du change varie d'un pays à l'autre, mais ces oscillations s'écartent si peu de ce qu'on est convenu d'appeler la parité monétaire, qu'elles ne sauraient être considérées comme un obstacle quelque peu sérieux soit au trafic international des marchandises, soit au mouvement des voyageurs.

3. TRANSITION A L'ÉTALON D'OR.

Nous venons de voir comment la Suisse s'était ralliée en 1850 au système monétaire fançais. Les monnaies d'argent françaises eurent cours légal chez nous et les monnaies de notre frappe furent identiques comme poids, titre, dimensions et cours à celles du pays voisin. D'autre part, le système du bimétallisme adopté par la loi existait en France depuis l'an XI, c'est à dire que l'or et l'argent avaient, dans la proportion de 1 à 15%, force libératoire illimitée et pouvaient être monnayés sans limitation de quantité.

Le bimétallisme ne signifie nullement que les monnaies d'or et d'argent puissent circuler simultanément en parfaite harmonie, comme l'avait rêvé le législateur; dans la pratique des relations économiques, il en était tout autrement. C'était au contraire le métal le plus abondant et dont le prix était par conséquent le moins élevé sur le marché qui jouait en tout
temps le rôle prépondérant. Ainsi, par exemple, à l'époque où l'on créait en Suisse une monnaie nationale unifiée, c'est l'argent qui prédominait dans la circulation, tant chez nos voisins de l'ouest que sur le reste du continent en général. Aussi nos ancêtres n'eurent-ils qu'à se baser simplement sur la pratique de la vie économique lorsqu'ils fixèrent dans l'article 1er de la loi monétaire du 7 mai 1850 que le franc d'argent lui seul serait notre unité monétaire.

Toutefois, dès 1850 déjà, l'or commença à disputer à l'argent le rôle prépondérant que celui-ci jouait. On avait, à cette époque, découvert de

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nouveaux gisements d'or en Californie et en Australie. Les nouveaux stocks d'or affluèrent en Europe; l'offre croissante fit tomber la valeur du métal qui s'achemina vers les hôtels des monnaies, se répandit ensuite dans la circulation pour servir aux paiements les plus modestes, provoquant partout en Europe, sans excepter notre pays, un bouleversement de la circulation monétaire. A mesure que l'or baissait, l'argent augmentait de prix, donnait lieu à l'agio et disparaissait de la circulation. Les écus furent les premiers à s'éclipser, suivis bientôt des monnaies divisionnaires d'argent.

Ainsi que le cas s'était déjà produit en Angleterre et aux Etats-Unis, la monnaie d'or devint reine de la circulation sur le continent, alors que la pénurie d'argent se faisait sentir.

La Suisse n'attendit pas l'exemple de l'étranger pour recourir à des mesures défensives, mais elle en prit l'initiative. La loi fédérale du 31 janvier 1860 déclarait que les monnaies d'or françaises avaient cours légal,, ne faisant en cela que consacrer un usage déjà établi. Cette même loi tentait d'opposer une barrière à l'émigration des monnaies d'argent en ramenant de 900/1000 à 800/1000 d'argent fin le titre des pièces de deux francs, de un franc et de % franc. De fait, la Suisse avait ainsi adopté l'étalon d'or, mais comme les écus, qui avaient presque complètement disparu de la.

circulation, conservaient leur force libératoire illimitée et que la frappe en était restée libre, nous adoptions en théorie le bimétallisme.

Il est compréhensible que dans ces conditions, lorsque les représentants; de la France, de l'Italie, de la Belgique et de la Suisse se réunirent en conférence dans le but de fonder une union monétaire, notre délégation se déclara en faveur de l'étalon d'or. Peine inutile, ce fut encore le bimétallisme qui servit de base à l'Union latine: la frappe des monnaies d'or et d'argent était également libre, avec la restriction que, pour l'argent, cette1 faculté ne s'étendait qu'aux pièces de cinq francs, alors que les pièces de deux francs, de un franc et de % franc furent réduites ou maintenues au rang de monnaies divisionnaires.

La loi fédérale du 22 décembre 1870 autorisait le Conseil fédéral à faire frapper pour le compte de la Confédération ou de tiers des monnaies d'or répondant exactement aux conditions prévues
par la convention monétaire. Vers l'année 1870, une nouvelle transformation se préparait dans la circulation monétaire des Etats de l'Union latine. Le prix de l'argent baissa à son tour, d'un côté parce que l'Allemagne et d'autres pays, ayant adopté l'étalon d'or proprement dit, refoulaient l'argent et d'un autre, parce que la production de l'argent s'était accrue. Il redevint alors avantageux de faire frapper des écus. La Monnaie de Paris et celle de Bruxelles reçurent des commandes à foison. On pouvait craindre que tout l'or ne fût éliminé de la circulation, alors que vers 1850 c'est précisément le contraire qui s'était produit: l'or était alors l'ennemi de l'argent et lui avait livré une lutte sérieuse.

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Soucieux de parer à une telle éventualité, les Etats de l'union limitèrent, d'abord la frappe des pièces de cinq francs à certaines quantités déterminées, en vertu de la convention additionnelle du 31 janvier 1874 et de la déclaration du 3 février 1876 ; ils l'arrêtèrent même complètement à la suite de l'accord intervenu le 5 novembre 1878. En d'autres termes, le bimétallisme était compromis. En réalité, le système monétaire s'appuyait encore d'un pied sur l'or et de l'autre sur l'argent, mais le second boitait.

Ce bimétallisme boiteux, qui actuellement encore a chez nous force de loi, a ceci de commun avec le système de l'étalon d'or que dans l'un comme dans l'autre cas la frappe de la monnaie d'or est seule libre; il en diffère toutefois en ce que la pièce de cinq francs possède, à l'instar des monnaies d'or, un pouvoir de paiement illimité. Dans le trafic interne, cette circonstance n'a guère d'importance pratique; la notion de force libératoire limitée et illimitée est en effet familière à peu de gens. Il en est tout autrement, dans les relations internationales.

La banque d'émission ayant le droit de rembourser ses billets en or ou en pièces de cinq francs, à son choix, elle peut, quand le cours du change tiré sur l'étranger monte, empêcher une sortie d'or en refusant de rembourser ses billets autrement qu'en écus d'argent. La Suisse, jusqu'à la.

fondation de la banque nationale (en 1907), la France, jusqu'à la déclaration de guerre, usèrent occasionnellement de ce droit. Malheureusement, le cours du change faisait les frais de la défense de la réserve d'or; car l'exportation de l'argent est plus onéreuse que celle de l'or, de sorte que le cours du change doit être passablement élevé pour qu'il y ait avantage à liquider en argent un solde passif de la balance des comptes. C'est ainsi qu'avec un bimétallisme boiteux, les oscillations du cours du change peuvent être beaucoup plus fortes qu'avec l'étalon d'or. Or, une des tâches principales d'un système monétaire sain est précisément de réduire ces oscillations au minimum. Ce fut aussi la raison pour laquelle la banque nationale renonça dès l'origine à protéger sa réserve d'or en se désaisissant de son argent et remplaça ce système, avec succès, par l'achat et la vente de devises, afin de compenser les écarts de valeur du franc suisse et de
le maintenir dans les limites de ce qu'il est convenu d'appeler les points d'or.

Ainsi, en droit, la Suisse était sous l'empire du bimétallisme, mais pour la régulation du franc suisse, on suivait les principes du monométallisme-or..

A la déclaration de guerre, les banques d'émission de tous les pays (celles des Etats-Unis et de l'Angleterre exceptées) furent relevées de l'obligation de continuer à rembourser leurs billets en or ou en espèces.

Ce qui s'était produit antérieurement sur une petite échelle, se renouvela dès Jors pour la défense du cours forcé du papier-monnaie: l'émission de papier devint pléthorique et chassa la monnaie métallique de la circulation.

Elle fut cachée dans les bas de laine, les matelas et les coffres, ou prit, malgré l'interdiction d'exporter l'argent, le chemin de l'étranger. C'est.

10 ainsi que la Suisse, où la dévalorisation du papier-monnaie était infiniment moindre que dans les -pays voisins, devint le point de réunion, le déversoir ·de la monnaie d'argent des membres de l'union.

Depuis le début de l'année 1923, le monde peut, spectacle impressionnant, voir un pays après l'autre revenir à l'or, en recommençant à rembourser ses billets en or, ou du moins en les enchaînant au métal jaune comme s'il y avait un remboursement. A partir du 1er avril 1930, la Suisse ·est de ces pays dont les banques centrales peuvent à leur choix rembourser leurs billets en or monnayé, en lingots ou en devises-or. Toutefois, la banque nationale avait auparavant déjà dirigé sa politique monétaire d'après les principes du système de l'étalon d'or. En reprenant sa politique -de devises, éprouvée avant la guerre, la banque nationale suisse a réussi depuis plus de cinq ans à si bien régler le cours de notre franc que ses oscillations furent même sensiblement plus petites que l'écart entre le point d'entrée et le point de sortie de l'or. Le succès n'eût pas été plus .grand si la banque nationale avait remboursé ses billets en espèces. La raison qui nous fait renvoyer encore le remboursement en espèces est que certains Etats n'étant pas encore saturés d'or, ce métal serait trop facilement attiré hors du pays, ce qui aurait pour effet de troubler la circulation de l'or supposée et de grever la banque nationale des frais assez lourds du Tapatriement.

4. ÉTALON D'OR OU SYSTÈME BASÉ SUR L'INDEX DES PRIX La revision de notre législation monétaire suisse donne à quelques personnes l'occasion de réclamer l'introduction d'un système basé sur l'index des prix au lieu de l'étalon d'or. Le département des finances et le Conseil fédéral se sont prononcés sur cette question il y a quelques années, ·en 1923 et en 1924, lorsqu'il s'agissait de lutter sur le marché intérieur et extérieur contre la dévalorisation croissante du franc suisse. Fallaitil stabiliser le dollar au cours élevé qu'il avait atteint ou le ramener ·au pair? En ramenant le dollar au pair, la Suisse se hait à l'or. C'était le but qu'on se proposait. En plaçant des rescriptions sur le marché, en concluant deux emprunts en dollars, en août 1923 et avril 1924, jiar la consolidation de la dette de change que la Confédération avait auprès de la banque
nationale et l'élévation du taux officiel de l'escompte, on réussit à arrêter la dévalorisation et à revaloriser quelque peu ; l'abondance d'argent liquide dont bénéficia le marché américain en 1924 nous aida à ramener le cours du dollar en Suisse au pair vers la fin de l'année. « Nous sommes fermement résolus d'appliquer tous les moyens pour maintenir la parité du franc suisse- avec l'or et nous nous attendons ·en même temps à ce que le pouvoir d'achat intérieur du franc soit préservé d'oscillations trop sensibles » écrivait le Conseil fédéral dans son

11 message du 4 novembre 1924 à l'appui du budget de 1925. Cette phrase laconique contenait le programme du Conseil fédéral en matière de politique monétaire, qu'il précisa dans une réponse écrite très détaillée, du 23 décembre 1924, adressée à la société suisse du Griitli. Le comité central de ce « parti populaire socialiste », depuis lors rentré dans le néant, avait transmis au Conseil fédéral, sous forme de thèses, les résolutions adoptées par l'assemblée du parti à Schaffhouse et avait exprimé dans un mémoire d'accompagnement le désir d'être renseigné sur la politique monétaire suisse. La réponse du Conseil fédéral fut ensuite publiée dans les Rapports économiques de la Feuille officielle suisse du commerce du 6 juin 1925, sous le titre : Le Conseil fédéral et le problème de la monnaie franche.

Le Conseil fédéral examinait dans cet écrit s'il fallait conseiller « de revenir à l'étalon d'or ou de chercher par une autre voie à consolider le pouvoir d'achat intérieur et extérieur de l'argent ». Il signalait le fait que le niveau intérieur des prix aux Etats-Unis, comparé à l'index du commerce de détail, jouissait depuis quelques années d'une grande stabilité. Cette fermeté ne venait pas du hasard, elle était voulue et recherchée par la banque d'émission centrale de ce pays. La Suisse, en s'efforçant, du moins depuis 1923, d'établir la parité entre le cours du franc et celui du dollar, voulait participer à cette stabilité des prix, persuadée que les Etats-Unis allaient persévérer dans leur politique de stabilisation. « Ce qui vaudrait le mieux, à notre avis », poursuivait le Conseil fédéral, « c'est que les Etats-Unis, grâce à leur formidable appareil économique national, continuassent à perpétuité d'exercer sur la moyenne des prix intérieurs de leur commerce de détail, par des mesures appropriées aux circonstances, une influence qui eût pour fruit une certaine consolidation de l'index du commerce de détail. Les pays qui lieraient leur système monétaire au dollar auraient ainsi, non seulement un change à cours stable, mais un niveau des prix à peu près horizontal ». Cela se passait en 1924. Les prévisions du Conseil fédéral ne furent pas démenties, au contraire, les événements les dépassèrent.

Le cours du dollar et le niveau des prix intérieurs jouissent en Suisse d'une fermeté qui pourrait à
peine être dépassée. Les banques d'émission des Etats-Unis ne règlent plus l'équilibre monétaire, comme avant et pendant la guerre, d'après l'importance de leurs réserves d'or, non plus simplement selon les entrées et sorties d'or, mais elles s'attachent à ce que le niveau des prix reste constant et la vie économique régulière. L'étalon d'or ne gouverne plus le système monétaire américain à l'ancienne manière d'avantguerre, il est gouverné. L'avenir dira si cette politique réussira à la longue; pendant huit ans, en tout cas, elle a porté d'excellents fruits. Elle devra encore subir l'épreuve du feu de graves complications internationales et de crises économiques profondes. On verra ainsi si eËe sera capable de se roidir dans sa volonté, si jamais la production mondiale d'or n'arrive plus à suivre les besoins des hôtels des monnaies pour la frappe, si elle tolérera que les réserves d'or des banques d'émission américaines soient fortement

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entamées sans diminuer proportionnellement l'émission des billets. On.

verra en outre si le Fédéral Reserve Board, l'établissement central des banques d'émission des Etats-Unis, sera, le cas échéant, assez fort pour.

se défendre contre une offre surabondante d'or et une inflation correspondante de billets.

De même que l'on se plaît aujourd'hui, entre économistes, à parler de la menace d'une sous-production d'or, il peut venir une époque où la menace d'une inondation d'or sera le sujet d'actualité des spécialistes et de la presseLa découverte de nouveaux gisements aurifères, l'amélioration des procédés, d'extraction -- 'pour ne pas parler de l'or synthétique -- l'extension des moyens de paiement suppléant à la monnaie métallique, toutes ces circonstances pourraient un jour rabaisser le prix de l'or dans une mesure insoupçonnée et forcer les banques d'émission et les hôtels des monnaies du vieux et du nouveau monde de refuser une plus ample acceptation d'or, exactement comme cela s'est passé avec l'argent. Mais ce sont là des problèmes, qui appartiennent à un avenir proche ou lointain. On sait aussi que la.

Société des Nations fait étudier la question de la valeur-or; les banques d'émission se décideront peut-être à poursuivre dans le conseil d'administration de la banque des règlements internationaux (Baie) l'oeuvre du Fédéral Reserve Board américain, ce qui renforcera l'habitude de manipuler la circulation monétaire. Pour le moment, nous ferions preuve, en Suisse, d'un défaut de sens pratique peu ordinaire, si nous cessions de régler notre équilibre monétaire d'après le dollar et l'or et si nous échangions une politique assurant des cours de devises et des prix intérieurs presque inamovibles contre une politique de régulation monétaire qui provoquerait sûrement l'instabilité du cours des devises sans nous assurer du tout des prix intérieurs fermes. Les autorités responsables du régime monétaire suisse ne perdront pas un instant de vue ces problèmes et se mettront sur leurs gardes sitôt que surgiront des événements de nature à menacer la, sécurité de notre équilibre monétaire.

5. DÉGRADATION DE LA PIÈCE DE CINQ FRANCS AU RANG DE MONNAIE D'APPOINT D'après la première loi fédérale sur la monnaie, toutes les monnaies d'argent de un franc ou plus avaient force libératoire illimitée (c'était la
soi-disant monnaie courante). La force libératoire limitée, la caractéristique de la monnaie d'appoint, était réservée à la pièce d'argent de cinquante centimes, au billon (alliage d'argent, de cuivre, d'étain et de nickel) et aux espèces en cuivre. Les particuliers n'étaient pas tenus d'accepter en paiement plus de vingt francs en pièces de cinquante centimes ou en billon, ni plus de deux francs en monnaie de cuivre. Comme les monnaies de la plus faible valeur étaient alors frappées au titre de 900 millièmes, la limitation de leur force libératoire n'avait pas d'autre but que d'éviter

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qu'un excès de petite monnaie ne donnât un surcroît de peine à la personne qui recevait un paiement.

Lorsque autour de 1850 l'argent renchérit par rapport à l'or, comme nous l'avons vu, la monnaie d'argent disparut de la circulation et l'Assemblée fédérale, pour parer à cette disette, recourut en 1860 à une altération de la monnaie: elle abaissa le titre des pièces de deux, de un et de un demi francs à 800 millièmes.

L'article 2 de la loi fédérale ajoutait: « Les pièces de deux, d'un et d'un demi francs seront frappées à l'avenir comme monnaies de crédit ... ».

Le texte français parlait expressément de « monnaie de crédit », l'allemand, de « Scheidemünzen ». Sans se préoccuper plus longtemps de ce que feraient les autres pays qui avaient aussi le franc comme unité monétaire, la Suisse avait rabaissé ses monnaies d'argent, à l'exception de la pièce de cinq francs, au rôle de monnaie de crédit à valeur incomplète ; il n'y avait en fait pas d'autre moyen de mettre effectivement un terme à l'exode de ces monnaies. Elles devaient circuler à l'avenir, moins en vertu de leur valeur métallique qu'en raison de la confiance qu'on avait en l'Etat. Une telle monnaie de crédit sans valeur intrinsèque était beaucoup moins exposée aux troubles que provoquait de temps en temps la formation des prix sur le marché mondial des métaux précieux. Le système de l'équation entre la valeur intrinsèque et la valeur nominale dut être sacrifié bon gré mal gré dans l'intérêt du bon fonctionnement des petites transactions. Les autres Etats voués au système monétaire français ne purent rien faire de mieux que de suivre en principe notre exemple. La monnaie d'or et la pièce de cinq francs en argent furent les seules monnaies qui conservassent leur valeur intrinsèque. La force libératoire des monnaies d'argent dont on avait abaissé le titre fut limitée à vingt francs.

Lors de la fondation de l'Union latine, les délégués suisses avaient demandé à la conférence « de constater le caractère fiduciaire des pièces divisionnaires et de les désigner comme monnaie de crédit ». Mais les autres pays n'osèrent pas user du mot propre etdfirent état des habitudes d'esprit de leur population. Ils firent valoir « que le terme pourrait devenir antipopulaire et qu'il y avait un certain danger, pour un terme de cette espèce, à appeler la méfiance
sur ces nouvelles monnaies ». Toutefois, la conférence sentant qu'il était impossible de ne pas expliquer pourquoi ces pièces étaient frappées à un titre différent de celui de la pièce de cinq francs, adopta la dénomination de « monnaie d'appoint en argent » (Silberscheidemünzen) ». Aujourd'hui, plus de soixante ans après, on élève des objections toutes semblables contre la réforme monétaire proposée dans ce message.

Le temps en fera justice comme des premières.

La convention monétaire ne modifia la législation suisse que sur deux points: la force libératoire des monnaies d'appoint en argent fut portée de vingt à cinquante francs et leur titre de 800 à 835 millièmes.

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Par contre, une loi fédérale de 1879 abaissa la force libératoire du billon de vingt à dix francs.

Du fait que la pièce de cinq francs perdit à vue d'oeil de sa valeur, entre 1870 et 1880, au point que le monnayage cessa d'en être libre, elle devient, par la force des circonstances, de fait sinon de droit, une monnaie d'appoint. Et la banque nationale suisse, en n'usant pas, avant la guerre, de son droit de rembourser ses billets aussi bien en pièces de cinq francs qu'en or, marquait le système monétaire suisse au sceau de l'étalon d'or unique.

Si, par conséquent, le projet de loi actuel propose de rabaisser la pièce de cinq francs au rang de monnaie d'appoint, ce n'est que pour donner après coup consécration légale à un fait accompli de la pratique.

Le public, aussi bien, s'apercevrait à peine de la transformation de l'écu de cinq francs en monnaie d'appoint, si les dimensions et le poids n'en étaient pas diminués simultanément.

6. PIÈCE DE CINQ FRANCS OU BILLET DE CINQ FRANCS.

Lorsque, fin juillet, commencement d'août 1914, la guerre mondiale éclata, elle induisit les gens craintifs à soustraire de la circulation toute la monnaie métallique sur laquelle ils purent mettre la main et à la conserver pour les cas de nécessité. Le Conseil fédéral fut alors autorisé, par arrêté fédéral du 3 août, à accorder à la banque nationale le droit d'émettre passagèrement des billets en coupures de cinq francs. La circulation de ces succédanés de la pièce de cinq francs en argent subit depuis lors d'assez grands écarts. Tout d'abord elle s'accrut, la plupart des écus de cinq francs ayant disparu de la circulation, jusqu'à 49,0 millions de francs, le 7 octobre 1915. Lorsque, les années suivantes, les pièces de cinq francs reparurent en plus grand nombre et que les pays étrangers en inondèrent véritablement notre territoire, la circulation de ces coupures diminua sensiblement: fin août 1918, elle ne s'élevait plus qu'à 5,7 millions de francs. A la fin de 1920> elle était de 9,6 millions de francs. Le retrait des pièces de cinq francs étrangères, en 1921, nous obligea à une émission correspondante de coupures de même valeur ; la circulation de ces coupures de cinq francs s'éleva de nouveau, fin 1921, jusqu'à 57,9 millions de francs, limite qui ne fut jamais dépassée. Depuis le milieu de l'année 1923, la quantité
de billets émis recula à mesure que de nouvelles pièces de cinq francs de frappe suisse quittaient notre hôtel des monnaies et entraient dans la circulation. Jusqu'à la fin de 1925, la circulation des coupures tomba à 6,8 millions de francs; elle est, aujourd'hui, inférieure à 3 millions de francs.

Dans le public, on était divisé sur la question de savoir ce qui rendait les meilleurs services à la circulation, de la pièce ou du billet de cinq francs.

Autant que la presse s'occupa du problème (ce fut notamment le cas en 1925), elle se prononça presque à l'unanimité en faveur du billet. Au Con-



seil des Etats, le député valaisan Lorétan assurait en juin 1925 que la.

population rurale préférait les billets de cinq francs aux écus. Au printemps 1927, le conseiller national de Murait invitait le Conseil fédéral, dans une question écrite, à examiner s'il n'y aurait pas lieu d'émettre des billets, de dix et de cinq francs et, un an plus tard, présenta une interpellation, sur le même objet. En mai 1928, la commission de gestion du Conseil national émettait le voeu que l'on fît frapper des écus plus petits que l'encombrante pièce de cinq francs encore en circulation. Ce voeu se rencontrait, avec les plans que le département fédéral des finances venait d'élaborer..

Significatif fut le résultat de l'enquête que la banque nationale suisse > fit en août 1925 auprès de l'union suisse du commerce et de l'industrie, de l'union suisse des arts et métiers et de l'office suisse du tourisme sur la question du retrait ou du maintien des coupures de cinq francs. Même au.

sein des associations et de leurs sections, les opinions étaient partagées..

L'union suisse des arts et métiers ne se prononça en faveur de la pièce de.

cinq francs en argent qu'à une voix de majorité. L'office suisse du tourisme recommanda de conserver les petites coupures jusqu'à ce que le remboursement en or fût réintroduit dans tous les pays. Le comité central de l'association suisse du commerce et de l'industrie prétendit au contraire que l'argument suivant lequel les petites coupures devaient être maintenues, pour la seule raison de leur commodité n'était pas fondé.

A l'occasion de l'enquête monétaire du 23 février 1926, ordonnée, par la Confédération, les offices préposés à cette opération furent priés, sur le désir de la banque nationale, de faire connaître les observations que leur avait suggérées le mouvement de l'argent et des paiements et de faire savoir si le commerce, après avoir été pourvu de nouveau de pièces de cinq francs, avait toujours besoin des coupures de même valeur. 3371 offices donnèrent, une réponse, 1888, c'est-à-dire 56 pour cent, une réponse négative et 1285 ou 31,1 pour cent, une réponse affirmative. 198 offices, c'est-à-dire 5,9 pourcent, tout en prétendant que le commerce pouvait se passer des petites coupures, déclarèrent désirable qu'il en restât un certain nombre dans la circulation. Cette enquête
ne permit évidemment pas de savoir ce que le.

grand public pensait de l'affaire.

Ce qui se laisse déduire à coup sûr de cette attitude pajtagée du monde du commerce, c'est que ni la pièce ni le billet de cinq francs ne répondent véritablement aux besoins.

Avant la guerre déjà, on reprochait parfois à la pièce de cinq francs.

d'être pesante et encombrante. Depuis lors, le pouvoir d'achat de la monnaie a baissé; celui qui s'en va faire des achats doit garnir sa bourse d'une quantité presque double de pièces de cinq francs. Mais, d'autre part, l'écu.

de cinq francs est une monnaie très propre.

Le billet de cinq francs, au contraire, se salit rapidement, parce qu'à l'opposé des coupures plus grandes, il sert aux petites transactions, circuì»

16 vite et passe dans une multitude de mains qui ne sont pas toutes propres.

Outre cela, comme on a l'habitude de le plier en tout sens, il en résulte des · cassures et finalement il se déchire. On dut effectivement constater que les coupures étaient dans un très mauvais état et laissaient beaucoup à désirer au point de vue hygiénique, quoique la banque nationale fît constamment le nettoyage de la circulation. Elles se prêtent sans doute très bien à être expédiées sous plis quand on veut faire une générosité ou un cadeau (on pourrait cependant, avec autant de droit, réclamer pour la même raison des coupures de un et de deux francs) ; pour l'usage ordinaire, beaucoup de personnes les trouvent incommodes et encombrantes, parce qu'à chaque échange il faut les déplier et les replier plusieurs fois, qu'elles se glissent entre d'autres bilets et finalement se perdent facilement. Enfin, les billets de cinq francs peuvent, plus facilement que les autres, provoquer des contrefaçons. Nous pouvons donc dire tranquillement que plus une coupure est petite, plus les inconvénients techniques des moyens de paiement en papier deviennent sensibles et, finalement, éclipsent leurs avantages.

Longtemps, la coupure de cinq francs eut un succès particulier dans le commerce frontière avec la France et l'Italie, parce que la pièce de cinq francs en argent était acceptée en paiement dans ces pays voisins, non pas .au cours élevé qu'elle avait en Suisse, mais au cours très bas de l'intérieur.

Ce ne fut pas un hasard, si la plupart des partisans des petites coupures demeuraient dans les deux villes frontières, Baie et Genève. Depuis que le régime monétaire français a été assaini, les plaintes concernant le retrait · ·des billets de cinq francs se sont tues.

La banque nationale élève encore d'autres objections contre une nouvelle mise en circulation de coupures de cinq francs (et de dix francs).

C'est en premier lieu la question des frais. La confection d'un billet de cinq francs, coûte environ cinq centimes. En comptant qu'il circule pendant 2 à 3 ans, l'établissement d'émission doit supporter chaque année une dépense de 0,4 à 0,6 pour cent. Avec une circulation moyenne de 60 mulions, la banque nationale aurait à débourser chaque année 300,000 francs, les frais de contrôle non compris. Il n'est pas nécessaire de souligner
que la question des frais n'est, à elle seule, pas plus déterminante pour la banque nationale que pour nous. D'autre part, la banque nationale fait valoir que la doctrine traditionnelle et dominante repousse la petite coupure, parce qu'elle tend à rester dans la circulation au lieu de retourner à la banque d'émission.

Mais, ne pourrait-on pas, pour satisfaire aussi bien les partisans du billet que ceux de la pièce de cinq francs, laisser circuler les deux espèces côte à côte au même droit? Ce ne serait pas, à notre avis, un avantage pour le commerce. Car enfin, chacun n'est pas en état d'avoir constamment dans sa bourse ou sa caisse une provision des deux espèces ; si bien que la personne à qui on présente de l'argent ne reçoit pas toujours l'espèce qu'elle préfère.

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Les inconvénients des deux espèces, loin de s'éliminer par leur rencontre, s'additionnent.

Quoique l'intérêt fiscal doive passer à l'arrière-plan dans une telle question, il ne faut cependant pas passer complètement sous silence le fait que si les billets de cinq francs étaient remis en circulation, une grande partie des pièces de cinq francs serait rendue à la caisse de l'Etat et resterait à sa charge. La Suisse a frappé des écus d'argent pour une valeur de 80 jnillions de francs. Si tous ces écus étaient repoussés par la circulation vers la ·caisse de l'Etat, ce qui ne serait pas improbable, ou retirés par la Confédération, le fisc en subirait, s'il les emmagasinait dans les caveaux, une perte annuelle d'intérêts de 4 millions de francs, ou, s'il les vendait à leur valeur marchande, une perte unique de 60 millions de francs en chiffre rond.

7. RÉDUCTION DES DIMENSIONS DE LA PIÈCE DE CINQ FRANCS La pièce, aussi bien que le billet de cinq francs, ayant tous deux des désavantages certains, il est difficile de choisir entre eux. Nous pouvons nous épargner cet embarras en réduisant les dimensions de notre écu.

Tous les inconvénients de la pièce de cinq francs s'éclipsent, en même temps ·que ses avantages se complètent. Qu'est-ce qui nous empêcherait de réaliser une idée qui fut étudiée en 1922 déjà par le département des finances ?

Jusqu'au 31 décembre 1926, nous devions compter avec l'Union latine.

Une conférence des membres de l'union eût-elle accepté le plan présenté par la Suisse? Aujourd'hui, celle-ci est libre de suivre la politique monétaire de son choix, d'adopter le moyen de paiement le plus pratique et de faire passer dans le domaine des réalités monétaires également le mot sauveur de « rationalisation », qui a conquis ces dernières années droit de cité universel.

Le comité de direction de la banque nationale suisse s'étant prononcé «n faveur d'une réforme, le département des finances, convaincu en outre, après quelques entretiens avec des personnalités suisses particulièrement expertes en matière monétaire, que l'idée de frapper une pièce de cinq francs plus petite serait bien accueillie, surtout si la pièce restait en argent, le département chargea la Monnaie fédérale, en décembre 1927, de faire exécuter un coin d'essai de 31 mm de diamètre, au lieu de 37 mm comme avant. Ce travail
prit des mois. Le coin terminé, on frappa quelques spécimens de monnaie en argent et en nickel et le département des finances, désireux d'avoir l'avis d'un grand nombre de milieux, convoqua une grande conférence monétaire. Toutes les associations et institutions intéressées de façon quelconque dans la circulation monétaire furent invitées à envoyer un ou deux représentants à cette conférence, autant que possible des personnes ayant la pratique journalière des opérations de caisse. Siégèrent, à côté de quelques membres de l'Assemblée fédérale, les représentants Feuille fédérale. 82° année. Vol. II.

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des différents groupes de banques, des chemins de fer fédéraux, de l'administration des postes et télégraphes, de l'office suisse du tourisme, des.

hôteliers et aubergistes, de détaillants, des bazars et des coopératives de consommation, des ménagères, des ouvriers et agriculteurs, des industriels, des commerçants et des artisans ; en tout, près de 50 délégués prirent part aux délibérations.

Cette grande commission du trafic, qui siégea à Berne le 16 août 1928, n'eut qu'une voix pour une réduction de la pièce de cinq francs et se prononça pour ainsi dire à l'unanimité pour le diamètre de 31 mm. Quant à la composition métallique de l'écu rapetissé, il y eut 22 voix en faveur de l'argent et 16 en faveur du nickel. L'assemblée décida, par toutes les voix sauf six, que, les dimensions de la pièce de cinq francs une fois réduites, il ne serait plus nécessaire d'émettre des billets de cinq francs et, par 26 voix contre 15, qu'à la même condition on pouvait aussi se passer de billets de dix francs.

On ne pourrait pas, ce nous semble, désirer une opinion plus nette.

Entre temps, la chambre de commerce zurichoise constitua de son côté une commission d'experts qui prit position à l'égard des plans du département des finances, ainsi que sur la question du remboursement des billets de banque à présentation. La chambre de commerce fit un compte rendu des résultats de cette consultation et le mit, accompagné d'un projet de loi sur la monnaie et d'un projet de modification concernant la loi organique de la banque nationale, à la disposition du département fédéral des finances, puis de la presse. La chambre de commerce de Zurich recommande, elle aussi, une pièce de cinq francs de plus petit modèle. De plus, elle la voudrait en argent, au titre de 835 millièmes de fin (et non plus,, comme maintenant, de 900 millièmes), le même que celui qu'on applique aux autres monnaies d'argent. La chambre de commerce suisse s'est aussi occupée de la réforme monétaire et a transmis le résultat de ses délibérations au département des finances, en date du 19 novembre 1928. Voici, entre autres, ce qu'on peut lire dans son mémoire: «Le commerce et l'industrie sont heureux qu'on profite de la réforme de la législation monétaire suisse, nécessitée par la disparition de l'Union latine, pour donner satisfaction à un besoin général
en réduisant le format de la pièce de cinq francs. » Cet écu de plus petit format, la chambre de commerce suisse conseille, comme la chambre de commerce zurichoise, de continuer à le frapper en argent. Enfin, la direction de l'union des banques suisses, dans un mémoire du 19 janvier 1929, se prononça également sur les questions traitées. Contrairement à ce que firent la conférence monétaire du 16 avril 1928, les chambres de commerce suisse et zurichoise, la direction prénommée se prononça pour la conservation aussi bien du format que du titre de la pièce de cinq francs actuellement en cours.

Une petite commission monétaire, qui siégea à Berne les 21 et 22 janvier 1929 sur l'invitation du département des finances, eut pour tâche

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d'examiner la réforme monétaire projetée, non seulement, comme la grande commission monétaire, dans ses effets sur la circulation de l'argent, mais aussi au point de vue général de la politique monétaire et de l'économie politique. Elle se prononça en majorité en faveur d'une pièce de cinq francs en argent, mais de format réduit.

Les adversaires de principe de toute réforme monétaire insistent sur la nécessité d'être, dans le domaine monétaire, inébranlablement conservateur. L'expérience séculaire, confirmée par les erreurs de la politique monétaire suivie pendant et après la guerre, doit mettre en garde contre toute innovation. Nous sommes absolument du même avis. Mais n'oublions pas qu'aux siècles passés, les monnaies dont l'Etat baissait de temps en temps le titre, représentaient le seul argent en circulation, à côté duquel il n'en existait point d'autre et que, durant les quinze dernières années, l'abus dont les particuliers souffrirent si cruellement porta sur l'émission des billets de banque et non sur les monnaies d'appoint. La réduction des dimensions de la pièce de cinq francs ne peut faire de tort à personne car, après une période de transition dont nous avons parlé à la page 10, toutes les caisses de la Confédération c'est-à-dire plus de 5000 (postes, chemins de fer fédéraux, etc.) et les nombreuses caisses des cantons, ainsi que la banque nationale seront tenues d'échanger ces pièces en tout temps contre de l'or ou des billets de banque; le contribuable pourra en outre s'acquitter avec elles de n'importe quelle somme d'impôt. On cherchera en vain un exemple où l'Etat aurait été dispensé d'accepter ou d'échanger en tout temps sa monnaie d'appoint, ou s'en serait arbitrairement déclaré affranchi. Il ne faut pas fausser l'interprétation des faits, ni appliquer à la monnaie d'appoint des expériences qui ne se réalisèrent qu'avec les billets de banque et, autrefois, avec des monnaies qui avaient force libératoire illimitée.

On répète aussi que le public tient à ce que notre monnaie ait une certaine valeur intrinsèque qu'il ne faut pas diminuer encore davantage.

Nous doutons fort que la majorité de la population connaisse la valeur exacte de l'argent contenu dans une pièce de cinq francs (quoique le fait ait été répandu partout dans les communiqués de la presse relatifs aux discussions
échangées dans les deux commissions, la grande et la petite, qui s'occupèrent de la réforme monétaire); nous croyons au contraire que le public ne se demande jamais quelle est cette valeur intrinsèque et s'imagine que la valeur métallique est égale à la valeur nominale. Le public sait qu'il peut, en tout temps, acheter des marchandises avec sa monnaie, à sa valeur nominale, et cela lui suffit. Peu de gens se soucient que la monnaie, outre son pouvoir d'achat, ait une valeur intrinsèque. Et ceux qui, en prévision des temps de calamité, voudront cacher de l'argent dans leurs bas de laine, dans leur matelas ou ailleurs, et ne se fieront pas aux écus, auront encore la ressource de mettre en réserve de l'or, des billets de banque ou des bijoux.

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Notre projet de réduire les dimensions de la pièce de cinq francs ayant comme conséquence volontaire d'en diminuer la valeur intrinsèque, rien n'y serait plus opposé que l'idée, qui s'est déjà fait jour, d'ajouter de l'or à notre écu jusqu'à concurrence de sa valeur nominale. Ce serait le pire conseil à donner. N'oublions pas les expériences déjà faites avec les monnaies divisionnaires. Cette solution serait un retour au système bimétallique, depuis longtemps jeté au vieux fer. Etant donné le cours variable de l'argent, il ne se passerait pas de semaine qu'une partie des monnaies d'argent en circulation ne disparût pour passer chez le fondeur. Pourquoi nos prédécesseurs ont-ils baissé le titre de nos monnaies divisionnaires ?

Afin de préserver le trafic du désordre, des troubles et du manque de moyens de paiement. Il devrait être superflu, aujourd'hui, de répéter que la première condition d'une circulation satisfaisante de la petite monnaie consiste à lui donner une valeur intrinsèque plus faible, même sensiblement plus faible que sa valeur nominale. Toute une série de pays donnent à leur monnaie d'argent un titre bien inférieur à celui qui est adopté en Suisse.

C'est ainsi que le titre est, en millièmes, de 500 en Angleterre et en Allemagne, de 640 en Autriche et en Hongrie, de 680 en France, de 720 en Hollande, de 800 au Danemark, en Norvège et en Suède, de 835 en Suisse pour les pièces de un, de deux francs et de cinquante centimes et c'est à ce même titre de 835 que d'après notre projet on frappera à l'avenir la pièce de cinq francs. La nouvelle petite pièce de cinq francs, au poids de 15 grammes et au titre de 835 millièmes aura toujours encore autant de valeur que la nouvelle pièce allemande de cinq marks, pesant 25 grammes et frappée au titre de 500 millièmes.

On a enfin émis le voeu de voir, dans la solution du problème de la monnaie, la sécurité de notre système monétaire passer avant la commodité du public. Nous répondrons que sa sécurité, comme nous l'expliquerons au chapitre 8, est absolument hors de cause. En ce qui concerne la commodité, n'est-ce pas à elle seule que nous devons tant de moyens de paiement nouveaux: les virements postaux et bancaires, les chèques, le clearing et même les billets de banque ? C'est parce qu'à l'époque de ces innovations il paraissait incommode et même
dispendieux de distribuer, transporter et expédier de la monnaie métallique, qu'on y suppléa par ces nouveaux procédés de paiement. Aucun de nos -moyens de paiement n'existe pour lui-même; ils ne sont créés que pour faciliter les échanges. Là où l'Etat s'avéra incapable de fournir les facilités qu'exigeaient le commerce et la circulation, le monde des affaires créa de lui-même des moyens de paiement plus modernes, commodes et économiques. Et si, aujourd'hui, nous proposons de réduire les dimensions d'une monnaie trop encombrante, ce n'est pas seulement pour complaire au public, ni pour épargner de la peine aux caissiers, mais aussi afin de diminuer les frais qu'imposé à la caisse d'Etat fédérale, à l'administration des postes, aux banques et maisons de commerce, aux administrations de chemins de fer et des trams le transport journalier

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de la monnaie; enfin c'est avant tout, nous le répétons, pour n'avoir pas à émettre des billets de cinq et dix francs. Si, d'ici à quelques années, l'émission d'une coupure de dix francs paraissait encore nécessaire, malgré la réduction des dimensions de l'écu, il serait toujours temps de reprendre la question.

S. LIMITATION DE L'ÉMISSION DE MONNAIE D'APPOINT D'après la loi fédérale de 1850 sur la monnaie, la quantité de monnaies de chaque espèce à mettre en frappe est fixée chaque fois par l'Assemblée fédérale. La revision de 1860 prescrit d'inscrire au budget annuel de la Confédération la quantité de monnaie à frapper. Par suite de la fondation de l'Union latine, on dut fixer à chaque Etat membre un contingent de pièces divisionnaires. « Comme la circulation réciproque est incompatible avec une émission illimitée, il était nécessaire que les Etats contractants s'imposassent mutuellement un maximum dans la quotité des pièces divisionnaires à émettre », disait le Conseil fédéral dans son message du 2 février 1866 concernant la convention monétaire. La quotité fut calculée d'un commun accord à raison de six francs par habitant. Le Conseil fédéral estimait qu'ainsi la quotité totale serait plus que suffisante. En 1878, la quotité globale de chaque pays fut relevée et fixée pour la Suisse à 18 millions. La nouvelle convention monétaire de 1885 s'en tint, il est vrai, à la quote de six francs par tête, mais le contingent de la Suisse monta quand même à 19 millions, grâce au nouveau recensement de sa population; en outre, elle fut « autorisée à titre exceptionnel, eu égard aux besoins de la population, de frapper une somme de 6 millions en monnaies d'argent ».

Par suite de la nationalisation de la monnaie d'appoint italienne, la Suisse n'eut plus assez de monnaie divisionnaire d'argent et la pénurie s'accrut par l'émigration continuelle de monnaie d'argent suisse en France, résultant du trafic frontière. Du reste, la France souffrait aussi depuis longtemps d'une pénurie de monnaie. D'autre part, la monnaie, plus nécessaire de jour en jour par suite de l'essor commercial et industriel et de l'accroissement de la population, disparaissait de la circulation en quantités inquiétantes. C'est alors que la quotité fut portée, par la convention du 19 octobre 1897, à sept francs par habitant et que le contingent
revenant à chaque Etat fut mis en harmonie avec le cliiffre le plus récent de sa population. Le contingent de la Suisse s'accrut de 3 millions. Mais bientôt après les Etats contractants durent, dans la convention additionnelle du 15 novembre 1902, en considération du fait que la Suisse était presque continuellement à court de monnaie divisionnaire d'argent pour sa circulation interne, l'autoriser à frapper un contingent extraordinaire de 12 millions en monnaie divisionnaire d'argent. Peu après, la France demandait a son tour de pouvoir élever son contingent, n'arrivant plus à se suffire avec sept francs par habitant. Une nouvelle convention additionnelle, datée du 7 décembre 1908, porta la quotité à seize francs par tête.

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Six ans plus tard, la guerre mondiale éclatait. Un de ses eSets fut d'inonder la Suisse de monnaie d'argent. Par la convention additionnelle du 25 mars 1920, la France et la Suisse s'obligèrent mutuellement à retirer de leur territoire les monnaies d'argent de leur cocontractant et à les mettre à sa disposition. Par compensation, la quotité de la Suisse fut portée de 16 à 28 francs par tête pour les monnaies divisionnaires d'argent. C'est là qu'on en est resté.

La convention additionnelle du 9 décembre 1921, relative au rapatriement des pièces de cinq francs des Etats contractants accumulées en Suisse, reconnut à la Suisse le droit de frapper des pièces de cinq francs à son empreinte pour une valeur de 80 mulions de francs.

Ces deux contingents, l'un pour la monnaie divisionnaire d'argent, calculé sur une quotité de 28 francs par tête, l'autre de 80 millions de francs, pour les pièces de cinq francs, sont notre héritage de l'Union latine.

Devons-nous, dans notre législation nationale, reprendre ces contingents tels qu'ils sont, les augmenter, les abaisser ou les supprimer ? C'est ce que nous allons examiner.

La fixation d'un contingent, même en dehors d'une union monétaire internationale, repose sur une idée très sage: il faut éviter que l'émetteur, que ce soit l'Etat ou une banque d'émission, ne mette en circulation des moyens de paiement en quantité surabondante, car tout excès est de l'inflation et conduit au renchérissement général de la vie. C'est ainsi que, jusqu'à ces derniers temps, la banque de France ne pouvait pas émettre de papier-monnaie au delà d'une somme donnée. Cette limite d'émission fut, il est vrai, élevée à plusieurs reprises, pendant la guerre, par décret rendu en Conseil d'Etat. C'est ainsi, encore, que la banque d'Angleterre est liée, dans son émission de billets, par sa réserve d'or, en ce sens que tout nouveau billet doit avoir sa couverture d'or. Ce système présente un sérieux inconvénient: il peut arriver que la demande de moyens de paiement, en perpétuelles fluctuations, ne puisse plus être satisfaite ou du moins ne puisse plus l'être entièrement, à moins que le plafond d'émission ne soit toujours, comme c'était le cas pour la banque de France, fixé assez haut. En fait, la circulation de papier varie fortement d'une semaine, d'un mois, d'une saison à l'autre ;
elle recule en temps de dépression économique et remonte en même temps que les affaires reprennent. L'établissement d'émission doit s'adapter avec toute la souplesse possible aux variations de ce besoin, s'il veut préserver l'économie publique des troubles les plus graves. Pour que l'élasticité du système ne soit pas mise à trop rude épreuve, la loi prescrit en général un minimum de couverture métallique et la banque se sert du frein que constitue le taux de l'escompte. C'est ainsi que l'émission de papier est réglée dans presque tous les Etats et qu'elle l'a été dernièrement en France. L'article 17 de la loi fédérale du 7 avril 1921 sur la banque nationale suisse suit le même principe en disant : « La banque nationale émet des billets de banque suivant les besoins du commerce. »

23 Cela signifie qu'elle n'a pas seulement le droit, mais le devoir de mettre en circulation de nouveaux billets en cas de besoin et d'en retirer ceux qui sont superflus. Cependant, le législateur n'a pas soumis la banque nationale à une limite, en ce qui concerne l'émission de papier; il ne lui a même imposé aucune règle sur la proportion à établir entre les coupures de mille, cinq cents, cent, cinquante et vingt francs ; la banque doit régler elle-même l'émission de chaque espèce et la banque, à son tour, se laisse guider par les besoins du commerce. Et personne ne songe à fixer à la banque nationale des contingents d'émission.

C'est à bien meilleur titre encore que nous pouvons nous dispenser de fixer un chiffre-limite à l'émission de la monnaie d'appoint. Car, si les derniers quinze ans ont confirmé que l'abus de la presse à billets de banque ·est une chose possible et s'est pratiqué un peu partout, on a pu, d'autre part, vérifier à nouveau que, pour la monnaie d'appoint, ce n'est pas la surabondance qu'il faut craindre, mais la pénurie. Cette pénurie se déclara dès l'ouverture des hostilités, du fait que beaucoup de personnes craintives ou éperdues retirèrent les monnaies d'or et d'argent de la circulation et les tinrent cachées; les espèces métalliques se raréfièrent dans la suite aussi à l'étranger, malgré d'énormes émissions de monnaie d'argent, parce ·que la monnaie de papier, émise avec excès, chassait la monnaie métallique, enfin, la hausse de l'argent vient accentuer encore la pénurie, car on eut .avantage à fondre les monnaies d'argent ou à les exporter, de telle sorte qu'il fallut les remplacer par des monnaies de papier, de nickel, d'étain, de fer, d'aluminium, de porcelaine, de charbon, etc. Ce n'est donc pas, comme pour les billets de banque, l'émission excessive qu'il faut rendre impossible, c'est la raréfaction soudaine qu'il faut chercher à éviter. L'Etat a donc le devoir, non seulement de couvrir les besoins courants de monnaie d'appoint, mais de constituer des réserves pour répondre aux besoins en temps de crise ou de guerre, exactement comme la banque d'émission a, dans ses caveaux, des provisions de billets de différentes valeurs.

Une longue expérience a prouvé à la caisse d'Etat fédérale que si elle mettait en circulation plus de monnaie d'une ou de toutes les espèces
que ne l'exigeaient les besoins du moment, l'excédent lui revenait par retour du courrier. Un Etat à court d'argent qui voudrait exécuter ses engagements par une émission correspondante de monnaie d'appoint verrait cet argent .affluer dès le lendemain à tous les guichets de poste, chemins de fer et douanes du pays, ainsi qu'aux bureaux du fisc. Il ne réussirait à maintenir l'excédent de monnaie d'appoint en circulation que s'il se livrait en même temps à l'inflation de monnaie de papier, car il stimulerait ainsi la demande ·de petite monnaie et de monnaie de change.

C'est pourquoi notre projet de loi sur les monnaies fédérales ne prévoit, pour l'émission de la monnaie d'appoint, aucune limitation rigide, déclarant qu'elle doit se plier aux besoins du commerce. Nous reprenons, ce

24

faisant, une vieille tradition, interrompue par l'Union latine, et recourons, à un système adopté et éprouvé dans l'émission des billets' de banque. Pour que l'émission de petite monnaie s'effectue sans friction et pour écarter toute possibilité d'abus de la part du pouvoir de l'Etat, nous instituons trois régulateurs: 1. La caisse d'Etat fédérale est tenue, avec l'aide de toutes les caisses.

de la Confédération et de celles de la banque nationale, d'échanger indéfiniment la monnaie d'appoint suisse contre d'autres monnaies d'appoint, des monnaies d'or, des billets de banque, des chèques postaux ou contre bonification par virement en banque.

2. Personne n'est obligé d'accepter en paiement plus de cent francs en argent, de dix francs en nickel et de deux francs en cuivre.

3. L'Assemblée fédérale fixe, comme par le passé, dans le cadre du budget, les quantités de nouvelle monnaie d'appoint à mettre en frappe.

Ajoutons encore au point 3 quelques mots d'explication: s'il devait y avoir un jour pénurie soudaine de petite monnaie que les réserves de la caisse d'Etat ne suffiraient pas à combler, un moyen bien simple de pouvoir frapper immédiatement les espèces nécessaires serait de soumettre une avance de crédit à l'autorisation du Conseil fédéral. Cette avance serait ensuite comprise dans le message ordinaire à l'Assemblée fédérale relatif aux crédits supplémentaires. Cette voie permettrait de faire face aux besoins les plus pressants sans que le Conseil fédéral dût convoquer l'Assemblée fédérale en session extraordinaire.

Si l'on fixait le contingent de monnaie d'appoint de façon trop stricte,, on devrait, l'expérience en fait foi, l'élever à intervalles de quelques années.

Ce serait préparer, en outre, de graves difficultés pour les temps de crise..

Si, au contraire, la limite d'émission était largement mesurée, elle ne pourrait pas servir de règle, car, en temps normal l'émission devrait rester en deçà pour qu'il n'y ait pas trop de moyens de paiement en circulation.

L'obligation imposée à la caisse d'Etat de régler sans cesse l'émission et le retrait sur les besoins du commerce est donc, on le voit, une méthode bien meilleure que la fixation d'un chiffre-limite.

On a parlé dans le public d'un contingent de 50 millions de pièces de cinq francs et, par ailleurs, d'une quotité de cinquante
francs par tête pour la monnaie d'appoint. En ce qui concerne la première proposition, il faudrait, si on voulait la suivre, émettre à côté de l'écu d'argent des coupures de cinq et dix francs, étant donné que les écus déjà frappés constituent une somme de 80 millions et que cette quantité paraît devenir insuffisante.

Songeons en outre que notre projet de réduire les dimensions de la pièce de cinq francs a pour but de suppléer à l'émission de billets de banque de valeur nominale inférieure à vingt francs. Quant à la seconde proposition,, selon laquelle la quotité des monnaies d'appoint en général (y compris les pièces de cinq francs) devrait être calculée à raison de cinquante francs.

25

par tête, elle correspondrait à un contingent de 195 millions en chiffre rond, soit 25 millions de plus que la valeur des monnaies d'argent, de nickel et de cuivre déjà émises. On ne pourrait certainement rester dans ces limites que peu de temps encore. Il importe, en effet, de réfléchir à ceci : tout d'abord, la caisse d'Etat fédérale doit posséder une réserve suffisante pour faire face aux besoins ordinaires et extraordinaires. A l'heure actuelle, elle ne parvient à entretenir la réserve minimum que la loi fédérale sur les, placements met à sa charge que grâce au rapatriement tardif des écus suisses qui circulaient en France ; en outre, on s'attend, après la réduction du format de l'écu, à un regain de faveur du public pour lui, ce qui permettrait de lui faire remplacer en partie les billets de vingt francs de la banque nationale. Supposition fondée, semble-t-il, car notre stock de pièces decinq francs est aujourd'hui à peine plus grand qu'avant la guerre, alors que les prix ont été majorés de 60 pour cent et que le besoin de monnaie divisionnaire a dû augmenter en proportion. Il est donc probable qu'après l'émission des nouveaux écus, 80, voire même 100 millions ne suffiront plus.

Rappelons à cette occasion que les caveaux du département fédéral des finances contiennent 10 millions de bons de la caisse de prêt de un et deux francs, qui durent le jour à l'arrêté du Conseil fédéral du 27 avriL 1915. Comme la caisse de prêt de la Confédération n'existe plus, il faudrait un arrêté fédéral spécial pour leur restituer un pouvoir d'achat, en temps de pénurie monétaire.

La caisse d'Etat fédérale est en outre obligée, en vertu de la loi fédéraledû 28 juin 1928 sur le placement des capitaux de la Confédération et des fonds spéciaux, d'avoir une réserve spéciale de 10 millions au moins en pièces d'argent et de nickel pour répondre aux premiers besoins dans les.

circonstances extraordinaires. Notre réserve en cas de crise s'élève donc en tout à 20 millions, dont 10 en monnaie de papier. On pourrait se demander avec raison s'il ne vaudrait pas mieux avoir en réserve, au lieu de 10 millions en papier, le même montant en pièces d'argent, ou bien, pour diminuer les frais, en pièces de un et deux francs de nickel, supérieures à tous égards aux billets de même valeur et qu'on retirerait une fois la crise surmontée.
9. LA MONNAIE DE NICKEL Lorsque en 1850 la Suisse adopta dans son système monétaire l'étalon unique d'argent, il parut naturel que toutes les monnaies d'argent, de la pièce de cinq francs à celle de cinquante centimes, dussent être frappées, en argent fin; bien plus, personne ne doutait que même la toute petite monnaie ne dût avoir une valeur métallique correspondant à sa valeur nominale. En fait, les pièces de 20, 10 et 5 centimes reçurent, d'après la loi, sur 1000 parties de soi-disant billon, respectivement 150, 100 et 50parties d'argent, le reste étant composé de cuivre, d'étain et de nickel-

26

Les documents officiels désignèrent ces pièces dans la suite sous le nom de monnaies de nickel-billon ou tout simplement de monnaies de nickel.

On s'en tint là jusqu'à l'année 1879, au cours de laquelle la loi sur la monnaie fédérale fut modifiée par la loi fédérale du 29 mars. Les pièces de 10 et de 5 centimes furent dorénavant composées d'un alliage de cuivre et de nickel. Deux ans plus tard, le 30 avril 1881, la loi sur la monnaie fut de nouveau modifiée : la pièce de 20 centimes devait être fondue en nickel, avec ou sans alliage de cuivre. D'autre part, depuis la revision de 1879 déjà citée, la force libératoire de la monnaie de billon avait été réduite de 20 à 10 francs.

Par là, on avait rompu avec l'opinion traditionnelle en vertu de laquelle la valeur métallique même de la plus petite monnaie devait correspondre à sa valeur nominale. C'est à la Suisse que revient l'honneur d'avoir ouvert la voie à l'emploi du nickel. La première, elle a fabriqué des monnaies en nickel pur et démontré ainsi pratiquement combien ce métal se prête bien au monnayage.

Quelles sont en somme les propriétés qui font du nickel pur un métal de premier ordre pour la fabrication de la monnaie ? La société numismatique bernoise énumérait en 1904 les avantages suivants: «De couleur agréable et blanche, il est solide et dur, inattaquable à l'air, très résistant à l'usure, facilement reconnaissable à sa propriété d'être attiré par l'aimant, gardant bien l'empreinte, mais difficile à fondre et à laminer. L'art de fondre et de laminer le nickel pur ne date que de 1880 environ et exige des installations très compliquées. Le nickel expose le faussaire à des difficultés insurmontables. » Chacun peut se rendre compte par lui-même, avec la pièce de 20 centimes, combien les pièces de nickel pur s'usent peu malgré la circulation et restent propres. Et cependant, la pièce de 20 centimes est, de toutes les monnaies, celle qui circule le plus vite, que l'on trouve dans tous les milieux et tous les métiers et qui conserve malgré cela un meilleur aspect que toute autre monnaie.

Il s'écoula plus de 10 ans avant que la Suisse n'eût un imitateur. En 1892, l'Autriche-Hongrie frappa ses pièces de 20 hellers en nickel pur, en 1893, la France ses pièces de 25 centimes, l'Italie fit de même en 1902 et l'Allemagne également en 1908, avec ses
pièces de 25 pfennigs. La frappe de nickel prit un essor inattendu pendant la guerre et surtout au cours des années qui suivirent, lorsque la monnaie d'argent, par suite de la fabrication excessive de papier-monnaie et de la hausse de l'argent, disparut de la circulation et fut, soit fondue, soit exportée. Quelques pays, il est vrai, ne voulurent pas abandonner l'argent et baissèrent le titre des monnaies de ce métal à 500 parties sur 1000, comme par exemple l'Angleterre ; l'Allemagne, lorsqu'on 1924 elle rétablit son système monétaire, adopta le même titre. On étudie actuellement en France, en Belgique et en Hollande la question de savoir s'il y a lieu de frapper en nickel la pièce de cinq francs ou celle de deux florins et demi.

27

L'abaissement du titre des monnaies d'argent a le grand avantage de soustraire plus efficacement leur circulation aux variations du prix de l'argent. Mais, un titre très bas pousse à la contrefaçon de la monnaie d'argent. Parmi les fausses monnaies que la caisse d'Etat doit perpétuellement éliminer, se trouvent régulièrement des pièces qui ne sont pas composées de métaux vulgaires, mais bien en argent, souvent même en argent à plus haut titre que le titre légal, parce que la valeur nominale est bien au-dessus de la valeur de l'argent. On peut, il est vrai, diminuer sensiblement les risques de la contrefaçon en ceignant la monnaie d'une inscription comme on le fait pour la pièce de cinq francs (inscription qui remplace le bord dentelé des pièces de un et de deux francs). Au cas où la nouvelle loi sur la monnaie devrait introduire l'écu de format réduit, nous mettrions aussi une inscription sur sa bordure.

En admettant que le diamètre de la pièce de cinq francs soit réduit ·de 37 à 31 mm et que son poids tombe de 25 à 15 g, sa valeur métalliqueargent passera de 1 fr. 27 à 76 centimes environ.

Dès lors, on s'est demandé, au département des finances, s'il ne serait pas indiqué, étant donné que par la réduction de ses dimensions, la pièce de cinq francs perdra près de la moitié de sa valeur intrinsèque, de faire un pas de plus et d'employer pour la frappe des pièces de cinq francs et des monnaies divisionnaires, non plus l'argent, mais le nickel, techniquement beaucoup mieux approprié ? Sans doute, le département des finances n'a pas oublié que notre circulation monétaire consiste aujourd'hui principalement en papier et en argent, de sorte que si le nickel venait à remplacer l'argent, il n'y aurait plus en circulation ou presque, que de la monnaie de papier et de nickel. Cela nuirait peut-être à notre prestige à l'extérieur et auprès des voyageurs étrangers et se heurterait à l'opposition de beaucoup d'amateurs de monnaies d'or et d'argent, habitués à les thésauriser. C'est pourquoi le département des finances se proposait, après entente avec la banque nationale, de mettre en circulation de l'or au moment de l'émission des monnaies de nickel ou même avant elle. Avec une circulation d'or et de nickel, la Suisse soutiendrait la comparaison avec tous les autres pays, d'autant plus que le titre des monnaies
d'argent a été abaissé presque partout et que l'une ou l'autre des monnaies d'argent étrangères mériteraient tout aussi bien le nom de monnaie de cuivre.

Le remplacement de l'argent par du nickel aurait valu en 1928 à la Confédération, en partant d'une circulation de monnaie d'argent de 150 millions environ, un gain de 55 millions en chiffre rond. Ce gain aurait été incorporé au fonds de réserve de la Monnaie, porté de cette façon à 80 millions environ. Ce fonds de réserve de la Monnaie eût pu, dans l'idée du département des finances, servir de couverture à la monnaie de nickel; en tenant compte de la capitalisation des intérêts, la monnaie de nickel en circulation aurait été couverte tout entière en relativement peu d'années.

28

La grande commission monétaire réunie le 16 août 1928, à laquelle ledépartement des finances soumit aussi cette question du nickel, se prononça, comme nous l'avons dit, par 22 voix en faveur de la frappe en argent de la pièce de cinq francs de modèle réduit et par 16 voix seulement pour sa frappe en nickel. Par contre, pour la monnaie de un et de deux francs.

le nickel fut adopté par 23 voix contre 16.

Mais lorsqu'il devint évident, à l'assemblée de la petite commission monétaire des 21 et 22 janvier 1929, qu'il pouvait être question de remettre la monnaie d'or en circulation les années prochaines, et que, par conséquent la condition à laquelle le département des finances reliait l'émission du nickel n'était pas réalisable, il fallut considérer la question du nickel comme classée, du moins provisoirement. Nous espérons que l'entente sur les autres points de la réforme monétaire se fera d'autant plus rapidement.

10. RÉPRESSION DU DÉLIT DE FALSIFICATION DES MONNAIES EN VERTU DES DISPOSITIONS DU DROIT PÉNAL FÉDÉRAL Ni la loi du 7 mai 1850 sur les monnaies fédérales, ni celles qui l'ont complétée dans la suite ne contiennent de dispositions de droit pénal concernant le délit de falsification des monnaies.

C'est également en vain qu'on en cherche dans le code pénal fédéral,, du 4 février 1853. Le message concernant le projet de loi de 1852 énumère les motifs pour lesquels on a renoncé à prévoir dans le code la répression des délits de falsification des monnaies. On partait de cette considération que le droit pénal cantonal prévoyait déjà des peines très sévères pour ce genre de délits et que l'immixtion de la justice fédérale, somme toute beaucoup moins rigoureuse que la juridiction cantonale, ne contribuerait guère à en rendre la répression plus efficace. On craignait en outre que la caisse fédérale n'eût à supporter des charges excessives si la Confédération était chargée de l'application fastidieuse des peines privatives de liberté, habituellement infligées dans les cas de ce genre, assez fréquents du reste. On fit enfin valoir cet argument qu'en règle générale il n'y avait aucune relation entre le dèh't de faux-monnayage et la régale des monnaies.

En 1882, à l'occasion d'un cas de faux-monnayage qui s'était produit à Genève, on envisagea à nouveau l'unification du code pénal en ce qui concerne
ce genre de délits. On avait fabriqué et mis en circulation de fausses monnaies turques et égyptiennes en or et en argent. Les ambassades de Turquie à Berlin et à Paris avaient attiré l'attention de nos représentants diplomatiques sur les agissements des faux-monnayeurs. LeConseil fédéral chargea les autorités compétentes de procéder à une enquête.

Se basant sur les instruction reçues, le ministère public du canton de Genève intenta un procès criminel aux faux-monnayeurs. La chambre des mises, en accusation déclara la plainte irrecevable, motivant cette décision par

29

le fait que le code pénal du canton de Genève n'était pas applicable à la contrefaçon des monnaies turques et égyptiennes. Ce refus fit une profonde impression non seulement en Turquie et en Egypte, mais encore en France. Le Conseil fédéral trouva cette procédure inadmissible et susceptible de compromettre les bons rapports existant entre la Suisse et les puissances étrangères. Voilà pourquoi il se demanda s'il n'était pas opportun, en se basant sur l'article 38 de la constitution (régale des monnaies) d'attribuer à la Confédération la juridiction criminelle dans les cas de fauxmonnayage, ou du moins de lui laisser la faculté, soit de l'exercer ellemême, soit de la déléguer aux cantons. Cette suggestion du Conseil fédéral ne fut toutefois pas agréée par les conseils législatifs. La commission de gestion du Conseil des Etats fut d'avis que la juridiction criminelle dans les questions de faux-monnayage ne pouvait pas être purement et simplement attribuée à la Confédération en vertu de l'article 38 de la constitution, mais que l'élaboration d'un projet de loi de ce genre par le Conseil fédéral était néanmoins justifiée. Aucun projet de ce genre n'a été publié ultérieurement. Dans l'intervalle, on avait mis en oeuvre toute la codification du droit pénal suisse.

Actuellement, le projet de code pénal suisse élaboré par le Conseil fédéral est soumis aux conseils législatifs. Au chapitre dixième de son livre premier, ce projet traite entre autres de la question du « faux-monnayage » et dans la partie spéciale du livre deuxième, il s'occupe également des « contraventions contre la circulation des monnaies ».

On peut maintenant se demander s'il est opportun d'anticiper en élaborant une loi spéciale dont les dispositions pénales aient pour objet les délits contre la circulation monétaire, alors que l'on sait pertinemment que ces dispositions de ladite loi seront abrogées dès l'entrée en vigueur du code pénal suisse. D'un autre côté, il ne faut pas perdre de vue que toute une série d'années peut encore s'écouler avant que le nouveau code pénal n'entre en vigueur. Jusqu'à ce que ce laps de temps soit écoulé, la Suisse ne pourra adhérer à la convention internationale du 20 avril 1929 concernant le faux-monnayage. La situation sera différente, si la nouvelle loi monétaire contient des dispositions pénales visant
la falsification des monnaies. Dans ce cas, la Suisse pourra adhérer à la convention susmentionnée, du moment que la fabrication des faux billets de banque est également déjà réprimée par le droit pénal fédéral en vertu des dispositions pénales unifiées de la loi fédérale sur la banque nationale. On est bien obligé d'admettre que l'adhésion de la Suisse à la convention internationale contre le faux-monnayage s'impose, car ce dernier a pris depuis longtemps le caractère d'une industrie internationale. Comment la Suisse serait-elle à même de sauvegarder ses intérêts en toute occurrence, si nos monnaies et nos billets de banque étaient contrefaits en masse à l'étranger ? Il pourrait lui arriver de se trouver dans une situation très délicate, si les faux-

30

monnayeurs s'installaient dans un canton dont le code pénal est insuffisant et vieilli, pour y fabriquer en masse de l'argent étranger.

Si, contre toute attente, le projet de code pénal n'entrait pas en vigueur, l'occasion favorable d'insérer dans une nouvelle loi sur les monnaies des dispositions de droit pénal fédéral sur le faux-monnayage serait manquée et l'on se trouverait dans la nécessité de remanier ultérieurement la loi sur les monnaies fédérales. De quelque côté que l'on cherche une réponse à la question de savoir comment il faut envisager les dispositions du code pénal fédéral en matière de faux-monnayage, la solution qui s'impose toujours à l'esprit comme la plus opportune consiste à insérer des dispositions pénales déjà dans la nouvelle loi sur les monnaies. En l'occurrence, il est indiqué de rédiger le texte de ces dispositions de telle sorte qu'elles s'adaptent à la convention internationale sur le faux-monnayage et puissent en même temps être insérées sans difficulté dans notre futur code pénal.

En vous recommandant d'adopter le projet de loi ci-joint, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 3 juillet 1930.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MUSY.

Le chancelier de la Confédération, KAESLIN.

31

(Projet.)

Loi fédérale sur la monnaie, L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE vu les articles 38 et 646i's de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 3 juillet 1930, arrête:

A. DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

Article premier.

1

L'unité monétaire suisse est le franc.

Un kilogramme d'or fin correspond à 3,444 4/9 francs.

3 Le franc se divise en cent centimes.

Unité monétaire.

2

Art. 2.

Les espèces suisses de monnaie et leurs propriétés sont:

Espèces de monnaie.

32

Monnaies d'or Francs Valeur nominale Centimes

20

10

Monnaies d'argent 5

2

1

Monnaies de nickel %

Titre droit

millièmes

900 d'or 100 de cuivre

835 d'argent 165 de cuivre

Tolérance du titre en dedans et en dehors

millièmes

1

3

Poids droit

grammes

6j45161

Tolérance du poids en dedans millièmes et en dehors Diamètre Marques de la tranche

millimètres

3,22680

15

19

31

dentelures, den- lé" légende ou telu- gf1' étoiles res de

27

nickel pur

10

5

250 de nickel, 750 de cuivre

2

1

950 de cuivre 40 d'étain 10 de zinc

2 5

5

2

21

10

20

Monnaies de cuivre

23

2

4

3

2

7 ·

12

15

18

18

21

19

17

2,5

dentelures

tranche lisse

2,5

1,5

15 20

16

tranche lisse

33

Art. 3.

1 2

La Confédération seule a le droit de frapper la monnaie suisse. Frappe des monnaies réservée a la Confédération.

Elle subvient à l'entretien de la Monnaie fédérale.

Art. 4.

1

Chacun a le droit, pourvu qu'il observe les conditions posées par le Conseil fédéral, d'apporter de l'or à la Monnaie fédérale et de le faire monnayer.

2 Les monnaies qui ne sont pas en or ne sont frappées que sur commande de la Confédération.

Frappe de la monnaie d'or.

Frappe de la monnaie d'appoint.

Art. 5.

1

Chacun doit accepter, sur toute l'étendue du territoire de la Force libératoire illimitée de la Confédération, d'être payé, sans limitation de la somme, en monnaie monnaie d'or.

d'or suisse.

2 Nul n'est tenu, sous réserve de l'article 6, d'accepter en paie- Force libératoire limitée de la monment plus de cent francs en monnaie d'argent, plus de dix francs naie d'appoint« en monnaie de nickel, ni plus de deux francs en monnaie de cuivre.

Art. 6.

Cours des monLes caisses publiques de la Confédération, des cantons et des naies auprès des communes, ainsi que les caisses de la banque nationale suisse, doivent caisses publiques.

accepter en paiement toutes les monnaies suisses en n'importe quelle quantité.

Art. 7.

Les monnaies suisses d'argent, de nickel et de cuivre s'échangent Echange illimité.

à la caisse d'Etat fédérale, à Berne, quelle qu'en soit la quantité, contre d'autres monnaies d'appoint, des monnaies d'or (sous réserve du remboursement en espèces par la banque nationale suisse), des billets de banque ou des bonifications par virement en banque ou sur compte de chèque postal. Les caisses de l'administration des postes, de l'administration des douanes, des chemins de fer fédéraux et de la banque nationale suisse procèdent aux mêmes échanges dans les limites de leur encaisse.

Art. 8.

La caisse d'Etat fédérale a le devoir de mettre en circulation Emission et retrait de la monles quantités nécessaires de monnaie d'argent, de nickel et de cuivre naie d'appoint réglés d'après les et d'en retirer celles qui sont superflues.

besoins du trafic.

1

Feuille fédérale. 82e année. Vol. II.

3

34 Eéaerve de monnaies.

2

Elle constitue une réserve de monnaie d'argent, de nickel et de cuivre pour répondre aux besoins courants ainsi qu'aux besoins extraordinaires.

3 Les pièces de un et de deux francs préparées en vue des besoins extraordinaires peuvent être frappées en nickel.

Art. 9.

Epuration des monnaies.

La caisse d'Etat fédérale retire de la circulation les monnaies suisses usées, maculées ou dégradées, ainsi que la fausse monnaie, avec le concours de toutes les caisses de la Confédération et de la banque nationale.

Art. 10.

Nouvelle frappe.

Les quantités de nouvelle monnaie à mettre en frappe sont inscrites au budget de la Confédération.

Art. 11.

Fonds de réserve fédéral de la Monnaie.

1

Les bénéfices résultant de la frappe dès monnaies sont affectés au fonds de réserve fédéral de la Monnaie; les frais d'exploitation et d'entretien de la Monnaie, ainsi que les pertes provenant de l'épuration monétaire, sont supportés par ce fonds.

2 Le fonds de réserve de la Monnaie est soumis aux dispositions de la loi fédérale du" 28 juin 1928 sur le placement des capitaux de la Confédération et des fonds spéciaux. Le produit net s'ajoute au capital jusqu'à ce que celui-ci atteigne la valeur de la somme totale des monnaies d'appoint frappées.

Art. 12.

Objets ressemblant aux monnaies.

1

Celui qui veut fabriquer ou importer des objets ressemblant aux monnaies suisses, destinés à être livrés au commerce et répandus dans le public, doit en demander l'autorisation au département fédéral des finances.

2 L'autorisation sera refusée lorsque des abus sont à craindre.

3 L'autorisation sera retirée dès qu'un abus aura été constaté.

B. DISPOSITIONS PÉNALES

Art. 13.

Fabrication de fausse monnaie.

1

Celui qui, dans le dessein de les mettre en circulation comme authentiques, aura contrefait des monnaies, sera puni de réclusion.

35 2

Dans les cas de très peu de gravité, la peine sera l'emprisonnement.

3 Le délinquant est également punissable lorsqu'il a commis son acte à l'étranger, s'il est arrêté en Suisse et n'est pas extradé.

Art. 14.

Celui qui, dans le dessein de les mettre en circulation pour une Falsification de valeur supérieure, aura falsifié des monnaies, sera puni de la réclusion la monnaie.

jusqu'à cinq ans ou de l'emprisonnement jusqu'à six mois au moins.

2 Dans les cas de très peu de gravité, la peine sera l'emprisonnement.

Art. 15.

1 en circulaCelui qui, sciemment, aura mis en circulation comme authen- Mise tion de fausse tique ou intacte de la monnaie falsifiée, sera puni de la réclusion monnaie.

jusqu'à trois ans ou de l'emprisonnement.

2 La peine sera l'emprisonnement ou l'amende si le délinquant, son mandant ou son représentant a cru recevoir une monnaie authentique.

Art. 16.

1 Celui qui, dans l'intention de les mettre en circulation pour Dépréciation.

leur pleine valeur, aura déprécié des monnaies soit en les rognant ou en les limant, soit par un procédé chimique ou autre, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

2 La peine sera la réclusion jusqu'à trois ans ou l'emprisonnement jusqu'à un mois au moins, si le délinquant fait métier de déprécier des monnaies.

Art. 17.

1 en circulaCelui qui, sciemment, aura mis en circulation des monnaies Mise tion de monnaies dépréciées pour leur pleine valeur, sera puni de l'emprisonnement dépréciées.

ou de l'amende.

2 La peine sera l'amende, si l'auteur, son mandant ou son représentant avait reçu les monnaies pour leur pleine valeur.

1

Art. 18.

acCelui qui, dans le dessein de les mettre en circulation comme au- Importation, quisition et prise thentiques, intactes, ou pour leur pleine valeur, aura importé, acquis en dépôt de fausse monnaie.

ou pris en dépôt des monnaies fausses, falsifiées ou dépréciées, sera puni de l'emprisonnement.

Celui qui les importe, les acquiert ou les reçoit en dépôt par grandes quantités, est puni de réclusion jusqu'à cinq ans.

36

Importation et mise en circulation de monnaies démonétisées ou usées.

Importation et mise en circulation de monnaies n*ayant pas cours légal.

Art. 19.

Celui qui, pour les mettre en circulation, aura importé ou acquis des monnaies suisses ou étrangères démonétisées ou usées; 2 celui qui aura mis en circulation une grande quantité de telles monnaies, 3 sera puni des arrêts ou de l'amende.

4 Les monnaies seront confisquées.

1

Art. 20.

Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, 2 aura, pour les mettre en circulation, importé ou acquis des monnaies n'ayant pas cours légal en Suisse, 3 aura mis en circulation en grande quantité de telles monnaies, 4 sera puni des arrêts ou de l'amende.

1

Art. 21.

Celui qui, intentionnellement, aura dégradé des monnaies et les aura mises en circulation pour leur pleine valeur, sera puni de l'amende.

Art. 22.

Objets ressemCelui qui aura fabriqué ou importé, sans autorisation préalable blant a des monnaies.

du département fédéral des finances, des objets ressemblant à des monnaies et destinés à être livrés au commerce ou répandus dans le public (art. 12), sera puni de l'amende.

Dégradation des monnaies.

Appareils de falsification.

Confiscation.

Art. 23.

Celui qui, dans l'intention d'en faire un usage illicite, aura fabriqué ou se sera procuré des appareils destinés à falsifier ou à imiter des monnaies; 2 celui qui aura fait un usage illicite d'appareils servant à la fabrication des monnaies, 3 sera puni de l'emprisonnement.

1

Art. 24.

Les monnaies fausses, falsifiées ou dépréciées, ainsi que les appareils servant à la falsification, seront confisqués et rendus inutilisables.

Les objets ressemblant à des monnaies, fabriqués ou importés sans autorisation préalable du département fédéral des finances (art. 12), ainsi que les appareils ayant servi à leur production seront confisqués et mis hors d'usage.

37

Art. 25.

Les dispositions pénales qui précèdent s'appliquent également :Monnaies étrangères.

aux monnaies étrangères.

Art. 26.

Les dispositions générales du code pénal fédéral du 4 février 1853 seront appliquées.

Application du code pénal fédéral.

Art. 27.

1

pénale Les délits mentionnés dans la présente loi sont soumis à la Juridiction fédérale.

juridiction pénale fédérale.

2 Le département fédéral de justice et pojice peut en déférer l'instruction et le jugement aux autorités cantonales.

C. DISPOSITIONS FINALES

Art. 28.

Le Conseil fédéral fixera la date de l'entrée en vigueur de la pré- Entrée enTlgueur.

sente loi.

2 Exécution.

II en édictera l'ordonnance d'exécution.

1

Art. 29.

1

d'acSont abrogées dès l'entrée en vigueur de la présente loi toutes Abrogation tes législatifs antérieurs.

les dispositions contraires.

2 Sont notamment abrogées : 1. la loi du 7 mai 1850 sur les monnaies fédérales; 2. la loi fédérale du 31 janvier 1860 portant modification de la loi fédérale sur les monnaies; 3. la loi fédérale du 22 décembre 1870 concernant la frappe de monnaies d'or; 4. la loi fédérale du 29 mars 1879 modifiant la loi du 7 mai 1850 sur les monnaies fédérales; 5. la loi fédérale du 30 avril 1881 modifiant celle du 7 mai 1850 sur les monnaies fédérales; 6. l'ordonnance du 8 février 1927 concernant la circulation monétaire et l'échange des monnaies divisionnaires d'argent, ainsi que des monnaies de nickel et de cuivre ; 7. les dispositions pénales des cantons visant les actes réprimés par la présente loi.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur la monnaie. (Du 3 juillet 1930.)

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1930

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28

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2596

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09.07.1930

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