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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi fédérale sur le repos hebdomadaire.

(Du 27 mai 1930.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi fédérale sur le repos hebdomadaire accompagné du message suivant.

INTRODUCTION L'institution du repos hebdomadaire remonte aux temps les plus anciens et répondait alors à un précepte religieux. Par la suite, elle passa de plus en plus à l'ordre du jour de la politique sociale. La Suisse fut un des premiers Etats à la consacrer par des dispositions législatives. En effet, la loi fédérale de 1877 sur le travail dans les fabriques interdisait déjà le travail du dimanche; abstraction faite des cas de nécessité, les établissements à exploitation continue étaient mis au bénéfice d'exceptions spéciales ; l'emploi des femmes au travail du dimanche était interdit absolument et celui des jeunes gens n'était autorisé que sous certaines conditions.

D'autres pays suivirent. Ce furent notamment l'Autriche en 1885 (Novelle zur Gewerbeordnung), l'Allemagne en 1891 (Gewerbeordnungsnovelle), puis la Belgique en 1905, la France en 1906 et l'Italie en 1907 avec des lois spéciales sur le repos hebdomadaire. Aujourd'hui le repos hebdomadaire est prescrit par la législation de toute une série d'autres Etats et a également fait l'objet de conventions internationales (pour plus de détails, voir pages 507 et 508). | Suivant qu'il s'inspire de motifs d'ordre religieux ou de motifs d'ordre social, le repos hebdomadaire se présente sous un aspect quelque peu

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différent, quant aux raisons qui le font revendiquer et quant à son application. Pour ce qui est de la religion, le dimanche apparaît comme quelque chose de fondamental. Au point de vue social, par contre, le repos hebdomadaire répond à des préoccupations d'hygiène et de culture intellectuelle ; il doit garantir la cessation régulière du travail une fois par semaine -- si possible le jour consacré d'une manière générale au repos -- de manière à permettre aux travailleurs de se remettre des fatigues de leur métier. Cette cessation du travail sert aussi les intérêts économiques; car le corps et l'esprit ne peuvent fournir leur maximum de rendement, sans en souffrir prématurément, qu'à la condition d'interrompre de temps en temps leurs occupations et de prendre du délassement.

Les principes religieux, les nécessités sociales et l'intérêt économique parlent donc, tous trois, en faveur du repos hebdomadaire.

I. -- LE REPOS HEBDOMADAIRE ET LE DROIT EN VIGUEUR 1. -- EN SUISSE

a) Droit fédéral. -- La législation fédérale règle le repos hebdomadaire dans trois domaines différents, savoir : les établissements industriels soumis à la loi sur les fabriques, l'industrie des transports et communications en tant qu'il s'agit d'entreprises exploitées ou concédées par la Confédération et l'administration fédérale.

On a déjà fait allusion plus haut à l'interdiction du travail du dimanche inscrite, en 1877, dans la première loi sur les fabriques. Celle-ci posait ainsi le principe du repos hebdomadaire pour les ouvriers des établissements industriels. Dès lors, le principe n'a pas varié et, dans son évolution ultérieure, la législation fédérale sur les fabriques n'a fait que compléter et développer la réglementation dont il est la base. Actuellement, les principales règles établies par la loi fédérale sur le travail dans les fabriques des 18 juin 1914/27 juin 1919 peuvent se résumer de la façon suivante: Dans les fabriques, le travail du dimanche n'est autorisé qu'exceptionnellement pour le travail de fabrication proprement dit, et le fabricant doit obtenir un permis de l'autorité compétente. Les ouvriers ne peuvent être employés au travail du dimanche qu'avec leur assentiment. Le permis est délivré à titre temporaire pour des motifs impérieux, ou à titre permanent lorsque la nécessité du travail du dimanche est démontrée. Mais chaque ouvrier doit être libre un dimanche sur deux et jouir, sous certaines conditions, dans la semaine qui précède ou qui suit le dimanche de travail, d'un jour de repos compensateur de vingt-quatre heures au moins. Dans les exploitations continues, il est permis de répartir d'une manière plus libre les cinquante-deux jours de repos et de réduire jusqu'à vingt heures un certain nombre de ces repos. Toutefois, les cinquante-deux jours de repos doivent comprendre vingt-six dimanches au moins. D'une manière toute générale,

505, les cantons peuvent désigner par année huit jours fériés qui sont assimilés aux dimanches au sens de la loi. Les femmes et les jeunes gens ne peuvent être occupés au travail du dimanche. Les dispositions sur le repos du dimanche sont encore complétées par les prescriptions applicables à la veille des dimanches et jours fériés. Ces jours-là, le travail doit prendre fin à dixsept heures au plus tard dans les fabriques n'employant qu'une seule équipe.

La législation fédérale règle encore le repos hebdomadaire dans les entreprises de transport et de communications. Un premier début avait déjà été constitué par la loi fédérale du 23 décembre 1872 concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse. Cette loi prescrivait que les fonctionnaires et employés des chemins de fer et des autres entreprises de transport concédées par la Confédération ou exploitées par elle devaient avoir au moins un dimanche libre sur trois. · Actuellement, la loi fédérale du 6 mars 1920 concernant la durée du travail dans l'exploitation des chemins de fer et autres entreprises de transport et de communications dispose que les fonctionnaires, employés et ouvriers qui lui sont soumis ont droit, pendant l'année civile, à cinquante-six jours de repos convenablement répartis, dont vingt au moins tombant un dimanche ou un jour de fête générale. Pour certaines catégories d'agents, le nombre de jours de repos tombant un dimanche ou un jour de fête générale peut être réduit à douze par année.

Enfin, pour ce qui est du personnel de l'administration fédérale, la base de la réglementation est constituée maintenant par l'article 10 de la loi fédérale du 30 juin 1927 sur le statut des fonctionnaires. Mais, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'exécution de cette loi, le repos hebdomadaire du personnel de l'administration fédérale est encore régi provisoirement par l'arrêté du Conseil fédéral du 10 février 1923 sur la durée normale du travail du personnel administratif de la Confédération.

b) Droit cantonal. -- Comme on vient de le voir, la législation fédérale ne règle que le repos hebdomadaire dans les fabriques, les entreprises de transport et de communications et l'administration fédérale. Elle est complétée par la législation cantonale qui s'applique aux domaines
où le législateur fédéral n'est pas intervenu, soit, pour ne mentionner que les plus importants: l'industrie qui ne s'exploite pas en fabrique, le commerce et certaines entreprises de transport et de communications. Quelques cantons ont abandonné aux communes toute la réglementation du repos hebdomadaire. Mais ce n'est là que l'exception. En général, la réglementation communale ne constitue qu'un complément du droit cantonal.

Toutes les législations cantonales contiennent des dispositions sur le repos hebdomadaire. Elles sont très différentes au point de vue forme et contenu (v. aussi p. 511 s.). Les unes sont de pures lois sur le repos hebdomadaire qui règlent exclusivement la question du repos

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du dimanche ou, d'une manière plus générale, celle du repos hebdomadaire. D'autres sont des lois spéciales applicables à certaines industrie?

et professions, notamment à celles où la réglementation des jours de repos nécessite un régime particulier. D'autres encore sont des lois sur la protection des ouvrières ou sur l'apprentissage qui confèrent, en ce qui concerne le repos hebdomadaire, une protection spéciale aux femmes et aux jeunes gens. On trouve également dans les lois sur la fermeture des magasins des dispositions sur l'ouverture des magasins les dimanches et jours fériés. Enfin, les lois sur la durée du travail et les lois générales de protection ouvrière contiennent aussi des dispositions sur le repos hebdomadaire. La plupart des cantons possèdent des dispositions générales sur le repos dominical ou le repos hebdomadaire et, en plus, des lois ou ordonnances spéciales stipulant les exceptions nécessitées par les conditions particulières à certaines professions ou à certains groupes de personnes. Quelques rares cantons ont des lois spéciales pour certaines catégories de professions ou de personnes, mais n'ont pas édicté de loi générale sur le repos hebdomadaire.

Et inversement on rencontre aussi dans quelques cantons une loi générale sur le repos du dimanche, mais la réglementation de détail fait défaut.

Toutefois, même les lois exclusivement réservées au repos dominical ou au repos hebdomadaire se présentent sous des aspects fort différents.

Elles vont de la loi ou de l'ordonnance de caractère strictement policier qui a uniquement ou avant tout pour but d'interdire les travaux de nature à troubler la sanctification du dimanche, jusqu'aux lois de nature éminemment sociale qui garantissent, dans la mesure du possible, un jour de repos hebdomadaire à tous les travailleurs. La différence caractéristique qui en découle est que tous les cantons déclarent le dimanche jour de repos officiel mais qu'un petit nombre d'entre eux seulement prévoient l'octroi d'un jour de repos compensateur dans les cas où le travail du dimanche est inévitable.

c) Réglementation en dehors de toute disposition législative. -- En dehors des prescriptions légales, ne l'oublions pas, le repos hebdomadaire est si profondément ancré dans les coutumes et la tradition qu'il est accordé bien souvent en l'absence de toute
contrainte imposée par la loi. De plus, dans bien des cas, le repos hebdomadaire octroyé en fait va au-delà du minimum fixé par la loi. Les réglementations qui s'établissent ainsi découlent avant tout du bon vouloir des intéressés et ont été souvent consacrées par des clauses conventionnelles insérées dans le contrat de travail ou dans le contrat collectif de travail. C'est ainsi qu'on trouve précisément dans les professions pour lesquelles le travail du dimanche découle de la force même des choses, différents contrats collectifs qui prévoient un repos compensateur. Dans d'autres cas, le repos hebdomadaire résulte indirectement des clauses contractuelles sur la durée du travail ou des majorations de salaire, souvent très élevées, qiii sont prescrites pour le travail du dimanche ; on

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j>eut donc admettre que celui-ci n'est qu'exceptionnel. Enfin, les contrats -collectif s de travail prévoient aussi très souvent que le samedi après-midi est libre.

2. -- A L'ÉTRANGER

II importe maintenant de jeter un coup d'oeil au-delà des limites de notre pays et d'examiner l'état de la législation sur le repos hebdomadaire dans quelques-uns des principaux Etats étrangers.

En Allemagne, le travail du dimanche est interdit, en principe, dans les établissements industriels par l'ordonnance industrielle de 1891 et, dans le commerce, par l'ordonnance du 5 février 1919, qui a été étendue à tous les autres employés par l'ordonnance du 18 mars 1919. Les dispositions de l'ordonnance industrielle qui concernent le repos hebdomadaire ne s'appliquent pas à certains travaux ou à certaines industries (tels que les hôtels, restaurants et débits de boissons et les transports et communications).

Dans certains cas, elle prescrit que le travail du dimanche doit faire l'objet d'un repos compensateur. La loi sur la protection ouvrière qui n'a pas encore dépassé le stade du projet maintient, d'une manière générale, l'état actuel ·du droit, mais va cependant plus loin sur certains points et étend notamment le champ d'application de la réglementation. Pour les chemins de fer, un décret du 14 janvier 1924 alloue, par année, cinquante-deux jours de repos aussi régulièrement répartis que possible et dont dix-sept doivent si possible coïncider avec un dimanche ou un jour férié.

« Tout travail industriel doit cesser le dimanche ». Ce principe posé par la loi du 16 janvier 1895 est encore la base en Autriche de toute la législation sur le repos dominical dans les établissements industriels. Une série de dispositions applicables aux employés de commerce ont été incorporées à la loi sur le repos dominical par la loi du 15 mai 1919. Des exceptions sont également prévues pour tenir compte de certains événements ou de certaines conditions particulières. De plus, on trouve des dispositions concernant le repos compensateur.

Les lois adoptées en 1905, 1906 et 1907 par la Belgique (loi du 17 juillet 1905), par la France (loi du 13 juillet 1906) et par l'Italie (loi du 7 juillet 1907) ont ceci de commun qu'elles s'appliquent toutes trois aux établissements industriels et aux établissements commerciaux. La loi belge interdit de faire travailler le personnel pendant plus de six jours par semaine.

Les lois française et italienne prescrivent un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures consécutives au moins. Le
jour de repos normal est, comme dans les autres pays, le dimanche. A côté des exceptions apportées au principe du repos dominical, ces trois lois contiennent des dispositions concernant le repos compensateur.

La Grande-Bretagne, qui sera le dernier exemple donné ici, a adopté un système spécial. La protection légale du repos hebdomadaire ne s'étend

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qu'aux femmes et aux jeunes gens. Par contre, la question n'est réglée^ pour les adultes du sexe masculin, que par la voie de la coutume et des contrats collectifs de travail. Et pourtant, malgré cette réglementation fragmentaire, le régime établi en Grande-Bretagne est peut-être un des plusavancés qui existent: le repos hebdomadaire s'y étend en effet, dans une large mesure, sur un jour et demi plein.

3. -- RÉGLEMENTATION INTERNATIONALE!

De nombreux congrès internationaux avaient déjà tenté autrefois d'aboutir à une réglementation internationale du repos hebdomadaire.

Ce furent notamment le congrès de l'association pour la réforme ou la codification du droit international public en 1874, le congrès international du repos hebdomadaire au point de vue hygiénique et social à Paris en 1889, le congrès international du repos du dimanche à Bruxelles en 1897 et, plus près de nous, les conférences des représentants des syndicats ouvriers tenues à Leeds en 1916 et à Berne en 1917. Aussi cette revendication trouva-telle sa place marquée dans la partie que les traités de paix consacrent au « travail ». Ils énumèrent en effet au nombre des méthodes et principes de politique sociale qui sont d'une importance particulière et urgente : « l'adoption d'un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures au minimum, qui devrait comprendre le dimanche toutes les fois que ce sera possible » (art.

427, al. 3, chif. 5 du traité de Versailles). C'est pourquoi la question du repos hebdomadaire dans les établissements industriels et dans les établissements commerciaux fut inscrite à l'ordre du jour de la IIIe session de a conférence internationale du travail en 1921. Celle-ci adopta les deux décisions suivantes : « Convention concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements industriels » et « Recommandation concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements commerciaux » (v. annexe II). Ces deux décisions posent comme principe que le personnel des établissements visés doit jouir, au cours de chaque période de sept jours, d'un repos comprenant au minimum vingt-quatre heures consécutives. Autant que possible, ce repos sera accordé en même temps à tout le personnel de chaque établissement et coïncidera avec fiesjours consacrés par la tradition ou les usages du pays ou de la région.

Chaque Etat peut autoriser des exceptions, en tenant compte spécialement -- comme le dit la convention -- de toutes considérations économiques et humanitaires appropriées. La convention prescrit, en outre, que les Etats devront autant que possible établir des dispositions prévoyant des périodes de repos en compensation des suspensions ou des diminutions entraînées par l'octroi des exceptions.

Jusqu'à maintenant, dix-sept Etats parmi lesquels
la France, la Belgique et l'Italie, ont ratifié la convention sur le repos hebdomadaire dans les établissements industriels. La Suisse n'y a pas encore adhéré (pour tous.

détails, v. p. 521 et 522).

509 4. -- LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DROIT EX VIGUEUR

D'après les constatations faites jusqu'à maintenant, on a pu se rendre compte que le repos hebdomadaire est généralement répandu dans les Etats de confession chrétienne et que, le plus souvent, il est réglé par la loi: de plus, il tombe régulièrement le dimanche. Pour que la cessation du travail produise pleinement ses effets au point de vue religieux, social, intellectuel et moral, elle doit s'appliquer simultanément à tous les travailleurs. Mais ici comme dans d'autres domaines, il faut se garder des exagérations et des abus. Il importe donc d'instituer un système d'exceptions qui viendront tempérer la règle. Elles permettront de faire face à des nécessités imprévues d'ordre national, de répondre à certains besoins impérieux et réguliers de la collectivité, enfin de tenir compte de l'intérêt économique de certaines branches d'activité. Mais si l'on doit tempérer dans bien des cas l'interdiction du travail du dimanche, il ne faut cependant pas tomber dans l'excès contraire et compromettre, par un emploi arbitraire et abusif des exceptions, le principe même du repos hebdomadaire; de plus, partout où cela est possible, il importe d'accorder un repos compensateur lorsque le travail du dimanche est indispensable. En cette matière, la tâche du législateur a été et est encore de rechercher un équilibre équitable entre le désir parfaitement justifié des travailleurs de cesser régulièrement le travail le septième jour de la semaine et les divers autres intérêts en présence qui s'opposent à une réglementation invariable et uniforme de la question. Le principe du repos hebdomadaire est clair; par contre il est plus difficile et plus compliqué de saisir toutes les considérations particulières qui exigent que des dérogations soient apportées à la règle générale.

L'aperçu qui suit exposera les différentes considérations dont il y a lieu de tenir compte pour les exceptions. Il se fonde avant tout sur les conditions telles qu'elles se présentent en Suisse. Mais, dans ces questions, l'étranger s'est trouvé en face de problèmes qui n'étaient pas essentiellement différents des nôtres.

La réglementation du repos hebdomadaire exige déjà des exceptions typiques en ce qui concerne les personnes auxquelles elle doit s'appliquer.

Les personnes qui ont le plus grand besoin de protection sont les travailleurs au service
d'autrui. Cette idée se trouve fréquemment exprimée dans les lois sur le repos hebdomadaire, en ce sens qu'elles interdisent uniquement l'emploi des employés, ouvriers, apprentis, etc. et exceptent, expressément ou tacitement, de l'interdiction l'employeur et les membres de sa famille ainsi que les personnes investies d'une fonction importante dans la conduite de l'établissement. Souvent on rencontre aussi des dispositions de protection plus étendues pour les femmes et les jeunes gens.

Les dérogations apportées au principe de l'interdiction en faveur des.

intérêts généraux supérieurs et de certaines exigences de la vie pratique jouent un rôle important. Il s'agit avant tout de travaux urgents et indis-

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pensables, c'est-à-dire de travaux qui doivent s'effectuer sans retard si l'on veut éviter des pertes disproportionnées. Dans cette catégorie rentrent également certaines activités professionnelles ou, tout au moins, certaines activités régulières, qui ne peuvent pas chômer un jour par semaine sans que cela n'entraîne certains dangers ou dommages ou, en tout cas, certains graves inconvénients. Il en est ainsi des médecins, des pharmaciens, des sages-femmes, du personnel infirmier. A la vérité, ces professions ne tombent pas sous le coup des dispositions sur le repos hebdomadaire lorsqu'elles s'exercent d'une façon indépendante. On peut mentionner encore les travaux qui, dans l'agriculture et certains domaines de l'approvisionnement en denrées alimentaires, doivent nécessairement s'effectuer chaque jour. 11 en est de même des entreprises servant à la distribution du gaz, de l'eau et de l'électricité, du service des pompes funèbres, des établissements dont l'exploitation ne peut, pour des raisons techniques, subir aucune interruption, de certaines opérations des entreprises de transport, de communications et d'expédition, des prises d'inventaire et de l'établissement des comptes de fin d'année, des .travaux complémentaires et préparatoires qui doivent servir de pont entre les jours de travail séparés par la journée de repos, enfin des travaux du ménage. Les législations cantonales tiennent plus ou moins compte de ces besoins. Plusieurs d'entre elles prévoient que l'autorisation d'effectuer ces travaux du dimanche est limitée à certaines heures ou encore stipulent que ces travaux doivent se réduire au strict minimum.

A côté de ces exceptions qui doivent permettre de satisfaire à des besoins se faisant ou pouvant se faire sentir aussi bien le dimanche que les autres jours, la législation sur le repos hebdomadaire doit encore tenu1 compte des besoins spécifiques du dimanche ou des besoins qui se manifestent plus fortement les jours de repos général. Ces besoins nécessitant des tavaux spéciaux, on a affaire ainsi à de véritables industries ou établissements du dimanche qui, pour des raisons d'ordre économique; doivent également «tre exceptés de l'interdiction de travailler le dimanche. C'est avant tout le cas des hôtels, restaurants et débits de boissons et des entreprises de transport. Les conditions
sont les mêmes pour le personnel des théâtres et cinématographes, les musiciens et certaines autres personnes se produisant en public, les gardiens de musées, jardins zoologiques ou botaniques, etc.

Les ateliers de photographe rentrent souvent aussi dans cette catégorie d'établissements. Par contre, dans les salons de coiffure, le travail du dimanche ne joue plus le même rôle qu'auparavant.

Ayant énuméré ainsi les principaux champs d'application des exceptions apportées au principe du repos hebdomadaire, il importe d'énumérer les solutions types consacrées par la réglementation des dérogations.

La première consiste à renoncer à toute protection du repos hebdomadaire. Cette solution radicale a été adoptée pour certaines branches èco-

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nomiques, telles que l'agriculture par exemple, qui par leur nature même ne pourraient que difficilement se conformer à une réglementation des jours de repos. En général, ce genre d'activité est soustrait complètement au champ d'application de la législation sur le repos hebdomadaire. Il en est souvent de même de certaines personnes et catégories professionnelles qui, n'étant pas au service d'autrui, n'ont pas besoin d'être protégées au point de vue social. Par contre pour les travailleurs au service d'autrui -- en tant qu'ils n'appartiennent pas à des professions qui, comme telles, sont soustraites à la loi sur le repos hebdomadaire -- la suppression complète du jour de repos est tout au plus autorisée à titre temporaire, pour faire face notamment à des travaux urgents et indispensables ou à des travaux saisonniers. Mais, même dans ce cas, les législations de différents cantons leur garantissent une compensation pour le repos dont ils ont été privés.

Une seconde solution que l'on rencontre plus fréquemment consiste à réduire la durée du repos. Le législateur se borne alors à assurer aux travailleurs des industries et professions qui ne peuvent pas se passer du travail ·du dimanche, une partie du repos normal et stipule parfois encore que ce repos doit leur être accordé le dimanche.

Enfin, il y a lieu de mentionner le simple report du jour de repos sur un autre jour de la semaine, c'est-à-dire qu'il y a compensation complète pour le dimanche de travail. Mais ce report n'est pas toujours autorisé d'une manière absolue, et le travailleur a alors droit en tout cas à un certain nombre de dimanches par année.

Les dispositions sur la réduction et le report du repos sont souvent .accompagnées de prescriptions relatives au moment où doit être accordé ·ce repos, à sa durée et à sa continuité.

II. -- NÉCESSITÉ D'UNE RÉGLEMENTATION FÉDÉRALE 1. _

INSUFFISANCE DE LA RÉGLEMENTATION ACTUELLE

Comme on l'a vu plus haut (v. p. 504), la Confédération n'a réglé le repos hebdomadaire que pour l'administration fédérale et les établissements ou entreprises soumis soit à la loi fédérale des 18 juin 1914-27 juin 1919 sur le travail dans les fabriques, soit à la loi du 6 mars 1920 concernant la durée du travail dans l'exploitation des chemins de fer et autres entreprises de transport et de communications. Tous les autres domaines relèvent encore actuellement du droit cantonal.

Des dispositions sur le repos hebdomadaire ont été prises par l'ensemble des cantons, et l'on peut dire, d'une manière générale, que la situation est satisfaisante dans le commerce et la petite industrie. A la vérité, ces dispositions offrent sur des points importants des solutions très différentes.

Tandis que les unes répondent aux besoins modernes, d'autres datent

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encore de la moitié du siècle dernier et en sont restées aux exigences d'alors.

Ou bien c'est un canton qui, pour certaines industries (telles que les transports et communications, certaines branches de l'approvisionnement en denrées alimentaires et les cinématographes) prescrit expressément un repos hebdomadaire, tandis que son voisin immédiat laisse l'application de ce principe à la libre appréciation des intéressés. Ou bien c'est le domaine des exceptions qui est beaucoup plus restreint en un endroit qu'en un autre.

Enfin certaines lois sont muettes sur la question du repos compensateur qui est, par contre, réglée d'une manière très détaillée dans d'autres.

Cependant, il serait faux de juger de la situation actuelle uniquement d'après l'état de la législation. Au contraire, il ne faut pas oublier, ainsi qu'on l'a vu plus haut (p. 506 s.), que la coutume, les conventions et les concessions volontaires des intéressés ont comblé beaucoup de lacunes. Si bien qu'en de nombreux endroits la durée du repos est supérieure à celle fixée par la loi ou encore que certaines personnes qui jusqu'à maintenant ont été laissées de côté par le législateur jouissent cependant du repos hebdomadaire. Mais si de nombreux employeurs, de leur plein gré, accordent à leur personnel un repos suffisant chaque semaine -- de sorte qu'il ne serait nullement nécessaire d'édicter des dispositions officielles les concernant --, on ne peut pas dire cependant que ce bon exemple ait été suivi dans toute la mesure désirable par beaucoup d'autres établissements.

Il en résulte des inégalités qui ne se manifestent pas seulement au détriment des travailleurs, mais causent encore un préjudice immérité aux employeurs partisans du progrès. En effet, ceux-ci se heurtent très souvent à la résistance des patrons adversaires des réformes les plus modestes et dont la concurrence déloyale se fait aux frais du personnel lui-même.

Dans l'industrie hôtelière, y compris les restaurants et débits de boissons, les conditions se présentent sous un jour tout particulier. Six cantons, dont trois demi-cantons, ne possèdent aucune disposition légale sur le repos hebdomadaire dans cette branche d'industrie. Il en existe dans les autres cantons, où elles sont inscrites la plupart du temps dans les lois sur les auberges. On les retrouve aussi dans les
lois sur le repos du dimanche, sur la durée du travail, sur l'apprentissage et autres lois de protection ouvrière; leur contenu varie, pour ainsi dire, de canton à canton. On se trouve donc en présence d'une réglementation bigarrée au possible. De plus, certaines de ces lois sont passablement anciennes. Ainsi, celles de Zurich, Berne et Soleure datent des années 1895 environ. Seul, le canton de BaieVille prévoit, d'une manière générale, un repos hebdomadaire de vingtquatre heures consécutives. Les cantons de Neuchâtel et de Genève en prévoient autant, mais pour certaines catégories de personnes seulement.

Les autres dispositions cantonales prescrivent, outre l'octroi du temps nécessaire pour assister au culte, des minima hebdomadaires de 4, 6, 7, 8, 9 et 12 heures (consécutives ou réparties sur plusieurs jours) et en plus un

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jour entier ou parfois un demi-jour de repos par mois qui, d'après certaines lois, doit tomber le dimanche. D'autres divergences découlent encore ici et là des dispositions spéciales aux femmes ou aux stations de cure ou qui visent le remplacement du repos hebdomadaire par des congés payés.

D'après le recensement fédéral de la population du 1er décembre 1920, les hôtels, cafés, restaurants, auberges, restaurants sans alcool et cafés de tempérance occupaient 63,178 personnes dont 40,261 femmes (encore ne faut-il pas oublier que le 1er décembre tombe pendant la morte saison, de sorte que la moyenne annuelle devait être sensiblement plus élevée).

Si l'on déduit de ces nombres les personnes travaillant à leur propre compte et le personnel supérieur des établissements, on obtient encore un total d'environ 50,000 employés dont 35,000 femmes en chiffre rond. Ces chiffres sont relativement peu en dessous de ceux obtenus, à la même époque, pour l'industrie horlogère et la bijouterie ou pour la fabrication des produits alimentaires, boissons et tabacs; par contre, ils dépassent assez fortement ceux, par exemple, de l'industrie de la soie ou de l'industrie du coton.

Les résultats du recensement des entreprises de 1929 n'étant pas encore établis, il n'est pas possible .d'indiquer le chiffre exact des personnes employées actuellement dans les hôtels, restaurants et débits de boissons.

Il y a tout lieu d'admettre, cependant, qu'il a considérablement augmenté depuis 1920.

Dans d'autres branches économiques également, la situation n'est pas entièrement satisfaisante. C'est le cas de certaines branches de l'industrie des transports et communications, notamment des transports par automobiles. On peut encore mentionner les musiciens de cinématographe, dont la profession est fatigante et peu salubre et qui, en certains endroits, sont dans une situation assez précaire au point de vue du repos hebdomadaire. Enfin, les hôpitaux et autres établissements d'hospitalisation forment une question à part. Bien que le service de leur personnel soit souvent exténuant et exige de longues heures de travail et de présence, ce personnel ne jouit pas, dans bien des cas, d'un repos hebdomadaire suffisant.

Il serait donc à souhaiter que des dispositions de protection puissent être élaborées pour le personnel infirmier de ces
établissements. Malheureusement des motifs d'ordre constitutionnel s'y opposent (pour plus de détails v. p. 526, 527).

En bref, on peut donc constater qu'en Suisse le principe du repos hebdomadaire est reconnu partout et que la loi, la tradition ou les conventions particulières lui font porter effet, mais que, sur bien des points, la situation est encore défectueuse et insuffisante. En d'autres termes: le besoin d'une réglementation plus avancée se fait sentir et il serait équitable de ne pas en retarder l'élaboration.

514 2. -- DES DIFFÉRENTS EFFORTS TENTÉS EN VUE D'UNE RÉGLESIENTATION FÉDÉRALE

Dès avant la guerre, le personnel des hôtels, restaurants et débits de "boissons, le tout premier, ainsi que certaines autres catégories de travailleurs, se plaignirent de l'insuffisance du repos hebdomadaire. En dehors de ces milieux directement intéressés, des associations, telles que l'association suisse pour l'avancement de la protection internationale des ouvriers et la société suisse pour l'observation du dimanche, se joignirent à eux pour demander que ce repos fût garanti d'une manière plus complète. Avec le temps, ces revendications gagnèrent encore en intensité et en étendue. Leur premier effet fut de faire ouvrir, en 1918, des pourparlers entre les associations des employeurs et des employés de l'industrie hôtelière, y compris les restaurants et débits de boissons. Il s'agissait de conclure un contrat collectif de travail prévoyant, entre autres et sous réserve des exceptions nécessaires, un repos hebdomadaire d'une durée de vingt-quatre heures. Les pourparlers, dirigés par un représentant du département de l'économie publique, aboutirent, le 19 juillet 1919, à la conclusion d'un contrat qui s'appliquait à toute la Suisse. Ce contrat vint à expiration en 1921, et tous les efforts tentés pour le renouveler échouèrent. On se trouvait ainsi dans l'impossibilité d'arriver à une solution satisfaisante par le moyen d'un contrat collectif de travail. De plus, nous n'étions pas en mesure de déclarer d'applicabilité générale un tel contrat, alors que de différents côtés on en faisait une condition absolue.

Dès lors à plusieurs reprises, soit dans des requêtes spéciales, soit par des résolutions présentées aux congrès de la fédération suisse des employés, le personnel réclama l'intervention des autorités fédérales. Il le fit notamment lors de l'octroi d'une subvention à l'office suisse du tourisme, lors de la campagne officielle de secours en faveur de l'industrie hôtelière, à propos de l'interdiction de construire de nouveaux hôtels. Par la suite, ces revendications furent incorporées par l'union Helvetia dans son « Avantprojet de loi fédérale sur le repos hebdomadaire dans les entreprises hôtelières » et soumises ainsi, le 21 juin 1926, au département fédéral de l'économie publique.

Cette campagne trouva son écho dans un certain nombre de motions et de postulats présentés au parlement. Il est
vrai qu'une motion Rosselet (Nicolet t) du 10 juin 1921 invitant le Conseil fédéral « à prendre un arrêté instituant le repos hebdomadaire dans l'industrie hôtelière » fut rejetée par le Conseil national le 10 juin 1924. Cette décision s'inspirait avant tout de motifs d'ordre constitutionnel, le conseil estimant qu'il ne saurait être question de procéder par la voie d'un arrêté du Conseil fédéral. Par contre, le 29 septembre 1922, le Conseil national adopta un postulat J. Scherrer invitant le Conseil fédéral « à examiner s'il n'y a pas lieu de régler les conditions du travail dans les hôtels et les auberges par un accord avec

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les organisations intéressées des patrons et du personnel et à en rechercher les moyens ». Le 16 octobre 1924, M. J. Scherrer déposa au Conseil national un nouveau postulat ainsi conçu : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur la question de savoir s'il n'y a pas lieu d'introduire par voie législative le repos hebdomadaire du personnel dans les hôtels et les restaurants ». De plus, en date du 14 avril 1926, M. SchmidRuedin présenta la motion suivante : « Le Conseil fédéral est invité à présenter à bref délai, en application de l'article 34 ter de la constitution fédérale, un projet de loi garantissant un jour de repos par semaine aux salariés des entreprises qui ne relèvent pas de l'agriculture et qui ne sont pas assujetties à la loi sur les fabriques ». Cette motion, ainsi que le postulat J. Scherrer, furent retirés par la suite (v. p. 516).Enfin, le Conseil national fut saisi d'une interpellation Reinhard (Schmidlin) et d'une contreinterpellation de Murait (19 et 20 septembre 1928); en raison de la préparation du présent projet, la discussion de ces deux interpellations fut renvoyée.

L'opinion publique s'intéressait de plus en plus au problème. De différents côtés on manifesta en faveur de l'élaboration d'une loi fédérale.

Des organisations religieuses et sociales, telles que la commission sociale de la société pastorale suisse, l'association suisse de la mission intérieure et de la bienfaisance évangélique, recommandèrent une prompte solution de la question. Des partis politiques intervinrent dans le même sens.

C'est ainsi que le parti radical-démocratique suisse adopta, à son congrès de mai 1929, la résolution suivante: «En tant qu'ils n'en jouissent pas déjà, les employés et ouvriers de l'industrie, du commerce et des métiers seront mis au bénéfice d'une loi fédérale sur le repos hebdomadaire. Cette réforme sera exécutée aussitôt que possible, en réservant les dérogations à ce principe qui pourraient être nécessaires dans l'intérêt des industries particulières ».

Mais quelle était l'attitude des employeurs en présence de ce mouvement et quelle est leur opinion actuelle ?

Après que le contrat collectif de travail dans l'industrie hôtelière (v.

p. 514) fût venu à échéance, l'office fédéral du travail chercha à amener entre les associations intéressées
une entente sur certaines questions du contrat de travail qui étaient encore en discussion. Ses efforts aboutirent tout d'abord à un accord en ce qui concerne le pourboire. Mais les patrons se refusèrent à tout arrangement sur les conditions du travail et sur le repos hebdomadaire en particulier. A la suite de différents mémoires qui lui étaient parvenus des associations d'employés et de diverses propositions adoptées par le parlement, le département fédéral de l'économie publique chargea, vers la fin de l'année 1924, l'office du travail avec l'assentiment du Conseil fédéral, d'étudier comment pourrait être réglé, sur le terrain fédéral, le repos hebdomadaire dans les établissements in-

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dustriels et commerciaux non soumis à la législation fédérale. Le rapport sur la gestion de l'année 1925 mentionna cette décision. Il ajouta qu'il importait de commencer cette étude par l'industrie hôtelière et les restaurants et débits de boissons où les difficultés seraient les plus grandes, tandis que les autres branches du commerce, l'industrie et les transports et communications n'offriraient probablement pas de grandes complications.

Le Conseil fédéral ayant manifesté ainsi la ferme intention de se vouer à l'étude du problème, le postulat J. Scherrer et la motion SchmidBuedin furent retirés par leurs auteurs, lors de la discussion du rapport de gestion, à la session de juin 1926.

L'office fédéral du travail considéra que, pour mener à chef l'étude dont il était chargé," il devait commencer par établir l'exacte situation de fait. En date du 18 juin 1926, il demanda donc aux associations centrales des employeurs et des travailleurs de lui indiquer dans quelles branches de l'industrie et du commerce le repos hebdomadaire n'existait pas encore et, pour le cas où une loi fédérale serait élaborée, dans quelle mesure il y aurait lieu de prévoir des exceptions. En même temps, il invita les associations professionnelles de l'industrie hôtelière, y compris les restaurants et débits de boissons, à lui soumettre des propositions précises tenant compte des conditions particulières à ces établissements. Enfin, l'office fédéral du travail souligna expressément dans sa circulaire qu'il s'agissait uniquement du repos .hebdomadaire des travailleurs; la question plus compliquée et plus vaste de l'ouverture des établissements les dimanches et autres jours fériés devait continuer à être réglée par les cantons ou les communes.

L'office fédéral du travail reçut des réponses, en ce qui concerne les employeurs, de la part de l'union centrale des associations patronales suisses, de l'union suisse du commerce et de l'industrie et de l'union suisse des arts et métiers, et, en ce qui concerne les travailleurs, de la part de la fédération des sociétés suisses d'employés, de l'union syndicale suisse et de l'union syndicale suisse des ouvriers indépendants. Pour ce qui est des hôtels et restaurants, des réponses furent adressées par la société suisse des cafetiers, la société suisse des hôteliers, l'union Helvetia,
l'union fraternelle des cuisiniers et l'association internationale des employés d'hôtels et restaurants. L'alliance suisse des gardes-malades et l'association suisse des gardes pour accouchées et nourrissons adressèrent également des mémoires à l'office fédéral du travail.

Dans leurs réponses, les patrons firent valoir que le repos hebdomadaire (comprenant souvent un jour et demi) était appliqué dans la plupart des établissements en vertu de la loi, de la coutume ou de clauses contractuelles ; que l'élaboration de prescriptions fédérales ne répondait pas à un besoin, les législations cantonales étant mieux à même de tenir compte des condì-

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tions régionales, et qu'il faudrait prévoir différentes exceptions, pour le cas où une réglementation fédérale serait adoptée. Ces exceptions devraient s'appliquer notamment aux travaux qui s'effectuent en .plein air et dépendent des conditions atmosphériques, aux établissements qui fabriquent et répartissent les denrées alimentaires, aux établissements saisonniers, aux établissements à exploitation 'continue, aux entreprises de transport et de communications, aux kiosques destinés à la vente de produits et articles divers, aux travaux urgents, aux théâtres et autres établissements de spectacle, aux hôpitaux, aux services de surveillance et autres travaux du même genre. De leur côté, les associations professionnelles des travailleurs reconnurent que le repos hebdomadaire existait en fait dans un grand nombre de métiers et professions, mais en énumérèrent par contre toute une série d'autres qui ne connaissent pas l'institution d'un repos de vingtquatre heures consécutives par semaine. Il en serait ainsi notamment de l'approvisionnement en denrées alimentaires, des magasins à certaines époques de l'année, des entreprises de transport et de communications (en tant qu'elles ne sont pas soumises à la loi fédérale du 6 mars 1920), des cinématographes, des kiosques faisant le commerce de certains produits, du travail à domicile, des hôpitaux et autres établissements hospitaliers. Une loi fédérale répondrait donc à une double préoccupation: d'une part unifier le droit existant et garantir le maintien du repos hebdomadaire dans les domaines où il existe déjà, et, d'autre part, instituer ce repos hebdomadaire dans les établissements qui ne le possèdent pas encore.

Les exceptions ne devraient s'appliquer qu'aux cas de nécessité ou aux cas où il ne s'agirait que d'une suspension de courte durée (pendant la pleine saison p. ex.), et encore faudrait-il prescrire que ces suspensions seraient compensées ultérieurement par l'octroi de jours de congé payés.

La situation s'avéra particulièrement compliquée pour les hôtels, restaurants et débits de boissons. La société suisse des hôteliers et la société suisse des cafetiers mirent autant de fermeté à repousser toute réglementa, tion fédérale que les associations du personnel en mettaient à en réclamer l'élaboration. Les hôteliers, restaurateurs et cafetiers firent
valoir avant tout que leur industrie était trop peu uniforme dans son ensemble et que leurs établissements étaient trop divers pour qu'on pût les soumettre à une seule et même législation sur tout le territoire de la Confédération; que les législations cantonales suffisaient entièrement; que d'ailleurs, en bien des endroits, des périodes de repos étaient librement accordées conformément à des conventions établies, elles-mêmes, selon les besoins des établissements ; que l'hôtellerie, qui se trouve encore maintenant dans une situation critique, ne pouvait pas assumer de nouvelles charges ; que la vie en commun et par conséquent la bonne entente existant entre employeurs et employés en seraient troublées ; que le personnel de remplacement faisait grandement défaut; que le travail du personnel des hôtels, restaurants et autres établissements analogues était avant tout un travail domestique et, enfin, que Feuille federale, 82e année. Vol. I.

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de nombreux employés étaient opposés à l'introduction du repos hebdomadaire en raison de la perte de pourboires qui en résulterait. De leur côté, les associations du personnel relevèrent les défauts de la situation actuelle et déclarèrent que la garantie du repos hebdomadaire était la première exigence à remplir par les dispositions modernes sur la protection ouvrière ; que les législations cantonales, là où il en existe, étaient surannées, incomplètes ou insuffisantes et que leur application laissait beaucoup à désirer dans bien des contrées; que, comme le démontrait l'expérience faite dans de nombreux établissements, avec de la bonne volonté et une organisation appropriée du travail l'observation du repos hebdomadaire n'entraînait aucun préjudice pour l'entreprise; que l'on pouvait tenir compte des circonstances spéciales par le moyen de dispositions exceptionnelles que le personnel était d'ailleurs prêt à admettre dans la mesure où elles seraient indispensables; que la pénurie de personnel était précisément due aux mauvaises conditions de travail et avait en outre pour effet de rendre plus pressant le besoin de repos d'un personnel qui, à certaines périodes de l'année, est particulièrement surchargé de travail; enfin que, si des employés s'étaient prononcés contre le repos hebdomadaire, il s'agissait de cas isolés et qui ne devaient pas être généralisés. L'office fédéral du travail s'efforça d'amener une entente entre ces opinions contradictoires, que leurs partisans défendaient parfois avec passablement de vivacité. Une solution sur laquelle les deux parties se seraient mises d'accord serait plus facile à appliquer, à son avis, qu'une solution qui leur serait imposée d'une manière ou d'une autre. Une conférence réunit, le 27 avril 1927, les représentants des associations intéressées. Elle n'aboutit à aucun résultat positif. Toutefois, répondant à un appel du chef du département fédéral de l'économie publique, la société suisse des hôteb'ers et la société suisse des cafetiers se déclarèrent prêtes, vers la fin de l'année 1928, à présenter les propositions qui, à leur avis, pourraient servir de base à une réglementation fédérale, tout en précisant que, par là, elles n'entendaient engager en rien leur attitude définitive. Aussitôt, l'office fédéral du travail convoqua une nouvelle conférence des
représentants des deux associations (12 décembre 1928) pour discuter les principales questions qui étaient en jeu. Il en ressortit que les opinions diamétralement opposées du début s'étaient largement rapprochées l'une de l'autre.

La situation de fait étant ainsi établie, l'office fédéral du travail prépara, au mois de janvier 1929, un avant-projet de loi fédérale sur le repos hebdomadaire qu'il accompagna d'un exposé des motifs. En date du 8 février 1929, il l'adressa aux associations centrales des employeurs et des travailleurs, aux associations professionnelles de l'industrie hôtelière, ainsi qu'à quelques autres organisations, en les invitant à lui faire connaître leur attitude. En ce qui concerne les hôtels, restaurants et débits de boissons, l'avant-projet établissait deux variantes, dont l'une correspondait à l'opinion des patrons tandis que l'autre était conforme à celle du per-

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sonnel. Il évitait ainsi de se prononcer entre les opinions des deux parties et entendait simplement formuler, en la forme légale, les propositions en présence; tous les intéressés pouvaient ainsi se rendre un compte exact du problème et le terrain était préparé pour une entente entre les associations professionnelles. Les cinq associations centrales des travailleurs firent parvenir des rapports à l'office fédéral. Il en fut de même de l'association suisse des employés de banque, de l'association du personnel féminin des hôtels et restaurants (cosignataire d'un rapport de l'union ouvrière chrétienne sociale), de l'association internationale des employés d'hôtels et restaurants, des trois associations centrales des employeurs (rapport commun), de la société suisse des hôteliers et de la société suisse des cafetiers. Des réponses parvinrent également de l'union suisse des services d'escompte, de l'union syndicale suisse des artistes musiciens, de l'association suisse de la mission intérieure et de la bienfaisance évangélique, de la commission sociale de la société pastorale suisse, de la société suisse pour l'observation du dimanche, ainsi que, pour le personnel préposé aux soins des malades, de l'office suisse pour les professions féminines en commun avec diverses autres organisations. Enfin, il y a lieu de mentionner un exposé de l'office de conciliation du canton de Zurich traitant de la situation des musiciens de cinématographes et un mémoire du département de l'instruction publique du canton des Grisons relatif à la revision de la loi sur le repos hebdomadaire.

Abstraction faite des différentes propositions de modifications, qui furent toutes soigneusement examinées et qui, suivant les besoins et les possibilités, trouvèrent leur place dans le projet définitif, le résultat de la consultation à laquelle procéda l'office fédéral du travail peut se résumer comme il suit: Les travailleurs applaudirent à l'élaboration du projet et, d'une manière générale, déclarèrent s'y rallier. Les trois associations centrales des employeurs émirent bien encore quelques doutes sur la possibilité, pour une réglementation fédérale, de tenir suffisamment compte des besoins des différentes branches économiques et des différentes régions du pays, mais déclarèrent néanmoins ne plus s'opposer à l'idée d'une réglementation
fédérale si les groupes économiques tout particulièrement intéressés pouvaient se contenter du projet.

Les opinions s'étant ainsi rapprochées, il ne s'agissait plus que de mettre d'accord les patrons et les employés des hôtels, restaurants et débits de boissons sur les quelques questions qui les divisaient encore. De nouveaux pourparlers eurent lieu qui, sauf sur un point, aboutirent à un accord complet.

Le seul point encore en suspens concerne la disposition en vertu de laquelle le repos hebdomadaire doit coïncider avec un certain nombre de dimanches et jours fériés (v. p. 531 et 532).

520 3. -- AVANTAGES D'UNE LOI FÉDÉRALE SUR LES LÉGISLATIONS

CANTONALES

II ressort de ce qui précède que le seul moyen de régler la question du repos hebdomadaire conformément aux conceptions modernes est d'élaborer une loi et, de plus, une loi uniforme pour l'ensemble de la Confédération.

Il reste à examiner de plus près les raisons qui militent en faveur d'une loi fédérale de préférence à la législation cantonale. On ne s'attardera pas cependant à discuter avec ceux qui recommandent la législation cantonale uniquement parce qu'ils sont opposés à toute amélioration de la situation et, partant, à toute réglementation légale. Par contre, il importe d'accorder davantage d'attention à l'objection de ceux qui, tout en s'efforçant de créer des conditions plus favorables, estiment qu'en raison de la diversité des établissements en présence, notamment dans la branche hôtels et restaurants, la législation cantonale est mieux à même de conduire à un résultat satisfaisant.

On ne peut nier que les hôtels, restaurants et débits de boissons diffèrent fortement entre eux de par leur destination, leur importance et leurs conditions d'exploitation. Que l'on songe notamment aux différents genres d'établissements: hôtels, restaurants, pensions, cafés, auberges. Tous les ordres de grandeur s'y retrouvent, depuis le tout petit établissement jusqu'au plus grand. Les uns sont situés à la campagne (isolés ou compris dans les villages), les autres sont en ville, à la montagne ou dans les stations d'étrangers. Certains ne sont exploités que pendant une ou deux saisons par année, tandis que les autres sont ouverts toute l'année (*). On ne peut donc se dissimuler que, dans ces conditions, le législateur doive se heurter à certaines difficultés. Mais ces difficultés seraient les mêmes pour le législateur cantonal que pour le législateur fédéral. En effet, les différentes formes ou conditions dans lesquelles s'exploitent ces établissements ne dépendent pas d'un canton plutôt que d'un autre ; chaque canton ne connaît pas un genre unique d'établissement. Au contraire, les différents genres se retrouvent sur son territoire, alors que dans un même genre d'établissement les conditions sont très semblables d'un canton à l'autre. Dans la même catégorie, l'organisation et le mode d'exploitation d'un hôtel ou d'un restaurant sont, pour ainsi dire, les mêmes, que l'établissement soit situé à Zurich,
à Berne, à Baie ou à Genève. Les grands hôtels d'été ou d'hiver ne sont (*) Selon une statistique établie, en 1929, par l'office fédéral du travail et portant sur 1696 hôtels avec 110,197 lits, les établissements, classés d'après la periodo d'exploitation, se répartissaient de la manière suivante: Etablissements ouverts pendant une saison 26,3% des établissements avec 31,2% des lits.

Etablissements ouverts pendant deux saisons 12% des établissements avec 18,9% des lits; Etablissements ouverts pendant toute l'année 61,7°/0 des établissements avec 49,9% des lits.

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pas de nature fort différente, qu'il s'agisse de la partie sud ou de la partie est du pays. Une auberge de montagne ne s'exploite pas d'une manière très différente dans le Valais que dans POberland bernois. De même pour les auberges de campagne.

Il n'est donc nullement nécessaire que chaque canton ait sa propre législation. Les critères qui doivent faire rechercher des solutions différentes ne dépendent pas des frontières cantonales mais sont inhérents aux différents genres d'établissements. Si chaque canton légiférait pour son compte on n'aboutirait qu'à augmenter le nombre des difficultés, sans même avoir la garantie que les établissements de même genre seraient soumis à des règles à peu près semblables. Ces inégalités entre cantons auraient en outre pour conséquence d'aggraver les conditions de la concurrence; il serait donc dans l'intérêt des chefs d'établissement qu'une loi fédérale vienne établir un certain équilibre dans ce domaine. De plus, cette législation uniforme aurait le mérite de donner au personnel qui passe d'un établissement à un autre les mêmes garanties légales sur tout le territoire de la Confédération. Il serait donc éminemment avantageux -- au point de vue de l'application notamment -- que tous les établissements de même nature soient traités sur le même pied et que leur personnel soit soumis aux mêmes prescriptions. En effet, une solution uniforme s'imposera d'autant plus facilement qu'elle aura derrière elle l'ensemble du personnel conscient des intérêts de la profession et l'opinion publique du pays tout entier.

Enfin, il importe de rappeler ici que bon nombre de lois cantonales sont vieillies, incomplètes, ou présentent d'autres défauts qui en rendent souvent l'application fort difficile (v. p. 511s.). C'est pourquoi de nombreux cantons attendent depuis longtemps que la Confédération règle la matière sous une forme nouvelle.

Les observations qui précèdent s'appliquent par analogie aux établissements de l'industrie, du commerce, des ' transports et communications et des branches économiques similaires qui ne sont pas encore soumis à la législation fédérale. La nécessité d'une réglementation conforme aux conceptions modernes s'y fait également sentir. Mais, étant donnée la situation de fait, cette réglementation ne pourra être obtenue que par la voie d'une loi fédérale
qui prescrive, pour l'ensemble de pays, un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures, tout en instituant un système d'exceptions tenant compte de certaines circonstances spéciales (établissements à exploitation continue p. ex.).

4. -- LE EEPOS HEBDOMADAIRE ET LA SUISSE AU POINT DE VUE INTERNATIONAL

Aux différents motifs énumérés ci-dessus en faveur d'une loi fédérale vient s'en ajouter encore un qui est dicté par les devoirs incombant à

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la Suisse en sa qualité de membre de la Société des Nations et de l'organisation internationale du travail. Comme on l'a vu plus haut (p. 508), la IIIe conférence internationale du travail (1921) a adopté deux décisions relatives au repos hebdomadaire: un «Projet de convention concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements industriels » et une « Recommandation concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements commerciaux ». Ces deux décisions ont fait l'objet d'un rapport détaillé du Conseil fédéral dans son message adressé à l'Assemblée fédérale, en date du 4 mai 1923, au sujet des troisième et quatrième sessions de la conférence internationale du travail(*). La Suisse, y déclaraitil, ne pouvait assumer une obligation internationale qu'en ce qui concerne les établissements soumis à la législation fédérale, la Confédération n'ayant aucun droit de contrôle sur les autres établissements et n'étant par consé.quent pas en mesure d'assurer, pour ceux-ci, l'observation d'un engagement international. Ainsi, la Suisse ne put pas ratifier la convention internationale, bien que la plupart de ses dispositions fussent appliquées quant au fond.

A plusieurs reprises, la Suisse s'est trouvée dans l'impossibilité de donner suite aux décisions de la conférence internationale du travail, soit que la Confédération n'ait pas eu la compétence de le faire, soit pour tout autre motif d'ordre matériel. Mais ces raisons n'existent pas dans le cas présent.

Personne ne conteste le principe du repos hebdomadaire, et la Confédération est compétente pour légiférer en la matière. Il ne serait pas admissible de faire de la politique sociale sur le terrain international et de se retrancher, sur le terrain national, derrière des arguments d'ordre purement fédéraliste pour rejeter les réformes qui permettraient d'adapter la législation fédérale à la politique sociale internationale. La Suisse ne pourrait qu'y perdre en considération au point de vue international.

Il y a donc là une raison de plus pour le législateur fédéral de régler la question du repos hebdomadaire dans les établissements de l'industrie, du commerce et des transports et communications qui ne sont pas soumis à la législation fédérale. L'adoption du projet de loi annexé au présent message permettrait de ratifier la
convention internationale et d'assurer l'exécution des décisions adoptées par la conférence internationale du travail.

Le Conseil fédéral se réserve donc de proposer aux conseils législatifs, après l'entrée en vigueur de la loi, d'adhérer à la convention concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements industriels, adoptée par la troisième conférence internationale du travail.

5. -- CONCLUSIONS

Pour toutes les raisons qui précèdent, l'intervention du législateur fédéral dans le domaine du repos hebdomadaire apparaît donc comme une nécessité pressante. Mais cette intervention dans le champ des attributions (*) FF 1923, II, 67.

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cantonales devra se borner à l'indispensable. Comme par le passé, ce sont les cantons qui désigneront les établissements autorisés à travailler le dimanche et les travaux qui pourront s'effectuer ce jour-là. Le projet de loi ne touche donc pas aux prescriptions édictées, à ce sujet, par les cantons ou les communes. Par contre, il se place au point de vue de la protection ouvrière et règle d'une manière uniforme le repos hebdomadaire des travailleurs de l'artisanat, de l'industrie, du commerce et des transports et communications.

III. -- LA BASE CONSTITUTIONNELLE Le projet de loi se fonde sur l'article 34ier de la constitution fédérale.

Le sens et la portée de cet article ont été examinés très en détail dans le message que le Conseil fédéral a adressé, en date du 9 novembre 1928, à l'Assemblée fédérale au sujet du projet de loi sur la formation professionnelle (*) et lors des délibérations des conseils législatifs sur ce projet de loi(**).

Le Conseil fédéral y expose que, d'après sa genèse, la ratio legis et l'interprétation qui en a été donnée jusqu'à maintenant, l'article 34ter entend accorder à là Confédération le droit de légiférer dans les domaines de l'artisanat, de l'industrie, du commerce et des transports et communications.

C'est à cette condition seulement que peut être exécuté le programme destiné à faire porter effet à cette disposition constitutionnelle. L'Assemblée fédérale, s'est ralliée sans contestation à ce point de vue, de sorte qu'il serait superflu d'examiner ici à nouveau la question constitutionnelle.

Il suffira de renvoyer aux délibérations qui ont eu lieu à ce sujet.

Cependant il importe de compléter ledit message sur un point. Il y est dit que les textes français et italien ne correspondent pas absolument au texte allemand, les expressions « arts et métiers » et « arti e mestieri » ayant un sens plus étroit que le mot allemand « Gewerbewesen ». Il est exact que l'on donne vulgairement en Suisse au terme « arts et métiers » le sens de petite industrie. Mais il ne faut pas oublier qu'en langage scientifique, le terme « arts et métiers » peut avoir différents sens, de même que le mot « industrie » et le mot allemand « Gewerbe ». Dans son sens le plus étendu, il désigne toute espèce d'activité professionnelle. Dans une acception plus étroite il signifie toute activité
professionnelle, à l'exception de l'exploitation et de la production de la matière première ainsi que des professions libérales et des services domestiques; il comprend donc, en tout cas, l'artisanat, l'industrie, le commerce et les transports et communications. Enfin, dans un sens tout à fait étroit, on entend par là la petite industrie uniquement, par opposition à la grande industrie. (Voir, en ce qui concerne le sens des mots « arts et métiers » et « industrie », le Dictionnaire (*) FF 1928, II, 763.

(**) Bulletin sténographique officiel de l'Assemblée fédérale: Conseil national 1929, p. 634s. Conseil des Etats 1930, p. 15s.

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de, la langue française de Littré et le Larousse universel en 2 vol ; pour ce qui est. du sens du terme « Gewerbe », l'article de Karl Bûcher sur le mot «Gewerbe» dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften; pour l'interprétation de l'article 34fer les observations de M. le directeur H. Pfister publiées dans les numéros 34 et 35 des 24 et 31 août 1929 du Journal des associations patronales suisses.)

Il n'est donc pas nécessaire d'admettre qu'il existe une discordance entre les trois textes de la constitution fédérale. Les deux messages en langue française par lesquels le Conseil fédéral motivait la revision de la constitution par l'adjonction d'un article 34ter (messages des 25 novembre 1892 et 3 novembre 1905 (*) employaient comme synonymes les termes « arts et métiers » et « industrie ». C'est la preuve que les mots « arts et métiers » ne devaient pas être pris dans le sens étroit de petite industrie. On en peut donc déduire avec d'autant plus de certitude le droit, pour la Confédération, de légiférer dans les domaines de l'artisanat, de l'industrie, du commerce et des transports et communications.

IV. -- COMMENTAIRE DES DIFFÉRENTES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI 1. -- CHAMP D'APPLICATION]

Article premier. -- Le champ d'application de la loi est déterminé par la constitution. La loi ne peut pas excéder les limites tracées par l'article 34fer. Or, ainsi qu'on l'a vu dans le chapitre précédent, la Confédération est en droit de légiférer dans les domaines de l'artisanat, de l'industrie, du commerce et des transports et communications. La loi s'en tient donc à ces limites. Afin d'éviter d'employer un terme générique qui pourrait être pris dans diverses acceptions, elle énumère les différentes branches économiques auxquelles elle s'applique (art. 1er), savoir: a) le commerce,.

6) l'artisanat et l'industrie, c) l'industrie des transports et communications, d) les branches économiques similaires.

Le projet ne définit pas ces différentes branches économiques; il faut déduire cette définition des théories scientifiques et des données de l'expérience. Conformément aux conceptions actuelles, on entendra par commerce la branche économique qui met les produits à la portée des consommateurs ; par artisanat et industrie la branche dans laquelle rentre la production, soit la fabrication, la transformation, le nettoyage, le perfectionnement, l'ornementation et la finition des produits, la transformation des matières ou l'utilisation des forces naturelles; par transports et communications le transport dans l'espace des personnes, des biens et des nouvelles.

(*) FF 1892, V. 721 et 1905, VI, 26.

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De par la diversité de la vie et la constante évolution de l'économie il apparaît sans cesse de nouveaux genres d'établissements de nature analogue à ceux qui viennent d'être énumérés et qui doivent, par conséquent, leur être assimilés. On peut citer, à titre d'exemples, les entreprises de spectacles et de divertissements, telles que cinématographes et locaux de danse ; les établissements qui, sans appartenir à proprement parler à l'unedes branches économiques énumérées ci-dessus, sont cependant exploités en la forme commerciale et tenus, en vertu de l'article 865, dernier alinéa, du code des obligations de se faire inscrire au registre du commerce, ainsi les administrations privées, les compagnies d'assurance. Ce sont ces cas que le projet envisage sous lettre d): branches économiques similaires.

Afin d'écarter toute ambiguïté, l'article premier, 2e alinéa, du projet désigne les branches économiques non assujetties à la loi. Il s'agit de l'agriculture et de la sylviculture, des services domestiques, du service de gardemalades et des établissements de caractère public ou d'utilité publique destinés aux arts, à la science, à l'éducation et à l'enseignement. Leur exclusion est due à des raisons d'ordre constitutionnel.

Il se présentera évidemment des cas chevauchant la ligne de démarcation, et l'on pourra se demander alors s'ils rentrent dans la catégorie des établissements soumis à la loi ou non. L'ordonnance du Conseil fédéral devra donc tracer la ligne de démarcation d'une façon plus précise (art.

3). Mais elle ne suffira pas à trancher tous les cas douteux qui pourront se produire. Ce sera alors à la procédure instituée par l'article 4 d'entrer en jeu.

Le projet n'entend pas pénétrer dans les domaines qui font déjà l'objet d'une réglementation fédérale. Il ne s'applique donc ni aux cas relevant de la loi sur le travail dans les fabriques ni aux chemins de fer et autres entreprises de transport et de communications soumis à la loi sur la durée du travail. Les lettres b) et c) de l'article premier font les réserves nécessaires à ce sujet. Ces deux lois réglementent d'une façon satisfaisante le repos hebdomadaire des travailleurs qui en relèvent. Pour ce qui est de la loi sur les fabriques, ses dispositions ne s'appliquent qu'aux ouvriers et non aux employés de l'établissement (ordonnance
d'exécution, art. 2). La législation fédérale présenterait donc une lacune si la loi sur le repos hebdomadaire ne s'étendait pas aux employés des fabriques. Ces derniers seront donc soumis aux dispositions du présent projet, tandis que tous les travailleurs qui sont déjà assujettis à la loi sur les fabriques le demeureront comme par le passé. En ce qui concerne la loi fédérale sur la durée du travail dans l'exploitation des chemins de fer et autres entreprises de transport et de communications, ses dispositions s'appliquent aux personnes occupées en permanence et vouant la majeure partie de leur temps au service des chemins de fer fédéraux, de l'administration des postes, de l'administration des télégraphes et des téléphones et des entreprises de transport et de commu-

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nications concédées par la Confédération (art. 1er de la loi). Ne relèvent donc pas de cette loi les personnes qui ne sont pas employées au service d'exploitation proprement dit, soit, en toute première ligne, le personnel des bureaux. Mais, en tant qu'il s'agit des chemins de fer fédéraux, des postes, des téléphones et des télégraphes, la loi sur le statut des fonctionnaires fédéraux vient combler la lacune, de sorte que le personnel de ces établissements n'est pas soumis aux dispositions du présent projet. Quant au personnel des entreprises privées de transport ou de communications qui n'est pas affecté au service d'exploitation proprement dit et qui n'est par conséquent pas assujetti à la loi fédérale sur la durée du travail, il relèvera du présent projet.

Il importe d'examiner encore rapidement ce qui en est des gardesmalades. L'office suisse pour les professions féminines avait tout spécialement réclamé que le repos hebdomadaire des gardes-malades fût réglé d'une façon plus satisfaisante et plus uniforme; à cet effet, il s'était livré à une enquête auprès des principaux hôpitaux de Suisse. Le résultat en fut que, d'une manière générale, ce personnel ne jouit que d'un repos hebdomadaire absolument insuffisant, que ce soit dans les établissements publics ou privés. Par un mémoire en date du 23 décembre 1929, l'office pour les professions féminines demanda que tous les établissements, publics ou privés, ayant pour objet le traitement ou l'hospitalisation des malades, des infirmes et des aliénés ou l'éducation ou l'instruction des infirmes fussent soumis à. la loi moyennant une réglementation particulière du repos hebdomadaire. Il était appuyé par l'alliance suisse des gardes-malades, l'association suisse de gardes pour accouchées et nourrissons, l'association suisse des infirmières pour maladies nerveuses ou mentales, la fédération suisse du personnel des services publics, l'association catholique suisse des gardes-malades et la société suisse d'hygiène. Ce mémoire mérite certainement d'être considéré avec une entière sympathie. Malheureusement nous devons nous demander si la constitution permet d'en tenir compte dans le présent projet. En effet, d'après le texte de l'article 34ter et l'interprétation-qui en est donnée, il est douteux que la Confédération ait le droit de légiférer en ce qui
concerne les établissements, publics ou d'utilité publique, destinés au traitement des malades. Tout au plus pourrait-on lui reconnaître cette compétence à l'égard des établissements privés qui, conformément à l'article 865 du code des obligations, exercent « en la forme commerciale une industrie quelconque ». Mais ils ne pourraient être assujettis à la loi que s'ils rentraient dans «les branches économiques similaires ». Toutefois cette solution ne serait pas satisfaisante puisqu'elle ne ferait bénéficier de la loi qu'une toute petite partie du personnel infirmier. Une réglementation uniforme serait certainement préférable à cette solution partielle qui, par elle-même, ne rendrait guère service à la question dans son ensemble. Toutefois, cette réglementation uniforme ne pouvant pas être obtenue par la voie du projet actuel, il a paru plus clair

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d'excepter expressément du champ d'application les gardes-malades. Mais le problème subsiste comme tel et il s'agira de le résoudre par d'autres moyens. On peut songer en toute première ligne à des règles uniformes établies par une entente à l'amiable. D'autre part, on peut se demander s'il n'y aurait pas lieu de tirer la situation au clair en étendant les attributions constitutionnelles de la Confédération.

Article 2. -- Suivant le texte du projet, sont considérées comme travailleurs toutes les personnes (hommes et femmes) occupées par l'employeur, qu'il s'agisse d'ouvriers, d'employés, d'apprentis ou de volontaires. Les exceptions vont de soi et ne nécessitent aucun commentaire.

Article 3. -- Ainsi qu'on l'a vu à propos de l'article premier, il pourra être avant tout nécessaire et indiqué de mieux tracer, par voie d'ordonnance, la ligne de démarcation entre les domaines soumis à la loi et ceux qui ne le sont pas. En vertu de l'article 27, le droit d'édicter les ordonnances appartient au Conseil fédéral.

Ce droit pourra s'exercer également à propos de l'article 2; en effet le besoin pourra notamment se faire sentir de préciser ce que la lettre c) entend par « les personnes chargées d'un poste de confiance élevé ».

Article 4. -- D'après la loi sur les fabriques, l'assujettissement d'un établissement n'est prononcé qu'une fois remplies toutes les formalités requises. Le projet n'a pas repris ce système. Il ne paraît pas nécessaire de prévoir toute une procédure d'assujettissement pour chaque établissement tombant sous le coup de la loi. On pourra fort bien s'en passer en pratique.

Mais il y aura toujours des cas douteux et cela même après qu'une ordonnance du Conseil fédéral aura tracé la ligne de démarcation entre les établissements soumis ou non soumis à la loi. Et c'est à ces cas que s'appliquera l'article 4. Il sera préférable, en règle générale, de procéder conformément à cet article avant le dépôt de plaintes pénales. Mais il pourra se faire qu'au cours d'une poursuite pénale on soit dans le doute sur la questionne savoir si l'établissement visé est soumis à la loi ou non. Dans ce cas, le juge pénal introduira, pour élucider la question d'assujettissement, la procédure prévue par l'article 4 et, en attendant, suspendra la poursuite pénale. C'est intentionnellement que le projet parle des
« cas douteux ». Car, dans les cas où il ne peut y avoir doute et où l'application de la loi est contestée d'une manière abusive, les autorités et le juge doivent passer outre à l'opposition.

Une association du personnel a demandé que la procédure de l'article 4 fût ouverte lorsque, dans un établissement assujetti, il pourrait paraître douteux que la loi s'applique à un travailleur donné. C'est aller trop loin, et ce serait surcharger inutilement les autorités qui ont à décider de l'assujettissement. D'autre part, comme le droit réservé au Conseil fédéral d'édicter des ordonnances pourra s'exercer également à l'égard de l'article 2,

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ce sera le moyen de dissiper les doutes et de combler les lacunes. Tout le reste doit être laissé à la décision du juge.

2. -- DURÉE DU EEPOS

Le présent chapitre renferme les dispositions déterminant la durée du repos hebdomadaire et la période avec laquelle il doit coïncider. Il se subdivise en deux sous-chapitres; le premier (art. 5 à 13) renferme les dispositions générales et le second (art. 14 à 21) les dispositions particulières aux hôtels, restaurants et débits de boissons.

a. -- DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 5. -- Tout le monde reconnaît que le repos hebdomadaire doit comprendre au minimum vingt-quatre heures consécutives. Ce principe ne nécessite donc pas de plus longues explications. Il y aura lieu cependant de tenir compte de certaines circonstances spéciales; l'alinéa 2 fait les réserves nécessaires.

Articles 6 et 7. -- Le repos hebdomadaire doit, en principe, coïncider avec le dimanche. Sont exceptés les cas dans lesquels le travail du dimanche est imposé par la nature même des choses et est autorisé par le droit fédéral ou le droit cantonal. Le travail du dimanche doit être compensé par un repos accordé un jour ouvrable, et ce repos doit coïncider, chaque année, avec un certain nombre minimum de dimanches ou jours fériés. L'article 7 renferme les dispositions de détail.

Article 8. -- Certaines circonstances spéciales peuvent nécessiter la réduction ou la suppression temporaires du repos hebdomadaire. D'où l'article 8. Il ne s'agira pas forcément de circonstances imprévues. Certaines d'entre elles même seront connues d'avance. Ce sera souvent le cas des matières et marchandises qu'il faut préserver de l'altération. De même pour certains surcroîts de travail (p. ex. en vue des jours de fête). Cependant, en exigeant qu'un repos compensateur soit accordé à un autre moment, le projet offre toutes les craranties voulues.

Article 9. -- En dehors des exceptions prévues par l'article 8 et qui n'ont qu'un caractère temporaire, il est certains cas exigeant que des dérogations permanentes soient apportées au principe d'un repos minimum de vingtquatre heures consécutives. Ces dérogations consisteront en une réduction plus étendue ou en un mode de répartition différent de la période de repos.

Il s'agira moins, en règle générale, d'établissements entiers, que de certains travaux effectués dans l'établissement et qui, par leur nature, exigent précisément ces dérogations. Mais la loi ne peut pas définir tous les cas de ce genre. Le projet se borne donc à énumérer les plus importants d'entre eux à titre d'exemple et à réclamer, pour le surplus, l'existence de « motifs

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impérieux ». Il appartiendra au Conseil fédéral d'édicter des dispositions plus précises par voie d'ordonnance. Il examinera alors s'il ne faudrait pas autoriser, sous certaines réserves, les intéressés, c'est-à-dire le patron et ses employés, à convenir entre eux de la répartition du repos. Non pas qu'il leur serait licite de modifier en quoi que ce soit la durée du repos fixé par la loi. Tout ce qu'ils pourraient faire serait d'adopter, d'un commun accord et lorsque la loi ne leur en offre pas déjà le moyen, un mode de répartition du repos hebdomadaire convenant mieux aux besoins de l'établissement que celui fixé par le législateur.

Article 10. -- La coutume est d'accorder aux travailleurs occupés le dimanche le temps nécessaire pour se rendre au service divin. D'autre part, il faut partir de l'idée que les travailleurs font preuve d'une juste ·compréhension des besoins de l'établissement.

Article 11. -- Cet article se justifie par le fait que lorsque le travailleur vit dans le ménage de l'employeur, le logement et l'entretien font partie ·du salaire.

Article 12. -- La loi entend garantir le repos nécessaire à la santé et au développement des capacités intellectuelles, morales et physiques des travailleurs. On peut donc leur demander de ne pas détourner ce repos ·de sa destination et leur interdire d'effectuer pour autrui, pendant cette période, un travail rentrant dans leur profession. En même temps, c'est .garantir à l'employeur que son personnel n'exécutera pas, au cours du repos, un travail pouvant lui porter préjudice.

Article 13. -- II n'est pas admissible, en principe, que l'allocation d'une :somme d'argent soit substituée au repos hebdomadaire. Mais il peut arriver que ce repos n'ait pas pu être accordé pendant la durée de l'engagement.

Dans ce cas une indemnité en espèces doit être versée au travailleur à titre de compensation. Son montant se détermine d'après le salaire en tenant compte, s'il y a lieu, de la contre-valeur représentée par le logement et l'entretien; demeurent réservés tous gains accessoires réalisés dans l'exercice de la profession, tels que gratifications, pourboires qui sont gérés par l'employeur ou son représentant. Cette indemnité ne doit être versée qu'à la condition que la fin du contrat de travail soit due à une cause d'extinction légalement reconnue. Elle
n'aura donc pas à l'être si l'employeur est prêt à exécuter le contrat et si celui-ci est résilié prématurément à raison -d'une faute de l'employé, sur sa demande ou pour quelque autre motif n'engageant pas la responsabilité de l'employeur.

b. -- DISPOSITIONS PARTICULIÈRES AUX HOTELS, RESTAURANTS · ET DÉBITS DE BOISSONS

Les conditions particulières dans lesquelles s'exploitent les hôtels, .restaurants et débits de boissons nécessitent une réglementation spéciale,

530

même si l'on n'entend pas porter atteinte au principe d'un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures. En effet, la plupart de ces établissement» dépendent dans une très large mesure du mouvement touristique qui, lui-même, est étroitement lié aux saisons, et, en général, le dimanche est pour eux le principal jour d'activité. Ainsi que le personnel lui-même le reconnaît, ces établissements se trouvent dans une situation spéciale dont il importe de tenir compte, sous peine de compromettre l'existence de l'ensemble de cette industrie et, en même temps, des travailleurs qu'elle emploie.

Article 14. -- Cet article donne la définition légale des « hôtels, restaurants et débits de boissons» et détermine ainsi la catégorie d'établissements qui tombent sous le coup des articles 15 à 21.

Pour ce qui est des hôtels (lettre a), la définition s'inspire de celle donnée par la loi fédérale du 16 octobre 1924 restreignant la construction et l'agrandissement d'hôtels. Il ne faudrait cependant pas en conclure -- et cela résulte déjà des buts différents visés par les deux lois -- que dans les deux cas le champ d'application soit absolument le même. D'après le présent projet il doit s'agir d'un établissement proprement dit. Celui-ci doit être destiné à loger des personnes, à tenir des chambres à leur disposition, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il leur est également servi des aliments et des boissons. Le logement doit être fourni contre paiement et constituer la principale destination de l'établissement. Il ne suffirait donc pas qu'il n'en soit que la destination accessoire comme cela se rencontre dans d'autres établissements qui logent également les personnes, mais dont la nature se détermine d'après d'autres caractéristiques. Rentrent, par exemple, dans la définition de l'article 14, lettre a), les hôtels de tous ordres, les pensions de tous genres, c'est-à-dire les établissements qui, à l'encontre des hôtels de passage, fournissent, de préférence pour une certaine durée, le logement aux personnes et aux familles qui y descendent. Il en est de même des établissements de cure, des sanatoriums, des maisons de convalescence et établissements analogues. Par contre, la définition n'englobe pas la simple location de chambres et d'appartements et l'acceptation de personnes vivant dans une famille comme pensionnaires.
En ce qui concerne les restaurants et débits de boissons (lettre 6), la condition primordiale est qu'il s'agisse également d'un établissement.

Mais cet établissement n'est pas destiné à loger la clientèle; il lui sert des aliments ou des boissons qui doivent être consommés sur place, contre rémunération. Ces éléments se trouvent réunis, par exemple, dans tous.

· les restaurants et débits de boissons -- peu importe qu'il s'agisse de boissons alcooliques ou non --, dans les confiseries, pâtisseries et autres établissements analogues qui servent même des boissons et où les produits sont consommés sur place, dans les cercles, cantines et pensions alimentaires.

531

Ces deux genres d'établissements peuvent se combiner. Cependant l'établissement qui fournit des aliments et des boissons ne deviendrait pas un hôtel de par le seul fait qu'il lui arriverait de loger, de temps en temps, quelques hôtes pour une nuit. Ou inversement, un hôtel qui sert des boissons aux repas ne se transforme pas par là même en un débit de boissons.

Par contre l'hôtel qui débite à toute heure, à tout venant (hôtes ou non), des aliments et des boissons présente en plus les caractéristiques du restaurant et du débit de boissons ; de nombreux hôtels de ce genre ont même des locaux spéciaux desservis par un personnel spécial pour les personnes qui ne sont pas descendues chez eux.

L'article 4 s'appliquera dans les cas où des doutes s'élèveront à propos de l'assujettissement dans un cas donné. De plus, une ordonnance du Conseil fédéral (art. 3) pourra fixer des critères permettant de faire la distinction d'une manière plus précise.

Article 15. -- Les hôtels, restaurants et débits de boissons sont également soumis à la règle générale en vertu de laquelle tout travailleur doit jouir d'un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures consécutives au moins, et cette règle doit s'appliquer dans toute la mesure où des circonstances spéciales ne justifient pas certaines exceptions prévues par les dispositions suivantes.

Article 16 et 17. -- Pour les établissements qui ne sont ouverts que pendant une ou deux saisons par année, ainsi que pour toute une série d'autres entreprises de l'industrie hôtelière, les quelques semaines de la pleine saison doivent leur permettre de couvrir leurs frais et d'assurer le service des intérêts de l'année entière. Pendant cette courte période, il est impossible de donner, chaque semaine, aux employés une journée de congé -- il faut songer notamment à certains postes, comme celui de cuisinier, qui parfois sont desservis par un seul titulaire --, sans augmenter l'effectif du personnel ou se procurer des remplaçants, ce qui non seulement entraînerait des frais excessifs, mais serait encore impraticable dans les nombreux cas où l'on manque de personnel de remplacement suffisamment formé. Il a donc fallu prévoir une réglementation spéciale, qui fait l'objet des articles 16 et 17. Cette réglementation tient compte des besoins de l'établissement et des intérêts de ses
employés. Elle est le résultat d'une entente intervenue entre les parties et se passe par conséquent de commentaires plus détaillés.

Article 18. -- Cet article règle le repos du dimanche dans les établissements ouverts toute l'année. Il s'agit de la question à laquelle il a été fait allusion à la page 519 et au sujet de laquelle les employeurs et les employés n'ont pas pu aboutir à un accord complet.

Pour beaucoup d'établissements de la ville et de la campagne, et notamment pour les cafés et restaurants, le dimanche est parfois le jour où la clientèle est la plus forte; les recettes sont bien souvent égales, si ce

.532 n'est supérieures, au total des recettes du reste de la semaine. L'intérêt des hôtes, de l'établissement et du personnel exige donc que ce dernier reste à son poste ce jour-là. Mais, de l'autre côté, il paraît équitable de garantir à ces employés un nombre minimum de repos tombant le dimanche.

La présente disposition s'inspire de ces diverses considérations. Elle prescrit que, dans les établissements ouverts toute l'année, le repos doit, pour chaque travailleur dont le contrat de travail est d'une durée supérieure à six mois, tomber au moins quatre fois, par demi-année, un dimanche ou un jour de fête officielle. Et, pour tenir compte encore plus spécialement des besoins des cafés et restaurants, le projet stipule que cette disposition n'est pas applicable aux travailleurs qui jouissent, au cours d'une année, de huit jours de vacances dont deux au moins tombent un dimanche ou un jour de fête officielle. (2e al., lettre 6).

Les associations du personnel ont accepté cette réglementation.

Il en fut de même de la société suisse des hôteliers. Par contre, la société suisse des cafetiers se déclara adversaire de toute obligation légale de faire coïncider un certain nombre de jours de repos avec le dimanche, estimant qu'il serait impossible de se conformer à une pareille obligation. A quoi l'on peut répondre qu'avec un peu de bonne volonté il ne paraît, au contraire, pas difficile d'accorder quatre dimanches de congé par demi-année.

En effet, l'employeur peut fixer les dimanches qui lui conviennent, et il se trouve toujours au cours d'une période de six mois des époques où les promeneurs sont moins nombreux et où les restaurants et cafés sont moins fréquentés le dimanche. De plus, la disposition en question n'est pas applicable aux travailleurs qui bénéficient de huit jours de vacances au cours d'une année. Ces huit jours de vacances peuvent être accordés sans aucune difficulté pendant les jours tranquilles de la semaine -- ce qui est déjà bien souvent le cas -- et il n'est nullement demandé qu'ils se suivent sans interruption. Tout ce que le projet exige c'est que deux de ces jours coïncident avec un dimanche ou une fête officielle. Il en résulte que l'employeur qui donne ces huit jours de vacances n'aura à faire coïncider que deux fois avec un dimanche (ou un jour de fête officielle) le repos
hebdomadaire de ses employés. Il ne paraît pas que cette solution impose de trop lourds sacrifices aux cafetiers, et l'on peut espérer qu'ils finiront par s'y rallier.

Article 19. -- Mais il est encore d'autres circonstances qui nécessitent une réglementation particulière. C'est tout d'abord le cas des petits établissements, notamment des établissements de la campagne destinés avant tout à la population de la localité ou de la région. La semaine, ils sont très peu fréquentés pendant la plus grande partie de la journée, et le plus clair de la durée du travail consiste, pour le personnel, à se tenir à la disposition d'une clientèle éventuelle. C'est pourquoi la lettre a) prévoit que le repos hebdomadaire pourra s'élever, par période de quatre semaines, à trois fois une demi-journée et une fois une journée entière d'une durée

533 de vingt-quatre heures consécutives au moins: II en sera de'même des. cas; où le fonctionnement régulier, la surveillance,ou la garde de l'établissement jles soins à donner aux animaux ou d'autres motifs impérieux nécessitent' des exceptions spéciales (lettre 6). Enfin, les circonstances peuvent justifier une autre répartition du repos hebdomadaire que celle prévue par là l o i (lettre c).

. . ' . · ' La réglementation de détail est laissée au Conseil fédéral. Il aura notamment à préciser la notion de « petits établissements » et les conditions" d'application de la lettre c). Tout comme pour'l'article 9, il y aura lieu d'examiner aussi s'il ne conviendrait pas d'autoriser le chef d'établissement et ses employés à convenir entre eux d'un autre mode de répartition du: repos hebdomadaire que celui fixé par la loi (v. p.' 528 et 529).

Article 20. -- Cette définition, à laquelle les associations du personnel se sont également ralliées, permet, malgré la demi-journée de repos, que, l'employé fasse son service à l'un des deux repas principaux.

.

· Article 21. -- II s'agit ici de quelques dispositions d'ordre général dont l'application va de soi.

3. -- DISPOSITIONS PÉNALES

Articles 22 à 26. -- Les dispositions pénales correspondent à celles insérées dans les lois fédérales de même nature.

4. -- EXÉCUTION

Article 27. -- Ainsi qu'on l'a vu plus haut, des dispositions d'exécution devront notamment être édictées dans les cas prévus .par les articles.! et 2 (art. 3), 9 et 19. Mais il y aura encore d'autres détails qu'il paraît préférable de ne pas régler dans la loi elle-même. En effet, les circonstances peuvent changer et la modification d'un texte de loi se heurte toujours à certaines difficultés, tandis qu'une ordonnance peut plus facilement s'adapter à tous les besoins. Il va de soi que les gouvernements cantonaux et les associations professionnelles intéressées seront consultés avant l'élaboration de l'ordonnance.

L'exécution de. la loi et des dispositions d'exécution est affaire des cantons. La Confédération se réserve le droit de haute surveillance ; l'alinéa 3 de l'article 27 permettra de prendre toutes les mesures destinées à. assurer une surveillance effective.

5. -- DISPOSITIONS FINALES

'

v

:

Article 28. -- Du côté patronal, on a demandé, en vue d'assurer une réglementation uniforme sur l'ensemble du territoire de la Confédération, que toutes .les dispositions cantonales contraires aux prescriptions fédéFeuïlle fédérale, 82e année. Vol. I.

43

534

raies fussent abrogées. Par contre, du côté des employés, on a insisté pour que les dispositions cantonales accordant une protection plus étendue fussent maintenues en vigueur. Conformément au principe constitutionnel d'après lequel le droit fédéral a le pas sur le droit cantonal, le premier alinéa de l'article 28 déclare que les dispositions cantonales sur le repos hebdomadaire dans les établissements soumis au projet sont abrogées.

H a fallu cependant faire une réserve pour les cas où des dispositions de portée plus étendue résultent de la législation cantonale sur la durée du travail (art. 28, 2e al.). En effet, la réglementation du repos hebdomadaire et la réglementation de la durée du travail sont alors si intimement liées qu'il est impossible de les séparer sans devoir en même temps modifier les dispositions sur la durée du travail. Mais cette réserve ne s'applique qu'aux lois cantonales existant actuellement et n'est valable que pour une durée de cinq ans. On est en effet parti de l'idée que, dans l'intervalle, une loi fédérale aura réglé la durée du travail dans les établissements qui, sur ce point, sont encore restés en dehors de la législation fédérale.

Article 29. -- II est possible que l'entrée en vigueur immédiate et, simultanée de la loi se heurte dans bon nombre d'établissements à certaines difficultés. C'est pourquoi l'article 29 stipule que le Conseil fédéral peut prévoir pour certaines branches économiques une période transitoire convenable.

En vous recommandant l'adoption du projet de loi ci-après nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 27 mai 1930.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MUSY.

Le chancelier de la Confédération, KAESLIN.

Annexes : I. Projet de loi.

II. Convention internationale et recommandation.

535 Annexe I.

(Projet)

Loi fédérale sur le repos hebdomadaire L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 34fer de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 27 mai 1930, arrête : I. -- CHAMP D'APPLICATION

'

Article premier.

Les dispositions de la présente loi s'appliquent aux établissements publics; et privés: a) du commerce, , b) de la petite et de la grande industrie, en tant que les dispositions, de la loi fédérale sur le travail dans les fabriques ne leur sont pas applicables, c) de l'industrie des transports et communications; demeurent réservées la loi fédérale sur la durée du travail dans l'exploitation, des chemins de fer et autres entreprises de transport et de communications et la loi fédérale sur le statut des fonctionnaires, d) des branches économiques similaires.

Ne sont pas soumis à la présente loi l'agriculture, la sylviculture, l'économie domestique, le service de garde-malades, ainsi que les établissements de caractère public ou d'utilité publique servant aux arts, à la science, à l'éducation ou à l'enseignement.

Art. 2.

Sont réputées .travailleurs au sens de la présente loi toutes les personnes employées par le chef d'un établissement soumis à la loi, que ce soit dans

W Art. 7.

· Le repos des travailleurs occupés régulièrement le dimanche est donné un jour ouvrable.

Lorsque le travail du dimanche dure plus de quatre heures, le repos compensateur accordé un jour ouvrable doit être de vingt-quatre heures consécutives au moins ; lorsqu'il ne dure pas plus de quatre heures, le repos compensateur doit être au moins égal à la moitié d'une journée de travail et précéder ou suivre immédiatement le repos ordinaire.

Le repos hebdomadaire doit tomber au moins une fois en trois semaines un dimanche ou un jour de fête officielle.

Art. 8.

Le repos hebdomadaire peut être temporairement réduit ou supprimé lorsque cela est nécessaire pour parer ou remédier à de graves perturbations dans l'exploitation, pour prévenir l'altération de matières ou de marchandises, pour écarter quelque autre péril ou pour faire face à un surcroît extraordinaire de travail.

Dans tous ces cas, un repos compensateur d'une durée égale au repos supprimé ou à sa réduction sera donné à un autre moment.

Art. 9.

Le repos hebdomadaire peut être encore réduit ou réparti d'une autre manière lorsque cela est nécessaire pour le fonctionnement régulier, la surveillance ou la garde de l'établissement, l'approvisionnement en produits alimentaires, les soins à donner aux animaux ou d'autres motifs impérieux.

Une ordonnance réglera le détail.

Art. 10.

Les travailleurs occupés le dimanche doivent disposer du temps nécessaire pour remplir leurs devoirs religieux.

: Art. 11. ' Les travailleurs auxquels le chef d'établissement fournit l'entretien et le logement demeurent, durant le repos, au bénéfice de ces prestations à la condition de se conformer à l'ordre de la maison.

Art. 12.

Il est interdit aux travailleurs d'exécuter pour le compte d'autrui, pendant le repos, un travail rentrant dans leur profession.

538

Art. 13.

Le travailleur qui, à la fin de son engagement, a encore droit à un repos compensateur recevra une indemnité dont le montant se détermine d'après son salaire, le cas échéant, d'après la rémunération représentée par le logement et l'entretien. Il ne pourra réclamer aucune indemnité lorsque l'engagement aura été prématurément résilié sur sa demande, ou à raison d'une faute de sa part, ou pour quelque autre motif n'engageant pas la responsabilité de l'employeur.

Hors ces cas, le repos ne doit pas être compensé par une prestation en argent.

2. -- DISPOSITIONS APPLICABLES AUX HOTELS, RESTAURANTS ET DÉBITS DE BOISSONS

Art. 14.

Les dispositions suivantes s'appliquent: a) aux établissements fournissant professionnellement le logement à leur clientèle (hôtels de tous ordres, pensions), 6) aux établissements servant, contre paiement, des aliments ou des boissons à consommer sur place (restaurants et débits de boissons de tous genres).

Art. 15.

Sous réserve des dispositions suivantes, un repos de vingt-quatre heures consécutives au moins doit être accordé chaque semaine aux travailleurs.

Art. 16.

Les ' établissements qui sont soumis aux fluctuations saisonnières ou qui ne sont ouverts que pendant une ou deux saisons par année peuvent, durant leur période de pleine activité, mais au maximum pendant huit semaines par saison, réduire le repos hebdomadaire à une demi-journée.

Cette demi-journée peut, au cours de chaque période de quatorze jours, être supprimée pendant l'une des deux semaines, à la condition qu'il soit accordé, pendant l'autre semaine, deux demi-journées ou vingt-quatre heures consécutives de repos.

Art. 17.

Les établissements ouverts toute l'année qui font usage de la faculté prévue par l'article 16 doivent accorder, sous la forme d'un repos hebdomadaire prolongé ou de repos groupés, un repos compensateur d'une durée égale à la réduction.

Les autres établissements ne sont tenus de donner un repos compensateur que dans la mesure où, par application de l'article 16, ils réduisent

539

le repos hebdomadaire à une demi-journée pendant plus de six semaines par saison.

Art. 18.

Dans les établissements ouverts toute l'année, le repos doit, pour chaque travailleur, tomber au moins quatre fois par demi-année un dimanche ou un jour de fête officielle.

La présente disposition ne s'applique pas: a) aux contrats de travail d'une durée inférieure à six mois, 6) au personnel des établissements visés par l'article 14, lettre b), qui jouit, au cours d'une année, de huit jours de vacances dont deux au moins tombent un dimanche ou un jour de fête officielle.

Art. 19.

D'autres exceptions peuvent être autorisées: a) afin de permettre aux petits établissements de donner un repos hebdomadaire comprenant, par période de quatre semaines, trois demi-journées et une journée entière de vingt-quatre heures consécutives au moins; 6) dans les cas où cela est nécesaire pour le fonctionnement régulier, la surveillance ou la garde de l'établissement, les soins à donner aux animaux ou d'autres motifs impérieux; c) en vue de permettre, à titre exceptionnel, une autre répartition du repos prescrit par la loi.

Une ordonnance réglera le détail.

Art; 20.

Est réputée demi-journée de repos, au sens des articles 16 et 19, la période comprise entre la fin du repos de nuit et 12 heures, ou entre 14 heures et le commencement du repos de nuit, ou toute autre période de sept heures consécutives comprises entre la fin et le commencement du repos de . nuit.

Art. 21.

Les dispositions des articles 8 et 10 à 13 sont également applicables.

III. -- DISPOSITIONS PÉNALES

Art. 22.

Sont passibles d'une amende de dix à cinq cents francs: a) l'employeur ou la personne responsable de la direction de l'établissement qui n'accordent pas aux travailleurs soumis à la présente loi le repos prescrit par les articles 5 à 10 et 14;

040

6) le travailleur qui exécute pour le compte d'autrui, pendant le repos hebdomadaire, un travail rentrant dans sa profession (art. 12).

Si le délinquant a agi par négligence, l'amende sera de cent francs au maximum.

Art. 23.

Les contraventions se prescrivent par un an à compter du jour où elles ont été commises, et les peines par cinq ans dès le jour où la condamnation a acquis force de chose jugée.

Art. 24.

Sauf prescription contraire de la présente loi, les dispositions générales du code pénal fédéral sont applicables.

Art. 25.

La poursuite des contraventions incombe aux cantons.

Art. 26.

Le Conseil fédéral peut demander que les décisions rendues définitivement par les autorités judiciaires ou administratives des cantons soient communiquées sans frais à l'office désigné par lui. Il peut se pourvoir en cassation conformément aux articles 161 et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale.

IV. -- EXECUTION

Art. 27.

Le Conseil fédéral édicté les ordonnances et dispositions d'exécution prévues par la présente loi. Les gouvernements cantonaux et les associations professionnelles intéressées doivent être consultés au préalable.

L'application de la loi et de ses ordonnances incombe aux cantons.

Les gouvernements cantonaux désignent les autorités cantonales chargées de l'exécution.

Le Conseil fédéral exerce la haute surveillance et prend les mesures nécessaires à cet effet.

V. -- DISPOSITIONS FINALES

Art. 28.

Les dispositions cantonales sur le repos hebdomadaire dans les établissements soumis à la présente loi sont abrogées.

541

. Demeurent réservées pour une durée de cinq ans les dispositions de portée plus étendue découlant de la réglementation actuelle de la durée du travail par les cantons.

Art. 29.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

H peut prévoir pour certaines branches économiques une période transitoire convenable.

542 Annexe II.

Projet de convention concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements industriels.

La conférence générale de l'organisation internationale du travail de la Société des Nations, Convoquée à Genève par le conseil d'administration du bureau international du travail, et s'y étant réunie le 25 octobre 1921, en sa troisième session, Après avoir décidé d'adopter diverses propositions relatives au repos hebdomadaire dans l'industrie, question comprise dans le septième point de l'ordre du jour de la session, et Après avoir décidé que ces propositions prendraient la forme d'un projet de convention internationale, adopte le projet de convention ci-après à ratifier par les membres de l'organisation internationale du travail, conformément aux dispositions de la partie XIII du traité de Versailles et des parties correspondantes des autres traités de paix: Article premier.

Pour l'application de la présente convention, seront considérés comme « établissements industriels » : a) Les mines, carrières et industries extractives de toute nature; 6) Les industries dans lesquelles des produits sont manufacturés, modifiés, nettoyés, réparés, décorés, achevés, préparés pour la vente, ou dans lesquelles les matières subissent une transformation, y compris la construction des navires, les industries de démolition de matériel, ainsi que la production, la transformation et la transmission de la force motrice en général et de l'électricité; c) La construction, la reconstruction, l'entretien, la réparation, la modification ou la démolition de tous bâtiments et édifices, chemins de fer, tramways, ports, docks, jetées, canaux, installations pour la navigation inté-

543

rieure, routes, tunnels, ponts, viaducs, égouts collecteurs, égouts ordinaires, puits, installations téléphoniques ou télégraphiques, installations électriques, usines à gaz, distribution d'eau, ou autres travaux de construction, ainsi que les travaux de préparation et de fondation précédant les travaux ci-dessus ; d) Le transport de personnes ou de marchandises par route, voie ferrée ou voie d'eau intérieure y compris la manutention des marchandises dans les docks, quais, wharfs et entrepôts, à l'exception du transport à la main.

L'énumération ci-dessus est faite sous réserve des exceptions spéciales d'ordre national prévues dans la convention de Washington tendant à limiter à huit heures par jour et à quarante-huit heures par semaine le nombre des heures de travail dans les établissements industriels, dans la mesure où ces exceptions sont applicables à la présente convention.

En sus de rénumération qui précède, s'il est reconnu nécessaire, chaque membre pourra déterminer la ligne de démarcation entre l'industrie d'une part, le commerce et l'agriculture d'autre part.

Article 2.

Tout le personnel occupé dans tout établissement industriel, public ou privé, ou dans ses dépendances, devra, sous réserve des exceptions prévues dans les articles ci-après, jouir au cours de chaque période de sept jours, d'un repos comprenant au minimum vingt-quatre heures consécutives.

Ce .repos sera accordé autant que possible en même temps à tout le personnel de chaque établissement.

Il coïncidera, autant que possible, avec les jours consacrés par la tradition ou les usages du pays ou de la région.

Article 3.

Chaque membre pourra excepter de l'application des dispositions de l'article 2 les personnes occupées dans les établissements industriels dans lesquels sont seuls employés les membres d'une même famille.

Article 4.

Chaque membre peut autoriser des exceptions totales ou partielles (y compris des suspensions et des diminutions de repos) aux dispositions de l'article 2, en tenant compte spécialement de toutes considérations économiques et humanitaires appropriées et après consultation des associations qualifiées des employeurs et,des ouvriers, là où il en existe.

544

Cette consultation ne sera pas nécessaire dans le cas 'd'exceptions qui auront été déjà accordées par l'application de la législation en vigueur.

Article 5.

Chaque membre devra autant que possible établir des dispositions prévoyant des périodes de repos en compensation des suspensions ou des diminutions accordées en vertu de l'article 4, sauf dans les cas où les accords ou les usages locaux auront déjà prévu de tels repos.

Article 6.

Chaque membre établira une liste des exceptions accordées conformément aux articles 3 et 4 de la présente convention et la communiquera au bureau international du travail. Chaque membre communiquera ensuite, tous les deux ans, toutes les modifications qu'il aura apportée à cette liste.

Le bureau international du travail présentera un rapport à ce sujet à la conférence générale de l'organisation internationale du travail.

Article 7.

En vue de faciliter l'application des dispositions de la présente convention, chaque patron, directeur ou gérant sera soumis aux obligations ciaprès : a) faire connaître, dans le cas où le repos hebdomadaire est donné collectivement à l'ensemble du personnel, les jours et heures de repos collectif au moyen d'affiches apposées d'une manière apparente dans l'établissement ou en tout autre lieu convenable ou selon tout autre mode approuvé par le gouvernement; b) faire connaître, lorsque le repos n'est 'pas donné collectivement à l'ensemble du personnel, au moyen d'un registre dressé selon le mode approuvé par la législation du pays ou par un règlement de l'autorité compétente, les ouvriers ou employés soumis à un régime particulier de repos et indiquer ce régime.

Article 8.

Les ratifications officielles de la présente convention dans les conditions prévues à la partie XIII du traité de Versailles et aux parties correspondantes des autres traités de paix seront communiquées au secrétaire général de la Société des Nations et par lui enregistrées.

Article 9.

La présente convention entrera en vigueur dès que les ratifications de deux membres de l'organisation internationale du travail auront été enregistrées - par le secrétaire général.

545

Elle ne liera que les membres dont la ratification aura été enregistrée au secrétariat.

Par la suite, cette convention entrera en vigueur pour chaque membre à la date où sa ratification aura été enregistrée au secrétariat.

Article 10.

Aussitôt que les ratifications de deux membres de l'organisation internationale du travail auront été enregistrées au secrétariat, le secrétaire général de la Société des Nations notifiera ce fait à tous les membres de l'organisation internationale du travail. Il leur notifiera.également l'enregistrement des ratifications qui lui seront ultérieurement communiquées par tous autres membres de l'organisation.

Article 11.

Tout membre qui ratifie la présente 'convention s'engage à appliquer les dispositions des articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 au plus tard le 1er janvier 1924 et à prendre telles mesures qui seront nécessaires pour rendre effectives ces dispositions.

Article 12.

Tout membre de l'organisation internationale du travail qui ratifie la présente convention s'engage à l'appliquer à ses colonies, possessions et protectorats, conformément aux dispositions de l'article 421 du traité de Versailles et des articles correspondants des autres traités de paix.

Article 13.

Tout membre ayant ratifié la présente convention peut la dénoncer à l'expiration d'une période de dix années après la date de là mise en vigueur initiale de la convention par un acte communiqué au secrétaire général de la Société des Nations et par lui enregistré. La dénonciation ne prendra effet qu'une année après avoir été enregistrée au secrétariat.

Article 14.

Le conseil d'administration du bureau international du travail devra, au moins une fois tous les dix ans, présenter à la conférence générale un rapport sur l'application de la présente convention et décidera s'il y a lieu d'inscrire à l'ordre du jour de la conférence la question dé la revision ou de la modification de ladite convention.

Article 15.

Les textes français et anglais de la présente convention feront foi l'un et l'autre.

646

Becommandation concernant l'application du repos hebdomadaire dans les établissements commerciaux.

La conférence générale de l'organisation internationale du travail de la Société des Nations, Convoquée à Genève par le conseil d'administration du bureau international du travail, et s'y étant réunie le 25 octobre 1921, en sa troisième session, Après avoir décidé d'adopter diverses propositions relatives au repos hebdomadaire dans le commerce, question comprise dans le septième point de l'ordre du jour de la session, et Après avoir décidé que ces propositions prendraient la forme d'une recommandation, adopte la recommandation ci-après, à soumettre à l'examen des membresde l'organisation internationale du travail en vue de lui faire porter effet sous forme de loi nationale ou autrement, conformément aux dispositions, de la partie XIII du traité de Versailles et des parties correspondantes, des autres traités de paix: La conférence générale recommande: I.

Que chaque membre de l'organisation internationale du travail prenne des mesures pour que, dans tous les établissements commerciaux, publics, ou privés, ou dans leurs dépendances, le personnel puisse, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe suivant, jouir au cours de chaque période de sept jours d'un repos comprenant au minimum vingt-quatreheures consécutives.

La conférence recommande que ce repos soit, autant que possible, accordé en même temps à tout le personnel de chaque établissement et fixé aux jours consacres par la tradition ou les usages du pays ou de la.

région.

' 547 II.

Que chaque membre prenne toutes dispositions utiles en vue de l'application de la présente recommandation, et notamment en vue de définir les exceptions qu'il pourra juger nécessaires.

Le cas échéant, la conférence recommande que chaque membre dresse une liste des exceptions qu'il aura reconnues nécessaires.

III.

Que chaque membre communique au bureau international du travail la liste des exceptions accordées en vertu du paragraphe II, et, par la suite» tous les deux ans, toutes modifications qu'il apporterait à cette liste, afin que le bureau international du travail présente un rapport à ce sujet à.

la conférence générale de l'organisation internationale du travail.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi fédérale sur le repos hebdomadaire. (Du 27 mai 1930.)

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Jahr

1930

Année Anno Band

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22

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2577

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

28.05.1930

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503-547

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