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FEUILLE FÉDÉRALE 82e année

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Berne, le 3 septembre 1930

Volume n

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 72 de la constitution (base électorale du Conseil national).

(Du 2 septembre 1930.)

Monsieur le Président et Messieurs, En date du 26 juin dernier, le Conseil national a adopté, sur les propositions de MM. Guntli et Klöti, les deux postulats ci-après: Postulat Guntli: « Le Conseil fédéral est invité à présenter, avec un rapport à l'appui, une proposition de revision de l'article 72 de la constitution (élection du Conseil national) tendant: soit à augmenter dans une mesure appropriée le chiffre de base actuel de 20,000 âmes de la population totale, soit à prendre pour base la population de nationalité suisse. » Postulat Klöti: « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur la question de savoir s'il n'y a pas lieu de reviser l'article 72 de la constitution (élection du Conseil national) en vue de fixer à un chiffre déterminé le nombre des membres du Conseil national. Dans ce cas, les sièges seraient répartis entre les cantons et les demi-cantons après chaque recensement de la population proportionnellement au chiffre de la population de résidence, chaque canton ou demi-canton conservant le droit à un siège au moins. » Nous examinerons tout d'abord la deuxième partie du postulat Guntli (population suisse comme base électorale), puis nous traiterons parallèlement la première partie de ce postulat (relèvement du chiffre électoral) et le postulat Klöti (chiffre fixe de députés).

Feuille fédéale. 82» année. Vol. II.

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I. POPULATION SUISSE COMME BASE ÉLECTORALE 1. HISTORIQUE La disposition de l'article 72 de la constitution d'après laquelle les députés au Conseil national sont élus à raison d'un membre par 20,000 âmes de la population totale date de 1848. Elle n'avait jamais subi d'assaut jusqu'au jour où M. Amsler et d'autres députés zurichois réclamèrent, par la voie d'une motion, l'avancement du recensement général de la population prévu pour 1900, de manière que celui-ci pût servir de base déjà aux élections de 1899. La motion devait permettre aux cantons qui accusaient une forte augmentation de population, en particulier à celui de Zurich, de ne pas attendre jusqu'en 1902 pour renforcer leur députation. A cette offensive des cantons urbains les représentants des cantons agricoles répondirent dans la séance même où fut développée la motion Amsler, le 17 décembre 1897, par une contre-motion Hochstrasser-Fonjallaz invitant le Conseil fédéral à présenter un rapport sur une modification de l'article 72 de la constitution qui fît abstraction de la population étrangère pour l'établissement de la base électorale.

Les deux motions furent adoptées. Mais, à la suite d'un rapport du Conseil fédéral (FF 1898, II, 137) qui concluait à ce qu'il n'y fût pas donné suite, le Conseil national, par un vote unanime, enterra -- ou du moins crut enterrer -- ces propositions le 18 avril 1898, et le Conseil des Etats en prit acte le 20 avril.

Mais MM. Hochstrasser et Fonjallaz, auxquels s'associa M. Bopp, devenu plus tard député du canton de Zurich au Conseil national, reprirent la seconde question par la voie de l'initiative populaire et, au printemps de 1902, remirent au Conseil fédéral un projet de revision de l'article 72 de la constitution appuyé de 58,000 signatures. Le rapport du Conseil fédéral, du 28 novembre 1902 (FF V, 693), aux considérations duquel nous souscrivons aujourd'hui encore, conclut par une proposition de rejet pur et simple, qui fut discutée dans une session parlementaire spéciale, au printemps 1903 (Bull. stén. 1903, p. 2 à 47 et 87 à 101). Les deux conseils s'associèrent aux conclusions du Conseil fédéral, le Conseil national par 103 voix contre 15 (16 abstentions), le Conseil des Etats par 25 voix contre 8 (3 abstentions).

Les considérations qui furent émises de part et d'autre peuvent se résumer ainsi
qu'il suit: Les partisans de l'initiative alléguaient tout d'abord que la constitution elle-même, qui dispose au même article 72 que le Conseil national se compose « des députés du peuple suisse », n'avait pas tiré la conclusion logique de ce principe. L'adoption de la base de la population totale était, de plus, contraire à l'article 4 de la constitution, qui dit que tous les Suisses sont égaux devant la loi. Pouvait-on parler d'égalité lorsque Genève, avec

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78,724 habitants suisses élisait 7 députés, tandis que Fribourg, qui en comptait 123,393, devait se contenter de 6 députés ? lorsque Baie-Ville, avec une population suisse de 69,446 habitants, envoyait à Berne 6 députés et Baie-Campagne, avec 60,949 habitants, la moitié moins ? Et comme les étrangers affluent naturellement vers les villes, les bases de la constitution se trouvaient faussées au détriment des campagnes. En 1848, en effet, le nombre des étrangers était insignifiant -- 71,570 -- et en 1874 même il se chiffrait par 150,907 seulement. Or le recensement de 1900 accusait 384,724 étrangers, soit 11,6 pour cent de la population totale, et la proportion ne cessait d'augmenter. Déjà plusieurs cantons avaient tiré la conséquence de ce mouvement: alors qu'en 1864 aucun Grand conseil n'était élu sur la base de la population suisse, ce système était appliqué, en 1903, dans 5 cantons. L'heure était venue pour la Confédération de suivre le mouvement et « de rendre la Suisse aux Suisses » !

Les adversaires de l'initiative contestèrent absolument que l'augmentation du nombre des étrangers eût modifié le régime de droit public que la constitution de 1848 avait voulu instituer. Sans doute, le nombre des députés n'était-il pas proportionnel à celui des habitants suisses. Mais si l'on voulait poursuivre l'idée des auteurs de l'initiative, il faudrait que le nombre des députés correspondît au nombre des électeurs et non pas au nombre d'habitants suisses. Or, même en prenant pour base la population suisse, il subsisterait à cet égard de notables différences entre cantons, ·puisque Zurich, par exemple, avait un député pour 5300 électeurs et Tessin un député pour 7700 électeurs! Mais la constitution n'a pas voulu davantage répartir les députés suivant le nombre des électeurs que suivant celui des habitants suisses. Elle a admis pour base la population totale pour le Conseil national -- et encore en garantissant un député à chaque canton ou demi-canton de manière à tenir compte de l'ensemble des intérêts de toute agglomération, qu'il s'agît de Suisses ou d'étrangers. Et, à côté de ce conseil, elle a institué le Conseil des Etats, où tous les cantons, quel que soit le chiffre de leur population, sont sur le même pied. En modifiant la base de la représentation pour le Conseil national, on touche à la base même
du compromis sur lequel s'est élevée la Suisse de 1848 et on fournit des armes à ceux qui voudraient supprimer le Conseil des Etats, ou tout au moins modifier sa composition. Depuis 40 ans sans doute, 5 cantons avaient adopté comme base de représentation le chiffre de la population suisse. Mais, en 1864, il en existait 5 également qui calculaient la représentation sur le chiffre des électeurs, et on n'en comptait plus que 2 en 1903 (FF 1902, V, 697). Il ne s'était donc pas produit un courant général pour l'abandon de la base de la population totale, et celle-ci était encore appliquée par 18 cantons. Au surplus, il était inexact que ce système désavantageât, sur le terrain fédéral, la campagne au profit de la ville. La statistique démontrait, en effet, que sur les 20 sièges dont eût été diminué le Conseil national par suite de la réforme projetée, 10 auraient été perdus

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par Zurich, Baie et Genève, et les 10 autres par 7 cantons où l'agriculture dominait. Le but visé par l'initiative ne pouvait donc pas être atteint, et son seul effet eût été de mettre en opposition les villes et les campagnes dans une lutte peu propice à la bonne entente qui doit régner entre Confédérés. Enfin, on devait considérer que l'élément étranger constituait un appoint naturel non seulement à la vie économique, mais aussi aux échanges d'idées. Il ajoutait ainsi à l'activité matérielle et au rayonnement intellectuel des régions où il était établi, et la simple justice exigeait d'en tenir compte dans le calcul de la représentation nationale.

Le 25 octobre 1903, le scrutin populaire donnait raison aux adversaires de l'initiative en rejetant celle-ci par 295,085 voix contre 95,131. Trois cantons et deux demi-cantons -- Uri, les 2 Unterwald, Fribourg et Valais -- avaient seuls voté oui.

2. FAITS NOUVEAUX En présence d'un vote aussi massif, il ne pourrait être question de renouveler l'expérience que si la situation s'était profondément modifiée depuis 1903.

Nous allons donc passer brièvement en revue les faits qui se sont produits depuis lors dans un triple domaine comprenant le mouvement des étrangers, la législation électorale des cantons et la législation électorale de la Confédération.

A. LE MOUVEMENT DES ÉTRANGERS Les partisans de l'initiative de 1902 ayant tiré un argument capital de l'augmentation du nombre des étrangers depuis 1848 et 1874, il nous faut examiner si ce mouvement s'est accentué depuis la discussion de l'initiative, ou plus exactement depuis le recensement de 1900 qui a servi de base à cette discussion. Les chiffres répondent: Non. En 1900, on comptait en Suisse 384,724 étrangers sur une population totale de 3,315, 443 habitants, soit une proportion de 11,6 pour cent. En 1903, lorsque se discuta l'initiative, on ne connaissait pas d'autre chiffre. Mais on avait des renseignements assez précis pour pouvoir affirmer que la progression continuait et que, non pas en raison de la loi électorale, mais pour d'autres motifs, elle allait constituer un danger national. Les chiffres de 1910 vérifièrent ces craintes: le nombre des étrangers était monté à 552,000, soit à 14,7 pour cent de la population totale de 3,753,293 habitants. De plus, les étrangers participaient pour près de
40 pour cent à l'augmentation de population. Vint la guerre, qui en fit tomber le nombre (en 1920) à 402,385, alors que la population totale accusait une légère augmentation avec 3,880,320 habitants. Ainsi, en 1920, la proportion des étrangers n'était plus que de 10,4 pour cent. Etait-ce un répit dû à la guerre, un accident ?

Ou bien le flot étranger qui menaçait de dénationaliser certaines régions s'était-il arrêté ? Nous avons la satisfaction de constater que, d'après les évaluations, sans doute très approximatives, du bureau de statistique

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(annexe 2), le mouvement est effectivement enrayé. Le recensement de cette année accusera approximativement 4,100,000 habitants, dont 337,000 étrangers. La proportion de ces derniers serait ainsi tombée à 8,2 pour cent. La population étrangère qui, de 1900 à 1910, avait participé pour 40 pour cent à l'augmentation totale, a diminué de 16,4 pour cent dans la période de 1920 à 1930. Ainsi la proportion de l'élément étranger non seulement est loin des 14,7 pour cent de 1910, elle est encore bien inférieure au chiffre de 11,6 pour cent sur lequel se fondaient les partisans de l'initiative Hochstrasser-Fonj ailaz - Bopp.

Voyons maintenant si les pertes se répartiraient autrement aujourd'hui que sur la base des chiffres de 1900, si le bénéfice retiré du régime actuel par les cantons urbains s'est accentué. Le tableau ci-dessous indique, en regard des chiffres de 1900, les conséquences qu'aurait, en 1931, l'application de ce système suivant les résultats probables du recensement de 1930i

Années

Zurich Berne Fribourg Baie-Ville Baie-Campagne Schaffhouse St-Gall Grisons Argovie Thurgovie Tessin Vaud Valais Genève

Sièges en moins 1900 1930

4 2 1 1 -- 1 3 2 -- 1 -- 1 2 1 1 -- -- 1 1 1 2 2 2 1 1 -- 3 2_ 20 16 Du fait que Baie et Genève ne perdent plus que 2 sièges, au lieu de 3 en 1900, et Zurich 2 au lieu de 4, la perte des cantons urbains tombe de 10 à 6 alors que le nombre total des sièges perdus est de 16 contre 20.

En d'autres termes, le nombre des sièges citadins qui seraient supprimés par la réforme était, en 1900, de 10 sur 167 ; pour 1930, il n'est plus que de 5 sur 206.

Le tableau montre aussi que 7 des 16 sièges seraient perdus par 4 cantons -- Baie-Ville, Schaffhouse, Tessin et Genève -- qui sont en flèche à notre frontière et qui, entre tous, n'en comptent pas plus de 28; leur perte ,serait donc du quart. Baie perdrait 2 députés sur 8, Schaffhouse 1 sur 3, le Tessin 2 sur 8 et Genève 2 sur 9. Certes, en 1903, la situation était identique; elle était même pire. Mais à cette époque on n'avait pas en-

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core saisi toute la gravité de la situation de ces cantons, exposés plus directement à l'infiltration étrangère, et chez lesquels se posent, dans l'ordre national, des problèmes particulièrement délicats. Si l'on en juge par les délibérations parlementaires de 1903, ces cantons semblaient surtout être un objet d'envie, et plusieurs orateurs voyaient dans leur nombreuse population étrangère un gage de bien-être, voire de richesse. Nous savons aujourd'hui que cette situation spéciale n'a pas empêché certains d'entre eux d'être très durement frappés par la crise économique de l'après-guerre.

Mais ce qui est apparu surtout, ce sont les difficultés de toute nature -- sociale, économique, nationale -- que crée la formation d'importantes colonies étrangères aux portes même de notre pays. C'est à ces cantonslà qu'a pensé le législateur en posant les bases d'un nouveau régime sur la naturalisation et sur l'établissement. La Confédération a témoigné par d'autres moyens encore sa sollicitude pour leurs besoins et sa compréhension pour les difficultés inhérentes à leur situation. Elle s'est constamment efforcée de les aider dans leur lutte contre la dénationalisation et elle a trouvé chez eux un appui qui est attesté par des dispositions libérales sur la naturalisation. Mais serait-il de bonne politique d'amputer aujourd'hui du quart ou du tiers leur députation au Conseil national ? Serait-il juste de faire supporter, proportionnellement, la part la plus lourde de la réforme à ceux qui ont un intérêt tout particulier à être représentés dans les conseils de la nation conformément à la place qu'ils tiennent dans le pays et qui se mesure non pas au chiffre de la population suisse, mais à l'ensemble des habitants ? Cette face du problème a presque échappé à l'attention lors des délibérations de 1903. Elle apparaît aujourd'hui en pleine lumière et elle porte la question qui nous occupe directement sur le plan national.

Quant à la répartition des sièges entre les groupes, le tableau suivant montre ce qu'elle serait si le Conseil national avait été élu, en 1928, sur la base de la population suisse: Groupes radical-démocratique 51 (-- 7) conservateur-catholique 41 (-- 5) socialiste 43 (-- 7) des paysans, artisans et bourgeois 29 (-- 2) libéral-démocratique 5 (-- 1) de politique sociale 3 (-- 0) n'appartenant à aucun
groupe 1 (-- 3) Les pertes des 4 grands groupes auraient été ainsi de 12,1 pour cent pour les radicaux, 10,9 pour cent pour les conservateurs-catholiques, 14 pour cent pour les socialistes et 6,5 pour cent pour les paysans, artisans et bourgeois.

Mais il ne suffit pas de parler du passé. Nous pouvons aujourd'hui considérer l'avenir avec un esprit plus confiant qu'en 1903. Aucune mesuré,

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en effet, n'avait été envisagée pour arrêter la progression de l'élément étranger, et seuls quelques esprits clairvoyants étudiaient les mesures à prendre pour protéger le pays d'une invasion croissante. Depuis lors la situation a changé. Dès 1917 un contrôle sévère à la frontière inaugurait une politique d'établissement rationnelle. En 1925, le peuple a ajouté à la constitution un article 69fer qui réglemente le séjour et l'établissement des étrangers, et les chambres sont déjà saisies du projet de loi d'exécution.

De plus, en 1928, la revision de l'article 44 de la constitution a ouvert la voie à une politique plus large en matière de naturalisation, et le projet de loi d'exécution ne tardera pas non plus à être soumis aux conseils législatifs. Nous escomptons du jeu de ces deux lois une limitation de l'immigration qui soit conforme à nos besoins économiques et en même temps une assimilation plus rapide des éléments intéressants de la population étrangère.

Ainsi, tant en ce qui concerne l'évolution du mouvement des étrangers dans les 30 dernières années qu'à l'égard des prévisions fondées sur la législation nouvelle, nous sommes en droit de considérer la situation comme beaucoup plus favorable qu'en 1903. De ce point de vue donc, il n'y a aucune raison pour demander au peuple de revenir sur son vote de 1903. Bien au contraire.

B. LA LÉGISLATION ÉLECTORALE DES CANTONS

En 1903, les partisans de l'initiative avaient cru pouvoir discerner, dans la modification des législations cantonales, le début d'une tendance générale vers la substitution de la base de la population suisse à celle de la population totale. A ce moment, 2 cantons (Thurgovie et Vaud) élisaient leurs députés d'après le nombre des électeurs et 5 autres (Zurich, Lucerne, Uri, Unterwald-le-Bas et Tessin) d'après le chiffre de la population suisse.

Deux nouveaux cantons (St-Gall et Valais) se sont ajoutés à la liste de ces derniers, tandis que le Tessin, qui a introduit l'arrondissement unique avec un nombre fixe de députés, n'entre plus en considération. D'autre part, un projet d'initiative populaire qui visait à introduire la base de la population suisse dans le canton de Berne fut rejeté, en 1925, par 50,167 voix contre 45,550. Ainsi 16 Etats sont restés fidèles à la base de la population totale, et le léger déplacement qui s'est opéré depuis 1903 ne saurait être interprété comme l'abandon de ce principe par les cantons. Au reste, même si c'était le cas, ce ne serait pas encore une raison de modifier le régime en vigueur dans le domaine fédéral, où la question présente des aspects particuliers. Nous mentionnons tout spécialement l'existence des deux chambres qui, comme nous l'avons vu plus haut, offre, dans la Confédération, une large compensation aux cantons dont la représentation ne bénéficie pas de l'élément étranger.

224 C. LÉGISLATION ÉLECTORALE DE LA CONFÉDÉRATION

La seule modification notable apportée à la législation électorale de la Confédération depuis 1903 est l'introduction de la représentation proportionnelle. Nous examinerons si l'on peut en tirer une conséquence pour la réforme qui nous occupe.

aa. Essence de la représentation proportionnelle. -- Certains défenseurs, de la représentation proportionnelle, pour démontrer que ce système répondait à une idée de justice, ont prétendu que l'assemblée législative devait être la reproduction photographique du corps électoral. Ainsi, en 1914, le rapporteur de la minorité de la commission du Conseil national invoquait à l'appui de cette thèse une phrase de Mirabeau : « Les assemblées sont pour la nation ce qu'est une carte réduite pour son étendue physique; soit en partie, soit en grand, la copie doit avoir les mêmes proportions que l'original. » De ce point de vue, on peut évidemment critiquer le mode actuel de représentation. Si les électeurs seuls doivent compter, les étrangers ne doivent pas entrer en considération pour la base de la, représentation nationale. Mais il en est de même pour les femmes et les enfants, qui ne votent pas, les individus que la loi ou les tribunaux ont déclaré déchus de leurs droits politiques. Tous ceux-là n'ont rien à faire sur la photographie. Car ce n'est pas la population mais le chiffre des électeurs qui doit servir de base à la représention nationale. Quelques cantons ont adopté ce système. Ils ne semblent pas en avoir éprouvé tous de grands bienfaits. Des deux cantons -- Argovie et Baie-Ville -- où il était appliqué en 1844, aucun ne l'a conservé jusqu'à ce jour. Des 5 cantons -- Schwyz, Zoug, Baie-Ville, Argovie et Thurgovie -- qui l'avaient en 1864, un seul l'a maintenu, et à ce dernier est venu s'ajouter Vaud en 1885.

L'introduction de ce système dans le domaine fédéral se heurterait, de plus, à une objection capitale: les droits électoraux variant suivant les cantons, il faudrait tout d'abord établir un droit électoral unique, en application des articles 47 et 66 de la constitution. Mais l'essai en a été fait à trois reprises, et trois fois il a échoué. Ce précédent est peu engageant.

Il l'est d'autant moins que si l'on voulait reprendre cette idée, il faudrait assurer à la Confédération, dans la loi nouvelle, un droit de contrôle sur les listes électorales, qui,
pour l'établissement de la base de représentation, se substitueraient au résultat du recensement de la population. Cette seule considération montre à quelles difficultés se heurterait ce nouveau mode électoral.

Le Conseil fédéral, au surplus, n'a jamais admis la thèse de la reproduction photographique du corps électoral. Dans son rapport sur la troisième initiative visant l'introduction de la représentation proportionnelle, rédigé avec une tranquillité et une objectivité à laquelle les partisans de

225 ce système ont rendu eux-mêmes hommage, il en fait une critique sévère : « On suppose, dit-il, un état de choses qui, à notre avis, n'existe pas; on veut faire du corps représentatif une réduction en petit de tous les courants d'idées qui se manifestent dans 'le peuple ; mais ces courants sont choses infiniment trop peu claires, trop peu limpides, trop peu stables pour que le moyen que l'on préconise donne l'image que l'on rêve. » (FF 1914, II, 100.) Le Conseil fédéral n'est donc en aucune façon engagé par les thèses qui ont été développées à l'appui de la représentation proportionnelle et qui, au reste, n'ont pas, sur ce point, été confirmées par les événements.

Sous le régime actuel comme sous le régime majoritaire, il se produit entre le peuple et le corps représentatif des divergences de vues qui tiennent à des causes naturelles et qu'aucun régime ne supprimera. Le Conseil fédéral ne saurait donc voir dans une thèse qu'il a toujours combattue et qui ne s'est pas vérifiée un motif de reviser la base de la représentation nationale.

u bb. La suppression des arrondissements à l'intérieur des cantons. -- La suppression des arrondissements à l'intérieur des cantons, qui a accompagné l'introduction de la représentation proportionnelle, a-t-elle modifié les conséquences électorales que les calculs établis en 1903 permettaient de tirer de la modification proposée ?

Nous avons déjà vu que les 20 sièges qui eussent été perdus sur la base du recensement de 1900 se répartissaient en proportion égale entre cantons urbains et cantons agricoles. En outre, le fait qu'à l'intérieur du canton les villes constituaient souvent un arrondissement distinct n'aurait pas eu pour conséquence de localiser les pertes sur les centres citadins. Dans le canton de Berne, par exemple, ce n'est pas la ville, mais la campagne qui eût perdu un député, et dans le canton de Zurich, 2 sièges seulement sur 4 eussent été perdus par le chef-lieu.

En réunissant dans une même circonscription la population citadine et la population agricole, le système de l'arrondissement unique diminue encore les effets du système Hochstrasser-Fonjallaz.

Par conséquent, l'introduction de la représentation proportionnelle ne saurait fournir un argument quelconque aux partisans de la réforme.

En résumé, les expériences faites ne sont pas de nature
à fait regretter le rejet de l'initiative Hochstrasser-Fonjallaz.

3. CONCLUSION Aucun des faits qui se sont produits depuis 1903 dans les domaines plus ou moins directement en rapport avec la réforme ne justifie la reprise du projet. L'un de ces faits -- la diminution de la proportion des étrangers et leur répartition sur un territoire plus étendu -- affaiblit même l'argument essentiel invoqué en 1903.

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Nous vous proposons donc de ne pas donner suite à la 2e partie du postulat Guntli.

IL RELÈVEMENT DU CHIFFRE ÉLECTORAL OU ÉTABLISSEMENT D'UN CHIFFRE FIXE DE DÉPUTÉS

1. HISTORIQUE Le chiffre de base de 20,000 habitants qui figure dans la constitution date de 1848. La seule tentative qui ait été faite pour le relever s'est trouvée en rapport avec l'initiative Hochstrasser-Fonjallaz. Lorsque les chambres eurent à s'occuper de cette dernière, M. Sonderegger, député d'Appenzell Rh.-Int. au Conseil national, songea à lui opposer un contre-projet portant relèvement du chiffre électoral à 25,000 habitants. L'accueil fait à sa proposition l'engagea à y renoncer. Mais, en février 1903, il déposa une motion ainsi conçue : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de reviser l'article 72 de la constitution fédérale dans le sens d'une augmentation du chiffre électoral. » Cette manifestation tout individuelle n'eut pas beaucoup d'écho.

Son auteur l'avait déjà affaiblie en déclarant qu'il ne demandait pas un rapport avant le prochain recensement -- celui de 1910! --, et le représentant du Conseil fédéral, M. Comtesse, sans entrer dans le fond du débat, n'eut pas de peine à montrer que, dans ces conditions, la motion était quelque peu prématurée. Sur quoi le Conseil national la rejeta par toutes les voix contre 30. Il faut ajouter que dans l'intervalle -- la décision du Conseil national est du 6 avril 1904 -- l'initiative Hochstrasser-Fonjallaz avait été rejetée et que personne ne tenait à soulever à ce moment une question qui lui était apparentée. Enfin, le parrainage du représentant d'un des cantons dont la population est inférieure au chiffre électoral et qui néanmoins ont droit à un siège au Conseil national affaiblissait beaucoup la motion. Il n'en demeure pas moins qu'en 1904 la grande majorité du Conseil national ne jugeait pas indiqué de réduire le nombre des députés et que, jusqu'à ce jour, l'affaire en était restée là.

2. LA SITUATION ACTUELLE S'il est un fait qui explique les deux postulats adoptés par le Conseil national le 26 juin, c'est le chiffre actuel des députés et sa progression automatique. En 1904, le Conseil national comptait 167 membres. A la suite du recensement de 1910, l'effectif monta à 187. Il est actuellement de 198, et le bureau de statistique prévoit que le recensement de 1930 le portera à 206 (annexe 2). Cette augmentation de 8 députés profiterait aux cantons suivants : Zurich et Berne, chacun 2, Fribourg, Baie-Ville, Baie-Campagne, Argo vie et Valais, chacun 1. En revanche, Neuchâtel perdrait un siège.

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Constatons d'abord que la salle du Conseil national pourrait suffire à ce surcroît. La direction des constructions fédérales a établi à cet égard des plans qui, tout en restreignant quelque peu la mobilité des députés, résolvent le problème d'une manière acceptable. Il ne s'agit du reste pas d'une question de place. Le problème doit être étudié d'un point de vue plus élevé.

3. GRANDS PARLEMENTS ET PETITS PARLEMENTS Plus un parlement est nombreux, plus il représente d'intérêts divers et mieux il est en mesure de défendre chacun de ces intérêts spéciaux. Ainsi, un Conseil national de 111 membres, comme celui de 1848, ne répondrait certes pas aux exigences actuelles. Non seulement la population suisse est de deux tiers plus élevée, mais la Confédération a étendu son action dans quantité de domaines qui lui échappaient en 1848, et la somme d'intérêts qui demandent, le cas échéant, à être défendus est par conséquent beaucoup plus considérable.

D'autre part, l'augmentation de l'effectif présente des inconvénients et parfois des dangers. Il vaut la peine d'en souligner quelques-uns: Longueur des délibérations. -- Cet argument avait été invoqué en première ligne par M. Sonderegger. Il constatait que les sessions devenaient plus longues et plus fréquentes et que le recrutement des députés s'en ressentait: il était toujours plus difficile de décider des personnalités marquantes à accepter une candidature. « Man fragt sich mit Schrecken, ajoutait-il, wie es werden soll, wenn noch 10, 20 und 30 Mitglieder einrücken. » La terreur de M. Sonderegger était vaine. Le mal a appelé le remède. Grâce à son nouveau règlement, grâce à un esprit plus expéditif, le Conseil national s'est corrigé de certains défauts. Il n'admettrait plus aujourd'hui un discours de deux ou trois heures, comme on en entendait autrefois, ni une discussion générale de deux semaines, fût-ce sur un objet de l'importance de la convention du Gothard. Si les sessions sont plus nombreuses qu'au temps de M. Sonderegger cela tient sans doute moins à l'augmentation du nombre des députés qu'à celui des affaires. Mais il est hors de doute qu'à conditions égales par ailleurs, le nombre des discours croît avec celui des députés. Ainsi, les sessions augmentant en quantité et en durée, il devient de plus en plus difficile aux partis de trouver en dehors des citoyens qui se vouent spécialement à la politique des hommes disposés à accepter une candidature aux chambres fédérales. Or une participation importante de cet élément est toujours une force pour la représentation nationale, qu'elle met en contact immédiat avec les énergies productrices du pays.

Complication des rouages parlementaires. -- Plus un parlement est nombreux, moins les députés ont l'occasion d'entrer dans les commissions, c'est-à-dire de s'initier au fonctionnement de l'administration et de contri-

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buer à la discussion de détail des objets qui sont spécialement de leur compétence. Sans doute peut-on obvier à cet inconvénient en nommant des commissions plus nombreuses et en donnant en même temps à ces dernières un rôle plus important. Ce système, qui est recommandé présentement de divers côtés est évidemment rationnel. Mais le jour où les commissions deviennent elles-mêmes des parlements en miniature, qui délibèrent sous l'oeil de la presse, qui publient des procès-verbaux, qui distribuent des rapports, les délibérations du parlement lui-même perdent de leur valeur.

Surtout dans un pays comme le nôtre, où le parlement est considéré comme un lieu de discussion et non pas comme une arène où des députés mandatés par leur groupe viennent faire assaut d'éloquence.

Cette question présente chez nous un aspect particulier du fait que tout accroissement du Conseil national augmente l'écart numérique avec le Conseil des Etats. En 1904 déjà, M. Sonderegger se plaignait de la disproportion croissante entre les effectifs des deux conseils. Et, depuis lors, celui du Conseil national s'est encore augmenté de 31 membres. Cette disproportion ne saurait croître indéfiniment. Le conseil le moins nombreux traitant les affaires plus rapidement est, en effet, de moins en moins occupé et risque de perdre, aux yeux de l'opinion, la situation de parité que lui confère la constitution. Cet état de choses peut, en outre, prêter matière à des projets qui, en modifiant la structure du Conseil des Etats, porteraient atteinte au principe de l'égalité des cantons, base de toute notre organisation politique.

Manque de contact entre les députes. -- Pour qu'un parlement remplisse son rôle, il doit obéir à un esprit collectif qui naît des relations personnelles à l'intérieur des groupes et même en dehors de ceux-ci. Grâce à ce contact, les conceptions que chaque député apporte avec soi évoluent, les contrastes s'atténuent par une compréhension réciproque et ainsi se développe une conception qui, dépassant les intérêts particuliers à certaines régions ou à certaines classes, considère les intérêts du pays dans son ensemble. Cette oeuvre de rapprochement et de pénétration est tout particulièrement importante dans un pays comme le nôtre, où les diversités linguistiques et ethniques s'ajoutent aux divergences politiques, sociales
et économiques.

Elle est nécessaire à la formation de cet esprit de solidarité qui chez nous est l'essence même de l'esprit national. Or il est évident que plus le parlement s'agrandit, plus il devient difficile à chaque député de rayonner suffisamment pour prendre contact avec une fraction importante de l'assemblée.

Eparpillement des responsabilités. -- L'établissement de ce contact personnel est particulièrement précieux sous le régime proportionnaliste.

Avant son introduction déjà, on se plaignait que les députés représentassent parfois moins les intérêts généraux du pays que les intérêts spéciaux de leurs mandants. Depuis lors, ces plaintes se sont encore accentuées. Les

229

partis, en vue de pénétrer des milieux nombreux, portant sur leurs listes des représentants de différentes catégories d'intéressés, il est toujours à craindre que les députés élus sur cette plateforme étroite parlent et agissent au parlement comme représentants de tel ou tel groupement écono-.

mique, professionnel ou social. Ainsi l'on s'éloigne facilement de cette règle que Dubs formulait comme il suit dans son ouvrage sur le droit public suisse : « Du moment où le député entre dans un parlement, il n'est plus considéré comme le représentant de son cercle, mais comme celui de tout le peuple, et il est obligé de faire passer avant tout les intérêts du pays. » Or s'il est vrai que le régime électoral actuel favorise la tendance signalée ci-dessus, l'augmentation du nombre des députés y contribue également pour sa part, car plus il y a de députés plus il y a de chance que des intérêts particuliers soient représentés.

Pour tous ces motifs, nous pensons que l'intérêt du bon fonctionnement de nos institutions politiques commande de ne pas laisser le nombre des députés dépasser une certaine limite. Nous concluons donc en faveur de la revision de l'article 72 de la constitution. Il nous reste à examiner les avantages et les inconvénients des deux systèmes entre lesquels vous aurez à vous prononcer.

4. LE CHOIX DU SYSTÈME Si nous examinons le texte des deux postulats, nous constatons qu'aucun d'eux ne donne une indication chiffrée du but poursuivi. Sans doute M. Guntli a-t-il exprimé sa préférence très nette pour le chiffre électoral de 25,000 habitants, mais il a reconnu qu'il y avait des jalons entre 20,000 et 25,000. M. Klöti, de son côté, s'est prononcé catégoriquement en faveur d'un chiffre de 200 députés, mais il n'a exclu d'autres possibilités qu'en raison de la difficulté d'obtenir du parlement une réduction du chiffré actuel. Nous pouvons donc examiner les deux systèmes pour eux-mêmes, en laissant de côté la question des chiffres.

Le système du nombre fixe a sur le régime actuel l'avantage de la stabilité. Encore que cette stabilité soit peut-être relative, car tel nombre de députés qui paraît raisonnable aujourd'hui ne résistera pas à des aspirations ou à des besoins nouveaux, il dispense d'adapter tous les dix ans l'effectif de la représentation nationale au résultat du recensement de la
population. Une série de cantons, séduits par cet avantage, appliquent aujourd'hui déjà ce système à l'élection de leurs grands conseils.

D'autres Etats, tels la Suède, la Finlande sont également entrés dans cette voie.

D'autre part, l'application n'en est pas aussi simple qu'il peut paraître au premier abord. Tant en ce qui concerne la réserve en faveur des petits cantons que l'attribution des restes, divers systèmes peuvent entrer en considération.

230

Quant au premier point, il y a trois façons de le régler: a. Une fois établi le quotient -- c'est-à-dire le chiffre d'habitants donnant droit à un député -- on attribue un député à chacun des cantons ou demicantons qui n'ont pas atteint ce quotient. Le reste des sièges est réparti entre les autres cantons sur la base de la population totale, déduction faite de celle des cantons servis.

6. On attribue un député à chaque canton ou demi-canton, soit 25 en tout. Pour répartir les autres sièges on peut choisir entre les deux systèmes suivants : 1° tabler sur le chiffre total de la population; 2° tabler sur le chiffre de la population diminué de la population des cantons qui n'ont pas atteint le quotient et, pour les autres cantons, d'un chiffre égal au quotient.

Il ressort des calculs établis sur la base de 200 députés, que les résultats du 1er et du 3e système (a et 6, 2°) sont identiques. L'application du 2e système (6, 1°), en revanche, conduit à des résultats très différents et avantage considérablement les petits cantons (Berne perdrait 4 sièges, Zurich 2, etc.). Il ne paraît pas, du reste, répondre à la logique, et nous l'éliminons d'emblée. Il y aurait donc lieu de choisir entre les deux autres systèmes.

En ce qui concerne les sièges qui restent à attribuer après la première répartition, nous sommes d'accord avec M. Klöti que le système d'Hondt, appliqué par la loi sur la représentation proportionnelle, doit céder le pas au simple système de l'attribution aux restes les plus forts. L'application n'entraîne aucune difficulté.

Mais un examen approfondi a démontré l'impossibilité de régler ces différents points dans la constitution. Il faudrait une loi d'exécution.

Or le peu de temps qui nous sépare des élections de 1931 ne pemettrait pas de mettre la loi sur pied jusqu'alors. C'est un sérieux inconvénient.

Il en est un autre, plus grave encore. Actuellement, le canton dont la population est restée stable au cours des dix années précédant les élections générales conserve le même nombre de députés. Celui-ci n'est réduit que si la population a diminué au delà d'une certaine limite.

Sous le régime du nombre fixe, il n'en est pas de même. Les cantons dont la population aura augmenté sensiblement enlèveront des sièges à ceux qui, à la suite d'une crise ou pour d'autres circonstances indépendantes
de leur volonté, seront restés stationnaires. Quand il s'agit de cercles électoraux, comme dans les cantons, la question n'a pas une grande importance. Mais elle se présente différemment pour les membres d'une confédération d'Etats. Déjà la première application du nouveau système aux elee-

231 tions de 1931 aurait pour résultat (annexe 2) de faire perdre, par rapport au régime actuel, 1 siège au Tessin et 1 siège à Genève -- la perte de 1 siège par le canton de Neuchâtel est due à une réduction du chiffre absolu de la population -- tandis que 5 autres cantons (Zurich, Berne, Baie-Ville^ Argovie et Valais) gagneraient chacun 1 siège. Sans doute ces déplacements, comme ceux qui se reproduiraient après chaque recensement,, sont-ils dus à des modifications réelles dans la répartition de la population. Il serait donc faux d'y voir une injustice. Mais nous craignons fort que les cantons qui seraient ainsi amputés au profit d'autres, plus prospères, plus heureux, n'aient l'impression d'être dépouillés par ces derniers..

Nous ne pourrions pas recommander un système qui risque de provoquer des froissements de cette nature, même s'ils reposent sur de pures raisonsdé sentiment. En nous refusant d'entrer dans cette voie, nous obéissons aussi à une considération d'ordre pratique: la résistance que rencontrerait le nouveau système l'exposerait fatalement à un échec.

Nous croyons, au reste, que d'une manière générale un Etat -- surtout, un Etat démocratique -- ne doit pas modifier les bases de la représentation nationale sans des raisons absolument impérieuses. Or nous ne voyons, pas de motif de renoncer à la base actuelle, qui a fait ses preuves et qui se prête parfaitement à une réforme : pour corriger les inconvénients qui en.

résultent il suffit de relever le chiffre électoral.

Si nous considérons le régime en vigueur dans d'autres pays(*), comparables au nôtre, nous constatons que ce chiffre est très bas. En Belgique, le chiffre électoral est de 40,000 habitants et la chambre compte 186 députés. Baden a un député pour 10,000 votants, le Wurtemberg un pour 31,000 habitants. L'Irlande se contente de 153 députés élus dans une proportion variant entre 1 pour 20,000 et 1 pour 30,000 habitants. L'Autriche compte 165 députés, le Portugal 164, la Suède 230 (chiffre fixe), la Finlande 200 (idem). En Yougoslavie, le chiffre électoral est de 40,000.

Si nous relevions notre chiffre électoral à 25,000 habitants, nous en resterions donc à un nombre de députés relativement élevé. Cependant, nous reconnaissons qu'une réforme qui réduirait l'effectif du Conseil national à 165 membres se heurterait à une
forte résistance. Aussi avons-nous fait étudier les conséquences de relèvement plus faibles (annexe 2). Il est hors de doute qu'en se contentant du chiffre de 22,000 habitants, qui ramènerait l'effectif de l'assemblée seulement à 190 députés, on réglerait la question pour une durée évidemment trop courte. En adoptant, en revanche,, le chiffre de 23,000 habitants, on réduit le nombre des députés à 177, c'està-dire que la population de la Suisse devrait s'accroître d'un demi-million d'habitants pour que la question se représente dans la situation actuelle. Il est très difficile de prévoir l'époque à laquelle le fait se produira,.

(*) Voir Bernhard, Das parlamentarische Wahlrecht, 1926.

232

mais elle est assez lointaine pour qu'une réforme de cette importance donne satisfaction à ceux qui estiment une réduction nécessaire.

Pour ces motifs, nous vous prions de considérer le postulat Klöti comme liquidé par le présent message et de donner suite au postulat Guntli en .adoptant le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 2 septembre 1930.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MUSY.

Le vice-chancelier, LEIMGRUBEB.

233

Annexe 1.

-(Projet.)

Arrêté fédéral concernant

la revision de l'article 72 de la constitution (élection du Conseil national).

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 2 septembre 1930, arrête:

Article premier.

L'article 72 de la constitution est abrogé et remplacé par la disposition suivante : Art. 72. Le Conseil national se compose des députés du peuple suisse, élus à raison d'un membre par 23,000 âmes de la population totale. Les fractions en sus de 11,500 âmes sont comptées pour 23,000.

Chaque canton et, dans les cantons partagés, chaque demi-canton élit un député au moins.

Art. 2.

Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons Le Conseil fédéral est chargé de son exécution.

Feuille fédérale. 82« année. Vol. II.

19

234

Annexe 2.

Nombre de députés Actuel en 1931 1

2

Cantons Zurich Berne Uri

Unterwald-le-Haut . .

Unterwald-le-Bas . .

Baie-Ville . . . . .

Baie-Campagne . .

Schafîhouse Appenzell Rh.-Ext. .

Appenzell Rh.-Int. .

St-Gall Grisons

Tessin Vaud . . .

Valais. . .

Heuchâtel

.

.

.

.

. . .

. . .

198 27 34 9 1 3 1 1 2 2 7 7 7 4 3 3 1 15 6 12 7 8 16 6 7 9

5 3 4 6 8 7 6 a C d e / 206 190 177 165 190 200 29 27 25 23 27 28 36 32 31 29 35 35 8 9 9 9 8 9 1 1 1 1 1 1 3 3 3 3 3 3 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 1 2 2 8 ,7 6 7 7 7 7 7 6 7 6 7 8 7 6 6 8 7 5 4 4 4 4.

4 2 2 2 2 3 3 2 3 2 3 3 3 1 1 1 1 1 1 15 14 13 12 14 15 6 6 6 5 6 5 13 12 11 10 12 13 7 7 6 6 6 7 7 8 7 7 6 6 16 15 14 13 15 16 6 6 7 7 6 7 6 5 6 6 5 6 8 8 7 7 7 9

Base.

a copulation totale: 20.000 habitante.

i 6 > t 22,000 » e · · 23,000 » A » > 25.000 D e i mitose: 20.000 i chiffre fixe : 200 déçûtes.

Population au («décembre 1930 (évaluation) totale étrangère 9 10 4,100,000 586,400 712,600 187,500 25,500 62,500 18,300 14,600 34,500 35,200 152,500 144,800 159,000 91,200 54,800 55,500 14,600 303,100 124,000 260,000 143,400 155,000 328,500 138,300 126,200 172,000

337,000 56,300 19,000 8,200 1,400 2,200 500 300 2,300 2,200 4,600 6,300 31,300 8,500 7,300 2,200 300 27,100 13,800 11,700 15,000 30,300 29,500 7,100 8,400 41,300

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 72 de la constitution (base électorale du Conseil national). (Du 2 septembre 1930.)

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Bundesblatt

Dans

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Foglio federale

Jahr

1930

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

36

Cahier Numero Geschäftsnummer

2607

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

03.09.1930

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217-234

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