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FEUILLE FÉDÉRALE 80 année Berne, le 4 avril 1928 Volume I e

Paraît une fois par semaine. Prix: 30 francs par an; 10 francs pour six mois plus la finance d'abonnement ou de remboursement par la poste.

Insertions: 5O centimes la ligne ou son espace; doivent être adressées franco à l'imprimerie K.-J. Wyss Erben, à Berne.

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Rapport du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire demandant l'insertion dans la constitution fédérale d'un article 23bis relatif à l'approvisionnement de la Suisse en blé.

(Du 2 avril 1928.)

1. Texte de l'initiative et remarques préliminaires.

Par arrêté du 22 décembre 1926, l'Assemblée fédérale a transmis, pour rapport, au Conseil fédéral, le texte de l'initiative populaire demandant l'insertion dans la constitution fédérale d'uni article 23bis ayant la teneur suivante : « 1. La Confédération prend les mesures pour assurer l'approvisionnement du pays en blé et encourager la culture des céréales dans le pays.

2. Elle doit notamment : a) entretenir elle-même des réserves de blé ou pourvoir à ce qu'il en soit constitué de toute autre façon; b) faciliter et encourager par des prescriptions et des mesures appropriées la culture ainsi que l'utilisation et la transformation du blé du pays; en particulier, assurer aux producteurs de blé de bonne qualité et propre à la mouture, la vente à un prix qui permette la culture du blé dans le pays. 11 sera tenu compte, dans une mesure équitable, des intérêts de ceux qui cultivent du blé pour leur propre consommation, ainsi que des intérêts des régions montagneuses.

3. La législation fédérale déterminera l'application de ces principes. Toutefois, elle ne pourra attribuer ni à la Confédération, ni à un organisme privé le droit exclusif d'importer du blé (monopole), les nécessités du temps de guerre demeurant réservées. » L'initiative populaire a réuni 77,587 signatures, dont 77,062 ont été reconnues valables.

Feuille fédérale. 80e année. Vol. I.

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Les signatures valables se répartissent comme suit entre les différents cantons : . 18,959 signatures Zurich . 10,811 » Berne .

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1.922 » Lucerne .

Uri

Schwyz .

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Unterwald-le-Haut Unterwald-le-Bas Glaris .

Zoug Fribourg .

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Soleure .

Baie-Ville .

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Baie-Campagne .

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Schaffhouse Appenzell (Rhodes extérieures) Appenzell (Rhodes intérieures) St-Gall .

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Grisons .

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Argovie .

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Thurgovie .

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Tessin .

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Vaud Valais .

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Neuchâtel .

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Genève .

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Total

318

»

1,307

»

236 » 145 » 2,228 » 640 » 817 » 1,288 » 4,493 » 2,356 » 1,304 » 2,577 » 243 » 10,363 » 1,602 » 5,166 » 2,586 » 3,075 » 1,609 » 270 » 2,295 » _ 452 » 77,062 personnes

Avant d'émettre une opinion sur cette initiative, il est nécessaire de rappeler tout ce qui a déjà été tenté pour arriver à résoudre le problème du blé. Commençons par un1 bref aperçu de l'évolution de la culture des céréales en Suisse. Nous exposerons ensuite la genèse des différentes solutions proposées pour assurer l'approvisionnement de notre pays en blé. Cet examen rétrospectif permettra de mieux juger de la portée de l'initiative et d'émettre un avis plus judicieux sur, les différentes solutions auxquelles il ouvre la voie.

IL Importance de la culture indigène des céréales pour notre agriculture et pour l'approvisionnement du pays en blé.

Dans noti» message! du 27 mal 1924 concernant l'approvisionnement du pays en blé, nous avo.ns exposé les conditions et le déve-

loppement de la culture des céréales en Suisse. Nous avons, à cette occasion, rappelé et discuté toutes les mesures prises pour assurer l'approvisionnement du pays, avant, pendant et après la guerre.

Nous pourrions par conséauent, à la rigueur, nous référer simplement à ce rapport.

Il importe cependant d'y revenir encore, puisque démontrer l'importance de la culture indigène des céréales pour l'agriculture suisse et pour l'approvisionnement de notre pays, c'est justifier les mesures de protection qu'elle réclame. Nous reviendrons ensuite brièvement sur les différentes solutions envisagées pour résoudre cette grave question.

En Suisse, la production des céréales restera, avec celle de la pomme de terre, la branche principale de la culture. Supprimer la production des céréales aurait les plus graves conséquences, puisque cela compromettrait toute notre culture. Les céréales jouent, en effet, un rôle de preoniier plan dans le problème de l'assolement, c'està-dire dans l'utilisation rationnelle de notre sol.

La prospérité de la culture des céréales est dès lors indispensable pour protéger notre économie agraire contre les graves dangers de la monoculture. Les contrées qui pratiquent le systèmje des assolements et produisent une forte proportion de blé sont beaucoup mieux à l'abri des crises auxquelles les exposerait le retour à la culture exclusivement fourragère.

Le paysan qui se vque entièrement à l'élevage ou à la production du lait est beaucoup plus exposé aux périls des fluctuations économiques que celui qui partage son activité entre la culture du sol et la production fourragère. La crise qui sévit encore dans ïo.s régions alpestres en est la frappante démonstration. En outre, ];i culture du sol a l'avantage d'offrir dans une plus large mesure do« = occasions de travail. Elle occupe en effet par unité de surface beaucoup plus de bras que la production fourragèi-e, l'élevage du bétail et la production laitière. Précisément aujourd'hui que le nombre dos agriculteurs, par rapport au chiffre total de la population suisse, a.

diminué au point de tomber au-dessous du 30 pour cent, le maintii-n de la culture du sol a une importance sociale et politique considérable. Son extension est le plus sûr moyen d'arrêter la migration de la population campagnarde vers les villes et d'empêcher que la jeune
génération agricole ne se détourne de la terre pour aller augmenter le prolétariat urbain.

La culture du sol est intéressante à un autre point de vue. Elle fournit une grande variété de produits tous précieux pour l'alimentation (céréales, pommes de terre, légumes verts, betteraves1, etc.).

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Cet appoint prend une valeur particulière en temps de disette ou de crise. Bien ne préserve mieux un peuple de la famine que les apports multiples d'une culture variée.

Enfin, si la prospérité de la culture est dans l'intérêt de l'ensemble de la population, elle permet surtout au paysan de vivre davantage de ses propres produits. C'est la réduction des dépenses pour l'achat de produits étrangers; c'est la diminution du coût de la vie à la ferme et partant une plus large indépendance.

Nous avons insisté sur le rôle de la culture des céréales, parce qu'établir son importance dans notre économie nationale, c'est justifierj les sacrifices exigés pour son maintien et son développement.

Mais une exploitation rationnelle de la terre exige des connaissances techniques spéciales. Il serait par conséquent difficile de la réintroduire brusquement enl cas de crise," là où elle aurait été abandonnée.

Malgré le bon vouloir dont on ferait preuve, les résultats1 souffriiraient du défaut de cette précieuse expérience qui est la condition du succès. En outre, on manquerait d'outillage et surtout on aurait perdu l'usage de s'en servir.

Jusqu'à la fin du 18e siècle, l'assolement triennal, en faveur dans ïa plus grande partie de notre pays, fournissait à nos ancêtres des céréales panifiables et de l'avoine, c'est-à-dire leurs deux principaux aliments, en quantité suffisante pour assurer le ravitaillement du pays.

Vers la fin du 18e siècle, le paysan) suisse intensifie la production des fourrages, il développe l'élevage du bétail et la production du lait. La culture du sol reste cependant en honneur dans les régions les plus sèches du Plateau suisse. Mais, la concurrence étrangère toujours plus intense faite à notre production indigène au ©ours du 19e siècle par les céréales d'outre-mer oblige toute l'agriculture suisse à s'orienter de plus en plus vers la production1 fourragère et l'élevage du bétail.

Cependant, des homnies avisés insistent sur l'importance de "la culture des céréales. Au cours du 18e siècle déjà, les gouvernements s'étaient efforcés de l'encourager, en période de baisse, par des interdictions d'importation. En dépit de ces sages mesures, l'opinion s'est peu à peu répandue que la lutte contre la concurrence des céréales étrangères n'a aucune change de succès. La culture des céréales indigènes
est menacée d'un complet abandon. En 1914, elle avait reculé à tel point qu'elle ne suffisait même plus à couvrir le huitième de nos besoins en céréales panifiables.

Le message du 27 mai 1924 rappelle les études faites et les efforts tentés immédiatemjent avant la guerre eu vue de sauver la

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culture indigène des céréales et pour assurer l'approvisionnement ilu pays en blé.

La guerre mondiale devait mettre en saisissant relief la nécessité pour notre pays d'augmenter la production du blé. La Confédération fut contrainte de se charger elle-même de l'approvisionnement du pays. Il fallut se résigner à introduire le monopole d'importation des céréales étrangères. Parallèlement, les paysans ensemencèrent de plus grandes surfaces. En 1917, alors que l'importation, des céréales étrangères se faisait toujours plus difficile, ou recourut à l'emblavage obligatoire. Les nouvelles surfaces ensemencées atteignirent 31,875 hectares. Cette mesure coercitive obligea nombre d'agriculteurs à modifier leur système d'exploitation. Cependant, le manque -de bras et d'animaux de trait pendant la mobilisation accroît encore les difficultés. Pour faciliter cette transformation, on introduisit la garantie des prix. Les chiffres ci-après indiquent l'importance des livraisons de céréales panifiables effectuées par les cultivateurs indigènes à l'Office fédéral des blés : 1917 37,330 tonnes 1918 91,012 » 1819 58,350 » 1920 27,829 » 1921 93,260 » 1922 50,160 » 1923 90,346 » 1924 43,646 » 1925 73,095 » 1926 48,336 » 1927 ça. 54,000 » A part ces livraisons, d'importantes quantités de céréales indigènes furent réservées par les producteurs pour leurs besoins personnels. *) L'extension de la surface ensemencée et l'obligation de livrer le blé à la Confédération permirent à la Suisse de vaincre les difficultés qui marquèrent la fin de 1918 et le commencement de 1919. La /ration journalière de pain, réduite à 225 grammes par tête de population, put être portée par étapes successives à 300 grammes, alors que pendant la même période d'autres pays neutres de l'Europe se voyaient contraints de la réduire à 180 grammes.

C'est à l'effort courageux de ses cultivateurs que le peuple suisse est redevable d'avoir échappé à cette pénible extrémité.

*) C'est ainsi qu'en 1926 il a été délivré 100,644 cartes de mouture. 7,673 wagons de blé indigène sont absorbés par le ravitaillement des producteurs et fournissent pain et farine à plus de 500,000 personnes. La récolte de 1925 fut moins bonne. · Elle a suffi cependant à couvrir les besoins de 98,820 familles paysannes et alimenté 425,000 personnes.

938 Ajoutons que pendant les années 1917 à 1920, la livraison des blés indigènes s'effectua à des prix inférieurs à ceux du blé étranger.

Le paysan suisse a largement contribué à résoudre les graves difficultés de la période de guerre.

De 1917 à 1920, l'administration fédérale des blés a payé les prix ci-après :

1917 1918 1919 1920

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pour 100 kg de

pour 100 kg de

blé indigène : Pr.

blé importé : Fr.

66.50 66.50 66.50 69.50

67.52 75.69 73.16 73.92

Dans ces prix sont comptés les frais de prise de livraison et de transport jusqu'à la gare destinataire.

Quand la guerre prit fin ea 1918, il ne fut pas possible de rapporter brusquement les mesures qu'elle avait imposées. Les conditions difficiles de l'après-guerre n'auraient pas permis de supprimer immédiatement le monopole d'importation. Toutefois, dès que la situation se fut améliorée, q'n rapporta les unes après les antres les (mesures coercitives prises en vertu des pleins pouvoirs, telles que Femiblavage obligatoire, le rationnement du pain, le monopole d'importation des graines assurant la vente du blé indigène à un prix rémunérateur. On maintint par contre le surprix pour1 le blé indigène livré à la Confédération. En dépit de cette sage mesure, in production des céréales marqua immédiatement un nouveau recul.

La, statistique des cultures indique en effet que la surface ensemencée l'ut ramenée de 104,409 hectares en 1919 à 90,545 hectares en 1926.

La période de guerre fut pour l'Office des céréales l'occasion d'un«; instructive expérience. Elle a démontré que si la Suisse veut assurer, dans une certaine proportion au moins, son approvisionnement on blé du pays, elle doit protéger efficacement la production indigène ·des céréales. Seuls, des mloyens énergiques sauront prévenir le recul qui se produirait fatalement sous l'irrésistible pression de la concurrence étrangère. Les mesures prises par tous les Etats européens désireux de maintenir la culture du blé montrent la nécessité de protéger nos céréales contre la concurrence écrasante des pays qui cultivent dans des conditions de production' beaucoup plus favorables.

La plupart des nations européennes abritent leur culture derrière une solide barrière douanière. Nous indiquons ci-après les droits d'entrée appliqués dans les différents pays.

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Pays

Seigle taux par tOO kg

avant la guerre

aujourd'hui

avant la guerre

aujourd'hui

fr. 7. -

fr.

35. -- fr. suisses 7. --

fr. 3. --

fr.

15. -- ff. suisses 3! --

Allemagne

RM. 5.50

RU.

5. -- fr. suisses 6. 25

RI. 5. -

RM.

5. -- fr. suisses 6. 25

Italie

Lires-or 7. 50

Lires-or 7. 50 fr. suisses 7. 50

Lires-or 4. 50

Lires-or 4. 50 ' fr. suisses 4. 50

Autriche

Cour, or 6. 20

Cour, or 0. 25 fr. suisses 0. 27 So/o

GrandeBretagne

franc de douane

frane de douane

franc de douane

Suisse

fr. 0. 30

fr. 0. 60

fr. 0. 30

France

Impôt sur le chiffre d'affaires en plus :

'

Froment taux par 100 kg

Cour, or 5. 80 Cour, or 0. 25 Ì fr. suisse 0. 27 il 20/0 franc de douane ,

fr. 0. 60

La France, en particulier, s'est toujours sagement appliquée à épargner à ses cultivateurs les répercussions ruineuses d'une imprudente politique d'importation. Après les tâtonnements de l'aprèsguerre, l'Allemagne reconnut à son tour que seule une aide efficace à la culture du sol pouvait assurer la prospérité de l'agriculture.

L'Italie fait à cette heure un effort gigantesque pour développer chez elle la culture du froment. En Autriche, les céréales souffrent visiblement du manque de protection. L'entrée en franchise de douane accordée par l'Angleterre aux céréales panifiable a ruiné la culture indigène et nui sensiblement à l'agriculture du pays. On sait que l'Angleterre a par contre créé de puissantes organisations agricoles et développé la culture dans les dominions.

Actuellement, notre production indigène fournit le pain aux cultivateurs. Elle alimente en outre le cinquième du reste de la population. Elle couvre, par conséquent, un peu plus du quart de notre consommation -totale. Il reste certain cependant que malgré les efforts que nous voulons intensifier, nous resterons tributaires des producteurs étrangers pour une portion importante de nos besoins.

Les facilités de production dont bénéficient certains pays paralysent toujours l'action protectrice de nos droits de douane. Pour rendre les .taxes douanières efficaces, c'est-à-dire pour leur donner la signi-

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fication protectrice nécessaire, il faudrait les élever au niveau de la prime de 8 francs accordée actuellement à la production indigène sous form'e de surprix. Le renchérissement du pain qui en serait la conséquence immédiate nous en interdit l'application. L'expérience a définitivement établi que, vu les conditions spéciales de production qui 'sont les nôtres, la protection de la culture indigène doit être cherchée dans une autre direction.

L'étude approfondie de ce délicat problèonie a démqhtré que seule la garantie de vente à un prix rémunérateur donnera au paysan 1© courage de continuer à cultiver. Pendant la guerre et pendant l'aprèsguerre également, la Confédération achleta les céréales indigènes panifiables pour en garantir l'écoulement au producteur. Elle les paye un prix équitable, sensiblement supérieur à leur valeur marchande.

Le paysan attache à cette garantie d'écoulement une importance capitale. Cela n'étonne point ceux qui connaissent les conditions de notre «ulture. L'agriculture suisse est une juxtaposition de petites exploitations. Très désirable au point dte vue social, régime idéal dans notre vieille démocratie, utile encore au .point de vue du rendement, puisqu'elle favorise la culture intensive, la petite propriété foncière comporte toutefois certaines difficultés pour la production et la vente des céréales. Le blé qu'elle met sur le marché n'y arrive que par petites quantités et, le plus souvent, de qualité inégale. Sous notre climat variable, les récoltes sont irrégulières. Telle année apporte du blé sec de belle qualité, l'année suivante, par contre, la qualité du grain sera moins banne.

Il faut reconnaître que l'effort poursuivi afin' d'améliorer les qualités par le choix judicieux des semences et par l'application de procédés de récolte nouveaux a été couronné de succès. La qualité de nos blés indigènes s'est améliorée à tel point que certaines régions fournissent aujourd'hui, quand le temps est favorable, des blés dont la qualité soutient la comparaison avec les meilleures céréales étrangères. Souvent, malheureusement, notre climat variablenuit à nos moissons. Aussi les meuniers préfèrent-il s encore aux blés suisses la marchandise standardisée du marché mondial. L'écoulement de la production indigène reste par conséquent aléatoire; les expériences de l'avant-guerre
l'ont suffisamment démontré. Supprimer la garantie de vente à un prix équitable, c'est vouer le producteur à une cruelle insécurité dont il refusera de courir le risque.

C'est exposer le pays au danger de voir progressivement disparaître la culture des céréales; c'est le condamner au retour peu désirable de la situation d'avant-guerre.

La production indigène est nécessaire à la sécurité de notre ap-

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provisionnement. Elle signifie pour l'ensemble du pays une préparation1 éloignée à l'éventualité -d'une nouvelle crise. Afin que le paysan continue à produire du blé, n'hésitons pas à lui promettre qu'il retrouvera ses frais. L'achat par la Confédération à un prix rémuué[rateur reste par conséquent, aujourd'hui comme pendant la guerre,, lo point capital de tout le problème du blé.

III. Y ers une solution définitive.

Elaboration du projet rejeté le 5 décembre 1926.

Supprimer purement et simplement le monopole pour revenir à la situation d'avant-guerre, c'eût été abandonner la culture des céréales à son triste sort, la condamner à péricliter et probablement à disparaître. Or, l'intérêt national exige que l'Etat lui accorde l'énergique appui dont son maintien dépend.Par conséquent, le problèmi du blé restera posé aussi longtemps qu'il n'aura pas trouvé une solution définitive. Trouver et formuler la solution de cette délicate question fut une constante préoccupation dé l'après-guerre. Le monopole, institution de guerre imposée par les exigences brutales de circonstances extraordinaires, avait rendu d'incontestables services pendant la période des hostilités. Cependant, une étude approfondie conduisit le Conseil fédéral à proposer aux Chambres de substituer à la solution provisoire actuelle une solution définitive, excluant expressément le monopole. L'aversion manifestée par divers milieux à l'éga.rd de tous les monopoles d'Etat ne fut point étrangère à cette décision.

Le 27 mai 1924, le Conseil fédér'al présenta aux Chambres un massage explicatif suivi de la proposition dont nous reproduisons le texte : « La Confédération prend des mesures pour assurer au pays son approvisionnement en' blé.

Elle devra notamment : a) entretenir elle-même des réserves de blé ou pourvoir à ce qu'il en soit constitué de toute autre façon; b) faciliter et encourager par des prescriptions et mesures appropriées la culture ainsi que l'utilisation et la transformation du blé du pays.

La loi déterminera l'application de ces principes. Toutefois, elle ne pourra attribuer ni à la Confédération, ni à un organisme privé le droit exclusif d'imiporter du blé, les nécessités du temps de guerre demeurant réservées.

Les prescriptions extraordinaires en vertu desquelles seule 1 la Confédération a le droit d'importer du blé cesseront d'être

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en vigueur au plus tard une année après l'adoption -du présent article. » Les Chambres fédérales n'ont pas cru devoir adhérer aux propositions du Conseil fédéral. La commission du Conseil des Etats, et.

après elle, le Conseil des Etats lui-même, leur substituèrent une formulo très différente. Elle comportait l'introduction dans la Constitution clé trois articles dont le premier, 23bis, conférait à la Confédération la compétence de prendre des mesures pour encourager la culture des céréales et pour assurer l'approvisionnement du pays en pain; le second, art. 23tiei', précisait les conditions de l'approvisionnement, et enfin, l'art. 23
La commission' du Conseil national chargée de rapporter sur le problème des céréales se réunit à Kandersteg en août 1925. Immédiatement, les délibérations posent au premier plan l'intéressant problème de l'achat des céréales par l'Etat. La discussion en souligne l'importance. Cependant, sur ce point capital, les opinions se partagent. On ne sait pas si la prise de livraison obligatoire imposée à l'Etat est réalisable dans le cadre d'une solution sans monopole. Les délibérations ne réussirent pas à élucider définitivement cette question essentielle. Cette incertitude inquiète les représentants des intérêts agraires, pour qui la garantie do l'écoulement des blés indigènes demeure un problème capital. La discussion, qui leur laisse l'impression que le monopole promettra une plus facile réalisation de leurs revendicatio'ns, les oriente définitivement vers cette solution. Quand, en votation id'éfinitive, on opposa le monopole à la solution compliquée du Conseil des Etats, ce fut le monopole qui l'emporta.

Le Conseil national adopta le projet de sa 'Commission', qui trouva également une majorité au Conseil des Etats. L'article constitutionnel voté par les Chambres avait la teneur suivante : «La Confédéfation prend des mesures pour approvisionner le pays en blé et encourager la culture des céréales1.

La loi peut attribuer à la Confédération le droit exclusif d'importer du blé et des produits de la mouture du blé, sauf à observer les principes énoncés ci-après : a) L'exécution de cette tâche sera confiée à une coopérative

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d'utilité publique soumise au contrôle de la Confédération.

En' feront partie la Confédération, ainsi que les groupements économiques privés. Les cantons pourront y participer.

'.

b) Le prix d'achat du blé indigène sera fixé de façon à en permettre la culture.

s) Les prix de vente seront fixés aussi bas que po.ssible, mais de façon à couvrir le prix d'achat du blé étranger et du blé du pays, les intérêts des capitaux engagés et les frais1. Aucun bénéfice ne sera réalisé, si ce n'est pour constituer des réserves destinées à stabiliser les prix. Des mesures tendant à égaliser les prix de la farine seront prises en faveur des contrées de montagne.

La loi réglera l'application de ces principes. » Ce projet, qui tendait à conférer au monopole un caractère définitif, rencontra dans le public une vive opposition. Parmi les adversaires du projet, beaucoup affirment leur volonté d'aide efficace aux cultivateurs, mais justifient leur opposition par une hostilité de principe pour les monopoles. C'est de ces milieux qu'est sortie l'initiative qui fait l'objet du présent rapport. Nous retenons que le texte de cette initiative et les déclarations qui l'ont accompagnée signifient que l'opposition des adversaires du monopole ne fut pas dirigée contre le principe de l'aide à l'agriculture, mais uniquement contre son mode de réalisation par la voie du monopole.

Le 5 décembre 1926, celui-ci fut rejeté par 372,049 voix contro, 366,507 et par 14 cantons contre 8.

IV. La situation actuelle.

Si le rejet du morïopole n'a point résolu la question du blé, la cantpagne préparatoire au vote du 5 décembre 1926 a cependant contribué à élucider le problème. Les opinions se sont manifestées; les idées se sont précisées. Fait important : les milieux opposés au monopole ont reconnu catégoriquement que la protection de la culture des céréales était un' devoir national.

Il ne s'agit plus dès lors aujourd'hui de discuter si, en principe, des mesures destinées à assurer l'approvisionnement du pays en blé sont nécessaires ou s'il est possible d'en faire abstraction. L'attitude des partisans du monopole et les promisses solennelles de ses adversaires nous permettent heureusement d'affirmer que cette question est définitivement tranchée. La culture indigène des céréales doit être protégée et encouragée. Les divergences qui subsistent portent uniquement sur le choix des moyens.

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Constatons en outre avec satisfaction qu'un effort de rapprochement s'effectue entre les différentes opinions. Contrairement au projet précédent -- nous pensons en particulier au système proposé par M. le conseiller national Steiner -- l'idée gagne de plus en plus quer pour encourager efficacement la culture du blé, il faut en garantir l'écoulement à un prix équitable. On comprend mieux aussi la nécessité de maintenir la prime à la mouture versée aux producteurs cultivant pour leurs propres besoins. D'autre part, les porte-paroles des paysans déclarent adhérer sans réserve à toute solution garantissant l'achat des céréales panifiables indigènes et le maintien de la prime à la mouture. Constatons qu'entre les différents courants, l'accord s'est fait sur le programme. Par contre, des divergences encore profondes subsistent sur le mode 'de réalisation.

Les dispositions constitutionnelles actuelles ne permettent pas d'organiser l'achat des céréales indigènes par la Confédération. Deplus, il est à tout le moins douteux que l'institution définitive de la prime à la mouture rentre dans le cadre de l'article 2 de la Charte.

Or, ces deux postulats constituent les deux éléments essentiels de la solution du problème du blé. Pour leur conférer un caractère définitif, il faut par conséquent leur fournir une base constitutionnelle.

Nous examinerons dans le chapitre suivant si le texte de l'initiative fournit une base constitutionnelle suffisante à la réalisation effective de ce programme.

Y. Discussion
Le projet d'article constitutionnel proposé par l'initiative du 16 octobre 1926 attribue à la Confédération le droit de prendre des mesures pour assurer l'approvisionnement du pays en blé et pour encourager la culture des céréales dans le pays. Concernant les moyens de réalisation, le texte contient les précisions suivantes : a) La Confédération doit entretenir elle-même des réserves de blé ou pourvoir à ce qu'il en soit constitué de toute autre façon.

b) La Confédération doit faciliter et encourager par des prescriptions et des mesures appropriées la culture, ainsi que l'utilisation et la transformation! du blé du pays; en particulier, assurer aux producteurs de blé de bonne qualité et propre à la mouture, l'achat par elle à un prix qui permette la culture du blé dans le pays. Elle
devra tenir compte, dans une mesure équitable, des intérêts de ceux qui cultivent du blé pour leur propre consommation, ainsi que des intérêts des régions montagneuses.

c) L'application de ces principes est réservée à la législation fédérale. On ne pourra attribuer ni à la Confédération, ni à un! or-

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ganisme privé, le droit exclusif d'importer >du blé, c'est-à-dire introduire un monopole d'importation du blé, les nécessités du temps de 'guerre demeurant réservées.

Il semble à première vue que ce texte accorde à la Confédération toutes les compétences nécessaires pour résoudre pleinement le problème du blé. Son examen approfondi révèle cependant plusieurs graves lacunes. Nous verrons en effet qu'il ne fournit pas la base constitutionnelle nécessaire à la loi organique qui doit fixer les modalités de la protection à la culture
Celle que le Conseil fédéral a choisie ne 'comportait pas expressémeiit l'achat du blé indigène par la Confédération. Elle ne tranchait pas cette question. Or, nous savons que précisément sur ce point la discussion fut très vive au sein de la commission du Conseil national réunie à Kandersteg.

Les commissaires, opposés par principe à l'idée de la garantie d'achat, contribuèrent à cette occasion à grouper une majorité autou'r, du mionopole, que le projet du Conseil fédéral avait exclu. Sans doute est-il plus facile aujourd'hui que la question du blé a été étudiée pendant plusieurs années, de prévoir jusque dans ses détails la portée pratique d'un article constitutionnel aussi compliqué. Cependant, ils ont dû se rendre compte plus tard qu'au lieu de se confiner dans une attitude négative, il eût mieux valu proposer courageusement de compléter le texte du Conseil fédéral en précisant que la Confédération prendrait livraison des blés indigènes à un prix acceptable.

Se ce point, l'initiative marque un réel progrès. En garantissant expressément au producteur la vente de son blé à un prix qui en permette la culture, elle comble une grave lacune. Et cependant, elle reste insuffisante dans trois directions : 1. Premièrement, elle ne permet pas d'obliger le commerce privé aux opérations nécessaires à la sécurité de notre approvisionnement.

Le texte de l'initiative autorise-t-il le contrôle du commerce des
céréales et la surveillance des moulins ? En outre, s'il garantit au producteur la vente de son blé, il ne dit pas par quel moyen. Nous supposons que l'achat s'effectuera pour le compte de la Confédération.

Mais il faudrait le dire. L'initiative n'indique pas non1 plus comment l'Office fédéral des blés revendra ces céréales indigènes, ni de quelle manière s'opérera le renouvellement des réserves fédérales.

946 II faut se garder sans doute de surcharger la Constitution, det détails giri seront précisés dans la loi. Mais tout de même faut-il conférer expressément à la Confédération la faculté de prendre les mesures id'exécution indispensables qui signifient une restriction au principe de la liberté de commerce.

L'article 31 de la Constitution énumère limitativemeiit les restrictions à la liberté de commerce et d'industrie. Il est douteux que ce texte si formel permette d'imposer aux commerçants ou aux meuniers l'obligation: de prendre livraison des blés indigènes. L'article constitutionnel relatif au blé doit apporter une précision sur un point d'importance aussi capitale.

2. En second lieu l'article constitutionnel proposé ne prévoit aucune disposition d'ordre financier. Sans doute est-il possible de prélever une surtaxe douanière sur les céréales panifiables étrangères.

Cependant, si les auteurs de l'initiative ont eu l'intention de faire usage de ce moyen fiscal, il aurait fallu le dire expressément. Lèsprincipes consignés à l'article 29 de la Constitution s'accommoderaient difficilement d'une taxe élevée sur les céréales panifiables. Si, par contre, la solution doit être cherchée dans une autre directio'n, il vaut mieux l'indiquer.

3. En' troisième lieu le projet ne contient aucune disposition relative à la meunerie. Cependant, nous verrons plus loin que le maintien 'de notre meunerie indigène est indispensable, autant à la culture des céréales qu'à l'approvisionnement du ' pays en pain. Il faut par conséquent lui accorder la protection efficace nécessaire.

Par leur gravité, les lacunes dont souffre l'initiative sont de nature à compromettre sérieusement la valeur pratique d'une solution construite sur ces bases.

VI. te contre-projet du Conseil fédéral.

A. Travail préparatoire à l'élaboration d'une solution sans monopole.

Le vote du 5 décembre 1926 nous a obligé à reprendre l'étude de la question du blé pour lui trouver une solution sans monopole. Le Conseil fédéral décida que celle-ci devait comporter garantie expresse de l'écoulement des céréales indigènes, assurer la protection de notre meunerie et prévoir la prime de mouture aux producteurs indigènes. Constatons dès l'abord que la réalisation pratique de ce programme suppose nécessairement une collaboration active de la meunerie et du
commerce des céréales.

Certains milieux doutaient encore de la possibilité de faire entrer, la .prise de livraison des céréales indigènes dans le cadre d'une solution sans monopole. D'où la nécessité de consulter sans plus tar-

947

der tous ceux dont l'Etat devait faire ses collaborateurs. Marchands de céréales et meuniers se rencontrèrent en une conférence au Palais fédéral, le 10 mars 1927. Ce fut l'occasion d'une intéressante discussion qui fit ressortir les difficultés inhérentes à la réalisation pratique d'une solution sans monopole. Mais meuniers et marchands furent tous de l'avis qu'elles n'étaient point insurmontables. Les marchands de céréales se déclarèrent prêts à prendre livraison des blé& indigènes, tandis que les meuniers développèrent un projet qui apportait aussi une solution. Les 'délégués du Conseil fédéral demandèrent aux deux groupes en présence de se mettre d'accord sur un projet unique et de le présenter le plus tôt possible. Le 30 avril 1927, l'Union suisse des Meuniers remit au département de l'économie publique un projet qui avait trouvé l'adhésion des marchands de céréales.

Afin de réunir toute la documentation et tous les avis utiles, le département de l'économie publique avait invité, en janvier déjà,.

l'Association suisse des Meuniers, l'Association suisse pour le Commerce et l'Industrie, la Société suisse des Arts et Métiers, le Comité central du Commerce suisse des blés et enfin le Comité d'action pour une solution sans monopole à lui présenter des propositions de solution' sans monopole.

Le département fédéral de l'économie publique reçut différents rapports intéressants. Celui de l'Association suisse des Meuniers, sur lequel nous reviendrons dans la suite, retint particulièrement son attention!. Toutes ces requêtes, propositions et suggestions prévoient que la prise de livraison des blés indigènes, la prime à la mouture et la protection de la meunerie suisse sont indispensables.

Nous constatons que lentement l'union se fait sur les éléments principaux du problème. En s'appuyant sur les projets et suggestions reçus, le département de l'économie publique fit rédiger un avantprojet pour une solution sans monopole et le soumit, accompagné d'un exposé des motifs, à une commission' consultative extra-pari ementaire représentant surtout les divers groupes économiques intéressés. Ce petit parlement économique, qui siégea à Berne du 28 au 30 novembre 1927, avait pour! mission d'examiner si les propositions adressées au Conseil fédéral et codifiées par le département de l'économie publique étaient susceptibles de résoudre le problème du blé.

Cette grande commission délibéra et transmit ses conclusions1 au Conseil fédéral.

948

B. Les conclusions de la commission consultative extra-parlementaire.

La commission, extra-parlementaire avait été invitée à donner son avis sur tous les points principaux du problème du blé. Nous pouvons résumer comme suit les conclusions qu'elle a communiquées au Conseil fédéral : 1. La Confédération constitue et entretient des réserves de blé.

Les moulins sont tenus de loger sans indemnité spéciale une partie des réserves dont ils feront l'acquisition afin d'en permettre le renouvellement.

2. La Confédération est tenue de faire l'acquisition du blé du pays, qu'elle paie 8 fr. 50 par 100 kg en sus du prix moyen du blé étranger de qualité équivalente.

3. Les (moulins de commerce sont tenus de faire l'acquisition du blé du pays acheté par la Confédération, en quantités proportionnées au total de leur débit en farine panifiable. La Confédération livre le blé du pays à un prix uniforme à tous les moulins. Pour protéger les moulins sis à l'intérieur du pays 'contre la concurrence de ceux établis à la frontière, elle rembourse une partie des frais de transport du blé étranger.

4. Tout producteur! qui cultive du blé pour l'alimentation de son ménage a droit à une prime à la mouture de 5 francs par 100 kg de grain moulu. Dans les régions de montagne, la prime à la motiture peut atteindre jusqu'à 8 francs par 100 kg.

5. Le comlmerce des céréales panifiables sera contrôlé, afin d'empêcher les abus qui pourraient se produire lors du versement de la prime à la mouture ou lors de la prise en charge du blé du pays.

6. Pour protéger la meunerie indigène contre la concurrence étrangère, la Confédération.' se réserve le droit d'importer la farine panifiable. Toutefois, elle n'usera de son droit d'importation que pour empêcher les abus.

La vaste consultation entreprise était terminée. Il restait au Conseil fédéral à prendre position. Le 5 janvier dernier, le Conseil fédéral décida de procéder à l'élaboration d'une solution sans monopole et d'en proposer l'acceptation à l'Assemblée fédérale.

C. Le projet du Conseil fédéral.

En janvier 1927, c'est-à-dire préalablement à toute consultation1, le Conseil fédéral envisageait déjà que la formule sans onionopole devait contenir les quatre principes suivants, -considérés à juste titre comme étant d'importance capitale pour, notre approvisionnement en blé : '

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1. Constitution et entretien de réserves.

2. Aide à la culture du blé du pays, par l'achat de toute la production indigène et l'allocation d'une prime à la mouture au.

producteur qui 'cultive pour sa propre consommation.

3. Protection de la meunerie indigène.

4. Amélioration ide la culture du blé.

Dans ®a séance du 30 janvier 1927 déjà, le Conseil avait eu l'occasion d'examiner un avant-projet qui répondait à toutes ces exigences. Il avait même examiné s'il était possible d'en appliquer les dispositions à titre provisoire dès juin 1927. Il dut, pqur: les raisons plausibles que l'on sait, résoudre négativement cette délicate question.

Ce premier projet diffère sur plusieurs points de la solution préconisée par la Commission consultative extra-parlementaire. Au lieu d'obliger; le meunier à prendre livraison ides blés achetés par la Confédération, il en charge les importateurs de blés étrangers. Pour l'Etat comme pour le consommateur de pain, les deux solutions se valent. L'important est d'assurer preneur aux producteurs indigènes et de fournir à la Confédération la certitude de revendre les blés dont elle prend livraison. Pour couvrir les dépenses mises à la charge des consommateurs, la Commission consultative a suggéré une taxe sur la farine. Il y a d'autres mloyens, probablement plus simples, d'atteindre le même résultat. On proposait enfin de protéger la meunerie indigène contre la concurrence étrangère en réservant à la Confédération le droit d'importer les farines étrangères. Nous croyons qu'une surtaxe douanière élevée aurait le même effet.

D'ailleurs, les diverses solutions qui ont la prétention de répoudre à toutes les exigences de l'approvisionnement du pays se ressembleront fatalement sur certains points. Il existe des possibilités de variantes, mais les grandes lignes resteront nécessairement à peu près les mêmes.

Les conclusions de la Commission extra-parlementaire peuvent en .principe servir de base à l'élaboration d'une solution sans monopole. Retenons surtout, et cela est de bon augure, que la grande majorité des membres de la commission y ont adhéré. Aussi sommesnous heureux d'avoir pu construire notre projet sur le terrain où s'est placée la commission. Toutefois, nous avons modifié son avaiifprojet et réussi, croyons-nous, à simplifier sa formule.

Examinons maintenant point par point le contre-projet que Conseil fédéral oppose à l'initiative.

Feuille fédérale. SOe année. Vol. I.

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1. La réserve fédérale.

Entretien et renouvellement.

L'entretien des réserves de blé fut l'objet d'une longue expérience dont la Confédération fera profit dans l'application de la solution sans monopole.

Actuellement, la moitié des réserves est emmagasinée dians lèsentrepôts et les magasins dé la Confédération. L'autre moitié est déposée dans les moulins. Ce partage a des avantages qu'il importede conserver. L'emmagasinage dans les moulins a pour effet de décentraliser les réserves, de diminuer sensiblement les frais de transport, de réduire au minimumi la manipulation et enfin d'assurer le bon entretien des marchandises. Le nouveau mode réglera, dans sesgrandes lignes, la question des réserves, conformément au système pratiqué avec succès sous le régime actuel. Par conséquent, sur ce point, pas de difficultés imprévues à craindre. Les moulins de commerce seront tenus de conserver, le blé de la Confédération, qui sera réparti entre eus proportionnellement à l'importance de leur mouture. La quantité en est fixée au début de chaque année, sur la base du chiare d'affaires de l'année précédente. Les prix d'achat seront fixés par le Conseil fédéral, d'après le® prix du marché mondial. Les meuniers veilleront, sous leur propre responsabilité, à la garde et au contrôle des blés qui leur ser.ont confiés.

Aujourd'hui, l'administration des blés renouvelle directement les réserves en dépôt dans les moulins. A l'avenir, le renouvellement s'effectuera par les soins du meunier, à ses risques et périls et sous le contrôle de la Confédération. Il n'est pas à craindre que les meuniers remplacent les réserves par du blé de qualité inférieure. lisseraient- en effet les premiers intéressés au maintien de la bonne qualité, puisque la omouture et la vente de la farine restent leur affaire.. Si la qualité du blé emmagasiné baissait, la qualité de la farine baisserait aussi. Les boulangers ne tarderaient pas à s'en apercevoir! et les meuniers en supporteraient les conséquences. Quand la meunerie aura été restituée à l'économie privée, elle sera de nouveau soumise aux lois de la libre concurrence. Les prix et la qualité redeviendront des facteurs déterminants de l'offre et de la demande.

Relativement à la fréquence du renouvellement des féservesy l'expérience a démontré qu'un renouvellement tous les six mois s'adaptait
parfaitement aux exigences de l'exploitation courante de la meunerie. Par contre, il ne sera probablement pas nécessaire, de renouveler deux fois l'an les réserves des entrepôts fédéraux. A la condition d'emmagasiner des blés de bonne qualité, on peut espacer, davantage les opérations de renouvellement. Les '(expériences faites-

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avant la guerre dans, ce domaine par le département militaire fédéral fourniront les indications nécessaires.

La Confédération emmagasinait autrefois dans les arsenaux >A les entrepôts des fromients russes en sacs qui s'y conservaient très bien. D'après les inventaires, certains lots ne furent remplacés qu'après trois et même quatre ans par de la marchandise fraîche. Le magasinage durait à cette époque entre 2 et 3 ans et si la marchandise avait été logée d'ans des silos au lieu de rester en sacs, la durée moyenne du magasinage aurait été prolongée. Le froment de Manitofoa se conserve moins bien que les blés russes d'avantguerre. Par conséquent, il faudra probablement le renouveler au cours de l'année qui suivra la récolte. Toutefois, la Confédération n.o devra pas refaire ses réserves plus souvent que besoin, afin d'éviter des frais élevés de manipulation et pour réduire le plus possible le chiffre de ses importations. Les stocks seront constitués en froment de première qualité, pour que l'écoulement de la marchandise aux époques de renouvellement soit assuré. Enfin, pour choisir les blés destinés aux réserves, on tiendra compte des qualités et provenances préférées par les meuniers.

Quelques remarques maintenant au sujet du chiffre auquel il y a lieu de fixer la quotité de la ïéserve permanente.

Les événements d'août 1914 ont montré clairement l'importance des réserves de céréales. Au 1er août 1914, nous avions dans les magasins et arsenaux de l'armée 2500 wagons de 10 tonnes. Le commerce privé avait logé dans les entrepôts environ 2500 wagons, de sorte que nous avions en Suisse, au total, un sto.ok de 5000 wagons.

Les maisons suisses d'importation avaient en outre sur le Rhin 2600 wagons dont l'Allemagne autorisa le transport à la condition' que le gouvernement fédéral s'en rendît acquéreur. On a fait observer à plusieurs reprises qu'il faudrait ajouter à ces réserves un contingent de plusieurs milliers de wagons qui se trouvait dans les moulins et les boulangeries. Remarquons à ce sujet que la Confédération n'a aucun moyen de disposer de ces réserves libres, qui ont tendance à disparaître au moment où l'on en aurait le plus besoin. Si notre pays parvint, malgré ses réserves insuffisantes, à satisfaire ses besoins sans trop de peine pendant la première période de la guerre, nous le devons
surtout au fait que les peuples qui nous entourent avaient accumulé de fortes réserves au cours de la longue période do paix. Mais il serait imprudent d'escompter le retour de circonstances aussi favorables. La seconde période de la guerre a été difficile, autant pour la Suisse que pour les pays belligérants'. Tous les peuples aujourd'hui tirent leur profit de la dure leçon en fortifiant leur propre sécurité. Pour notre petit pays, situé au centre de l'Eu-

952 rope, coupé de tout contact direct avec les grands Etats qui sont aujourd'hui les greniers du monde, la nécessité de constituer une bonne réserve de céréales panifiables est particulièrement impérieuse.

Nos inventaires indiquent pour les trois dernières années les réserves suivantes : wagons de 10 tonnes 1925

1926

1927

f i n janvier .

.

.

.

11,910 10,181 10,398 » février .

.

.

.

12,335 9.590 10,751 » mars 13,416 8,595 19,647 » avril 13,592 7,006 10,004 » mai 10,960 6,540 8,367 » juin 8,185 7,391 7,189 » juillet 6,290 5,927 6,932 » août 4,668 6,516 6,162 » septembre .

.

.

.

4,194 7,345 5,822 » octobre .

.

.

.

4,850 9,056 6,892 » novembre .

.

.

.

7,086 9,989 9,244 » décembre .

.

.

.

9,805 11,469 11,836 La moyenne des mois d'été est très inférieure à celle des mois d'hiver. Mais ce fléchissement est compensé par la moisson indigène qui attend livraison. Les 6000 ou 7000 wagons de céréales indigènes qui s'ajoutent aux réserves fédérales assurent notre approvisionnement pendant la période d'été dans la même mesure qu'aux époques Vii l'inventaire des entrepôts marque le maximum:.

Pendant les trois dernières années, notre réserve moyenne permanente atteint 8000 wagons. Si nous ajoutons encor'e à cette réserve les provisions des meuniers et des boulangers, puis le blé que le producteur conserve pour ses propres besoins,, nous constatons que notre alimentation en pain est assurée pour environ trois mois.

En 1924, le Conseil fédéral avait estimé qu'on pourrait à la rigueur réduire le chiffre de la réserve fédérale à 5000 wagons. Pour tenir compte des expériences faites, nous estimons qu'il vaut mieux en' rester à la moyenne des trois dernières années, c'est-à-dire à 8000 wagons. Le Conseil fédéral devrait en outre être autorisé à élever ce chiffre lorsque les circonstances économiques ou politiques l'exigerïmt.

Texte du contre-projet (1er point).

La Confédération entretient les réserves de blé nécessaires pour assurer l'approvisionnement du pays. Elle peut obliger les meuniers à emmagasiner du blé et, pour en permettre le renouvellement, à faire l'acquisition des céréales de réserve.

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2. L'encouragement à la culture indigène.

Ntfus avons exposé comment et pourquoi une aide efficace à la culture des
L'administration du monopole achète les céréales indigènes à un prix qui en1 permiet la culture. En outre, depuis 1925 les producteurs qui cultivent le blé pour leurs propres besoins reçoivent une prime à la mouture, payée par la Caisse fédérale. L'expérience a démontré que ces deux mesures sont efficaces et indispensables au maintien de la culture des céréales indigènes. Un régime qui les abandonnerait se révélerait à brève échéance impuissant. Aussi proposons-nous de maintenir au profit de l'agriculture, sous le régime sans monopole, tBus les avantages que lui procure le régime provisoire. La situation faite actuellement au paysan reste intacte.

Sous le régime sans monopole, l'importation des céréales étrangères sera libre. L'importation des céréales pour semences aussi.

Nous croyons qu'uni certain contrôle et la collaboration des associations agricoles avec les stations d'essai devraient suffire à empêcher l'utilisation des semences de mauvaise qualité.

a. Prime à la mouture en faveur des producteurs cultivant le blé pour leurs propres besoins.

L'article constitutionnel posera le principe de la prime à la mouture. La Confédération affirmera par là sa volonté de maintenir et d'encourager la culture du blé même là où le paysan n'est pas en mesure de produire pour le m/arché.

Sous le régime du monopole, le versement de la prime à la mouture s'est effectué sans grande difficulté. Il en sera de même sous le régime sans monopole. La loi en fixera le montant; le même qu'aujourd'hui, autant que pq'ssible, o'est-à-dire 5 francs par 100 kg de grain1 moulu. Dans les régions de montagne, la prime pourra s'élever à 8 francs.

On a objecté que sous le régime de la solution sans monopole l'importation libre des blés étrangers permettrait des substitutions et par conséquent faciliterait la fraude. Les producteurs pourraient acheter des blés étrangers pour les faire moudre et toucher la prime à la mouture réservée exclusivement aux blés indigènes. Dans une proportion sans doute beaucoup moins forte, le danger existe cependant déjà aujourd'hui, puisque le commerce libre importe actuellement des céréales qui ne prennent pas le chemin du moulin, mais sont employées comme fourrages. La suppression du monopole cium-

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portation aggravera certainement les risques actuels de substitution.

Cependant, un contrôle vigilant du commerce 'des grains et de l'utilisation du blé étranger dans les moulins saura, à l'avenir comme par le :passé, empêcher les abus. Dans ce domaine, notre administration a fait ses pïeuves. Les tabacs, les éléments destinés à l'industrie chimdque surtout, mais aussi tous les produits soumis à l'application du taux différentiel, otot exigé un contrôle autrement délicat que la surveillance du commerce et de la m'outure idu blé étranger.

La collaboration efficace des organes de la douane allégera considérablement la tâche de l'administration des blés.

b. Prise de livraison des blés indigènes.

Sous le régime du monopole, la Confédération achète tous les blés indigènes panifiables. C'est, pour le producteur, la garantie absolue que sa moisson trouvera régulièrement preneur à un prix équitable.. Il en sera exactement de même à l'avenir. Comme par le passé, l'achat des blés indigentes s'effectuera au m'ornent opportun par; l'entremise des syndicats agissant pour le compte de l'Office fédéral des blés. Dans les cantons du Tessin et du Valais, on continuera à demander au département cantonal de l'agriculture de collaborer à cette opération. Chaque commune gardera son office local des blés, administré par le gérant des associations agricoles. Les offices locaux continueront à servir d'intermédiaires pour le versement de la prime à la mouture. Les fédérations de syndicats désigneront, d'accord avec l'Office fédéral des blés, les experts chargés de contrôler la qualité des céréales livrées pour leur classement dans l'échelle des prix.

Il va do soi que les facilités accordées aïi paysan pour la livraison de ses blés, telles que la prime aux livraisons effectuées après le Nouvel-an, seront maintenues. Dès que les producteurs d'une commune seront prêts à livrer leurs blés, l'office local l'annoncera à la fédération, qui en avisera à son tour l'administration fédérale dés blés. Cette dernière fixera, en tenant compte autant que possible des propositions de l'office local, le jour, l'heure et le lieu de la prise de livraison'. Comme cela se pratique aujourd'hui, on paiera au comptant les blés livrés. A cet effet, les fédérations recevront en temps utile les avances nécessaires de l'Office fédéral des blés.

La loi déterminera le prix des blés du pays. Ce prix variera avec les cours du marché, mais sera en moyenne au moins de 8 fr. 50 par 100 kg plus élevé que le prix moyen du blé étranger de qualité équivalente. En outre, le Conseil fédéral sera autorisé à fixer le prix, dans les circonstances extraordinaires, au-dessus du maximum prévu pour les temps normaux. Le régime nouveau garantit par conséquent au paysan le maintien de tous les avantages acquis. Jusque d'ans

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leurs détails, les opérations de livraison! continueront à s'effectuer, ·exactement comme sous le régime du monopole.

Il est fort simple de garantir au producteur la vente de sa récolte en imposant à l'Office 'des blés l'obligation d'en prendre livraison à un prix qui en rend la culture intéressante. La difficulté consiste à fournir à l'Office fédéral des blés le moyen d'écouler les céréales indigènes dont dn lui impose l'achat. Sous le régime du monopole d'importation', l'administration des blés oblige les meuniers qui achètent des céréales étrangères à reprendre une quantité proportionnelle de blé indigène. Les blés suisses s'écoulent par; ce moyen. Sous le nouveau régime, la situation est modifiée. Les moulins indigènes, au lieu de recevoir les blés étrangers de la Confédération, les acquièrent pour leur propre compte. Ils les achètent et les importent librement.

L'Office des céréales ne pourra plus dès lors, comme aujourd'hui, profiter de la vente dies blés étrangers pour placer les blés indigènes.

D'autre part, la vente de gré à gré est exclue. Les blés indigènes sont peu demandés. En tous cas1, ils ne trouveraient preneur qu'à des conditions laissant à l'administration' des céréales un gros déficit.

On a songé à imposer aux importateurs de blés étrangers l'obligation dé prendre livraison d'une quantité proportionnelle de blés indigènes. En Norvège, ce procédé donne pleine satisfaction. Mais subordonner l'importation des céréales étrangères à l'obligation d'acheter préalablement une quantité déterminée de blé indigène pourrait être envisagé comme une restriction d'importation. La Suisse a adhéré au programme douanier de Genève, qui interdit les restrictions d'importation. Cette solution pourrait par conséquent donner lieu à des complications. On pourrait peut-être trouver une formule qui permît de les éviter. Néanmoins, le Conseil fédéral a préféré choisir une autre voie.

Le projet prévoit que nos meuniers achèteront librement les blé.* étrangers. Par contre, ils continueront à prendre livraison de la récolte indigène, qui sera répartie entre tous les moulins de commerce.

Les meuniers en ont compris la nécessité. Actuellement, cette reparution est proportionnelle aux achats de blés étrangers, c'est-à-dire à l'activité totale de chaque moulin. A l'avenir, on la proportionnerait au débit
de farine panifiable. La nouvelle répartition est simple et pratique. Elle est équitable. Tous les moulins de commerce participent à cette obligation suivant leur importance. Apparemment, le barème de répartition est différent. Son application aboutit ioutefois exactement au même résultat. L'expérience faite jusqu'ici dans la reprise obligatoire des blés du pays, imposée aux moulins de commerce, nous fonde à croire que la méthode proposée donnera pleine satisfaction.

956

c. Amélioration de la culture des blés.

Les perfectionnements à introduire dans la technique de la culture des céréales continueront à préoccuper l'administration chargée d'assurer l'approvisionnement du pays en blé. Notre projet impose à la Confédération l'obligation de favoriser l'amélioration de la culture du blé. A cet effet, elle encouragera notamment l'acquisition et la production; de semences de qualité et subventionnera l'introductioa de méthodes perfectionnées de culture et de récolte.

Texte du contre-projet (2e point).

La Confédération encourage la culture des céréales panifiables et accorde une aide au producteur cultivant le blé pour ses propres besoins. Elle achète le blé indigène de bonne qualité, propre à la mouture, à un prix qui en permet la culture dans le pays. Les meuniers peuvent être tenus d'acquérir le blé pris en charge par la Confédération sur la base de sa valeur marchande.

3. Le contrôle.

Sous le régime de la solution sans monopole, il faudra mainteuir la surveillance des moulins et contrôler le commerce des céréales.

a) Surveillance de la meunerie. Les moulins de commerce travaillent actuellement sous la surveillance de l'Office des blés. Les conditions de livraison sont fixées dans le cahier des charges signé par le meunier et par l'administration fédérale des blés. Le cahier des charges prévoit toutes les inscriptions relatives à la gestion; des moulins. Il contient de nombreuses prescriptions de détail. Nous y reviendrons au cours de notre exposé chaque fois qu'il sera nécessaire. Dans ses grandes lignes, le contrôle tel qu'il est prévu au cahier des charges imposé par le monopole serait maintenu. Il suffirait à prévenir les fraudes sous le régime d'une solution sans monopole.

Il n'est pas exclu même que le nouveau système facilite sous certains rapports les relations entre la meunerie et l'administration des blés. Actuellement, la régie du monopole rencontre des difficultés chaque fois que les prix idu marché mondial sont à la hausse. En bourse et d'une manière générale sur tous les marchés, le déclanchement d'un mouvement de hausse entraîne fatalement une intensification des achats. Le commerce des céréales n'échappe point à cette loi. Chaque fois que le meunier et le boulanger prévoient un renchérissement, ils s'efforcent d'acheter le plus possible, et constituent des réserves pour parer à la hausse. Afin d'éviter les fortes tensions, presque toujours suivies d'une période de stagnation, et pour préserver son exploitation de leur répercussion, l'Office des blés re-

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court au système du contingentement. Cet inconvénient disparaîtra sous le régime sans monopole. Le commerce recouvrant sa liberté d'action, les achats s'effectueront au moment que les intéressés jugeront opportun'.

Les moulins resteront sou® la surveillance de l'autorité fédérale.

La faculté de les exploiter sera subordonnée à l'intégral accomplissement de leurs obligations envers l'Office 'des blés. En cas de contravention grave, le meunier pourra être contraint de suspendre l'exploitation de son moulin. Les moulins agricoles ou à façon, qui ne font pas le commerce de la farine panifiable, mais se bornent à moudre, contre rémunération, le grain indigène que leur apporte le producteur, ne seront pas soumis aux mêmes formalités Toutefois, on maintiendra la surveillance indispensable afin de prévenir les substitutions qui pourraient se produire lors de l'allocation de la prime à la mouture.

Comme aujourd'hui, les moulins de commerce fourniront à l'administration -des blés tous les renseignements nécessaires. Ils continueront, en particulier, à tenir un contrôle de l'entrée et de l'emploi du blé, ainsi que de la sortie de la farine panifiable et des autres produits de la mouture. Pour assurer l'accomplissement de leurs obligations envers la Confédération, tous les moulins fourniront une garantie. Dans leurs grandes lignes, l'organisation et le fonctionnement du contrôle ne s'écarteront guère de ce qu'ils sont aujourd'hui. Ce contrôle (accepté par la meunerie qui s'y est habituée) suffira à garantir l'exécution des devoirs imposés aux moulins.

b) Surveillance du commerce des cfjréalcs. Aujourd'hui déjà, l'Office des blés contrôle le commerce des céréales fourragères. Cette surveillance est indispensable parce que le monopole des blés destinés à la panification laisse porte ouverte à certaines céréales fourragères.

La possibilité subsiste par conséquent pour le cultivateur suisse d'acheter des céréales destinées soi-disant à l'affourragement du bétail pour les présenter comme céréales provenant de sa récolte. Ce danger de fraude expose l'Office des céréales au risque de payer, à qui n'y a pas droit, le surprix ou la prime de mouture réservés exclusivement au blé indigène. Le contrôle exercé aujourd'hui par l'Office du monopole sera intensifié, parce que l'extension de la liberté d'importation à
toutes les céréales augmentera les possibilités de fraude.

A l'occasion de la prise en charge des blés du pays et du paiement de la prime à la mouture, il faudra savoir empêcher qu'on ne présente des céréales étrangères au lieu du blé indigène. C'est une difficulté que notre administration est en mesure de résoudre.

Par sa forme déjà, le blé indigène se distingue de la plupart des blés étrangers. Cette particularité facilite la vérification. Elle ne

fournit cependant pas toujours le moyen de surprendre la fraude.

Il faudra maintenir le contrôle actuel et l'intensifier par la collaboration de la douane. La douane peut suivre le blé importé jusqu'au m,oulin, c'est-à-dire en; contrôler; l'utilisation. Elle fait, aujourd'hui déjà, besogne beaucoup plus délicate pour assurer l'application de tous les taux différentiels. Pour se faire une idée plus exacte des difficultés auxquelles nos douaniers font face tous les jours, il suffit do rappeler comment s'effectue le contrôle des tabacs. Le tarif actuel frappe les mêmes tabacs bruts d'e droits d'entrée variant entre 250 et 800 francs par 100 kg, suivant qu'ils sont destines à la fabrication de la cigarette ou, au contraire, réservés à la coupe pour la pipe. Beaucoup d'autres matières premières ou mi-fabriquées sont également, suivant leur; affection, frappées do taux très différents. Il en est de même pour Forge qui paye fr. 0.60 par 100 kg quand elle est réservée à l'alimentation ou à Paffourragement et fr. 9.45 quand elle est destinée à la brasserie. Citons encore les textiles, les éléments destinés à l'industrie chimique, l'alcool et d'autres, tous beaucoup plus difficiles à contrôler que le blé. Pour s'en convaincre, il suffit de savoir que l'administration des douanes contrôle actuellement l'utilisation des tabacs bruts étrangers adressés à plus de 400 maisons différentes, et l'emploi des orges livrées à plus de 1400 firmes.

La régie des alcools, de son côté, surveille l'utilisation des alcools industriels livrés à 785 fabriques et drogueries. Et, cependant, le contrôle de ces affectations fonctionne très normalement. C'est co qui nous a permis de dire dans notre message du 31 janvier dernier que l'administratio'n fédérale a déjà résolu avec succès des difficultés plus grandes que celles inhérentes à la réalisation du projet de solution sans monopole. Le contrôle saura être suffisant sans devenir tracassier. Il ne sera point gênant pour le meunier et le commerçant honnêtes, il ne sera désagréable qu'aux fraudeurs.

4. Protection de la meunerie.

Pour assurer: l'approvisionnement du pays en' pain, il ne suffit pas d'encourager la culture natiò'nale du blé. On ne fait pas le pain avec du blé, mais avec de la farine. Le pays doit donc être à même de moudre son blé. Il faut par conséquent veiller
à l'existence de l'industrie meunière indigène, il faut la protéger contre la concurrence écrasante des farines étrangères.

N'oublions pas que nos céréales suisses sont parfois inférieures en qualité aux blés étrangers. Il faudrait peut-être rappeler aussi que les industries et la population de l'intérieur jouissent en général de certains avantages dont ne bénéficient pas les Suisses de la périphérie. Il n'est pas étonnant dès lors que nos moulins suisses

959

produisent plus cher que leurs concurrents étrangers. Ils sont handicapés, et si le pays ne les protège pas, la concurrence étrangère les condamne à disparaître.

Serait-il équitable, serait-il prudent, de leur imposer des obligations d'ordre national pour les laisser, succomber à la concurrence î Si nos moulin's venaient à disparaître, nous serions dans l'impossibilité de moudre nos, blés et par conséquent de les faire servir a l'alimentation. La protection de la meunerie indigène ne signifie dès lors point l'octroi gratuit d'avantages spéciaux, mais une équitable compensation aux charges dForjdre national qui lui sont imposées.

Il ne s'agit point de lui conférer un privilège, mais simplement de lui assurer^ des moyens d'existence. Son maintien est nécessaire, puisque le renouvellement de la réserve fédérale et la culture indigène des céréales sont intimement liés au sort du .moulin.

Remarquons encore que l'importation de la farine étrangère diminue d'autant l'importation des blés étrangers. Puisque nefs blés indigènes sont, pour la mouture, mélangés aux blés étrangers de ·choix, la diminution de l'importation des céréales étrangères à l'état de grain risque de modifier les proportions de ce mélange et, partant, d'amoindrir la qualité de nos farines suisses et aussi d'en' augmente?

lo prix.

Entre le moulin étranger et le m;oulin indigène grevé de lourde» ·charges nationales, la situation est tellement différente que la protection de notre meunerie doit aller, si besoin est, jusqu'à la fermeture totale de notre frontière aux farines étrangères. Il en est ainsi sous le régime du monopole, puisque aujourd'hui l'importation de la farine a effectivement cessé.

Le procédé normal de protection est incontestablement la taxe douanière élevée. La plupart des pays frappent actuellement de droits très lourds toutes les farines étrangères. Les Etats qui nous entourent appliquent les taux ci-après:

960

Pays

farine de froment Ta ux avant la guerre

France

rendement de îOo/o et pins

fr. 11.--

60-70o/o

fr. 13.--

de moins de 60 o/o

fr. 16. -

Allemagne Italie Autriche pins la taie sur le chiffre d'affaires

Suisse

fr.

fr. suisses fr.

fr. suisses fr.

fr. mm

UM.

fr. suisses Lires-or 12.30 Lires-or fr. suisses

farine de seigle Ta ux

aujourd'hui

RM. 10.20

60. -- 12. -- 72. -- 14. 40 80. -- 16. --

, avant la guerre

fr. 5. -

11. 50 '' RM 10.20 14. 35 11. 50 ! Lires-or 6. 50 11. 50 .

aujourd'hui

fr.

30. -- fr. suisses 6. --

RM.

11. 50 fr. suisses 14. 35

Lires-or 6. 50 fr. suisses 6. 50

1. 70 t'onr.-or 15. -- Conr.-or fr. suisse 1. 80 7 o/o fr. 4. 50 fr. 2. 50 fr. 4.

Conr.-or 15. -- (îonr.-or fr. suisse fr. 2.50

'1

1. 70 1.80 70/0 , 50 :

La pratique a démontré qu'une taxe douanière appropriée réalise une protection efficace. La Norvège, dont la situation présente beaucoup d'analogie avec la nôtre, en a fait l'expérience avec plein succès. Cette mesure douanière devrait avoir chez nous la même signification et produire les mêmes effets. Les meuniers suisses persistent toutefois à croire que la taxe douanière pourrait, dans certaines circonstances, rester insuffisante. Ils préfèrent le monopole d'importation, qui doit signifier en réalité une interdiction d'importation.

Le régime provisoire actuel confère à l'Office des blés le droit exclusif d'importer de la farine. Mais la statistique commerciale révèle que l'Administration des blés n'importe plus la farine.

9S1 Tarif No. 16 Tarif No. 216a Années Farine de céréales, maïs, légumes à cosse, en récipients pesant plus Farine pour le bétail, dénaturée de 5 kg

:

Valeurs en Quantités Quantités en q. n.

1COO fr.

en q. n.

1910 509,644 15,044 472,198 1911 457,934 13,555 538,578 1912 14,054 439,344 535,429 1913 11,829 381,320 579,372 1914 211,798 6,959 359,873 1915 75,269 3,549 2,833 1916 40,654 2,399 1,391 1917 67,185 4,017 19 -- 1918 1,044,685* 95,679 1919 302,400 31,006 1,970 1920 27,257 2,505 -- 1021 7,196 365 98,093 1922 63,003 2,242 273,421 1923 41,576 1,508 249,039 1924 11,083 421 410,886 1925 10,827 434 582,833 1926 10,188 379 317,609 1927 3,290 143 423,916 * en 1918, les U-S-A. livrèrent surtout de la farine.

Valeurs en 1000 fr.

9,246 11,045 10,202 11,405 6,668 47 48 1 -- 96 -- 2,937 7,674 6,569 10,770 16,177 7,85(> 11,031

Les quelques wagons entrés l'année dernière étaient chargés de farines spéciales destinées aux fabriques de biscuits ou à la préparation d'aliments .pour régimes. Le monopole remplit donc exactement les fonctions d'une interdiction d'importation.

Les chiffres établissent en outre que, depuis la fin de la guerre, nos importations en farine fourragère sont en constante augmentation. Elles atteignent et même dépassent aujourd'hui les chiffres d'avant-guerre. Ce développement est très significatif. Il indique à quel point les farines étrangères sont en mesure de faire une dangereuse concurrence à la meunerie suisse. La situation, est la même sur le marché des farines panifiables, Le commerce étranger les offre à des prix défiant la concurrence suisse. Les Etats étrangers fötit un très gros effort pour encourager l'exportation ds tous les produits de leur minoterie.

La Commission' consultative extra-parlementaire partage l'opinion des meuniers. Elle a opiné en faveur du monopole d'importation de la farine panifiable, cela dans l'idée que l'Administration des

962

blés ne ferait usage de cette faculté que si les circonstances l'exigaient pour assurer, la subsistance du pays.

Il ne s'agirait point par conséquent de créer, un monopole d'ordre économique signifiant l'étatisation d'une branche de notre commerce, mais de prendre une mesure équivalente à la fermeture de notre frontière. Cette forme de l'interdiction d'importation, à caractère strictement douanier, n'aurait point la signification du monopole actuel des céréales qui confère à l'Etat le droit exclusif d'acheter et de vendre les blés étrangers, c'est-à-dire un droit exclusif de commerce comportant transaction annuelle sur plus de 35,000 wagons de céréales étrangères1. Il fallait insister sur la différence essentielle qu'il y a au point de vue politique, économique et social entre le monopole d'importation de la farine signifiant une interdiction d'importation, et le monopole actuel des céréales.

Puisque le nouveau monopole de la farine équivaudrait à une fermeture de la frontière, on pourrait obtenir le même résultat par le moyen beaucoup plus simple de l'interdiction ou de la restriction d'importation. Toutefois, la politique douanière pratiquée actuellement par la Confédération suisse ne s'accommoderait que difficilement de cette solution. Pour prêcher d'exemple, nous avons supprimé les interdictions d'importation. Leur rétablissement, même à titreexceptionnel, ne paraît dès lors pas désirable.

Nous tirons de ces quelques considérations les conclusions suivantes : Pour protéger efficacement notre meunerie, il doit suffire d'introduire dés droits .de douane assez forts pour exclure dans une très, large mesure la concurrence étrangère. Des taux élevés se justifieraient pleinement par le fait que les moulins étrangers désireux: d'importer en Suisse ne participent point aux charges nationales que nous imposons aux moulins indigènes. La solution par. la taxe douanière a l'avantage d'éviter l'institution définitive d'un .monopole d'Etat. Pour n'avoir qu'une portée fiscale et signifier en réalité une simple interdiction d'importation, ce monopole de la farine sera tout de même considéré comme un' monopole et par conséquent restera impopulaire. Il n'est du reste pas démontré que ce moyen soit indispensable.

Nous lui préférons donc le droit de douane perçu sous formedé taxe supplémentaire sur la farine
en même tenxps que le droit d'entrée ordinaire. On fixerait cette surtaxe suivant l'état de la concurrence étrangère et les besoins de la meunerie suisse. L'Administration fédérale des blés est toujours en mesure de fournir sur la situation intérieure tous les renseignements nécessaires. Elle exerce,, en effet, un contrôle continu sur le mouvement des prix de la farine

9 6*

panifiable et du pain. Elle peut en tout temps indiquer le prix de revient de la farine panifiable indigène. Ce mode de protection, appliqué ailleurs, spécialement en Norvège, avec plein succès, nous paraît si pratique, que le droit d'en faire usage doit être prévu dans l'article constitutionnel comme moyen ordinaire. Pour tenir compte des voeux exprimés par les meuniers, nous voulons ne pas exclure le système auquel vont leurs préférences. Nous prévoyons par conséquent, à côté du droit d'entrée qui doit rester le moyen ordinaire,, la faculté extraordinaire de. réserver à l'Office fédéral des céréales le droit d'importer la farine étrangère. La loi apportera sur ce point les précisions nécessaires.

Faut-il redouter que la suppression du monopole n'entraîne un renchérissement du pain dans les contrées centrales du pays; fautil craindre que la protection accordée à la meunerie indigène rie donne lieu à des abus?

Enfin si la protection à la meunerie devait donner lieu à des abus, la Confédération réglera les droits d'entrée sur la farine ou l'importation de telle sorte que les intérêts du consommateur soient sauvegardés.

5. Frais de transport des céréales.

Sous le régime du monopole, la Confédération effectue toutes les livraisons de céréales port payé. Tous les moulins sont placés sur le même pied. En principe, la livraison franco des céréales pourrait également se faire sous le régime sans monopole. Il suffirait de rembourser aux moulins leurs frais de transport dès la frontière suisse.

La livraison franco est destinée à leur faire à tous, quelle que soit la distance qui les sépare de la frontière, une situation égale quant aux frais de transport des blés. Elle tend à égaliser les conditions de travail. Il importe de rappeler à ce sujet que les conditions locales d'exploitation, main-d'oeuvre, charges fiscales, etc. exercent aussi une influence importante sur le prix de revient de la mouture. Ces autres facteurs exercent déjà souvent une influence compensatrice. Il faudrait peut-être rappeler aussi que les industries et en général la population de l'intérieur jouissent de certains avantages dont ne bénéficient pas les Suisses de la périphérie. Une certaine adaptation des frais de transport reste toutefois désirable, afin de protéger efficacement les moulins sis à l'intérieur du pays contre la
concurrence éventuellement trop facile de ceux qui sont à la frontière. On se demande toutefois si le but poursuivi ne pourrait pas être atteint par un autre moyen que le remboursement intégral des frais de transport.

Une première solution consisterait à substituer au remboursement total effectué sous le régime du monopole un remboursement partiel.

fl(ì4

e moyen permettrait d'e tenir compte dans une mesure suffisante de la situation des moulins qui se trouvent à l'intérieur du pays. Le remboursement partiel aurait en outre cet avantage que les meuniers et les marchands tendraient à réduire autant que possible leurs frais de transport. Rappelons aussi que le paiement intégral des frais de transport par l'Etat a parfois donné lieu à des situations bizarres.

Il est arrivé
On a fait au système comportant le remboursement partiel des frais de transport le reproche d'exiger la création d'un appareil administratif coûteux. Cette crainte est exagérée. En effet, la Régie des alcools bonifie aux producteurs les frais de transport des pommes de terre expédiées dans les villes et vers les régions alpestres. Les expériences faites jusqu'à ce jour donnent tout lieu de croire que ce procédé pourrait être appliqué sans complication au transport du blé.

Les chemins de fer fédéraux font application si fréquente de la ristourne des frais de transport, qu'ils ont dû créer à cet effet un service spécial. Le remboursement des frais de transport du blé pourfait s'effectuer par l'intermédiaire de cet office.

Parce que les circonstances locales spéciales à chaque moulin exercent déjà une certaine influence égalisatrice, il ne faut pas attribuer une importance exagérée aux différences de frais de transport. La solution d'à problème des transports sera facilitée par l'application du tarif dégressif aux céréales. Le taux kilométrique diminue à mesure que la distance augmente.

L'application de ce tarif dégressif compensera en partie les avantages dont jouissent les moulins de la zone frontière. La Confédération pourra y ajouter, suivant les circonstances, une bonification partielle des frais de transport d'ès la frontière suisse.

Actuellement, le monopole livre les blés à tous les moulins port payé. Tous les moulins, ceux du centre comme ceux de la
périphérie, payent les céréales le même prix. Nous avons exposé plus haut que l'application d'un tarif dégressif et, si besoin est, le subside de transport, exerceront sous le régime sans monopole l'action compensatrice nécessaire à réaliser l'unité de prix que nous tenons à conserver. Le nouveau régime aura en outre l'avantage de supprimer certains abus inhérents au système de la livraison franco.

Aujourd'hui, la Confédération subventionne le transport de la

965

farine vers les régions alpestres. Il n'est pas question de supprimer cet avantage. Cette bonification au profit de nos populations montagnardes sera versée suivant le mode actuel par le canal des chemins de fer fédéraux. Ce procédé s'applique aussi bien1 à la solution sans monopole qu'au régime actuel.

La commission extra-parlementaire a recommandé le système du remboursement partiel des frais de transport dont elle évalue le coût annuel à 2 millions. Nous en acceptons le principe et proposons un texte constitutionnel qui fournit la base légale nécessaire. La somme indiquée est certainement très exagérée, puisque le coût total des transports de céréales à l'intérieur du pays sous le tarif appliqué jusqu'ici atteint annuellement environ six millions.

Texte du contre-projet (3e point).

La Confédération prend, tout en sauvegardant les Intérêts du consommateur de pain et de farine, les mesures nécessaires au maintien de la meunerie nationale. Elle peut, à cet effet, prélever des droits d'entrée sur les farines étrangères et se réserver le droit, si les circonstances l'exigent, d'importer la farine panifiable. Elle peut accorder, en cas de besoin, aux moulins situés à l'intérieur du pays, certaines facilités afin de réduire leurs frais de transport. Elle subventionne le transport de la farine vers les régions de montagne.

6. Couverture des dépenses imposées par l'approvisionnement du pays en pain.

Le problème du blé, c'est-à-dire le problème
D'autre part, le maintien et le développement de la culture indigène ont une importance politique et économique considérable. 100,000 exploitations rurales, grandes et petites, y sont directement intéressées.

Enfin, nous savon's que dans les plaines vastes et fertiles des pays où la population est moins dense, où la culture en grand des céréales se poursuit par la pratique de moyens techniques souvent inapplicables dans nos modestes exploitations suisses, les frais de production du blé sont moins élevés que chez nous. Pour assurer le maintien de la culture dtes céréales, il faudra par conséquent se résigner à payer notre pain plus cher, parce qu'il est fait en partie avec des farines du pays, à moins de fournir par un autre moyen le surprix indispensable au cultivateur suisse. Le problème du blé est «déjà difficile à résoudre au point de vue technique. Il faut encore Feuille fédérale. 80e année. VoL I.

67

966

lui trouver unte solution qui concilie tous les intérêts en] jeu avec les exigences de nos finances publiques.

Sous le régime du monopole, la Confédération couvre la prime à la mouture et subventionne à ses frais l'application des procédés techniques de culture et de récolte. Cest une dépense annuelle d'environ 4 millions, qui depuis 1925 figure au budget ordinaire. Il ne sera guère possible d'en décharger la Caisse fédérale à l'avenir.

Faisons maintenant le compte des autres frais exigés par la constitution de la réserve fédérale et la subvention aux cultivateurs qui produisent pour le marché.

1. Dépenses occasionnées par le magasinage de 80,000 tonnes de blé 2. Prise en charge du blé du pays : a) majoration de prix de fr. 850 pour 6000 wagons b) dépenses de prise en charge, frais de transport, intérêts, etc., 6000 wagons à fr. 265 .

.

.

8. Subsides pour transport de la farine livrée aux régions de montagne 4. Subsides de transport en faveur idtes moulins de l'intérieur (maximum) 5. Frais d'administration soit au total

fr. 1,800,000 »

5,100,000

»

1,590,000

»

350,000

» »

1,500,000 450,000

fr. 10,790,000

Ce budget est très large. Il est probable que dans les conditions actuelles la somme totale des dépenses, y compris la prime à la mouture, ne dépassera guère 13 millions. Vu l'état de nos finamces publiques, en raison surtout de l'urgente nécessité d'amortir courageusement la dette fédérale, il est exclu d'imposer à la Confédération un nouveau sacrifice. La Caisse fédérale continuera à payer les 4,000,000 de francs qu'elle a versés depuis 1925. L'excédent,, par contre, sera supporté par le consommateur de pain, à moins de trouver une nouvelle ressource fiscale.

Nous examinerons successivement les différentes solutions financières. Nous envisagerons d'abord les divers modes de réversibilité au consommateur. Nous exposerons ensuite une solution qui aurait le gros avantage de dégrever le consommateur de pain de cette lourde charge.

967

7. Couverture des dépenses pour l'approvisionnement du pays en blé.

Le moyen de recouvrement le plus simple et le plus économique est incontestablement la taxe douanière sur les céréales étrangères.

Rappelons à cet égard que la France perçoit aujourd'hui fr. français 35.-- c'est-à-dire îr. suisses 7.-- par 100 kg sur le froment et fr. français 15.-- sur le seigle; la taxe allemande est fixée à 5.5 marks, c'està-dire à 6.25 fr. suisses sur le froment et le seigle; la taxe italienne a été portée à 7.50 lires-or pour le froment et à 4.50 pour le seigle. La Suisse importe régulièrement chaque année 35,000 wagons de céréales étrangères. Une taxe moyenne de fr. suisses 3.-- par 100 kg suffirait par conséquent à fournir les 10 millions avancés par l'administration des céréales pour favoriser la culture indigène et couvrir les frais occasionnés par la constitution et l'entretien des réserves. Il va de soi que cette taxe n'aurait aucune prétention protectionniste. Nous savons en effet que pour protéger efficacement le cultivateur suisse il faudrait en porter le chiffre à 8 fr. au moins, ce qui est exclu, puisqu'il en résulterait un renchérissement du pain. Le relèvement de taxe serait par conséquent de nature purement fiscale. Il est probable d'ailleurs que cette majoration n'entraînerait pas une augmentation du prix actuel -du pain. Les dix millions absorbés par la subvention à la culture indigène et les frais de la réserve fédérale sont aujourd'hui déjà en partie au moins incorporés au prix des céréales livrées par le monopole aux meuniers. Sans doute que les bénéfices réalisés par le monopole réduisent d'autant la somme transférée au consommateur. L'administration des céréales opère sagement. Cependant, s'il y a possibilité de gain, l'éventualité de perte n'est jamais exclue. Il faut par conséquent admettre que la subvention à la culture indigène et les frais considérables occasionnés par les réserves sont en principe supportés par le consommateur, à moins de les faire couvrir pan la caisse fédérale.

L'opinion publique suisse a toujours1 fait un accueil des plus réservés à toutes les augmentations de droits1 de douane, en raison de leur répercussion sur le coût de la vie. On pourra dire sans doute qu'il ne s'agit point d'une nouvelle charge, mais simplement d© choisir un autre mode de réversibilité
sur le consommateur. Malgré toutes ces bonnes raisons, nous doutons que le peuple accepte cette solution.

Le chiffre de la taxe sur les céréales pourrait être légèrement relevé sans qu'il soit besoin de procéder à une revision constitutionnelle. Le nouveau taux devrait cependant répondre aux exigences de l'article 29 de la Constitution. L'augmentation de la taxe douanière suil les céréales n'offre par conséquent pas un moyen principal de récupération.

Il y a un autre moyen de résoudre le problème. C'est la solution suggérée par les meuniers.

968

Sous le régime du monopole, une portion au moins des 10 millions à couvrir sont comptés dans le prix des blés livrés aux meuniers. La part des frais que chaque meunier doit supporter est par conséquent proportionnelle à la quantité de céréales qu'il met en oeuvre, c'est-à-dire à l'importance de sa mouture.

Les meuniers proposent qu'à l'avenir l'activité idu moulin continue à servir de base à la répartition des dépenses à recouvrer.

La taxe sur la farine proposée par les meuniers est une application ingénieuse de ce principe. Le système actuel incorpore les dépenses à couvrir aux prix de vente des céréales. Les meuniers suggèrent de les ajouter aux prix de vente de la farine. Dans les deux systèmes, la majoration reste inapparente, puisqu'elle disparaît dans le prix de la marchandise. Elle est absorbée par les frais qui constituent le prix de revient. Dans les deux cas, le consommateur qu'elle atteint indirectement est frappé dans la même mesure. Peu lui importe que cette majoration vienne s'ajouter déjà au prix du blé, comme c'est le cas sous le régime du monopole, ou seulement plus tard, après mouture, au prix de la farine. Ajouter la même somme au prix de vente du blé ou à celui de la farine, c'est frapper le pain du même renchérissement. Puisque les deux systèmes o.nt la même répercussion sur les prix du pain, ils se valent. Peu importe le moyen, en somme, seule, la charge supplémentaire compte.

Si le consommateur de pain doit couvrir les 10,000,000 de francs, la modalité suggérée par les meuniers répond incontestablement aux exigences d'une équitable répartition. Elle serait sans d'oute d'une réalisation un peu compliquée, mais elle ne .présente, au point de vue technique, aucune difficulté insurmontable. La taxe serait calculée sur la base du débit de farine. Le livre de vente imposé aujourd'hui par le monopole fournit tous les éléments nécessaires à ce règlement de compte. Par contre, du point de vue politique, cette solution nous paraît irréalisable.

Sous cette forme, la répartition' de la somme à recouvrer prend une allure nettement fiscale et, dès lors, prête le flanc à facile critique. On y verra immédiatement l'introduction d'une nouvelle taxe sur la farine. Il ne serait pas difficile de" démontrer l'inanité de ce reproche, puisque la taxe sur. la farine n'est pas plus onéreuse pour
le consommateur que le mode de transfert qu'elle doit remplacer.

Mais cet argument, auquel la raison n'a rien à objecter, suffira-t-il à calmer l'aversion que le peuple éprouve à l'égard de toutes les mesures de caractère fiscal? Nous en doutons. Dans la bouche des adversaires de la solution sans monopole, la taxe sur la farine deviendra l'impôt sur la farine. Avec une arme aussi redoutable, il est facile de faire campagne et d'organiser une dangereuse opposi-

969

tion. Si la solution du problème financier devait être trouvée dans cette direction, il vaudrait mieux choisir un mode de réversibilité qui se rapproche davantage du système actuel.

Sous le nouveau régime, l'office des blés ne livrera que les céréales indigènes et les céréales de la réserve qu'il faut renouveler, c'est-àdire annuellement environ 10,000 wagons. Il sera, partant, difficile d'incorporer les 9 à 10 millions à recouvrer dans un stock de céréales ainsi réduit. La majoration de prix qui en résulterait peut être évaluée à 10 frs. par 100 kg. environ. C'est dire que le meunier aurait très gros intérêt à échapper le plus possible à cette onéreuse obligation. Il faut par conséquent reconnaître que le danger de fraude serait plus considérable que sous le régime actuel.

Il vaudrait donc mieux, pour atténuer le danger de fraude, livrer à leur valeur marchande les blés indigènes et ceux de la réserve qui doivent être renouvelés. Les dépenses à recouvrer seraient réparties aux moulins proportionnellement à l'importance de leur mouture, mais elles constitueraient un poste spécial. Le compte dressé par chaque meunier comporterait deux postes. Le premier représenterait le prix des céréales, le 2e la part aux dépenses à recouvrer. Cette variante est en réalité une application rationnelle de la méthode suivie^aujourd'hui. Peut-être serait-il moins difficile de la faire accepter par le peuple que la taxe sur la farine. Pour le consommateur, les deux modes ont la même signification, et par conséquent, la même portée. Pour l'électeur, par contre, la différence dans la forme peut avoir son importance. Cependant, toutes ces formules doivent effectuer un transfert et signifient par conséquent une imposition de la consommation du pain. La plus ingénieuse n'effacera pas le caractère qui en fait une mesure fiscale très antipathique.

L'examen approfondi de la solution proposée par les meuniers nous a convaincu qu'il serait très difficile de la faire accepter par le peuple. Sous n'importe quelle forme, elle se heurtera fatalement à une opposition probablement irréductible. Pour des motifs d'ordre politique et pour d'autres raisons encore, il vaut mieux dès lors y renoncer.

Le côté financier reste un des aspects les plus délicats, le point le plus difficile du problème du blé. Sous le régime actuel, quatre
millions sont à la charge du budget fédéral. Les dix autres millions doivent être obtenus pat un autre moyen. Aujourd'hui, ils sont, en partie au moins, supportés par le consommateur de pain. Nous avons examiné successivement les différents modes de transfert au consommateur, taxe douanière sur les céréales, majoration du prix des céréales indigènes livrées aux meuniers1, taxe sur la farine. Tous atteignent le consommateur dans la même mesure

970

et signifient, par conséquent, un renchérissement du prix du pain. Les meuniers ont calculé que le recouvrement par la voie de la taxe sur la farine grève le prix de la mouture d'environ 2^ centimes par kg. Le pain en est augmenté d'autant. Couvrir la subvention à la culture indigène par la majoration du prix des céréales remises aux meuniers par l'Office du monopole ou par la taxe douanière sur les céréales étrangères aura exactement la même répercussion. Tous ces modes de transfert sont, en raison de leur forme différente, un peu plus apparents ou un peu moins visibles, mais ils ont tous la signification d'une taxe frappant le consommateur proportionnellement à la quantité de pain absorbée, c'est-à-dire d'avantage l'homme de condition modeste et surtout la famille nombreuse.

Ce mode de répartion n'est pas très heureux. Il est peu équitable.

Il serait difficile de le faire accepter par une démocratie où le peuple tranche en dernier ressort.

La dépense pour le pain, qui est relativement minime dans le budget de la famille aisée, joue un rôle tout différent dans l'alimentation des gens de condition modeste. Transférer les frais considérables exigés par la protection à la culture indigène des céréales sur le consommateur, proportionnellement à sa consommation en pain, c'est un mode de répartition peu équitable. Ce système était acceptable pendant la guerre et la crise qui l'a immédiatement suivie. A cette époque difficile, la grande préoccupation fut de se procurer du pain. Il fallait en trouver à tout prix et se résigner à le payer cher.

Mais avant de cristalliser définitivement la répartition des charges qui grèvent le consommateur de pain, il vaut la peine de revoir minutieusement cette délicate question.

Garantir l'approvisionnement du pays en pain est une nécessité d'ordre national. Il faut en outre protéger énergiquement la cultura du blé en assurant aux cultivateurs une équitable rémunération. Le vigoureux effort fourni par les paysans suisses permet déjà de couvrir au moins */4 de nos besoins en blé. Il faut poursuivre vaillamment cette politique de soutien, afin d'améliorer encore cette proportion. Nous resterons malgré tout, il va de soi, largement tributaires de l'étranger, auquel nous demandons encore aujourd'hui plus des % de notre pain. Mais, est-il équitable de faire supporter
exclusivement par le consommateur de pain les 9 ou 10 millions que nous coûtera chaque année la politique du blé1? Ce mode de répartition des charges ne pèse-t-il pas trop sur l'ouvrier de la ville et sur celui de la montagne1? La justice distributive postule que les charges fiscales soient réparties proportionnellement aux forces contributives de chacun. L'impôt doit toucher tous les citoyens, mais chacun suivant ses moyens. Il semble que la réversibilité totale de ces 10 millions sur les consommateurs proportionellement à leur consommation me-

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connaisse les exigences d'une équitable perception. Pourquoi faire supporter au consommateur d'e pain seul la subvention accordée à la culture indigène ? Il faut chercher et trouver le moyen de répartir différemment ces 10 millions entre les contribuables aux impôts de consommation.

Incorporer cette lourde somme exclusivement au blé livré au meunier ou à la farine fournie au boulanger équivaudrait à grever de fr. 2.-- par 100 kg les 40000 wagons que nous absorbons chaque année. Au lieu de faire supporter ces 10,000,000 de francs par les céréales paniflables seulement, ne vaudrait-il pas mieux les répartir sur l'ensemble des marchandises qui franchissent notre frontière? Le mouvement total des marchandises à travers la frontière atteint le chiffre annuel moyen de 120 millions de quintaux. Pour obtenir 10 millions, il faudrait frappeii les céréales étrangères panifiables de fr. 3.-- par 100 kg, c'est-à-dire 300 frs. par wagon, alors qu'il suffirait de percevoir sur les 120 millions de quintaux 8 centimes par quintal ou en moyenne 8 frs. par wagon. Ce ne> serait plus le consommateur de pain seul qui serait appelé à fournir ces 10 millions, mais tous ceux qui sont intéressés à l'énorme mouvement des marchandises à travers notre frontière.

Comme les autres Etats1, la Confédération suisse perçoit sur toutes les marchandises franchissant la frontière des 'droits de douane et un émolument accessoire de statistique. Certains Etats prélèvent cumultativement plusieurs taxes supplémentaires : taxe de contrôle, droits de timbre, droits de permis, émoluments de statistique, etc.

Le droit de statistique seul s'élève en! France à 90 centimes français, en Italie à 0.30 lire par 100 kg.

En Suisse, où la taxe de contrôle porte le nom d'émolument de statistique, elle est fixée au taux uniforme de 2 cts. par 100 kg, c'està-dire à 0,20 fr. par tonne et f r. 2.-^ paï, wagon de 10 tonnes. Si l'on portait cette taxe de 2 à 10 cts., elle resterait encore de 50% inférieure à celle que la France perçoit comme taxe de statistique. Nous avons dit déjà qu'à côté de cet émolument, la France prélève d'autres taxes accessoires que notre tarif suisse ne connaît pas. Un relèvement de notre finance de statistique dans les limites indiquées apportera à la Caisse fédérale la recette nouvelle qui la mettra en mesure de supporter les
dépenses imposées par l'approvisionnement du pays en blé et l'encouragement à la culture indigène. Il ne s'agirait point de créer un impôt nouveau, mais simplement de modifier une taxe déjà existante. Cette tmiodification ne signifierait pas non plus une charge fiscale nouvelle. Ces dix millions grèvent déjà, en bonne partie du moins, le consommateur de pain. Il s'agit simplement de répartir différemment une charge déjà existante.

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rait pas non plus une charge fiscale nouvelle. Ces dix millions grèvent déjà, en bonne partie du moins, le consommateur de pain.

Il s'agit simplement de répartir différemment une charge déjà existante.

A l'avenir, toutes les marchandises destinées à la consommation, au commerce, à l'industrie et à l'exportation, seraient frappées d'un émolument de statistique un peu plus élevé. L'appoint supplémentaire dont la caisse fédérale a besoin serait reporté sur toute la masse énorme des marchandises qui franchissent chaque année notre ligne douanière, «c'est-à-dire sur un stock dont le poids total atteint 120,000,000 de quintaux et la valeur globale dépasse 5,500,000,000 de frs.

La finance de statistique majorée représente environ 1 franc en moyenne par mille kg et moins de d'eux pour mille ad valorem. L'expérience nous permet de dire qu'une partie de cette taxe «te contrôle sera supportée par le vendeur étranger. Le solde sera absorbé par l'importateur indigène ©t se partagera entre le grossiste, le mi-gros et le détaillant. Les matières premières dont la valeur est peu élevée et qui sont importées par wagon complet bénéficieront d'un tarif réduit. Le projet de loi et le message explicatif préciseront et justifieront les modalités de l'émolument de statistique prévu par l'article 14 de la loi concernant le tarif général des douanes suisses de 1902.

C'est une solution fiscalement plus juste et socialement plus équitable que celle qui impose exclusivement le consommateur de paia.

Elle signifie un allégement dont profitera surtout la famille nombreuse. Suivant les données des offices publics de statistique, les dépenses pour le pain représentent, en effet, pour une famille de condition moyenne composée de 4 personnes, le 13% de l'ensemble des dépenses du ménage. Toutefois, cette proportion n'est point uniforme.

Elle tombe jusqu'à 5% dans les ménages très aisés pour s'élever par contre jusqu'à 20% dans les familles nombreuses de condition modeste.

La solution proposée par les meuniers ne réalise point une répartition équitable des charges. Elle frappe très peu l'homme aisé et grève par contre plus lourdement la famille nombreuse de condition modeste. La solution que nous proposons lui apporterait un allégement. Ce dégrèvement, tout modeste qu'il soit, viendrait au moment opportun, puisque, en 1927,
la natalité en Suisse a marqué, suivant les données de la statistique, le minimum depuis 60 ans, alors que le nombre des mariages atteint à peu près le maximum.

Enfin, il paraît superflu d'insister sur l'avantage considérable de la grande simplicité de ce moyen fiscal. La perception de cette recette supplémentaire n'exige aucune augmentation de personnel.

Elle s'effectuera dès lors gratuitement. Sa simplicité est frappante, si on la compare à la perception de la taxe sur la farine proposée

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par la commission extra-parlementaire, qui suppose une répartition effectuée entre les 300 moulins suisses sur la base de leur mouture.

Cela ne veut pas dire que la perception d'une taxe sur la farine ou la Répartition des frais à récupérer sur le consommateur au moyen d'un partage entre les meuniers soient irréalisables. Mais elles seraient compliquées et désagréables.

La solution fiscale proposée simplifie considérablement le problème du blé et facilitera grandement les rapports de l'Office des céréales avec les meuniers. Les charges imposées au moulin sont réduites à la prise de livraison des blés indigènes au prix de leur valeur marchande et à l'obligation de loger une partie des blés de la réserve pour les acheter ensuite, afin d'en permettre le renouvellement rationnel.

Il est une autre considération qu'il vaut la peine de, relever.

Mis au bénéfice des garanties auxquelles la revision constitutionnelle confère un caractère définitif, le producteur développera sa culture de blé. La conséquence en sera une augmentation de la dépense exigée par la prime à la mouture et par le surprix payé aux céréales livrées à l'Office fédéral. Le développement de la culture des céréales que nous voulons énergiquement favoriser exigera fatalement une augmentation progressive de la subvention au producteur. Mais elle entraînerait aussi une majoration parallèle de la taxe sur la farine.

Il n'y a pas d'intérêt à mettre en opposition le producteur et le consommateur, à dresser l'un contre l'autre le paysan qui aura intérêt à développer la culture du blé et le consommateur qui achèterait à meilleur compte un pain fait de céréales étrangères. La solution que nous proposons évite cette désagréable opposition d'intérêts entre citoyens qu'il importe au contraire de rapprocher.

La modification de l'article 14 de la loi du 10 octobre 1902 fera l'objet d'un projet de revision accompagné d'un Message qui- seront transmis aux Chambres simulanément avec le projet d'article constitutionnel relatif à la question du blé. Il va de soi que l'application de l'article modifié coïncidera avec la mise en vigueur de la solution sans monopole.

Texte du contre-projet (Couverture des dépenses).

Le relèvement de la finance de statistique prélevée sur toutes les marchandises qui franchissent la frontière douanière suisse contribuera à couvrir les dépenses occasionnées par l'approvisionnement du pays en blé.

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0. Comparaison des deux systèmes.

On craint eneot.e dans certains milieux que l'application d'une solution sans monopole ne rencontre de sérieuses difficultés. Elle sera, disent les uns, beaucoup plus compliquée que le monopole. Il est intéressant à cet égard de juxtaposer les solutions apportées par.

les deux systèmes sur tous les points principaux. Cette comparaison établira que ces craintes sont à tout le moins considérablement exagérées.

1. Le blé indigène.

Partout où se pose le problème des céréales, le régime applicable au blé indigène constitue la grosse difficulté technique à résoudre.

D'après notre projet, tout ce qui concerne le blé indigène (livraison et prise en charge du blé, prime à la mouture, encouragement à la culture) reste soumis à l'ordre actuel. Par conséquent, sur ce point capital, pas de changement. Le blé indigène continue à être acheté par la Confédération à un prix qui doit en permettre la culture.

Il esi réparti entre les moulins, ainsi que les blés de la réserve, proportionellement à l'importance de leur mouture et compté à sa valeur marchande. Nous renvoyons à ce sujet à l'exposé détaillé des pages 22/23.

2. Le blé étranger.

Actuellement, les blés étrangers so'nt achetés par l'Etat. Ils sont importés et distribués aux moulins par1 les soins de l'administration du monopole. Le nouveau régime prévoit que, sous réserve du contrôle nécessaire, l'importation des blés étrangers sera libre.

Pour bien préciser la situation, il est indiqué de formuler ici quelques remarques concernant le mod'e d'achat des blés étrangers.

L'office du monopole n'achète pas directement ses blés étrangers dans lo pays qui les produit. Il se les procure par l'intermédiaire des maisons spécialisées dans ce genre d'opérations. Presque toujours, il traite par l'intermédiaire (d'agents ou de représentants. Ce rôle d'interm'édiaire est tenu par les maisons suisses qui s'occupaient autrefois du commerce des blés et aussi par certaines firmes qui s'intéressent à ce genre d'opérations à titre de commissionnaires ou d'agents.

Des quelque 40 maisons de commerce qui fournissent actuellement le monopole, une vingtaine seulement entretiennent avec la Confédération' des relations d'affaires régulières. A noter qu'une seule firme suisse figure dans ce dernier groupe. Cependant, sauf quelques rares
exceptions, les maisons étrangères qui n'ont pas de succursale, en Suisse traitent en général par l'intermédiaire de représentants accrédités dans le pays. Les maisons avec lesquelles le monopole est en relation ont effectué en 1925, 1926 et 1927 les livraisons ci-après :

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1. Firmes d'outre-mer ayant une succursale en Suisse 2. Maisons d'outre-mer représentées en Suisse par des agents 3. Maisons anglaises représentées en Suisse 4. Maisons du continent : a) maisons représentées en Suisse par des agents 6) maisons qui entretiennent avec l'administration des relations directes .

.

5. Maisons suisses Total

Nombre de wagons à 10 tonnes 1925 1926 1927

12,821

18,121

16,487

5,308 4,649

7,246 6,747

7,669 7,732

6,442

4,258

5,182

493 4,659 34,372

631 1,429 38,432

1,852 2,808 41,730

Les maisons et agents suisses occupés au commerce des blés sont aujourd'hui moins nombreux qu'avant la guerre. La proportion des maisons étrangères intéressées à nos achats de céréales panifiables a, par contre, considérablement augmenté. C'est un phénomène plutôt regrettable dont l'administration fédérale des blés s'efforce de ralentir le développement. Par égard pour les maisons suisses, elle évite, en effet, de correspondre directement avec ses fournisseurs étrangers. Les représentants et les agents de maisons étrangères perdraient leur id'ernière source de gain, si l'administration se passait totalement de leurs services. Il nous paraît cependant difficile que cet état de choses un peu extraordinaire se prolonge. Si le monopole devait être institué à titre définitif, il serait fatalement amené à se passer de ces intermédiaires, qui trouvent encore aujourd'hui dans ce genre d'activité leur moyen (de subsistance. Cette inévitable évolution serait regrettable. Les exigences d'une impérieuse nécessité peuvent seules justifier que l'on substitue les grosses maisons étrangères à l'activité de nos commerçants suisses. Il a fallu, à une époque troublée, que le monopole servît d'intermédiaire entre les grands marchands, dont la plupart sont étrangers, et les moulins indigènes, parce que le commerce privé était dans l'impossibilité d'importer les blés étrangers. Aujourd'hui, les circonstances extraordinaires qui ont exigé cette interposition ont heureusement disparu. Le commerce privé est de nouveau en mesure d'alimenter directement le pays en céréales étrangères. La ténacité avec laquelle quelques maisons se sont maintenues fait prévoir qu'elles reprendront leur activité dès qu'elles auront été libérées des entraves du monopole.

Sous le régime sans monopole, l'obligation subsiste pour les moulins indigènes de prendre livraison des blés du pays. Par contre, au

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lieu d'être servis en blés étrangers par l'Office du monopole, ils pourront les acheter à l'époque qui leur conviendra, où bon leur semblera et au marchand de leur choix.

3. La surveillance.

Le régime sans monopole, tout comme le monopole, exige le contrôle nécessaire pour éviter les fraudes qui ne manqueraient pas de se, produire à l'occasion du paiement de la prime à la mouture. O faudra par conséquent, à l'avenir comme par le passé, continuer à contrôler les moulins.

Le contrôle du magasinage des blés dans les moulins s'effectue actuellement en vertu ides clauses d'un contrat passé entre l'Administration fédérale des blés et les meuniers. L'administration est autorisée à contrôler les magasins et les livres relatifs à l'entrée, la mouture et la sortie des marchandises. La tenue d'un livre de contrôle est obligatoire. L'Administration des> blés a en tout temps le droit de vérifier la fabrication et les livres. Le contrôle de l'emploi des différentes quantités de blé emmagasiné s'appuie sur le contenu des bulletins d'achat et des bulletins de livraison. La minutieuse surveillance exercée actuellement suffira sous le régime sans monopole.

Lé contrôle de la mouture restera l'opération principale. Les méthodes de vérification pratiquées avec succès aujourd'hui fourniront sous le régime sans monopole une base exacte pour le paiement de la prime à la mouture. Elles garantiront en outre une équitable répartition des céréales indigènes et des dépenses dont l'Office fédéral fera l'avance.

Le retour à la liberté d'importation exigera, à côté de la surveillance des moulins, un certain contrôle du commerce des céréales.

L'Administration des blés possède déjà un système de contrôle éprouvé en même temps qu'une précieuse expérience. Il suffira qu'elle étende son activité aux importateurs pour empêcher efficacement la fraude. En outre, les organes de l'administration des douanes sont en mesure d'apporter une très utile collaboration au contrôle des importations. Us exercent déjà utilement une surveillance sur plusieurs secteurs de notre activité commerciale suivant des procédés dont s'oiccommodent les intéressés. Nous nous sommes expliqués ailleurs à ce sujet. Qu'il nous suffise de rappeler que les organes de la douane pourront surveiller, pour le compte de l'Administration des blés, toutes les importations
de céréales panifiables, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter le personnel d'une seule unité.

Pour prévenir toute fraude dans le paiement de la prime à la mouture et afin de fournir tous les renseignements indispensables à

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une équitable répartition des céréales indigènes, les meuniers continueront à tenir le livre de contrôle sur l'emploi des céréales panifiables. Ils devront, sous le nouveau régime comme aujourd'hui, fournir tous les renseignements nécessaires relatifs à leur provenance.

L'administration sera autorisée à faire des contrôles périodiques. On voit que sous le régime sans monopole, le contrôle ne sera ni plus compliqué, ni plus gênant.

Nos administrations fédérales exercent avec plein succès dansdivers domaines, en particulier dans celui de l'application' des taux différentiels, des contrôles très délicats présentant des difficultés1 beaucoup plus considérables que celles inhérentes à la surveillance du commerce des céréales. Pour contrôler l'application des taux différentiels aux tabacs bruts, il a fallu suivre les arrivages jusque dans les usines. Les fabricants avaient manifesté à l'origine une très vive appréhension de toutes ces mesures de contrôle. Plusieurs années de pratique ont permis aux intéressés de constater que ce contrôle est suffisant sans devenir tracassier. Il est rare qu'il donne lieu à réclamations. Il est aujourd'hui accepté par tous les fabricants.

Pour les blés, les opérations de vérification sont beaucoup plus simples. Elles s'effectueront sans difficultés. Cela nous permet de prévoir que le contrôle nécessaire au fonctionnement normal d'une solution sans monopole se montrera efficace sans devenir gênant.

4. Les dépenses.

Il n'y a aucune raison pour que le régime sans monopole soit pour le consommateur plus onéreux que le monopole. Les deux régimes prévoient en effet les mêmes avantages en faveur de la culture indigène : surprix et primes à la mouture. Les dépenses pour les réserves et leur renouvellement restent sans changement. Les frais de transport sont aujourd'hui avancés par le monopole. A l'avenir, ils seront payés par le marchand sous déduction de la subvention éventuelle au profit des moulins de l'intérieur. Le commerce privé les portera au compte des clients, tandis que le monopole les incorpore au prix ides céréales livrées aux meuniers. Mais, pour le consommateur, les deux systèmes se valent, puisque la répercussion sur le prix du pain est exactement la même.

L'intervention de l'Etat en faveur du développement des méthodes de culture et de récolte du blé ne subira pas de changement.

Et dans les deux systèmes, une même somme sera consacrée à subventionner le transport de la farine vers les régions alpestres. Les frais d'entretien et de renouvellement de la réserve seront les mêmes.

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Enfin, suivant les calculs établis par l'administration du monopole, il est probable que sous le régime sans monopole, les frais d'administration pourront être diminués par suite de la réduction du personnel.

Les frais sont à peu près les mêmes so.us les deux régimes. Cependant, leur repereussio.il sur le consommateur n'est pas identique.

Sous déduction des bénéfices éventuels, toutes les dépenses pouïj surprix payé aux céréales indigènes, dépenses pour le maintien et le renouvellement des réserves, frais «l'administration, sont incorporées actuellement au prix d'es céréales livrées aux meuniers. Elles sont dès lors, par l'intermédiaire du moulin et du boulanger, récupérées sur le consommateur de pain. La charge approximative qui en résulte peut être évaluée à 2,5 cts. par kg. Suivant le système proposé par le Conseil fédéral, le consommateur est déchargé de tous ces frais qui sont couverts par, les recettes fiscales. Cet allégement considérable doit permettre une réduction du prix du pain.

5. Comparaison du fonctionnement des deux régimes : avec et sans monopole.

Solution avec monopole

Solution sans monopole

1. Blé indigène.

a) Prise en charge par la Confédération (administration des blés).

6) Répartition aux moulins par l'administration fédérale des blés.

1. Blé indigène.

a) Prise en charge par la Confédération (administration des blés).

6) Répartition aux moulins par l'administration fédérale des blés.

2. Encouragement à la culture des céréales dans le pays.

o) Allocation par la Confédération d'un supplément de prix fixé par le Conseil fédéral.

6) Encouragement au développement technique de la culture des céréales.

2. Encouragement à la culture des céréales dans le pays.

a) Allocation par la Confédération d'un supplément de prix fixé par le Conseil fédéraL 6) Encouragement au développement technique de la culture des céréales.

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3. Prime à la mouture.

a) Allocation de la prime à la mouture par l'administration des blés.

6) Prise en considération des régions de montagne.

4. Réserves de blé.

a) Constitution des réserves par la Confédération.

6) Magasinage dans des entrepôts publics et dans les moulins.

5. Importation du blé.

a) Monopole fédéral d'importation pour toutes les céréales panifiables.

6) Son et farine alimentaire, par les particuliers munis d'une autorisation.

6. Importation de farine panifiable.

Par la Confédération seule.

7. Protection de la meunerie.

Monopole d'importation de la farine.

8. Contrôle.

Par les organes de l'administration fédérale des blés.

9. Frais de transport.

a) Livraison franco et incorporation des frais au prix

3. Prime à la mouture.

a) Allocation de la prime à la mouture par l'administration des blés.

6) Prise en considération des régions de montagne.

4. Réserves de blé.

a) Constitution des réserves par la Confédération.

6) Magasinage dans des entrepôts publics et dans les moulins.

5. Importation du blé.

a)Céréales panifiables: 1. par les négociants, obligation pour les moulins d'acheter le blé indigène et le blé des réserves.

2. par la Confédération : (pour sa réserve).

b) Son et farine alimentaire, par les particuliers.

6. Importation delà farinepanifiable.

Taxe douanière supplémentaire sur les farines étrangères. Si besoin, importation par la Confédération.

7. Protection de la meunerie.

Barrière douanière ou, en cas de besoin, importation de la farine réservée à la Confédération.

8. Contrôle.

Par les organes de l'administration fédérale des blés et les douanes.

9. Frais de transport.

a) Subsides éventuels pour frais de transport des blés im-

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du blé vendu par le monopôle, 6) Subsides pour livraisons de farine aux régions montagneuses.

10. Couverture des dépenses: Sauf environ 4 millions, payés par la Confédération et sous déductiondes bénéfices éventuels, les dépenses provoquées par les mesures nécessaires à garantir l'approvisionnement du pays en blé, et à encourager la culture des céréales indigènes, sont à la charge du consommateur de pain.

portés, accordés aux moulins de l'intérieur du pays.

6) Subsides pour livraisons de farine aux régions de montagne.

10. Couverture des dépenses.

En totalité par les recettes flscales,

VII. les avantages de la solution sans monopole.

Le Conseil fédéral n'a plus à rechercher, aujourd'hui, auquel des deux systèmes il faut donner la préférence. Le peuple s'est prononcé contre le monopole. Le gouvernement a, par conséquent, l'obligation de présenter une solution sans monopole. Ce lui est d'autant plus facile de se conformer à la volonté populaire qu'en 1924 déjà, afin d'éviter l'étatisation définitive du commerce des céréales, le Conseil fédéral avait proposé et recommandé une solution excluant expressément le monopole. La commission du Conseil national n'a pas cru devoir adhérer à ce projet et lui préféra le système du monopole.

Le Conseil fédéral s'est rallié à cette proposition. Il ne faudrait pas en conclure qu'il tend à résoudre les problèmes économiques par la création de monopoles d'Etat. Son souci principal fut et reste, en l'espèce, d'assurer" à la fois l'approvisionnement du pays et le développement de la culture du blé par les moyens les plus pratiques et les plus efficaces. Il ne s'est jamais dissimulé les inconvénients et les dangers qu'entraîné l'attribution à l'Etat de tâches économiques qui appartiennent normalement à l'activité privée.

Il ne saurait être question d'insérer dans le bref message relatif à une question spéciale des considérations approfondies sur le problème si vaste et si délicat de l'étatisme. Contentons-nous de quelques remarques d'ordre général. L'étatisme étant davantage une tendance qu'une doctrine, il serait fort difficile d'en formuler une brève définition. Qu'il nous suffise de rappeler que le pouvoir politique a

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mission d'assurer l'unité et l'harmonie de la vie sociale. Son rôle unificateur, sa fonction d'équilibre et de synthèse des activités sociales sont devenus très délicats et particulièrement absorbants. Il faut se garder par conséquent d'aggraver l'exercice du pouvoir politique en imposant sans nécessité au gouvernement des taches d'ordre économique qu'une société bien organisée doit réserver aux activités privées.

La tendance de notre démocratie d'attribuer au gouvernement la responsabilité des revers et des succès de notre vie économique est dangereuse. Elle risque de créer des confusions préjudiciables à l'exercice du pquvqir politique. Il vaut mieux, dès lors, éviter en principe de monopoliser au profit de l'Etat les activités commerciales ou industrielles. Les nécessités d'ordte supérieur imposent déjà à cette règle générale plusieurs exceptions. C'est ainsi que certains services à caractère nettement public, ne peuvent être abandonnés à l'intérêt privé sans préjudice pour la communauté. La frappe de la monnaie, l'émission' des billets de banque, certaines entreprises de transport, sq'nt organisées et administrées par l'Etat. Dans l'intérêt de la préservation de la race, certaines interventions officielles sont indispensables. Nous pensons en particulier à la réglementation du commerce de l'alcool. On ne conteste pas1 non plus à l'Etat le droit de créer! un monopole fiscal indispensable pour procurer au gouvernement les moyens matériels nécessaires à l'accomplissement de ses tâches essentielles. L'expérience a cependant démontré que, dans ce dernier domaine, la plus grande circonspection s'impose. Il faut user avec prudence de l'argument de nécessité. En 1917, les experts chargés par le Conseil fédéral d'étudier le problème du tabac émettaient en particulier la considération suivante : « II résulte des données et des calculs que nous avons fournis « que nous devons demander au tabac un rendement d'au moins 20 « millions de francs. La forme du monopole est seule capable de « garantir ce rendement. Ni l'impôt proprement dit, ni les droits «d'entrée sur le tabac, ni un monopole partiel limité aux achats des « matières premières ne peuvent fournir une somme supérieure à « 10 millions ou, s'ils le pouvaient, ce serait à condition de surchar« ger les consommateurs au delà de toute équité et de toute
raison. » En 1920, le Conseil fédéral abandonne définitivemjent la solution préconisée par1 les experts pour entrer résolument dans la voie très simple de l'imposition à la frontière. Le nouveau système s'avère efficace, puisque en 1927, la recette nette des droits de douane a dépassé 21 millions. Il a suffi, pour percevoir cette somme, de quatre fonctionnaires nouveaux et de la collaboration des services de douane déjà existants. Il est intéressant de relever encore que les prix de détail Feuille fédérale. 80e année. Vol. I.

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du tabac n'ont pas augmenté depuis l'époque où les tabacs rappor.taient quatre millions au fisc.

Les dures nécessités des temps extraordinaires imposent fatalement d'autres dérogations passagères à la règle qui doit cependant rester la norme. Mais, il est vivement désirable que toute entrave au libre fonctionnement de la vie économique disparaisse avec les circonstances exceptionnelles qui l'ont justifiée.

L'état employeur assujettit déjà dans ses administrations fédérales et ses régies des milliers de fonctionnaires et d'employés qui renforcent le nombre déjà si considérable des salariés. En Suisse, le 20 pour cent des habitants seulement ont une existence économique indépendante. Le 80 pour cent sont des fonctionnaires, employés et ouvriers. Evitons donc soigneusement tout ce qui peut aggraver encore une proportion qui est déjà un déséquilibre. Le régime actuel crée entre les marchands de céréales qui travaillent à la commission et le monopole, entre les meuniers, dont le gain est fixé par l'Office des blés et l'administration de l'Etat, un rapport de dépendance qui ajoute à la masse des fonctionnaires à traitement fixe le groupe d'es subordonnés rémunérés à la commission.

Enfin, le gouvernement qui s'interdit toute ingérence directe dans les questions économiques augmente les chances de snccès des interventions officielles qui doivent orienter la vie économique dans l'intérêt social et politique du pays.

Ce sont là motifs d'ordre politique. Mais, pour d'autres raisons, de nature économique, l'Etat fera bien d'e réduire son action directe au strict minimum. Pendant la période de guerre, les interventions imposées par les circonstances, la réglementation officielle à laquelle il fallut se résigner et la suppression de la libre concurrence qui en fut la conséquence, ont alourdi les conditions de notre vie économique. Cette réglementation fut cependant minutieusement préparée, son application confiée à des experts dont la compétence et le dévouement ne méritent que des éloges. Malgré ce maximum de précautions, ces interventions officielles ont probablement profité davantage aux commerçants qu'aux consommateurs.

La réglementation rigide contribue presque toujours au renchérissement, parce qu'elle procure aux commerçants 'grands et petits le profit d'une marge de bénéfice élevée et invariable. C'est
le réginte de la quiétude dans la sécurité. Une excellente organisation des services officiels, l'habileté consommée des dirigeants, peuvent incontestablement atténuer, mais n'arriveront pas à supprimer totalement les fâcheuses conséquences d'un regrettable ralentissement de l'activité et de l'engourdissement de l'esprit d'initiative.

Terminons ces quelques considérations par une dernière remar-

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que d'ordre général. Elle a trait à la répercussion de l'introduction du monopole des céréales sur l'activité bancaire. L'activité commerciale comprend tout le complexe des opérations d'achat, vente, prêts, etc. qui se traitent dans le pays. L'étatisation d'une branche de cette activité, eu raison de son étroite connexité avec les autres, réagit immédiatement sur tout le complexe. Avant la guerre, les effets documentaires et les traites relatives au commerce ides céréales faisaient l'objet de nombreuses opérations. Les traites mises en circulation par l'importateur ou le meunier représentaient le type parfait des effets de commerce à court terme. La Banque nationale les considérait à bon droit comme l'élément par excellence de la couverture des billets de banque. On évaluait à cette époque l'ensemble de ces traites tirées et escomptées par le commerce des céréales à environ, un quart de milliard par an. On regrette la suppression d'opérations de crédit intéressantes et la disparition d'effets très appréciés pai* le commerce de l'escoïnpte et tout spécialement par la Banque nationale.

Le prix du pain.

La solution sans monopole, c'est la libre concurrence entre marchands de blé et entre meuniers1. Comme autrefois, les négociants en 1 grain devront chercher à réaliser leur bénéfice moins par la vente à des prix élevés que par des achats conclus à des taux avantageux.

La concurrence les forcera à réduire au strict minimum tous les frais de transport et de manutention. Il est important pour le commerce privé des céréales de savoir profiter des frets les plus avantageux.

On sait que le commerce des grains a toujours été dominé par une âpre concurrence. Dans le commerce libre, les marges de gain sont par conséquent extrêmement j-éduites. L'expérience a démontré combien il est difficile d'e conduire à bonne fin le commerce des blés. Il faut avoir beaucoup de souplesse et d'esprit d'initiative pour affronter avec succès les risques très considérables du métier. Il faut être à l'affût de toutes les occasions et suivre tous les mouvements du marché.

Les hommes rompus au métier affirment que les opérations d'achat sont particulièrement délicates. Il paraît que les opérations en gros ne sont pas toujours les plus avantageuses. La consommation suisse totale ne représentant que le 2 pour cent de la production
mondiale, les conditions d'e la demande suisse restent sans influence sur les prix du marché international. En outre, le blé est coté à la bourse. Pour tous les achats en bourse, quelle que soit leur importance, c'est le cours qui fait règle. Les interventions, même impor-

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tantes, du monopole, restent dès lors fatalement sans influence sur les prix étrangers. Par contre, les gros achats de blé faits directement au producteur, dans la même contrée, ont souvent pour conséquence de raffermir les prix. L'art de faire des achats d'ans de bonnes conditions consiste très souvent, disent les praticiens, à prélever sur le marché des quantités peu importantes et à profiter du bon marché des frets supplémentaires. Le commerce privé, observateur; attentif de toutes les fluctuations et de toutes les circonstances, est plus apte à s'approvisionner aux conditions les plus avantageuses. Il est difficile, d'ans ces conditions, de remplacer, avec succès l'activité sans cesse en éveil et sans cesse agissante du commerce privé par l'organisme nécessairement un peu rigide du monopole d'Etat.

Nous croyons en outre que le commerce libre assurera au consommateur, en tout temps, d'une façon beaucoup plus sûre, le bénéfice des prix les plus réduits et les conditions les plus avantageuses.

Sous la pression de la concurrence, le commerce suisse sera obligé de s'adiapter chaque jour aux conditions du 'marché mondial, tandis que le monopole aura toujours tendance à fixer ses prix d'après les conditions auxquelles il a fait ses achats et constitué ses Séserves. Les maisons qui possèdent d'importants stocks de marchandises doivent s'adapter aux conditiq'ns du marché et suivre les fluctuations1 des prix. Le commerce privé n'aura pas la faculté de se récupérer sur le eonsdmmiateur des pertes éventuelles auxquelles sont exposés même les négociants les plus habiles. Il est sans doute beaucoup plus sûr et plus commode de travailler à la commission pour le compte du monopole. Mais c'est vraisemblablement moins avantageux pour le consommateur.

D'un autre côté, ne faut-il pas redouter que sous le nouveau régime ]e monopole privé substitué au monopole d'Etat ne paralyse, au profit de quelques-uns, le jeu de la libre concurrence ? Si naturelle qu'elle soit, cette crainte ne paraît cependant pas fondée à ceux qui connaissent les conditions du commerce des grains et la situation d'e notre meunerie. La constitution d'un trust du grain se heurterait dans notre pays à de sérieuses difficultés. Il serait du reste immédiatement battu en brèche par les firmes étrangères qui sont toujours prêtes à importer chez
nous chaque fois qu'il y a chance de gain. D'autre part, en face d'un trust étranger, tout comme le monopole d'Etat, le trust privé resterait impuissant. Le danger d'une coalition des importateurs suisses est par conséquent minime. Dans un travail très connu sur la production des céréales et le ravitaillement de notre pays en1 blé, le Dr Wirz, professeur de science agricole, a exprimé à cet égard l'opinion suivante : «Les maisons suisses qui font le commerce du blé sont loin de

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songer à s'entendre p.qur, dicter les prix à leurs clients. Elles ne pourraient d'ailleurs le faire sans courir le risque de se voir supplanter par la concurrence étrangère. » La liberté dlu commerce exercera aussi une influence favorable sur le développement des prix de la farine. Sous le régime du monopole, en effet, l'effort des meuniers tend surtout à obtenir une rétribution élevée po.ur leur mouture. A l'avenir, le meunier pourra s'approvisionner chez le marchand de son choix et la réussite de ses affaires dépendra de ses aptitudes commerciales, de sojn activité et non! pas seulement, comme aujourd'hui, de l'habileté qu'il déploie pour obtenir de l'Office des céréales un salaire élevé. Chez lui, comme chez tous ceux qui s'occupent de ravitaillement en pain, la libre concurrença aiguisera le sens de la responsabilité.

Sous le régime du monopole, chaque fois que les prix de vente de l'Administration des blés sont modifiés, >ceux de la mouture sont fixés sur ces nouvelles bases. Les cours sont établis de façon à laisser au meunier un prix de mouture constant, qui varie seulement entre 5 francs et 5 fr. 50, suivant les installations du moulin.

Les meuniers prétendent aujourd'hui que leur prix de mouture est devenu insuffisant et que, partant, ils sont réduits à faire de mauvaises affaires. Certains déclarent qu'un prix de mouture de G francs est devenu indispensable. Il est très difficile d'établir quel était le coût de la mouture avant la guerre. Il variait pour chaque moulin. L'habileté du meunier dans l'art de faire les achats jouait un rôle très important. D'après les renseignements recueillis, le prix moyen de la mouture oscillait probablement entre 3 francs et 3 fr. 50. Les prix payés actuellement par l'administration dti mo]nopole constituent par conséquent, pour le moulin bien organisé et bien dirigé, une large rémunéi'ation facilement gagnée.

Il n'est pas à redouter non pins que la libre concurrence de la meunerie soit entravée par la création d'un trust dont le consommateur ferait les frais. La situation spéciale de notre meunerie, tant au point de vue commercial qu'au point de vue technique, réduit singulièrement les chances de succès d'un trust. En effet, outre la difficulté 'de truster une profession où les situations sont si spéciales, il faut compter que les sociétés suisses de
-consommation possèdent elles-mêmes de .gros moulins, couvrant à eux seuls une portion déjà im'portante de nos besoins. Ces moulins, comme toutes les autres (manifestations du mouvement coopératif, ne poursuivent pas essentiellement la réalisation de bénéfices élevés. Ils tendent principalement à une réduction des prix. Pour atteindre leur but, ils se contentent de couvrir leurs frais d'exploitation. Le retour à la liberté imposera aux meuniers une réduction progressive de leurs frais généraux, ob-

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tenue par une exploitation toujours plus rationnelle et l'utilisation généralisée des procédés de la technique nouvelle. So;ùs le régime de la libre concurrence, le salaire et les frais du meunier perdront petit, à petit l'uniforme rigidité acquise sous l'influence égalisatrice du monopole. On peut espérer, dès1 lors, que le retour à la pleine liberté réagira sur les prix de la mouture.

Enfin, l'influence de la libre concurrence sur la boulangerie ne peut être que favorable au consommateur de pain.

En résumé, sous le régime sans monopole, les blés étrangers .seront achetés par les marchands spécialisés dans le commerce des céréales, qui opèrent à leurs risques et périls au lieu de travailler à la commission'. La livraison franco à tous les meuniers par l'Etat, qui grève lourdement l'exploitation du monopole, sera remplacée, en principe, par le transport aux frais du destinataire, qui s'efforcera par conséquent d'en réduire le coût. Le meuniei', dont l'effort principal consiste aujourd'hui à obtenir du monopole une rémunération avantageuse pour sa mouture, achètera librement son blé au marchand qui lui offrira le grain à meilleur compte. La réussite des affaires du moulin ne dépendra plus seulement de la quantité de blé à moudre obtenue de l'administration et de la marge die bénéfice accordée, mais aussi de l'aptitude et de l'activité commerciale du meunier. Le retour à la liberté modifiera les méthodes de travail et les usages commerciaux. La suppression' du monopole créera une Situation favorable à une baisse' des prix.

Constatons enfin que le pain, aujourd'hui, est relativement plus cher en Suisse que dans les pays voisins. Sans doute faut-il en attribiier la cause à une série de facteurs totalement étrangers au régime du commerce des céréales : frais de transport considérables, salaires élevés, exigences du consommateur, intérêt des capitaux engagés dans la meunerie et la boulangerie, etc. Cependant, on ne peut s'empêcher de remarquer que dans tous les pays où le pain est meilleur marché, le commerce des céréales et la meunerie jouissent dfune entière liberté.

La liberté et la concurrence dans le commerce des céréales et dans la meunerie créeront une situation favorable à la réduction du prix du pain. Eéitérons que décharger le consommateur de l'obligation de couvrir la subvention à la
culture indigène et les frais de la réserve fédérale, c'est préparer une baisse sensible du prix die l'aliment qui joue un rôle capital dans tous les ménages modestesTIII. Le problème du blé en Norrège.

La question du blé a grandement préoccupé les autorités et le peuple norvégiens au cours des dernières années. Or, l'analogie est

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grande entre les conditions de la culture en Suisse et celles de la Norvège. L'agriculture, qui se compose de petites exploitations, fournit en Norvège les céréales nécessaires à l'alimentation du pays pour quatre mois environ. La proportion' est un peu plus favorable que chez nous, puisque les céréales indigènes couvrent nos besoins pour; environ trois mois. Les Norvégiens produisent plus de seigle, nous semons plus de froment. Nous avons aussi plus de moulins. Cependant, le problème du blé s'est posé en Norvège dans des conditions assez semblables aux nôtres.

Il est dès lors intéressant de se renseigner sur les mesures prises en Norvège et surtout sur leurs résultats. Avant 1914, la question des céréales ne semble pas avoir préoccupé les pouvoirs publics. De 1910 à 1920, la Norvège a produit en moyenne 14,000 wagons d© céréales panifiables, dont 9700 wago^ns d'orge, tandis que les besoins du pays exigent environ 60,000 wagons. La Norvège est donc, comme la Suisse, largement tributaire de l'étranger. Aussi, dès la déclaration de la guerre, le ravitaillement en blé s'annonça difficile.

En 1914 déjà, le monopole des céréales panifiables est introduit à titre provisoire. Le monopole fut organisé en Norvège sur les mêmes bases que le monopole suisse. Seule, l'administration a la faculté d'importer du blé étranger et de la farine panifiable. L'Office du monopole achète tous les blés indigènes que lui apporte le producteur, mais aux conditio.ns du rq'arché mondial. Les blés indigènes sont mélangés aux céréales importées, puis livrés aux moulins. Jusqu'en 1927, les producteurs cultivant le blé pour leurs propres besoins ne bénéficient d'aucun avantage spécial. La prime à la mouture ne fut introduite que plus tard. Ce monopole provisoire resta effectivement en vigueur jusqu'au 30 juin 1927.

Dès la fin de la guerre, un mouvement s'est dessiné en faveur de la suppression du monopole. On réclamait l'introduction d'une solution sans monopole. Les paysans revendiquaient un supplément de prix pour le blé indigène livré au marché, ainsi que le versement d'une prime à la mouture pour les céréales panifiables réservées aux besoins du ménage.

Le 25 juin 1926, le Storthing adopta un régime sans monopole obligeant l'Etat à prendre livraison du blé indigène (seigle, froment et orge) à un1 prix de cour. 4.-- par
100 kg supérieur au cours du marché pour marchandises de même qualité. Pour le blé réservé à l'alimentation de son ïnénage, le paysan1 touche une prime de cour. 4.-- par 100 kg. Le paiement de la prime à la mouture s'effectue suivant la méthode pratiquée chez nous. Le nombre des cartes de mo'uture est cependant sensiblement plus élevé qu'en Suisse. En outre, comme la Norvège ne dispose pas des puissantes organisations coopératives

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agricoles dont notre pays est heureusement doté, elle fut obligée de faire appel à la collaboration des autorités communales, qui servent d'intermédiaires entre l'administration centrale et les paysans.

En principe, l'importation des céréales panifiables étrangères est libre. Toutefois, l'importateur a l'obligation: de prendre livraison d'une quantité de céréales indigènes proportionnelle à l'ensemble ide ses importations en blés étrangers. C'est par ce moyen que l'Office des céréales écoule les blés indigènes dont il doit prendre livraison. La Norvège protège la meunerie nationale contre la concurrence ruineuse des moulins étrangers. L'Etat prélève à cet effet un droit de douane fixé à 5.70 couronnes par 100 kg pour la farine de froment. Ce droit a suffi pour limiter fortement l'importation des farines étrangères. L'expérience a démontré que cette protection est efficace. Du reste, les moulins norvégiens sont bien installés et capables d'e fournir toute la farine nécessaire au ravitaillement du pays. Enfin, pour protéger les moulins situés au centre du pays contre la concurrence die ceux .qui sont échelonnés le long de la côte, l'Etat subventionne le transport de la farine.

Les dépenses résultant de la prime à la mouture, du supplément de prix payé pour les blés livrés à l'administration des céréales, ainsi que des frais 'de transport de la farine, sont couvertes par la recette du droit d'entrée sur la farine et sur les céréales panifiables étrangères. Ces diroits d'entrée sont gradués suivant la qualité et la valeur des céréales. C'est ainsi que le froment paie 3.30 cour., tandis que l'avoine paie cour. 1.80 et la farine cour. 5.70 par 100 kg. Un droit supplémentaire spécial de cour. 1.10 par 100 kg frappe toutes les céréales, y compris le seigle et l'orge. Le produit de cette taxe additionnelle est spécialement destiné à couvrir les dépenses résultant du remboursement des frais de transport de la farine. La loi prévoit encore la constitution de réserves par l'Etat et permet d'imposer aux meuniers l'obligation de loger une partie de la réserve nationale.

Le monopole a été supprimé le 1er juillet 1927. La solution sans monopole fonctionne dès cette date. Les renseignements pris sur place nous permettent de dire qu'elle a donné jusqu'ici de bons résultats. Au début, les relations avec les
importateurs firent surgir quelques différends. Aujourd'hui, le fonctionnement du système est ttfut à fait normal et ne rencontre plus de difficultés sérieuses.

Il est intéressant de relever que, suivant les indications obtenues directement de l'administration norvégienne des blés, le prix du pain a fléchi depuis l'introduction tdu système sans monopole. Et cependant, tous les frais d'administration et de subvention à îa culture indigène sont mis à la charge du consommateur, par le moyen des droits d'entrée sur les céréales étrangères. La charge qui grève

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le consommateur est augmentée des quatre millions qu'exigé la prime à la mouture introduite pour la première fois en 1927. L'« Aftenposten », qui est un des principaux journaux de Norvège, prétendait le 28 février dernier que malgré la fermeté du marché de la farine, la réduction du prix du pain intervenue depuis la suppression du monopole signifie pour le pays une économie de 18,000,000 de couronn'es.

Le passage du monopole au système sans monopole s'est, paraîtil, effectué sans difficultés. Il n'aurait pas même nécessité de mesures transitoires. Les réserves du monopole furent rapidement absorbéeia par les moulins.

Les expériences faites semblent avoir démontré que si le monopole fiât ,en Norvège une nécessité de la période de guerre,, il n'est plus indispensable maintenant que les conditions commerciales sont redevenues normales. Puisqu'il s'agit d'un pays où les conditions de l'approvisionnement, les besoins de la culture indigène, présentent certaines analogies avec les nôtres, il est permis d'en conclure qu'une solution sans monopole selo'n le modèle norvégien nous serait également avantageuse.

Le système norvégien comporte toutefois une mesure qui serait difficilement applicable en Suisse. Nous voulons parler de l'obligation imposée aux importateurs dé prendre livraison des céréales indigènes au prorata des blés étrangers. Suivant le mode d'application, catte condition pourrait avoir la portée d'une restriction d'importation. Or, par ses traités de commerce et par les dispositions de la convention 'de Genève sur la simplification' des formalités douanières, la Suisse s'est interdit de recourir aux restrictions d'importation. Nous proposons, par conséquent, d'imposer l'obligation d'acheter les blés indigènes non pas aux marchands de céréales, mais aux meuniers. La quantité livrée à chaque moulin sera proportionnée à l'importance de sa mouture. Ce procédé, qui est accepté par lef-, meuniers suisses, remplacera avantageusement la modalité norvégienne et nous vaudra d'aussi bons résultats. Le moulin norvégien est protégé par un droit d'entrée sur les farines étrangères. Cette protection devrait suffire aussi à garantir notre meunerie contre la concurrence étrangère. Nous prévoyons toutefois que si le besoin s'en fait sentir, la Confédération pourra se réserver le droit d'importer les farines
étrangères.

En Suisse, divers milieux redoutent non sans raison que la liberté d'importer des céréales étrangères n'expose l'Office des blés au danger de la fraude. La Norvège verse une prime à la mouture et paie un surprix pour toutes les céréales livrées à l'administration des blés. C'est un régime analogue à celui que nous voulons intro-

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duire en Suisse. Le danger de la fraude existe donc aussi en Norvège comme il existera chez nous. Il sera probablement plus considérable chez nous, parce que la Suisse produit davantage de froment et moins de seigle que la Norvège. Nous avons jugé opportun d'envoyer, un inspecteur suisse dans ce pays pour étudier sur place l'organisation et le fonctionnement des mesures de contrôle.

Les renseignements obtenus directement de l'administration1 nous ont convaincu que le gouvernement norvégien a réussi à parer; au danger de fraude. Et cependant la Norvège ne possède point les belles et puissantes organisations agricoles qui sqnt, en Suisse, les collaboratrices intelligentes et actives de l'Office des céréales dans toutes ses délicates fonctions. L'administration des douanes norvégiennes prête à l'administration des céréales un concours actif et vigilant. Les douanes suisses sont certainement en mesure de rendre les mêmes services. Notre organisme douanier est parfaitement au point. Son fonctionnement fournit tous les jo;urs la preuve qu'il est apte à remplir avec plein succès les missions les plus délicates. Dans ce domaine, nous saurons surmonter les difficultés dont la Norvège est venue à bout.

IX. Chapitre final.

Nous avons constaté que l'initiative ne fournit point une base constitutionnelle suffisante pour réaliser intégralemjent une solution sans monopole. Elle présente sur plusieurs points essentiels de 'graves lacunes. Le projet du Con'seil fédéral a précisément pour but de les combler. Il attribue aux autorités fédérales toutes les compétences nécessaires pour organiser l'approvisionnement du pays en pain, pour protégen efficacement la culture par la garantie d'achat à un prix rémunérateur et la prime à la mouture.

Le projet du Conseil fédéral règle tous les points essentiels. Il prévoit clairement les. devoirs et les droits nécessaires à la réalisation légale d'un régime sans monopole, fixe les compétences nécessaires. Il prévoit également: a) l'obligation pour les meuniers de loger une partie des blés de la réserve fédérale; b) l'obligation pour la Confédération de prendre livraison des blés indigènes et de payer une prime à la mouture; c) l'obligation imposée aux meuniers de faire l'acquisition des blés indigènes et des blés de la réserve; d) l'institution d'une taxe protectrice sur les farines étrangères et, pour autant que besoin, un droit exclusif d'importation au prtffit de la Confédération;

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e) une subvention pour le transport de la farine vers les régions alpestres et le subside éventuel au transport des blés étrangers de la frontière à l'intérieure du pays.

Le Message explique d'autre part comment le Conseil fédéral entend résoudre le problème financier pour, dégrever le consommateur sans aggraver la situation budgétaire.

Le projet du Conseil fédéral tend à la réalisation dm programme de l'initiative. Il n'a donc point la signification d'un contre-projet opposé en principe à l'initiative.

Il paraît d'autre part certain que l'organisation actuelle pourga s'adapter sans heurts à notre solution. Celle-ci est de nature à protéger efficacement la culture indigène, puisqu'elle garantit aux paysans le maintien intégral de la situation actuelle. Elle procurera en outre au pays, de même qu'aux consommateurs, les avantages du commerce libre. La solution présentée s'efforce d'être conciliante; elle tente un rapprochement entre partisans et adversaires du monopole.

Il est profondément désirable qu'elle obtienne l'adhésion des différents groupes politiques et économiques. Nous souhaitons qu'elle mette un terme aux divergences très vives qui s'élèvent entre citoyens qui ont tous le même intérêt à la prospérité commune, d'ans la concorde civique et la paix économique. Tous ceux que le relèvement de la finance de statistique touchera se rappelleront que tous les Etats voisins perçoivent, en capital et accessoires, des droits de douane beaucoup plus élevés auxquels viennent encore s'ajouter* de lourds impôts sur le chiffre d'affaires. L'industriel et le commerçant suisses comprendront la nécessité de dominer au paysan une preuve efficace d'intérêt et de sympathie. Tous savent, d'autre part, qu'il est opportun de dégrever le consommateur de pain pour alléger les charges qui pèsent sur les ménages modestes et les familles nombreuses. Le projet du Conseil fédéral signifie une manifestation de solidarité économique et sociale. Un vote négatif venant s'ajouter à celui du 5 décembre 1926 créerait une situation extrêmement difficile.

Il ne faut pas songer, en effet, à une* nouvelle prolongation du monopole. Elle serait nettement contraire à l'ordre constitutionnel et au verdict de la volonté populaire exprimé le 5 décembre 1926. D'autre part, la suppression pure et simple du monopole serait gravement
préjudiciable aux intérêts nationaux. L'organisation actuelle ne peut disparaître que pour faire place à un régime nouveau, confo'rime aux exigences de la Constitution. Sans doute serait-il à la rigueur possible de résoudre certains points du problème par la modification1 énergique des taxes tarifaires sur les céréales et la farine étrangères , spécialement par l'introduction de taux différentiels, mais l'examen' approfondi de la question nous fait un devoir de réitérer qu'une revi-

992 siön partielle de la Constitution', conformément au projet du Conseil fédéral, peut seule fournir une base solide à la solution intégrale du problème du pain.

L'étude très détaillée des différents aspects du grave problème du blé nous a conduit à conclure au rejet du projet die l'initiative concernant l'insertion dans la Constitution fédérale d'un article 23bis, relatif à l'approvisionnement du pays en céréales. Nous vous recommandons, en revanche, d'approuver le contre-projet du Conseil fédéral.

Nous avons en conséquence l'honneur de vous proposer d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Berne, le 2 avril 1928.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, SCHULTHESS.

Le vice-chancelier, LEIMGRUBER.

r rs
Arrêté fédéral sur

la demande d'initiative visant l'insertion d'un article 23bis dans la constitution fédérale (approvisionnement du pays en céréales).

(Du

1928.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la demande d'initiative visant l'insertion d'un article 23bis dans la Constitution (approvisionnement du pays en céréales) et le rapport du Conseil fédéral du 2 avril 1928; vu les articles 121 et suivants de la Constitution et les articles 8 et suivants de la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mo'de de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, arrête : Article premier.

Sont soumis au vote du peuple et des cantons : 1. Le projet de revision constitutionnelle qui fait l'objet de la
Elle doit notamment : a) entretenir elle-même des réserves de blé ou pourvoir à ce qu'il en soit constitué de toute autre façon; b) faciliter et encourager par des prescriptions et des mesures appropriées la culture ainsi que l'utilisation et la transfo'rmation du blé du pays; en particulier, assurer aux producteurs de blé de bonne qualité et propre à la mouture, la vente à un prix qui permette la culture du blé dans le pays. Il sera tenu compte, dans une mesure équitable, des intérêts de ceux qui cultivent du blé pour leur propre consommation', ainsi que des intérêts des régiotfs nïontagTieuses.

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La législation fédérale déterminera l'application de ces principes. Toutefois, elle ne pourra attribuer ni à la Confédération, ni à un organisme privé le droit exclusif d'importer du blé (monopole), les nécessités du temps de guerre demeurant réservées. » 2. Le contre-projet de l'Assemblée fédérale, qui a la teneur suivante : « Est inséré dans la constitution fédérale un article 23bis ainsi conçu : Article 23bis. La Confédération entretient les réserves de blé nécessaires pour assurer l'approvisionnement du pays. Elle peut obliger les meuniers à emmagasiner du blé et, pour en permettre le renouvellement, à faire l'acquisition des céréales de réserve.

La Confédération encourage la culture des céréales panifiables et accorde une aide au producteur cultivant le blé pour ses propres besoins. Elle achète le blé indigène de bonne qualité, propre à la mouture, à un prix qui en permet la 'culture dans le pays. Les meuniers peuvent être tenus d'acquérir le blé pris en charge par. la Confédératio'n sur la base de sa valeur marchande* La Confédération prend, tout en sauvegardant les intérêts du consommateur de pain et de farine, les mesures nécessaires au maintien de la meunerie nationale. Elle peut, à cet effet, prélever .des droits d'entrée sur, les farines étrangères et se réserver le droit, si les eirconstariees l'exigent, d'importer la farine panifiable. Elle peut accorder, en cas de besoin, aux moulins situés à l'intérieur du pays, certaines facilités afin de réduire leurs frais 'de transport. Elle subventionne le transport de la farinevers les régions de montagne.

Le relèvement de la finan'ce de statistique prélevée sur,toutes les marchandises qui franchissent la frontière douanière suisse'Contribuera à couvrir les dépenses occasionnées par l'approvisionnement du pays en blé. » Art. 2.

Le peuple et les cantons sont invités à rejeter la demande d'initiative (art. 1er, ch. 1er) et à adopter, en revanche, le contre-projet de l'Assemblée fédérale (art. 1er, ch. 2).

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté.

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Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire demandant l'insertion dans la constitution fédérale d'un article 23bis relatif à l'approvisionnement de la Suisse en blé. (Du 2 avril 1928.)

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1928

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14

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2307

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

04.04.1928

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933-994

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