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FEUILLE FÉDÉRALE 80 année Berne, le 28 novembre 1928 Volume II e

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale, à l'appui d'un projet de loi fédérale concernant la garantie des obligations assumées par les sociétés suisses d'assurances sur la vie.

(Du 23 novembre 1928.)

Nous avons l'honneur de vous présenter un projet de loi qui a pour objet la garantie des assurances sur la vie conclues par les sociétés suisses. Ce projet modifie et complète les dispositions de la lai fédérale du 4 février 1919 sur les cautionnements des sociétés d'assurances (loi sur les cautionnements, LC), notamment celles qui sont spéciales aux sociétés indigènes (titre troisième).

En même temps, notre projet apporte une réponse au postulat déposé le 8 février 1923 par M. le conseiller national Vonmoos, dans les termes suivants : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport sur la question de savoir si la loi du 4 février 1919 sur les cautionnements des sociétés d'assurances ne devrait pas être revisée et complétée en ce sens que les sociétés suisses, aussi bien que les sociétés étrangères autorisées, seraient astreintes à fournir des garanties pour la totalité de leurs engagements. » L'examen des questions soulevées dans ce postulat a démontré que seuls les principes relatifs à l'assurance sur la vie et aux entreprises suisses avaient besoin d'être revisés. A l'égard des autres sociétés, nous montrerons que l'autorité de surveillance est suffisamment armée par les dispositions de la loi sur les cautionnements.

Basée sur ces dispositions, elle a en effet le pouvoir de prendre toutes les mesures qui peuvent lui sembler indiquées, à raison des circonstances propres à une entreprise et à la lumière de nos connaissances actuelles des problèmes économiques. Nous ajoutons que ce ne sont pas des observations particulières relatives à la gestion ou à la situation des sociétés d'assurances qui ont fait paraître désirable le renforcement de la garantie des obligations assumées par elles. Des Feuille fédérale. 80e année. Vol. II.

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raisons d'ordre général nécessitent une réglementation légale approfondie de cette question, car la situation juridique actuelle, telle qu'elle résulte de la législation en vigueur sur la surveillance des entreprises d'assurances, n'est pas satisfaisante.

Avant d'aborder l'exposé des principes généraux sur lesquels repose le projet, avant d'examiner en particulier chacune de ses dispositions, il convient de retracer brièvement l'évolution de la pensée du législateur suisse concernant la garantie des droits résultant d'assurances. Nous m'entrerons notamment la solution à laquelle il s'est arrêté dans la loi sur les cautionnements; nous passerons aussi rapidement en revue les lois étrangères qui règlent cette matière parrapport aux sociétés indigènes. Enfin nous dirons quelques mots de l'élaboration du présent projet.

A. Partie générale.

I. Législation actuelle.

1. Législation suisse.

e L'article 34, 2 alinéa, de la constitution fédérale soumet les opé>rations des entreprises d'assurances privées, à la surveillance et à la législation de la Confédération. Déjà lors de l'élaboration de laloi d'application, la question de la garantie des créances des assurés fit l'objet d'un examen attentif, encore que partiel. Le projet du Conseil fédéral ne contenait aucune disposition relative à des sûretés matérielles. La commission préparatoire avait bien songé à exiger éventuellement un dépôt des compagnies étrangères, mais uniquement pour tenir lieu d'une cautio judicatunt solvi. Toutefois, miêmJe sous, cette forme modeste, l'idée ne trouva pas grâce dans le projet dta Conseil fédéral, qui renonça à l'exigence d'aucun dépôt. Il craignait d'imposer aux sociétés une charge trop lourde, en exigeant d'elles la prestation d'un cautionnement efficace, et redoutait aussi de rendre l'Etat responsable du choix de leurs placements et de la conservation de leurs valeurs. En soumettant toute société à un rigoureux examen avant de lui délivrer l'autorisation d'opérer, en la maintenant ensuite sous un contrôle constant, il pensait que l'on donnerait aux assurés une protection suffisante.

Lors des délibérations aux chambres, la question du cautionnement fut de nouveau soulevée et fit l'objet d'un échange de vue animé,, dans l'un et l'autre conseils. D'ailleurs, personne, ne parlait encore d'un dépôt des réserves techniques,
mais le conseiller national Forrer formula une proposition tendante à ce que les compagnies étrangères fussent tenues de constituer un cautionnement suffisant pour l'exé-

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cution de tous leurs engagements en Suisse. Cette proposition fut rejetée à une faible majorité. Quant aux sociétés suisses, il ne fut nullement question d'exiger d'elles 'des sûretés. La loi qui sortit finalement de ces délibérations (loi fédérale du 25 juin 1885 concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance, loi de surveillance, LS) impose simplement aux assureurs le dépôt d'un cautionnement dit administratif ou d'exploitation, 'dont il appartient au Conseil fédéral de déterminer le montant. A l'origine, ce montant fut calculé pour les sociétés indigènes sur. les mêmes bases que pour les sociétés étrangères. Il était plus ou moins élevé suivant le genre et le nombre des branches d'assurances exploitées par chaque entreprise.

Cette règle ne fut pas toujours maintenue sans exception. Au bout de quelques années, 'deux compagnies américaines travaillant dans notre pays, et les nouvelles sociétés étrangères d'assurances sur la vie qui sollicitaient la concession du Conseil fédéral, furent invitées à déposer l'ensemble des réserves mathématiques de leur portefeuille suisse. Cette mesure, qui fut adoptée d'entente avec les entreprises intéressées, n'était qu'un premier pas dans la voie d'une réglementation nouvelle des cautionnements des sociétés. On pensait déjà alors à organiser une garantie matérielle des créances des assurés suisses, tout au moins auprès des sociétés étrangères. Mais les différentes questions que devait soulever le dépôt des réserves techniques étaient encore loin d'être toutes élucidées. A cet égard, la mesure adoptée vis-à-vis de ces quelques compagnies devait procurer à l'autorité de surveillance d'utiles expériences, en vue d'un prochain travail législatif. Ce travail fut entrepris dès la promulgation et l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA), dont l'élaboration avait été la tâche la plus urgente de cette autorité. La refonte générale des prescriptions concernant le cautionnement des sociétés d'assurances, l'institution de sûretés matérielles au profit des assurés étaient prévues, les premières études étaient commencées, quand éclata la guerre européenne. La prompte réalisation de ce projet fut dès lors impossible. En attendant, le Conseil fédéral rendit, à la date du 5 octobre 1915, un arrêté qui
imposait aux compagnies étrangères d'assurances sur la vie, en plus d'un cautionnemont administratif fixe de 100,'OQO francs, le dépôt d'un cautionnement technique égal aux réserves mathématiques de leur portefeuille suisse.

Les compagnies s'acquittèrent de cette obligation dans les délais fixés par le Coiiseil fédéral. Mais, par suite des circonstances du temps de guerre, elles ne purent constituer ce dépôt, pour la plus grande partie, qu'en valeurs étrangères.

L'arrêté du 5 Octobre 1915 n'était qu'un acte provisoire, mais si

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nmltanément fut entreprise l'élaboration d'une loi qui devait accroître les garanties des droits résultant d'assurances sur la vie. Un projet élaboré par le bureau fédéral des assurances fut tout d'abord soumis à l'examen approfondi d'une commission d'experts et le texte qui sortit de leurs délibérations fut adopté par le Conseil fédéral, le 9 décembre 1916. Il ût l'objet de discussions nourries au sein des commissions parlementaires et des conseils, qui l'adoptèrent tous deux à l'unanimité : le Conseil des Etats, le 29 janvier et le Conseil national, le 4 février 1919. La loi nouvelle reçut le titre de « loi fédérale sur les cautionnements de« sociétés d'assurances » (loi sur les cautionnements, LC) du 4 février 1919. Elle entra en vigueur le 1er juin suivant. Les principes dégagés par l'autorité fédérale dans l'application de la loi de surveillance et de la loi sur les cautionnements ont été consacrés dans une seule et menue ordonnance d'exécution, qui porte la date du 16 août 1921. Les considérations qui ont dominé l'élaboration des deux lois sont exposées dans les messages du Conseil fédéral qui les concernent (pour la LS : FF 1885, I, 75, et pour la LC : FF 1916, IV, 467). Nous renvoyons aussi au « Rap> port du bureau fédéral des assurances sur la question du cautionnement des sociétés étrangères d'assurances sur la vie, «en particulier des sociétés allemandes » (du 25 août 1923), et à l'article « Versicherungswesen », qui a paru dans le troisième volume du « Handwörterbuch für schweizerische Volkswirtschaft, Sozialpolitik und Verwaltung », de Reichesberg, et qui est dû à la plume de feu le D r Kummer, premier directeur dudit bureau.

Dans la lo,i sur les cautionnements, le législateur a voué son plus grand intérêt à la garantie du portefeuille suisse des sociétés étrangères d'assurances sur la vie, lesquelles sont tenues de déposer un cautionnement technique égal au montant des réserves mathématiques de ce portefeuille augmentées d'une garantie supplémentaire convenable. Lorsque les intérêts des personnes assurées en Suisse paraissent menacés dans leur ensemble, et que la société ne prend pas, dans le délai qui lui est imparti à ces fins, les mesures propres au rétablissement de sa situation, conformément aux instructions du Conseil fédéral, celui-ci peut disposer du cautionnement de la
manière prescrite dans la loi. L'emploi du cautionnement peut alors revêtir une des deux formes suivantes : le Conseil fédéral l'affectera soit au transfert total ou partiel du portefeuille de la société, avec droits et obligations, à une autre entreprise, soit à sa liquidation par les soins de la Confédération, suivant les conditions des contrats. Dans l'un et dans l'autre cas, les valeurs déposées passent de plein droit au nouvel assureur OU à la Confédération. Si ces valeurs ne sont pas suffisantes pour assurer! l'exécution d'une de ces deux mesures, le

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Conseil fédéral charge l'office compétent de les réaliser par la voie de la faillite.

Tandis que la loi sur les cautionnements consacre ainsi d'une façon absolue le principe de la sûreté matérielle à l'égard des compagnies étrangères d'assurances sur la vie, on n'a pas pensé qu'il fût nécessaire d'aller aussi loin pour les sociétés suisses. Celles-ci doivent aussi fournir un cautionnement, mais dont le montant n'est pas déterminé par la loi. Elles sont simplement soumises à la règle générale qui donne au Conseil fédéral le pouvoir de fixer le montant du cautionnement de chaque société, en tenant compte de ses conditions d'exploitation. Sans doute, si des circonstances particulières l'exigeaient, le Conseil fédéral pourrait-il aussi demander aux entreprises indigènes le dépôt de toutes les réserves mathématiques afférentes à leur portefeuille suisse. Mais, comme le disait le message (FF 1916, IV, 495), « pour les sociétés suisses, le cautionnement conservera, dans l'a règle, son caractère do cautionnement administratif ».

Le message justifiait la liberté laissée aux sociétés suisses par la grande facilité que présente leur contrôle pour l'autorité de surveillance. Elles ont leur siège social en Suisse et les autorités ont en 1out temps la possibilité de se livrer en ce lieu à un examen de l'ensenïble de leur situation. Si celle d'une entreprise était menacée, on s'en apercevrait assez tôt pour lui imposer une mesure d'assainissement appropriée. D'autre part, le patrimoine de nos entreprises KO trouve en Suisse, à l'exception des valeurs retenues sous forme de cautionnement dans les Etats étrangers. Le cas échéant, ce patrimoni« serait aussi réalisé sur notre territoire, et conformément à notre droit.

Enfin, nos entreprises ne pourraient pas se soustraire purwneut et simplement aux prescriptions du Conseil fédéral, en suspendaid leur activité dans notre pays, comme on l'a vu faire à des compagnies étrangères, avant l'entrée en vigueur de la loi sur les cautionnements.

« Pour ces motifs -- disait le message (FF 1916, IV, 494) --, le projet estime qu'il convient d'épargner aux sociétés indigènes la peine de distraire de leur actif les valeurs nécessaires pour la constitution d'un cautionnement régulier et de ne pas leur occasionner le gros travail résultant d'une administration spéciale et séparés
de leur portefeuille suisse. » Aussi la principale protection que la loi sur les cautionnements garantit aux assurés doit-elle être recherchée dans les mesures d'assainissement prises en temps utile. Au cas où l'état d'un« société rend de semblables mesures nécessaires, le Conseil fédéral a le droit d'exiger la convocation d'une assemblée générale et de s'y faire représenter. En outre, pour faciliter 1© rétablissement d'une situation ébranlée, il peut accorder à la société, pour l'exécution de se« enga-

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gements résultant d'assurances et jusqu'à concurrence du tiers de leur montant, un sursis d'ont il fixe la durée.

La différence des conditions faites aux compagnies étrangères est particulièrement apparente dans l'hypothèse où les affaires d'une entreprise ne peuvent pas être assainies. Si la situation d'une compagnie étrangère ne peut être rétablie, ou si ses organes refusent de prendre les mesures qui leur sont dictées à cet effet, le Conseil fédéral n'a aucun niqyen d'intervenir au siège social, en qualité d'autorité de surveillance. La compagnie est soumise au droit de son pays d'origine et le plus souvent au contrôle d'une autorité étrangère, seule compétente sur son territoire national. Par contre, le Conseil fédéral doit pouvoir disposer, au profit des assurés du portefeuille suisse, des valeurs déposées dans notre pays. C'est pourquoi la loi lui donne le pouvoir d'affecter le cautionnement aux emplois que nous avons indiqués plus haut, et, si la compagnie étrangère est encore au bénéfice de la concession fédérale, il va sans dire qu'il la lui retirera.

Conformément au système de la loi, qui ne prévoit pas la garantie matérielle du portefeuille suisse de nos sociétés nationales, et contrairement à ce qui a lieu pour les compagnies étrangères, ce n'est pas sur l'emploi du cautionnement que porteront principalement les mesures du Conseil fédéral, dans le cas où la situation ébranlée d'une entreprise suisse ne pourrait être rétablie. Cette entreprise ne méritant plus de crédit, elle ne sera pas autorisée plus longtemps à conclure des affaires en Suisse. Mais sera-t-elle liquidée judiciairement ou extrajudiciairement ? Telle est la seule question qui se pose désormais. Vraisemblablement, la réponse à cette question découlera déjà in concreto des pourparlers intervenus pendant la tentative d'assainissement; sinon, elle sera donnée par le bilan de liquidation. Si la société n'est pas encore déficitaire, le Conseil fédéiral lui ordonnera de liquider conformément aux dispositions topiques du code des obligations (CO). Si par contre l'actif ne couvre plus les dettes, l'administration devra déposer son bilan. En pareil cas, tous les moyens possibles de sauver l'actif social ayant déjà été épuisés, l'ajournement de la faillite suivant les articles 657, 3e alinéa, et 704, 2<= alinéa, CO n'aurait pas
de sens, et il est expressément exclu.

Si la société est liquidée extrajudiciairement, les contrats seront exécutés, conformément à leurs conditions, au moyen de l'actif disponible. Il n'était pas nécessaire de réglementer a principio l'emploi du cautionnement en pareil cas et la loi ne contient pas de dispositions à ce sujet. .Par contre, si la faillite est déclarée, alors devra apparaître la fonction de gage que revêt le cautionnement. Aussi bien, la loi dispose qu'en cas de faillite le cautionnement doit être affecté, en premier lieu, au désintéressement des créanciers du

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portefeuille suisse. Mais, comme la loi n'exige pas des sociétés indigènes le dépôt de leurs réserves mathématiques, il est clair que leur ·cautionnement ne couvrira pas complètement les prétentions des as.surés. Pour le découvert, ils posséderont une créance colloquée par préférence en troisième classe. Or le même privilège existe au profit des assurés qui n'appartiennent pas au portefeuille suisse, pour autant toutefois que leurs créances ne doivent pas être garanties à l'étranger par des sûretés constituées en leur faveur. La protection que la loi accorde normalement aux assurés du portefeuille suisse de nos -entreprises consiste donc dans la combinaison du cautionnement avec le privilège du droit de faillite. Supposons que le cautionnement exigé de telle ou telle société suisse, suivant les circonstances, soit suffisant pour recevoir la même destination qtie celui des compagnies étrangères. La mesure réservée à ces dernières serait alo'rs également appliquée dans la faillite de notre société. En' d'autres termes, lorsqu'une entreprise suisse d'assurances sur la vie a déposé, à titre de cautionnement, la totalité de ses réserves mathématiques, le Conseil fédéral en profitera pour transférer tout ou partie de son portefeuille, avec droits et obligations, à une autre compagnie ou pour le faire liquider d'office par la Confédération. En pareil cas, le cautionnement sera distrait de la masse et les contrats compris dans le portefeuille suisse cesseront de participer à la faillite.

2. Lois étrangères.

Le message du Conseil fédéral à l'appui de la loi sur les cautionnements (FF 1916, IV, 477 s.) contenait un aperçu général de la garantie des contrats d'assurance en droit comparé. Nous nous permettons d'y renvoyer. En outre, nous résumons plus spécialement, ·dans les pages qui suivent, les prescriptions des lois étrangères relatives aux sûretés exigées des compagnies indigènes d'assurances sur la vie. Cet exposé facilitera l'intelligence des dispositions 'de notre projet. Il est d'autant plus nécessaire de lui faire ici une place que, depuis l'élaboration de la loi fédérale sur les cautionnements, certaines lois étrangères ont été modifiées oju complétées. Au surplus, dans quelques Etats, la législation relative à notre matière est de date récente.

Allemagne. Cet Etat est le premier qui ait introduit
et appliqué avec constance le principe de la garantie matérielle, non seulement à l'égard des compagnies d'assurances étrangères, mais aussi à l'égard des entreprises indigènes. Ce principe a été consacré par la loi du 12 mai 1901 (Reichsgesetz über die privaten Versicherungsunternehimungen). Cette loi a été rajeunie par une novelle du 19 juillet 1923, qui tient compte des expériences faites par l'autorité de surveillance ainsi que des circonstances spéciales de l'après-guerre.

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La garantie des créances découlant d'assurances sur la vie repose sur le principe juridique de l'engagement du Prämienreservefonds au profit des ayants droit. Ce fonds doit être séparé du reste du patrimoine social et conservé au siège des sociétés allemandes ou en, tel autre endroit approuvé par l'autorité de surveillance. Les éléments doivent en être inscrits, un à un, dans un registre et, à la clôture de l'exercice, un relevé des inscriptions -de l'année doit être présenté à l'autorité. La loi prescrit dans quels biens le fonds doit être investi..

Ne peuvent en être retranchées que les sommes devenues libres pari suite de réalisation du risque, de rachat, ou pour toute autre cause d'extinction de l'assurance. La faillite ne peut être prononcée que sur proposition de l'autorité de surveillance. Les assurés possèdent, sur le montant régulier de la réserve mathématique de leurs contrats, une créance privilégiée, qui passe avant toutes les autres dettes de la société.

L'autorité de surveillance a aussi le droit de prendre des mesures destinées à prévenir la faillite. Elle peut rendre toutes ordonnances propres à l'éviter, si l'intérêt des assurés le commande, quand même il résulterait de l'état financier d'une société qu'à la longue celle-ci ne saurait continuer à faire face à toutes ses obligations. Elle peut mettre les représentants d'une compagnie en demeure de modifier les bases de leur exploitation ou de portei' remède, d'une façon ou d'une autre, à la situation de l'entreprise, dans un délai déterminé. Poux* rétablir la situation, l'autorité de surveillance peut, en. outre, défendre provisoirement à la société de faire n'importe quel paiement aux assurés et interdire notamment le rachat et les prêts et avances sui* polices. Elle a enfin le pouvoir de réduire les engagements résultant des assurances en cours, jusqu'à un montant qui corresponde à l'état de l'actif de la société. Cette réduction s'opère de la façon suivante : en premier lieu, la réserve mathématique de chaque contrat est diminuée; ensuite sont fixées, sur cette base, les nouvelles sommes assurées. L'obligation' de payer les primes incombant au preneur d'assurance ne doit pas être modifiée par cette mesure. La garantie des droits des assurés peut encore être renforcée par la constitution d'un cautionnement, dont le montant et
la destination sont librement fixés, par l'autorité de surveillance.

En Autriche, le Versicherungsregulativ du 5 mars 1896 prévoyait déjà qu'un cautionnement fixé « en raison des circonstances et des conditions du moment» pourrait être exigé des compagnies concessionnaires, pour assurer l'exécution des engagements assumés par l'entreprise. La tentative fut faite d'organiser la surveillance de l'Etat par une loi d'ensemble, mais un projet, du 5 avril 1905, qui s'inspirait de la législation allemande, n'acquit jamais force de loi. Par contre,.

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le règlement de 18% a été revisé de fond en comble depuis la fin de la guerre. La surveillance de l'Etat autrichien est actuellement basée sur une ordonnance ministérielle dite Verordnung des Bundesministeriums für Inneres und Unterricht im Einvernehmen mit den beteiligten Bundesministerien vom 7. März 1921, betreffend die Neufassung des Versicherungsregulativs.

Un des buts visés par cette ordonnance est d'organiser la garantie des droits résultant d'assurances sur la vie, par des prescriptions analogues à celles de la loi allemande de surveillance. A l'instar de cellte-oi, l'ordonnance autrichienne impose aux compagnies d'assurances sur la vie l'obligation de faire chaque année le calcul des réserves mathématiques des contrats en cours, d'administrer à part le Prämienreservefonds et de l'investir dans des placements autorisés.

Les valeurs appartenant au fonds doivent être inscrites dans un registre,- dont un double est délivré à l'autorité de surveillance et mis annuellement à jour. Les sociétés ne peuvent distraire des valeurs du fonds, qu'en les remplaçant par d'autres valeurs admissibles. Dans le cas de diminution des réserves mathématiques, le retrait est accordé par l'autorité de surveillance.

En cas de faillite, le registre est bouclé et transmis à l'autorité de surveillance pour lui permettre de constater l'état du fonds. Las valeurs appartenant au fonds forment une masse à part, à laquelle tous les assurés participent, à égalité de rang. Pour les contrats en cours, la créance est déterminée par la réserve mathématique.

L'ordonnance donne à l'autorité de surveillance des pouvoirs étendus pour provoquer à temps l'assainissement des compagnies dont la situation serait menacée. Elle peut se faire représenter au sein de l'assemblée générale et des autres organes de la société et siifspciidre, jusqu'à nouvel avis, l'exécution des décisions prises par eux en violation de la loi ou des statuts ou au détriment de l'intérêt public. S'il y a péril en la demeure, l'autorité de surveillance peut procéder ellemême à la convocation des organes sociaux et à la notification de l'ordre du jour. Par contre, l'ordonnance ne permet pas à l'autorité de surveillance d'accorder à la société un sursis pour l'exécution de ses obligations, ni de réduire les créances des assurés, ni d'interdire le rachat et les
prêts sur polices, comme l'autorité allemande en a la faculté.

D'autre part, pour assurer l'exécution des engagements des sociétés vis-à-vis de l'Etat et des preneurs, l'autorité autrichienne peut exiger d'elles la prestation d'un cautionnement calculé eu raison des circonstances et des conditions du moment. Le cautionnement est constitué au profit de l'Etat; l'autorité de surveillance décide de sa restitution, totale ou partielle.

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En France, la surveillance de l'Etat est réglée par la loi du 17 mars 1905 (loi relative à la surveillance et au contrôle des sociétés d'assurances sur la vie et de toutes les entreprises dans les opérations desquelles intervient la durée de la vie humadne) et par les décrets ireadus en exécution de celle-ci. La législation française a aussi réalisé la sûreté des créances des assurés, tant auprès des entreprises indigènes que des compagnies étrangères. A cet effet, elle contient toute une série de dispositions sur les bases techniques que les sociétés devront appliquer, sur le placement de leurs avoirs, etc. Les sociétés doivent tenir des registres, dans lesquels les assurances sont inscrites séparément, suivant chaque catégorie. Quant aux pièces qu'elles doivent soumettre périodiquement à l'autorité de contrôle, elles font aussi l'objet de prescriptions détaillées. En outre, les sociétés doivent constituer une réserve de garantie qui sera alimentée par des prélèvements sur les primes encaissées. Le montant de ces prélèvements est fixé par décret. Ils cessent d'être obligatoires à partir du moment où la réserve de garantie atteint 10 pour cent des réserves mathématiques.

Quant à la sûreté des créances des assurés, elle n'est pas obtenue, comme en droit allemand et autrichien, par la distraction et l'engagement de valeurs déterminées, mais grâce à un privilège général, qui prend rang après le paragraphe 6 de l'article 2101 du code civil français. Dans la faillite de la société, les assurés seront ainsi préférés à la plupart des autres créanciers; ceux qui possèdent un privilège de rang supérieur au leur n'entrent pas en ligne de compte pouii des sommes importantes.

En Angleterre, c'est l'assurance companies act du 3 décembre 1909 qui fait loi. Il impose à chaque société d'assurances, indigène ou étrangère, la prestation d'un cautionnement (deposit), qui comprend un montant fixe de 20,000 £ et doit être composé des valeurs autorisées par le board of trade. La société doit fournir le cautionnement pour chaque branche d'assurance exploitée par ell'e; pour chaque branche également, elle doit tenir une comptabilité séparée et constituer un fonds spécial, servant à la garantie des contrats. Ce fonds est alimenté par des prélèvements sur les recettes. Pour les compagnies d'assurances sur la vie, il est
égal au montant des réserves mathématiques. Lorsqu'une entreprise n'est plus en état de faire face à ses obligations, le tribunal peut, s'il le juge indiqué, modifier les conditions des contrats et réduire les sommes assurées, plutôt que d'ordonner la dissolution de la société. Des prescriptions spéciales à la fusion, à la dissolution des sociétés et au transfert de leur portefeuille servent aussi à la sûreté des créances des assurés. Toutes ces mesures .sont dans la compétence de la cour suprême de justice.

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Le remplacement de cet acte par une loi nouvelle augmentant les garanties des sociétés d'assurances est une des préoccupations actuelles du législateur britannique. Le board of trade a chargé des spécialistes de rédiger un projet pour un' bill to amena thè law relating to thé carrying on of Insurance undertakings. Ce projet a été publié en mars 1927. Il étend le cercle des entreprises soumises à la surveillance de l'Etat et aggrave les prescriptions sur l'établissement de leurs comptes et sur les documents qui doivent être livrés à la publicité ou soumis au board of trade. Mais la plus importante innovation du projet réside dans l'établissement d'une garantie effective au profit des assurés. Il prévoit la formation de fonds spéciaux pour les assurances sur la vie, les assurances de rentes et d'épargne et les assurances maladie et invalidité. Ces différents fonds peuvent être réunis sous la dénomination générale de amalgamateci fonds. Leur administration doit être séparée du reste du patrimoine des sociétés.

Cette administration, de même que l'alimentation et l'emploi des fonds, est réglée d'une façon détaillée. En cas de liquidation ou de faillite, ils doivent être affectés au désintéressement des assurés. Le projet anglais et celui que nous avons l'honneur de vous soumettre jrèglent la garantie des assurances sur la vie d'après des principes analogues.

Italie. Dans le message relatif à la loi sur les cautionnements, nous avons relevé que les dispositions du code de commerce italien réalisaient, en une certaine mesure, la garantie des droits des assurés des compagnies indigènes et étrangères. Nous ajoutions qu'une loi du, 4 avril 1912 avait fait de l'assurance sur la vie un monopole d'Etat, et que les susdites prescriptions du code du commerce n'avaient plus dès lors qu'une valeur transitoire. Par le décret-loi du 29 avril 1923, transformé en loi le 17 avril 1925, le monopole de l'Etat a été abrogé et les compagnies privées autorisées à reprendre leur exploitation en Italie. Désormais, l'établissement d'Etat (istituto, nazionale) ne sera plus qu'un concurrent des entreprises privées, concurrent auquel sont réservées, il est vrai, un certain nombre de prérogatives.

La loi précitée et le règlement d'exécution du 4 janvier 1925 ordonnent, d'une façon complète, la surveillance de toutes les entreprises
d'assurances privées. Pour la oranche vie, en particulier, la sûreté des créances des assurés est soigneusement établie par des prescriptions sur l'organisation financière des sociétés, sur la conduite de leurs opérations, sur l'élaboration d© leurs comptes et sur le rapport qu'elles doivent fournir à l'autorité de surveillance. Diverses dispositions assurent la constitution d© garanties pour l'exécution! des contrats d'assurance.

Les obligations de l'istituto nazionale sont garanties par l'Etat.

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Les compagnies d'assurances sur la vie doivent fournir un cautionnement de 500,000 lires, « comme garantie des opérations à effectuer dans le royaume ». Les entreprises qui se fondent doivent constituer un fonds initial de 1,5 million de lires à imputer sur la réserve mathématique. Les sociétés qui ont une exploitation mixte doivent avoir une administration séparée pour la branche vis. La partie de l'actif affectée à cette branche doit être séparée du reste du patrimoine social et ne peut être destinée à aucun autre emploi.

Une quote-part de tous les risques assurés en Italie doit être cédée à l'istituto nazionale. Cette quote-part est fixée à 40 pour cent pour les dix premières années à compter de l'octroi de la concession, puis respectivement à 30 et 20 pour cent pour chaque période décennale subséquente; enfin et définitivement à 10 pour cent. Les quoteparts cédées sont garanties par l'Etat.

La loi et le règlement d'exécution prévoient les biens dans lesquels devront être placées les sommes nécessaires à la couverture des réserves mathématiques, parts de réassurance comprises. Ces biens seront engagés en faveur des assurés. Ces prescriptions ne sont pas applicables aux parts cédées à l'istituto nazionale, lesquelles seront placées et administrées conformément aux dispositions qui régissent cet établissement.

Les valeurs qui couvrent les réserves mathématiques doivent porter une annotation mentionnant l'engagement. Les titres au porteur seront déposés auprès de la caisse des dépôts et prêts ou d'un établissement d'émission et ne peuvent en être retirés sans l'autorisation de l'autorité de surveillance. Quant aux titres nominatifs, la société peut les g'arder par devers elle, à condition qu'ils portent la mention que nous venons d'indiquer. L'engagement d'immeubles s'opère par l'inscription d'une hypothèque au profit des ayants droit.

Les biens couvrant les réserves mathématiques sont affectés à, la garantie des créances de l'ensemble -des assurés du portefeuille italietì, suivant un privilège conforme à l'article 1958, chiffre 6, du code civil italien.

Lorsque l'actif gagé ne couvre plus les réserves mathématiques, l'autorité de surveillance ordonne à la société de les compléter dans le délai d'un mois. A ce défaut, et si la société ne peut alléguer de justes motifs pour s'écarter des
injonctions de l'autorité, la liquidation sera ouverts par un décret royal irrévocable. L'autorité de surveillance désigne des liquidateurs, dont les pouvoirs sont délimités dans l'acte de nomination. Les sommes assurées seront fixées à nouveau, conformément aux bases de calcul prévues dans l'ordonnance d'exécution. Le preneur peut obtenir le maintien de la somme primitive, à condition de payer une prime complémentaire. Les contrats

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d'assurance sont transférés à l'istituto nazionale, dont la responsabilité prend date de la fin d'un tenue de 60 jours à compter de la publication de la liquidation. En cas de faillite, les assurés ont, sur les biens couvrant les réserves mathématiques, le privilège indiqué plus haut.

Aux Pays-Bas, la surveillance de l'Etat en matière d'assurance sur la vie est réglée par une loi du 22 décembre 1922. Seules les compagnies étrangères sont astreintes à fournir une garantie matérielle.

Quant aux sociétés indigènes, les intérêts de leurs assurés seront sauvegardés par un contrôle sévère et, le cas échéant, par les mesures d'assainissement imposées aux sociétés dont la situation est ébranlée.

Les dispositions de la loi sur ces deux points sont très détaillées.

Lorsqu'une société est menacé© de ne plus pouvoir, à la longue, faire face à ses engagements, l'a direction de la société ou l'autorité de surveillance doit en donner avis au tribunal. Celui-ci constate que la société se trouve dans une situation qui, dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers, exige des dispositions spéciales. Ce jugement peut être rendu pour une durée fixe ou indéterminée. Le tribunal peut le révoquer en! tout temps, sur proposition de l'autorité de surveillance.

Le jugement a pour effet de mettre la société sous régie. Dès lors, elle ne peut plus faire aucun© opération importante, sans l'approbation de l'autorité de surveillance. Si les actionnaires ou les sociétaires refusent de prendre les décisions nécessaires à tel ou tel acte d'exploitation, l'autorité de surveillance peut agir à leur place. Elle peut révoquer et remplacer les directeurs et administrateurs. En cas de carence des organes sociaux, l'autorité de surveillance les remplace.

Un des effets du jugement consiste à mettre la société à l'abri de toutes poursuites et à interrompre celles qui ont déjà été introduites ou requises contre elle. Cette prescription n'est pas applicable aux cas où les poursuites sont exercées en vertu de contrats conclus postérieurement à la date du jugement. Les contrats dans lesquels les assurés ont cessé de payer leurs primes, par crainte de voir l'assureur devenir insolvable, peuvent être remis en vigueur par 1© tribunal. Celui-ci peut aussi modifier les assurances ©n cours. Cependant il ne peut imposer aux créanciers des engagements
plus lourds que ceux qui leur incombent déjà aux termes du contrat; les primes ne peuvent pas être augmentées. Par contre, le tribunal peut réduire les sommes assurées et les rentes.

Sur la proposition de l'autorité de surveillance, le tribunal peut prononcer la faillite de la société. Il peut édicter 'des prescriptions concernant l'ordre de priorité des créanciers. Si la faillite est prononcée, le jugement qui constatait la situation critique de la société tombe eo irpso. Les créances résultant de contrats conclus après ce

928

jugement passent avant toutes les autres et jouissent d'un privilège qui porte sur l'ensemble de l'actif social.

En Suède, en Norvège et au Danemark, la surveillance des compagnies indigènes d'assurances sur la vie fait l'objet d'une réglementation identique dans ses grands traits (loi suédoise du 24 juillet 1900, loi norvégienne du 29 juillet 1911, loi danoise du 1er avril 1914).

La prestation d'un cautionnement n'est pas exigée des sociétés indigènes. Par contre, les lois 'de ces trois Etats contiennent des dispositions abondantes sur la sûreté des créances des assurés. La contre-valeur des réserves mathématiques forme un fonds d'assurance, qui doit être investi dans des valeurs déterminées et faire l'objet d'une administration séparée. Une mention spéciale, sur les valeurs appartenant au fonds, doit porter engagement au profit des ayants droit du portefeuille national. S'il s'agit d'immeubles, une annotation correspondante doit être faite au registre foncier. L'exécution de cette prescription est soumise au contrôle d'un agent fiduciaire. La radiation de la mention spéciale, c'est-à-dire le dégagement des valeurs ne peut intervenir qu'avec l'autorisation de l'autorité de surveillance. En cas de faillite de la société, les assurés possèdent un privilège sur les valeurs engagées.

Si les intérêts des assurés sont menacés par la situation d'une société, et lorsque celle-ci ne prend pas, dans un délai déterminé, les mesures propres à y remédier, l'autorité de surveillance peut la mettre sous régie. Cette autorité s'efforcera tout d'abord de tramsférer le portefeuille de la société à une autre entreprise, moyennant réduction des sommes assurées, si besoin est. La transfert est parfait, lorsque le cinquième au moins des assurés n'y fait pas opposition dans un délai fixé à ces fins. Si le portefeuille ne peut être transféré, l'autorité de surveillance procède définitivement à la réduction des sommes assurées; puis elle convoque les assurés à une assemblée générale, en vue de fonder une société mutuelle, sur la base d'un plan élaboré par elle. Si la société mutuelle ne peut être fondée, l'administration d'office suit son cours.

En Finlande, le même objet a été réglé d'une façon analogue dans une loi du 5 février 1926. Les valeurs correspondantes aux réserves mathématiques doivent être séparées et
former un fonds spécial. Chaque année, après la clôture du bilan, ce fonds est calculé à nouveau, de façon à couvrir constamment lesdites réserves. La société récupère alors la libre disposition de tout excédent éventuel. Il peut en être décidé de même en cours d'exercice, lorsque le fonds accuse une plusvalue considérable.

Les ayants droit possèdent un droit de gage sur" les valeurs du fonds. En cas de liquidation ou de faillite de la société, le fonds est

92» soumis par l'autorité à uue administration spéciale, gui exerce dès lors les droits
Si le fonds ne suffit pas à la satisfaction des assurés, ceux-ci, possèdent une créance privilégiée pour le montant du découvert. L'administration du fonds ne peut consentir à des paiements que dans la proportion de la couverture effective.

L'administration doit chercher en premier lieu à transférer le portefeuille à une autre entreprise. Le transfert est parfait, lorsque un cinquième des ayants droit n'y fait pas opposition dans le délai qui leur est imlparti à cet effet. Si le transfert n'est pas réalisé dans les deux ans après l'ouverture de la faillite, les assurés sont invités à fonder une société mutuelle pour la continuation de l'exploitation.

La société mutuelle ne peut être fondée, lorsque le tiers des assurés au moins y fait opposition. En pareil cas, le fonds doit être réparti entre les ayants droit en proportion de leurs créances.

En Pologne, la surveillance par l'Etat des entreprises d'assurances est réglée par l'ordonnance présidentielle du 26 janvier 1928 sur le contrôle de l'assurance.

Les sociétés indigènes sont tenues de gérer séparément les réserves mathématiques des assurances sur la vie. Les biens qui servent à couvrir ces réserves doivent être inscrits dans un registre spécial et la société n'en peut disposer qu'avec l'assentiment de l'autorité de surveillance. Les valeurs mobilières doivent être déposées auprès d'un établissement de crédit public, à moins que la société no disposo eu propre d'un caveau blindé offrant une sécurité suffisante. Elles sont réservées à la garantie des créances d'assurance.

Quand l'autorité de surveillance retire la concession à une société, celle-ci doit éventuellement être liquidée par des liquidateurs nommés par le pouvoir judiciaire. Le portefeuille garanti peut être transféré, en tout ou en partie, à une autre société. Le transfert doit être approuvé par l'autorité de surveillance. La société cessionnaire reprend tous les droits et obligations de la société en liquidation.

La faillite ne peut être prononcée qu'avec l'autorisation de l'auto-rité de surveillance. Dans la faillite, les biens inscrits au registre forment
un fonds particulier, qui sera géré par un curateur nommé par le tribunal. Les revenus courants provenant de ces biens rentrent dans ce fonds. Pour la partie de leurs créances que ledit fonds ne couvre pas, les assurés doivent produire dans la masse. Même en cas de faillite, le portefeuille garanti par le fonds peut être transféré, avec droits et obligations, en tout ou en partie, à une autre société.

930

Mais ce transfert doit être approuvé par l'autorité de surveillance et sanctionné par le tribunal. Au besoin, celui-ci peut réduire les sommes assurées et le montant des rentes.

Lorsque le curateur a acquis la conviction que le- transfert du portefeuille n'est pas indiqué, il en avise le tribunal. Après avoir entendu les représentants de l'autorité de surveillance et ceux des assurés, le tribunal prononce, s'il y a lieu, la dissolution des contrats d'assurance à dater de l'ouverture de la faillite. Il décide de la répartition des biens du fonds, conformément à un plan établi par le curateur.

En Espagne, la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance est réglée par la loi du 14 mai, 1908 et par des ordonnances d'exécution, en particulier par le décret du 18 février 1927. Les sociétés doivent déposer un cautionnement fixé à 500,000 pesetas pour les entreprises indigènes et étrangères d'assurances sur la vie. La moitié des réserves mathématiques du portefeuille espagnol doit être déposée à la caisse générale des dépôts ou à la banque d'Espagne.

Les valeurs qui seront admises à cet effet sont spécialement désignées; 50 pour cent seront des valeurs espagnoles. Ces valeurs ne peuvent être retirées que dans l'a mesure où cela est nécessaire pour l'exécution des contrats. Pour toutes les modifications dans la composition du dépôt, le consentement de l'autorité de surveillance est de rigueur.

50 pour cent des valeurs couvrant les réserves mathématiques restent en la possession de la société. Mais elles doivent être inscrites dans un registre spécial, grâce auquel l'autorité de surveillance pourra exercer à tout moment son contrôle. Les valeurs correspondant aux parts cédées aux réassureurs doivent rester entre les mains du premier assureur, pour autant toutefois que le réassureur n'est pas une compagnie espagnole.

Les valeurs qui couvrent les réserves mathématiques sont affectées exclusivement à la garantie des assurances du portefeuille espagnol. Appartiennent à ce portefeuille les contrats conclus en Espagne et ceux qui ont été conclus à l'étranger avec un Espagnol et pour lesquels l'Espagne a été désignée expressément comme pays d'exécution.

Au Portugal, la loi du 21 octobre 1907 impose aux compagnies d'assurances sur la vie la prestation d'un cautionnement et l'investissement dans
des valeurs déterminées des réserves mathématiques des assurances conclues dans le pays. Ces valeurs sont déposées et constituent un fonds particulier affecté exclusivement à la garantie des contrats.

Lorsqu'une société tombe en faillite, ou lorsque l'autorisation d'opérer lui est retirée, la liquidation a lieu dans les termes prévus par la loi. Dans tous les cas, la tentative sera faite de transférer le

931

portefeuille portugais à une autre entreprise. Si un transfert n'est pas possible, l'autorité de surveillance soumettra aux assurés un projet de constitution d'une société mutuelle. L'adoption du projet aur.a lieu à la majorité des voix des assurés présents. Si la proposition échoue, l'autorité de surveillance répartira l'actif couvrant les réserves mathématiques proportionnellement entre les assurés.

Par la loi du 26 juillet 1926, la Bulgarie a réalisé, en une large mesure, la sûreté matérielle des créances des assurés indigènes. Au moment où l'autorisation d'opérer en Bulgarie leur, est accordée, les sociétés nationales et étrangères doivent fournir un cautionnement important. En outre, elles effectueront un dépôt correspondant au montant des réserves techniques du portefeuille bulgare. Les valeurs acceptées en dépôt sont spécifiées dans la loi. Pour les compagnies d'assurances sur la vie, le dépôt est égal aux réserves mathématiques, réserve de réassurance incluse. La loi et l'ordonnance d'exécution contiennent encore des dispositions détaillées sur. la tenue du registre des réserves techniques et le contrôle de l'autorité de surveillance.

En! Grèce, la loi du 2 novembre 1917, modifiée par la loi du 5 juin 1920, ne contient pas une réglementation systématique de la garantie des droits résultant d'assurances. En ce qui concerne les compagnies indigènes et étrangères, elle dispose seulement que la moitié des primes encaissées en Grèce sera placée dans telles valeurs qu'elle prescrit. Les créances des assurés font l'objet d'un privilège qui porte sui* la totalité de l'actif social.

Etats-Unis d'Amérique. Dans la plupart des Etats, les compagnies d'assurances sur la vie sont légalement tenues de fournir -des sûretés.

Ces diverses lois se ressemblent. Nous citons, à titre d'exemple, celle de l'Etat de New-York, du 17 février 1909. D'après cette loi, les sociétés doivent déposer un cautionnement, qui est actuellement fixé à 100,000 $ pour les entreprises indigènes et à 200,000 $ pour les compagnies étrangères. Ce cautionnement est exclusivement affecté à la garantie des engagements contractés par] les compagnies envers des personnes habitant l'Etat de New-York.

D'autre part, les polices d'assurance sur la vie conclues auprès de compagnies américaines contiennent souvent une clause spéciale,
dite d'enregistrement (registered policies), par laquelle l'assureur s'engage à déposer auprès des autorités le montant intégral de la réserve mathématique du contrat. L'ensemble des propriétaires do polices enregistrées possède un droit exclusif sur le total de ce dépôt. Chaque année les compagnies doivent procéder à l'évaluation do leurs réserves mathématiques, conformément aux bases techniques Feuille fédérale. 80e année. Vol. II.

72

932 indiquées dans la loi. Pour les polices enregistrées, le dépôt sera complété ou diminué suivant le résultat de cette évaluation.

Lorsque l'autorité de surveillance estime qu'une entreprise n'est plus en état de faire face à la longue à ses obligations, elle en informe le juge. Celui-ci nomme un administrateur (receiver) dont les pouvoirs sont très étendus. Il commence par faire procéder à un examen complet de la situation de la compagnie. Si cet examen est favorable, l'autorité judiciaire relève l'administrateur de ses fonctions; sinon, elle le charge de procéder à la liquidation. En pareil cas, le dépôt affecté à la garantie des polices enregistrées est distribué entre les ayants droit, proportionnellement à la valeur actuelle desdites polices. Le surplus éventuel tombe dans la masse.

Japon. Les lois des 22 mars 1900 et 6 avril 1912 donnent à l'autorité de surveillance la faculté d'exiger des compagnies indigènes le dépôt d'une somme déterminée. Les assurés d'une compagnie d'assurances sur la vie et leurs ayants droit ont un privilège sur l'actif de la compagnie jusqu'à concurrence de la réserve mathématique de leurs contrats.

IL La revision des dispositions légales relatives aux sûretés.

1. Assurance sur la vie.

Comme on le voit par l'exposé qui précède, l'idée d'une garantie des droits des assurés se répand de plus en plus. Certains Etats l'avaient pratiquement réalisée déjà &vant la conflagration mondiale. Les enseignements de l'après-guerre en ont engagé d'autres à instaurer ou à modifier la surveillance des sociétés et à vouer une attention spéciale aux moyens propres à réaliser la sûreté des créances, dans ia branche vie surtout. La solution n'est pas partout la même. Ici, elle a été recherchée avant tout dans des mesures préventives, en particulier dans le contrôle serré de l'autorité de surveillance, dans des prescriptions sur les bases techniques, sur l'établissement des comptes, sur le placement du patrimoine social et sur la participation active de l'autorité à l'assainissement des entreprises obérées.

Là, les assurés possèdent un privilège du droit de faillite. Ailleurs enfin, leurs créances font l'ohjet d'une garantie matérielle. A l'égard des entreprises indigènes, cette garantie est réalisée par la distraction et l'engagement légal d'une portion de l'actif égale au montant
des réserves mathématiques et augmentée parfois de certaines sommes supplémentaires. Dans la plupart des lois, ces deux formes d& eûretés font l'objet de combinaisons diverses.

Pour les sociétés étrangères, nous avons montré que notre loi fédérale sur les cautionnements a institué une sûreté matérielle complète,,

03;]

en exigeant le dépôt des réserves mathématiques afférentes au portefeuille suisse. D'autre part, elle assure la réalisation de ce cautionnetment, dans le cas où la situation ébranlée 'd'une société ne peut pas être rétablie. A l'égard des sociétés indigènes, c'est moins la loi sur les cautionnements que la loi de surveillance qui a procuré jusqu'ici la sécurité nécessaire aux assurés, grâce à un contrôle intensif et continuel qui, s'exerçant au siège des sociétés, peut revêtir infiniment plus d'efficacité et d'énergie que le contrôle des compagnies étrangères. Au surplus, bien que le -cautionnement des sociétés suisses n'ait en principe qu'un caractère administratif, la loi du 4 février 1919 accorde à leurs assurés un privilège en cas de faillite. Le dépôt des réserves mathématiques de nos sociétés ne doit être- envisagé que comme une mesure grave et exceptionnelle. Jusqu'ici, le Conseil fédéral n'a jamais été obligé d'y recourir contre aucune entreprise. Il conserve cependant cette faculté et en ferait usage en cas d'urgence.

Les intérêts des assurés sont déjà protégés à un haut degré par ces dispositions; et cela est vrai aussi bien pour la branche vie que pour les autres branches. Si la question d'un renforcement des prescriptions de sûreté a cependant été mise à l'étude, ce n'est pas que l'exploitation de nos entreprises d'assurances sur la vie ou de telle d'entre elles en particulier inspire des inquiétudes. Non, l'utilité de cet examen résulte de préoccupations d'ordre général. Dans un semblable problème, il faut réserver l'avenir. Avec le temps, nos opinions sur la réglementation la plus opportune peuvent changer. Le législateur suisse en a fait maintes fois l'expérience. Dans le cas particulier, il doit bien admettre que les prescriptions édictées par lui il y a quelques années, ne sont déjà plus suffisantes aujourd'hui. Les enseignements tirés des bouleversements économiques de la guerre et de l'après-guerre ont beaucoup contribué à cette constatation. Enfin l'exemple des législations étrangères devait aussi nous pousser à entreprendre la réforme des textes relatifs à nos entreprises nalio · nales.

Dans la loi sur les cautionnements, la protection des assurés des sociétés suisses repose essentiellement sur le privilège dont jouissent leurs créances, qui sont colloquées en troisième
classe. Or les créances d'un rang supérieur n'ont qu'une très minime importance dans le passif total d'un assureur ; qu'elles soient intégralement payées, le résultat de la liquidation n'en sera guère modifié au détriment des assurés. Aussi peut-on soutenir qu'en réalité la loi donne à ceux-ci un droit de préférence sur l'ensemble de l'actif social, sous réserve des biens engagés à l'étranger. Et cependant, un examen plus attentif de cette situation montre qu'elle n'est pas complètement satisfaisante.

934

Le point faible du système, c'est que le privilège ne devient opérant que lorsque la faillite est prononcée, c'est-à-dire lorsque l'entreprise ne peut plus être rétablie, qu'elle, est insolvable. Ce système ne met pas l'actif social hors de l'atteinte des tiers créanciers. Parmi ceux-ci, nous pensons spécialement aux banques et autres prêteurs, auprès desquels toute société dans la gêne cherchera à se procurer les ressources nécessaires à son exploitation, quitte à leur livrer de belles et bonnes valeurs, à titre de sûreté. L'action révocatoire ne protège pas suffisamment les assurés contre la distraction des biens nécessaires à l'exécution de leurs contrats. En effet, lorsqu'on a affaire à une société d'assurances sur la vie, il peut être très difficile de déterminer avec certitude si, à un, moment donné, l'entreprise était déjà obérée ultra vires et si, en désintéressant alors ses prêteurs, elle agissait, avec leur connivence, en fraude de ses autres créanciers. La longue durée des contrats, les particularités de l'organisation technique font qu'il est souvent très malaisé d'apprécier les répercussions lointaines d'une opération financière. Telle mesure prise hier pouvait encore paraître supportable ; mais on s'apercevra plus tard qu'elle dépassait, en réalité, les facultés de paiement de l'entreprise. Or elle consistait peut-être simplement dans l'octroi d'un gage à quelque bailleur de fonds. Mais le gage prime le privilège légal; à supposer1 qu'il soit irrévocable, il réduit proportionnellement le dividende de l'assuré dans le produit de la faillite. Il n'est donc pas exclu que, par des actes juridiques inattaquables, une société sacrifie des moyens de paiement qui lui seraient, en définitive, indispensables pour l'exécution de ses obligations envers les assurés. Et quand elle sera tombée en faillite, leur privilège ne pourra plus remplir son but, ou ne le remplira qu'imparfaitement. Enfin l'article 16 LC a beau prévoir, pour les sociétés indigènes dont le cautionnement est suffisant, le transfert de tout le portefeuille à un autre assureur, ou sa liquidation par la Confédération, le privilège des assurés ne leur garantit nullement que ces mesures puissent être effectivement appliquées, comme elles le seraient pour une compagnie étrangère,, en vertu de l'article 9.

D'ailleurs, l'affectation.' d'une
notable partie dé l'actif au désintéressement ou à la sûreté des tiens créanciers peut constituer un péril pour la société, même lorsque le reste de son patrimoine suffit encore à couvrir les réserves mathématiques. En effet, quelles valeurs sera-telle appelée à sacrifier à ces tiers, sinon précisément les plus solides et les plus facilement réalisables ? Mais si ces sacrifices se multiplient et que la société ne dispose plus, pour remplir ses engagements envers les assurés, que des valeurs les moins liquides, ses facultés de paiement en pâtiront et il ne s'en faudra pas de beaucoup qu'elle ne tombe dans une situation critique. Surviennent des événements qui la

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contraignent à liquider coûte que coûte les moins négociables de ses biens, elle risque fort de les réaliser à perte. Et quelles ne seront pas ces pertes, si la réalisation doit s'opérer pour le compte d'une masse en faillite ! On voit le péril que les assurés peuvent courir. On voit qu'ils n'en seront pas toujours gardés par un privilège, dont l'efficacité dépend précisément de l'état et de la qualité des avoirs disponibles.

Le renforcement de la protection des assurés apparaît particulièrement nécessaire à l'égard des compagnies qui ont étendu leur champ d'exploitation à l'étranger. Des onze sociétés suisses actuellement autorisées à exploiter, l'assurance sur la vie, sept travaillent aussi dans 'd'autres pays. L'assurance repose en effet sur la loi des grands nombres; pour obtenir une large compensation des risques, l'assureur en assume de multiples et les répartit sur de vastes contrées. D'ailleurs, les frais généraux d'une entreprise rationnellement organisée diminuent en raison directe de son extension. Aussi est-il de l'essence même de l'assurance de tendre au développement territorial; et cette tendance est particulièrement compréhensible chez nos assureurs, la Suisse n'offrant à leur croissante activité que des possibilités relativement moindres, limitées encore par une énorme concurrence. Leurs constants efforts pour dépasser nos frontières est dans la logique de leur évolution. Bref, l'activité de sept compagnies, dans le présent, les possibilités d'extension des autres, dans l'avenir, tout accuse le caractère international de l'assurance. Et c'est une raison de plus en faveur d'un renforcement général des sûretés.

Or, les Etats qui représentent, à l'étranger, le champ d'exploitation le plus important pour les sociétés suisses exigent précisément le dépôt des réserves mathématiques augmentées parfois de garanties supplémentaires. En cas de faillite de la société, les valeurs déposées ne tombent pas dans la masse, mais servent à désintéresser les assurés des Etats envisagés. Si, dans l'un de ceux-ci, l'une mi l'autre de nos sociétés possède un portefeuille important, elle pourra, enrègle générale, constituer son dépôt avec les ressources dont elle dispose sur place; cependant il peut aussi arriver que ces disponibilités n'y suffisent pas -- par exemple, par suite do grosses pertes sur
les cours. Mais alors, ne voulant pas éluder les prescriptions légales de l'Etat étranger, de peur d'y être déclarée insolvable, notre société sera forcée de mettre à contribution le reste de son patrimoine.

Elle en distraira une partie et la fera sortir de Suisse. Mais, ce faisant, elle touchera peut-être à des biens qui devaient couvrir d'indispensables réserves libres, ou même les réserves mathématiques de ses autres contrats. D'ailleurs, les assurés étrangers produiront éventuellement, dans la faillite de la société, la partie non couverte de

93 B

leurs créances. Mais cette prétention bénéficierait-elle du même privilège que celle des assurés du portefeuille suisse? L'article 17, 2° alinéa, LC nous paraît pouvoir être interprété dans ce sens.

Certes, nos sociétés ne peuvent pas faire sortir de Suisse une trop grande partie des biens qu'elles y possèdent, sans le consentement de l'autorité de surveillance. Cette autorité pourra sans doute intervenir pour protéger l'assureur et les assurés, dès que celui-là lui aura fait part de l'extrémité où il se trouve réduit, ou dès qu'elle en aura eu connaissance par le jeu de la surveillance. Le Conseil fédéral possède un puissant moyen de protection, puisqu'il peut exiger que le cautionnement déposé à la banque nationale suisse soit élevé, jusqu'à concurrence des réserves mathématiques du portefeuille suisse. Ainsi en décicïerait-il dès que les intérêts de nos assurés sembleraient menacés; et cette mesure pourrait être pratiquement appliquée dans un bref délai. Mais il ne faut pas se dissimuler qu'elle provoquerait facilement un conflit avec l'autorité étrangère, surtout si elle apparaissait comme une riposte à une injonction soudaine de cette autorité. Or' la prospérité d'une compagnie d'assurances sur la vie dépend de La confianca du public, qu'un semblable conflit aurait vite fait d'ébranler.

Ainsi lo succès d'une entreprise pourrait être compromis, alors même que les intérêts des assurés suisses seraient complètement protégés et que la question de l'insolvabilité ne se poserait pas.

La nécessité d'une revision légale ressort clairement des considérations qui précèdent. Les prescriptions de la loi qui sont impuissantes à remplir complètement leur but devront être remplacées par d'autres, plus efficaces. La seule solution possible consiste dans une garantie effective, que l'on obtiendra par l'affectation, au profit des assurés, d'une somme de valeurs équivalente au montant des réserves mathématiques. Cette solution écarte le défaut inhérent au système du privilège, qui ne déploie ses effets qu'en cas de faillite. On évitera ainsi que, pour faire face à des obligations pressantes, ou pour donner des sûretés à des tiers créanciers, une société distraie, antérieurement à la faillite, des biens dont elle a besoin pour remplir ses obligations vis-à-vis de ses assurés. L'engagement de valeurs d'un
montant équivalent aux réserves mathématiques emportera, en outre, la preuve qua les biens propres à assurer l'exéeution des contrats sont effectivement représentés. On en arrivera, par ce moyen, aux résultats qui ont été atteints par la loi sur les cautionnements, à l'égard des compagnies étrangères d'assurances sur la vie.

Eu élaborant cette loi, on avait laissé la plus grande liberté d'action possible aux sociétés suisses d'assurances sur la vie, eu égard à leur situation particulière. A la vérité, cette liberté sera considérablement limitée par l'immobilisation d'une grosse part de leur actif

937

et son affectation à des buts déterminés. On ne saurait nier qu'il en résultera un amoindrissement des moyens disponibles pour l'assainissement éventuel d'une entreprise obérée. Il y a là un inconvénient, que l'on ressentirait notamment en temps de crise économique générale; mais il est de peu de poids, en comparaison de l'intérêt d'une réglementation des capitaux de couverture, qui procurera en tout temps la preuve de l'existence des biens nécessaires à la constitution des réserves mathématiques et en garantira un emploi conforme à leur but.

Cette solution se recommande aussi, parce qu'elle est particulièrement propre à maintenir et à augmenter la confiance du preneur dans nos sociétés. Elle aura un effet moral dont on aurait toi-t de mésestimer l'importance. Même dans les temps de crise économique, la sûreté matérielle des créances des assurés sera de nature à les tranquilliser, grandement sur le sort de leurs contrats. De toute façon, elle fera disparaître chez eux le sentiment d'être insuffisamment protégés.

Nous avo'ns constaté que ce sentiment n'avait fait que croître depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les cautionnements. D'aucuns relèvent que plusieurs Etats étrangers ont été beaucoup plus loin que le législateur suisse dans la protection des assurés, en réalisant le principe de la sûreté effective, même à l'égard des sociétés indigènes. Certes, ces critiques font trop bon marché d'es sécurités que, dénà actuellement, la loi sur les cautionnements procure aux assurés de nos compagnies; mais c'est affaire de sentiment, et, dans l'intérêt du développement harmonieux de l'assurance en Suisse, il est désirable de tenir compte de sentiments de ce genre. Rien ne saurait mieux tranquilliser les assurés, que la garantie matérielle de leurs droits. Cette garantie est patente; le fonctionnement en est facile à comprendre.

Elle offre le maximum) d'efficacité et, par conséquent, elle constitue la mesure la plus propre à maintenir la confiance de l'assuré en l'assureur.

Le tableau 1, à la page suivante, montre clairement l'importance que représente pour les assurés, comme pour nos compagnies suisses, la garantie matérielle des droits résultant des contrats d'assurance sur la vie.

D'après le présent projet, les trois quarts environ des biens des sociétés suisses d'assurances sur1 la vie seraient
affectés à la garantie des assurés.

Les considérations qui précèdent montrent suffisamment qu'une revision de no's textes législatifs, dans le sens d'un renforcement des prescriptions de sûreté, est possible et désirable. Mais elles ne doivent pas faire oublier qu'aucune formte de sûreté ne saurait donner aux assurés la garantie absolue de l'exécution' de leurs créances. On ne

938

peut imaginer à l'avance toutes les causes possibles de déconfiture des entreprises et, surtout, personne ne saurait prévoir la forme et les conséquences des phénomènes économiques de l'avenir. Telle mesure qui, dans telle occasion, semble utile et bienfaisante serait, dans un autre cas, nuisible aux assurés. La dépréciation des patrimoines, par suite des grandes secousses économiques, est un mal sans remède. Il n'est pas de sûreté qui soit à l'abri de ses effets. Dans la réforme législative que nous vous proposons, il ne peut donc s'agir que de réaliser la forme de garantie qui a pour elle les plus grandes chances d'efficacité.

Tableau î.

Sociétés

Sommes à consti- Sommes à consTotal de l'actif tuer en garantie tituer en garantie social au à l'étranger, suien Suisse, 3l décembre 1927 vant prescriptions d'après le présent légales projet Fr.

Fr.

Société suisse d'assurances générales sur la vie humains .

340,425,550 La Suisse 89,474,650 : Bâloise, vie 307,901,468 Genevoise 100 146,033 Société suisse d'assurance 42,585,642 sur la vie . .

. .

Patria 66,196,950 6,463,471 Prévoyance populaire suisse Vita 43,393,074 24,695,824 Winterthur . . . .

14,897,427 Union Genève . . . . .

5,863,621 Neuchâteloise Total 1,042,043,710

23,667,215 19,831 081

1,970,710 903 662

101,246 46,473,914

Fr.

256,759 314 67,140,362 1 208 857 780 : 82,281,194 33,270,059 49 077,824 ' 5,589,301 22,836,856 ' 10 695 671 i 4,274,693 · 807,476 ' 741,590,530

i

2. Les autres branches d'assurances.

Devrions-nous prévoir des mesures analogues pour les autres branches d'assurances -- du moins, pour certaines d'entre elles 9 Ou l'application de la nouvelle loi doit-elle être restreinte à l'assurance sur la vie ? Après avoir sérieusement examiné cette alternative, nous l'avons résolue
93»

Dans la branche vie, la réalisation >de l'événement assuré est ordinairement certaine; seule, l'époque de cet événement est indéterminée. Dans l'assurance au décès, le risque augmente pour l'assureur avec l'âge de l'assuré. Celui-ci devrait donc payer, une prime croissante. Toutefois il est plus commode de prélever une prime fixe, moyenne, calculée en tenant compte de l'augmentation constante du risque. Dans l'assurance mixte, il faut encore ajouter à cette prime un montant qui permette de payer le capital, en cas de vie de l'assuré à l'âge terme. Mais il est indispensable que la société mette en réserve la partie de la prime perçue qui n'est pas absorbée par les règlements de l'année et les frais d'administration de l'exercice.

Cette réserve mathématique forme le fonds que la société devra augmenter au fur et mesure des encaissements de primes et qui devra lui permettre de faire face à ses engagements à venir. Les valeurs accumulées à concurrence du montant des réserves mathématiques constituent une épargne que les preneurs d'assurances confient à la société, et qu'elle devra leur restituer au moment de l'événement assuré, comme une partie intégrante de la somme assurée. Les compagnies d'assurances sur la vie ne fonctionnent donc pas seulement en qualité d'assureurs, niais aussi comme gérantes d'épargne, et une notable partie des économies de notre peuple est ainsi placée auprès d'elles.

Dans l'assurance contre les accidents et dans les autres branches, le preneur d'assurance cherche à être couvert contre un dommage économique qui peut résulter d'un événement futur et incertain. La statistique des sinistres de même nature montre qu'ils se reproduisent avec une certaine constance. Cette constatation permet de 'calculer l'importance des sacrifices nécessaires à la couverture des dommages.

Mais les probabalités restant longtemps sensiblement les mêmes, et le risque n'étant pas croissant, comme dans l'assurance sur la vi«1, point n'est besoin aux sociétés qui exploitent ces branches de constituer des réserves mathématiques, pour pouvoir faire face à Jours obligations futures. La prime est une prime de risque, calculée de façon à couvrir les sinistres de l'année d'assurance. Elle ne contient pas une prime d'épargne, et ces entreprises ne sont pas les dépositaires des économies du public.

Dans l'assurance
contre les accidents et dommages, la réserve, four risques en cours contient simplement la portion des primes annuelles payées au cours de Fexercice, non consommée au moment de la clôture. Elle contient en outre les primes payées à l'avance pour deux ou. plusieurs périodes d'assurance. Au point de vue comptable, 'Cette réserve doit être considérée comme un poste passif transitoire; elle n'est pas, comme les réserves mathématiques d'une coin-

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pagnie d'assurances sur la vie, l'équivalent d'une dette à échéance indéterminée,, mais certaine. D'autre part, les compagnies d'assu^ rances contre les accidents et dommages doivent constituer une réserve pour sinistres -à régler, couvrant les paiements d'indemnités qui incombent à l'assureur à raisoni de sinistres déjà survenus, mais non encore réglés en fin d'exercice. Cette réserve peut représenter une fraction importante de la somme totale du bilan; mais, dans la plupart des cas, elle est liquidée en peu de temps.

A ces diversités techniques correspondent certaines particularités dans les prétentions que les assurés peuvent faire valoir contre une société, à la dissolution du contrat. Dans l'assurance sur la vie, l'épargne déposée en cours de risque doit être restituée. Cette restitution peut intervenir sous forme de paiement de la valeur de rachat, si l'assuré se départ du contrat; ou bien encore, il peut demander que son assurance soit transformée en une assurance libérée de primes, avec un capital réduit, correspondant à la réserve mathématique. En cas de faillite et dans les autres cas expressément prévus par la loi sur le contrat d'assurance, sa créance est égale au montant de ladite réserve.

Dans l'assurance contre les accidents et dommages, la prime étant absorbée par les dépenses de l'exercice courant, ainsi que par les reports sur l'exercice suivant, le preneur n'a aucun: droit sur les versements qu'il a effectués pour des périodes d'assurance antérieures. S'il résilie unilatéralement, la loi sur le contrat d'assurance prévoit que îa primie totale afférente à la période d'assurance en cours est acquise à l'assureur. Si la prime a été payée d'avance pour plusieurs périodes d'assurance, l'assureur doit en restituer au moins les trois quarts (art. 25 LCA). Dans les cas seulement où le contrat est résilié par la société après uri sinistre partiel et dans ceux qui sont prévus à l'article 36 LCA, de même qu'en cas de faillite, l'assuré peut réclamer la fraction de l'a prime afférente à la partie non courue de la période d'assui'ance. Mais jamais il ne peut répéter tout ou partie des primes payées par lui pour des exercices antérieurs.

On voit, par ces explications, que les intérêts que peut léser la débâcle d'une compagnie sont de nature fort différente, suivant qu'il s'agit d'assurance
sur la vie, ou d'assurance contre les accidents et dommages. Dans le premier cas, l'assuré court le risque de perdre son' épargne, tandis que, dans le second, la perte portera simplement sur une part des primes de l'année en cours ou des primes payées d'avance, ainsi que sur les indemnités dues pour sinistres survenus, mais non encore réglés. Au point de vue de l'économie nationale, un krach aura une tout autre portée d'ans la branche vie que dans les

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autres branches. L'insolvabilité d'une compagnie d'assurances sur la vie met les assurés dans une situation critique, non seulement parce qu'ils essuient une perte sensible, miais encore parce que, s'ils ont atteint un certain âge ou ne possèdent plus la santé, ils ne pourront plus trouver! assureur, ou ne le trouveront qu'à des conditions aggravées. Le but de prévoyance que devait servir l'assurance ne sera pas rempli. Dans les branches accidents et dommages, il sera beaucoup plus facile au preneur de s'assurer ailleurs aux mêmes conditions.

On ne peut nier cependant que, même dans ces branches, l'insolvabilité d'une compagnie léserait, chez les assurés, des intérêts considérables et dignes de protection. Cette protection devrait-elle être renforcée î On peut se le demander. Mais il faut remarquer que l'application du principe de la sûreté matérielle aux réserves techniques de ces branches (réserve pour risques en cours et réserve pour sinistres à régler) causerait une gêne considérable aux so'ciétés et nuirait ainsi aux assurés plus qu'elle ne leur profiterait.

Les primes de risque doivent rester à la disposition des assureurs, pour leur permettre de remplir leurs obligations en cours. L'engagement des réserves techniques desdites sociétés entraînerait une immobilisation des ressources indispensables à leur exploitation et tracerait ainsi des limites par trop étroites à leur liberté d'action. Les relations entre l'assureur primitif et le réassureur -- auquel doit passer une notable partie des primes -- en seraient entravées. Pour satisfaire aux injonctions d'une loi prescrivant l'engagement de la réserve pour risques en cours, l'assureur devrait peut-être faire appel à d'autres ressources que les primes; d'où aggravation de ses charges financières. On peut songer notamment au cas où la société aurait à régler quelque gros sinistre revêtant les proportions d'une catastrophe; pour tenir compte de ses besoins, on devrait alors prélever, sur les réserves légalement engagées, les sommes nécessaires au règlement. Autant dire que ces réserves ne demeureraient pas constamment intactes ! Mais alors la loi atteindrait-elle son but ?

D'ailleurs, le cautionnement exigé des compagnies étrangères d'assurances contre les accidents et dommages correspond, en une certaine mesure, au dépôt des réserves techniques
afférentes à leur portefeuille suisse. Il doit être au moins égal à la moitié -- pour les assurances transport, au quart -- du montant des primes encaissées on Suisse durant le dernier exercice. Mais cette proportion ne pourrait être adoptée sans autre comme mesure du débit d'un fonds de sûreté; car elle résulte d'une estimation sommaire, dépourvue de la. précision qui serait indispensable, si l'on voulait avoir un cautionnement abso-

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himent et tcràjours suffisant. En élaborant la loi sur les cautiormemnents, le législateur suisse a simplement voulu donner aux assurés des compagnies étrangères un gage qui leur garantît, à un haut degré, l'exécution de leurs créances, même en cas de faillite de l'entreprise.

Mais, pour arriver à un résultat pratique, il dut se contenter du procédé de calcul imparfait que nous venons d'indiquer.

A l'égard des sociétés suisses, il atteignit le même résultat, par le moyen du privilège dont bénéficient les créances assurées. Le patrimoine des sociétés se trouvant en Suisse,, ce privilège doit permettre d'affecter tout leur actif au désintéressement des assurés. Il faut noter aussi que les autres Etats n'imposent pas à nos compagnies d'assurances contre les accidents et dommages le dépôt de leurs réserves techniques, et se contentent d'exiger des cautionnements fixes, qui n'atteignent pas lo montant desdites réserves. Nous ne retrouvons donc pas ici, comme dans la branche vie, un des motifs qui nous pressent de renforcer la sécurité des réserves techniques afférentes au portefeuille suisse. Du reste, dans les cas où l'on pourrait craindre qu'une des compagnies précitées n'engageât son actif au profit de tiers créanciers, au point de ne plus pouvoir couvrir toutes ses obligations en Suisse, le Conseil fédéral pourrait toujours élever le montant de son cautionnement.

A l'égard des sociétés suisses d'assurances contre les accidents et dommages, on voit donc qu'il ne serait pas possible de réaliser, sans de gros inconvénients, une sûreté équivalente à celle que l'on se propose d'instituer 'pour la branche vie. Nous y avons donc renoncé; et nous l'avons fait sans arrière-pensée, car les prescriptions de la loi sur les cautionnements protègent déjà suffisamment leurs assurés.

Le présent projet ne contient ainsi aucune disposition sur l'assurance contre les accidents et dommages.

A côté de l'assurance sur la vie, il existe encore d'autres formes do l'assurance des personnes et de l'assurance de la responsabilité civile dans lesquelles les prestations de l'assureur sont calculées sur la base d'uno table d'extinction; la constitution d'une réserve mathématique est alors nécessaire pour que l'assureur soit à chaque moment en mesure de faire face à ses obligations. Nous pensons aux assurances dans lesquelles
l'allocation d'une rente est convenue en lieu et place d'une indemnité en capital, aux assurances avec restitution rie primes, aux assurances viagères contre les accidents de chemin de fer et bateaux à vapeur, enfin aux assurances maladie. La technique étant ici analogue à celle de la branche vie, on pourrait avoir l'idée de soumettre également ces assurances aux dispositions du présent

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projet et de consacrer pour elles aussi le principe de la garantie effective.

Des arguments théoriques militeraient en faveur de cette solution et cependant, pour des raisons pratiques, nous n'avons pas cru devoir l'adopter dans le présent projet. Dans l'ensemble des sommes figurant au bilan des sociétés d'assurances contre les accidents et la responsabilité civile, les assurances dont il s'agit ne figurent, en effet, que pour 1 à 2 pour cent; c'est-à-dire que leur importance est relativement minime. Il ne serait pas justifié de soumettre ces sociétés à des prescriptions spéciales pour une si petite partie de leurs affaires. L'assurance maladie n'est exploitée en Suisse par aucune compagnie concessionnaire et il est peu probable qu'elle le soit jamais, car cette branche ne convient guère aux grandes entreprises exploitées en la forme commerciale, mais bien plutôt à des organes plus simples -- coopératives ou associations -- et à des caisses publiques. Ces sociétés et ces caisses sont d'ailleurs régies par la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents et sont soumises à la surveillance de l'office fédéral des assurances sociales, lorsqu'elles sont reconnues par le Conseil fédéral. En pareil cas, elles reçoivent des subventions légales, et il serait pour ainsi dire impossible à une grande entreprise qui n'en recevrait pas d'entrer en concurrence avec elles.

Pour ces motifs, nous avons renoncé à prévoir l'application du présent projet à ces différentes catégories d'assurances et nous l'avons restreinte aux assurances sur la vie proprement dites. Les compagnies d'assurances sur la vie elles-mêmes n'y seront soumises que dans cette mesure.

3. Les travaux préparatoires.

Peu de temps déjà après l'entrée en vigueur de la loi sur les cautionnements et de l'ordonnance d'exécution du 16 août 1921, l'autorité de surveillance dut se convaincre, pour les raisons développées ci-dessus, que les mesures, que les prescriptions légales permettaient de réclamer des sociétés suisses d'assurances sur la vie, pour la garantie des prétentions d'assurances, n'étaient pas pleinement satisfaisantes. Plus que tout, la crise économique d'après-guerre contribua à l'a fortifier dans cette conviction. Au début de l'année 1922, le bureau fédéral des assurances s'aboucha avec la conférence des directeurs des
sociétés, pour étudier avec eux l'opportunité d'uno revision et d'un renforcement de leurs sûretés. On rechercha tout d'abord la solution sur la base des dispositions légales en vigueur.

Pour divers motifs, il semblait désirable de ne pas encore arrêter, dans des textes de lois, des principes nouveaux sur la garantie des réserves mathématiques. En effet, on était au plus fort de la crise

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économique; on ne pouvait encore prévoir ce que seraient ses conséquences générales, et beaucoup des questions insolites qui se posèrent alors n'étaient pas encore résolues.

Dans un mémoire du 12 avril 1922, la conférence des directeurs adressa ses propositions au bureau fédéral des assurances. Elles tondaient à l'établissement d'un registre spécial, dans lequel devaient être inscrites les valeurs servant à la couverture dos assurances du portefeuille suisse et des autres contrats non garantis à l'étranger.

Il devait être interdit aux sociétés de disposer des valeurs enregistrées, sans les remplacer immédiatement par des valeurs équivalentes.

Le calcul du débit et les inscriptions complémentaires nécessaires auraient eu lieu à nouveau chaque année. Les sociétés auraient été tenues de transmettre à l'autorité de surveillance toutes les pièces qui lui auraient paru nécessaires pour le contrôle des registres.

L'adoption de ce projet aurait eu un premier mérite : celui de fournir toutes les clartés désirables sur les capitaux de couverture.

D'autre pari, l'établissement du registre aurait forcé les sociétés à, tenir toujours à disposition les biens appropriés à la couverture des »réserves mathématiques. Elles n'auraient pu les affecter à d'autres emplois, sans violer leurs engagements vis-à-vis de l'autorité de surveillance. Toutefois, l'inscription des valeurs dans le registre n'ayant pas d'effet juridique, le projet n'augmentait pas, en réalité, la garantie des droits des assurés. La séparation des valeurs à inscrire au registre eût été une opération purement comptable et ne les aurait pas mises hors de l'atteinte des tiers créanciers. En cas de faillite, elles seraient tombées dans la masse, et les ayants droit n'auraient pas pu être satisfaits autrement que par l'exercice de leur privilège.

Bref, ce projet ne réalisait pas le principe de la sûreté matérielle.

Il fallait rechercher une autre solution qui assurât l'engagement des biens affectés à la couverture des réserves mathématiques.

En dehors d'une revision légale, qu'on pensait encore éviter, on dut se rendre compte qu'une seule mesure était susceptible de répondre à ces exigences, à savoir le dépôt des réserves mathématiques. Il n'y avait, pour cela, qu'à ordonner une augmentation du cautionnement des sociétés, jusqu'à concurrence
desdites réserves. Les valeurs déposées auraient été soustraites à l'atteinte des tiers créanciers. Pour en décider ainsi, l'autorité de surveillance se serait appuyée sur l'article 3, 1er alinéa, LC, aux termes duquel le Conseil fédéral fixe le montant du cautionnement de chaque société en tenant compte de ses conditions d'exploitation. On aurait fort bien pu soutenir, en effet, que les «conditions d'exploitation» des sociétés suisses, telles que nous les avons décrites plus haut, sont assez spéciales pour justifier la prestation d'un cautionnement égal aux réserves mathématiques.

!)4ä Donc, conformément à l'article 2 LC, les valeurs déposées auraient été affectées exclusivement à la garantie des contrats d'assurance exécutables e>n Suisse, ainsi que des créances de droit public fédéral ou cantonal résultant de ladite loi et de la loi de surveillance. En cas de faillite, conformément à l'article 16, 2e alinéa, LC, le Conseil fédéral aurait pu prescrire que le cautionnement fût distrait de la masse, pour permettre le .transfert du portefeuille suisse à un autre assureur1, ou sa liquidation sur la base des contrats d'assurance. Le dépôt de nos sociétés aurait donc reçu la même affectation que celui des compagnies étrangères. II aurait constitué une sûreté matérielle complète, au profit des assurés du portefeuille suisse.

La discussion de cette solution fit l'objet d'une conférence du bureau fédéral des assurances avec les représentants des diverses compagnies et la banque nationale suisse (on pensait faire de celle-ci la banque dépositaire, et sa collaboration eût été indispensable). Mais l'examen approfondi de toute la question démontra que la réglementation projetée n'était pas non plus satisfaisante. L'obligation de déposer, entre les mains d'un tiers, une grande partie de leur actif eût causé aux sociétés des difficultés extraordinaires et aurait élevé leurs frais généraux. On estima qu'il valait mieux ne pas faire de cotto obligation l'objet d'une prescription générale, mais en réserver l'application à titre de mesure d'exception, pour les cas où la situation particulière d'une compagnie la rendrait nécessaire.

Du même coup, il devenait évident que le problème de la garantie matérielle ne pourrait être utilement et pratiquement résolu en dehors de la voie législative. Seule, d'ailleurs, une loi pouvait régler une série de questions accessoires qui devaient forcément se poser.

Le problème et sa réglementation légale furent discutés une première fois, le 4 juin 1925, dans une conférence du bureau fédéral des assurances avec les directeurs des sociétés suisses d'assurances sur la vio et quelques autres experts. Les délibérations de cette conférence portèrent sur un projet de loi préparé par ledit bureau. Une commission d'experts plus restreinte fut désignée pour élaborer le projet définitif. Elle comprenait, outre les représentants du bureau fédéral des assurances, M. le
juge fédéral Jaeger, M. H. Müller, avocat à Zurich, M. E. Alexander, de la division de justice du département fédéral de justice et police, MM. les directeurs G. Schaertlin, H. Koenig, M. de Cérenville et H. Eenfer. Sous la présidence de M. le professeur S. Dumas, directeur du bureau fédéral des assurances, elle consacra plusieurs séances à ses discussions, avant de pouvoir mettre sur pied un projet définitif. Il fallut élucider un grand nombre de questions délicates au point de vue juridique et technique. Sous les lettres B

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et C ci-dessous, nous donnons des précisions sur le contenu et la signification des dispositiqns dudit projet.

B. Les traits essentiels de la loi.

I. Le fonds de sûreté.

1. But de la loi (art. 1 et 2).

Le but que poursuit le présent projet est la garantie matérielle des créances des personnes assurées sur la vie auprès de compagnies suisses. On ne peut atteindre ce but qu'en distrayant une partie du patrimoine» de la société, pour une valeur égale à celle de ses qbligations envers les assurés, et en la soustrayant ainsi aux prétentions des tiers créanciers. En d'autres termes, il convient de constituer un fonds, auquel seront attribués des biens, à concurrence de la valeur, des réserves mathématiques. Dans le projet, ce fonds est appelé fonds de sûreté.

Les assurances conclues directement par; une société seront garanties par le fonds de sûreté. Cette garantie s'étendra également aux parts des réassureurs. Par contre, on ne peut exiger des sociétés qu'elles constituent un semblable fonds pour la couverture des réassurances acceptées par] elles; autrement ces parts seraient doublement garanties.

Pour établir le fonds de sûreté, nous pouvons considérer les réserves mathématiques de l'ensemble du portefeuille comme un tout.

Le fonds de chaque société couvrira dès lors la somme des obligations résultant de ses contrats d'assurance sur la vie. Cependant, suivant les circonstances, il sera peut-être désirable de constituer des fonds particuliers pour certains groupes d'assurés, et le projet en tient compte.

La loi doit-elle limiter sa protection aux contrats du portefeuille suisse, ou doit-elle l'étendre à tous ceux qui ont été conclus par la société? Cette importante question de principe se pose à propos des compagnies qui opèrent régulièrement à l'étranger, et aussi à propos de celles dont toute l'exploitation est en Suisse, mais dont certains contrats sont exécutables à l'étranger.

En élaborant la loi sur les cautionnements, on en a tout d'abord nettement limité le champ d'application, en n'astreignant les sociétés à constituer un cautionnement que pour couvrir les assurances qu'elles sont tenues d'exécuter en Suisse. A cet égard, il n'y a pas de différence entre les sociétés indigènes et les sociétés étrangères. Quant aux assurés qui n'appartiennent pas au portefeuille suisse, le législateur leur a reconnu le droit à une certaine proteo-

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lion et les a admis à» concourir dans la faillite, à rang égal, avec les assurés suisses. L'équité exige que les créances des assurés étrangers soient garanties par la loi nouvelle, en même temps que les assurances du portefeuille suisse. La surveillance de la Confédération s'étend à toute l'exploitation de nos sociétés. Les étrangers sont donc en droit d'en attendre le profit pour eux aussi. Surtout ils doivent pouvoir compter sur le bénéfice entier des mesures de sécurité prises par notre autorité. C'est souvent en considération de la surveillance fédérale qu'ils se décident à conclure des contrats d'assurance sur la vie avec nos compagnies. Le sentiment de la justice serait froissé, si la loi permettait d'affecter tous les biens des sociétés à la garantie des assurances du portefeuille suisse, sans souci des droits des autres assurés.

Les étrangers sont, en tout cas, moralement justifiés à réclamer de la loi suisse une protection identique à celle dont bénéficieront les assurés du portefeuille national. On peut même se demander si, juridiquement, ils n'y ont pas droit, toutes les fois qu'ils peuvent invoquer un traité international proclamant l'égalité de traitement entre les citoyens de leur pays et les citoyens suisses. Par contre, ce droit ne leur appartient pas, lorsque la sûreté matérielle d© leurs ·assurances résulte déjà de la loi étrangère.

Pour les raisons qui précèdent, le projet prévoit que le fonds de sûreté sera destiné à garantir tout le portefeuille de la société, à l'exception des assurances pour lesquelles elle doit constituer des sûretés à l'étranger. Nous avons adopté cette solution avec d'autant moins d'arrière-pensée, qu'elle ne peut causer aucun préjudice aux assurés suisses. On ne leur nuira en aucune façon, en exigeant que le fonds soit toujours couvert, ce qui signifie qu'en cas de déconfiture de la société les personnes assurées sur la vie pourront être complètement désintéressées. D'autre part, nous rappelons que dans les Etats où nos sociétés d'assurances sur la vie possèdent leur seul ou leur plus important portefeuille étranger, elles sont tenues de fournir des sûretés matérielles. Les assurances de ces portefeuilles n'étant pas couvertes par le fonds, celui-ci sera donc, en fait, exclusivement ou essentiellement constitué au profit des assurés du portefeuille suisse.
Le législateur ne peut songer, à régler en particulier tous les détails de l'organisation du fonds de sûreté. Une réglementation légale très minutieuse gênerait par trop les sociétés. Elle leur enlèverait la liberté d'action qui leur est indispensable, et, les circonstances venant à changer, elle s'opposerait à un rapide rajustement des règles applicables. La loi doit se borner, à disposer de l'essen'tiel. Pour le surplus, les prescriptions nécessaires à l'organisation Feuille fédérale. 80e année. Vol. II.

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et à la ^constitution du fonds doivent être réservées à l'ordonnance d'exécution ou aux décisions du Congedi fédéral.

2. Le débit du fonds (art. 3 et 4).

Le montant du fonds doit être égal aux réserves mathématiques des contrats à garantir. A cela s'ajoutent les prestations d'assurance en suspens, les parts de bénéfices créditées aux preneurs d'assurances et une garantie supplémentaire. Le total de ces sommes donne le débit du fonds de sûreté. Les prêts et avances sur polices, ainsi que les primes échues mais non recouvrées et les primes sursises (fractions de primes appartenant à l'exercice), peuvent toutefois en être déduits.

Le débit du fonds doit être établi périodiquement. Le plus pratique est de le calculer chaque année. Or, comme son montant est principalement fonction des réserves mathématiques qu'il doit couvrir, et que delles-ci sont arrêtées à la clôture de chaque exeroice, il est indiqué de se reporter à ce moment pour le calcul du débit, et la loi doit contenir une disposition dans ce sens. Mais il est clair qu'on, ne peut exiger de la société qu'elle communique le montant du débit à l'autorité de surveillance immédiatement après la clôture des comptes. Au contraire, ce montant ne peut être déterminé que sur la base de certaines opérations, pour lesquelles un délai convenable doit être prévu. Le projet prescrit que le calcul sera fait dans les quatre premiers mois du nouvel exercice.

Toutefois, suivant les événements qui se produisent durant l'aiinéev on éprouvera peut-être le besoin d'établir le montant du débit correspondant aux obligations en cours à une autre date que la. clôture des comptes. En cas de pertes extraordinaires, notamment, on voudra être promptement renseigné sur une situation dont l'état du fonds constitue un des éléments. Aussi le projet prévoit-il que, pour de justes motifs, le Conseil fédéral pourra ordonner que le débit soit calculé durant Fexeroice, sur la base des obligations en cours à telle ou telle date fixée par lui. Pour cause d'extrême urgence, il pourra même ordonner en tout temps une simple estimation du débit, et fonder ses décisions ultérieures sur les résultats de cette estimation, qui devra d'ailleurs être suivie d'un calcul précis.

3. Constitution du fonds (art. 5 à 8).

La société constituera son fonds de sûreté en affectant des biens à la
garantie de ses obligations envers les assurés, jusqu'à concurrence du montant du débit. Quand la loi entrera en vigueur, les sociétés devront donc immobiliser une grande part de leur actif, en, vue de la première constitution du fonds. Si, par la suite, lors da

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calcul ou de l'estimation chi débit, on s'aperçoit que celui-ci n'est plus entièrement couvert, la société devra compléter le fonds, pour assurer la constante réalité de la garantie. Pour les entreprises qui se développent, il sera très normal que le fonds de sûreté présente un découvert périodique, par suite de l'augmentation des réserves mathématiques. Pour, le compléter, la société aura besoin d'un délai convenable. Le projet prévoit un délai d'un mois. Exceptionnellement (notamment quand il y aura lieu de calculer ou d'estimer le débit en cours d'exercice), il sera peut-être désirable que le découvert disparaisse plus promptement. En pareil cas, le Conseil fédéral déterminera le délai dans lequel le fonds devra être complété.

Au point de vue de la forme, on a recherché la solution la plus simple. Il faut éviter en effet toute prescription qui entraînerait des frais d'administration inutiles, ou qui limiterait la liberté indispensable à toute exploitation rationnelle. Dans notre partie générale (p. 944 s.), nous avons mentionné les raisons pour lesquelles il semble peu indiqué d'imposer aux sociétés la même obligation que la loi sur les cautionnements, à savoir le dépôt, à la banque nationale suisse ou auprès d'une autre institution, des valeurs appartenant au fonds de sûreté. Par contre, on doit au moins exiger que lesdites valeurs soient enregistrées à part, de façon que l'état du fonds puisse être contrôlé en tout temps, et qu'en cas de faillite, les biens qui y sont affectés soient immédiatement séparés du reste du patrimoine social et puissent être réalisés, conformément à leur but, comme une sûreté. Sous cette condition, la gestion et la garde du fonds peuvent être abandonnées à la société.

L'établissement d'un registre des sûretés correspond1 à ces exigences. Les biens affectés au fonds y seront inscrits. C'est même cette inscription qui, d'après le projet, constituera leur affectation.

Sans doute, le simple fait d'inscrire ces biens dans un registre ne saurait suffire, à lui seul, pour leur conférer 1© caractère de biens réservés affectés à un but spécial. Pour qu'il emporte cette conséquence d'ordre juridique, il faut une disposition expresse de la loi.

Aussi le projet prévoit-il que les biens seront réputés appartenir; au fonds aussi longtemps qu'ils seront 'inscrits au registre. Tant
qu'ils n'en auront pas été radiés, ils feront partie de la garantie.

Par contre, il ne pourrait être question de donner au registre de's sûretés le caractère authentique, que seul peut posséder un registre tenu par un officier publie. Le fait qu'il sera soumis à la surveillance du Conseil fédéral ne supplée pas à cette exigence. Les droits que des tiers de bonne foi possèdent sur les biens inscrits doivent!

donc être réservés malgré l'inscription.

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4. Communications concernant le fonds de sûreté (art. 9).

Pour que le Conseil fédéral puisse contrôler, le fonds de sûreté, il faut que les sociétés lui remettent les pièces justificatives nécessaires. Les fonctionnaires délégrués par lui pourront toujours eu prendre connaissance au siège social, en vertu des pouvoirs résultant die la loi de surveillance. Pour faciliter encore ce contrôle, le projet impose aux sociétés l'obligation de communiquer à l'auto'rite de surveillance le résultat du calcul du débit et de lui remettre un état des biens affectés au fonds. Pour faire ces communications, la société doit disposer d'un délai convenable. Le projet le fixe à un mois, courant dès le calcul du débit.

5. Retrait de biens appartenant au fonds (art. 10 et 11).

Le fonds de sûreté sera soumis à des changements continuels.

Par suite d'échéances ou d'autres événements, des valeurs en seront retranchées et devront être remplacées par de nouvelles. Ou bien, en observant le marché de l'argent, la société estimera sage d'échanger certains titres contre d'autres. 11 en résultera de constantes fluctuations, qui diminueront peut-être la sécurité du fonds. Pour .que celui-ci puisse toujours remplir sa fonction de sûreté au profit des assurés, il faut veiller à ce que, dans la mesure du possible, sa couverture initiale ne soit pas .amoindrie. C'est pourquoi, on ne saurait permettre aux sociétés de retirer des biens inscrits d'ans le registre des sûretés, sans pourvoir à leur remplacement immédiat. En règle générale, l'échéance d'un titre est prévue à l'avance, et la société a le temps de se préparer à le remplacer par d'autres, quand ce moment sera venu. On peut en dire autant des valeurs que la société voudra changer pour des raisons de politique financière. Les nouveaux biens devront offrir la même sécurité que les autres. Aussi le projet dispose-t-il que la société ne peut retirer des biens appartenant au fonds de sûreté qu'en les remplaçant immédiatement par d'autres biens équivalents. Il y a toutefois des occasions dans lesquelles la société ne pourrait pas fournir sans délai l'équivalent des valeurs enlevées ou ne pourrait le faire qu'avec perte; il fallait en tenir compte. S'il y a des raisons spéciales, le Conseil fédéral aura donc la faculté d'accorder des délais à la société, pour remplacer les Mens
retirés.

Si, pour garantir efficacement les droits des assurés, il convient d'appliquer le plus strictement possible le principe de la couverture totale et constante de leurs créances, on ne saurait, d'autre part, exiger d'une société qu'elle entretienne un fonds sensiblement supérieur à cette couverture. Elle a besoin d'employer à d'autres fins

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les éléments de son patrimoine qui dépassent le montant de ses réserves mathématiques. Lorsque le calcul régulier, du débit révélera un excédent du fonds de sûreté, le Conseil fédéral devra donc autoriser la société à désaffecter des biens, jusqu'à concurrence de cet excédent. Mais la loi ne saurait obliger purement et simplement l'autorité de surveillance à donner cette autorisation, lorsque le débit a été calculé ou seulement estimé en cours d'exercice. En effet, -ce calcul, cette estimation seront généralement ordonnés lorsque la situation de la société donne lieu à des inquiétudes, soit paisuite de mauvaises affaires, soit en période de crise générale. En pareil cas, le fonds peut être couvert, sans cependant que la situation de l'entreprise soit nette. La prudence commande alors d'attendre la suite des événements, avant de rendre à la société la libre disposition de l'excédent. Ainsi la désaffectation des valeurs e.st-elle abandonnée à la décision du Conseil fédéral.

6. Composition du fonds (art. 12).

La sécurité du fonds dépend essentiellement de sa composition.

Le choix des biens et les principes relatifs à leur évaluation doivent être examinés dans le détail et avec beaucoup de soin. Au moment de l'élaboration de la loi sur les cautionnements, le législateur s'était déjà trouvé en face du même problème, et cependant, malgré son importance, il s'est abstenu de le résoudre dans la loi et a estimé que cette tâche devait incomber à l'exécutif. Il a considéré en effet que l'appareil législatif enlèverait à la réglementation de cette question la.souplesse qui est indispensable, si on veut l'adapter aux variations des placements de l'épargne et aux fluctuations du marché des valeurs. La rigueur des dispositions légales lierait beaucoup trop l'autorité pour l'avenir. C'est pourquoi la question a été abandonnée à l'ordonnance d'exécution, qui contient d'ailleurs, à ce propos, d'à boudantes dispositions (O d'exécution du 16 août 1921. art. 7 à 11; message FF 1916, IV, 499 s.).

Ces considérations ont la même valeur du moment où il s'agit de la constitution du fonds de sûreté, et le projet prévoit que le Conseil fédéral déterminera, par v ode d'ordonnance, les biens que les sociétés seront autorisées à y affecter et la façon dont elles devront procéder à leur évaluation.

Pendant l'élaboration de
la loi sur les cautionnements, la question fut abondamment discutée de savoir si l'on exigerait des sociétés le dépôt de valeurs suisses uniquement ou aussi, pour une part, de valeurs étrangères. L'opinion prévalut qu'il ne fallait pas exclure complètement les titres étrangers. De cette façon, on pensait se ménager une issue pour le cas où les valeurs suisses seraient

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subitement dépréciées, à la suite d'une crise économique (message FF 1916, IV, 500). Par contre, on estima qu'il fallait déterminer dans la loi elle-même, la proportion du cautionnement que devraient représenter ces valeurs. Cette proportion fut fixée à trois quarts (art. 4, 1er ai., LC).

Les valeurs étrangères ne doivent pas non plus être exclues du fonds de sûreté. Mais, alors que la. solution de la loi sur les cautionnements avait été uniquement dictée par des considérations financières, nous devons aussi tenir compte présentement de la nature particulière des obligations qui forment le débit du fonds de sûreté. Ce fonds doit garantir non seulement les contrats du portefeuille suisse, mais aussi, et dans la mesure où les autres Etats n'exigent pas de sûretés, les assuraiices conclues en dehors de nos frontières et libellées en monnaie étrangère. Or l'état de ces assurances peut varier beaucoup; c'est pourquoi il n'est pas possible de fixer en pour-cent, dans la loi, le montant maximum des valeurs étrangères susceptibles d'être affectées au fonds de sûreté. La faculté doit être laissée au Conseil fédéral de fixer, par voie d'ordonnance ou dans ses décisions particulières, les principes applicables à cet objet.

7. Conservation du fonds (art. 13).

Pour les motifs exposés plus haut (p. 944 s.), le projet laisse aux sociétés l'administration et la garde de leur fonds (v. aussi tableau 1, p. 938). Le registre des sûretés donnera un état des biens affectés, mais ne prouvera pas qu'ils sont effectivement représentés. Pour permettre à l'autorité de surveillance de constater en tout temps si les valeurs inscrites dans le registre se trouvent bien dans le fonds, la société devra les tenir séparées de ses autres biens.

Dans la règle, les valeurs appartenant au fonds de sûreté seront conservées au siège de la société. Celle-ci pourra cependant éprouver le besoin de les déposer, totalement ou partiellement, en un autre endroit. On ne saurait lui refuser cette faculté. Cependant, comme le choix de l'endroit peut avoir une influence sur la sécurité du fonds, il ne peut être abandonné au bon plaisir de la société, mais doit être soumis à l'approbation de l'autorité de surveillance. Pour de justes motifs, celle-ci doit aussi pouvoir ordonner un changement de l'endroit où les valeurs seront déposées.

La gestion'
des valeurs mettra souvent la société dans l'obligation de les distraire pour un certain temps de leur lieu de dépôt, sans les désaffecter pour' autant. Si L'on ne reconnaissait pas aux sociétés le droit de procéder ainsi, on troublerait profondément la direction de leurs affaires. On ne pourrait guère non plus leur de-

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mander, de remplacer les valeurs enlevées, pendant la durée de ce Retrait. C'est pourquoi le projet les autorise à retirer momentanément des valeurs de l'endroit où elles sont conservées, lorsque la gestion du fonds l'exige.

S. Destination du fonds (art. 14).

Pour, faire du fonds une sûreté effective au profit des assurés, il ne suffit pas d'inscrire dans un registre les valeurs qui lui sont attribuées, ni de les gérer à part. La loi d'oit lui conférer expressément le caractère d'un bien réservé, affecté à la garantie exclusive des prestations assurées. Les biens du fonds doivent être soustraits à l'atteinte des tiers créancier« et, en cas de faillite, ils ne> doivent pas tomber dans la masse, mais être employés avant tout à exécuter; les obligations résultant des assurances garanties. C'est ce que prévoit le projet, dont un .article dispose que les biens affectés au fonds et leurs revenus non encore perçus répondent en premier lieu, conformément aux dispositions de la présente loi, de l'exécution des obligations qu'il a pour objet de garantii-. Ainsi apparaît clairement la nature du fonds de sûreté, qui est un véritable fonds de garantie.

II. Mesures conservatoires.

1. Assainissement (art. 15).

Une loi qui a pour objet de protéger les intérêts des assurés serait insuffisante, si elle se bornait à exiger des sûretés à leur profit. Il est nécessaire qu'elle contienne en outre des dispositions préventives. Cette constatation, quii avait déjà inspiré la loi sur les cautionnements, conserve toute sa valeur pour le présent projet.

On ne peut se contenter d'édicter des prescriptions sur l'emploi de l'actif d'une compagnie ruinée; il n'est pas moins important de prévoir comment une entreprise en fâcheuse posture pourra être rétablie, et comment la liquidation judiciaire ou extrajudiciaire sera, si possible, écartée ; car c'est cela que l'on doit désirer, aussi bien dans l'intérêt de l'assuré que de l'assureur. Quand bien même le fonds de sûreté serait complètement couvert, la liquidation d'un portefeuille d'assurances peut aboutir à des pertes, que l'on aurait évitées en continuant l'exploitation, après l'avoir soumise à un assainissement. Mais en outre la liquidation d'une société obérée ou insolvable peut avoir des conséquences morales incalculables. Malgré l'existence du fonds de sûreté, elle
causerait à beaucoup d'assurés les plus vives inquiétudes et ébranlerait la confiance du public dans l'assurance sur la vie en général. Or celle-ci ne peut prospérer sans celle-là. C'est pourquoi l'autorité de surveillance ne se décidera ja-

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mais à prendre, contre une société, ces ultimes mesures qui la condamnent presque fatalement, sans avoir tout fait au préalable pour la tirer hors de ses embarras financiers.

C'est pour ces raisons que dans le projet, comme dans la loi sur les cautionnements (art. 8 et 14, message FF 1916, IV, 509 s., 519 s.), l'assainissement est la clef de voûte de tout le système applicable' aux entreprises obérées. Si les intérêts des assurés paraissent menacés, le Conseil fédéral mettra tout d'abord la société en demeure d& prendre les mesures nécessaires au rétablissement de sa situation.

Dans ce but, il pourra convoquer une assemblée générale ou tout autre organe compétent pour prendre des 'décisions sur cet objet. Il aura le droit de se faire représenter dans les délibérations desdits, organes.

2. Décisions du Conseil fédéral (art. 16).

Si les circonstances semblent propices à un assainissement, le Conseil fédéral exigera avant tout que l'état du fonds soit constaté et que la société fasse tous ses efforts pour éliminer un découvert éventuel. Mais il tombe sous le sens qu'une entreprise obérée lia pourra pas, ou ne pourra pas sans peine, compléter immédiatement son fonds de sûreté. Lui imposer cette exigence rigoureuse, ce serait précisément mettre en question son assainissement, que le temps pourrait, au contraire, fort bien favoriser. Il importe donc que le Conseil fédéral, s'il le juge expédient, puisse prolonger le délai fixé dans le projet pour le complètement du fonds.

Sitôt que la rumeur publique aura vent des embarras financiers de la compagnie, l'émotion se propagera et grossira rapidement parmi les assurés. La compagnie sera peut-être assaillie de demandes de rachat. Or l'espoir d'un rétablissement deviendrait très problématique pour l'entreprise qui répondrait à des demandes de cegenre. Comme la loi sur les cautionnements, le projet donne dôme au Conseil fédéral le moyen de prévenir la panique, en interdisant le rachat et les prêts et avances sur polices. Mais, alors que cette loi limitait la durée de l'interdiction à trois ans, le projet a laissé tomber cette restriction. Ce n'est pas tout; pour atteindre son but, le Conseil fédéral pourra encore accorder un sursis à l'assureur pour l'exécution de toutes ses obligations, ce qui suppose, bien entendu, que le preneur! obtiendra un sursis
correspondant pour le paiement de ses primes.

Enfin, si la situation ne peut être rétablie, l'autorité de surveillance ne pourra s'en tenir là. Elle devra retirer l'autorisation d'opérer à cet assureur, qui n'est plus digne de crédit. S'il est encore solvable, elle lui donnera l'ordre de procéder à sa liquidation extrajudiciaire et, suivant le projet, elle pourra lui nommier un liquida-

teur. Par contre, si l'actif ne couvre plus les dettes, la société devra elle-même déposer so.n bilan (art. 657, 2e al., et 704, 1er al., CO).

III. Faillite.

1. Ouverture de la faillite (art. 18 à 22).

D'après le droit commun, la faillite peut être prononcée, lorsque les organes de la société avisent le juge de son insolvabilité, ou lorsqu'elle «st requise par les créanciers qui ne sont pas payés. Mais cette possibilité contient une grave menace. En effet, les mesures d'assainissement peuvent être en cours de réalisation et promettre de bons résultats, malgré la dépression momentanée d'e la société; ou bien elles restent possibles et recommandables. Or. l'ouverture de la faillite viendrait annihiler tous ces espoirs. Pour éviter qu'il en soit ainsi, on pourrait songer à retirer, au juge le pouvoir de prononcer la faillite et à en saisir le Conseil fédéral à sa place. Mais on imposerait ainsi au Conseil fédéral une tâche exorbitante de sa mission d'autorité de surveillance. On le chargerait de compétences judiciaires, qu'il n'est pas en mesure d'exercer.

Dans l'intérêt des preneurs d'assurances, il faut cependant protéger, la convalescence de la société contre l'action des tiers. Avant d'ouvrir la faillite, il convient d'attendre le résultat des mesures d'assainissement imminentes ou déjà en cours. C'est pourquoi le projet prévoit que la faillite d'une société suisse d'assurances sur la vie ne pourra être prononcée qu'avec l'assentiment du Conseil fédéral. Si les organes compétents avisent le juge que l'actif ne couvre plus les dettes, ou si un tiers requiert la faillite, le juge doit en inforniciimmédiatement le Conseil fédéral et ajourner sa décision.

Il incombera donc au Conseil fédéral d'examiner si la situation peut encore être rétablie. Même à ce moment, il aura le pouvoir d'ordonner les mesures que la loi prévoit à cet effet.

Par contre, si la situation ne peut être rétablie, la procédure de faillite doit suivre son cours. Le Conseil fédéral donne au juge l'autorisation nécessaire à ces fins.

2. La procédure de faillite (art. 23 et 24).

Etant donné le nombre extraordinairement élevé des contrats et les particularités techniques de l'assurance sur la vie, il serait impossible d'appliquer à la société toutes les dispositions de la loi sur la poursuite pour, dettes et la faillite. La loi de garantie doit y déroger sur certains points. Le projet donne ainsi au Conseil fédéral la faculté de régler l'appel aux créanciers par des prescriptions spéciales, sans égard pour le droit commun, mais en tenant compte des-

·966 particularités inhérentes aux obligations des compagnies d'assurances et à la constatation de ces obligations. Il est aussi nécessaire d'organiser d'une façon spéciale la procédure relative à la liquidlation. En effet, la liquidation d'une société d'assurances est une opération qu'un 'office de faillite ou une administration régulièrement nommée ne saurait mener à bonne fin. Elle exige des connaissances particulières et tout un appareil technique, qui ne sont pas à leur disposition. Aussi le Conseil fédéral pourra-t-il désigner pour la liquidation une administration spéciale. D'autre part, le grand nombre des assurés, l'étendue du territoire sur lequel ils sont répartis s'opposent absolument à la convocation d'une assemblée générale des créanciers. Par conséquent, le Conseil fédéral doit avoir la faculté de conférer les pouvoirs de cette assemblée à l'administration nommée par lui. La suite de la procédure est soumise à sa surveillance. Il pourra donner en tout temps des instructions imperatives à l'administration et lui demander un rapport sur l'état de la liquidation.

3. Le privilège (art. 26).

Gomme la loi sur les cautionnements, le projet accorde un privilège du droit de faillite à toutes les personnes qui ont conclu un contrat d'assurance avec la société. Leurs créances sont colloquées en troisième classe. Pour les raisons qui ont été exposées plus haut (p. 846 s.), ce privilège compote à tous les assurés, même à ceux qui n'appartiennent pas au portefeuille suisse. Il s'étend à tous les contrats d'assurance des sociétés à exploitation mixte, même s'il ne s'agit pas d'assurances sur la vie. Le privilège n'existe toutefois que dans la mesure où la créance n'est pas déjà couverte par ailleurs. Il ne doit pas faire double emploi avec les sûretés matérielles. Les ayants droit auront d'abord à se satisfaire sur le produit du fonds do sûreté et des cautionnements déposés par la société. Leurs créances ne seront en outre colloquées en troisième classe que dans la mesure du découvert. Le privilège est exercé au profit du fonds de sûreté, pour autant qu'il s'agisse do créances que le fonds est destine à garantir.

4. Emploi du fonds de sûreté (art. 27 à 29).

C'est au moment de la faillite qu'apparaît clairement la nature propre du fonds : bien réservé, sûreté matérielle au profit des assurés. Les
éléments du fonds de sûreté sont distraits de la masse et réalisés conformément à ce qui est prévu dans le projet. S'il y a plusieurs fonds, l'excédent éventuel des uns ne tombera pas dans la masse, mais servira en premier lieu à, compenser le découvert des autres. Seul le solde, s'il y en a un, rentrera dans la masse (art. 25).

957

Autant que possible, on doit souhaiter de maintenir le portefeuille et de permettre la réalisation de la sage pensée qui est à la base de l'assurance. Le meilleur emploi du fonds de sûreté est de servir à ces fins. Mais pour cela, les contrats qu'il garantit doivent échapper aux conséquences que le droit privé attache à la faillite de l'assureur. Dérogeant à l'article 37, 1er alinéa, LCA, le projet prévoit donc que l'ouverture de la faillite n'entraîne pas l'extinction de ces contrats.

Le projet régie l'emploi du fonds de sûreté de la société en' faillite d'après le même système que la loi sur les cautionnements (art. 9 et 10). Lorsque le fonds couvre entièrement la somme des ré' serves mathématiques afférentes aux contrats, des parts de bénéfices créditées et des prestations d'assurance en suspens, la. condition sine qua non d'une liquidation normale des contrats est réalisée.

Aussi, d'après le projet comme d'après la loi sur les cautionnements, le Conseil fédéral peut-il décider que le portefeuille de la société 'en faillite garanti par le fonds de sûreté sera transféré totalement ou partiellement, avec droits et obligations, à une autre société ou qu'il siéra liquidé par la Confédération sur la base des contrats d'assurance. Dans ce cas, les biens du fonds de sûreté passeront de plein droit au nouvel assureur ou à la Confédération.

Quoi qu'il en soit, cet emploi du fonds de sûreté suppose que les biens qui y sont affectés suffisent à assurer la continuation des contrats. Si, par contre, le fonds n'est pas entièrement couvert, et s'il n'est pas possible de le compléter au moyen des réserves libres, le portefeuille devrait en principe être liquidé par voie de faillite.

Telle est du moins la solution adoptée par la loi sur les cautionnements (art. 10).

Mais cette solution ne sera pas toujours conforme aux intérêts des assurés. On peut concevoir le cas où il leur serait plus avantageux de continuer, l'assurance pour une somme quelque peu réduite, que de retirer un dividende de la faillite. Le portefeuille d'assurances doit pouvoir être sauvé, même dans des cas où le fonds est insuffisant. Pour permettre le transfert à un autre assureur, ou à la Confédération, le Conseil fédéral reçoit donc le pouvoir de modifier les conditions des assurances garanties et de réduire les créances résultant des
contrats. Il peut aussi modifier, voire supprimer les dispositions des polices concernant la participation aux bénéfices.

En effet, l'obstacle au transfert ou à la liquidation officiels résideront peut-être dans l'existence de ces dispositions et le Conseil fédéral, qui a le droit de modifier plus profondément les contrats, doit posséder à fortiori celui d'intervenir sur ce point.

958

5. Réalisation du fonds de sûreté (art. 30).

Mais l'avantage économique que représente la continuation dit contrat, après réduction de la somme d'assurance, a des limites au delà desquelles la liquidation par voie de faillite doit lui être préférée. Ces limites ne peuvent d'ailleurs être fixées à priori; tout dépend des circonstances particulières à chaque espèce. Aussi la décision sur ce point doit-elle être réservée au Conseil fédéral, qui la prendra en s'inspirant de l'intérêt général. Suivant une disposition du projet, il a le pouvoir de charger l'administration de la faillite de réaliser les biens du fonds de sûreté, lorsqu'à son avis la réduction des créances n'est pas dans l'intérêt de l'ensemble des assurés.

La décision prise par le Conseil fédéral entraîne les effets de droit privé attachés par le droit commun à la publication de la faillite. Il y a extinction des contrats d'assurance et les assurés peuvent faire valoir dans la faillite la réserve mathématique de leurs assurances (art. 36, 3e ah, LCA), de même que leurs droits sur les prestations d'assurance échues et les parts de bénéfices qui leur ont été créditées. L'article 26 du projet est alors applicable.

IV. Dispositions pénales (art. 31 à 35).

La nouvelle réglementation doit s'appuyer sur des dispositions pénales particulières, car les infractions auxquelles s'appliquent les sanctions d'e la loi sur les cautionnements ne correspondent pas, en tous points, à celles que prévoit la loi nouvelle. Il y a cependant de grandes analogies entre les unes et les autres, et nous pensons qu'à des faits semblables doivent correspondre des sanctions identiques.

Le projet en emprunte donc plusieurs à la loi sur les cautionnements, ce qui présente un intérêt de clarté et d'uniformité. Les infractions à la loi nouvelle tomberont exclusivement sous le coup des dispositions pénales de cette loi, à moins toutefois qu'elles ne constituent des actes délictueux punis par le droit commun.

V. Dispositions transitoires

(art. 36 à 42).

Un certain nombre de dispositions transitoires sont nécessaires, pour assurer le passage du droit actuel au droit nouveau. Ces dispositions ont trait au premier établissement ©t à la premier© constitution

5)59 du fonds de sûreté; puis à ceux des biens destinés aux fonds qui sont actuellement en la garde des réassureurs; puis aux valeurs déposées à la banque nationale suisse, en^ application de l'article 44 de la loi fédérale du 8 avril 1924 concernant l'affectation des caiitionnements de compagnies allemandes d'assurances sur la vie et un secours financier accordé par la Confédération aux assurés de nationalité suisse» (loi de secours). Ces valeurs formeront un fonds particulier, au sens de l'article 1er, 2e alinéa, du projet. Il est indiqué enfin de modifier les pouvoirs que la loi sur les cautionnements confère au Conseil fédéral, en vue de l'assainissement des compagnies étrangères d'assurances sur la vie, et de les mettre en accord avec les dispositions correspondantes du présent projet. Alors que la loi sur les cautionnements (art. 8, 2e al., et 9, 2° al.) limite à trois ans l'interdiction des rachats et prêts sur polices, le projet fait disparaître cette limitation et donne en outre au Conseil fédéral le droit d'accorder aux assurés un sursis correspondant pour le paiement de leurs primes.

Cette extension des pouvoirs du Conseil fédéral nous est apparue nécessaire, en ce qui concerne les sociétés étrangères, à la lumière "des événements d'après-guerre.

VI. Rapport entre le projet et la loi sur les cautionnements.

L/a loi de garantie est appelée à régir une matière qui était jusqu'à présent soumise à la loi sur les cautionnements. Cette nouvelle réglementation est exhaustive. Elle sera seule applicable aux sociétés et aux actes qu'elle concerne. Dans la loi sur les cautionnements, les dispositions qui ont trait à la garantie des assurances sur la vie conclues auprès des sociétés suisses seront abrogées. Désormais ces sociétés ne pourront p'.u3 être obligées à déposer un cautionnement à titre de eûreté pour les créances des assurés du portefeuille suisse. De même, les « dispositions spéciales aux sociétés suisses » contenues dans le titre troisième de cette loi cesseront d'être applicables, dans la mesure où elles tendent à la protection des personnes assurées sur la vie. Quant aux infractions à la loi nouvelle, nous avons déjà dit (p. 958) qu'elles tomberont exclusivement sous le coup de ses dispositions pénales. La loi de garantie ne laisse pas de place pour une application subsidiaire de la loi sur les cautionnements. Encore que celle-là ne modifie celle-ci que sur certains points, elle en est indépendante et ne peut «tre considérée comme une simple novelle.

Malgré la simplicité de cette situation, quelques précisions sont encore nécessaires à propos du cautionnement. Aux termes de l'article 2 LC, le cautionnement a un double but. Il est affecté à la garantie, soit des créances de droit privé résultant des contrats exécu-

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tables en Suisse, soit des créances de droit public fédéral et canton aï résultant de ladite loi ou de la loi de surveillance.

Le projet ne prévoit pas la garantie des créances de droit public.

Les raisons de cette exclusion sont des raisons de principe. Le fonds de sûreté a, en effet, le caractère d'une réserve technique. Il ne peut couvrir que des obligations ayant un caractère technique nettement déterminé -- c'est-à-dire qui peuvent être basées sur des calculs -- mais non pas des créances futures totalement incertaines. Les créances de droit publie fédéral et cantonal qui sont prévues à l'article 2, chiffre 2, LC ne pourraient être garanties par le fonds de sûreté, sans fausser ses bases techniques. C'est pourquoi le projet les laisse de côté.

Sans doute, le projet aurait-il pu stipuler que la garantie supplémentaire du débit du fonds servirait aussi do sûreté aux créances do droit publie. Telle est la solution prescrite à l'égard des compagniesétrangères par l'article 3, 2e alinéa, de la loi sur les cautionnements, qui dispose : « Le cautionnement des sociétés étrangères d'assurances surt la vie doit correspondre au montant de la réserve mathématique de leur portefeuille suisse (art. 2, .chiffre 1er), augmenté d'une garantie supplémentaire. » Ce supplément permet d'atténuer les fluctuations des valeurs du cautionnement et fournit une garantie pour l'exécution des créances de droit public. Mais la garantie supplémentaire de l'article 3, chiffre 4, du présent projet n'a été prévue que dans l'idée de renforcer les sûretés attribuées aux prétentions garanties par le fonds; dès lors, pour les raisons déjà indiquées plus haut, elio ne peut pas servir à acquitter des dettes de droit public.

Les objections qui ont été faites à la garantie par le fonds de sûreté de créances techniquement non déterminables s'appliquent aussi au cautionnement des sociétés étrangères d'assurances sur la vie. Mais ici une solution différente n'était pas possible, étant donné qu'en dehors du cautionnement, on1 ne peut obtenir un autre genre de sûreté des compagnies étrangères. Au contraire, le fonds de sûreté des sociétés suisses peut être net d'éléments non techniques. Il suffit pour cela que leurs dettes de droit public restent couvertes, comme par le passé, par un cautionnement, tandis que leurs obligations techniques
seront garanties par ledit fonds.

Telle est la solution du projet. Il ne libère les sociétés suisses de l'obligation de fournir un cautionnement que dans les cas et dans la mesure où celui-ci aurait été destiné à garantir des créances résultant d'assurances sur la vie. Par contre, cette obligation subsiste par rapport aux autres branches d'assurances et aux créances de droit public fédéral ou cantonal. Dans cette mesure, l'article l°r LC continue à leur

961

être applicable. Le Conseil fédéral fixera le montant de ce cautionnement, en tenant compte des conditions d'exploitation de chaque société (art. 3, 1er al., LC). Les autres dispositions de cette loi relatives au cautionnement administratif resteront en vigueur. Cette remarque concerne l'article 5, qui prévoit le dépôt à la banque nationale suisse et qui charge les sociétés des frais de ce dépôt; elle concerne également l'article 16, 1er alinéa, relatif à l'emploi du cautionnement en «as de faillite. Nous rappelons enfin que, d'après l'a loi sur les cautionnements, les créances de droit public fédéral ou cantonal ne sont pas privilégiées. Le présent projet ne modifie en rien cette situation. Ces créances devront donc être produites dans la masse, pour autant que le cautionnement ne suffira pas à les payer.

C. Les dispositions du projet.

Dans notre seconde partie, nous avons exposé les principes généraux d
I. Le fonds de sûreté.

Article premier. But de la loi. 1. Garantie des droits des assurés

(voir p. 946 s.).

Avant tout, le projet impose aux sociétés suisses d'assurances sur la vie l'obligation de garantir matériellement les créances de leurs assurés par le moyen du fonds d'e sûreté. Par sociétés suisses, on entend celles qui ont leur principal établissement en Suisse. Alors même qu'une compagnie étrangère d'assurances sur la vie aurait une succursale dans notre pays, la présente loi ne lui serait pas applicable, et cette compagnie resterait obligée de constituer un cautionnement conformément à la loi du 4 février 1919.

Le fonds de sûreté doit servir de garantie aux créance« résultant de tous les genres d'assurances sur la vie. Par contre, ainsi, que nous l'avons relevé aux pages 942 et 943, l'obligation de constituer un fonds n'existe pas à l'égard des autres contrats d'assurance do personnes, pour lesquels l'assureur doit aussi accumuler des réserves mathématiques. Peu importe, à ce point de vue, que les sociétés qui concluent ces contrats soient des sociétés d'assurances sur la vie qui possèdent, en outre, la concession fédérale pour la branche accidents.

Les sociétés ne sont pas non plus tenues de garantir les prétentions des assurés à des parts du bénéfice d'exploitation ou excédent

962

bénéficiaire, aussi longtemps qiie ces parts u'ont pas été créditées aux preneurs d'assurances (art. 3, ch. 3; v. p. 965 et 966 ci-après).

Les primes payées d'avance ne sont pas non plus comprises dans la fonds. Il arrive que le preneur d'assurance confie ainsi à la société des sommes qui doivent servir à payer les primes futures. Semblable somme ne constitue pas une prestation d'assurance, mais un versement que l'on doit assimiler à un dépôt en banque. Il ne faut pas confondre cette avance avec la prime unique, par laquelle le preneur d'assurance se libère de toutes ses obligations au moment de la conclusion du contrat et dont on tient compte dans le calcul de la réserve mathématique.

Le fonds de sûreté ne comprend pas davantage les sommes assurées que les ayants droit auraient pu toucher et qu'ils ont préféré laisser entre les mains de l'assureur. Lorsque la somme assurée est transformée en dépôt chez l'assureur, il y a novation de la créance de l'ayant droit; la prétention d'assurance prend le caractère d'un avoir en banque, qui n'est garanti que par la fortune libre, comme les créances d'autres tiers créanciers. Ces sommes ne comptent pas ·dans le calcul des réserves mathématiques et, par conséquent, ne doivent pas être garanties par le fonds de sûreté. Il en est de même des sommes assurées qui ont été consignées par la société en mains de tiers, parce qu'il y a doute sur le point de savoir qui, des personnes qui prétendent y avoir droit, a qualité pour les toucher.

Si le portefeuille est transféré à une autre société, en application de l'article 18 L,C, c'est la cessionnaire qui doit constituer les sûretés y afférentes, conformément à ladite loi. Les parties no pourraient déroger à cette règle par une convention. Toute société étrangère qui cède son portefeuille est libérée de l'obligation de fournir un cautionnement égal aux réserves mathématiques de ses contrats suisses. Le cautionnement qui continue à être exigé d'elle doit simplement garantir les contrats non liquidés qui restent à sa charge, de même que ses dettes de droit public fédéral et cantonal. Au cas où le portefeuille d'une société suisse serait transféré à une société étrangère, le cautionnement devrait remplacer le fonds de sûreté. S'il s'opère de société suisse à société suisse, c'est l'entreprise cessionnaire qui devra
constituer le fonds. Les mêmes principes sont applicables au cautionnement (art. 9, 1er al., LC) ou au fonds de sûreté (art. 27 et 28 du projet) quand le portefeuille est transféré à la Confédération pour être liquidé sur la base d;es contrats d'assurance.

Lo but de la loi est de garantir les créances de l'assuré contre l'assureur. Le fonds doit donc couvrir complètement les assurances directes. Par conséquent, les biens nécessaires à la couverture des

963

parts cédées en réassurance doivent être conservés par le premlea assureur et figurer dans son fonds. C'est
La réunion de toutes les assurances d'ans un seul et même fonds ne sera pas opportune dans tous les cas. Suivant les circonstances, il sera au contraire désirable de constituer des fonds particuliers pour certains 'groupes d'assurés. La société pourra en faire la proposition 'ou l'autorité de surveillance lui en donner l'ordre.

Les cas de ce genre peuvent être très divers. On pourra, par exemple, former un fonds particulier pour la sûreté du portefeuille transr fère d'une société à une autre; ou bien, une menue société ayant adopté des bases techniques nouvelles séparera de ses autres contrats les assurances conclues sur ces bases. D'autre part, on peut songer à la formation de groupes d'assurances, à l'administration séparée des assurances populaires ou à la répartition des contrats par nationalités, etc. La diversité des cas est infinie, aussi n'est-il pas possible de fixer dans la loi une règle abstraite et vaut-il mieux abandonner à l'exécutif la solution de la question.

Art. 2. Exceptions (voir p. 946 s.).

Pour éviter un cumul de sûretés, le principe suivant lequel le fonds doit aussi garantir les assurances qui n'appartiennent pas au portefeuille suisse souffre une exception. Ces assurances n'appartieni-, àront pas au fonds de sûreté, pour peu que la loi étrangère prescrive, sous une forme quelconque, la garantie matérielle des contrats d'assurance sur la vie conclus avec des assureurs ressortissants d'un autre Etat. Peu importe que cette garantie n'englobe pas la totalité des réserves mathématiques. Considérée par le législateur étranger comme une protection suffisante, elle ne saurait être contrôlée et, le cas échéant, complétée par l'autorité suisse. Par contre, si la loi étrangère se borne à exiger un cautionnement administratif, le fonds de sûreté de notre société 'devra couvrir le portefeuille de ce pays. Au surplus, les assurés qui ne peuvent être désintéressés au moyen des sommes déposées à l'étranger pourront produire leurs créances dans
la faillite ouverte en Suisse et participer au privilège prévu à l'article 2:6.

Le tableau ci-après (2) indique la nature et le montant des cautionnements dont le dépôt est requis, à l'étranger, de cinq de nos sociétés. Ces données sont extraites de leurs bilans au 31 décembre 1927.

Elles ont été converties en francs suisses aux cours adoptéis dans ces bilans.

Feuille fédérale. 80e année. Vol. II.

74

964

Tableau 2.

Sociétés

Etats

Dépôts dus Cautionnement administratif Fr.

Total Autres dépôts Fr.

Fr.

7,980,755 8,355,755 5,576,924 5,576,924 9,629,536 9,734,536

Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine

Allemagne . .

France . . .

Pays-Bas . .

375,000 -- 105,000

La Bâloise, Compagnie d'assurances sur la vie

Allemagne . .

Territoire de la Sarre France . . .

Luxembourg .

387,500 13,844,107 14,231,607 10,000 10,000 4,533,620 4,533,620 21,600 1,034,254 1,055,854

Vita, Compagnie d'assurances sur la vie

Allemagne . .

Pays-Bas . .

Espagne . .

926,250 52,250 793,854

30,614 167,742 --

956,864 219,992 793,854

Winterthur, Société | Allemagne . .

d'assurance sur Etat libre de la vie 1 Dantzig . .

873,792

8,045

881,837

21,825

--

21,825

Union Genève, Corn- , pagnie d'assuran- Grèce . . .

75,296 75,296 -- ces sur la vie et Palestine . .

25,950 25,950 -- contre les accidents ' Total 3,668,317 42,805,597 46,473,914 Art. 3. Débit du fonds. 1. Montant (voir p. 948).

La somme des créances qui doivent être garanties par 1© fonds de sûreté constitue ce que le projet appelle le débit du fonds. On pourrait aussi dire : le passif du fonds, car cette somme est composée de différents postes qui, à l'exception de la garantie supplémentaire, figurent au passif du bilan. Les éléments du débit sont les suivants : 1° les réserves mathématiques des contrats en cours calculées sur les bases fixées dans le plan d'exploitation de la société; 2° les provisions pour prestations d'assurance en suspens; 3° les parts de bénéfices individualisées et créditées aux preneurs d'assurances; 4° un montant constituant une garantie supplémentaire.

905

1. Le plus considérable et le plus important de ces éléments est le premier. Il comprendi les réserves mathématiques proprement dites et ce qu'on appelle la correction relative à l'échéance des primes.

Dans l'assurance sur la vie, on entend par réserves mathématiques la portion des primes et des intérêts que l'assureur doit avoir en caisse à un moment déterminé (jour de l'établissement du bilan) pour lui permettre de faire face, à l'aide des primes futures, à tous les engagements qu'il a contractés. La réserve mathématique d'un portefeuille est égale à la somm» des réserves mathématiques de tous les contrats qui le composent. C'est une grandeur qui doit être fixée par le calcul; elle dépend de la table de mortalité choisie, du taux d'intérêt, de la composition du portefeuille et de la méthode employée d'ans la détermination des réserves. En cas d'extinction prématurée de la police, elle sert -de base au calcul de sa valeur d« rachat.

Pour obtenir la réserve qui doit être portée au bilan, il y a encore lieu d'ajouter à la réserve mathématique proprement dite la correction relative à l'échéance des primes. En général,, l'année d'assurance ne coïncide pas avec l'année commerciale. Une partie de la prime payée pendant celle-ci doit être reportée sur Tannée suivante; c'est la correction relative à l'échéance des primes. On peut admettre que les échéances de primes d'un portefeuille d'assurances se répartissent à peu près uniformément sur l'année entière; la correction en question sera dono à peu près égale à la moitié de l'encaissement des primes.

2. Le deuxième élément du débit est constitué par les prestations d'assurance (sommes assurées, rentes, valeurs de rachat) qui n'ont pas encore été faites par la société, bien que le risque se soit réalisé, que le jour déterminant pour la rente soit arrivé, ou qu'une demande de rachat ait été présentée. Le règlement de ces prestations exige quelque temps; aussi la loi sur le contrat d'assurance prévoit-elle qu'elles ne sont échues qu'au bout d'un certain délai à compter du faiter qui donne naissance à la créance du preneur d'assurance (art. 41, 1 al., et '92, 3e al., LCA). Le montant total de ces prétentions d'assurance en suspens, non encore liquidées, doit aussi être garanti par les sociétés. Dans la règle, il est insignifiant au regard de celui des
réserves mathématiques. Mais lorsqu'une société se trouve dans une situation critique et manque de moyens de paiement liquides, il a vite fait d'atteindre un chiffre important. La garantie matérielle des obligations assumées par les sociétés s'étendant aux prestations d'assurance eri suspens, celles-ci doivent par conséquent constituer un des éléments du débit du fonds d« sûreté.

3. Les parts de bénéfices individualisées et créditées aux preneurs d'assurances forment le troisième élément dïi débit.

966

Les sociétés d'assurances ont de nombreuses manières de distribuer les bénéfices aux assurés. A cet égard', une distinction s'impose.

Dans certains cas, la société répartit immédiatement les bénéfices et les paie comptant aux assurés; nous n'avons pas à nous en occuper ici. Le temps qui s'écoule entre l'approbation de la répartition par l'assemblée générale et le versement des parts individuelles est très court, et ce versement éteint la créance; il ne saurait donc être question de la garantir.

Dans d'autres cas, la société répartit encore le bénéfice entre les polices, mais, au lieu de le verser immédiatement aux ayants droit, elle le garde, en indiquant aux assurés quelle est la part de chacun d'eux et en leur accordant une créance contre elle-même; les deux principaux modes sont alors le placement à intérêts composés et le bonus. Dans le premier cas, la société garde les bénéfices par dtevers elle et leur sert l'intérêt annuel. Elle opère un peu comme une caisse d'épargne, les assurés n'ayant toutefois le droit de disposer de leur dépôt que dans des conditions déterminées, par exemple à l'échéance de la police ou pour le paiement des primes. La société doit une somme bien déterminée à l'assuré; il est équitable qu'elle lui fournisse les mêmes sûretés que pour l'assurance proprement dite. Ce sont ces sommes qui constituent les parts de bénéfices indiquées sous le chiffre 3 de l'article 3. Par contre, lorsqu'elle adopte le système du bonus, la société consacre la part individuelle de bénéfices à augmenter le capital assuré. La réserve mathématique d'un bonus constitue ainsi un élément des réserves mathématiques des contrats en cours, calculées, conformément au chiffre 1er ci-dessus, sur les bases fixées dans le plan d'exploitation de la société.

Les sociétés ont encore une troisième manière de distribuer leurs bénéfices, et c'est la plus fréquente dans notre pays. Elles versent la part des assurés dans un fonds de bénéfices, sans déterminer la somme qui revient à chacun d'eux. Cette réserve doit rendre possible l'attribution de parts de bénéfices constantes, et, dans le système des dividendes croissants, le maintien de la progression envisagée. Elle fournira, en favettr des assurés, les parts de bénéfices qui sont calculées d'avance, mais dont l'attribution ne sera décidée que plus tard.
Tant que la répartition n'a pas eu lieu, ces bénéfices ne font pas l'objet d'un© créance, d'une prétention déterminée par le contrat. Le preneur a tout simplement droit à une répartition convenable, en raison des moyens de paiement dont la société peut disposer à cet effet d'après son bilan, sans nuire aux intérêts de l'ensemble de ses assurés.

Ce droit ne peut donc être garanti par le fonds de sûreté.

4. Le débit du fonds de sûreté comprend encore, en plus des éléments du bilan énumérés sous chiffres 1 à 3, une garantie supplé-

967

mentaire à constituer par les sociétés. Cette garantie a le caractère d'une sûreté additionnelle. En premier lieu, elle doit représente"!)

l'équivalent de certaines fluctuations de cours auxquelles les valeurs de placement seront toujours exposées. D'un autre côté, elle doit compenser dans une mesure appropriée le fait que les biens constituant le fonds de sûreté ne seront, dans la règle, attribués à ce fonds que cinq mois après le moment pour lequel le calcul du débit du fonds aura été effectué. Si, pour une société dont le portefeuille va en augmentant, on calculait à nouveau le débit du fonds de sûreté au moment de la constitution de ce fonds, on trouverait un montant plus élevé que celui qu'on aura obtenu en se basant sur la. situation de fait à la date habituelle du 31 décembre de l'année précédente. En outre, il y a lieu de tenir compte des conditions particulières aux sociétés nouvellement fondées, et la meilleure façon de le faire est d'exiger au début un supplément fixe de garantie.

Le montant de la garantie supplémentaire sera déterminé par l'ordonnance d'exécution de la loi. Il ne serait pas opportun de fixer dans la loi même le chiffre de cette garantie, car cela rendrait plus difficile son adaptation à de nouvelles circonstances qu'il n'est pas possible de prévoir.

On se propose de fixer le montant de la garantie supplémentaire à 5 pour cent du total des autres éléments du débit du fonds de sûreté. Toutefois, aussi longtemps que ce pour-cent serait inférieur à 500,000 francs, c'est à ce dernier chiffre que devrait s'élever la garantie supplémentaire.

Afin de permettre aux sociétés de s'adapter aussi facilement que possible à la situation nouvelle, l'ordonnance d'exécution pourra leur accorder, en vertu de l'article 36 du projet, des délais pour la première constitution de la garantie supplémentaire.

D'après le dernier alinéa de l'article 3, les avances et prêts sur polices peuvent être déduits de la somme du débit. Ces avances, ces prêts ne so*nt jamais consentis par une société que jusqu'à concurrence de la valeur de rachat. Ils sont remboursables à l'échéance de l'assurance, et sont alors compensés avec les prestations de la société, à qui ils ne peuvent donc occasionner des pertes. Les obligations proprement dites de la société sont diminuées d'un moiitant égal à celui des
prêts et avances sur polices. Ceux-ci doivent donc bien être soustraits du débit du fonds. Il en est de même des fractions de primes appartenant à l'exercice et des primes échues mais noii recouvrées, qui constituent une créance de la société sur le preneur d'assurance. En cas de rachat ou de réduction de l'assurance, elles sont toujours compensées avec la créance de l'assuré, et cette com-

968

pensation aurait aussi lieu en cas de faillite. Il se justifie donc que les sociétés puissent déduire ces sommes du total des engagements ' qu'elles sont tenues de garantir. Mais pourront-elles porter en déduction le montant des primes brutes ou des primes pures sursises ou échues mais non recouvrées Ì Cela dépend du point de savoir si les corrections relatives à l'échéance des primes sont calculées sur primes brutes ou sur, primes pures. Ces corrections sontelles 'Calculées sur primes pures, alors le débit du fonds ne peut être diminué que du total des primes pures en question, c'est-à-dire du total des primes franches des chargements pour frais d'acquisition, de gestion et d'encaissement.

Le tableau 3 ci-contre renseigne sur les différents éléments du débit du fonds de sûreté de chacune des sociétés suisses d'assurances sur la vie. Il est basé sur les données contenues dans les bilans au 31 décembre 1927. La garantie supplémentaire a été calculée conformément aux règles susindiquées.

Art. 4. 2. Calcul (voir p. 948).

Le débit du fonds de sûreté doit être calculé par la société dans les quatre premiers mois de chaque exercice. En effet, il est logique que ce calcul coïncide avec rétablissement du bilan, puisqu'on trouve dans ce dernier tous l'es éléments du débit, à l'exception de la garantie supplémentaire. Ainsi, on épargnera à la société la peine de faire un travail considérable à double. Le choix du délai de quatre mois est fondé sur l'expérience.

Le calcul du débit devra être reporté à la date de la clôture de l'exercice. Pour les sociétés suisses d'assurances sur la vie, celui-ci coïncide avec l'année civile. Le débit sera donc fixé pratiquement sur, la base des obligation1» en cours au 31 décembre de chaque année.

D'après le projet, s'il y a de justes motifs, le Conseil fédéral peut ordonner que le débit soit calculé durant l'exercice, sur la base des obligations en cours à une date fixée par lui. Cette disposition est surtout appelée à rendre des services dans les cas où des mesures conservato]res devraient être ordonnées. Elle permettra de jeter toute la clarté voulue sur là situation de la société à la date indiquée par les circonstances.

S'il y a urgence, le Conseil fédéral peut ordonner, en tout temps, une simple estimation du débit. A l'inverse du calcul précis qui exige normalement des mois, cette estimation pourra se faire eu quelques jours. Il s'agit, d'ailleurs, d'une estimation technique, dont l'approximation sera suffisante pour servir de base aux mesures à prendre, le cas échéant.

Aperçu des assurances sur la vie qui devraient être garanties d'après les dispositions du proiiît (état au 31 décembre 1927).

Tableau 3.

Sociétés

i

2

Sommes assurées 3

Rentes

4

5

Francs suisses Francs français Francs belges Lires italiennes Livres anglaises Livres turques Dollars améric.

839,929,126 8,863,654 273,300 232,200 6 4,226 476,637

10,992,023 72,229 300

Francs suisses

-

6

Prestations d'assurance dues

69,898,099

4,264,679,

581,280

1,108,938

576,740 272,600 30,568

224,047,747 13,107,746 14,892,708 42,457

18,413,244 708,845 701,710

701)

2,318,579 32,829 271,282 12,939

8,879,848 10,060 134,091 13,008

223,575 33,197 50,952

82,445,775 2,728,698 9,291,884

3,650,515 90,550 406,410

1,664,830 19,670 209,950

586,042

99,928

42,808

35,259,336

3,273,57?

36,165

263,829

3,573,566

991,126

26,548

25,234

50,761,426

3,950,70^

69,938

204,204

--

123

5,312,534 23,641,604 2,165,094

193,490 1,150,929

29,743

-- --

10,487,701 2,709,850 7,262 8 36,926

85,519 28,300

4,415,130 1,551 7,239 14 729

630,058

243,555

637,622,459 17,972,138 66,553,883 1,585,000

1,936,705 190,548 105,462

188,133,425 12,500,476 13,429,337 10,174

13,216,176 334,670 1,432,803 32,283

22,121,406

La Genevoise, Compagnie d'assurances sur la vie

Francs suisses Francs français Francs belges Marks-or Francs suisses Francs français Francs belges

290,465,926 2,681,662 43,734,587

1,978,748 242,540 89,506

77,302,453 2,645,134 8,329,918

4,919,747 50,367 911,014

Société suisse d'assurance sur la vie

Francs suisses

143,236,267

49,904

34,744,164

372,436

Patria

Francs suisses

172,595,982

172,915

25,563,365 126,395,224 25,067,500 103,267,288 37,641,863

875

49,718,518 5,108,207

786,480 81,123

20,770,697 1,604,521

2,751,842 560,573

305,484 2,815 1,500

8,739,105 1,951,156 5,762

1,748,350 758,694

4,407

35,760

126,121

3,704,395 684 2,900

Winterthur, Société d'assurance sur la vie Union Genève, Compagnie d'assurances sur la vie et contre les accidents La Neuchâteloise, Compagnie d'assurances sur la vie

Total

Francs suisses Francs belges

400 45,000 34,166,827 37,600 185,860 650 17,000

14,322,618 90,000

Francs suisses 2,647,720,507 Francs français 29,517,454 Francs belges 173,361,133 Marks-or 1,585,000 Lires italiennes 232,200 Florins hollandais 38,006 Livres anglaises Livres turques 4,226 Livres égypt.

185,860 Livres palest.

650 538,637 Dollars améric.

121 71

--

11,970

1,500 8 1,166

--

6,788

--

186,581 92

256,244

--

17,074,988 701,892,595 505,317 20,905,700 279,206 25,486,938 10,174 20,421 1,500 5.762 484 5,423 6 Ì 1,164 ; 2,900

42,896,754 583,566 3,668,782 32,283

162,912

332

~i,500

996 71

4,339

14

13,544

63,943,202

3,197,160

29,611,671 194,436,076 751,734 12,356,012 1,107,083 13,785,625 26,647 15,810 5,901,387 76,544,388 110,220 2,618,478 658,823 8,633,061

3,827,219 130,924 431,653

80,371,607 2,749,402 9,064,714

31,685,770

1,584,289

33,270,059

4,020,641

46,740,785

49,077,824

223,233 2,186,982 118,119 696,626 1,348,364

5,089,301

2,337,039 500,000

1,072,731 21,454,682 102,349 2,046,975 489,554 9,791,075 68,074 1,361,486 363 7,262 8 1,844 36,885 500,000 3,649,617 j 951 3,809 14 354

22,527,353 2,149,324 10,280,629 1,429,560 7,625 8 38,729 4,149,617 951 3,809 14 354

41 765,513

175

200

375

442,825 424

200

58,729

76,481

135,410

1,444,901 769.118,978 328,026 21,817,292 81,520 29,237,240 42,457 20,421 7,262 6,419 1,235 7,239 14 5 176,461

51,265,350 953,521 1,144,620 700

7,269,998 81,012 1,615,820 12,939

14,383,699 10,421 472,831 13,008

72,919,047 1,044,954 3,233,271 26,647

320

280

î

1,580 !

1,850

!

4,384 '.

7,494

190

16

5,954,897

41

--

15

11,652

882

239,695

280 1,850

04) + (15)

Débit du fonds

12,127,884 289,892 8,820

85,000 320 1,580

1

408,615 186,340

Garantie supplémentaire

242,557,680 5,797,848 176,398 20,421 4,860 1,235 127,154

440,81ß ~ i -- i i j

246

--

22,884,728

42,463

19,849,121 183,000

733,834 109,055

867

4,339

i

361 882

302,219 864 202,492 1,133,724

112,277

710,735

14 408

15,960

220,343 262,406,801 5,980,848 22,229 177,280 20,421 4,860 1,235 5 138,806

--

321

110,698

14

7.253

4,172,017

Francs suisses Francs belges Francs suisses Francs belges Florins hollandais Livres anglaises Dollars améric.

Francs suisses Livres anglaises Livres égypt.

Livres palest.

Dollars améric.

13

4,209

64,852,469

Vita

12

(9) -(13)

19C'

615,035

Francs suisses

11

+ (12)

2,086,417

260,155,425

Prévoyance populaire suisse

Primes sursises

Débit du fonds sans la garantie sup(10) + OD plémentaire Somme des de'ductions

1,921,023 28,513

484 6 11,553

La Bâloise, Compagnie d'assurances sur la vie

10

Primes échues mais non recouvrées

15,84l;681 154,12(

13,553,877 198,529 5,366

La Suisse, Société d'assurances sur la vie et contre les ace dents

Somme des postes du Prêts et débit avances sui polices (5) + (6) + (7) + (8) 9

8

248,632,581 5,760,090 171,914 20,421 4,739 1,164 126,831

Société suisse d'assurances générales sur la vie humaine

!

Monnaies

Corrections relatives à Prestations Réserves ma- l'e'chéance accessoires thématiques des primes et créditées des rentes

600

3,430

254,685,564 6,087,740 185,218 1,021 21,442 243 5,103 62 1,297 6,358 133,512

I 67,140,362 !

ii 9,721,804 204,157,880 617,801 12,973,813 689,281 14,474,906 791 16,601

i

307,415 \ 424

696,199,931 20,772,338 26,003,969 15,810 20,421 7,262 5,819 600 1,235 3,430 3,809 14 12,068 164,393

5,589,301

500,000

807.415 '424

35,857,680 1,038,617 1,300,177

732,057,611 21,810,955 27,304,146 16,601 21,442 7,625 6,062 1,297 3,809 14 172,595

791 1,021 363 243 62

8,202

969 Art. 5. Constitution du fonds.

1. Affectation de biens (voir p. 948 s.).

Le fonds de sûreté sera constitué par des biens distraits à cet «ffet du patrimoine de la société. Leur valeur totale devra être égale à celle du débit calculé conformément à l'article 3. Ces biens seront réservés au profit des ayants droit des assurances que l'on veut garantir. Ils devront être expressément désignés et individualisés; autrement il serait impossible de les faire servir, en cas de faillite, à la satisfaction exclusive des assurés. L'affectation de ces valeurs est donc un procédé analogue à la prestation du cautionnement. Mais il y a cependant une différence essentielle. Le cautionnement constitue un gage de droit public. Les valeurs dont il est formé sont confiées au Conseil fédéral, comme au représentant de l'ensemble des assurés du portefeuille suisse. Elles sont déposées auprès d'un tiers, la banque nationale suisse. Au contraire, la société restera en possession des biens affectés au fonds de sûreté. Cette affectation ne donne naissance à aucun des droits réels prévus par le
Les autres dispositions du projet concernant la constitutio'n et la gestion du fonds, de même que la garantie qu'il représente, sont commentées dans les remarques qui suivent et auxquelles nous renvoyons.

Art. 6. 2. Complètement du fonds (voir p. 948 s ).

Si le calcul annuel du débit révèle un découvert, la société devra compléter le fonds dans un délai d'un mois, qui vient s'ajouter aux quatre mois prévus pour ce calcul. Ainsi, en règle générale, le fonds de sûreté sera complété au plus tard cinq mois après la date d!e la clôture des comptes, c'est-à-dire à la fin de mai.

Pour les sociétés d'assurances sur la vie dont le portefeuille s'accroît sans cesse, le débit du fonds de sûreté augmentera encore parallèlement pendant plusieurs années. Son calcul périodique accusera donc dans la règle un découvert. L'accroissement des réserves mathématiques n'est cependant pas la seule cause possible de découvert.

Même dans le cas où le débit reste constant, le fonds peut diminuer par suite de la dépréciation des biens. Le complètement du fonds s'opérera normalement sans peine. Le délai d'un mois y suffira sauf de rares exceptions, car avec les sommes de primes encaissées, la société aura déjà pu se procurer en cours d'exercice les biens nécessaires à ces fins.

970

Si le découvert ressort du calcul ou de l'estimation du débit entrepris en1 cours d'exercice, le Conseil fédéral déterminera le délai dans lequel le fonds devra être complété. A cet égard, il importe qu'il ait les mains libres. Ce calcul ou cette estimation ayant été ordonnés en raison d'une situation extraordinaire, il faut que l'autorité puisse adapter sa décision aux circonstances. Il se peut qu'elles exigent le complètement immédiat du fonds; mais il se peut aussi que, pour permettre l'assainissement de l'entreprise, on lui accorde un délai plus er long que le délai d'un mois prévu à l'article 6, 1 alinéa, et que l'article 16, 1er alinéa, donne au Conseil fédéral le pouvoir de prolonger..

Art. 7. 3. Registre des sûretés (voir p. 949).

D'après l'article 7, les biens affectés à la sûreté des contrats d'assurance sont inscrits dans un registre, qui fera complètement foi de l'état du fonds.

Le Conseil fédéral donnera d'es instructions précises aux sociétés pour rétablissement de ce registre des sûretés. On peut en envisager l'organisation et la tenue de bien; des manières différentes et l'on se gardera d'adopter un chablon uniforme. Au contraire, on admettra que la forme du registre varie suivant les sociétés, en tenant compte de leurs installations. Mais il sera d'autant plus important de fixer exactement les éléments qui devront y figurer. Quant à savoir si le registre des sûretés doit servir uniquement à l'inscription des biens affectés au fotodts, ou s'il peut être combiné avantageusement avec les livres de l'a comptabilité, les milieux directement intéressés ont exprimé des avis différents. Or on peut, sans inconvénient, poser des exigences minima pour l'établissement du registre des sûretés, tout en laissant aux sociétés la faculté d'e l'incorporer à leur comptabilité ou de le tenir à part. Les biens inscrits dans le registre des sûretés y figureront en général pendant un temps prolongé. Pour plus de clarté et de simplicité, les annotations qui varieraient au cours des années devront être 1© plus possible évitées. Pour cette raison, c'est la valeur, nominale des titres qui fera règle.

L'inscription au registre emporte affectation des biens au sens de l'article 5. Elle a un1 effet constitutif en' ce qui concerne la garantie reposant sur le fonds. Dès le moment où ils sont inscrits, les
biens reçoivent la destination prévue par l'article 14 du projet. Il n'y a donc pas lieu d'observer les formes prescrites par le droit commun pour la constitution de gages. Ainsi les obligations et les titres au porteur entrent dans la garantie par le simple fait de l'inscription, sans égard pour les articles 900 et 901 du code civil (CC).

D'après le projet, il est possible d'attribuer des immeubles air fo'nds de sûreté. En pareil cas, l'affectation consiste aussi dans Tins-

97t

cription au registre des sûretés. A partir de ce momient, la société n'a plus le dïoit de disposer de l'immeuble, et le fait de 1« grever ou de l'aliéner constitue une infraction, que l'article 81, lettre c, frappe de pénalités. Mais pour éviter que la société ne constitue des gages immobiliers sur un immeuble inscrit dans le registre des sûretés et ne rende par là son affectation illusoire, une annotation sera faite au registre foncier, sur l'ordre du Conseil fédéral. Elle portera restriction du droit d'aliéner au sens de l'article 060 CC. Dès lors, l'engagement sera opposable à tous les tiers.

L'annotation sera faite ensuite d'une décision de l'autorité de surveillance, analogue à la décision officielle prévue à l'article 960,.

chiffre 1, CC. Inversement, la radiation ne pourra être- faite que sur une décision de cette autorité, que l'immeuble soit remplacé par d'autres biens équivalents (art. 10) ou qu'il soit désaffecté en application1 de l'article 11. Les pouvoirs de l'autorité de surveillance en ce qui concerne l'annotation au registre foncier et la radiation résultent ainsi de la loi. Cette autorité n'aura donc pas besoin d'en justifier; autrement. La radiation pourra notamment être faite sans déclaration écrite d'aucune autre personne.

Art. 8. 4. Effets de l'inscription (voir p. 949).

Les biens sont réputés appartenir au fonds aussi longtemps qu'ils · sont inscrits dans le registre des sûretés. Seule la radiation entraîne leur désaffectation, non le retrait momentané de quelques valeurs suivant l'es nécessités de leur gestion (art, 13, 3° al.).

La société ne peut disposer librement des biens inscrits dans le registre des sûretés. Elle ne peut les retirer qu'e-n observant les prescriptions des articles 10 et 11 sur le remplacement et la libération des biens. Pour que le fonds atteigne son but et constitue une sûreté effective au profit des assurés, il est indispensable que des prescriptions sévères sauvegardent son intégrité.

La foi publique n'est pas due au registre des sûretés, comme au registre foncier. Les inscriptions qui y sont faites ne donnent pas non plus naissance à des droits de gage analogues à ceux que l'article 885 CC prévoit pour le bétail. En affectant un bien au fonds, la société accomplit un acte interne, que rien ne manifeste au public. Aucune déclaration d'engagement
n'accompagne l'inscription. A l'égard des tiers, l'intégrité du fonds n'est pas sauvegardée par un droit réel, mais par la menace de sanctions pénales. La seule exception concerne les immeubles; ils font l'objet d'une annotation au registre foncier au sens de l'article 960 CC, ainsi que nous l?avons relevé à l'article 7.

Le registre n'étant pas publie, les tiers peuvent de bonne foi acquérir des dïoits sur les biens inscrits, et ces droits doivent être res-

·972 pectés. L'article 8 contient une réserve expresse dans ce sens. Si un "tiers de mauvaise foi a acquis un bien appartenant au fonds, quoiqu'il sût que ce bien était inscrit au registre ou avait été dolosivement radié, il peut être recherché en justice par une action en restitution.

Art. 9. Communications au Conseil fédéral (voir p. 960).

L'autorité de surveillance devra veiller à ce que le calcul annuel du débit, la constitution et le complètement du fonds prévus aux articles 4 à 6 aient dûment lieu. En vertu de l'article 9, les sociétés seront tenues de faire rapport au Conseil fédéral sur l'accomplissement de ces obligations. Elles devront lui communiquer le montant du débit accompagné d'un état des biens appartenant au fonds. Ces communications devront être remises au Conseil fédéral cinq mois au plus tard après la clôture des comptes. La loi 'de surveillance fixe aux sociétés un délai de six mois pour le dépôt de leurs comptes rendus ·annuels. Les communications dont il est question ici, jointes au rapport statistique habituel, sero'nt de la plus grande utilité pour l'examen de la situation financière d'une société. Elles permettront de voir si des mesures de sûreté doivent être prises à son égard et, le cas échéant, lesquelles.

Le Conseil fédéral déterminera la forme en laquelle ces communications devront lui être faites. Le calcul du débit comporte de lonL gués opérations. Le Conseil fédéral devra se contenter d'être informé sur l'état du portefeuille garanti, sur les réserves mathématiques y afférentes (quitte à demander une répartition des données du rapport suivant les bases techniques appliquées et suivant la monnaie des contrats), enfin sur les autres éléments du débit mentionnés à l'article 3. Ces différentes indications correspondent au résultat final des opérations de calcul. Dans le cas où ces calculs eux-mêmes auraient "besoin d'être contrôlés, la revision devra se faire au siège de la société.

Pour des raisons pratiques, le projet n'exige pas la présentation d'une copie du registre des sûretés et la remiplace par un état des' Mens. D'une façon générale, cet état représentera un extrait du registre, mais complété par l'évaluation des biens à la date de la clôture des comptes. Au surplus, il est clair que ces communications ne suffiront pas au Co-nseil fédéral pour exercer
sa mission de suïiveillance, mais qu'il devra faire procéder en. outre à de fréquentes inspections par les organes de l'administration.

Art. 10. Retrait de biens. 1. Remplacement (voir p. 950).

L'article 10 pose en principe que la société ne peut retirer des "biens appartenant au fonds de sûreté qu'en les remplaçant immédiate-

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ment par des biens équivalents. Une fois le fonds de sûreté constitué «et, le cas échéant, complété, conformément aux articles 5 et 6, il ne doit pas être amoindri ou déprécié. Mais, dans de nombreux cas, la société peut se voir obligée d'apporter des changements à la composition de son fonds. Des titres peuvent être échus, d'autres remboursés. D'autre part, la prudence ou la sagacité commerciale peuvent amener la société à retirer des valeurs affectées et à les remplacer par d'autres. De semblables opérations ne doivent pas être gênées par les dispositions de la loi de garantie. A ce point de vue, les sociétés doivent continuer à bénéficier de la liberté dont elles ont joui jusqu'ici. Les échanges dont nous venons de parler leur seront donc permis. Mais elles devront pourvoir au remplacement immédiat, ce qui signifie qu'à l'instant précis où un titre sera retiré, un aiitre devra prendre sa place dans le fondis. En outre, le nouveau titre devra être équivalent à l'ancien; il devra être d'aussi bon aloi. Pour juger si tel est bien le cas, on tiendra compte avant tout de la sécurité du capital et des revenus. Au contraire, la question de savoir si l'une des valeurs est plus ou moins liquide que l'autre est d'un intérêt accessoire.

Cependant la loi paraîtrait imparfaite et inutilement sévère, si elle ne prévoyait pas des exceptions, au principe du remplacement immédiat. Le retrait de telle grosse valeur peut entraîner la désaffectation d'une somme importante, dont le remploi à long terme ne peut être effectué trop rapidement sans imprudence. On en aura des exemples avec le remboursement de grosses hypothèques ou d'emiprunts de corporations de droit public. D'autre part, suivant les dispositions du marché des capitaux à tel ou tel moment, les isoeiétés ne pourront peut-être pas se procurer sans de grosses difficultés les titres nécessaires au remplacement immédiat. Un tempérament est donc nécessaire. Il est prévu à l'alinéa 2, lequel dispose que, s'il y a des raisons spéciales, le Conseil fédéral peut accorder des délais il la société pour remplacer les biens retirés.

Art. 11. 2. Libération (voir p. 950 et 951).

Si le «aïeul annuel du débit selon l'article 4, 1er alinéa, révèle un excédent, la société aura le droit de désaffecter complèteuient les biens correspondant à cet excédent. Il n'y a pas de raisons d!e retenir le surplus pour servir de sûreté effective aux créances des assurés. Le fonds n'a. pas besoin d'une couverture supérieure au montant du débit, alors qu'au contraire, en retenant un' excédent éventuel, on mettrait peut-être la société dans une situation, difficile. Abstraction faite du cas de hausse des valeurs, le fonds peut présenter un excédent lorsque le débit diminue. Or les sommes assurées échues en coxirs d'exercice sont déduites du débit à la fin de l'année. Mais, pour exécuter ses obligations échues, la société a besoin des sommes encore retenues

dans le fonds de. sûreté, lesquelles devront être libérées, si l'on ne veut pas que l'assureur ait d'e la peine à effectuer ses paiements.

Ce qui se passe à l'occasion du calcul annuel se présentera naturellement aussi lors du calcul ou de l'estimation ordonnés en cours d'exercice (art. 4, 2e et 3° al.). Mais à cette situation analogue ne correspond pas, 'dans le projet, une réglementation semblable ; et cela^ pour de bonnes raisons. Le calcul ou l'estimation du débit seront ordonnés par le Conseil fédéral en cours d'exercice précisément d'ans les cas où la situation financière de la société cause des inquiétudes. Cette mesure peut être fondée, soit en considération de l'insuffisance des bases techniques, soit en raison de l'insécurité des biens affectés. Dans l'un et l'autre cas, l'autorité de surveillance jugera peut-êtrei nécessaire de retenir une portion convenable de l'excédent, à titre de réserve pour éventualités.

Si le portefeuille diminue rapidement, la société aura peut-être besoin, pour faire face à ses obligations, de disposer en cours d'exercice des sommes immobilisées dans le fonds de sûreté. En pareil cas, si elle peut rapporter la preuve d'uni excédent, le Conseil fédéral pourra l'autoriser à désaffecter des biens pour une valeur correspondante.

Art. 12. Composition du fonds (voir p. 951).

De même que les auteurs de la loi sur les cautionnements (art. 4, 2o al.), nous nous sommes abstenus de faire figurer dans le projet desrègles générales sur les biens susceptibles d'être affectés, sur la façon dont ils devront être évalués et sur la mesure dans laquelle le fonds devra être constitué par des valeurs étrangères. L'établissement de ces règles générales doit être abandonné à l'ordonnance d'exécution, o'ù il sera plus facile de tenir compte des fluctuations du marché des valeurs et des variations de l'opinion des financiers. La question de savoir quels biens doivent être admis ne pourra pas être résolue aussi simplement pour le fonds de sûreté que pour le cautionnement (O d'exécution du 16 août 1921, art. 8). Le fonds de sûreté peut être appelé à couvrir des portefeuilles étrangers, c'est-à-dire des assurances libellées en diverses monnaies. La possibilité de faire figurer des valeurs étrangères doit donc être réservée en une plus forte mesure que ce n'est l'e cas pour le cautionnement,
qui ne garantit que le portefeuille suisse (v. tableau 3, en regard de la p. 968). Alors que d'après l'article 4, 1er alinéa, LC, le cautionnement peut comprendre des valeurs étrangères pour un quart au plus, le projet laisse au Conseil fédéral le soin de déterminer la mesure dans laquelle le fonds devra être constitué par des valeurs suisses.

L'évaluation des biens appartenant au fonds de sûreté n© peut pas être faite uniquement d'après les règles du code des obligations

«concernant le bilan. Le fonds étant destiné à garantir le complet ·désintéressement des assurés en cas de faillite de la société, il doit être évalué d'après des principes particulièrement sévères et l'on peut dore que les règles du cade ne le seraient pas toujours suffisamment.

Un exemple fera comprendre notre pensée. On trouve dans le patrimoine de nos sociétés des parts d?anciens emprunts dont le revenu est minime, mais qui, d'après le droit commun, peuvent être portées a.u bilan pour leur valeur nominale. Or^on ne saurait adopter sans -autre cette évaluation, lorsque l'intérêt de ces valeurs tombe audessous du taux technique.

Art. 13. Conservation du fonds (voir p. 952).

La société doit tenir les valeurs du fonds de sûreté séparées de ses autres biens. Cela est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre et de la ·surveillance. Le contrôle serait rendu très difficile, si les valeurs du fonds n'étaient pas distinctes du reste du patrimoine social. La gestion séparée facilitera notamment la tenue des registres par la société. Nous nous permettons de renvoyer à ce propos à nos remarques concernant l'article 7. La gestion séparée est d'ailleurs conforme à la nature de ce fonds, dont la destination est nettement spécialisée. Le choix de l'endroit où les valeurs seront conservées est soumis à l'approbation du Conseil fédéral. En règle générale, les sociétés les garderont à leur siège. Mais on conçoit que, pour des raisons purement commerciales, une société éprouve le besoin de les déposer, en tout ou en partie, dans un autre lieu. En pareil cas, les valeurs séparées devront former un fonds particulier (art. 1er, 2e al.).

Ce déplacement peut avoir une influence sur la sécurité du fonds; aussi est-il soumis à l'approbation du Conseil fédéral.

Celui-ci pourra d'ailleurs ordonner en tout temps un semblable déplacement, mais il ne le fera que pour de justes motifs, lesquels lie peuvent pas être déterminés à l'avance et ne sont pas indiqués plus précisément clans le projet. Ils doivent être inspirés par l'intérêt ·de l'ensemble des assurés.

Le troisième alinéa met la société en mesure de faire les actes qu'exigé la gestion du fonds. Les dispositions des articles 10 et 13.

3° alinéa, assurent à la société la liberté d'action dont elle a besoin dans la conduite de ses affaires. Ainsi on peut espérer que la loi sera appliquée sans heurts.

Art. 14. Destination du fonds (voir p. 953).

C'est dans cet article que la sûreté des créances des assurés trouve son expression juridique. En effet, il proclame que les biens affectés au fonds répondent en premier lieu de l'exécution des obli-

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gâtions que le fonds a pour objet de garantir, c'est-à-dire des créances mentionnées à l'article 3. Il assigne au fonds de sûreté la même fonction que la loi du 4 février 1919 assigne au cautionnement. Mais tandis que le cautionnement présente le caractère d'un gage de droit public remis au Conseil fédéral en qualité d'agent fiduciaire de tous les assurés, le fonds au contraire n'a pas la nature d'un gage. On doit le considérer plutôt comme un patrimoine réservé, géré à part, destiné à satisfaire par préférence, suivant des prescriptions spéciales, les créances mentionnées dans la loi, et dont l'intégrité est protégée par des sanctions pénales.

Le fonds garantit les créances des assurés aussi bien avant qu'après l'ouverture de la faillite.

a) Tant que la société est in bonis, la garantie se manifeste en ceque les biens affectés au fonds sont soustraits à l'action ides tiers créanciers (réassureurs, banques, autres bailleurs de fonds, etc.). Cela ressort de l'article 14 rapproché de l'article premier, qui indique clairement que le but du fonds de sûreté est de garantir spécialement le& créances résultant d'assurances sur la vie.

Individuellement, les assurés ne peuvent pas poursuivre la réalisation des biens du fonds, ainsi qu'ils peuvent le faire pour le cautionnement des compagnies étrangères (art. 7 LC). A l'égard des sociétés suisses, ils se trouvent donc dans la même situation que sous l'empire de la IQÌ sur les cautionnements. Ils ne peuvent exercer contre elles que la poursuite par voie de faillite. Sauf à encourir des sanctions pénales, la société ne peut, pour satisfaire ses créanciers, distraire des biens du fonds, à moins de les remplacer immédlateiment par des valeurs équivalentes ou à moins d'y être autorisée paile Conseil: fédéral (art. 10).

b) La fonction essentielle du fonds consiste d'ans la garantie qu'il procure à l'ensemble des créances qui figurent à son débit. Cette propriété apparaît en cas de faillite. Le fonds doit alors former le capital nécessaire au maintien et à la liquidation régulière du portefeuille d'assurances. A cet effet, il est distrait de la masse et employé par le Conseil fédéral, conformément aux prescriptions des articles 27 à 29.

Lors seulement que les biens du fonlds ne suffisent à aucun des emplois prévus auxdits articles, il doit être liquidé par
voie de faillite.

A ce moment encore subsiste la garantie spéciale offerte aux assurés, puisqu'ils doivent être payés en premier lieu sur le produit de la réalisation.

Les créances résultant d'assurances sur la vie sont garanties par la présente loi, quelle que soit la forme de la société : mutuelle ou société anonyme. En Suisse, la théorie et la pratique considèrent lesmutuelles comme des sociétés coopératives au sens du titre vingt-

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septième du code des obligations. Mais la nature juridique des créances des assurés dans les coopératives est controversée. S'agit-il de véritables.

rapports de droit d'assurance ? ou plutôt de relations de sociétaires vis-à-vis de leur société ? Les deux opinions sont représentées. D'après la seconde, les prétentions des assurés devraient être satisfaites, en dernier lieu, soit après celles des autres créanciers. Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion de trancher cette question de principe qu'éclaircira la revision de la troisième partie du code des obligations.

Il suffit de déclarer ici que, comme la loi sur le contrat d'assurance, la loi de surveillance et la loi sur les cautionnements, le projet s'applique à toutes les assurances rentrant dans le cadre de ses dispositions et à toutes les sociétés concessionnaires, sans distinction entre sociétés anonymes ou coopératives. De même que le cautionnement et le privilège prévu à l'article 17 LC garantissent aux assurés qu'ils seront satisfaits par préférence avant les autres créanciers de la société, de même en doit-il être en ce qui concerne le fonds de sûreté et le privilège prévu à l'article 26. Dans ces conditions, lacontroverse que nous venons de mentionner perd son importance pratique.

La garantie ne comprend pas seulement les biens inscrits dans le registre des sûretés, mais aussi leurs revenus non encore perçus (art. 14). Il faut entendre, par là, les intérêts des papiers-valeurs et des hypothèques, ainsi que les loyers et fermages des immeubles affectés. Dès l'ouverture de la faillite, la société perd la libre disposition des revenus non encore perçus à ce moment; ceux-ci viennent augmenter la sûreté représentée par les biens inscrits dans le registre.

II. Mesures conservatoires.

Art. 15. Assainissement (voir p. 953).

Si les intérêts des assurés sont menacés par la situation critique d'une société, l'autorité de surveillance ne doit pas seulement s'assurer que le fonds est complet et peut être réalisé le cas échéant.

En premier lieu, elle doit veiller à l'assainissement de la société.

Telle est la pensée qu'exprimé l'article 15 du projet, de même que les articles 8 et 14 LC. Du reste nous partons du principe que c'est à la société qu'il appartient de prendre et d'exécuter les mesures propres au rétablissement de sa
situation. Par contre, il incombe à l'autorité de surveillance de provoquer l'assainissement en cas de besoinet «de pourvoir à la sauvegarde des intérêts des assurés. Elle mettra donc la société en demeure de prendre les mesures nécessaires, lorsque ses organes ne s'y seront pas décidés d'eux-mêmes. Mais, pour donner une impulsion efficace à la procédure d'assainissement, leConseil fédéral a besoin de certains pouvoirs, que la loi de surveil-

:978 lance ne lui donne pas. Seule l'aaserublée générale ou un autre organe social sont compétents pour appliquer les mesures indiquées. Aussi le projet confère-t-il au Conseil fédéral le droit de les convoquer malgré eux, pour les amener à prendre une. décision sur cet objet. Il peut prdonner cette convocation lors même que les conditions d'application de l'article 657,1er alinéa, CO ne seraient pas réalisées. En outre, il peut se faire représenter 'dans les délibérations desdits organes, qui pourront être renseignés de cette façon sur l'opinion de l'autorité de surveillance. D'ailleurs celle-ci retirera de ces délibérations de précieux éléments d'appréciation. Si la société se refuse à prendre les mesures indiquées, ou si celles qu'elle premi ne sont pas de nature à rétablir son crédit, le Conseil fédéral lui retirera la concession, eu vertu de l'article 9 LS.

Art. 16. Décisions du Conseil fédéral (voir p. 954 s.).

L'assainissement peut avoir lieu en secret ou publiquement. Cela · dépendra des circonstances et non pas du bon plaisir de l'autorité de surveillance. D'une façon générale, l'assainissement aura plus de chance de succès, s'il peut être poursuivi à l'insu du public, c'est-àdire dans le calme et la tranquillité. Mais, suivant les cas, l'autorité de surveillance devra au contraire enjoindre à la société de faire connaître sa situation. On ne pourra pas éviter une semblable publication, lorsque l'assainissement exigera le concours de l'assemblée générale ou lorsqu'il devra s'effectuer aux dépens des membres de- la société ou aux dépens des assurés. Tel sera le cas, par exemple, lorsque les actionnaires seront appelés à verser tout ou partie du montant non libéré du capital-actions, ou lorsque celui-ci sera réduit, lorsque les parts de bénéfices des assurés seront diminuées, ou encore lorsqu'il sera fait appel à la contribution supplémentaire prévue par les statuts d'une mutuelle. Mais cette publication causera une grande agitation parmi les assurés, qui verront leur épargne menacée, et cette agitation se transformera facilement en panique. La société sera assaillie de demandes de rachat et de prêts et avances sur polices, toutes prétentions qui aggraveraient encore sa situation, alors qu'au contraire des mesures appropriées seraient susceptibles de la rétablir.

Pour épargner à la société
les conséquences d'une panique, la loi sur les cautionnements donne déjà au Conseil fédéral la faculté d'interdire momentanément le rachat et les avances sur polices (art. 8, 2° al., 9, 2e al., et 14, 2» al., LC). Mais, d'après cette loi, l'interdiction ne peut avoir d'effet que pour trois ans et ne peut être renouvelée après l'écoulement de cette période. Or nos récentes expériences nous ont appris quo cette restriction n'est pas toujours conforme aux exigences du moment. La procédure d'assainissement sera peut-être appelée à se dérouler pendant une longue période. Cependant, l'inquiétude des

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assurés -- inquiétude de moins en moins justifiée -- ne désarmera pas forcément, de sorte que l'éventualité d'un nouveau désordre doit être envisagée. Aussi avons-nous, dans le projet, renoncé à limiter la dûorée de l'interdiction et abandonné la décision sur ce point au Conseil fédéral. En prononçant l'interdiction, celui-ci pourra en restreindre d'emblée l'application dans le temps, quitte à la renouveler, au besoin, à l'arrivée du terme. Il pourra aussi prendre sa décision pour une durée indéterminée.

L'assainissement ne sera peut-être réalisable qu'à une condition : c'est que la société bénéficie d'un moratoire. D'après la loi sur les cautionnements, le Conseil fédéral peut accorder, au besoin, aux sociétés suisses un sursis dont il fixe la durée, pour l'exécution de leurs engagements résultant d'assurances et jusqu'à concurrence du tiers de leur montant. Mais ce ne sont pas seulement les assurés qui sont intéressés au rétablissement de l'entreprise. Les autres créanciers le sont également. Il est donc juste qu'ils fassent aussi certains sacrifices à cet effet et que le sursis s'applique pareillement aux dettes de la société envers eux. C'est ce que prévoit le projet, à la différence de la loi sur les cautionnements. Il ne limite pas non plus les effets du sursis au tiers des obligations de la société. Mais les obligations d'une société vis-à-vis de ses assurés étant suspendues, ceux-ci ne voudront plus remplir les leurs et on ne saurait raisonnablement le leur demander. Au sursis obtenu par la société doit correspondre un1 sursis accordé aux assurés pour le paiement de leurs primes. Le projet en dispose ainsi et comble de cette façon une lacune de la loi sur les cautionnements. La décision appartient au Conseil fédéral.

Les effets n'en sont pas non plus limités quant au temps.

Le sursis entraîne la suspension de l'échéance des prestations d'assurance. En conséquence, en cas de non-paiement des sommes dues, les débiteurs ne se trouvent pas en demeure et ont à payer pour ces sommes non pas un intérêt moratoire, mais l'intérêt déterminé conformément à l'article 73 CO. De même, si les conditions d'assurance prévoient un intérêt plus élevé en cas de retard dans le paiement des primes, cet intérêt plus élevé ne court pas pendant la dui'ée du sursis, car il doit être considéré comme un intérêt
moraioire conventionnel.

On doit admettre que, le sursis une fois accordé, le non-paiement des primes n'a pas les suites prévues à l'article 93, 1er alinéa, LCA, car il faut voir ici aussi des conséquences de la demeure. D'après cette disposition, si le paiement des primes cesse après qu'une assurance sur la vie a été en vigueur pendant trois ans au moins, l'assureur ne doit plus que la valeur de réduction, à moins que les conditions d'assurance ne prescrivent un règlement plus favorable au Feuille fédérale. 80e année. Vol. II.

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preneur. Mais en fin de compte ce règlement consistera toujours ea ceci : qu'une assurance pour laquelle les primes ne sont pas payées sera tôt ou tard réduite, c'est-à-dire transformée en une assurance libérée de primes. Comme le sursis suspend l'effet des conséquences de la demeure, la réduction automatique de l'assurance, en cas de non-paiement des primes, ne pourrait en bonne logique pas avoir lieu. Ainsi les primes afférentes à la période pour laquelle le sursis a été accordé continueraient d'être dues par le preneur d'assurance, qui serait obligé de les verser à l'assureur à l'expiration du sursis.

Mais faisons la supposition suivante : une fois que le sursis a pris fin, les preneurs d'assurances se refusent à payer les primes réclamées, pour le motif que le sursis ne les intéressait pas et qu'ils n'ont pas entendu en profiter, mais qu'ils ont cessé de payer les primes pour provoquer la réduction de l'assurance, conformément à l'article 93, 1er alinéa, LCA. Dans le cas où ce point de vue serait admis par les tribunaux, la société ne pourrait plus exiger après coup des assurés en cause qu'ils paient les primes. Par contre, lorsque le risque se sera réalisé pendant la durée du sursis, elle devrait verser les sommes d'assurance devenant exigibles à la fin du sursis; en effet, il va de sqi qu'alors les ayants droit entendraient se prévaloir du sursis et réclameraient le versement de toute la somme assurée. La société supporterait ainsi le risque, sans recevoir en échange la contreprestation nécecsaire suivant les bases techniques, c'est-à-dire la prime de risque que contient la prime. Il en pourrait résulter pour la société un important préjudice financier, que les autres assurés devraient en définitive supporter. Cela pourrait même compromettre un assainissement de la société qui paraissait d'ailleurs réalisable.

Le non-paiement des primes dues pour les trois premières années à compter de la souscription de l'assurance peut, suivant les circonstances, donner lieu à des considérations analogues. Sans doute, aux termes de la disposition générale de l'article 20 LCA, les conséquences du non-paiement ponctuel de la prime ne se font-elles sentir que lorsque la sommation est restée sans effet dans le délai légal. Mais pendant la durée du sursis une sommation n'aurait pas d'effet juridique; el'le ne
pourra donc être adressée par l'assureur au débiteur de la prime qu'après l'expiration du sursis. La sommation reste-t-elle sans effet, alors, d'après l'article 21 LCA, l'assureur peut, à son choix, soit poursuivre le paiement de la prime, soit se départir du contrat en renonçant au paiement de la prime ai'riérée. Or, il arrive que le contrat d'assurance exclue expressément, en cas de non-paiement de la deuxième ou de la troisième prime, le droit pour l'assureur de poursuivre sou paiement et stipule que l'assurance est résiliée. Supposons que, dans cette hypothèse, les preneurs d'assurances soutiennent que-

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les obligations résultant du contrat sont éteintes déjà depuis le moment où la prime en question aurait été échue si aucun sursis n'avait été octroyé : cela aurait des conséquences fâcheuses semblables à celles, relevées dans l'alinéa précédent, d'une réduction intervenant automatiquement pendant le sursis.

C'est, en définitive, le juge qui aurait à décider laquelle doit être préférée des deux opinions relatives à l'interprétation de l'article 93, lßr alinéa, LCA ou du contrat d'assurance. Il semble donc indiqué de résoudre la question dans la loi elle-même, d'une façon qui écarte les inconvénients mentionnés plus haut et qui corresponde aux intérêts de l'ensemble des assurés. Tel est le but de la disposition du troisième alinéa de l'article 16, qui prévoit que, pendant la durée du sursis, la résiliation de l'assurance ou sa réduction ne se produit pas automatiquement, mais seulement à la demande écrite du preneur d'assu.rance. Ainsi est réservée à ce dernier, pour la durée du sursis, la possibilité d'exercer, par le moyen d'une déclaration écrite à l'assureur, les droits qui lui sont conférés par les articles 89 et 90, 1er alinéa, LCA, soit le droit de refuser, après versement de la prime de la première année, le paiement des primes ultéi'ieures, et celui de réclamer la réduction de l'assurance pour laquelle les primes ont été payées pour trois ans au moins. Le preneur peut aussi en tout temps demander le rachat de cette assurance, mais la valeur de rachat ne peut être versée par l'assureur qu'après l'expiration du sursis au paiement des prestations dues ou qu'après la fin de l'interdiction de rachat.

Les prestations dues par l'assureur sont échues au moment de l'expiration du sursis, et l'assureur en demeure doit dès lors l'intérêt moratoire. En ce qui concerne le paiement des primes, il en est autrement. Les primes arriérées sont aussi échues au moment de l'expiration du sursis, mais la demeure n'est effective qu'après la sommation!

l'égale ou conventionnelle. Cette sommation a-t-elle eu lieu, alors toutes les dispositions de la loi ou du contrat relatives à la demeure dans le paiement des primes deviennent applicables.

Si, après l'expiration du sursis, l'assurance est réduite, à la demande du preneur ou parce que celui-ci refuse de payer les primes, alors les primes arriérées doivent être
compensées, conformément aux conditions d'assurance, avec la valeur de rachat déterminée par l'e calcul. Si la valeur de rachat n'est pas suffisante pour que los primes arriérées puissent être compensées avec elle dans leur totalité, le preneur d'assurance doit payer la partie des primes qui n'a pas été compensée.

Pour faciliter à la société le rétablissement de sa situation, il sera peut-être nécessaire de prolonger le délai d'un1 mois dans lequel

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elle est tenue de compenser le découvert révélé par le calcul annuel du débit du fonds (art. 6, 1er al.). Le Conseil fédéral pourra prolonger ce délai à volonté. Il est clair qu'il ne s'y décidera que si cette prolongation paraît être sans aucun danger pour la sûreté des créances garanties. Quant au délai dans lequel le fonds doit être complété, lorsque le découvert apparaît à l'occasion du calcul ou de l'estimation du débit en cours d'exercice, on a vu qu'il est fixé dans tous les cas par le Conseil fédéral (art. 6, 2e al.). Point n'est besoin d'une disposition spéciale en cas d'assainissement.

Il peut être excessivement difficile de juger si une entreprise d'assurances sur la vie est ébranlée par l'effet de tel ou tel événement et s'il est possible de rétablir son crédit. Les contrats étant conclus à long terme, l'état d'insolvabilité de la société ou au contraire le succès des mesures d'assainissement ne se manifesteront peut-être qu'au bout de plusieurs années. Pour les mêmes raisons, on sera souvent dans l'incertitude sur le point de savoir si, à un moment donné, la société doit déjà être considérée' comme insolvable, en d'autres termes : si l'on se trouve dans un cas d'application des articles 657, 2e alinéa, et 704, 1er alinéa, CO (suspension des paiements et dépôt du bilan). Il ne faut pas se dissimuler qu'en confiant à l'autorité de surveillance le soin de trancher ces questions, le projet lui impose une responsabilité extrêmement lourde.

Quand l'autorité de surveillance estime qu'une entreprise n'est plus susceptible d'assainissement, elle n'a qu'une mesure à prendre : lui retirer la concession (art. 9, 2e al., LS). Telle est la solution de la loi sur les cautionnements. Telle est aussi celle du projet. C'est à la société qu'il appartient d'en tirer les conséquences au point de vue du droit privé. N'étant plus en droit de conclure de nouvelles affaires, il ne lui reste qu'à liquider, en exécutant elle-même ses obligations, jusqu'à extinction de tous ses contrats -- ou à transférer son portefeuille à une autre société. L'ouverture de la liquidation ne porte pas préjudice à la garantie, qui continue à être réalisée par le fonds de sûreté.

Mais lorsque la concession est retirée à un assureur ou lorsque, après y avoir lui-même renoncé, il n'apporte pas à son organisation ou à sa gestion
les modifications exigées par le Conseil fédéral, la loi sur le contrat d'assurance (art. 36) donne au preneur le< droit de se départir du contrat et de réclamer la réserve mathématique de son assurance. Or la société contrainte de payer les réserves mathématiques, entraînée ainsi dans une liquidation accélérée, essuiera peutêtre des pertes que la liquidation normale de son portefeuille aurait évitées. Nous n'avons cependant pas estimé qu'une dérogation aux règles du droit privé fût opportune. C'est dans l'intérêt d'un assai-

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nissement que le projet prévoit l'interdiction des rachats et des prêts sur polices, de même que l'octroi d'un sursis. Il n'y a dôme pas lieu d'en faire application, dès le moment où l'assainissement aura échoué.

La société en liquidation reste d'ailleurs assujettie à la surveillance de la Confédération, jusqu'à l'extinction de son dernier contrat, et toutes les dispositions qu'elle prendra sont soumises à l'agrément de l'autorité de surveillance. Celle-ci veillera notamiment à ce que la composition du fonds reste tell© qu'elle doit être.

Si l'actif ne couvre plus les dettes, la société devra en donner avis au juge compétent, à l'effet de faire d'éolarer la faillite. Le juge tranche la question de savoir si les conditions de l'ouverture de la faillite sont réalisées en l'espèce, d'après les dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. En cas de faillite, le Conseil fédéral décidera de l'emploi du fonds, conformément aux dispositions du projet.

Art. 17. Nomination d'un liquidateur.

Pour que la liquidation de la société se fasse dans de bonnes conditions, il est très nécessaire qu'elle soit conduite par 'des personnes expérimentées, et il convient que l'autorité de surveillance ait le moyen d'y pourvoir. En d'autres termes, le choix d'un liquidateur ayant une importance capitale, le projet donne au Conseil fédéral le pouvoir d'en décider. Il pourra nommer en cette qualité soit une personne, soit un collège, ou confier cette fonction à une autre société.

Le liquidateur désigné par 1© Conseil fédéral n'est cependant pas le représentant de l'autorité de surveillance et ne reçoit pas d'elle ses instructions. Au contraire, comme tout directeur de société, il est lié par les statuts de la société en liquidation et par les décisions de ses organes. A l'égard de l'autorité, sa responsabilité n'est autre que celle qui résulte de la législation sur la surveillance.

III. Faillite.

Art. 18. Ouverture de la faillite. 1. Assentiment du Conseil fédéral (voir p. 955).

La menace que comportent, pour une entreprise, les défauts de son plan technique d'exploitation ne se réalise pas d'un seul coup.

Bien avant que la société ne devienne insolvable, elle-même ou l'autorité de surveillance pressentira les conséquences de l'exagération des frais généraux, de l'emploi de tables de mortalité inexactes ou encore des erreurs commises dans le placement de l'actif social. En pareil cas, le Conseil fédéral prendra les mesures prévues dans la seconde partie du projet et cherchera à éviter que la société n'en vienne à' déposer son bilan, ou qu'un créancier ne requière la faillite. Mais l'insolvabilité peut aussi surprendre la société dans un espace de

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temps fort court. En temps de crise économique générale, par exemple, elle peut être la conséquence d'une brusque dépréciation des biens.

Il ne serait pas surprenant de voir alors une société déposer son bilan ou ses créanciers requérir la faillite, avant que le Conseil fédéral ait eu le temps 'd'envisager, ou tout au moins d'appliquer des mesures propres au rétablissement de la situation. Mais une fois la faillite prononcée par le juge, toute possibilité de rétablissement serait définitivement exclue, tant il est vrai que l'existence d'une société d'assurances sur la vie dépend essentiellement de la confiance du public. Or c'est justement en temps de crise, lorsque la plupart sinon toutes nos sociétés seront atteintes, qu'il sera nécessaire de chercher par des moyens extraordinaires à parer aux circonstances et à sauver les entreprises d'assurances sur la vie, pour le plus grand bien de notre peuple. Il serait grave de laisser compromettre ce salut par l'ouverture précipitée de la faillite. Aussi le projet pose-t-il en principe que celle:ci ne pourra pas être prononcée sans l'assentiment du Conseil fédéral. Ainsi l'autorité de surveillance conservera, jusqu'au plus fort de la crise, le moyen de maintenir l'entreprise d'assurances.

Cela ne veut pas dire que la tâche de proposer la faillite incombe également à cette autorité. Il n'y a pas de dérogation au droit commun sur ce point. Simplement, le juge ne peut pas donner de suite à la réquisition de faillite, sans avoir demandé l'agrément du Conseil fédéral. Le projet adopte ainsi un système opposé à celui, par exemple, de la loi de surveillance allemande, qui dispose, dans son § 68, 1er alinéa, que seule l'autorité de surveillance peut requérir l'ouverture de la faillite.

Art. 19. 2. Avis au Conseil fédéral (voir p. 955).

La faillite d'une société d'assurances, anonyme ou coopérative, intervient lorsqu'elle dépose son bilan (art. 657, 2e al., et 704, 1er al., CO) ou lorsqu'un créancier impayé la requiert. Dans l'un et l'autre cas, le juge compétent devra en informer le Conseil fédéral et ajourner sa décision jusqu'à nouvel ordre. Il n'a pas à prendre dtes mesures conservatoires, car c'est là désormais la tâche du Conseil fédéral. Les articles 170 et 171 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) sont donc inapplicables.
Art. 20. Mesures ordonnées par le Conseil fédéral (voir p. 955).

Informé par le juge, le Conseil fédéral examinera la situation de la société. Il introduira et, le cas échéant, il poursuivra la procédure d'assainissement. Il pourra prendre en outre les mesures conservatoires commandées par les circonstances. Ainsi il sera plus que probablement contraint d'appliquer l'article 16, 2e alinéa, à cause de l'agitation que le bruit de la faillite n'aura pas manqué de provoquer,

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parmi les assurés. Mais, en se fondant sur l'article 9, 1er alinéa, 1/8, 5l pourra prendre d'autres mesures conservatoires encore dans l'intérêt du public ou tout au moins de l'ensemble des assurés. La conservation du patrimoine ou le maintien de l'organisation sociale seront son but. Pour y parvenir, il pourra exiger le remplacement d'un directeur incapable ou mettre la société sous régie.

Quant à un concordat dans le sens du titre onzième LP, il n'en est pas question. A vrai dire, ces dispositions légales ne seront pas abrogées par la loi nouvelle. Mais elles sont pratiquement inapplicables aux sociétés d'assurances sur la vie, étant données les particularités Inhérentes à celles-ci. Il paraît exclu qu'avec le grand nombre des contrats et les vastes territoires sur lesquels ils sont répartis, les conditions requises par la loi pour la conclusion d'un concordat puissent jamais être réalisées in concreto.

Certes, en remplaçant le concordat par un arrangement obligaioire, on rendrait peut-être le plus grand service aux intéressés et au public. Mais pour que cela soit possible, il serait nécessaire de donner au Conseil fédéral le pouvoir de réduire, en dehors de la faillite, les créances des assurés jusqu'à un montant qui corresponde à l'actif représenté. Ce processus est prévu par la loi allemande de surveillance du 12 mai 1901 (§ 69, 2e al.; novelle du 19 juillet 1923).

Il est d'ailleurs conforme à l'esprit de l'assurance et à la solidarité qu'elle suppose forcément entre les assurés. Toutefois il se heurte à de 'graves objections. Et tout d'abord, à supposer que notre loi l'admît, il1 ne serait pas du tout certain que le Conseil fédéral pût l'étendre 1aux assurances non garanties par le fonds de sûreté. Or la réduction d'une partie seulement des assurances d'une société serait inadmissible, car on avantagerait certains assurés au détriment des autres. Et si l'équité commande de maintenir l'égalité entre les assurés, elle ne commanderait pas moins do la maintenir entre eux et les autres créanciers. Mais prescrire que les créances des tiers pourront être réduites par ordre de l'autorité de surveillance serait porter une telle atteinte au crédit des sociétés qu'elles seraient les premières 'à en souffrir. On tarirait ainsi la source où elles doivent pouvoir puiser au besoin pour rétablir leur
situation. C'est pourquoi nous avons pensé que la réduction des créances ne devait pas être possible en dehors de la procédure de faillite (art. 29). Alors, par contre, on pourra l'opérer pour éviter la dissolution du portefeuille garanti par le fonds.

Art. 21. 4. Autorisation de prononcer la faillite (voir p. 955).

Si la situation ne peut être rétablie, la procédure de faillite doit suivre son cours. Constater l'échec des mesures d'assainissement ou

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l'insolvabilité d'une société n'est pas une seule et même chose. La première de ces constatations entraîne simplement la conclusion que la société n'est plus digne de crédit et que l'autorisation d'opérer doit lui être retirée. Par contre, pour que la procédure de faillite puisse reprendre son cours, il faut que le Conseil fédéral avise le juge compétent que la tentative d'assainissement a échoué. Il donne son assentiment à la continuation de la procédure. Ce faisant, il ne propose ni n'ordonne l'ouverture de la faillite. C'est au juge qu'appartient cette décision et c'est uniquement en application du droit commun qu'elle doit être prise. Le juge peut encore prendre des mesures conservatoires, si tant est que la nécessité s'en fasse sentir après la tentative du Conseil fédéral. D'ailleurs, ce dernier peut prendre les décisions prévues à l'article 16, même après l'ouverture de la faillite, pour autant toutefois qu'il s'agit d'assurances garanties par le fonds de sûreté. Si le juge écartait la réquisition de faillite, la société devrait être liquidée extrajudiciairement, car il ne saurait être question de l'autoriser à continuer ses affaires.

Art. 22. 5. Dérogation à la loi sur le contrat d'assurance.

L'article 37 de la loi sur le contrat d'assurance dispose au premier alinéa qu'en cas de faillite de l'assureur, le contrat prend fin' quatre semaines après la publication de la faillite et alors, d'après le 3° alinéa, le preneur a droit à la réserve mathématique du contrat.

Mais l'application de cette disposition entraînerait la dissolution du portefeuille. Pour payer, si possible, les réserves mathématiques, le fonds devrait être réalisé. Or, même au cas où ces réserves seraient entièrement couvertes, cette liquidation causerait un dommage aux assurés, car la plupart d'entre eux ne pourraient retrouver assureur qu'à des conditions aggravées, ou ne pourraient plus s'assurer du tout.

Le projet tend à éviter cette conséquence en disposant que l'ouverture de la faillite n'entraînera pas les effets de droit privé prévus à l'article 37 LCA. Cette dernière disposition sera par contre applicable aux autres assurances conclues par la société (ainsi assurances accidents et responsabilité civile). Quant aux contrats pour lesquels des sûretés ont été constituées dans d'autres pays, ils seront liquidés d'après les dispositions du droit étranger. Les ayants droit pourront produire dans la faillite, en Suisse, pour la partie non couverte de leurs créances.

Art. 23. Procédure. 1. Appel aux créanciers (voir p. 955).

Les dispositions du titre septième de la loi sur la poursuite pourdettes et la faillite ne sont pas faites pour la faillite d'une société d'assurances sur la vie et seraient d'ailleurs partiellement inappli-

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cables. Il a fallu introduire dans le projet des dispositions spéciales pour tenir compte des particularités inhérentes à ces entreprises.

La formation de la masse et l'établissement de l'inventaire ne présenteront vraisemblablement aucune difficulté, les livres ide la société devant être tenus conformément aux prescriptions très strictes de l'autorité de surveillance. D'ailleurs, l'état des biens aura probablement fait l'objet d'une constatation précise pendant la tentative d'assainissement. Il n'y a donc pas lieu de déroger aux disposition« delà première section du titre septième de la loi précitée.

Il en est autrement de l'appel aux créanciers. D'après l'article 232 LP, l'ouverture de la faillite doit être publiée. Les créanciers -- c'est-à-dire aussi les assurés -- sont sommés de produire leurs créances dans le délai d'un mois, et ils doivent remettre à l'office des faillites leurs moyens de preuve (polices, avenants, etc.), en original ou en copie authentique ; pour les créanciers domiciliés hors d'Europe, l'office peut prolonger le délai. Mais s'ils sont créanciers de la société, les assurés en sont aussi les débiteurs, soit pour le montant des primes, soit éventuellement pour le montant d'un prêt ou d'une avance sur police. A ce titre, ils devraient être sommés de se faire connaître sous les peines de droit, dans le même délai. Aux termes de l'article 233 LP, un exemplaire dB la publication doit être adressé à tous les créanciers connus. Il tombe sous le sens que ces dispositions sont inapplicables à une grande société d'assurances sur la vie. Elles entraîneraient un1 énorme travail de bureau, dont les frais seraient considérables. D'ailleurs, ce travail peut être évité sans que les créanciers aient à en souffrir, cari leurs droits sont constatés par les livres et documents tenus par la société. Dans ces conditions, l'appel aux créanciers pourrait être facilement remplacé par une disposition analogue à celle de l'article 246 LP relative aux créances inscrites au registre hypothécaire ou foncier, ou encore à celle de l'article 13 de la loi de secours, concernant les créances résultant de contrats passés avec les compagnies allemandes. En d'autres termes, les assurances inscrites dans les registres de la société pourront être réputées produites. Toutefois, ces registres peuvent contenir des
lacunes ou de,s inexactitudes, et, comme la liquidation de la société doit être accomplie une fois pour toutes, il n'est pas possible de faire totalement abstraction d'un appel aux créanciers. Mais on pourra simplifier considérablement l'obligation de produire qui leur est imposée ; on pourra même les en dispenser còniplètement sous certaines conditions. Cependant un semblable règlement doit reposer sur une base légale.

Or les circonstances de la faillite d'une société d'assurances sur la vie peuvent être diverses et il n'est pas possible de dire à priori

'988 quelle forme l'appel aux créanciers devra revêtir pour correspondre à toutes ces circonstances. C'est pourquoi nous avons renoncé à rien lixer à ce propos dans le projet. Il appartiendra au Conseil fédéral d'en arrêter les modalités de forme et de fonds, dans chaque cas d'espòce, en s'écartant au besoin des dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Conformément à l'article 26, 2e alinéa, le Conseil fédéral produira dans la faillite une créance globale correspondant à un découvert éventuel du fonds de sûreté. Le calcul de î-e découvert établi par l'autorité de surveillance liera l'administration de la faillite. Dans les Etats étrangers qui possèdent des lois sur la surveillance des entreprises d'assurances, l'appel aux créanciers sera réglé en premier lieu conformément aux dispositions de ces lois.

Art. 24. 2. Administration de la faillite (voir p. 955).

De même que les dispositions sur l'appel aux créanciers, celles «lui régissent l'administration de la masse (LP, titre septième, sectio'n III) sont à bien des égards inapplicables à la faillite des sociétés d'assurances sur la vie. Il serait impossible de constituer valablement une assemblée des créanciers. Les preneurs d'assurances prêts à y assisfer seraient sûrement trop peu nombreux pour qu'on puisse parler d'une représentation sérieuse des assurés. Il serait vain de chercher à amender les dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, en abaissant par exemple le quorum nécessaire pour que l'assemblée puisse prendile des décisions valables. Pour être convenablement et équitablement représentés, les intérêts de tous les créanciers doivent être confiés au Conseil fédéral. En d'autres termes, les attributions de l'assembleo doivent lui être abandonnées. Il pourra charger une administration spéciale de liquider la faillite. Il nommera en cette qualité un ou des spécialistes. En outre, il mettra à leur disposition le personnel et l'appareil technique nécessaires et, à ee propos, il n'aura le plus souvent qu'à reprendre le personnel de la société en faillite. D'ailleurs, il pourra aussi choisir en qualité de liquidateur un autre assureur autorisé à exploiter en Suisse la branche vie. Enfin, il pourra conférer au liquidateur ainsi nommé ioutes les compétences de la première et de la seconde assemblées
des créanciers (art. 235 et 252 LP). Il s'agit de l'administration et de la liquidation de la masse, qui s'opéreront en conformité des dispositions du droit commun.

Comme il n'y a pas d'assemblée des créanciers, il ne peut pas non plus y avoir une commission de surveillance, telle qu'en prévoit l'article 237, 3e alinéa, LP. Mais l'administration de la faillite est soumise au contrôle du Conseil fédéral, qui pourra d'ailleurs l'organiser comme il le jugera nécessaire. Il pourra nommer une commis-

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«ion1 de surveillance jouissant de pouvoirs analogues à ceux prévus à l'article 237, 3e alinéa, LP. Au surplus, il pourra en tout temps demander à l'administration un rapport sur l'état de la faillite et lui donner des instructions imperatives contre lesquelles, par dérogation à l'article 239 LP, les créanciers n'ont pas le droit de plainte.

Art. 25.

Compensation.

Si une société possède plusieurs fonds, chacun doit répondre en premier lieu, conformément à l'article 14, de l'exécution des obligations qu'il a pour objet de garantir. En droit, la situation est la même qu'en ce qui concerne les différents cautionnements constitués par une seule et même société pour diverses branches d'assurances (art. 2, 2e al.,. LC). Les différents fonds ne sont pas solidaires et le découvert de chacun d'eux donne naissance à une créance qui doit être produite comme telle dans la masse.

Mais il est possible qu'au moment de l'ouverture de la faillite, un des fonds présente un excédent, alors qu'un autre accuse un découvert. En pareil cas, la solidarité ne peut pas être complètement exclue. Au contraire, l'excédent du premier fonds sera employé à compenser le découvert du second, avant de tomber dans la masse.

Si plusieurs fonds présentent un excédent ou plusieurs un découvert, l'excédent de ceux-là sera réparti proportionnellement entre ceux-ci.

S'il y a un solde, il rentre dans la masse.

Art. 26. Privilège (voir p. 956).

Le projet confère un privilège à toutes les créances résultant d'assurances sur la vie conclues en Suisse et à l'étranger. Pour les sociétés à exploitation mixte, ce privilège va de pair avec celui que l'article 17 LC réserve aux assurés des autres branches. Dans l'une et l'autre lois, le privilège consiste dans la collocation desdites créances en troisième classe. Les assurés d'une branche ne sont donc pas préférés à ceux d'une autre. De toute façon, d'ailleurs, la collocation en troisième rang paraît équitable. Les créances résultant de primes payées par avance, ainsi que des sommes assurées et parts de bénéfices laissées volontairement en dépôt ne constituent pas, à proprement parler, des prétentions du droit des assurances et ne sont donc pas privilégiées (v. ci-dessus p. 962 s.).

En ce qui concerne les assurances garanties par le fonds de sûreté, le privilège de chaque assuré pris individuellement est absorbé dans un privilège d'ensemble qui sera exercé au profit du fonds.

Ainsi en dispose expressément le 2e alinéa. Cette prescription permettra d'employer un dividende éventuel dans l'intérêt commun des assurés dont les créances sont garanties par le fonds de sûreté. Si

9!)0 le Conseil fédéral décide, conformément à l'article. 30, que le fonds doit être réalisé, le privilège d'ensemble disparaît et chacun des assurés fera valoir son privilège individuellement.

Art. 27. Emploi du fonds de sûreté.

1. Transfert ou liquidation par la Confédération (voir p. 956 s.).

Malgré la faillite, le Conseil fédéral pourra prendre les mesurespropres à maintenir le portefeuille garanti par le fonds de sûreté.

L'emploi du fonds est réglé .d'une façon analogue à celui du cautionnement (art. 9 et 16, 2<> al., LC, message FF 1916, IV, p. 509 s., 523).

Statuant sur cet emploi, le Conseil fédéral peut décider que le portefeuille garanti sera transféré totalement ou partiellement à une autre société, ou qu'il sera liquidé par la Confédération sur la base des contrats d'assurance.

Le transfert est une véritable cession. La société cessiounairs succède à tous les droits et obligations résultant des contrats d'assurance. Cette cession s'effectuera en vertu d'une convention qui' en réglera toutes les modalités.

Si le Conseil fédéral décide que le portefeuille sera liquidlé par la Confédération sur la base des contrats d'assurance, il n'y a pas de cession. Le portefeuille sera distrait de la masse, afin que les contratspuissent être liquidés non pas conformément au droit de la faillite, mais conformément aux conditions d'assurance. Le portefeuille ainsi distrait ne possède pas de personnalité juridique propre. Il constitue une masse séparée qui est administrée par le Conseil fédéral en vertu di'une disposition de 'droit public. Il ne serait possible de conserver une personnalité morale distincte qu'en fondant une société dans le cadre du code des obligations et en lui cédant le portefeuille.

Le Conseil fédéral confiera cette liquidation particulière à un liquidateur, qui pourra être une autorité, une personne physique, un collège de personnes, ou encore une autre société. Le Conseil fédéral déléguera sa compétence à ce liquidateur, qui recevra de lui procuration et instructions.

Le portefeuille sera-t-il transféré à une autre société °? Sera-t-il liquidé par le Conseil fédéral sur la base des contrats ? Cela dépendra des circonstances de chaque espèce. Mais, dans l'un et l'autre cas, la décision du Conseil fédéral sera obligatoire. Le Conseil fédéral agiira en vertu des pouvoirs que le projet lui accoude. Il n'a donc pas besoin' de prendre l'avis des preneurs d'assurances, ni de requérir la collaboration de l'administration' de la faillite. Bref, les conventions passées par le Conseil fédéral avec la société cessionnaire, ou les décisions prises par lui en qu'alité de liquidateur; lient les assurés.

S'il y a plusieurs fonds, le Conseil fédéral pourra prendre des

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décisions différentes quant à l'emploi (tes uns et des autres. Il pourra aussi décomposer un seul et même fonds en plusieurs fonds distincts «t assigner à chacun d'eux un emploi particulier.

Art. 28. 2. Transfert des biens (voir p. 956 et 957).

S'il y a cession de portefeuille ou liquidation officielle par la ·Confédération, les biens du fonds doivent être transférés au nouvel assureur ou au liquidateur, comme il en va du cautionnement en pareil cas (LC art. 9, 1e1' al., message FF 1916, IV, p. 511 s.). Ces biens peuvent être confondus dans le patrimoine de la société cessiionnaire, ou bien celle-ci les administrera à part, sous forme de fonds particulier.

Quant à la Confédération, elle ne devient pas propriétaire, mais gérante des biens qui lui sont transférés. Elle n'assume aucune responsabilité financière du fait de ce transfert, et la fortune nationale ne répond pas de l'exécution des contrats d'assurance. En ce qui concerne la liquidation et la gestion des biens du fonds, la responsabilité de la Confédération et de ses organes est exclusivement réglée par l'article 117 de la constitution fédérale, par la loi fédérale du 9 décembre 1850 sur la responsabilité des autorités et des fonctionnaires de la Confédération, et par les dispositions du code des obligations sur la responsabilité résultant d'actes illicites (art. 41 s).

Art. 29. 3. Modification des assurances (voir p. 957).

Si le fonds de sûreté de la société en faillite est insuffisant pour appliquer l'une des mesures prévues à l'article 27, les contrats dfassurance devraient être résolus, les biens réalisés et le produit de la réalisation distribué au marc le franc entre les assurés. Mais la réalisation par voie de faillite entraînerait vraisemblablement des pertes et des frais élevés. Les créances des assurés en seraient encore réduites et, en même temps, leur prévoyance serait déjouée, alors qu'au prix de quelques sacrifices, ils pourraient éviter les conséquences de la répartition immédiate et bénéficier d'un maintien du portefeuille.

Pour atteindre ce but, dans leur intérêt commun, nous avons pensé qu'il convenait de donner au Conseil fédéral le droit de toucher aux conditions des contrats.

C'est dans cette pensée qu'a été conçu l'article 29. Encore que le fonds soit insuffisamment couvert, il sera peut-être possible de lui donner un des emplois prévus à l'article 27, en appliquant siimpleinent au portefeuille des bases techniques plus optimistes que celles de l'entrsprise dissoute. Mais pour cela, il sera peut-être nécessaire de modifier les conditions générales d'assurance, celles-là surtout qui ont trait à la réductòon, au rachat et à la participation aux bénéfices.

Ce n'est pas tout; la diminution même des sommes assurées sera peut-

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être conforme aux intérêts de l'ensemble -des assurés et préférable, à ce point de vue, à la liquidation du fonds par voie de faillite. Sans doute le bienfait de cette mesure n'est-il pas indéfini. Mais on ne peut tracer de limites à priori. Il s'agit d'une question d'espèce qu'il conviendrait de résoudre en considération des circonstances particulières à chaque cas. Sur ce point encore, la décision concrète doit être abandonnée à l'autorité de surveillance. Ainsi en dispose l'article 29, aux termes diuquel le Conseil fédéral peut modifier les conditions des assurances garanties, pour permettre, en cas d'insuffisance du fonds de sûreté, l'application d'une des mesures prévues à l'article 27. Lo Conseil fédéral, dit encore l'article 29, peut réduire les créances résultant des contrats ou des parts de bénéfices créditées, jusqu'à un montant qui corresponde à la couverture effective.

Art. 30. Réalisation du fonds de sûreté (voir p. 958).

Si le Conseil fédéral estime que la modification des contrats suivant l'article 29 n'est pas dans l'intérêt de l'ensemble des assurés, il ordonnera que le fonds de sûreté soit réalisé. L'administration de lafaillite sera chargée de cette réalisation.

Cette décision emportera les effets attachés par l'article 36, 3e alinéa, LCA à l'ouverture de la faillite. Les contrats seront résolus et les assurés feront valoir; unie créance égale au montant de la réserve mathématique. Les primes arriérées, ainsi que les prêts sur polices et les intérêts échus mais non recouvrés, seront compensés avec la réserve mathématique déterminée par le calcul. Si celle-ci n'est pas suffisante pour permettre la compensation totale, le preneur d'assurance devra verser à la masse la partie des primes qui n'aura pas été compensée. Cette conséquence peut paraître dure, mais découle de la situation juridique créée par le contrat bilatéral d'assurance.

Les ayants droit seront d'abord payés proportionnellement sur le produit des biens du fonds, lesquels, à teneur de l'article 14, servent exclusivement à la garantie de leurs prétentions. Pour le surplus, ils produiront en troisième classe et seront payés sur les biens de la masse (art. 26).

IV. Dispositions pénales.

Art. 31. Amendes administratives.

A l'instar de la loi de surveillance et de la loi sur les cautionnements, le projet distingue
entre les sanctions administratives et les sanctions judiciaires, entre les amendes et les peines. L'article 31 donne au Conseil fédéral le pouvoir d'infliger des amendes à raison des contraventions aux dispositions du projet, ainsi qu'aux ordonnances

9!>3 et décisions rendues en vue (de son exécution. Cette disposition est générale; elle s'applique aussi bien aux contraventions qui sont punies judiciairement qu'à celles qui ne le sont pas. Comme exemple des secondes, on peut citer l'omission de calculer le débit du fonds dans les quatre premiers mois de l'année (art. 4,1er al.) ou d'adresser régulièrement au Conseil fédéral les communications prévues à l'article 9.

L'article 31 frappe éga1 ment d'une amende les contraventions aux ordonnances et décisiors rendues en application du projet. A titre d'exemple, nous pouvons citer, les cas où une société ne procède pas au calcul du débit du fonds ordonné par le Conseil fédéral en cours d'exercice sur la base de l'article 4, 2e alinéa, ou encore le cas où elle n'observe pas les injonctions du Conseil fédéral, quant au lieu dans lequel les valeurs du fonds doivent être conservées (art. 13).

Le pouvoir d'dnfliger des amendes administratives appartient au.

Conseil fédéral comme un des attributs nécessaires de l'autorité de surveillance. Comme dans la loi sur les cautionnements, l'amende administrative peut atteindre 5000 francs. Elle peut être infligée à la société comme telle, à ses organes, à ses directeurs ou aux membres de son personnel qui ont participé à la contravention.

Art. 32. Peines (voir p. 958).

Nous avons montré plus haut (p. 971s.) que les assurés ne possèdent sur les biens du fonds aucun des droits réels prévus dans le code civil suisse. Par contre, ils doivent être protégés par le dnoit pénal contre les actes illicites qui sont de nature à diminuer la sécurité de ces biens. L'article 32 contient rémunération des faits punissables. Ce sont des infractions aux obligations que le projet impose aux sociétés, quant à la constitution et à la conservation du fonds. L'éléJ ment subjectif de ces infractions, c'est l'intention dolosive ou la négligence de l'agent. La négligence est cependant punie moins sévèrement que le dol.

Sous lettre a, l'article 32 prévoit le fait de calculer inexactement le débit du fonds ou de communiquer à l'autorité de survaillance un montant inexact. Il n'y a pas de répression s'il n'y a pas de faute; par exemple, dans le cas d'une simple erreur de calcul ou d'écriture.

Mais s'il y a faute, la répression est pleinement justifiée; elle est même nécessaire, le calcul
inexact ou la communication d'un montant inexact étant de nature à diminuer la sûreté à laquelle les assurés ont droit. Les autres infractions à l'article 4, par exemple le retard dans l'accomplissement des obligations prévues à cet article, ne sont pas réprimées judiciairement, mais, s'il y a lieu, administrativement.

Si le calcul du débit révèle un découvert, le fonds doit être complété dans les délais prévus à l'article 6, par l'affectation des biens.

^994 nécessaires à cet effet. L'inobservation, de cette prescription tombe -sous le coup de la disposition de la lettre b.

L'affectation des biens a lieu par leur inscription d'ans le registre · des sûretés (art. 7). Si ce registre n'est pas régulièrement tenu, le fonds ne peut être constitué ou dûment complété; ce fait est donc punissable.

Sous lettre c, l'article 32 énumère les cas de disposition illicite do 'biens du fonds de sûreté. Aux termes de l'article 10, la société n© peut retirer des biens appartenant au fonds qu'en les remplaçant immédiatement par d'autres biens équivalents, sous réserve de ce qui est dit au 2e alinéa de cet article. Le fait de retirer des biens du fonds en violation de cette règle est punissable. Est, par contre, licite, le retrait .autorisé par l'autorité de surveillance, tel que la désaffectation de biens en cas d'excédent du fonds (art. 11) ou à l'effet de constituer un caiitionnement dans un autre Etat. Doit être considéré comme un retrait · de biens, tout acte qui a pour effet de les soustraire totalement ou partiellement au fonds et par conséquent à la garantie des assurés. Différents actes peuvent avoir; cet effet. Ainsi la radiation d'un bien sans qu'il soit pourvu à son remplacement et sans autorisation du Conseil fédéral; ainsi encore l'aliénation ou la constitution d'un droit réel au profit de tiers, car on se souvient que les droits acquis de bonne foi par ceux-ci sont sauvegardés, malgré l'inscription: au registre des sûretés (art. 8).

L'artiele 32, lettre c, prévoit encore un cas spécial de retrait illicite de biens appartenant au fonds. C'est le cas où des immeubles inscrits au registre sont aliénés ou grevés. De tels actes sont impossibles, dès le moment où, conformément à l'article 7, 2° alinéa, une restriction du droit d'aliéner a été inscrite au registre foncier. Mais, déjà auparavant, ils sont inadmissibles et par conséquent punissables. Sont punis enfin, d'une façon générale, tous les actes qui ont pour effet dft diminuer la sécurité des biens du -fonds, même lorsque lesdits biens n'en sont pas retirés.

Sous lettre d, sont prévus différents cas de faux, savoir l'acte qui consiste à (inscrire inexactement des faits importants dans les registres ou dans les documents qui doivent être présentés à l'autorité de surveillance (art. 9), la contrefaçon
ou la falsification de ces registres et, d'une manière général«, toute fausse indication à l'autorité de surveillance sur le fonds de sûreté et les biens y appartenant.

Comme à l'article 20 LC, le cercle des personnes punissables est très étendu. Le droit pénal n'étant applicable qu'aux personnes physiques, la sanction de l'article 32, à l'inverse de l'amende administrative, ne s'applique pas à la société comme telle. Par contre, elle s'applique non seulement aux organes statutaires, mais aussi aux direc-

teurs et au personnel de la société qui se rendent coupables des infractions prévues sous lettres a à d. Les responsabilités seront établies dans chaque cas particulier.

Si le délinquant a agi intentionnellement, il sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende jusqu'à 20,I009 francs; ces deux peines peuvent être cumulées. L'emprisonnement peut atteindre six ans conformément à l'article 4 du code pénal fédéral du 4 février 1853. Cette peine est plus sévère que celle de l'article 20 de la loi sur les cautionnements, où l'emprisonnement est limité à deux ans au plus. Cette sévérité est justifiée si l'on songe combien il est plus facile de disposer abusivement des biens du fonds de sûreté que des valeurs du cautionnement. Nous rappelons simplement que, tandis que le cautionnement est déposé à la banque nationale suisse ou dans tout autre lieu désigné pa.r le Conseil fédéral, le fonds de sûreté reste en la possession de la société, bien qu'elle doive le g'érer séparément de ses autres biens. Les dispositions pénales sont un des éléments essentiels de la protection des assurés. Il n'y a donc pas lieu de redouter une certaine rigueur.

Si l'infraction a été commise par négligence, la peine consiste, comme dans la loi sur les cautionnements, en une amende jusqu'à 10,000 francs. L'emprisonnement n'est pas prévu dans ce cas.

Art. 33. Application du droit pénal fédéral.

Les dispositions générales du code pénal du 4 février 1853 sont applicables à titre subsidiaire aux infractions prévues à l'article 32.

Ces dispositions sont celles de la premiere partie, titres I à VII. (Des peines et de leurs effets. Du dol et de la faute. Des crimes ou délits consommés et de la tentative. De l'auteur et des complices. De l'impittabilité. De l'application de la peine, des circonstances atténuantes et aggravantes, et de la commutation des peines. DP l'extinction de la pénalité par la prescription.)

Art. 34. Juridiction pénale fédérale.

Les infractions prévues à l'article 32 sont soumises à la juridiction pénale fédérale. Le Conseil fédéral peut toutefois en déléguer l'instruction et le jugement aux autorités cantonales (art. 125 O.TF des 22 mars 1893 et 25 juin 1921). Mais il va de soi que les tribunaux cantonaux devront appliquer, dans ce cas le droit pénal fédéral.

Art. 35. Retrait de la concession.

Lorsqu'une amende administrative a été infligée ou qu'une peine a été prononcée, le Conseil fédéral peut retirer la concession à la société, comme d'après la loi sur les cautionnements. Même dans le seFeuille lédéraie. 80e année. Vol. II.

76

996

comï cas, cette décision n'appartient qu'au Conseil fédéral et non au tribunal qui a prononcé la peine (cour pénale fédérale ou instance cantonale). En effet, il ne s'agit pas là d'une sanction pénale, mais d'xin des actes inhérents à l'exercice de la surveillance, c'est-à-dire d'un attribut exclusif de l'autorité qui en est chargée. La décision du Conseil fédéral n'est pas subordonnée au délai prévit à l'article 9, 2« alinéa, LS.

V. Dispositions transitoires et finales (voir p. 958 s.).

Art. 36. Première constitution du fonds de sûreté.

Le régime instauré par la loi nouvelle débutera par le premier calcul du débit et par l'affectation de biens pour une valeur égale à ce montant. La loi ne peut pas fixer à priori l'époque à laquelle le fonds devra être constitué pour; la première fois. Ce terme ne dépend pas seulement de la date à laquelle la loi entrera en vigueur. On doit tenir compte encore des circonstances particulières à chaque société.

Aussi le projet abandonne-t-il ce point à la décision du Conseil fédéral. En principe, cette première constitution du fonds devra intervenir au plus tôt et, si possible, au même moment pour toutes les sociétés.

Art. 37. Biens gérés par les réassureurs.

En posant le principe d'après lequel la part des réassureurs est garantie par le fonds du premier assureur, l'article premier, 1er alinéa in fine, suppose que celui-ci a en mains la contre-valeur des réserves mathématiques afférentes à ladite part. Telle est d'ailleurs aujourd'hui la pratique usuelle. Cependant on trouve encore un certain nombre d'anciens contrats de réassurance aux termes desquels les biens dont il s'agit sont dans la possession des réassureurs. Pour l'ensemble du portefeuille suisse d'assurances sur la vie, ces biens constituent une sommé totale de 10,358,991 francs après conversion des valeurs étrangères en francs suisses axix cours adoptés dans le bilan.

Des accords avec les réassureurs seront nécessaires pour faire passer lesdits biens en la possession du premier assureur. Il convient que le Conseil fédéral puisse octroyer les délais nécessaires à la conclusion! et à l'exécution de tels accords. Dans l'intervalle, les biens manquants seront remplacés dans le fonds de sûreté par la créance du premier assureur sur le réassureur, à moins toutefois que celui-là ne prélève sur son propre patrimoine des biens équivalents.

Art. 38. Assurances de la loi de secours.

Aux termes
997

valeur des réserves mathématiques des nouvelles assurances conclues auprès d'elles en application de cette loi. On a voulu constituer une sûreté spéciale pour ces assurances; et dans le cadre du droit positif cela n'était po.ssible que par la prestation d'un cautionnement, en conformité de la loi du 4 février 1919.

Le prissent projet ne porte pas préjudice à cette sûreté spéciale, mais elle ne revêtira plus désormais le caractère d'un cautionnement.

Les valeurs déposées constitueront des fonds particuliers dans le sens de l'article premier, 2e alinéa, de la loi nouvelle et seront soumises aux diverses dispositions du projet. La banque nationale suisse pourra être considérée, à ce point de vue, comme un lieu de dépôt désigné spécialement par, le Conseil fédéral, en conformité de l'article 13, 2e alinéa, deuxième phrase.

Art. 39. Dispositions applicables aux compagnies étrangères.

L'article 39 excède en une certaine mesure le cadre du présent projet, puisqu'il étend l'application de telles de ses dispositions aux sociétés étrangères dFassurances sur la vie. Il s'agit des articles qui donnent au Conseil fédéral le pouvoir; de prendre certaines mesures pour le maintien du po-rjtefeuille dans la procédure d'assainissement et dans la faillite.

La loi sur les cautionnements limite ces pouvoirs à l'interdiction des rachats et avances sur polices pour la durée de trois ans au maximum (art. 8, 2e al., et 9, 2e al., LC). .Mais, à ce point de vue, les motifs qui nous ont amenés à étendre les attributions du Conseil fédéral, en vue de sauvegarder; le portefeuille de nos sociétés nationales, peuvent aussi être invoqués à propos du portefeuille suisse des compagnies étrangères. L'absence de ces attributions s'est fait sentir pendant la liquidation des affaires suisses des compagnies allemandes d'assurances sur la vie.

L'article 29 doit remédier à cet inconvénient. Il donne au Conseil fédéral, à l'égaid des compagnies étrangères d'assurances sur la vie, la même compétence que les articles 16, 2e alinéa, et 29 à l'égard des sociétés suisses. Ces deux articles remplaceront donc désormais les articles 8, 2e alinéa, et 9, 2e alinéa, LC.

Art. 40. Exécution de la loi.

Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter la loi. Il réunira dans une ordonnance les prescriptions et instructions d'une portée générale nécessaires à cet effet.

Art. 41. Recours de droit administratif.

La loi fédérale sur la juridiction administrative et disciplinaire prescrit à l'article VII, 1er alinéa, de l'annexe, que toutes les dèci-

sions prises par, le département fédéral de justice et police ou par le bureau fédéral des assurances en vertu de la loi concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance et de la loi sur les cautionnements des sociétés d'assurances, excepté le refus de l'autorisation d'exploiter une entreprise de cette nature, sont susceptibles de recours de droit administratif au Tribunal fédéral au sens de l'article 4, lettre c, de ladite loi. L'alinéa 2, lettres a à /, de cet article VII énumère un certain nombre des principales espèces de décisions de ce genre.

Les lois mentionnées à l'article VII de l'annexe à la loi fédérale sur la juridiction administrative et disciplinaire constituaient, au moment où cette dernière loi a été arrêtée par les chambres, la base légale de la surveillance en matière d'assurance privée. La loi de garantie vient maintenant s'ajouter aux autres lois de surveillance.

Il n'y a pas de raison pour que le recours de droit administratif, existant contre les décisions prises en vertu de la loi de surveillance et de la loi sur les cautionnements; ne soit pas réservé aussi contre celles prises en application de la loi de garantie. L'article 41 du projet tient compte de ce fait.

Par suite de -cette réglementation, la compétence de prendre les décisions fondées sur la loi de garantie est ici aussi déléguée de par la loi au département de justice et police ou au bureau des assurances, conformément à l'article 50 de la loi fédérale sur la juridiction administrative et disciplinaire. L'ordonnance d'exécution du Conseil fédéral fixera les attributions respectives de ces deux autorités.

Art. 42. Abrogation du droit antérieur.

Toutes les prescriptions du dlro'it actuel sont abrogées dans -la mesure où elles sont contraires à la loi nouvelle. Nous avons choisi la forme d'une clause générale d'abrogation, car il n'aurait pas été possible d'énumérer limitativement toutes les dispositions légales qui sont en contradiction avec le présent projet.

Veuillez agréer, Monsieur le président et Messieurs, l'assurance de n'otre haute considération.

Berne, le 23 novembre 1928.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, SCHULTHESS.

Le chancelier de la Confédération, KAESLIN.

999

(Projet.)

Loi fédérale concernant

la garantie des obligations assumées par les sociétés suisses d'assurances sur la vie.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 34, 2e alinéa, de la constitution, vu le message du Conseil fédéral du 23 novembre 1928,

arrête : I. Le fonds de sûreté.

Article premier.

Toute société suisse d'assurances sur la vie soumise à la surveillance de la Confédération par la loi fédérale du 25 juin 1885 concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance (loi de surveillance) doit constituer un fonds de sûreté, destiné à garantir les obligations de la société envers les personnes assurées sur la vie. Le fonds de l'assureur, doit aussi garantir la part des réassureurs.

Le Conseil fédéral peut décider que des fonds particuliers seront constitués pour certains groupes d'assurés.

But de la loi.

1. Garantie den droits des assurés.

Art. 2.

La société n'est pas tenue de garantir conformément à la présente loi les obligations pour lesquelles elle doit constituer des sûretés à l'étranger.

Art. 3.

Le fonds de sûreté est égal à la somme : 1. des réserves mathématiques des contrats en cours, calculées sur les bases fixées dans le plan d'exploitation de la société; 2. des provisions pour; prestations d'assurance en suspens;

2. Exceptions.

Débit du fonds.

1. Montant.

1000

S. Calcul.

Constitution du fonds.

1 Affectation de biens.

3. des parts de bénéfices individualisées et créditées aux preneurs d'assurances; 4. d'un montant constituant une garantie supplémentaire.

Les prêts et avances sur polices, ainsi que les primes échues mais non recouvrées et les primes sursises, peuvent être déduits de cette somme.

Art. 4.

Le débit du fonds de sûreté est calculé par la société dans les quatre premiers mois de chaque exercice. Il est égal aux obligations en cours à la clôture des comptes.

S'il y a de justes motifs, le Conseil fédéral peut ordonner que le débit soit calculé durant l'exercice, sur la base des obligations en cours, à une date fixée par. lui.

Le Conseil fédéral peut ordonner en tout temps une estimation du débit.

Art. 5.

La société constitue son fonds de sûreté en y affectant des biens pour une valeur égale au montant du débit.

Art. 6.

2. Complètement du fonds.

.",. Registre des sûretés.

4. Effets de l'inscription.

Si le calcul du débit prévu à l'article 4, lei' alinéa, révèle un découvert, le fonds devra être complété, dans le délai d^un mois, par l'affectation des biens nécessaires à cet effet.

Si le calcul ou l'estimation du débit prévus à l'article 4, 2e et 3e alinéas, révèlent un découvert, le Conseil fédéral détermine le délai dans lequel le fonds devra être complété.

Art. 7.

Les biens sont affectés au fonds de sûreté par leur inscription dans un registre des sûretés, que la société tiendra conformément aux instructions du Conseil fédéral.

L'affectation d'immeubles sera d'ailleurs annotée au registre foncier. Cette annotation comporte une restriction du droit d'aliéner, au sens de l'article 960 du code civil suisse, du 10 décembre 1907. Elle est faite SUT l'ordre du Conseil fédéral.

Art. 8.

Les biens sont réputés appartenir au fonds aussi longtemps qu'ils sont inscrits dans le registre des sûretés, sans préjn'dice des droits compétant à des tiers de bonne foi.

1001 Art. 9.

Dans le délai d'un mois après le calcul du débit prévu à l'article 4,1er alinéa, la société en communique le résultat au Conseil fédéral et lui remet un état des biens affectés au fonds.

Le Conseil fédéral déterminera la forme en laquelle ces communications devront lui être faites.

Communications au Conseil fédéral.

Art. 10.

La société ne peut retirer, des biens affectés au fonds de Retrait de biens.

sûreté qu'à condition d'e les remplacer immédiatement par d'au- 1. Remplacement.

tres biens équivalents.

S'il y a des raisons spéciales, le Conseil fédéral peut toutefois accorder des délais à la société pour remplacer, les biens retirés.

Art. 11.

Si le calcul du débit prévu à l'article 4, !<* alinéa, révèle un 2. Libération.

excédent dhi fonds de sûreté, le Conseil fédéral autorise la société à désaffecter des biens, jusqu'à concurrence de cet excédent.

Le Conseil fédéral peut autoriser la désaffectation, lorsque l'excédent ressort du calcul ou de l'estimation prévus à l'article 4, 2e et 3e alinéas, ou lorsque la société en apporte spontanément la preuve.

Art. 12.

Le Conseil fédéral déterminera, par voie d'ordonnance, les Composition du fonds.

biens que les sociétés seront autorisées à affecter au fonds de sûreté, le mode d'évaluation de ces biens et la mesure dans laquelle le fonds devra être constitué par des valeurs suisses.

Art. 13.

La société doit tenir les biens du fonds de sûreté séparés du reste de son patrimoine.

La détermination de l'endroit où lesdits biens seront conservés est soumise à l'approbation dta Conseil fédéral. Celui-ci peut toujours ordonner, pour de justes motifs, qu'ils soient transférés dans un autre endroit.

Si la gestion du fonds l'exige, la société peut retirer momentanément des valeurs de l'endroit où elles sont conservées.

Art, 14.

Les biens affectés au fonds de sûreté et leurs revenus non encore perçus répondent en premier lieu, conformément aux dispositions de la présente loi, de l'exécution des obligations que le fonds a pour objet de garantir.

Conservation du fonds.

Destination du fonds.

1002

II. Mesures conservatoires.

Assainissement.

Décisions du Conseil fédéral.

Nomination d'un liquidateur.

Art. 15.

Si les intérêts dies assurés paraissent menacés, le Conseil fédéral met la société en demeure de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de sa situation.

Le Conseil fédéral peut esiger la convocation d'une assemblée générale ou d'un autre organe social ayant qualité pour prendre toutes décisions concernant lesdites mesures. Il peut se faire représenter dans les délibérations des organes sociaux sur cet objet.

Art. 16.

Le Conseil fédéral peut prolonger le délai fixé à l'article 6, 1er alinéa, pour le complètement du fonds.

Il peut en outre interdire le rachat et les prêts et avances sur polices et accorder un sursis à la société pour l'exécution de ses obligations, et aux preneurs pour le paiement de leurs primes.

Pendant le sursis au paiement des primes, l'assurance ne peut être résiliée ou réduite qu'à la demande écrite du preneur d'assurance.

Art. 17.

Si la situation ne peut être rétablie, et si la société doit être liquidée, le Conseil fédéral peut lui nommer un liquidateur.

III. Faillite.

Ouverture de la faillite.

t. Assentiment du Conseil fédéral.

Art, 18.

La faillite d'une société ne peut être prononcée qu'aven l'assentiment du Conseil fédéral.

Art, 19.

Si l'administration dl'une société avise le juge de son insolvabilité, conformément aux articles 657, 2e alinéa, ou 704, 1er alinéa, du code des obligations, ou si un créancier requiert la faillite, le juge en informe immédiatement le Conseil fédéral.

Jusqu'à nouvel ordre, le juge ajourne sa décision sur l'ouverture de la faillite.

Art. 20.

3. Mesures ordonLe Conseil fédéral examine si la situation de la société peut nées par le Conseil fédéral. encore être rétablie. Le cas échéant, il prend les dispositions et décisions prévues aux articles 15 et 16.

2. Avis au Conseil fédéral,

1003 Art. 21.

Si la Situation ne peut être rétablie, le Conseil fédéral autorise le juge à poursuivre la pro-céchir,e de faillite.

4. Autorisation de prononcer la Faillite.

Ait. 22.

à.

En dérogation à l'article 37, 1er alinéa, de la loi fédérale du a. laDérogation loi sur le 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance, l'ouverture de la faillite contrat d'assurance.

n'entraîne pas l'extinction des assurances garanties par le fonds de sûreté.

Art. 23.

L'appel aux créanciers peut être réglé par des prescriptions spéciales du Conseil fédéral, dérogeant aux dispositions de la loi fédérale du 11 avril 1889 suri la poursuite pour dettes et la faillite.

Les créances d'assurés qui peuvent être constatées au moyen des livres de la société sont réputées produites.

Procédure.

1. Appel aux créanciers.

Art. 24.

Administration Le Conseil fédéral peut désigner; pour, la liquidation de la '2. de la faillite.

faillite une administration spéciale et lui conférer tous les pouvoirs de l'assemblée des créanciers.

Il peut, en tout temps, demander à l'administration un rapport sur l'état de la faillite et lui donner des instructions imperatives.

Art. 25.

Si une société possède plusieurs fonds, le découvert des uns .nera cotnpensé par l'excédent des autres.

Compensation.

Art. 26.

Les preneurs d'assurances et ayants droit sont colloques en troisième classe pour la partie non couverte de leurs créances.

Le privilège prévu à l'alinéa précédent est exercé au profit du fonds de sûreté, pour l'ensemble des assurances que ce fonds doit garantir.

Art. 27.

Privilège.

Le Conseil fédéral peut décider que le portefeuille de la so- Emploi du fonds de sûreté.

ciété en faillite garanti par le fonds de sûreté sera transféré Transfert ou totalement ou partiellement, avec droits et obligations, à une 1. liquidation par la Confédéautre société ou qu'il sera liquidé par la Confédération sur la ration.

base des contrats d'assurance.

1004 Ast. 28.

2. Transfert des biens.

Si le Conseil fédéral fait usage de la faculté prévue à l'article 27, les biens du fonds de sûreté sont transférés de plein droit au nouvel assureur ou à la Confédération.

En fait d'immeubles, l'article 656, 2e alinéa, d*u code civil suisse est applicable.

Art. 29.

3. Modification des assurances.

Pour permettre, en cas d'insuffisance du fonds, l'application d'une des mesures prévues à l'article 27, le Conseil fédéral peut modifier les conditions des assurances garanties par le fonds et réduire les créances résultant des contrats ou des parts de bénéfices créditées, jusqu'à un montant qui corresponde à la couverture effective.

Art. 30.

Réalisation du fonds de sûreté.

Si le Conseil fédéral estime que la réduction des créances n'est pas dans l'intérêt de l'ensemble des assurés, il charge l'administration d'e la faillite de réaliser le fonds de sûreté.

La décision prise par le Conseil fédéral à teneur du premier alinéa emporte extinction des contrats. Dès ce moment, les preneurs d'assurances et ayants droit peuvent exercer les droits prévus à l'article 36, 3e alinéa, de la loi sur le contrat d'assurance et faire valoir les créances résultant des assurances échues et des parts de bénéfices créditées.

IV. Dispositions pénales.

Amendes administratives.

Art. 31.

Le Conseil fédéral peut infliger .des amendes administratives jusqu'à cinq mille francs aux sociétés, à leurs organes, à leurs directeurs et à leurs auxiliaires qui contreviennent aux dispositions de la présente loi et aiix ordonnances et décisions rendues en vue de son exécution.

Art. 32.

Peines.

Les organes, les directeurs et les auxiliaires d'une société qui, intentionnellement, a) calculent inexactement le débit dta fonds .de sûreté ou communiquent à l'autorité de surveillance un montant inexact,

1005 b) omettent de compléter le fonds de sûreté dans les délais prévus aux articles 6 et 16, 1er alinéa, et de tenir à jour le registre des sûretés, c) retirent sans le consentement de l'autorité de surveillance des biens affectés au fonds de sûreté, sans les remplacer immédiatement ou dans les délais prévus à l'article 10, 2e alinéa, par d'autres biens équivalents, ou grèvent ou aliènent, au détriment du fonds, des immeubles inscrits dans le registre des sûretés, ou commettent tous autres actes ayant pour, effet de diminuer la sécurité des biens appartenant au fonds, d) inscnivent inexactement des faits importants dans les registres ou dans les documents qui doivent être présentés à l'autorité de surveillance, contrefont ou falsifient ces registres ou documents ou donnent, de toute autre manière, de fausses indications à l'autorité de surveillance sur le fonds de sûreté et les biens qui y sont affectés, sont passibles de l'emprisonnement ou de l'amende jusqu'à vingt mille francs. Ces deux peines peuvent êtr.e cumulées.

Si l'auteur a agi par négligence, il est passible de l'amende jusqu'à dix mille francs.

Art. 33.

Sauf prescriptions contraires de la présente loi, les dispositions générales du code pénal fédéral du 4 février 1853 sont applicables aux infractions prévues à l'article 32.

Art. 34.

Les infractions prévues à l'article 32 sont soumises à la juridiction pénale fédérale. Le Conseil fédéral peut toutefois en déléguer l'instruction et le jugement aux autorités cantonales (art. 125 de la loi fédérale des 22 mars 1893 et 25 juin 1921 sur l'organisation judiciaire fédérale).

Ar,t. 35.

Dans les cas mentionnés aux articles 31 et 32, le Conseil fédéral peut retirer la concession à la société.

Application du droit pénal fédéral.

Juridiction pénale fédérale.

Retrait de la concession.

V. Dispositions transitoires et finales.

Art. 36.

Le Conseil fédéral fixe la date à laquelle le débit devra être Première constitufonds de calculé et le fonds de sûreté constitué pour la première fois. tion du sûreté.

1006 Art. 37.

Biens gérés par tes réassureurs.

Le Conseil fédéral pourra accorder des délais à la société pour; le transfert au fonds de sûreté des biens gérés par les réassureurs.

Ari

Assurances de la loi de secours.

Les valeurs qui sont déposées à la banque nationale suisse, conformément à l'article 44 de la loi fédérale du 8 avril 1934 concernant l'affectation des cautionnements de compagnies allemandes d'assurances sur la vie et un secours financier accordé par la Confédération aux assurés de nationalité suisse, constituent des fonds particuliers au sens de l'article premier, 2e alinéa, de la présente loi.

Art. 39.

Dispositions applicables aux compagnies étrangères.

e

Les articles 16, 2 alinéa, et 29 de la présente loi sont applicables aux contrats appartenant au portefeuille suisse des compagnies étrangères d'assurances sur la vie.

Art, 40.

Exécution de la loi.

Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter la présente loi. 11 rend les ordonnances nécessaires à cet effet.

Art. 41.

Recours de droit administratif.

Les décisions prises par le département fédéral de justice et police ou par, le bureau fédéral des assurances en vertu de la présente loi sont susceptibles de recours de droit administratif au Tribunal fédéral, conformément à l'article VII de l'annexe à la loi fédérale du 11 juin 1928 sur la juridiction administrative et disciplinaire.

Art. 42.

Abrogation du droit antérieur.

Les dispositions des lois, ordonnances et arrêtés jusqu'ici en vigueur sont abrogées dans la mesure où elles sont contraires à la présente loi.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale, à l'appui d'un projet de loi fédérale concernant la garantie des obligations assumées par les sociétés suisses d'assurances sur la vie. (Du 23 novembre 1928.)

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