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FEUILLE FÉDÉRALE 95e année

Berne, le 23 décembre 1943

Volume I

Paraît, en règle générale, une semaine sur deux.

Prix: 20 frano par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnements ou de remboursement.

Avis: 60 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur la concession des distilleries domestiques.

(Du 13 décembre 1943.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous adresser notre message à l'appui d'un projet de loi sur la concession des distilleries domestiques.

I. INTRODUCTION Lorsque, il y a 25 ans, une revision du premier régime de l'alcool de 1885 s'avérait nécessaire en raison de la situation privilégiée des distilleries de fruits et de vin et que le législateur envisageait de soumettre toute distillation à la loi, on se heurta déjà aux difficultés que suscitait la question des distilleries domestiques. Les opinions des intéressés divergeaient fortement. Un premier projet de revision, soumis à la votation populaire en 1923, échoua surtout devant l'opposition des agriculteurs aux mesures restrictives proposées pour les distilleries domestiques. Les discussions sur le nouveau projet, de 1925 à 1930, mirent de nouveau aux prises ceux qui voulaient les supprimer ou tout au moins les soumettre immédiatement au régime de la concession, et les représentants de l'agriculture, qui exigeaient que la réglementation des distilleries domestiques ne prévît pas de concession et évitât le plus possible l'ingérence des autorités dans les exploitations agricoles.

Le message du 29 janvier 1926 concernant le nouveau projet de revision de l'article 32 bis de la constitution proposa un régime selon lequel les producteurs étaient autorisés à distiller leurs produits sans concession. Ce point de vue rallia les suffrages du Conseil national, où, particulièrement, Feuille fédérale. 95e année. Vol. I.

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1324 les représentants des agriculteurs refusaient de porter trop gravement atteinte à la liberté de distiller les matières premières provenant du domaine.

Dans la suite, ce projet rencontra une forte opposition des milieux intéressés à la santé publique. Ces milieux voyaient précisément dans le défaut de surveillance des distilleries domestiques l'une des causes de la consommation abusive d'eau-de-vie qui s'était développée sous le régime précédent, lorsque les distilleries de fruits jouissaient d'une liberté complète. Ils demandèrent donc que les distilleries domestiques fussent totalement supprimées, le cas échéant, après un certain délai.

En vue de concilier les thèses en présence, M. Baumann, alors président de la commission du Conseil des Etats chargée d'étudier le projet de revision, proposa de supprimer, contre indemnité, les distilleries domestiques qui existeraient encore après un délai de dix ou quinze ans ou de les soumettre au régime de la concession, sous certaines conditions. Lors d'une conférence avec les intéressés, la discussion montra que le projet de supprimer les distilleries domestiques après un certain délai vouait la revision à un échec certain. En revanche, la proposition de les soumettre au régime de la concession après dix ou quinze ans, combinée avec la faculté donnée à la Confédération de racheter les alambics à l'amiable, fut agréée tant par les agriculteurs que par les milieux intéressés à la santé publique. Au cours de la séance du Conseil des Etats du 27 septembre 1928, M. Baumann, président de la commission, qui faisait rapport sur le projet, s'exprima en ces termes: « . . . Cette concession, permettra à la régie des alcools d'exercer un contrôle fort nécessaire sur toute la production d'eau-de-vie. D'après le texte que nous avons choisi, la concession ne pourra pas être refusée arbitrairement; elle devra être accordée aux conditions que la loi fixera. Quelles seront ces conditions ?

Une loi les précisera, loi que, de nouveau, les chambres fédérales élaboreront et qui sera soumise au referendum ... ».

Le texte issu des délibérations du Conseil des Etats et complété au Conseil national par la disposition prévoyant que la concession serait accordée « sans frais » devint le quatrième alinéa de l'article 32 bis de la constitution, dont la teneur est la suivante: « La production non industrielle des eaux-de-vie de fruits et déchets de fruits, de cidre, de vin, de marcs de raisin, de lies de vin, de racines de gentiane et d'autres matières analogues est autorisée dans les distilleries domestiques déjà existantes ou dans dos distilleries ambulantes, en tant que ces matières proviennent exclusivement de la récolte indigène du producteur ou ont été récoltées à l'état sauvage dans le pays. L'eau-de-vie ainsi obtenue, qui est nécessaire au ménage et à l'exploitation agricole du producteur, est exempte d'impôt.

Les distilleries domestiques existant encore âpres l'expiration d'un délai de quinze ans dès l'acceptation du présent article devront, pour continuer leur exploitation, demander une concession, qui leur sera accordée sans irais aux conditions à fixer par la loi. »

Pour dissiper toute crainte, l'article constitutionnel prévit expressément que les conditions auxquelles la concession serait accordée aux bouilleurs de cru après l'expiration du délai de quinze ans seraient fixées

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par une loi. Cette loi n'est pas appelée à remplacer les dispositions sur les distilleries domestiques que contient la loi actuelle; elle doit uniquement les compléter et les modifier dans la mesure exigée par l'institution de la concession et les questions connexes. L'article constitutionnel prévoyant un délai de 15 ans dès la votation du 6 avril 1930, il convient de s'y prendre à temps pour que cette loi puisse entrer en vigueur le 6 avril 1945.

II. LE RÉGIME DES DISTILLERIES DOMESTIQUES SELON LES DISPOSITIONS DE 1930/1932 Avant de vous soumettre des propositions sur la manière de régler la concession des distilleries domestiques, nous tenons à vous décrire brièvement la situation telle qu'elle se présente sous le régime de la loi actuelle et de nos ordonnances d'application.

1. L'article constitutionnel restreint déjà le nombre des bouilleurs de cru pouvant distiller sans concession; il ne reconnaît ce droit qu'aux producteurs qui emploient un appareil déjà existant pour y mettre en oeuvre exclusivement les matières provenant de leur domaine ou récoltées par eux-mêmes à l'état sauvage ; ces matières se limitent aux fruits et déchets de fruité, cidre, vin, marcs de raisin, lies de vin, racines de gentiane et autres matières analogues. Pour dénombrer les appareils existants, un arrêté du Conseil fédéral du 26 juin 1930 ordonna un recensement, qui eut lieu du 1er au 6 septembre 1930. Au vu des résultats de ce recensement, les petites exploitations furent reconnues comme distilleries domestiques déjà existantes, à la condition, bien entendu, de répondre aux exigences de la nouvelle législation. Cet arrêté disposa aussi que les appareils qui n'avaient pas été déclarés étaient considérés comme non existants et exclus, de ce fait, du rachat par la Confédération ; ils ne pouvaient plus être employés pour la distillation. L'article 5 du même arrêté prévoyait que l'acquisition de nouveaux appareils à distiller, de même que le transfert d'appareils à une autre exploitation, étaient assujettis à une autorisation de la régie.

Celle-ci devait l'accorder lorsque aucun abus n'était à craindre et que le nombre des distilleries n'en était pas augmenté. Ces mesures limitèrent le libre trafic des alambics, ce qui était indispensable si l'on voulait les surveiller efficacement et empêcher leur multiplication.
La loi sur l'alcool du 21 juin 1932 complète ces dispositions dans son article 14, qui prévoit que les bouilleurs de cru ne peuvent utiliser que les appareils déclarés au recensement et que ceux-ci ne peuvent être déplacés qu'avec l'autorisation de la régie. Une autorisation est aussi nécessaire pour remplacer un appareil, le transformer d'une manière propre à augmenter sa capacité de production ou le transférer à un tiers, si cet acte n'est pas en rapport avec le transfert de l'exploitation agricole.

L'article 14 délimite le domaine de la distillerie domestique, conformément à l'article constitutionnel, en ne permettant que la production non

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industrielle des eaux-de-vie de fruits et déchets de fruits, de cidre, de poiré, de raisins, de vin, de marcs de raisin, de lies de vin, de racines de gentiane, de baies et d'autres matières analogues et en exigeant que ces matières proviennent exclusivement de la récolte indigène du producteur ou aient été récoltées par ses soins à l'état sauvage dans le pays. A titre exceptionnel, les bouilleurs de cru dont la récolte a été fortement diminuée par la grêle ou un autre phénomène naturel peuvent être autorisés à distiller des matières fournies par des tiers. Ce traitement particulier, qui laisse les bouilleurs de cru au bénéfice de la franchise d'impôt, est subordonné à une concession spéciale de la régie, .t

Ö

2. L'article 15 de la loi sur l'alcool prévoit que la surveillance, des distiUeries domestiqués incombe à la régie, qui peut en déléguer l'exercice direct aux offices locaux de surveillance et recourir à la collaboration des autorités cantonales et communales. Cette surveillance diffère du contrôle des distilleries professionnelles, et l'on ne saurait appliquer aux distilleries domestiques les moyens de contrôle techniques, tels que les compteurs ou l'apposition de scellés; la surveillance doit être réduite au strict nécessaire. Toutefois, les détenteurs d'une distillerie domestique doivent, eux aussi, laisser les agents de la surveillance pénétrer dans les domaines et les locaux de la distillerie, en tant que leur service l'exige. Le règlement d'exécution prévoit en outre que chaque bouilleur de cru est tenu de leur montrer ses inscriptions relatives à la production et à l'emploi de l'eau-de-vie qu'il fabrique et de leur donner toutes les indications nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Ces prescriptions furent aussi déclarées applicables aux commettants-bouilleurs de cru. Elles permirent à la régie d'introduire, comme moyen important de surveillance, un système de cartes de bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru. Au début de chaque exercice, l'office de surveillance remet la carte à ces personnes, qui doivent y inscrire leurs réserves, la production et l'emploi de l'eau-de-vie. Ce système, qui a donné satisfaction, est appliqué depuis 1932, 3, En ce qui concerne l'utilisation de Veau-de-vie produite par le bouilleur de cru, l'article 17 de la loi sur l'alcool oblige celui-ci à livrer à la régie l'eau-de-vie de fruits à pépins qui n'est pas nécessaire au ménage ou à l'exploitation agricole. Exceptionnellement, la régie peut l'autoriser à la vendre directement, contre paiement du droit. Pour les spécialités, l'article 18 pose en principe que le bouilleur de cru qui les remet à des tiers contre rémunération ou gratuitement doit s'acquitter de l'impôt.

L'eau-de-vie produite par les bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru et nécessaire à leur ménage et à leur exploitation agricole est franche d'impôt, conformément au principe posé par l'article constitutionnel.

Comme ou eu avait duimé l'assurance lors des discussions relatives ä cet article, la loi sur l'alcool n'en limite pas la quantité. En revanche, l'article 16 autorise le Conseil fédéral à édicter des prescriptions destinées à assurer

1327 l'efficacité des dispositions sur la franchise et à prévenir les abus dans l'usage de l'eau-de-vie affranchie. Il permet donc de limiter la franchise d'impôt dans tous les cas où il y a danger que le bouilleur de cru abuse de ses droits.

En vertu de l'article 19, les producteurs -- détenteurs ou non d'un alambic -- qui font distiller leurs matières premières par un distillateur à façon sont soumis aux mêmes conditions que les bouilleurs de cru en ce qui concerne l'utilisation de l'eau-de-vie, s'ils ne font distiller que des matières provenant de leur propre récolte ou récoltées par leurs soins à l'état sauvage dans le pays.

La loi sur l'alcool prévient aussi les abus. Ainsi l'article 15, 4e alinéa, prévoit que le droit d'exploiter une distillerie domestique peut être retiré aux personnes qui s'adonnent à l'ivrognerie. L'article 55 permet à la régie de confisquer l'alambic en cas de contravention commise en récidive, ce qui entraîne naturellement la perte du droit de distiller.

4. Il était à prévoir que la notion de bouilleur de. cru ou de commettantbouilleur de cru ne pourrait être précisée qu'à l'aide de l'expérience acquise au cours de l'application de la loi. C'est pourquoi l'article 3 autorise le Conseil fédéral à définir, par voie d'ordonnance, ce qu'il faut entendre par production non industrielle de boissons distillées et à désigner les matières premières qui peuvent être distillées sans concession.

Nous avons déjà fait usage de cette autorisation dans le règlement d'exécution de la loi sur l'alcool du 19 décembre 1932, puis, plus spécialement, dans notre arrêté du 16 octobre 1936 définissant la production non industrielle de boissons distillées et le droit de donner des ordres de distiller et limitant la franchise d'impôt. Pendant les années qui ont suivi l'introduction de la loi sur l'alcool, le cercle des producteurs désirant bénéficier du privilège des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru s'est élargi sans cesse. Alors que l'article constitutionnel prévoyait la franchise d'impôt avant tout pour les agriculteurs, un nombre toujours plus grand de producteurs, surtout des commettants qui n'appartenaient pas aux milieux agricoles et ne possédaient pas d'alambic, avaient, avec le temps, prétendu à la franchise d'impôt. Il fallait mettre fin à une situation qui s'opposait
au but de la re vision, qui est de diminuer la production et l'usage des eaux-de-vie. Pour les distilleries domestiques, l'article constitutionnel les limitait à celles qui existaient alors; pour les commettants-bouilleurs de cru, il n'y avait aucune restriction, et leur nombre, supérieur dès l'abord à celui des bouilleurs de cru, dépassa bientôt les 100 000.

Notre arrêté du 16 octobre 1936, pris en vertu de la disposition précitée de la loi sur l'alcool et des programmes financiers décidés dans l'entretemps, devait remédier à cet état de choses. Dans la suite, il fut remplacé par un arrêté du 28 décembre 1938, fondé sur le programme financier du 22 décembre 1938. Cet arrêté précise, dans l'ordre des principes posés par la constitution, que seul le producteur qui exploite un domaine agricole

1328 peut être considéré comme bouilleur de cru ou commettant-bouilleur de cru. Il arrête l'augmentation du nombre des commettants-bouilleurs de cru en reconnaissant cette qualité aux seuls producteurs qui ont déjà distillé ou fait distiller avant le 1er. juillet 1937. Par là, il crée, en ce qui concerne les commettants-bouilleurs de cru, le pendant de la limitation du nombre des bouilleurs de cru instituée par l'article constitutionnel. En outre, l'arrêté règle un certain nombre de cas litigieux en s'inspirant de l'idée que seules les personnes qui travaillent réellement dans le domaine d'où proviennent les produits distillés doivent pouvoir consommer l'eau-de-vie accordée en franchise d'impôt et que toute revendication abusive de cette franchise doit être rendue impossible.

5. En vertu de l'autorisation donnée par l'article 16 de la loi, l'arrêté limite en outre la franchise d'impôt pour certains groupes de bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru dont la production et l'usage de l'eaude-vie présentent des conditions spéciales. Il s'agit des exploitations agricoles appartenant à des collectivités de droit public ou établissements d'utilité publique (en raison du grand nombre de personnes ne travaillant pas régulièrement à l'exploitation agricole et ne pouvant, de ce fait, revendiquer une franchise d'impôt), des aubergistes exploitant un domaine agricole, des membres de coopératives de producteurs faisant distiller leurs matières premières (le plus souvent, du marc de raisin ou des lies de vin) en commun et reprenant la quantité d'eau-de-vie nécessaire à leur ménage, des bouilleurs de cru autorisés à distiller pour autrui, enfin des producteurs ne pouvant justifier avoir utilisé conformément aux prescriptions l'eaude-vie accordée en franchise. Pour toutes ces catégories de producteurs, l'eau-de-vie accordée annuellement en franchise d'impôt est limitée à 5 litres par adulte travaillant constamment dans l'exploitation agricole et un litre par tête de gros bétail; ce qu'ils utilisent en plus de ces quantités est soumis à l'impôt.

6. Les expériences faites dans l'application de la loi montrèrent qu'il était nécessaire de prévoir dans l'arrêté du 28 décembre 1938 que, lors des contraventions à la loi sur l'alcool, le droit d'exploiter une distillerie domestique ou de donner des ordres de
distiller peut être retiré. Il en est de même lorsque le bouilleur de cru ou le commettant-bouilleur de cru utilise une quantité excessive d'eau-de-vie pour ses besoins personnels.

De plus, la régie peut confisquer l'alambic, même si le contrevenant n'est pas en récidive, comme l'exigeait l'article 55 de la loi. La régie n'a toutefois appliqué cette disposition que dans des cas graves (distilleries clandestines, distillation de matières premières interdites, telles que les pommes de terre, le sucre et les produits analogues qui sont soustraits de ce fait à leur utilisation comme denrées alimentaires ou fourragères).

7. Le classement des distillateurs et des commettants parmi les professionnels, d'une part, et les bouilleurs de cru, d'autre part, ne fut pas facile.

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en raison de la diversité des situations. Cependant, les nouvelles règles sont peu à peu entrées dans les moeurs ; la régie, de son côté, s'est toujours efforcée de tenir compte des circonstances particulières.

Dans le domaine de la surveillance, la régie, renonçant à exiger la déclaration des matières premières, de la production ou de la durée de la distillation, s'est contentée en général des inscriptions sur la carte dont nous avons parlé ^plus haut. Les cas de contravention exceptés, elle n'a jamais fait plomber les alambics, même lorsqu'ils restaient longtemps inutilisés.

L'arrêté du Conseil fédéral du 26 août 1942 l'autorisa à prendre cette mesure à l'égard des alambics non utilisés, uniquement dans les exploitations dont la franchise d'impôt est limitée pour les raisons indiquées plus haut.

La mesure ne fut d'ailleurs appliquée que dans les cas où, pour des raisons particulières, le contrôle devait être renforcé.

Il y a eu dix ans le 1er janvier 1943 que le nouveau régime de l'alcool et, avec lui, la réglementation des distilleries domestiques sont entrés en vigueur. Abstraction faite de quelques contestations, si peu nombreuses qu'elles sont sans importance, l'application de cette réglementation a donné satisfaction, compte tenu des difficultés qu'elle comportait. En partant de là, il sera possible d'introduire la concession des distilleries domestiques prévue par l'article constitutionnel.

III. LES DISTILLERIES DOMESTIQUES AU MOMENT DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI SUR L'ALCOOL, LEUR DÉVELOPPEMENT, LEUR IMPORTANCE ET LEURS PARTICULARITÉS A. Les appareils à distiller.

1, Comme nous l'avons dit plus haut, un recensement des appareils à distiller déjà existants au sens de l'article constitutionnel eut lieu du 1er au 6 septembre 1930. Les résultats, publiés dans le 18e fascicule des Statistiques de la Suisse par le bureau fédéral de statistique et la régie des alcools, furent les suivants: Etat des distilleries et appareils à distiller en Suisse en 1930.

2 222 grandes exploitations avec 2 893 alambics 35 094 petites exploitations » 35 454 » 37 316 exploitations en tout » 38 347 alambics Furent considérées comme grandes exploitations toutes les distilleries ayant un caractère professionnel, les distilleries ayant produit dans une des trois années 1927, 1928 et 1929 une quantité d'eau-de-vie de 750 litres

1330 au moins, ayant distillé pour 10 commettants au moins ou munieb d'une cucurbite contenant au moins 200 litres. Toutes les autres distilleries furent classées parmi les petites exploitations.

Il est clair que les petites exploitations ne pouvaient être considérées purement et simplement comme distilleries domestiques; cette qualité ne devait en effet être reconnue, selon l'article constitutionnel, qu'aux distilleries dont le détenteur renonçait à distiller des matières premières achetées, condition à laquelle il n'avait pas été soumis jusque-là. La grande majorité des petits exploitants s'y plièrent toutefois, pour ne pas perdre le bénéfice de la franchise d'impôt.

Notre rapport du 30 octobre 1934 sur la gestion de la régie des alcools pendant la première année d'application du nouveau régime constatait que le nombre des appareils à distiller s'élevait, le 30 juin 1934, à 39 485.

Les appareils appartenant aux distilleries professionnelles étaient au nombre de 2100, tandis que le chinre des alambics domestiques atteignait environ 37 500. Ces derniers étaient répartis entre 34 946 bouilleurs de cru, dont 10 pour cent environ possédaient plusieurs appareils.

Relevons que tous les bouilleurs de cru ne retirèrent pas une carte de distillation chaque année, car, suivant les années, la récolte ne le permettait pas. Ainsi, pendant l'exercice de 1933/34, sur 34 946 bouilleurs de cru, seuls 30 513 se firent délivrer une carte.

2. Le nombre des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru (d'après les cartes remises) varia comme il suit pour la période de 1933 à 1936: bouilleurs de cru

1933/34 1934/35 1935/36

30513 29228 27653

commettants-boullleurs de cru

82823 107114 110511

Ce qui caractérise cette évolution, c'est la diminution du nombre des bouilleurs de cru et l'augmentation de celui des commettants. Cela s'explique en partie par le rachat des appareils à distiller, comme aussi par le fait que de nombreux bouilleurs de cru ne distillaient pas toutes les années et qu'un nombre toujours plus grand de producteurs qui ne possédaient pas d'alambic voulaient être mis au bénéfice de la franchise d'impôt.

Le nombre des commettants diminua par la suite, par l'effet de l'arrêté du Conseil fédéral du 16 octobre 1936 (remplacé par l'arrêté, plus complet, du 28 décembre 1938), qui reconnaissait la qualité de commettant-bouilleur de cru à ceux-là seuls qui avaient déjà distillé et aggravait les exigences pour les bouilleurs de cru et commettants. C'est ainsi que, pendant la période du 1er juillet 1937 au 30 juin 1943, 9459 exploitations furent classées, sur la base de ces dispositions, parmi les exploitations professionnelles.

1331 3. Depuis l'exercice de 1936/37, l'état desbouilleurss de cru et descom-mettants-bouilleurs de cru (d'après les cartes remises) se présenta de la manière suivante: 1936/37 1937/38 1938/39 1939/40 1940/41 1941/42

bouilleurs de cru

commettants-bouilleurs de cru

26577 27078 26674 24695 26151 25767

94655 99345 94201 87729 101919 98412

La nouvelle augmentation du nombre des commettants-bouilleurs de cru depuis l'exercice de 1940/41 doit être attribuée avant tout à la situation créée par la guerre. L'eau-de-vie étant devenue rare et chère, de nombreux producteurs qui avaient renoncé à distiller en temps ordinaire se mirent à fabriquer un peu d'eau-de-vie pour leur usage personnel. De plus, le contingentement du trois-six introduit en novembre 1941 eut pour effet d'augmenter la demande d'eau-de-vie.

Le fait que le nombre des appareils à distiller (notamment, celui des appareils domestiques) a diminué d'une manière constante constitue toutefois un progrès important. Cette diminution provient pour une grande part du rachat des appareils, que la régie a toujours considéré comme l'un de ses premiers devoirs.

4. Le rachat des appareils à distiller se développa durant les années 1933 à 1943 de la façon suivante: Exercice

Nombre d'appareils rachetés par la. règle

1933/34 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39 1939/40 1940/41 1941/42 1942/43 1933/43

855 1 362 1525 737 662 494 265 212 242 331 6685

,

total

Selon ce tableau, 6685 alambics furent rachetés par la régie dans les 10 premières années d'application de la nouvelle législation sur l'alcool,

1332 ce qui représente le 6e des appareils existant en 1933. La plupart des appareils rachetés provenaient de distilleries domestiques.

5. Au 30 juin 1943, il existait encore 33 048 appareils à distiller, dont 2 098 appareils appartenant à des distilleries professionnelles et 31 450 appareils appartenant à des distilleries domestiques.

Bon nombre de ces 31 450 alambics domestiques ne sont pas employés pour distiller. Les raisons en sont diverses : ici, il n'y a pas chaque année de matières premières susceptibles d'être distillées ; là, les matières premières sont remises à une distillerie à façon. Ce second cas se présente en particulier dans les régions facilement accessibles à une distillerie à façon et où l'on distille surtout de l'eau-de-vie de fruits à pépins et du marc, tandis que l'alambic domestique est préféré pour distiller des fruits à noyau.

Il arrivé souvent aussi qu'un producteur remette ses fruits à pépins ou son marc à une distillerie à façon, tandis qu'il distille ses fruits à noyau dans son alambic.

Le tableau suivant montre comment les appareils à distiller reconnus et existants actuellement se répartissent par cantons: Cantons Cantons

Nombre des appareils

Zurich Berne Lucerne Uri Schwyz Unterwald le-Haut. . . .

Unterwald-le-Bas . . . .

Glaris Zoug Fribourg Soleure Baie-Ville Baie-Campagne A reporter

1522 5311 3 545 80 913 675 272 81 492 799 2351 52 2 170 18 263

Cantons Cantons

-

Report Schafihouse Appenzell Eh.Ext. . . .

Appenzell Rh.-Int. . . .

St-Gall Grisons Argovie Thurgovie Tessin Vaud Valais Neuchâtel Genève Liechtenstein Total

Nombre des appareils

18 263 146 41 60 1989 1 163 3903 712 1477 471 2531 131 10 553 31450

II ressort de ce tableau que 19 712 appareils à distiller, soit 63 pour cent du total, se trouvent dans les cantons du nord-ouest et du centre de la Suisse (Berne, Lucerne, cantons primitifs, Zoug, Soleure, Baie-Campagne, Argovie), alors que ces appareils sont relativement moins nombreux en Suisse orientale et en Suisse romande, où les coopératives d'utilisation des fruits et les distilleries à façon sont en plus grand nombre. Ainsi le canton de Vaud, avec ses 471 alambics, possède 204 appareils de moins que

1333 ìe canton d'Unterwald-le-Haut qui, avec 675 appareils, suit de près lé canton de Thurgovie.

Les variations d'importance des distilleries domestiques ressortent encore d'une manière plus frappante à la comparaison du nombre des appareils domestiques avec celui des exploitations agricoles dans chaque canton.

En prenant pour base le recensement des exploitations de 1939, on constate qu'à fin juin 1943, pour 100 exploitations agricoles, il y avait dans chaque canton le nombre d'appareils à distiller suivant: Zurich 8,3 Schafihouse 4,2 Berne 11,8 Appenzell Rh.-Ext 1,2 Lucerne 33,8 Appenzell Rh.-Int 4,2 Uri 4,8 St-Gall 11,6 Schwyz.

21 Grisons 8,9 Unterwald-le-Haut 38,1 Argovie 20,8 Unterwald-le-Bas 27,2 Thurgovie 7,1 Glaris 5 Tessin 9,3 Zoug 36,2 Vaud 2,5 Fribourg 6,3 Valais 12,4 Soleure 30,9 Neuchâtel 3,3 Baie-Ville 30,6 Genève 0,5 Baie-Campagne 46 Remarquons le nombre élevé d'alambics dans les cantons de BaieCampagne, d'Unterwald-le-Haut, de Zoug et de Lucerne.

6. Les distilleries domestiques emploient aujourd'hui encore des appareils de systèmes et grandeurs extrêmement différents. La grande majorité sont, il est vrai, de simples appareils à cucurbite, dont la contenance varie entre 20 et 60 litres. Dans quelques régions, on trouve aussi des cucurbites contenant 100, 150 litres et même davantage. II existe en outre des exploitations agricoles qui disposent d'appareils se chauffant à la vapeur ou au bain-marié, dont la cucurbite est à bascule ou qui sont munis d'une colonne.

Par leur construction, ils se rapprochent des distilleries professionnelles, et leur capacité de production est égale, sinon supérieure, à celle de petites entreprises professionnelles. Cependant, peu de bouilleurs de cru possèdent de tels appareils.

B. La production.

1, La production des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru, déterminée sur la base des cartes de distillation, fut la suivante pour les années 1932 à 1942:

1334 Exercice

Production totale litres (*)

4 622 739 2 806 652 6 339 167 5 545 262 2 301 116 4 590 249 3 473 513 2 111 747 3 823 576 3 088 882

1932/33

1933/34 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39 1939/40 . .

1940/41 1941/42

Eaux-de-vle de fruits à pépins

Spécialités

litres (*)

litres (*)

3 912 419 2 368 703 4 990 353 4 589 595 1 726 159 3 826 357 3 056 749 1 552 780 3 003 677 2 453 806

710 320 437 949 1 348 814 955 667 574 957 763 892 416 764 558 967 819 899 635 076

Le tableau suivant indique la production des bouilleurs de cru et commettants bouilleurs de cru, par exploitation: Production moyenne, par exploitation.

Exercice

Eau-de-vle de fruits Eau-de-vie de spéi pépins, par exploi- cialités, par exploitatation s'occupant de tion s'occupant de cette production cette production

Eau-de-vle, en tout, par exploitation

litres (·)

litres (*)

litres (·)

1933/34 1934/35 1935/36 1936/37 1937/38 1938/39 1939/40 1940/41 1941/42

37 53 50 26 44 38 25 34

31

16 22 20 14 16 13 16 17 18

32 47 43 23 38 33 23 32 28

1937/42 (moyenne) . .

34

16

31

Ces deux tableaux montrent que la production varie considérablement d'une année à l'autre. Cela est dû avant tout à la grande irrégularité des récoltes de fruits, qui se répercute sur la production d'eau-de-vie.

(*) On s'est fondé sur le chiffre de litres d'eau-de-vie tel qu'il est inscrit sur la carte, sans tenir compte de la teneur alcoolique, qui varie de 50 à 60 pour cent du volume.

1335

On ne peut toutefois se dissimuler que la production des bouilleurs de Cru et des commettants est encore considérable. La moyenne annuelle de 1938 à 1943 s'élève à 31 litres par exploitation (34 litres dans les exploitations qui produisent de l'eau-de-vie de fruits à pépins et 16 litres dans celles qui produisent de l'eau-de-vie de spécialités). Sur cette quantité, 21 litres en moyenne, francs d'impôt, sont affectés à l'usage personnel (22 litres d'eau-de-vie de fruits à pépins et 11 litres d'eau-de-vie de spécialités), tandis que le reste doit être livré ou soumis à l'impôt.

2. Il est aussi intéressant de suivre l'évolution du rapport entre ia production des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru, et celle des distillateurs professionnels et commettants qui leur sont assimiles. Les chiffres de production donnent le tableau suivant: Production totale comprenant l'eau-de-vie de fruits à pépins et l'eau-de-vie de spécialités (en litres d'eau-de-vie à 100%).

Moyenne des exercices de 1933/34 à 1935/36 : Production totale 8 026 698 litres se répartissant comme il suit: bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru 2 693 365 litres = 33,5% exploitations professionnelles 5 333 333 litres = 66,5% Moyenne des exercices de 1939/40 à 1941/42 : Production totale 2 301 756 litres se répartissant comme il suit: bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru 1 654 437 litres = 71,8% exploitations professionnelles 647 319 litres = 28,2% Pendant les premières années d'application de la nouvelle loi sur l'alcool, la production des distillateurs professionnels et des commettants qui leur sont assimilés représentait les deux tiers de la production totale d'eau-de-vie de fruits à pépins et des spécialités, tandis que celle des bouilleurs de cru et commettants-bouilleurs de cru n'en faisait que le tiers ; depuis quelques années, ce rapport est exactement inverse. La raison de cette évolution tient au fait que les mesures tendant à utiliser les fruits sans distillation, fortement poussées dès 1936/37, purent être appliquées sur une plus large échelle dans les distilleries professionnelles que dans les distilleries domestiques. Le bouilleur de cru en est plus ou moins réduit à la distillation pour utiliser les déchets de sa production, tandis que les distillateurs professionnels peuvent plus facilement s'adapter aux nouveaux modes d'utilisation. En dépit de ces difficultés, la production d'eau-de-vie de fruits à

1336 pépins et de spécialités a diminué d'une manière très sensible chez les bouilleurs de cru et commettants-bouilleure de cru; c'est là une constatation réconfortante que nous pouvons tirer des chiffres relevés ci-dessus.

11 ressort des chiffres indiqués pour les appareils et la production que les distilleries domestiques, malgré la diminution de leur nombre, jouent aujourd'hui encore un rôle important. Partout où l'on produit de préférence l'eau-de-vie de fruits à noyau, les distilleries domestiques se sont maintenues et l'on a mis relativement moins d'appareils hors d'usage que dans les contrées où l'on cultive les fruits à pépins ou la vigne. Dans ces dernières, ou bien une grande partie des fruits destinés autrefois à la distillation est utilisée à d'autres fins, ou bien l'on recourt dans une large mesure aux distilleries à façon.

IV. LES GRANDES LIGNES DU RÉGIME DE LA CONCESSION DES DISTILLERIES DOMESTIQUES A. Généralités.

Lorsqu'on se demande ce qu'il faut prévoir dans la nouvelle loi sur la concession des distilleries domestiques pour atteindre le but fixé par l'article constitutionnel, on constate qu'il s'agit en premier lieu des points suivants : 1° Poser en principe que, dès le 6 avril 1945, les distilleries domestiques doivent posséder une concession pour continuer leur exploitation, 2° Fixer les conditions auxquelles la concession doit être accordée ou peut être refusée et régler le recours en cas de refus, de retrait ou de non-renouvellement de la concession.

3° Etablir le régime des distilleries domestiques dans la mesure où il doit déborder les limites de la législation actuelle. Tel est le cas, en particulier, pour la surveillance des bouilleurs de cru.

4° Régler les autres questions en rapport avec la concession des distilleries domestiques (régime des commettants-bouilleurs de cru).

5° Faire concorder la loi de 1932 sur l'alcool avec la nouvelle loi.

Comme nous l'avons relevé au chapitre Ier, il a déjà été question, lors des débats sur l'article constitutionnel, du contenu de la loi que nous vous proposons ici, et qui doit surtout fixer les conditions de la concession.

S'il est vrai que les déclarations d'alors ne lient pas le législateur actuel, elles peuvent et doivent toutefois lui servir de base.

Afin de ne pas charger inutilement le projet de loi, nous désirons n'y insérer que les dispositions nécessaires à l'introduction du régime de la

1337 concession et à l'efficacité de ce régime. On peut assujettir les distilleries domestiques au régime de la concession sans transformer la réglementation à laquelle elles étaient soumises jusqu'ici et qui, dans son ensemble, s'est révélée judicieuse. Notons toutefois que les nouvelles dispositions sur les concessions pour les bouilleurs de cru doivent demeurer dans la ligne des principes que la constitution impose à la législation sur l'alcool. C'est pourquoi le projet doit, tout en tenant compte des intérêts légitimes des intéressés, constituer un progrès marqué dans le développement de notre législation sur l'alcool. A part la concession, une modification du régime n'est pas nécessaire pour les distilleries domestiques simples et bien dirigées; les moyens employés jusqu'ici pour les surveiller continueront à être suffisants. Il sera en revanche nécessaire de resserrer le contrôle pour certains groupes de bouilleurs de cru dont la situation est spéciale et qui offrent, en partie, des dangers particuliers en ce qui concerne les abus.

Il faut donc, en rédigeant la nouvelle loi, veiller surtout à mettre à profit l'expérience acquise depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'alcool et à consacrer la pratique qui s'est établie et a donné satisfaction. Tel est le cas en particulier pour le classement entre distilleries domestiques et distilleries professionnelles que les arrêtés du Conseil fédéral des 16 octobre 1936 et 28 décembre 1938 déjà cités règlent en tenant compte des principes de l'article constitutionnel et de la législation SUT l'alcool, mais non sans se fonder, en partie, sur le droit de nécessité en matière financière.

On ne saurait recommencer le travail accompli. II conviendra donc de déclarer dans la nouvelle loi que les détenteurs de distilleries domestiques reconnues jusqu'ici ont droit à la concession. A moins que des raisons graves ne s'y opposent, tous ces bouilleurs de cru devront la recevoir sans autres formalités.

B, Les principes de la concession.

1. La procédure, d'octroi de, la concession doit être aussi simple que possible; des raisons pratiques le recommandent, si l'on songe au nombre encore considérable des distilleries domestiques (30 000 on chiffre rond), II ne sera par exemple pas nécessaire d'exiger une demande de concession; tous les bouilleurs de cru reconnus,
dont les noms figurent d'ailleurs dans les listes de la régie des alcools, peuvent être considérés comme inscrits de plein droit. Le cas de chacun d'eux sera néanmoins soumis à un nouvel examen, qui pourra nécessiter une enquête sur place. Afin que chacun connaisse ses obligations, l'acte de concession contiendra les dispositions principales de la législation sur l'alcool qui ont trait aux distilleries domestiques.

La durée, de, la concession sera de dix ans au plus, ce qui correspond au délai prévu par la loi actuelle pour les concessions de distilleries professionnelles. A l'échéance, le renouvellement sera soumis aux mêmes règles que l'octroi.

1338

2. La concession sera personnelle; en d'autres termes, elle doit être accordée au propriétaire de l'alambic ou à la personne qui a le droit de l'utiliser lorsqu'ils sont prêts à se soumettre aux obligations des bouilleurs de cru et, en particulier, à ne distiller que des produits du cru ou des matières récoltées par eux-mêmes à l'état sauvage dans le pays. Il s'ensuit qu'une autorisation de la régie sera nécessaire pour transférer la concession. Comme auparavant, la régie devra donner cette autorisation si l'alambic est transféré avec le domaine auquel il appartient et si l'acquéreur remplit les conditions prévues pour l'octroi. Si l'alambic ne change pas de propriétaire mais est seulement déplacé, par exemple en cas de déménagement du détenteur, il ne sera en revanche pas nécessaire de transférer la concession.

Seule est exigée l'autorisation déjà prévue par l'article 14 de la loi sur l'alcool pour le déplacement des appareils.

3. La concession ne doit être refusée que dans des cas vraiment graves, que la loi indiquera expressément. Les motifs de refus appartiennent précisément aux conditions que, d'après l'article constitutionnel, la loi aura à fixer. Parmi ces motifs, mentionnons en premier lieu le cas où le détenteur de l'alambic ne remplit pas les conditions de la législation sur l'alcool pour être reconnu comme bouilleur de cru. Le motif s'impose d'emblée; il est cependant d'autres motifs que nous estimons justifiés mais auxquels nous voudrions conférer un caractère facultatif, parce que leur influence sur la décision de l'administration doit varier suivant les cas d'espèce. La concession pourra donc être refusée: a. Si le bouilleur de cru a été puni en récidive pour contravention à la loi sur l'alcool; o. S'il s'adonne à l'ivrognerie ou si le maintien de la distillerie présente un danger grave pour sa famille.

Nous nous exprimerons encore plus complètement sur ces deux conditions en commentant les articles du projet de loi. Bornons-nous à signaler que le refus de la concession n'a pas nécessairement pour effet d'enlever au producteur toute possibilité d'utiliser les déchets de sa production; il pourra les faire distiller ou les vendre à un distillateur. Pour les cas d'ivrognerie, où il faut veiller à ce qu'aucune quantité d'eau-de-vie ne reste dans le ménage du producteur, on pourra aussi
recourir à l'interdiction de faire distiller.

Nous nous sommes demandé s'il ne fallait pas refuser la concession quand le détenteur n'a pas employé son alambic pendant un certain temps, parce qu'il ne produit plus d'eau-de-vie ou parce qu'il s'adresse régulièrement à la distillerie à façon. Bien que, dans de tels cas, il ne semble plus y avoir aucune nécessité de continuer à exploiter la distillerie domestique, les circonstances peuvent se modifier à tel point que le producteur doive à nouveau employer son alambic pour mettre en oeuvre les matières premières de son exploitation qu'il ne peut utiliser autrement. C'est pourquoi

1339 no.üs nous sommes abstenus d'introduire une telle disposition dans le projet.

4. Il nous semble tout indiqué que la concession puisse être retirée pour les motifs qui en justifient le refus. Des cas peuvent toutefois se produire où ces motifs ne seront pas assez déoisifs pour exiger un retrait immédiat.

Il suffira souvent d'inviter le concessionnaire à supprimer tel ou tel défaut et de ne prononcer le retrait que s'il n'est pas donné suite à l'invitation.

La règle du retrait facultatif se justifie par conséquent.

Il peut aussi arriver, surtout dans les cas d'ivrognerie, que la concession doive être retirée en raison d'une situation grave existant au moment de ce retrait, mais sans qu'on doive rendre ce retrait définitif, et qu'un retrait provisoire permette d'atteindre le but. Le bouilleur de cru qui s'adonne à l'ivrognerie peut précisément être soigné de telle façon (internement dans une maison pour buveurs) qu'il s'améliorera: il ne sera alors plus nécessaire de lui retirer définitivement la concession, ce qui, le cas échéant, pourrait faire tort à l'exploitation agricole. S'il retombe dans ses habitudes après la restitution de la concession, il sera encore possible de décider le retrait définitif. Le retrait provisoire incitera d'ailleurs le concessionnaire à se garder de toute rechute afin d'obtenir de nouveau sa concession.

5. Le refus ou le retrait de la concession n'entraînent pas habituellement la confiscation ou le rachat forcé de l'alambic. Dans ces cas, l'appareil est soumis de plein droit aux prescriptions de contrôle concernant les distilleries professionnelles, qui doivent être plombées pendant le temps où elles ne sont pas utilisées.

L'article 55 de la loi sur l'alcool prévoit déjà, il est vrai, que la régie peut confisquer l'appareil domestique en cas de contravention commise en récidive. Cette disposition a été déclarée aussi applicable aux contraventions sans récidive par l'article 9 de l'arrêté du Conseil fédéral du 28 décembre 1938 définissant la production non industrielle de boissons distillées, arrêté qui se fonde en partie sur le droit de nécessité en matière financière. La régie n'a toutefois appliqué cette sanction que dans des cas graves (par exemple distillation de pommes de terre en temps de guerre, distillation dans un alambic non déclaré). Nous n'innovons
donc pas en proposant cette disposition dans la nouvelle loi; nous fixons même des limites étroites à son application en précisant que cette mesure rigoureuse ne peut être prise que dans les cas de contravention grave. Il est clair que cette confiscation entraîne la perte de la concession, mais il faut le dire expressément, car, dans les autres cas de contravention, la concession ne peut être retirée que s'il y a récidive.

C, La surveillance des distilleries domestiques.

1. La surveillance constitue un chapitre important de la nouvelle réglementation des distilleries domestiques. La loi sur l'alcool de 1932 Feuille fédérale. 95e année. Vol. I.

07

1340 distinguait entre le contrôle des distillateurs soumis à concession (art. 7) et la surveillance des bouilleurs de cru (art. 15). Le législateur entendait faire une séparation nette entre ces deux groupes en autorisant tous les moyens de contrôle chez les distillateurs professionnels, même les moyens techniques (compteurs, plombage, déclaration des matières premières et de la production, etc.) et en obligeant simplement les bouilleurs de cru à faire dans leur carte les inscriptions relatives à leur distillation et à les montrer aux agents de la régie chargés de la surveillance.

Au moment d'introduire le régime de la concession des distilleries domestiques, il aurait semblé naturel de leur étendre les mesures de contrôle prévues pour les distilleries professionnelles, mais c'eût été contraire à la volonté du législateur de 1930. Lors des discussions sur l'article constitutionnel, ces mesures de contrôle ne furent envisagées que pour les bouilleurs de cru dont l'alambic a une capacité de rendement particulièrement forte, mais il était entendu que les petits bouilleurs de cru ne seraient pas touchés. L'article constitutionnel ne contient, il est vrai, aucune prescription à ce sujet, mais il prévoit qu'une loi fixera les conditions de la concession à donner après un délai de 15 ans. Ces conditions sont non seulement celles dont dépend l'octroi de la concession, mais aussi celles auxquelles les distilleries domestiques concessionnaires pourront ensuite être exploitées. Parmi ces dernières, mentionnons en premier lieu les prescriptions sur la surveillance. Il était clair, déjà en 1930, que la loi à élaborer après un délai de 15 ans renforcerait la surveillance des distilleries domestiques; mais on n'oubliait pas non plus que la régie devrait, dans cette surveillance, tenir compte de la situation particulière des distilleries paysannes.

2. Le projet de loi tend tout d'abord à régler définitivement le système des cartes de distillation que doit remplir chaque bouilleur de cru ou commettant-bouilleur de cru. Il permet toutefois aussi d'étendre le contrôle prévu pour les distillateurs professionnels aux bouilleurs de cru dont l'alambic a une capacité de rendement particulièrement forte ou dont la production d'eau-de-vie est particulièrement grande. Il s'agira probablement, déjà pour des raisons pratiques,
d'un petit nombre de personnes et, surtout, de distillateurs sur lesquels la régie, tenant compte de ses expériences et de l'importance des exploitations, veut exercer une surveillance plus stricte. On ne sera sans doute pas obligé d'appliquer toutes ces mesures de contrôle à chaque distillerie. La pratique indiquera d'ellemême la voie à suivre. Le même système de contrôle devra être appliqué aux bouilleurs de cru dont la franchise d'impôt est limitée en vertu de l'article 16 de la loi sur l'alcool et des dispositions de l'arrêté du Conseil fédéral du 28 décembre 1938 déjà mentionné, car ils présentent des dangers particulier s en ce qui concerne l'emploi abusif d'eau-de-vie. II s'agit, comme nous l'avons dit, d'exploitations agricoles appartenant à des collectivités de droit public, d'aubergistes exploitant un domaine, de bouilleurs de cru

1341

autorisés à distiller pour le compte d'autrui et de bouilleurs de cru ou commettants-bouilleurs de cru ne pouvant justifier avoir utilisé, conformément aux prescriptions, l'eau-de-vie accordée en franchise.

Relevons encore que l'extension aux distilleries domestiques des mesures de contrôle prévues pour des distilleries professionnelles n'entraîne nullement la perte de la franchise d'impôt ni même toujours sa limitation, car le détenteur de l'exploitation demeure bouilleur de cru.

3. Il va de soi que les dispositions relatives à la surveillance des bouilleurs de cru seront applicables par analogie aux commettants-bouilleurs de cru. Cela doit être indiqué expressément dans la loi. Ces commettants, dont le nombre est très grand, présentent, eux aussi, de grandes différences quant au mode et au volume de la production d'eau-de-vie. On ne peut naturellement envisager de leur appliquer les mesures de contrôle techniques prévues pour les distilleries. Cependant, les commettants-bouilleurs de cru produisant de l'eau-de-vie en quantités d'une certaine importance pourront être soumis à des mesures de contrôle plus strictes en ce sens qu'ils devront déclarer leurs matières premières avant la distillation, retirer une autorisation de distiller et déclarer immédiatement leur production d'eau-de-vie.

Pour l'emploi de l'eau-de-vie, les commettants-bouilleurs de cru sont soumis, aux termes de l'article 19 de la loi sur l'alcool, aux mêmes dispositions que les bouilleurs de cru; il n'est donc pas nécessaire d'insérer dans la nouvelle loi des dispositions spéciales à ce sujet.

D. Le recoure.

Si l'on institue le régime de la concession pour les distilleries domestiques et prévoit la possibilité de retirer le droit de donner des ordres de distiller, il est nécessaire d'étendre la protection juridique des intéressés en ouvrant un recours. La loi actuelle sur l'alcool prévoit déjà le recours de droit administratif contre les décisions de la régie retirant le droit d'exploiter une distillerie domestique en cas d'ivrognerie (art. 15) ou contre ses décisions concernant l'octroi, le renouvellement, le refus ou le retrait de la concession des distilleries professionnelles (art. 6) ; la nouvelle loi doit ouvrir la même voie de droit en cas de refus, de retrait ou de non-renouvellement de la concession pour la distillerie domestique. Le producteur auquel la régie retire le droit de donner des ordres de distiller doit pouvoir user de la même voie de droit.

Les lignes générales du présent projet de loi ont été soumises aux commissiona de l'alcool des deux chambres et approuvées par elles lors de leur séance tenue à Genève les 26 et 27 mai 1943. Nous avons aussi jugé nécessaire de les discuter avec les représentants de l'agriculture, c'est-à-dire

1342 des milieux spécialement intéressés à la question. Lors d'une assemblée qui eut lieu à Zurich, le 16 septembre 1943, des représentants autorisés de l'agriculture jugèrent la réglementation projetée acceptable. Le projet a aussi été soumis à l'examen de la commission de spécialistes, les 22 et 23 novembre 1943, à Coire. Cette commission est chargée, conformément à l'article 72 de la loi sur l'alcool, de donner son préavis sur les questions relatives à la production des eaux-de-vie indigènes. Elle se compose de représentants des cantons, des agriculteurs, des industries d'utilisation des fruits, des distilleries et des milieux intéressés à la santé publique. La commission de spécialistes a, d'une manière générale, approuvé ce projet.

Plusieurs de ses suggestions ont été prises en considération lors de l'élaboration du projet.

V. LE PROJET DE LOI Nous avons encore les remarques suivantes à faire au sujet des diverses dispositions du projet: Article premier. L'article premier institue le régime de la concession pour les distilleries domestiques; son texte s'inspire de celui de l'article 32bis de la constitution.

Article 2. Cet article précise que la concession doit être accordée d'office et sans frais. Lors de la rédaction du texte constitutionnel, on était, semblet-il, d'avis que l'intéressé devrait demander la concession; puisque c'est plus facile à la fois pour le bouilleur de cru et pour l'administration, nous croyons qu'on peut considérer tous les bouilleurs de cru comme candidats à la concession. La régie possède déjà la liste de toutes les distilleries domestiques reconnues, et cette liste peut servir de point de départ pour la procédure d'octroi. Ses agents de surveillance peuvent lui procurer tous les renseignements dont elle a besoin pour statuer.

Si aucun empêchement ne se produit, la régie remettra l'acte de concession au détenteur de la distillerie domestique. L'acte contiendra, imprimées, toutes les prescriptions qui ont une importance pour le concessionnaire ; il ne sera donc pas nécessaire de lui remettre encore des exemplaires de prescriptions. En raison du grand nombre de bouilleurs de cru devant recevoir la concession, cette procédure est aussi la seule praticable.

Article 3. La durée de dix ans prévue pour la concession correspond au délai fixé pour les distilleries
professionnelles (art. 5 de la loi sur l'alcool).

Le terme « au plus » est nécessaire si l'on veut que toutes les concessions échoient au même terme, quelle que soit la date de l'octroi, comme c'est le cas déjà pour celles des distilleries professionnelles de fruits à pépins et de spécialités et des distilleries à façon.

Le renouvellement doit être soumis aux mêmes conditions que l'octroi; En d'autres termes, les conditions de forme et de fond prévues pour l'octroi

1343 lui seront aussi applicables ; tout bouilleur de cru qui remplit les conditions légales et auquel aucun motif de refus n'est opposable peut donc être assuré que sa concession sera renouvelée sans frais et sans demande préalable.

Le renouvellement implique ainsi uniquement que les concessions seront soumises régulièrement à un nouvel examen pour que certains exploitants ne gardent pas une concession à laquelle ils n'ont pas droit, ce qui peut arriver même si l'on exerce toute la surveillance voulue. Bien entendu, il sera loisible de retirer la concession avant l'échéance à ceux qui ne remplissent plus les conditions requises.

Article 4. Pour éviter des malentendus, la nouvelle loi doit déclarer expressément que la concession est personnelle, c'est-à-dire, qu'elle est accordée uniquement à une personne déterminée et non pas à l'exploitation agricole où se trouve un alambic. Elle suit ainsi le système déjà adopté pour les distilleries professionnelles.

Il résulte de ce principe que la concession reste à son titulaire lorsqu'il passe d'un domaine à un autre en emportant son alambic. Il n'a besoin que de l'autorisation prévue par l'article 14 de la loi sur l'alcool pour déplacer son appareil.

Si le concessionnaire transfère son domaine à un tiers avec l'appareil (par vente ou par bail), ou s'il meurt et que le domaine et l'appareil reviennent à un ou plusieurs héritiers, la concession doit être transférée au nouveau détenteur. Elle doit donc être transférée de plein droit non seulement en cas d'héritage, comme le prévoit l'article 5 de la loi sur l'alcool pour les distilleries professionnelles, mais aussi en cas de mutation lorsque l'appareil reste sur le domaine. Le nouveau détenteur doit, bien entendu, remplir les conditions de bouilleur de cru.

Si, en revanche, l'appareil change à la fois de détenteur et d'emplacement, il s'ensuit une situation toute nouvelle, où il n'est pas du tout dit que la concession puisse être transférée de plein droit. On ne saurait en tout cas pas autoriser un transfert lorsqu'il en résulterait une augmentation du nombre des distilleries, ce qui serait en contradiction avec le but poursuivi par l'article constitutionnel.

Article 5. En ce qui concerne les motifs de refus de la concession, il faut distinguer entre le principe, à rendre obligatoire, que nul ne peut
recevoir la concession s'il ne remplit les conditions de la législation sur l'alcool et, par conséquent, ne peut être reconnu, maintenant déjà, comme bouilleur de cru et les faits en raison desquels la concession doit être refusée à une personne qui, en soi, pourrait être bouilleur de cru. Ces faits, dont la régie sera juge sous réserve du droit de recours de l'intéressé, sont: une peine pour contravention à la loi sur l'alcool commise en récidive et l'ivrognerie ; ce sont donc des faits imputables au bouilleur de cru lui-même. Comme pour le retrait de la concession des distilleries professionnelles, d'après l'article 55

1344 de la loi sur l'alcool, il y a récidive lorsque l'intéressé a commis une contravention au cours des cinq années suivant une première condamnation pour contravention à cette loi.

Pour le second motif de refus, nous estimons indiqué de ne pas prévoir seulement l'ivrognerie du concessionnaire, mais de comprendre aussi le cas où, du fait de l'ivrognerie d'un autre membre de la famille, le maintien de la distillerie présente un grave danger pour celle-ci.

Article 6. La concession sera retirée pour les motifs énoncés à l'article précédent au sujet du refus.

Nous nous sommes déjà exprimés, dans l'exposé des lignes générales du projet, sur les raisons militant en faveur du retrait provisoire de la concession.

Le 3e alinéa reprend une disposition de l'article 9 de l'arrêté du Conseil fédéral du 28 décembre 1938 définissant la production non industrielle de boissons distillées. Il ne prévoit toutefois la confiscation de l'alambic que dans les cas de contravention grave, ce qui correspond à la pratique adoptée par la régie. La suite juridique de la confiscation est la perte de la concession. C'est là un cas spécial, où il y a dérogation à la règle de l'article 5, d'après laquelle la concession n'est retirée que s'il y a récidive, Article 7. La nouvelle loi laisse subsister, même en ce qui concerne les distilleries domestiques, la loi actuelle sur l'alcool et les prescriptions d'application. Elle les complète cependant, en les modifiant sur quelques points. C'est pourquoi, il nous semble nécessaire de définir dans une disposition générale les rapports des deux lois entre elles. Cette disposition fait ainsi ressortir que le régime actuel des distilleries domestiques est maintenu dans son ensemble et ne change que sur certains points.

Article, 8. Cet article complète l'article 15 de la loi sur l'alcool, qui, jusqu'ici, réglait la surveillance des bouilleurs de cru et dont les 1er et 2e alinéas subsistent tandis que le 3e alinéa est remplacé par une disposition plus complète.

Le 1er et le 2e alinéas de l'article 8 règlent les attributions générales de la régie et de ses agents. Le principal moyen de surveillance est la carte de distillation employée déjà depuis longtemps. Nous avons intentionnellement prévu que les bouilleurs de cru devaient faire au fur et à mesure leurs inscriptions sur la carte,
car l'expérience a montré que, trop souvent, ils attendent le moment où, chaque année, les cartes sont retirées pour y porter toutes les inscriptions nécessaires. De cette façon, il en est qui oublient, plus ou moins consciemment, certaines inscriptions, surtout en ce qui concerne les ventée d'eau-de-vie soumises à l'impôt.

Le 3e et le 4e alinéas autorisent la régie à soumettre aux mesures de contrôle prévues pour les distilleries professionnelles les bouilleurs de cru

1345 dont l'alambic a une capacité de rendement particulièrement forte ou dont la production d'eau-de-vie est particulièrement grande et à étendre ce régime aux bouilleurs de cru dont le droit à la franchise d'impôt est limité. Relevons que ce sont là des dispositions facultatives et que la régie peut aussi n'appliquer à ces bouilleurs de cru que certaines des mesures de contrôle imposées aux distillateurs professionnels.

Il est difficile d'établir un critère sûr pour déterminer les bouilleurs de cru qui seront soumis à cette surveillance renforcée, car les situations sont extrêmement diverses suivant les régions et les eaux-de-vie produites (eau-de-vie de fruits à pépins ou de spécialités). Cette diversité empêche d'indiquer par un chiffre ce qu'on entend par production particulièrement importante, solution qui semblerait au premier abord la plus simple; l'indication d'un chiffre aurait un effet très inégal pour les diverses distilleries du paya. C'est pourquoi nous avons prévu deux critères: la capacité de rendement de l'alambic et la production particulièrement grande, en nous abstenant pour l'un et l'autre d'indiquer des chiffres.

L'ordonnance et la pratique pourront fixer, s'il y a lieu, des limites plus précises.

On pourra se fonder sur le second critère, la production particulièrement importante, par exemple lorsque la production d'une distillerie domestique dépasse sensiblement la moyenne de la région et que, de plus, la manière d'exploiter la distillerie et les possibilités d'abus justifient une surveillance accrue.

Il ne nous paraît pas inutile de rappeler que les deux critères prévus concordent avec les déclarations faites lors des débats sur l'article constitutionnel, en 1930. S'exprimant sur le régime de surveillance auquel seront soumises les distilleries domestiques quinze ans après l'acceptation de l'article constitutionnel, la brochure de propagande déclare ce qui suit : « Les distilleries domestiques utilisant des moyens techniques perfectionnés et dont la production est importante seront soumises au contrôle. » Cet écrit précise qu'aucun contrôle de fabrication ne sera exercé sur les distilleries domestiques qui ne produisent que pour les besoins du ménage. Ces textes prouvent qu'alors déjà on se rendait compte des limites et des difficultés d'une extension de la surveillance
des distilleries domestiques.

Article 9. Comme jusqu'ici, les mesures de surveillance des distilleries domestiques doivent s'appliquer par analogie aux commettants assimilés aux bouilleurs de cru. En disant « par analogie », nous précisons que, pour les commettants-bouilleurs de cru, sont seules applicables les mesures qui correspondent à leur état, et non celles qui visent l'alambic comme tel.

Pour les commettants comme pour les bouilleurs de cru, on pourra donc aussi distinguer entre les petites et les grandes exploitation»; lorsqu'ils seront soumis à la surveillance renforcée, le régime des commettants professionnels leur sera applicable.

1346 Article 10. Il faut empêcher qu'un bouilleur de cru puni en récidive pour contravention grave ne puisse encore faire distiller après le retrait de la concession et la confiscation de l'alambic. C'est pourquoi une prescription doit permettre de lui retirer le droit de faire distiller. Au surplus, puisqu'un commettant n'a pas d'alambic, on ne peut mettre de l'ordre chez lui qu'en lui interdisant de s'adresser à la distillerie à façon. Cette prescription nous paraît aussi indiquée dans les cas d'ivrognerie. Toutefois, elle doit être facultative, car la régie doit pouvoir décider dans chaque cas s'il convient de recourir à une telle mesure.

Article 11. Le 1er alinéa correspond à la disposition de l'article 6,4e alinéa, de la loi sur l'alcool, qui règle le recours contre les décisions de la régie concernant l'octroi, le renouvellement, le refus ou le retrait des concessions de distilleries professionnelles. Nous estimons que le texte est plus compréhensible si l'on dit, comme nous l'avons fait dans le projet, que l'objet du recours est la décision de la régie concernant le refus, le retrait ou le nonrenouvellement d'une concession.

Comme la décision retirant le droit de donner des ordres de distiller est de la même nature que le retrait d'une concession, nous pensons qu'elle doit aussi pouvoir faire l'objet d'un recours de droit administratif.

Article 12. La date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi nous est donnée par l'article 32 bis de la constitution.

Quelques dispositions de la loi sur l'alcool doivent être adaptées à la nouvelle loi. Tel est le cas en particulier pour les 3e et 5e alinéas de l'article 3.

Jusqu'ici, on faisait une distinction entre la production de boissons distillées soumise à concession et la production non soumise à concession; à l'avenir, il faudra distinguer la production industrielle et la production non industrielle, ce qui d'ailleurs correspond à la distinction faite dans l'article constitutionnel.

Le 2e alinéa de l'article 55, 2e phrase, doit être raccourci, car les termes : « ou, s'il s'agit de l'exploitant d'une distillerie domestique, confisquer son alambic » ne conviennent plus. La première partie de la phrase, qui est maintenue, ne s'applique qu'aux distilleries professionnelles. Pour les distilleries domestiques, ce seront les articles 5, 2e alinéa,
et 6, 3e alinéa, du projet qui seront déterminants.

Enfin, il y a lieu de modifier le titre marginal de l'article 4 de la loi sur l'alcool afin de préciser que les articles 4 à 13 ont trait aux distilleries professionnelles tandis que les articles 14 et suivants s'appliquent aux distilleries domestiques.

Doivent être abrogés l'article 14, 3e alinéa, de la loi sur l'alcool, qui devient sans objet, et l'article 15, 3e et 4" alinéas, qui sera remplacé par l'article 8 de la nouvelle loi.

*

1347 Pour les raisons indiquées dans notre exposé, nous vous recommandons d'accepter notre projet de loi sur la concession des distilleries domestiques.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 13 décembre 1943.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, CELIO.

4265

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

1348 (Projet.)

Loi fédérale sur

la concession des distilleries domestiques.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SDISSE, vu l'article 32 bis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 13 décembre 1943, arrête :

Principe delà concession.

Article premier.

Dès le 6 avril 1945, les détenteurs d'une distillerie domestique existant encore et reconnue à ce moment doivent, pour pouvoir continuer de l'exploiter, être au bénéfice d'une concession.

Octroi de la concession.

Art. 2.

La concession est accordée par la régie des alcools, d'office et sans frais. Acte en est dressé.

Durée de la concession.

Renouvellement.

Transfert de la concession.

Art. 3.

La concession est accordée pour une durée de dix ans au plus.

Le renouvellement est soumis aux mêmes conditions que l'octroi.

Art. 4.

La concession est personnelle. Elle ne peut être transférée qu'avec l'autorisation de la régie des alcools. L'autorisation doit être accordée si l'appareil à distiller est transféré avec le domaine sur lequel il se trouve et si le nouveau détenteur remplit les conditions exigées pour l'octroi d'une concession.

Art. 5.

Refile d« la concession.

1

La concession doit être refusée si le détenteur de l'alambic ne remplit pas les conditions exigées du bouilleur de cru par la législation sur l'alcool.

1349 2

Elle peut en outre être refusée si le bouilleur de cru : a. A été puni en récidive pour contravention à la loi sur l'alcool; b. S'adonne à l'ivrognerie ou si le maintien de la distillerie présente un danger grave pour sa famille.

Art. 6.

La concession peut être retirée pour les motifs indiqués à l'article 5.

2 En cas d'ivrognerie, le retrait de la concession peut aussi être prononcé à titre provisoire.

3 En cas de contravention grave, la régie peut confisquer l'alambic.

La confiscation entraîne la perte de la concession.

1

Art. 7.

Sauf disposition contraire de la présente loi, les bouilleurs de cru sont régis par la législation sur l'alcool.

Art. 8.

Les distilleries domestiques sont placées sous la surveillance de la régie des alcools et de ses agents. Ceux-ci doivent avoir accès à la distillerie et aux locaux où sont entreposées des matières premières ou des boissons distillées, 2 Les bouilleurs de cru sont tenus de retirer une carte auprès de l'office de surveillance compétent et d'y faire au fur et à mesure les inscriptions exigées au sujet de leurs réserves, de la production et de l'utilisation d'eau-de-vie. Ils doivent la montrer et la remettre sur demande aux agents chargés de la surveillance et leur fournir tous les renseignements nécessaires.

3 La régie est autorisée à soumettre aux mesures do contrôle prévues pour les distilleries professionnelles les bouilleurs de cru dont l'alambic a une capacité de rendement particulièrement forte ou dont la production d'eau-de-vie est particulièrement grande.

4 Elle peut soumettre aux mêmes mesures les bouilleurs de cru dont le Conseil fédéral limite, en vertu de l'article 16 de la loi sur l'alcool, le droit à la franchise d'impôt.

1

Art. 9.

L'article 8 s'applique par analogie aux commettants assimilés aux bouilleurs de cru.

Retrait de la concession.

Confiscation de l'alambic.

Situation des bouilleurs de cru.

Surveillance, a. Distilleries domestiques.

b. Commettantsboullleurs de cru.

1350

Retrait du droit de faire distiller.

Recours.

Entrée en vigueur.

Modification de la loi sur l'alcool.

Exécution.

Art. 10.

En cas de contravention commise en récidive ou en cas d'ivrognerie, la régie des alcools peut retirer au bouilleur de cru ou au commettant-bouilleur de cru le droit de faire distiller.

Art. 11.

Les décisions de la régie des alcools concernant le refus, le retrait ou le non-renouvellement d'une concession peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif.

2 Le recours de droit administratif est aussi recevable contre les décisions de la régie retirant le droit de faire distiller.

1

Art. 12.

La présente loi entre en vigueur le 6 avril 1945.

2 Dès son entrée en vigueur, les dispositions suivantes de la loi du 21 juin 1932 sur l'alcool sont modifiées comme il suit: Art. 3, 3« al. : La production non industrielle des eaux-de-vie de fruits et déchets de fruits, de cidre, de poiré, de raisins, de vin, de marcs de raisins, de lies de vin, de racines de gentiane, de baies et d'autres matières analogues est autorisée si ces matières proviennent exclusivement de la récolte indigène du producteur (produits du cru) ou ont été récoltées par ses soins à l'état sauvage dans le pays. Toutefois, ces matières ne peuvent être distillées que dans les distilleries domestiques au bénéfice d'une concession ou pour le compte de commettants.

Art. 3, 5e al. : Une ordonnance du Conseil fédéral précisera ce qu'il faut entendre par production non industrielle et désignera les matières premières qui peuvent être distillées par les bouilleurs de cru.

Art. 55, 2* al. : En outre, l'administration peut retirer une concession qui lui a été octroyée.

Titre de l'art. 4 : 1


3

1. Formes des concessions. »

Les articles 14, 3e alinéa, et 15, 3e et 4e alinéas, de la susdite loi sont abrogés.

4 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi.

4206

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi sur la concession des distilleries domestiques. (Du 13 décembre 1943.)

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1943

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4478

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

23.12.1943

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