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Message du

conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant

la prolongation du temps de service des officiers.

(Du 18 novembre 1887.)

Monsieur le président et messieurs, Les articles 1, 10 et 12 de la loi sur l'organisation militaire, du 13 novembre 1874, fixent le temps de service des officiers en.

ce sens que les lieutenants et les premiers-lieutenants doivent servir dans l'élite jusqu'à l'âge de 32 ans révolus, les capitaines, jusqu'à l'âge de 35 ans révolus, et que les officiers supérieurs (majors, lieutenants-colonels et colonels) peuvent être incorporés soit dans l'élite, soit dans la landwehr, pendant la durée entière du service.

L'obligation de servir dure pour tous les officiers, ainsi que pour les sous-officiers et les soldats, jusqu'à la fin de l'année où ils atteignent l'âge de 44 ans.

L'organisation militaire de 1874 prévoit pour notre armée un chiffre relativement élevé d'officiers. Il en résulte que toutes les charges ne peuvent pas être occupées dans les divers arrondissements, ou qu'elles ne peuvent l'être qu'avec peine, comme c'est en partie le cas dans la landwehr ; ou bien, on est obligé, dans le choix des officiers, à avoir souvent recours à un personnel qui n'a pas l'instruction générale nécessaire, ou dont la position sociale et l'intelligence ne permettent pas d'en faire de bons officiers.

429 Par ce fait d'âge limité, les officiers restent trop peu longtemps dans les charges qu'ils occupent, car, à peine s'y sont-ils familiarisés qu'ils sont transférés dans un autre corps, ou qu'ils ·changent de nouveau de position. Afin que les -officiers restent plus longtemps dans l'armée, nous avons cherché à prévenir les inconvénients ci-dessus, en rendant déjà à la fin de l'année 1879, dans les limites des prescriptions réglementaires, une ordonnance à teneur de laquelle le passage en landwehr à l'âge de 32 ans, soit de 35 ans, et la sortie de celle-ci à l'âge de 44 ans révolus, ne seraient prononcés que sur une demande par écrit des intéressés ; nous avons ainsi obtenu un peu plus de stabilité dans les mutations du «orps d'officiers, mais non pas dans la mesure où cette stabilité serait nécessaire.

On pourrait sans doute remédier encore plus à ces inconvénients, en modifiant l'organisation des unités. Mais les raisons majeures qui s'opposent à des changements aussi profonds de l'organisation actuelle et dont l'influence préjudiciable se ferait sentir pendant nombre d'années, ne nous permettent pas, au moins pour le moment, de chercher, dans une réorganisation, un remède à cette situation. Cela est d'autant moins nécessaire, d'ailleurs, qu'il existe un autre moyen de diminuer le nombre des officiers à libérer du service, en prolongeant modérément la durée de leur temps de service.

Il est établi par l'expérience que les officiers sont nommés en ·cette qualité dans leur 22me année et que, comme tels, ils ne servent actuellement que pendant 22 ans ; mais si, comme nous le proposons dans le projet de loi ci-après, le temps de service est prolongé do 4 ans, le nombre des officiers à former sera réduit d''/6 à */6 (Annexe). Si ce projet de loi est adopté, nous n'aurions plus, clans les circonstances les plus défavorables, et abstraction faite des officiers sanitaires et vétérinaires, que 302 officiers au lieu de 362 (moyenne des 5 dernières années}, soit donc 60 de moins à former, pour maintenir le corps des officiers au même chiffre numérique que jusqu'ici.

Les officiers sanitaires ne sont pas compris, parce que le recrutement de ces derniers dépend du nombre des étudiants qui font l'examen comme médecins, soit comme vétérinaires.

Un temps de service plus long ne permet pas seulement de faire
un meilleur choix des officiers, mais ces derniers ont encore l'occasion d'acquérir une plus grande expérience du service. Actuellement, les officiers subalternes ont l'âge ci-après, dans les différentes armes, au moment de leur nomination à un nouveau grade :

430 Nombre des Lieutenante.

officiers.

Premierslieutenants.

887 48 239 68 260 116

Capitaines.

Age moyen au moment de leur nomination au grade de : LionCapiProimortenant. lientcnant. taine.

25, 7 29,a 21,, 22 29,, 26,2 26, 2 21,4 30>S!

22,8 27 I6 25,5 24 30,4 24 29>7 26,8

Infanterie . .

974 487 Cavalerie .

84 36 Artillerie .

276 101 Génie . . .

81 40 Sanitaire 49 291 Administration 80 103 Total 1544 1618 1058 22 25,9 29,7 Cette récapitulation prouve que l'avancement est rapide de grade en grade. Si nous prenons l'infanterie pour base de nos recherches ultérieures, nous voyons que le premier-lieutenant obtient déjà ce grade dans sa 26me année, mais il ne reste néanmoins que 6 ans dans l'élite, car, dans la règle, il passe déjà dans la landwehr à l'âge de 32 ans. Avec notre système de cours de répétition tous les deux ans, il ne pourra ainsi assister qu'à trois cours semblables, soit à des manoeuvres si importantes pour le développement des officiers et des troupes, après quoi il devra immédiatement faire place à un.nouveau venu. Le capitaine reçoit le commandement de sa compagnie à l'âge de 29,6, soit de 30 ans, ainsi donc 5 ans avant de passer à la landwehr. Il n'aura ainsi que 2 ou 3 ibis l'occasion de conduire sa compagnie dans les cours de répétition, pour céder ensuite le commandement à un officier plus jeune, qui le suivra aussi rapidement dans la landwehr. De cette manière, et s'il n'y a pas de service de campagne dalns l'intervalle, le capitaine n'aura aucune occasion de faire plus amplement connaissance avec sa compagnie et d'acquérir la routine si nécessaire du service. Mais le commandement d'une compagnie est devenu extrêmement important, et celui qui sait ce que signifie le rôle de chef de compagnie, au point de vue tactique et administratif, regrettera assurément de voir les compagnies passer si rapidement d'une main \dans l'autre, et combien manquent à l'élément mobile de notre armée ces anciens capitaines, pleins d'expérience, qui précédemment faisaient l'orgueil des bataillons dans quelques cantons.

Notre projet complète l'organisation militaire actuelle en ce sens que les lieutenants et les premiers-lieutenants resteront dans l'élite 2 ans, les capitaines 3 ans de plus que jusqu'ici et auront ainsi l'occasion de suivre au moins quatre cours de répétition, soit de prendre part à un exercice par bataillon, par régiment, par brigade et par division pour terminer leur instruction.

La prolongation du temps de service dans l'élite en amène

so,;

431 nécessairement une semblable dans la landwehr, car si les officiers restent 2 ans de plus dans l'élite et s'ils sortaient de la landwehr à l'âge de 44 ans, comme jusqu'ici, le corps des officiers de cette dernière subirait encore une plus forte réduction. Le nombre des charges d'officiers dans la landwehr est à peu près le même que dans l'élite ; or, il est évident qu'avec un temps de service égal dans les deux classes d'âge, il faudrait s'attendre à une diminution, plus forte de l'état numérique du corps d'officiers de la landwehr, parce que l'âge plus élevé de ces derniers amènerait nécessairement une plus forte diminution. Si l'on se bornait dès lors à prolonger de deux ans le temps de service dans la landwehr, on rétablirait simplement l'état de choses précédent ; mais si le temps de service dans la landwehr est lui-même encore prolongé de deux ans, on peut espérer qu'avant peu de temps le corps des officiers de landwehr sera au complet. C'est ce qui aura lieu en y conservant des officiers ayant servi pendant longtemps et possédant l'expérience du service ; ce choix d'officiers sera ainsi bien plus avantageux à la landwehr que l'augmentation qu'elle recevait dans la personne de sous-officiers promus au grade de lieutenant, qui ne pouvaient pas se préparer suffisamment comme officiers dans les écoles préparatoires extraordinaires d'officiers, en sorte que le système introduit, à titre d'essai, dans l'infanterie, depuis quelques années, n'était pas autre chose qu'un pis-aller.

Il nous reste encore à examiner si, par la mesure que nous proposons, les exigences auxquelles les officiers doivent faire face, ne seraient pas par trop exagérées. Au point de vue physique, nous estimons que des hommes de 44 à 48 ans peuvent encore satisfaire à ce que l'on exige des officiers de la landwehr. A cet âge, la plupart des officiers vivent dans des conditions relativement favorables, en sorte qu'ils conserveront bien encore pendant 4 ans de plus les forces que l'on constate même parmi les hommes appartenant aux classes d'âge les plus anciennes, et qui paraissent eucore très vigoureux.

On exige sans doute des officiers de plus grands sacrifices de temps et d'argent. Toutefois, ils se borneront, dans l'élite, à un cours 'de répétition de plus, et à un cours semblable au plus dans la landwehr, ce qui, comparé
à la vie entière d'un homme, ne peut pas paraître exagéré. Le grand nombre d'hommes auxquels il ne sera plus nécessaire de recourir à l'avenir pour le grade d'officier, est un allégement bien autrement considérable que les 25 jours de service environ que l'on exigera de plus de chaque officier.

Dans ce nouvel état de choses, l'effectif des officiers sera passablement réduit, ce qui permettra de compléter un peu mieux les cadres de sous-officiers et d'augmenter surtout leurs capacités.

432

La Confédération économisera aussi les frais d'instruction et d'équipement de 60 officiers environ, en sorte que la somme assez forte qui deviendra ainsi disponible, sera employée avantageusement dans un but d'instruction pour le corps des officiers, tout en facilitant chaque officier en particulier.

A ce dernier point de vue, nous ne pouvons nous abstenir de faire remarquer que, comme le soldat, l'officier doit être indemnisé pour les frais de son habillement et de son équipement, dans une mesure qui reste à fixer, et que la loi avait en outre prévu une indemnité supplémentaire qui, à la suite de circonstances sur lesquelles nous n'avons pas besoin de nous étendre davantage, a été supprimée par la loi fédérale du 21 février 1878, suspendant certaines dispositions de l'organisation militaire.

Le subside payé jusqu'ici par la Confédération pour les frais de premier équipement de l'officier, a toujours été fort modeste et ne permet de faire ces acquisitions, en nombre et en qualité voulus, -qu'aux chiffres les plus bas. Avec l'augmentation croissante du service, ce premier équipement ne suffit pas, surtout le pantalon et la tunique, pour la durée entière du service, et il ne permet pas non plus de se présenter convenablement devant les troupes, c'est pourquoi il est urgent de faire des acquisitions supplémentaires qui ne peuvent pas être mises à la charge du porteur seul.

La prolongation du temps de service que nous proposons est donc la meilleure occasion de faire droit aux justes revendications des officiers sous ce rapport, et de ne pas leur faire subir plus longtemps les conséquences d'une loi qui, dans l'état où se trouvaient autrefois les finances de la Confédération, était sans doute justifiée, mais qui ne l'est plus aujourd'hui, dans les nouvelles circonstances où nous nous trouvons. En conséquence, si nos propositions sont acceptées, nous vous en ferons prochainement de semblables pour remettre en vigueur le second aliné'a de l'article 149 de l'organisation militaire de 1874.

En recommandant à votre approbation le projet de loi ci-après, nous saisissons cette occasion, monsieur le président et messieurs, pour vous assurer de notre haute considération.

Berne, le 18 novembre 1887.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération: DROZ.

Le cÎMncelier de la Confédération .UlNGIER.

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Projet.

Loi fédérale concernant

la prolongation du temps de service des officiers.

L'ASSEMBLÉE FEDERALE de la

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, vu un message du conseil fédéral, du 18 novembre 1887, décrète : er

Art. 1 . Le temps de service des officiers dure, dans l'élite, usqu'à l'âge de 34 ans révolus, et, dans la landwehr, jusqu'à l'âge ·de 48 ans révolus. Le passage en landwehr, soit dans le landaturm, a lieu à la fin de l'année où ces limites d'âge sont atteintes.

Art. 2. Sont exceptés de cette prescription : a. les capitaines de toutes armes. Ces derniers n'acquèrent le droit de passer à la landwehr qu'à la fin de l'année où ils ont atteint l'âge de 38 ans ; 3>. les officiers supérieurs (majors, lieutenants-colonels et colonels) qui peuvent être incorporés dans l'élite ou dans la landwehr pendant la durée entière du service.

Art. 3. Les articles 1, 10 et 12 de la loi sur l'organisation militaire, du 13 novembre 1874, sont abrogés, pour autant qu'ils sont en contradiction avec les prescriptions de la présente loi.

Art. 4. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

Nombre d'officiers formés annuellement dans chaque arme pendant les années 1882 à 1886.

Elite.

1883.

Arme.

1883.

1881.

1885.

1886.

1887.

Total. Moyenne.

Observations.

par an.

Infanterie . . . .

3Û3

255

192

243

251

Cavalerie . . . .

13

10

27

24

15

Artillerie . . . .

43

45

57

66

43

Génie

24

19

13

10

Sanitaire . . . .

78'

55

68

Administration

. .

38

39

Total

499

Sans les officiers de santé et les vétérinaires . .

421'

1244

249

89

. 18

--

254

51

12

--

78

16

71

52

--

324

65

23

24

21

--

145

29

423

380

438

394

2134

427

368

312

367

342

1810

362

--

-- --

Ecoles préparatoires de landwehr ( d'officiers non comprises.

Vétérinaires y compris.

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Message du conseil fédéral à l'assemblée fédérale concernant la prolongation du temps de service des officiers. (Du 18 novembre 1887.)

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1887

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

26.11.1887

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