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Relation de surveillance entre le Ministère public de la Confédération et son autorité de surveillance Rapport final des Commissions de gestion du Conseil des États et du Conseil national du 22 juin 2021

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Condensé Durant la première phase de leur inspection consacrée à la relation de surveillance entre le Ministère public de la Confédération (MPC) et son autorité de surveillance, les Commissions de gestion (CdG) ont enquêté sur les divergences de vues entre le MPC et l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC) au sujet de la surveillance telle qu'elle est exercée actuellement. Les résultats de l'enquête ont été publiés dans le rapport des CdG du 24 juin 2020.

Lors de la deuxième phase de l'inspection, les CdG ont chargé les professeurs Christopher Geth, de l'Université de Bâle, et Benjamin Schindler, de l'Université de SaintGall, de procéder à une appréciation juridique et de leur soumettre des propositions d'amélioration des bases légales de l'AS-MPC et des dispositions de droit d'organisation du MPC, le tout en se fondant sur les conclusions du rapport relatif à la première phase.

Les questions traitées par les experts dans l'avis de droit du 3 février 2021 et dans les compléments qui y ont été apportés le 28 avril 2021 se répartissent en quatre thèmes: discussion relative aux modèles de surveillance, portée de la surveillance et compétences en la matière, composition de l'AS-MPC et ressources dont dispose cette dernière ainsi que élection, réélection et révocation des cadres dirigeants du MPC et structures de celui-ci. Les CdG ont invité les autorités concernées, à savoir l'ASMPC, le MPC, le Département fédéral de justice et police (DFJP) et la Chancellerie fédérale (ChF), à prendre position sur l'avis de droit. Les principaux éléments de ce dernier et les points de vue correspondants des autorités concernées sont exposés dans le présent rapport en fonction des quatre thèmes précités (chap. 3.1 à 3.5).

Dans le cadre d'une troisième phase, les CdG ont tiré des conclusions en se fondant sur l'avis de droit et les points de vue des autorités concernées, avant de formuler des recommandations à l'adresse du législateur (chap. 4). Elles proposent ainsi aux commissions thématiques compétentes en la matière (les Commissions des affaires juridiques [CAJ]) d'entamer une révision des bases légales régissant la surveillance du MPC et le rattachement administratif de cette surveillance en partant du modèle «statu quo plus» et en tenant compte des considérations présentées dans le présent rapport (chap. 5).

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Table des matières Condensé

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1

Introduction 1.1 Contexte 1.2 Mandat confié aux experts 1.3 Délimitations avec d'autres interventions parlementaires 1.4 Démarche

5 5 6 7 8

2

Évènements survenus depuis l'été 2020

9

3

Constatations et recommandations des experts et avis des autorités concernées 3.1 Discussion relative aux modèles de surveillance 3.1.1 Constatations et recommandations des experts 3.1.2 Avis des autorités consultées 3.2 Portée et compétences de la surveillance 3.2.1 Constatations et recommandations des experts 3.2.2 Avis des autorités consultées 3.2.2.1 AS-MPC 3.2.2.2 MPC 3.2.2.3 DFJP 3.3 Composition et ressources de l'AS-MPC 3.3.1 Constatations et recommandations des experts 3.3.2 Avis des autorités consultées 3.4 Élection, réélection et révocation des personnes à la tête du MPC, structures du MPC 3.4.1 Constatations et recommandations des experts 3.4.2 Avis des autorités consultées 3.5 Examen d'autres aspects: nomination et statut des procureurs extraordinaires 3.5.1 Constatations et recommandations des experts 3.5.2 Avis de l'AS-MPC

4

11 11 11 14 15 15 19 19 22 24 24 25 25 27 27 29 31 31 32

Conclusions et recommandations des CdG 4.1 Discussion des modèles de surveillance 4.2 Portée et compétences de la surveillance 4.3 Composition et ressources de l'AS-MPC 4.4 Élection, réélection et révocation des personnes à la tête du MPC, structures du MPC 4.5 Nomination et statut des procureurs extraordinaires, questions liées à la surveillance

32 32 33 37

5

Proposition aux Commissions des affaires juridiques

38

6

Suite de la procédure

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37 38

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Liste des abréviations

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Le 14 mai 2019, les Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États (CdG) ont décidé de mener une inspection visant à faire la lumière sur les divergences de vues entre le Ministère public de la Confédération (MPC) et l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC) au sujet de la surveillance.

La décision de mener cette inspection a été prise dans le contexte des désaccords entre l'AS-MPC et le MPC concernant la troisième rencontre informelle entre le président de la Fifa et le procureur général de la Confédération, de l'ouverture d'une enquête disciplinaire contre ce dernier et de sa réélection prochaine par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies).

Le rapport des CdG du 24 juin 20201 concluait la première phase de leur inspection, dont l'objectif était d'enquêter sur les conceptions divergentes de l'AS-MPC et du MPC concernant la surveillance actuelle et, parallèlement, d'examiner de quelle manière la confiance entre le MPC et l'AS-MPC pourrait être restaurée.

Lors de la deuxième phase de l'inspection, les CdG ont chargé les professeurs Christopher Geth2 et Benjamin Schindler3 de procéder à une appréciation juridique et de soumettre aux commissions des propositions d'amélioration des bases légales de l'AS-MPC et des dispositions de droit d'organisation du MPC, le tout en se fondant sur les conclusions du rapport relatif à la première phase.

Dans le cadre d'une troisième phase, les CdG ont tiré des conclusions en se fondant sur l'avis de droit du 3 février 20214. Le présent rapport contient lesdites conclusions, accompagnées des recommandations des CdG à l'adresse du législateur5, et une proposition que les CdG ont déposée.

1

2 3 4

5

Relation de surveillance entre le Ministère public de la Confédération et son autorité de surveillance. Rapport des Commissions de gestion du Conseil national et du Conseil des États du 24 juin 2020 (FF 2020 9375).

Christopher Geth est professeur de droit pénal à la faculté de droit de l'Université de Bâle.

Benjamin Schindler est professeur de droit public à l'Université de Saint-Gall.

Geth Christopher, Schindler Benjamin, Aufsicht über die Bundesanwaltschaft, Gutachten zuhanden der Geschäftsprüfungskommissionen beider Räte vom 3. Febr. 2021 (publié [uniquement en allemand] sur la page Internet des CdG: www.parlement.ch > Commissions > Commissions de surveillance > Commissions de gestion > Rapports).

Par législateur, on entend ici en particulier les Commissions des affaires juridiques du Conseil national et du Conseil des États, qui sont compétentes dans le domaine législatif concerné.

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1.2

Mandat confié aux experts

Le mandat confié le 24 juin 2020 par les CdG aux deux experts avait la teneur suivante: «Il y a lieu de faire le point sur les lacunes du dispositif en vigueur en se fondant sur le rapport des CdG du 24 juin 2020 concernant l'inspection consacrée à la relation de surveillance entre le Ministère public de la Confédération (MPC) et son autorité de surveillance.

Il s'agit en outre d'examiner les bases légales relatives à l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC), à savoir les art. 23 à 31 de la loi sur l'organisation des autorités pénales (LOAP6), l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'organisation et les tâches de l'AS-MPC (RS 173.712.24) et les dispositions légales applicables à l'organisation du MPC (art. 7 à 22 LOAP), et de proposer des modifications visant à: 1.

garantir l'indépendance du MPC;

2.

améliorer l'efficacité et l'autorité de l'organe chargé d'exercer la surveillance sur le MPC;

3.

structurer les autorités de poursuite pénale de telle sorte que, quelle que soit l'identité du titulaire, celles-ci fonctionnent de manière stable et donnent satisfaction;

4.

garantir le respect, au sein du MPC, des principes de la gouvernance d'entreprise.

Le mandat ne porte pas sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de poursuite pénale au sens des art. 23 ss du code de procédure pénale7.

L'examen et les propositions de modification sont abordés aussi bien du point de vue du droit public que du point de vue du droit administratif, et tant sur le plan pénal que sous l'angle de la procédure pénale.

Il convient de se pencher sur plusieurs options et d'exposer leurs avantages et inconvénients respectifs. Les options principales à envisager sont les suivantes: 1. Statu quo plus Cette option repose sur la structure actuelle (MPC indépendant soumis à une autorité de surveillance indépendante) et propose des possibilités de modification sur la base des lacunes constatées.

Doivent être examinés plus précisément: 1.1 l'autorité qui élit et révoque l'AS-MPC et le procureur général de la Confédération ainsi que ses deux suppléants; 6 7

Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (loi sur l'organisation des autorités pénales, LOAP; RS 173.71).

Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (code de procédure pénale, CPP; RS 312.0).

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1.2 la composition de l'AS-MPC, son rattachement possible à une unité administrative existante et sa dotation en ressources; 1.3 le droit disciplinaire et les compétences de l'AS-MPC en matière de droit du personnel; 1.4 la pertinence des instruments de surveillance de l'AS-MPC, en particulier de son droit à l'information, de son accès aux dossiers et de son pouvoir d'édicter des directives; 1.5 l'octroi à l'AS-MPC de compétences en matière d'organisation concernant le MPC; 1.6 les dispositions régissant l'organisation du MPC (art. 7 à 22 LOAP), dans la mesure où elles jouent un rôle dans le contexte concret en rapport avec la surveillance et l'autorité d'élection; 1.7 l'examen de la répartition des compétences au sein du MPC et entre le MPC et son autorité de surveillance; 1.8 les compétences du procureur général de la Confédération en matière de directives et le problème de la récusation; 1.9 l'examen d'autres aspects si nécessaire.

2. Statu quo ante modifié Cette option repose sur une réintégration au sein de l'administration fédérale ou un rattachement au Conseil fédéral, moyennant la garantie de l'indépendance du MPC dans la cadre de la poursuite pénale.

Pour l'essentiel, il faut contrôler là aussi les aspects évoqués aux points 1.1 à 1.8 cidessus.

3. Autres options D'autres options doivent être étudiées, par exemple une combinaison des options 1 et 2, ou une option qui reposerait sur le rattachement au pouvoir judiciaire.»

1.3

Délimitations avec d'autres interventions parlementaires

Le mandat ne portait pas sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de poursuite pénale au sens des art. 23 ss du code de procédure pénale. Le Conseil fédéral se penche actuellement sur cette question, le Conseil des États ayant approuvé un tel mandat d'examen le 14 décembre 2020 dans le cadre d'un postulat8.

Les autres interventions ci-après ont été déposées:

8

19.3570 Postulat Daniel Jositsch du 11 juin 2019 «Contrôle de la structure, de l'organisation, de la compétence et de la surveillance du Ministère public de la Confédération».

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­

1.406 Iv. pa. Lüscher Christian du 1er mars 2021, Changement du mode d'élection du Procureur général de la Confédération et des Procureurs généraux suppléants. L'initiative, qui n'a pas encore été traitée au conseil, demande que la compétence de nommer et de révoquer le procureur général de la Confédération soit attribuée au Conseil fédéral.

­

20.485 Iv. pa. CAJ-E du 4 décembre 2020. Adaptation de l'âge limite en vigueur au sein du Ministère public de la Confédération (cf. chap. 2).

­

20.474 Iv. pa. Sommaruga Carlo du 24 septembre 2020, Réforme pour des autorités de poursuite pénale fédérales renforcées et plus efficientes. L'initiative, qui n'a pas encore été traitée au conseil, vise entre autres à modifier les dispositions légales pour que tous les procureurs fédéraux soient désormais élus par l'Assemblée fédérale. Elle demande également que la possibilité d'une composition plurielle de la direction du MPC soit évaluée et que la surveillance du MPC soit examinée.

­

19.485 Iv. pa. Lüscher Christian du 23 septembre 2019. Dépolitisation de l'élection du procureur général de la Confédération. Le 15 janvier 2021, la CAJ-N a donné suite à l'initiative, qui n'a pas encore été traitée au conseil.

L'initiative vise à fixer la date de l'élection du procureur général de la Confédération 24 mois après les élections du Parlement.

­

19.479 Iv. pa. UDC du 18 septembre 2019. Nécessité de réformer la surveillance du Ministère public de la Confédération. Le 10 mars 2021, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à l'initiative; l'objet est liquidé. L'initiative visait à répartir la surveillance du MPC entre le Département fédéral de justice et police (DFJP) et le Tribunal fédéral.

1.4

Démarche

Le 24 février 2021, les sous-commissions Tribunaux/MPC9 des CdG (ci-après «souscommissions»), qui étaient chargées de l'inspection, se sont penchées sur l'avis de droit du 3 février 2021 avec les deux experts et un représentant de chacune des principales autorités concernées, à savoir l'AS-MPC et le MPC. Elles ont ensuite invité l'AS-MPC, le MPC, le DFJP et la Chancellerie fédérale (ChF) à prendre position par écrit sur les résultats de l'avis de droit afin que toutes les autorités concernées soient impliquées le plus tôt possible dans la discussion. Celles-ci ont été priées de s'exprimer en particulier sur les quatre thèmes ci-après: le modèle de surveillance, la portée de la surveillance et les compétences en la matière, la composition de l'AS-MPC et les ressources octroyées, ainsi que l'élection, la réélection et la révocation des cadres dirigeants du MPC et les structures du MPC.

9

La sous-commission Tribunaux/MPC de la CdG-E est composée de: Hans Stöckli (président), Thierry Burkart, Marco Chiesa, Daniel Fässler et Carlo Sommaruga.

La sous-commission Tribunaux/MPC de la CdG-N est composée de: Manuela WeicheltPicard (présidente), Marianne Binder-Keller, Prisca Birrer-Heimo, Katja Christ, Yvette Estermann, Erich Hess, Christian Imark, Philippe Nantermod et Isabelle Pasquier-Eichenberger.

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Les sous-commissions ont en outre chargé les deux experts de compléter leur avis de droit. D'une part, ceux-ci devaient approfondir l'idée d'un modèle portant sur une direction collective du MPC. D'autre part, ils devaient examiner plus avant une proposition faite pendant la discussion, selon laquelle les compétences actuelles de l'Assemblée fédérale relatives à l'élection, la réélection et la révocation des cadres dirigeants du MPC seraient transférées à l'AS-MPC afin d'éviter le risque de politisation, ce qui reviendrait à attribuer à l'AS-MPC un rôle analogue à celui qui incombait au Conseil fédéral jusqu'en 2001.

Conformément au mandat supplémentaire qui leur avait été confié, les experts ont présenté le complément à leur avis de droit le 28 avril 2021. Ce complément a également été envoyé pour avis à l'AS-MPC, au MPC et au DFJP.

Le 25 mai 2021, les sous-commissions ont soumis le projet du présent rapport final à l'AS-MPC et au MPC pour avis et, le 14 juin 2021, elles l'ont approuvé à l'intention des CdG en tenant compte des remarques formulées par l'AS-MPC et le MPC. Le 22 juin 2021, le rapport a été approuvé par les CdG et publié avec l'avis de droit.

2

Évènements survenus depuis l'été 2020

En guise de vue d'ensemble, le présent chapitre présente une récapitulation des évènements survenus depuis la publication du rapport des CdG du 24 juin 2020.

Dans son arrêt du 22 juillet 202010, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a confirmé pour l'essentiel la violation des devoirs de fonction commise par le procureur général11 que l'AS-MPC avait établie dans le cadre d'une procédure disciplinaire12, mais il a réduit la sanction, fixant la réduction de son salaire pendant une année à 5 % au lieu de 8 %.

Le 24 juillet 2020, l'ancien procureur général Michael Lauber a affirmé, dans une déclaration personnelle, qu'il respectait la décision du tribunal, mais qu'il continuait à rejeter fermement l'accusation de mensonge. À ses yeux, cependant, le fait que l'on ne le croie pas en qualité de procureur général était préjudiciable au MPC. Par conséquent, et dans l'intérêt des institutions, il a offert sa démission à la Commission judiciaire (CJ), compétente en la matière13.

Le procureur général a quitté son poste à la fin du mois d'août 2020. La CJ a formellement clos, au terme du même mois, la procédure de révocation visant le procureur général de la Confédération qui avait été ouverte le 20 mai 202014. Les deux procureurs généraux suppléants, Ruedi Montanari et Jacques Rayroud, ont assumé ensemble la co-direction du MPC à partir du 1er septembre 2020.

Le 29 juin 2020, l'AS-MPC a nommé Stefan Keller en qualité de procureur extraordinaire de la Confédération, en le chargeant de se pencher sur les plaintes déposées 10 11 12 13 14

Arrêt A-2138/2020 Communiqué de presse de l'AS-MPC du 24 juillet 2020.

Décision de l'AS-MPC du 2 mars 2020, site Internet de l'AS-MPC.

Communiqué de presse du MPC du 24 juillet 2020: «Déclaration personnelle du Procureur général de la Confédération».

Communiqué de presse de la CJ du 19 août 2020.

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contre l'ancien procureur général pour abus d'autorité, violation du secret de fonction et favoritisme lié aux rencontres informelles avec le président de la Fifa15. Le procureur extraordinaire de la Confédération a ensuite soumis à la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) ainsi qu'à la Commission de l'immunité du Conseil national (CdI-N) une demande d'autorisation d'ouverture d'une procédure pénale contre l'ancien procureur général, demande qui a été acceptée16. À la session d'automne 2020, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) a élu, sur la proposition de la CJ, Stefan Keller procureur général extraordinaire, au sens de l'art. 17, al. 3, de la loi sur le Parlement17, et l'a chargé de mener ladite procédure pénale18.

Le 30 avril 202119, la Cour des plaintes du TPF a approuvé une demande de récusation du président de la Fifa, Gianni Infantino, contre le procureur général extraordinaire, Stefan Keller. Celui-ci a alors remis son mandat au 31 mai 2021. La CJ a ensuite décidé, d'entente avec l'AS-MPC, de préparer l'élection d'un nouveau procureur général extraordinaire20.

Le 1er septembre 2020, la CJ a mis au concours le poste de procureur général de la Confédération. Elle n'a toutefois retenu aucun des candidats et a décidé, le 25 novembre 2020, de remettre le poste au concours en vue de la session de printemps 2021.

Simultanément, elle a invité les Commissions des affaires juridiques (CAJ) à modifier les bases légales pour relever à 68 ans la limite d'âge applicable au poste de procureur général de la Confédération21. La CAJ-E a lancé un projet de modification de loi approprié le 3 décembre 202022.

Le 24 février 2021, la CJ a fait savoir que, à l'issue d'une procédure d'évaluation externe et d'une seconde audition, aucune des candidatures n'avait obtenu le large soutien souhaité par la commission, si bien que cette dernière avait décidé de remettre le poste au concours23. Lors de diverses interviews, le président de la CJ a exprimé son regret de voir la politique jouer aussi un rôle dans l'élection du procureur général de la Confédération24.

Le 10 mars 2021, la CJ a décidé d'attendre les premières décisions politiques concernant l'avenir du MPC avant de mettre une nouvelle fois au concours le poste de procureur général de la Confédération dans le courant de l'année 2021. Elle a communiqué aussi qu'elle allait renforcer par ailleurs ses instruments en matière de recherche

15 16 17 18 19 20 21 22

23 24

Communiqué de presse de l'AS-MPC du 30 juillet 2020.

Communiqué de presse de la CdI-N du 24 août 2020.

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Communiqué de presse du procureur général extraordinaire de la Confédération du 23 sép-tembre 2020.

Arrêt FF 2020 296 Communiqué de presse de la CJ du 19 mai 2021.

Communiqué de presse de la CJ du 25 novembre 2020.

20.485 Iv. pa. CAJ-E du 4 décembre 2020 «Adaptation de l'âge limite en vigueur au sein du Ministère public de la Confédération». La CAJ-N a commencé par rejeter l'initiative.

Le Conseil des États a donné suite à l'initiative le 17 mars 2021, puis la CAJ-N s'est ralliée à cette décision le 26 mars 2021. Le 10 juin 2021, le Conseil des États a approuvé le projet d'acte de la CAJ-E du 13 avril 2021 sans y apporter de modification.

Communiqué de presse de la CJ du 24 février 2021.

Par ex. dans l'émission Rundschau du samedi 13 mars 2021, sur Radio SRF.

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de candidats et de protection de la confidentialité25. Le 19 mai 2021, la CJ a décidé de remettre au concours le poste de procureur général de la Confédération. Elle entend par ailleurs étudier les possibilités d'optimisation de ses procédures internes26.

3

Constatations et recommandations des experts et avis des autorités concernées

Le présent chapitre contient des réflexions concernant les quatre thématiques suivantes: la discussion relative aux modèles de surveillance, la portée de la surveillance et les compétences en la matière, la composition de l'AS-MPC et les ressources dont dispose cette dernière ainsi que l'élection, la réélection et la révocation des cadres dirigeants du MPC et les structures de celui-ci. Les principales constatations et recommandations des experts ont été résumées et les avis de l'AS-MPC, du MPC, du DFJP et de la ChF, regroupés pour chaque thème. Il convient de noter à ce sujet que les avis des autorités doivent être considérés comme des contributions au débat et non comme des avis contraignants en vue d'une révision de la législation.

Dans le chapitre suivant (chap. 4), les CdG présentent leurs conclusions et formulent des recommandations et une proposition à l'intention des CAJ, qui sont les commissions thématiques compétentes en la matière.

3.1

Discussion relative aux modèles de surveillance

Voir l'avis de droit, chapitres 3.4 et 3.5 (ch. marg. 159 à 180), et 5 (ch. marg. 216 et 217).

3.1.1

Constatations et recommandations des experts

Les experts ont abordé la discussion relative au modèle de surveillance en se penchant sur l'historique de l'évolution du MPC et en examinant les différents modèles qui ont déjà été appliqués (chap. 2.1 et 2.2 de l'avis de droit). Ils ont également présenté le large éventail de possibilités en matière d'organisation de la surveillance en se fondant sur les modèles cantonaux (chap. 2.3 et 2.4). Après avoir examiné les avantages et les inconvénients des modèles de surveillance déjà mis en place dans le passé au niveau fédéral, les experts recommandent de s'en tenir au statu quo en y apportant quelques améliorations (modèle «statu quo plus»). Ils déconseillent d'essayer de mettre en place un modèle complètement inédit, estimant que cela induirait des incertitudes importantes. Ils estiment que le modèle de surveillance actuel constitue une réponse à des conflits passés et non la cause primaire, voire la seule cause des problèmes actuels.

25 26

Communiqué de presse de la CJ du 10 mars 2021.

Communiqué de presse de la CJ du 19 mai 2021.

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Les experts distinguent quatre modèles, dont ils analysent les points forts et les points faibles sous l'angle de l'efficacité et de l'efficience, de l'indépendance et de la légitimité démocratique.

Modèle de la surveillance par le pouvoir exécutif (au niveau fédéral: surveillance par le Conseil fédéral, jusqu'en 2001) L'avantage de ce modèle réside dans le fait qu'il permettrait d'associer à la mission de surveillance toutes les autorités de la Confédération qui assument des tâches dans le cadre de la poursuite pénale (MPC, PJF27, exécution des peines et entraide judiciaire) et de mieux coordonner leurs activités. Grâce à une telle coordination, la politique criminelle de la Confédération pourrait être mieux pilotée de manière centralisée et les responsabilités dans le domaine du droit du personnel seraient claires. Cette option est relativement peu coûteuse et a une solide légitimité démocratique. Elle présente cependant l'inconvénient de ne pas garantir suffisamment l'indépendance du Ministère public (comme l'ont montré les expériences négatives faites par le passé), doublé d'un danger de «politisation» de la surveillance. De plus, l'exécutif ne dispose guère des compétences techniques requises en matière de poursuite pénale, ni de suffisamment de temps pour assumer cette tâche. Afin de remédier à ces points faibles, il serait envisageable, par exemple, de désigner un comité consultatif chargé de seconder le Conseil fédéral.

Modèle de la surveillance conjointe (au niveau fédéral: surveillance exercée conjointement par le Conseil fédéral et par les tribunaux, 2002 ­ 2011) La répartition de la surveillance en un volet administratif et un volet matériel n'a pas donné satisfaction au niveau fédéral: elle s'est révélée être génératrice de conflits problématiques en matière de compétences, avec comme conséquence que personne ne s'estimait responsable de la surveillance. Cette situation donne forcément lieu à des lacunes. Par ailleurs, même une surveillance purement administrative de la part de l'exécutif peut conduire à une prise d'influence impropre sur les activités du procureur général de la Confédération. Le fait que la surveillance matérielle soit confiée à un tribunal dans le cadre d'un modèle de surveillance conjointe peut certes renforcer l'indépendance du Ministère public, mais il peut
aussi avoir une conséquence indésirable sur l'indépendance de la justice: en rendant le pouvoir judiciaire co-responsable du bon fonctionnement du Ministère public dans le cadre de sa surveillance, on crée une certaine proximité institutionnelle entre le Ministère public et les tribunaux, qui pourrait porter préjudice à l'indépendance des juges et donc à la mission première de la justice. La légitimité de l'organe de surveillance est en outre moins élevée si cette tâche est conférée au pouvoir judiciaire que si elle relève de l'exécutif.

Modèle de la surveillance par le pouvoir judiciaire (modèles cantonaux jamais mis en oeuvre au niveau fédéral) L'option d'une surveillance par le pouvoir judiciaire repose sur l'idée d'une autogestion de la justice. Elle englobe la surveillance non seulement du Ministère public, mais aussi des tribunaux. L'application d'un modèle de ce type au niveau fédéral nécessiterait une modification de la Constitution. Les synergies potentielles entre la mission 27

Police judiciaire fédérale

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de protection du droit et les tâches de surveillance pourraient, selon les circonstances, rendre une telle option relativement peu coûteuse. Cette surveillance pourrait renforcer la protection du droit par les tribunaux, sans toutefois la compléter. Compte tenu du fait qu'une grande partie des activités du MPC échappe au contrôle juridique des tribunaux ­ en droit ou en fait ­, ce type d'option semble peu efficace. Dans le cadre de leurs tâches de surveillance, les tribunaux seraient, dans une certaine mesure, coresponsables du bon fonctionnement du MPC, ce qui pourrait générer une proximité excessive et risquerait donc de représenter une menace pour l'indépendance de la justice et, partant, pour la fonction première des tribunaux.

Modèle de la surveillance par une autorité indépendante (formule de surveillance du MPC appliquée actuellement, «statu quo») La formule de surveillance actuellement appliquée au MPC repose sur la création d'une autorité de surveillance à la fois spécialisée et indépendante, qui ne peut pas être rattachée clairement à l'un des modèles présentés plus haut. Constituée d'experts, l'AS-MPC garantit en principe l'efficacité de la surveillance. Elle est en grande partie indépendante des autres organes de l'État et, comme ses membres sont élus par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), elle jouit, formellement, d'un haut degré de légitimité démocratique. L'AS-MPC représente toutefois une solution relativement coûteuse, compte tenu des ressources nécessaires à son fonctionnement.

En conclusion de leur évaluation, les experts estiment que, sous l'angle des principaux aspects que sont l'efficacité et l'efficience, l'indépendance et la légitimité démocratique, le bilan du modèle de surveillance actuel est globalement positif. Dans leur examen détaillé, ils se sont par conséquent concentrés sur les points faibles du système actuel et sur les solutions envisageables pour y remédier («statu quo plus», cf. chap. 3.2 à 3.5 suivants).

Compléments à l'expertise: modèle «statu quo plus compétence de l'AS-MPC en matière de nomination» Les experts estiment qu'un modèle selon lequel l'AS-MPC exercerait la surveillance et serait en outre compétente en matière d'élection, de réélection et de révocation des cadres dirigeants du MPC aurait l'avantage de clarifier les compétences et de résoudre
les problèmes de délimitation des attributions de l'AS-MPC et de la CJ. Ce modèle contribuerait par ailleurs à «dépolitiser» l'élection, la réélection et la révocation, l'indépendance du MPC continuerait d'être garantie et la discrétion de la procédure de sélection pourrait ainsi être encore mieux être assurée. Il serait alors possible de garantir une voie de droit en cas de non-réélection ou de révocation par l'AS-MPC, ce qui n'est actuellement pas le cas. L'indépendance du MPC pourrait ainsi être renforcée.

De l'avis des experts, ce modèle a pour inconvénient d'affaiblir nettement la légitimité démocratique du MPC. Par ailleurs, l'indépendance de l'AS-MPC pourrait également être affaiblie. En effet, si l'autorité venait à assumer la responsabilité du recrutement et de la sélection, un rapport de confiance trop étroit et un effet de solidarisation pourraient en découler. L'AS-MPC deviendrait alors davantage une sorte de «super ministère public», même si elle continuerait de se distinguer d'un tel organe sur le plan des

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compétences et des tâches, compte tenu du fait qu'elle n'exerce pas elle-même d'activités opérationnelles. Par ailleurs, si une compétence en matière de nomination lui était conférée, l'AS-MPC pourrait se trouver davantage exposée aux tentatives de pression et de prise d'influence de nature politique.

Selon l'avis des experts, une autre possibilité serait de toujours confier l'élection, la réélection et la révocation au Parlement, mais de laisser à l'AS-MPC la compétence exclusive de préparer ces objets et de soumettre des propositions. Par rapport à ce qui se fait aujourd'hui, le processus d'élection pourrait ainsi être fortement dépolitisé et se dérouler plus discrètement. Les problèmes de délimitation seraient également atténués dans les cas de réélection et de révocation. La légitimation démocratique s'en trouverait accrue. Toutefois, le Parlement n'aurait plus vraiment de choix, car il ne pourrait plus qu'approuver ou rejeter les propositions de l'AS-MPC. Il est toutefois à noter qu'un modèle similaire n'a pas fonctionné s'agissant du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT)28.

3.1.2

Avis des autorités consultées

AS-MPC: l'AS-MPC se prononce en faveur du modèle «statu quo plus». Une étude approfondie d'autres modèles de surveillance ne lui paraît pas opportune. Elle estime qu'une surveillance par le pouvoir judiciaire des tribunaux et des autres organes judiciaires de la Confédération serait envisageable, mais qu'une telle surveillance ne devrait pas porter sur le MPC, afin de ne pas mettre en péril l'indépendance du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal fédéral. En ce qui concerne le modèle «statu quo plus compétence de l'AS-MPC en matière de nomination», l'AS-MPC privilégie l'autre possibilité présentée par les experts (élection, réélection et révocation par le Parlement, préparation et propositions par l'AS-MPC, chap. 3.1.1).

MPC: le MPC n'attache pas beaucoup d'importance au choix du modèle de surveillance. Ce qui importe, de son point de vue, c'est que la surveillance soit exercée dans le respect strict de l'indépendance de la poursuite pénale, par une autorité rigoureusement composée d'experts confirmés qui limite ses interventions au règlement de problèmes systémiques. Le MPC estime que, avant de discuter de différentes options de surveillance, les autorités politiques devraient trancher cette question de principe: le procureur général de la Confédération doit-il de nouveau être nommé par le Conseil fédéral ou doit-il continuer d'être élu par l'Assemblée fédérale?

Le MPC estime qu'il n'y a pas lieu d'étoffer la surveillance («statu quo plus»). À son avis, le modèle de la surveillance (exclusive) par le Conseil fédéral présente certains avantages (il a donné satisfaction pendant de nombreuses années, jusqu'en 2001; les ressources et le contrôle matériel relèvent de la même autorité; les synergies sont im-

28

Selon le droit en vigueur, le PFPDT est nommé par le Conseil fédéral et sa nomination est soumise à l'approbation du Parlement. À l'avenir, il sera élu par l'Assemblée fédérale (art. 43, al. 1, de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur la protection des données, FF 2020 7397): voir aussi la procédure de nomination du directeur du CDF, dont la nomination par le Conseil fédéral doit être approuvée par l'Assemblée fédérale (art. 2, al. 2, LCF).

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portantes et la pratique en matière d'organisation et de personnel a été éprouvée pendant des décennies). Selon le MPC, un des risques présentés par cette option est celui d'une prise d'influence indirecte sur le domaine phare de la poursuite pénale, du fait de la concentration de la gestion et de l'allocation des ressources aux mains du Conseil fédéral ou du département. Le MPC considère que le modèle de la surveillance judiciaire pourrait, lui aussi, présenter certains avantages (ch. 1.3 avis du MPC). Par contre, le MPC estime que la nomination de ses dirigeants par l'AS-MPC (modèle «statu quo plus compétence de l'AS-MPC en matière de nomination») ne constitue pas une option pertinente, car il convient selon lui d'accorder la plus grande importance à l'aspect de la légitimité démocratique de l'institution. Or, cette légitimité ne peut être obtenue qu'au moyen d'une élection par le Parlement, voire d'une nomnination par le Conseil fédéral. Quant à l'autre possibilité présentée par les experts, selon laquelle l'AS-MPC préparerait les objets concernés, le MPC la considère comme étant envisageable. Le cas échéant, le rôle de la CJ serait toutefois fondamentalement remis en cause.

DFJP: les pouvoirs étendus du MPC, notamment sur le plan judiciaire, exigent son indépendance par rapport à l'exécutif, mais aussi une surveillance indépendante et forte de ses activités. Le DFJP déduit de la nécessité de garantir l'indépendance du MPC qu'il est judicieux de maintenir le modèle de surveillance actuel. Même s'il est apparu, depuis l'institution de l'AS-MPC, que certains aspects manquaient de clarté et que des améliorations s'imposaient dans certains domaines, il ne convient pas de remettre en cause le modèle lui-même, mais bien plus de procéder aux ajustements nécessaires. Il n'y a pas lieu, selon le DFJP, d'examiner plus avant la question de l'instauration d'un nouveau modèle de surveillance.

Pour ce qui est d'une éventuelle nomination du procureur général de la Confédération par l'AS-MPC, le DFJP estime, pour la suite de la réflexion, qu'il est essentiel que le MPC comme l'AS-MPC puissent exercer leurs attributions légales avec efficacité, mais autant que possible aussi en toute indépendance, ce qui présuppose une réglementation claire et une délimitation précise des compétences. Affaiblir l'indépendance de l'AS-MPC irait de toute façon à l'encontre du but visé, soit le renforcement de la surveillance.

3.2

Portée et compétences de la surveillance

Cf. avis de droit, chap. 3.2.2 à 3.3 (ch. marg. 126 à 158), chap. 4.3 à 4.5 (ch. marg. 187 à 201), recommandation 1 (ch. marg. 218).

3.2.1

Constatations et recommandations des experts

Partant de la formule actuelle, les experts ont commencé par délimiter approximativement l'étendue de la surveillance devant être exercée par l'autorité de surveillance (ch. marg. 127). Ils se sont ensuite penchés sur les différents volets de la surveillance telle qu'elle est exercée dans le cadre du modèle actuel, ont mis en évidence certaines

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lacunes et indiqué les domaines dans lesquels des changements s'imposent, avant de formuler leurs recommandations.

Surveillance matérielle exercée par l'AS-MPC Les experts estiment qu'il n'est pas nécessaire dans l'ensemble de prendre des mesures en ce qui concerne la surveillance matérielle de l'AS-MPC (ch. marg. 128). Ils recommandent néanmoins au législateur de mieux circonscrire cette surveillance en en précisant le calendrier et les instruments.

Surveillance subséquente ou concomitante: les experts approuvent la pratique et l'avis de l'AS-MPC selon lesquels la surveillance doit être complémentaire à la protection du droit assurée par les tribunaux. Comme celle-ci ne peut être assurée qu'a posteriori, ils estiment qu'une surveillance concomitante est clairement préférable à une simple surveillance subséquente, à condition que l'indépendance du MPC soit préservée dans les différentes procédures pénales au sens de l'art. 29, al. 2, LOAP. Ils encouragent donc le législateur à clarifier ce point (ch. marg. 138, recommandation 1, ch. marg. 218).

Compétences (instruments) de surveillance: lors de l'évaluation de l'adéquation des compétences et des instruments de surveillance actuels de l'AS-MPC au sens des art. 29 à 31 LOAP, les experts ont estimé que la conception que le législateur a de la surveillance était déterminante pour définir l'ampleur des instruments de surveillance.

Du point de vue de la procédure pénale, ils ont jugé capital que l'autorité de surveillance puisse se faire une idée générale et systémique des activités déployées par le MPC en matière de poursuite pénale. Les experts déconseillent donc au législateur d'affaiblir les instruments de surveillance. Ils partent du principe que l'intention du législateur sera de renforcer la surveillance, ou du moins de ne pas l'affaiblir, et présentent donc la proposition suivante (ch. marg. 148 ss, ch. marg. 191 à 194): Pouvoir d'édicter des directives Il serait bon que le droit de donner des directives (cf. ch. marg. 149 ss, 191 et 192) ne soit pas restreint par rapport à l'application actuelle de l'art. 29, al. 2, LOAP, mais plutôt renforcé afin que l'efficacité de la surveillance ne soit pas compromise. Le libellé de la disposition selon lequel l'AS-MPC «peut édicter des directives de portée générale sur la manière dont le Ministère public
de la Confédération doit s'acquitter de ses tâches» laisse trop de place à l'interprétation et doit donc être concrétisé au niveau législatif ou réglementaire. Les experts recommandent une clarification de l'étendue du droit de donner des directives au moins sur les points suivants: ­

directives relatives à des priorisations en matière de politique criminelle (ch. marg. 131 et 151);

­

directives dans le contexte de l'application de la procédure pénale ne se rapportant pas à un cas spécifique (ch. marg. 152);

­

directives relatives aux instruments de travail (p. ex. modèles, manuels, gestion des dossiers et archivage) [ch. marg. 152];

­

directives se rapportant à l'efficacité de la poursuite pénale et à la rationalité de l'organisation (ch. marg. 152 et 195 ss).

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Ils recommandent aussi au législateur de préciser les limites du droit de donner des directives (ch. marg. 154). Selon eux, les directives dans un cas d'espèce relatives à l'ouverture, au déroulement ou à la clôture de la procédure, à la représentation de l'accusation devant le tribunal ou aux voies de recours devraient continuer d'être exclues (art. 29, al. 2, 2e phrase, LOAP).

Étendue des droits à l'information et à la consultation des dossiers L'étendue des droits à l'information et à la consultation des dossiers (cf. ch. marg. 155 à 158, 193) est actuellement régie par l'art. 30 LOAP ainsi que dans la directive détaillée de l'AS-MPC du 31 août 2011. La consultation des dossiers se fait conformément à l'art. 30, al. 2, LOAP, ce qui signifie que les membres de l'AS-MPC chargés de demander des renseignements ou de procéder à des inspections ont accès aux dossiers de procédure dans la mesure où l'exécution de leur mandat l'exige. Les experts se prononcent en faveur d'une extension de ce droit à la consultation des dossiers, qui ne doit pas pouvoir être remplacé par des auditions ou par la lecture de rapports d'activité. Selon eux, le droit d'accès aux dossiers doit inclure spécifiquement les procédures en cours et l'autorité de surveillance doit pouvoir décider librement dans quelles procédures une consultation des dossiers a lieu (ch. marg. 193).

Surveillance administrative exercée par l'AS-MPC Pour ce qui est de la surveillance administrative exercée par l'AS-MPC (ch. marg. 129), les experts estiment qu'il n'existe pas un besoin fondamental de clarification par le législateur, mais considèrent néanmoins que des précisions doivent être apportées en ce qui concerne le droit d'édicter des directives (cf. section précédente relative au pouvoir d'édicter des directives).

Surveillance politique De l'avis des experts, il n'est pas nécessaire que le législateur apporte des clarifications supplémentaires sur cet aspect des rapports entre l'AS-MPC et le MPC (ch. marg. 130).

Surveillance en matière de politique criminelle La situation juridique actuelle en ce qui concerne la surveillance en matière de politique criminelle (ch. marg. 131 et 151, recommandation 1, ch. marg. 218) manque de clarté. Les experts sont d'avis que le législateur doit mettre en place un régime de compétences indiquant clairement
dans quelle mesure la surveillance englobe les décisions en matière de politique criminelle.

Surveillance disciplinaire exercée par l'AS-MPC Les experts considèrent que les mesures disciplinaires pouvant être prises par l'ASMPC en vertu de l'art. 31, al. 2, LOAP (cf. ch. marg. 132 ss, 187 et 188) posent problème parce qu'elles constituent un outil de gestion à vocation éducative dépassé, applicable par une autorité hiérarchiquement supérieure dans un rapport juridique particulier, alors que la relation entre l'AS-MPC et le MPC n'est, par principe, pas fondée sur un rapport hiérarchique classique. S'ajoute à cela le fait que tant l'AS-MPC que

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la direction du MPC sont élues directement par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). En revanche, les experts voient d'un oeil positif le fait que le régime disciplinaire en vigueur permet à l'AS-MPC de prendre des mesures disciplinaires modérées avant d'en venir à proposer la destitution du procureur général à l'Assemblée fédérale (art. 31, al. 1, LOAP).

Les experts suggèrent au législateur de peser les avantages et les inconvénients d'une surveillance disciplinaire. S'il devait opter pour le maintien des compétences disciplinaires, il importerait, à leurs yeux, de clarifier notamment la relation entre l'AS-MPC et la CJ dans la perspective d'une éventuelle procédure de destitution (cf. chap. 3.4.1).

Selon les experts, il convient par ailleurs d'envisager la possibilité de donner à l'ASMPC la compétence d'ordonner une suspension temporaire, notamment si elle décide d'engager une procédure de destitution. Ils suggèrent en outre au législateur de s'interroger sur l'opportunité d'imposer à l'AS-MPC de maintenir la confidentialité de la procédure disciplinaire (ou de certains de ses aspects, comme l'ouverture) afin d'éviter une humiliation publique des personnes qui en sont l'objet. Par ailleurs, il convient, selon les experts, de créer une base légale permettant à l'AS-MPC d'externaliser certaines missions d'enquête (même dans le cadre d'enquêtes disciplinaires) [ch. marg. 186].29 Compétences de l'AS-MPC en matière d'organisation et de personnel En vertu de l'art. 9, al. 2, LOAP, le procureur général de la Confédération a la responsabilité de mettre en place une organisation rationnelle et d'en assurer le fonctionnement ainsi que de veiller à une affectation efficace des ressources humaines, des moyens financiers et de l'infrastructure. À l'art. 16 LOAP, il est en outre spécifié que le MPC s'administre lui-même, qu'il constitue ses services, engage le personnel nécessaire et tient sa propre comptabilité.

De l'avis des experts, le mandat de l'AS-MPC inclut la vérification non seulement de la mise en place et de la gestion d'une organisation adéquate, mais également de l'affectation efficace des ressources humaines, des moyens financiers et de l'infrastructure par le MPC (gestion administrative). Selon eux, ce mandat d'examen procède aussi du droit d'édicter des directives de portée générale prévu
à l'art. 29, al. 2, LOAP.

Les experts considèrent que les compétences concrètes de l'AS-MPC à l'égard du MPC en matière d'organisation ­ exercées dans les limites de son droit de donner des directives ou au-delà ­ méritent toutefois d'être précisées. La mesure dans laquelle l'AS-MPC a le pouvoir d'intervenir dans la gestion administrative du MPC est l'un des points qui, à leur sens, méritent d'être clarifiés. Dans ce contexte, il convient de relever que, s'il n'appartient pas à une autorité de surveillance de prendre des décisions à la place du procureur général de la Confédération, il est tout à fait judicieux, si l'on veut que la surveillance soit efficace, que l'AS-MPC revoie les décisions prises au sein du Ministère public sous un angle systémique et formule des recommandations ou des directives à cet égard30. De l'avis des experts, obliger de manière générale le MPC à soumettre ses décisions en matière d'organisation ou de personnel à l'autorité 29 30

Arrêt du TAF A-3612/2019 du 29 juillet 2019, c. 4.1.5.

Cf. p. ex. rapport d'inspection de l'AS-MPC sur le secrétariat général du MPC du 7 décembre 2020.

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de surveillance serait toutefois excessif ­ on s'approcherait alors trop de l'idée d'un «super ministère public» (ch. marg. 129 et 159 à 201).

Dans le domaine des ressources humaines, le procureur général de la Confédération dispose de pouvoirs étendus. En vertu de l'art. 20, al. 2, LOAP, il est notamment seul responsable de la nomination des procureurs de la Confédération, de la confirmation de leur nomination ou de leur révocation (cf. ch. marg. 196 et 202). Aux yeux des experts, il est difficile de dire dans quelle mesure l'AS-MPC, au-delà de ses compétences disciplinaires, revêt un rôle d'employeur à l'égard du MPC et de ses membres.

Cette zone d'ombre qui entoure le rôle controversé d'employeur de l'AS-MPC à l'égard du MPC montre que si la LOAP était clairement destinée à renforcer l'indépendance du MPC et de l'AS-MPC par rapport au Conseil fédéral et à l'administration fédérale, la nature du rapport devant exister entre le MPC et l'AS-MPC ­ indépendance mutuelle ou subordination hiérarchique ­ n'a pas été définie de manière claire.

En fin de compte, il importera de se demander si la surveillance exercée par l'ASMPC doit être hiérarchique et porter sur des personnes ou se limiter à une surveillance de l'organe dans son ensemble (ch. marg. 135 et 188).

Les experts estiment que l'intention du législateur était de créer une autorité de surveillance largement indépendante du MPC et que l'AS-MPC ne peut pas revêtir à tous points de vue le rôle d'un employeur classique sans risquer de perdre son indépendance à l'égard du MPC. Ils recommandent donc de ne pas confier à l'AS-MPC des tâches qui risquent de mettre en péril son indépendance si elles ne sont pas impérativement liées à sa fonction d'autorité de surveillance.

3.2.2

Avis des autorités consultées

3.2.2.1

AS-MPC

Portée de la surveillance L'AS-MPC exerce sur le MPC une surveillance matérielle et administrative. En cas de besoin particulier, l'AS-MPC peut aussi revendiquer le droit d'exercer une surveillance en matière de politique criminelle, qui relève en fait de la surveillance matérielle. L'AS-MPC n'exerce par contre pas de surveillance politique. Elle se penche sur les problèmes systémiques de la poursuite pénale au niveau fédéral ainsi que sur les questions de principe transversales qui pourraient se poser. Au ch. marg. 193 de leur avis de droit, les experts confirment cette conception de l'AS-MPC en ce qui concerne ses critères de surveillance. Selon la constellation des questions de surveillance qui se posent, l'AS-MPC exerce sa fonction sous la forme d'une surveillance concomitante ou subséquente. Elle suggère que la définition de sa surveillance soit précisée à l'art. 29 LOAP (Surveillance et pouvoir d'édicter des directives de l'autorité de surveillance)31.

31

L'AS-MPC a joint à sa réponse des propositions de modifications législatives rédigées.

Il a été décidé de ne pas reproduire l'intégralité de ces propositions dans le présent rapport. D'autres propositions d'amendement avaient été présentées par l'AS-MPC dans son rapport d'activité 2020 (site Internet de l'AS-MPC).

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L'AS-MPC estime que dans le système en vigueur, fondé sur une procédure pénale qui n'est que partiellement transparente pour le grand public et dans le cadre de laquelle le traitement des dossiers par le MPC (comme par tous les autres ministères publics) n'est assujetti à un contrôle judiciaire que dans une mesure limitée, la surveillance revêt un rôle et une importance particulières. Il importe de savoir si, d'un point de vue fonctionnel, l'AS-MPC répond aux objectifs d'une surveillance efficace (ch. marg. 117 de l'avis de droit).

Régime disciplinaire et compétences de l'autorité de surveillance en matière de personnel L'AS-MPC considère que le régime disciplinaire en vigueur représente un instrument indispensable à l'exercice de sa surveillance et qu'il doit donc être maintenu. Elle est aussi d'avis que l'art. 98 OPers32 doit être expressément déclaré applicable dans l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'organisation et les tâches de l'ASMPC33. L'art. 98 OPers régit la procédure d'enquête disciplinaire dans le cadre du droit du personnel de la Confédération. L'AS-MPC demande en outre que le régime disciplinaire soit complété par les instruments de surveillance suivants:

32 33 34 35

­

enquête administrative: en vertu du principe de proportionnalité, il serait souhaitable que l'AS-MPC puisse, en cas de besoin, également ou d'abord mener une enquête administrative au sens des art. 27a à 27j OLOGA34;

­

l'AS-MPC devrait également avoir le pouvoir d'ordonner une suspension à titre préventif (art. 25 LPers35 et art. 103 OPers);

­

les trois personnes qui dirigent le MPC conformément aux art. 9 et 10 LOAP devraient être assujetties au droit du personnel de la Confédération dans la mesure où l'ordonnance de l'Assemblée fédérale ne prévoit pas de dispositions spécifiques en matière de contrat de travail et de rémunération pour ces trois personnes. Cette mesure permettrait d'éliminer les zones d'ombre et les flottements qui ont été mis en évidence dans l'arrêt du TAF A-3612/2019 du 29 juillet 2019. L'AS-MPC suggère aussi de compléter l'art. 22, al. 1, LOAP en y ajoutant une deuxième phrase, dont le libellé serait le suivant: «Pour le reste, les dispositions du droit du personnel de la Confédération s'appliquent.»;

­

le droit de l'AS-MPC de proposer la destitution du procureur général ou de ses suppléants à l'autorité qui les a élus (art. 31, al. 1, LOAP) doit être maintenu. De plus, l'AS-MPC devrait se voir accorder le droit d'être entendue par la CJ avant que celle-ci engage une procédure de destitution. L'AS-MPC suggère que l'art. 31, al. 1, LOAP soit complété dans ce sens (ch. marg. 182 de l'avis de droit).

Ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3).

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 1 octobre 2010 concernant l'organisation et les tâches du Ministère public de la Confédération (RS 173.712.24).

Ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010.1).

du 24 mars 2000 (RS 172.220.1).

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L'AS-MPC estime que ses «tâches en matière de rapports de service»36 vont au-delà de la surveillance des trois membres de la direction. Elle propose de préciser, dans l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'organisation et les tâches de l'AS-MPC37, que l'AS-MPC rend ses décisions en tant qu'employeur sous la forme de décisions pouvant faire l'objet d'un recours devant le TAF. L'ordonnance devra aussi indiquer que l'AS-MPC peut délier les dirigeants du MPC du secret de fonction.

Par ailleurs, il incombera également à l'AS-MPC de délier du secret de fonction les collaborateurs du MPC. En outre, l'AS-MPC souhaite avoir la possibilité de porter devant le TF les arrêts du TAF concernant le droit du personnel38.

Droit de l'autorité de surveillance d'édicter des directives L'AS-MPC se rallie à la proposition des experts de concrétiser le droit de donner des directives (ch. marg. 191 de l'avis de droit).

Étendue du droit à l'information accordé à l'autorité de surveillance L'AS-MPC est d'avis que les droits à l'information et à la consultation des dossiers dont elle dispose à l'égard du MPC ne doivent en aucun cas être affaiblis, mais méritent au contraire d'être renforcés en certains points (ch. marg. 193 de l'avis de droit).

Étant donné que les collaborateurs du MPC entendus par l'AS-MPC risquent d'être pris dans un conflit de loyauté à l'égard de leurs supérieurs, il serait judicieux de préciser expressément dans la LOAP que le devoir d'information et de renseignement que les collaborateurs du MPC ont à l'égard de l'AS-MPC constitue un devoir de fonction. Il serait également utile de spécifier que les collaborateurs du MPC ne peuvent pas refuser de fournir les renseignements demandés par l'autorité de surveillance en invoquant une obligation de garder le secret. L'AS-MPC est en effet, elle aussi, tenue de respecter l'obligation de garder le secret prévue à l'art. 73 CPP.

Compétences de l'autorité de surveillance relatives à l'organisation du MPC L'AS-MPC salue la clarification proposée par les experts en ce qui concerne la surveillance générale qu'elle exerce sur la gestion administrative du MPC (ch. marg. 198 et 200 de l'avis de droit). Pour l'AS-MPC, la surveillance relative aux questions d'organisation du MPC relève de la «surveillance administrative». L'AS-MPC se rallie à la proposition
des experts présentée au point 4 du ch. marg. 191 de leur avis de droit (clarification de l'étendue des droits de donner des directives en matière d'efficacité de la poursuite pénale et d'adéquation de l'organisation).

36 37

38

D'après la terminologie du droit fédéral, il pourrait bien s'agir de «tâches relatives au droit du personnel».

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 1er octobre 2010 concernant l'organisation et les tâches de l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération, RS 173.712.24.

Avis de l'AS-MPC du 29 mars 2021, p. 5

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3.2.2.2

MPC

Portée de la surveillance Les compétences de l'AS-MPC en matière de surveillance doivent se distinguer clairement de celles des nombreuses autres autorités de surveillance (tribunaux, OFJ, CDF, haute surveillance parlementaire). Il importe d'éviter les redondances, car elles ne font qu'alourdir la charge de travail du MPC. La limite entre les évaluations du CDF et le travail de l'AS-MPC, plus particulièrement, n'est pas suffisamment claire.

La surveillance matérielle doit se limiter aux questions systémiques. La possibilité d'une prise d'influence sur les procédures en cours doit être exclue. L'examen des questions qui se posent en cours de procédure relève exclusivement de l'instance compétente du tribunal et de la hiérarchie du MPC. La surveillance administrative doit elle aussi être exercée au plan systémique. Il est notamment important de veiller à ce que l'autorité de surveillance ne vienne pas supplanter de fait la direction du MPC sans toutefois assumer les responsabilités qu'implique cette fonction: l'AS-MPC ne doit pas prendre de décisions, ou exercer un pouvoir discrétionnaire, en lieu et place de la direction du MPC. Les priorités fixées en matière criminelle relèvent de la principale activité opérationnelle du MPC, qui est la poursuite pénale. Elles doivent être établies par le MPC en coordination avec fedpol (DFJP).

Régime disciplinaire et compétences de l'autorité de surveillance en matière de personnel Si le législateur a l'intention de maintenir le système actuel, dans lequel les personnes à la tête du MPC sont élues par l'Assemblée fédérale, il devrait envisager de supprimer le régime disciplinaire auquel sont soumises ces personnes. Elles obtiendraient ainsi un statut similaire à celui des juges siégeant dans une cour fédérale de première instance. Une telle mesure permettrait aussi de clarifier le rôle de la surveillance, à savoir qu'elle se limite à l'organe lui-même et ne s'étend pas aux personnes qui le composent.

Si le législateur a l'intention de créer une base légale pour la suspension des personnes à la tête du MPC, il faudrait faire en sorte qu'une mesure aussi lourde de conséquences ne puisse être prise que par l'autorité qui les a élues (cf. art. 14, al. 5, LRCF39).

D'une manière générale, le MPC est d'avis que les compétences en matière de personnel doivent relever
de l'autorité de nomination compétente. Comme l'exercice de la surveillance est garanti même si les compétences correspondantes n'ont pas été formellement attribuées, le MPC ne voit pas de raison logique justifiant un élargissement du champ d'activité de l'AS-MPC pour englober les questions de personnel, d'autant moins que l'AS-MPC ne doit pas, selon le principe établi, devenir un «super ministère public».

Si le législateur a l'intention d'abandonner le système actuel et de rendre la compétence de nomination des personnes à la tête du MPC au Conseil fédéral, les questions de compétence en matière de personnel ne se posent pas. C'est en effet le Conseil 39

Loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (loi sur la responsabilité, RS 170.32).

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fédéral qui serait alors leur employeur et qui disposerait de toutes les compétences ainsi que de tous les instruments prévus dans la législation relative au personnel de la Confédération. Le statut du procureur général de la Confédération et de ses deux suppléants serait de nouveau le même que celui des directeurs d'offices et ne se rapprocherait plus de celui des juges siégeant dans une cour fédérale de première instance.

Droits de l'autorité de surveillance d'édicter des directives Les droits de donner des directives dont dispose l'autorité de surveillance ne sont pas problématiques dans la mesure où ces directives ne se rapportent pas à des cas spécifiques, mais à des questions systémiques générales ou à des questions de principe. Le MPC suggère que l'autorité de surveillance n'édicte des directives ­ même générales ­ que si le MPC ne remédie pas lui-même à un problème systémique et si l'objectif ne peut pas être atteint au moyen de mesures moins impératives (principe de proportionnalité).

Étendue du droit à l'information accordé à l'autorité de surveillance Pour le MPC, l'étendue du droit à l'information accordé à l'AS-MPC ne représente pas un problème. Ce qui est important à ses yeux, c'est le respect des mesures de protection prévues par la loi, comme celle qui est spécifiée à l'art. 30, al. 3, LOAP, selon laquelle les personnes qui ont eu accès à des dossiers de procédure du MPC ne peuvent utiliser les informations dont elles ont eu connaissance que sous une forme générale et anonyme pour établir leur rapport ou leurs recommandations. L'autorité de surveillance doit s'abstenir de faire des déclarations publiques portant, notamment, sur des procédures en cours au MPC ou doit pour le moins faire preuve de la plus grande réserve.

Compétences de l'autorité de surveillance en matière d'organisation du MPC Du point de vue du MPC, la surveillance exercée par l'AS-MPC inclut incontestablement une surveillance administrative. S'agissant des compétences de l'autorité de surveillance, il est impératif qu'elles correspondent à ses responsabilités: si l'organisation du MPC relève de la responsabilité exclusive du procureur général de la Confédération (cf. art. 9, al. 2, let. b, LOAP), l'autorité de surveillance ne peut pas revendiquer des compétences dans ce domaine puisqu'elle n'a aucune responsabilité
dans l'organisation du MPC (cf. ch. marg. 129 de l'avis de droit). L'autorité de surveillance ne peut pas avoir pour mission de réviser les décisions discrétionnaires prises par la direction du MPC ou d'y déroger.

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3.2.2.3

DFJP

Portée et compétences de la surveillance Le DFJP perçoit la surveillance que doit exercer l'AS-MPC principalement comme une surveillance matérielle et administrative. L'AS-MPC ne devrait par contre assumer aucune tâche stratégique, c'est-à-dire ne pas fonctionner comme un conseil d'administration. Le DFJP émet la plus grande réserve quant à l'idée de lui confier des compétences en matière de politique criminelle. Une telle politique est étroitement liée au maintien de la sécurité et de l'ordre. Or il n'appartient pas à une autorité de surveillance d'y pourvoir.

La question de savoir si et dans quelle mesure l'AS-MPC doit pouvoir prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des cadres dirigeants du MPC dépend des rapports de travail qui existent entre ces personnes et l'AS-MPC. L'avis de droit expose de manière convaincante le lien entre droit disciplinaire et type de rapports de travail aux ch. marg. 132 s.

Quant au droit de donner des directives et au droit à l'information, ils devraient permettre une surveillance forte et efficace, et donc être étendus. Une limite ne doit toutefois pas être franchie: l'AS-MPC n'a pas à intervenir dans les procédures.

Entraide judiciaire internationale Conformément à l'art. 17 de la loi sur l'entraide pénale internationale40, l'Office fédéral de la justice (OFJ) délègue, après examen préalable, le traitement des demandes d'extradition adressées à la Suisse aux autorités cantonales ou fédérales compétentes.

Lorsqu'il délègue l'exécution d'une procédure au MPC, l'OFJ assume envers lui une fonction de surveillance. Cette surveillance au cas par cas demeurerait, même en cas d'adaptation de la surveillance générale exercée sur le MPC; elle ne se distingue pas de la surveillance au cas par cas exercée sur les autorités d'exécution cantonales. La surveillance du MPC dans le domaine de l'entraide judiciaire ne nécessite aucune adaptation. La collaboration entre l'OFJ et le MPC fonctionne bien.

Collaboration entre le MPC et la PJF Pour la PJF, police judiciaire du MPC, il importe que celui-ci conserve la compétence et la responsabilité pleines et entières de la direction des procédures pénales. Fedpol acquiesce donc à la conclusion de l'expertise selon laquelle l'AS-MPC doit exercer une surveillance matérielle sur le MPC, et non pas fonctionner comme un «super ministère public».

3.3

Composition et ressources de l'AS-MPC

(cf. avis de droit ch. marg. 171, 184 à 186, 219 et 220, recommandations 2 et 3) 40

Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (loi sur l'entraide pénale internationale, RS 351.1).

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3.3.1

Constatations et recommandations des experts

Composition de l'AS-MPC Aujourd'hui, les membres de l'AS-MPC sont choisis de sorte que l'autorité de surveillance réunisse les compétences requises tout en incluant certaines parties prenantes (représentants des tribunaux et du barreau). Les experts estiment cependant que, pour garantir un bon équilibre des compétences, il serait indiqué de se demander s'il ne devrait pas y avoir parmi les membres choisis pour leurs compétences de fond au moins une personne qui connaisse bien le travail des ministères publics cantonaux ou qui ait occupé un poste à responsabilité au sein d'un ministère public cantonal.

Selon eux, il convient également de veiller à une représentation équitable de la Suisse latine (ch. marg. 171 et 185). La proposition de l'AS-MPC d'ouvrir ses rangs aux avocats plaidant au Tribunal pénal fédéral (art. 24, al. 2, LOAP) et de prévenir les conflits d'intérêts potentiels au moyen de règles de récusation n'a pas été jugée idéale par les experts: compte tenu de la répartition des rôles dans la procédure pénale, ils ont estimé que les avocats étaient, par la force des choses, en confrontation avec le MPC.

Les experts recommandent aussi d'envisager une élection du président de l'AS-MPC par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) afin de réserver à l'autorité de surveillance le même traitement qu'au tribunaux fédéraux (ch. marg. 184, recommandation 2). Selon eux, cette mesure s'impose plus particulièrement dans la perspective d'une professionnalisation intégrale ou partielle de la présidence.

Ressources de l'AS-MPC Les experts sont d'avis que l'AS-MPC ne dispose pas, aujourd'hui, des ressources nécessaires pour assurer une surveillance efficace (ch. marg. 171). Son organisation de milice et les capacités limitées de son secrétariat ne lui permettent en effet pas de procéder à de grandes inspections en plus de ses activités de surveillance courantes.

Les experts suggèrent que les membres de l'AS-MPC ne soient plus indemnisés uniquement en fonction des séances auxquelles ils participent, mais obtiennent un engagement fixe pour un taux d'occupation compris entre 60 % et 100 % (présidence) ou entre 20 % et 30 % (autres membres). Ils proposent en outre de renforcer les effectifs du secrétariat et de rattacher ce dernier à la Chancellerie fédérale sur le plan administratif. Par ailleurs, les experts pensent que l'engagement d'enquêteurs ad hoc permettrait à l'AS-MPC de réagir avec souplesse aux surcharges ponctuelles (ch. marg. 186, recommandation 3).

3.3.2

Avis des autorités consultées

AS-MPC: s'agissant de sa composition, l'AS-MPC se rallie aux recommandations des experts. Quant à l'élection de son président par l'Assemblée fédérale, l'AS-MPC estime qu'il s'agit d'une question essentiellement politique, au sujet de laquelle elle ne souhaite pas se prononcer. En lieu et place d'une élection par l'Assemblée fédérale, l'AS-MPC propose d'envisager le règlement du mode de désignation de son président dans l'ordonnance concernant l'organisation et les tâches du MPC: il pourrait être 25 / 42

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désigné par cooptation pour un mandat de la durée d'une période de fonction, renouvelable une fois.

Pour ce qui est de l'abandon partiel du système de milice, l'AS-MPC se rallie à l'avis des experts. Elle propose que ses membres soient au moins rémunérés à l'heure, au même titre que les juges suppléants du Tribunal fédéral. Elle suggère que la réglementation des indemnités et du remboursement des frais soit revue et précisée dans l'ordonnance concernant les tâches et l'organisation de l'AS-MPC. Elle cautionne en outre la proposition des experts de lui donner la possibilité de recourir aux services d'enquêteurs ad hoc.

L'AS-MPC est également favorable à un rattachement administratif à la Chancellerie fédérale, pour peu que son indépendance puisse être garantie dans une mesure suffisante. Elle estime que cela permettrait de réaliser des économies et de décharger l'ASMPC. La mesure la plus urgente, selon elle, est le renforcement de son secrétariat.

MPC: il importe, selon le MPC, de veiller à ce que les membres de l'AS-MPC aient une riche expérience pratique du droit pénal et de la procédure pénale. Dans la perspective de la surveillance administrative, il est cependant aussi impératif, selon le MPC, que certains membres aient une solide expérience dans les domaines de l'économie d'entreprise, du développement organisationnel, de la gestion et des finances.

Les membres de l'AS-MPC représentant les tribunaux doivent, si possible, être issus du secteur pénal.

La représentation du Tribunal pénal fédéral dans l'AS-MPC devrait être limitée à la Cour d'appel. Une autre possibilité serait de réserver un siège au président du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 52, al. 3, LOAP).

DFJP: le DFJP est d'avis que, pour garantir une surveillance efficace, les membres de l'AS-MPC doivent justifier de connaissances spécifiques, dont des connaissances de la poursuite pénale. Il souligne qu'il est important de veiller à ne pas élire au sein de l'AS-MPC des personnes susceptibles d'avoir des conflits d'intérêts. En revanche, il ne juge pas décisif, pour l'efficacité de la surveillance, que le président de l'ASMPC soit élu par l'Assemblée fédérale ou que l'AS-MPC se constitue elle-même. La réglementation actuelle a l'avantage de la flexibilité et permettrait au président de rester actif au sein de l'autorité même s'il
souhaite quitter la présidence.

Le DFJP est d'avis que les impératifs d'indépendance et d'efficacité de la surveillance exigent notamment que le secrétariat de l'AS-MPC soit suffisamment doté en personnel et qu'une réglementation renforçant le rôle du président de l'AS-MPC soit adoptée, de sorte que celui-ci puisse exercer son leadership de manière effective. Il estime qu'il serait adéquat de passer à une rémunération fixe; les taux d'occupation doivent quant à eux dépendre des tâches et attributions concrètes de l'AS-MPC. La rémunération des membres de l'AS-MPC devrait être telle qu'elle permette de trouver des personnes dûment qualifiées.

Le DFJP considère que le rattachement administratif du secrétariat de l'AS-MPC à une unité organisationnelle existante de la Confédération est judicieux. La solution la plus pertinente lui paraît être le rattachement aux Services du Parlement qui, comme l'AS-MPC, ne relèvent pas de l'administration fédérale. En revanche, le rattachement

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de l'AS-MPC au DFJP pourrait mettre à mal la confiance en l'indépendance de l'autorité de surveillance et du MPC, le DFJP ayant certaines compétences pour autoriser le MPC à ouvrir des poursuites pénales en cas de délits politiques.

ChF: selon la ChF, la question de la pertinence d'un éventuel rattachement administratif du secrétariat de l'AS-MPC ­ que ce soit à la ChF ou à une autre unité ­ dépend essentiellement du modèle d'organisation sur lequel on se fonde. S'il s'agit uniquement de simplifications logistiques (assistance informatique, mise à disposition de locaux, etc.), un rattachement administratif aux Services du Parlement serait aussi envisageable. Cette solution paraîtrait logique en particulier si l'AS-MPC continue d'être élue par l'Assemblée fédérale.

3.4

Élection, réélection et révocation des personnes à la tête du MPC, structures du MPC

(ch. marg. 181 à 183, 202 à 204 et 206 à 214; recommandations 4, 5 et 6)

3.4.1

Constatations et recommandations des experts

Problème de la réélection Les experts jugent opportun qu'un nouveau procureur général de la Confédération soit élu par l'Assemblée fédérale. Selon eux, le risque de «politisation» de la fonction de procureur général de la Confédération est aujourd'hui généré essentiellement par sa réélection périodique. Ils suggèrent donc d'envisager l'option d'une élection pour une période de fonction unique (de durée limitée ou illimitée). Il serait judicieux, selon eux, qu'une telle révision du mode d'élection soit coordonnée avec la réforme de la réélection des juges aux tribunaux fédéraux. Si la réélection était abandonnée, il serait plus facile de délimiter les compétences de la CJ par rapport à celles de l'AS-MPC.

En sa qualité d'organe politique, la CJ aurait pour mission de préparer l'élection des nouveaux magistrats, alors que l'AS-MPC, qui est un organisme spécialisé, s'occuperait de la surveillance des personnes élues et, le cas échéant, de l'ouverture de la procédure de destitution (ch. marg. 182 s., recommandation 4).

Une direction monocratique à la tête du MPC Le MPC est un organe fortement hiérarchisé et monocratique. Le procureur général de la Confédération détient à lui seul toutes les compétences-clé du MPC, matérielles, mais aussi dans le domaine du personnel. Cette concentration sur une seule personne est encore renforcée par la manière dont cette fonction est perçue de l'extérieur, notamment par les médias et par le monde politique. Les experts recommandent d'envisager un renforcement du rôle des procureurs généraux suppléants ou un assujettissement des décisions importantes en matière de personnel (par exemple la nonréélection de procureurs) à l'approbation de l'AS-MPC. Une autre solution envisageable serait celle d'un «triumvirat», soit d'une direction composée de trois procureurs généraux de la Confédération égaux en droit, qui dirigeraient le MPC à tour de

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rôle, selon un tournus déterminé, en tant que «procureur en chef» ou «directeur du MPC» (ch. marg. 204).

Dans les compléments apportés le 28 avril 2021 à leur avis de droit, les experts donnent trois précisions concernant la façon dont une direction collective du MPC pourrait être conçue:

41 42

1.

La direction du MPC pourrait être partagée entre trois personnes, qui l'assumeraient à tour de rôle durant une période définie (par ex. deux ans) [modèle dit du «Landammann», par analogie avec le modèle de gouvernement du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures]. Pendant la période fixée, le «procureur en chef» ou «directeur du MPC» assume la responsabilité principale et préside le comité directorial. La fonction est ensuite transmise selon un tournus déterminé. Par rapport à la réglementation actuelle, l'avantage de ce modèle réside dans le fait que la responsabilité principale du MPC n'est concentrée sur une personne que pour une durée limitée, ce qui restreint le pouvoir qu'elle détient et l'attention du public et des médias envers cette personne. Par contre, l'inconvénient de ce modèle est que le changement régulier du titulaire de la fonction risque de nuire à l'efficacité.

2.

Un autre modèle serait celui d'une direction pleinement collégiale. Toutes les décisions seraient prises collégialement par un comité composé de trois membres. Dans ce modèle, celui qui occuperait la fonction de «procureur en chef» ou «directeur du MPC» ne serait que le premier de ses pairs (primus inter pares). Il représenterait l'autorité à l'extérieur et pourrait ordonner des mesures provisionnelles en cas d'urgence (cf. par analogie pour le Conseil fédéral les art. 25 ss LOGA41 et pour le TF l'art. 14, al. 3, LTF42). L'avantage de ce modèle est que l'attention n'est plus portée sur une seule personne. En outre, des décisions défendues par plusieurs personnes peuvent être mieux acceptées au sein de l'autorité et réduisent le risque d'avoir des «cavaliers seuls». S'agissant des inconvénients, ils résident dans une certaine complexité des procédures décisionnelles et dans le risque d'entraver l'innovation. Un modèle de direction pleinement collégiale exige par ailleurs des ressources considérables et ne permet probablement pas, ou que de manière limitée, à la direction de collaborer à la gestion concrète de dossiers.

3.

Pour les auteurs de l'avis de droit, le modèle le plus approprié est un «modèle adapté en fonction des secteurs d'affaires». Celui-ci ce distingue par le fait que seules certaines décisions stratégiques sont prises en commun, étant entendu que le membre qui occupe la fonction de «procureur en chef» ou «directeur du MPC» n'est là aussi que le premier de ses pairs et change périodiquement. Par rapport au modèle de direction pleinement collégiale, l'avantage réside dans la spécialisation axée sur le long terme. Le risque de manque d'uniformité lié à une autonomie excessive au sein de chaque secteur d'affaires peut être contré par des directives et des manuels qui devraient être ap-

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010).

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110).

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prouvés par le collège directorial dans son ensemble. Il faudrait en outre s'assurer que les compétences du comité collégial sont clairement définies. Ainsi, la responsabilité globale au sens de l'art. 9, al. 2, LOAP devrait incomber au collège directorial. Seraient en particulier concernées la création des bases relevant du droit organisationnel pour le fonctionnement du MPC, l'édiction de directives générales, la prise de décisions importantes au sujet du personnel (comme la nomination des procureurs fédéraux ou d'autres personnes ayant des fonctions dirigeantes) et de décisions relatives aux axes de politique criminelle ou l'attribution de ressources. Il conviendrait en outre d'octroyer au collège directorial une compétence subsidiaire, qui lui permette d'être compétent en cas de doute sur la compétence et de prendre toute décision à la majorité de ses membres (de plus amples informations sur ce modèle figurent dans les compléments du 28.4.2021 apportés à l'avis de droit).

Droit du procureur général d'édicter des directives Le droit du procureur général d'édicter des directives est révélateur de l'ampleur de ses compétences. Selon l'art. 13, al. 1, LOAP, ces directives peuvent s'adresser à tous les collaborateurs du MPC. En vertu de l'al. 2 de ce même article, il peut aussi s'agir de directives dans un cas d'espèce relatives à l'ouverture, au déroulement ou à la clôture d'une procédure, au soutien de l'accusation ou aux voies de recours. Grâce à ce droit, le procureur général de la Confédération peut donc en principe s'approprier n'importe quelle procédure et la conduire lui-même, en tout ou en partie.

Selon les experts, le fait que l'ancien procureur général de la Confédération ait dû se récuser dans certaines procédures impliquant la Fifa en raison de ce droit étendu d'édicter des directives43 constitue un cas isolé et plutôt atypique. Au cas où le législateur aurait l'intention de renforcer l'indépendance des procureurs subordonnés, il serait envisageable qu'il restreigne le droit de donner des directives conféré au procureur général de la Confédération pour en faire un droit d'édicter des directives générales, analogue à celui de l'AS-MPC, qui exclue les directives dans le cas d'espèce.

Les experts sont néanmoins d'avis que le droit du procureur général de la Confédération de donner des
directives dans le cas d'espèce devrait être maintenu, car il est de nature à garantir la qualité et la cohérence de la jurisprudence ainsi que l'efficacité de la procédure.

Si toutefois le législateur avait l'intention de restructurer la tête du MPC selon la proposition des experts (option d'un «triumvirat», ch. marg. 204), le droit d'édicter des directives devrait être réaménagé aussi en ce qui concerne les directives internes. Ce droit pourrait être attribué soit collectivement aux trois directeurs, soit individuellement à celui des trois qui dirige temporairement le MPC.

3.4.2

Avis des autorités consultées

AS-MPC: à l'instar des experts, l'AS-MPC estime que l'élection du procureur général de la Confédération par l'Assemblée fédérale est opportune (ch. marg. 181 de 43

Arrêt de la Cour des plaintes du TPF du 17 juin 2019, BB.2018.197.

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l'avis de droit). Elle estime qu'il conviendrait aussi d'étudier l'éventualité de permettre au Conseil fédéral de présenter à l'Assemblée fédérale des candidatures en vue de l'élection aux fonctions dirigeantes du MPC.

L'AS-MPC est en principe favorable au maintien de la durée de fonction actuelle des personnes à la tête du MPC, qui est de quatre ans. Elle a cependant conscience qu'il s'agit là, en fin de compte, d'une question politique.

Quant au partage des compétences entre l'autorité de surveillance et la CJ, l'AS-MPC estime que celle-ci doit être responsable de la «politique du personnel», donc du choix des titulaires, cependant que la réélection et la proposition de destitution devraient relever de la surveillance.

En ce qui concerne le choix d'un modèle de direction pour le MPC (compléments du 28.4.2021 apportés à l'avis de droit), l'AS-MPC estime qu'il s'agit avant tout d'une décision politique. Toutefois, au vu des conclusions de la procédure disciplinaire relative à l'ancien procureur général de la Confédération, la direction monocratique, assurée par une seule personne, mériterait selon elle d'être soumise à une analyse. Si le législateur devait préférer une direction tricéphale à la direction monocratique actuelle, les trois dirigeants en question devraient disposer chacun de leurs propres secteurs (comme la direction générale de la Banque nationale). Quant à savoir comment ces secteurs seraient établis concrètement, l'AS-MPC pourrait le déterminer avec le MPC.

MPC: le MPC partage l'avis des experts au sujet des problèmes qui entourent la réélection et considère qu'une réelle indépendance du procureur général de la Confédération ne peut être obtenue qu'au prix de l'abandon du système de la réélection périodique et de son remplacement par une titularisation (en Allemagne, par exemple, le «Generalbundesanwalt» a un statut de fonctionnaire titulaire). L'Assemblée fédérale aurait toujours le moyen d'intervenir en ouvrant une procédure de destitution. Dans le cas où cette option serait rejetée, le MPC suggère de prolonger au moins la durée de fonction du procureur général de la Confédération et de ses deux suppléants de quatre à six ans, par analogie avec celle des juges fédéraux. Pour réduire le risque de «politisation» de la fonction, il serait souhaitable que la réélection ne coïncide
plus avec le renouvellement du Conseil national.

Pour ce qui est du partage des compétences entre l'autorité de surveillance et la CJ, le MPC propose d'adapter la teneur de l'art. 31, al. 1, LOAP à celle de l'art. 40a, al. 6, LParl: «Si l'autorité de surveillance fait des constatations qui mettent sérieusement en cause l'aptitude professionnelle ou personnelle du procureur général de la Confédération ou d'un procureur général suppléant, elle les communique à la Commission judiciaire.» Comme l'autorité de surveillance ne conduit pas elle-même la procédure de destitution (cf. le champ d'application défini à l'art. 1 des principes d'action de la CJ), le MPC est d'avis qu'elle ne pourrait pas, dans la pratique, présenter une proposition de destitution directement à l'Assemblée fédérale, sans passer par la CJ, comme semble le suggérer l'art. 31, al. 1, LOAP sous sa forme actuelle.

Quant à savoir si une direction collective doit être mise en place au MPC (compléments du 28.4.2021 apportés à l'avis de droit), ce dernier estime qu'il s'agit d'une

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décision politique. Pour le MPC, une question centrale est celle de savoir si la responsabilité en matière de direction peut être partagée sans affaiblir la capacité d'action de l'institution.

DFJP: pour les dirigeants du MPC, la durée de fonction et la possibilité d'une réélection ne doivent pas faire l'objet de garanties allant plus loin que celles qui s'appliquent aux membres des tribunaux fédéraux. Il y a lieu de noter que cette thématique est actuellement débattue au Parlement dans le cadre de l'examen de l'initiative sur la justice.

En ce qui concerne la révocation des dirigeants du MPC, le DFJP estime qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures législatives. Ce sujet a déjà fait l'objet de discussions et constitue finalement une question d'interprétation de la loi.

Pour ce qui est de l'éventualité d'une direction collective du MPC (compléments du 28.4.2021 apportés à l'avis de droit), le DFJP émet quelques doutes sur la question de savoir si le MPC est une institution vraiment appropriée pour cette forme de direction.

3.5

Examen d'autres aspects: nomination et statut des procureurs extraordinaires

(ch. marg. 215, recommandation 6)

3.5.1

Constatations et recommandations des experts

Dans le cadre de leurs travaux, les experts ont constaté que le statut des procureurs extraordinaires de la Confédération n'était pratiquement pas réglementé dans la loi et soulevait donc de nombreuses questions. À l'art. 67, al. 1, LOAP, le législateur s'est limité à créer la possibilité d'une «nomination» d'un procureur extraordinaire «en cas de poursuite pénale contre un procureur en chef ou un procureur». L'art. 17, al. 3, LParl, quant à lui, donne à l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) la compétence d'élire un procureur général extraordinaire si un député est impliqué dans une procédure pénale. La loi ne précise par contre pas qui a la compétence d'instituer un procureur extraordinaire dans le cas où une procédure pénale est dirigée contre le procureur général de la Confédération ou l'un de ses suppléants. Dans une affaire récente, l'Assemblée fédérale a décidé de procéder elle-même à l'élection, sur proposition de l'ASMPC. Cette façon de procéder soulève toutefois elle aussi différentes questions, encore sans réponse. Enfin, on ignore exactement à qui revient la compétence de définir le mandat du procureur extraordinaire, comment celui-ci est rémunéré et s'il est lui aussi soumis à la surveillance de l'AS-MPC. Cette question se pose notamment dans la perspective de mesures disciplinaires pouvant se révéler nécessaires le cas échéant.

De telles mesures présupposent en effet l'existence régulière d'un rapport de service entre le procureur extraordinaire et la Confédération. Or, ce rapport n'existe pas dans le cas d'une personne externe. S'il devait y avoir une révision de la LOAP, le MPC suggère donc que le législateur profite de l'occasion pour apporter les clarifications nécessaires.

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3.5.2

Avis de l'AS-MPC

Le TPF a confirmé, selon une jurisprudence constante, la compétence de l'AS-MPC en matière de désignation d'un procureur extraordinaire en cas de plaintes pénales déposées à l'encontre des membres de la direction du MPC élus par l'Assemblée fédérale (décision du TPF BB.2020.228 du 17.12.2020, consid. 2.2., avec autres renvois). Toutefois, la situation juridique serait encore plus claire si cette compétence était inscrite dans la LOAP.

4

Conclusions et recommandations des CdG

Dans les chapitres suivants, les CdG présentent leurs conclusions et formulent leurs recommandations et une proposition à l'intention des CAJ, qui sont les commissions thématiques compétentes en la matière. Comme les travaux législatifs dans le domaine discuté ne sont pas du ressort des CdG, elles focalisent leurs recommandations sur les éléments résultant des enseignements et des expériences tirés de leur activité de haute surveillance et se limitent à esquisser les grandes lignes d'une future révision législative.

4.1 1.

Discussion des modèles de surveillance Comme les CdG l'avaient déjà relevé dans leur rapport du 24 juin 2020, les expériences faites lors des premières années durant lesquelles le nouveau système s'est mis en place (MPC indépendant soumis à une surveillance indépendante) ont montré que ce système pouvait fonctionner en principe, mais que sa résistance en temps de crise était insuffisante. Les CdG avaient estimé que des mesures législatives s'imposaient dans plusieurs domaines, notamment l'organisation, les compétences, les instruments et les ressources de l'AS-MPC, mais aussi au niveau de l'organisation du MPC (modèle «statu quo plus», cf. chap. 5, conclusion 10). Les CdG avaient également déclaré à l'époque que les possibilités d'une réforme plus approfondie des institutions en question (cf. chap. 5, conclusions 10 et 11) devraient être étudiées.

Les experts sont parvenus à la conclusion que le modèle actuel, fondé sur un Ministère public indépendant contrôlé par une autorité de surveillance spéciale, répondait de manière adéquate aux expériences faites jusqu'ici au niveau fédéral et tenait dûment compte des spécificités de la procédure pénale.

Ils ont cependant aussi estimé que le modèle actuel devait être amélioré (modèle «statu quo plus»). D'une manière générale, leurs propositions reposent donc sur ce modèle.

2.

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Sur le plan de la haute surveillance, différents modèles sont envisageables, pour peu que le principe de l'indépendance de la poursuite pénale soit respecté et que l'efficacité ainsi que la compétence de l'autorité de surveillance soient garanties. Les CdG estiment cependant que le niveau d'acceptation risque

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d'être faible pour le modèle de la surveillance par le pouvoir exécutif (surveillance exercée par le Conseil fédéral), pour le modèle de la surveillance conjointe, pour le modèle de la surveillance par le pouvoir judiciaire et pour un modèle incluant pour l'AS-MPC une compétence en matière de nomination ou le droit de proposition en vue de l'élection (cf. chap. 3.1.1). Un droit de l'AS-MPC d'être entendue par la CJ avant l'élection du procureur général de la Confédération pourrait éventuellement être étudié44.

4.2

Portée et compétences de la surveillance

Portée de la surveillance 3.

Les CdG estiment que la tendance doit être au renforcement de la surveillance et non à son affaiblissement. Il est généralement incontesté que l'AS-MPC doit être chargée non seulement de la surveillance technique, mais aussi de la surveillance administrative. Suivant la recommandation des experts, les CdG considèrent qu'il serait judicieux de le préciser dans la loi. L'AS-MPC a proposé de reformuler l'art. 29, al. 1, LOAP dans ce sens: ce projet semble adéquat dans la perspective de la haute surveillance45.

4.

La surveillance exercée par l'AS-MPC n'est pas une surveillance politique et personne n'aspire aujourd'hui à mettre en place une telle surveillance. Les CdG sont d'avis qu'il ne doit y avoir aucun changement sur ce point. D'ailleurs, la haute surveillance exercée par les CdG au nom de l'Assemblée fédérale sur le MPC et son autorité de surveillance est indépendante du modèle de surveillance appliqué.

5.

Les experts sont d'avis que le législateur doit mettre en place un régime de compétences établissant clairement dans quelle mesure la surveillance doit s'étendre aux décisions en matière criminelle. Selon eux, le droit en vigueur ne permet pas de déterminer dans quelle mesure une surveillance de l'ASMPC en matière criminelle est possible.

Avant chaque nouvelle législature, le DFJP établit les priorités pour les activités de police relevant de sa compétence, notamment pour l'Office fédéral de la police (fedpol) en sa qualité d'autorité policière de la Confédération. La

44

45

Si le législateur devait opter malgré tout pour une surveillance par le Conseil fédéral ou pour un transfert de la compétence d'élection, de réélection et de révocation des dirigeants du MPC à l'AS-MPC, les détails de ces modèles devraient encore être élaborés, car les propositions des experts reposent sur le modèle «statu quo plus». En cas de surveillance par le Conseil fédéral, il importerait plus particulièrement de clarifier comment et au moyen de quelles garanties il serait possible d'exclure toute influence ­ directe ou indirecte ­ du pouvoir exécutif sur les procédures spécifiques. Il faudrait en outre confier la surveillance matérielle à un organe professionnel, par exemple un comité consultatif ou un inspectorat travaillant de manière indépendante. S'agissant du modèle «statu quo plus compétence de l'AS-MPC en matière de nomination», il permettrait de renforcer le statut de l'AS-MPC en tant qu'autorité. La question pourrait alors de nouveau se poser de savoir s'il ne faudrait pas une base constitutionnelle concernant l'AS-MPC (voir l'avis de droit, ch. marg. 47, 48, 111 ss, notamment 113).

Prise de position de l'AS-MPC du 29 mars 2021 et rapport d'activité 2020 de l'AS-MPC.

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stratégie du DFJP repose sur les objectifs du Conseil fédéral en matière de politique de sécurité et établit les priorités ­ générales, mais aussi spécifiques à certains types d'infractions ­ de la lutte du DFJP contre la criminalité au moyen de mesures de police46. Le MPC, de son côté, coordonne ses propres priorités en matière de poursuite pénale avec la PJF, qui est partie intégrante de fedpol et qui collabore directement avec le MPC.

De l'avis des CdG, la définition des priorités en matière de politique criminelle doit relever de la compétence du gouvernement ainsi que des autorités directement chargées de la poursuite pénale. Selon elles, une participation de l'autorité de surveillance à la détermination des priorités en question risquerait de conduire à une emprise de la surveillance. La mise en oeuvre de la stratégie de lutte contre la criminalité par le MPC, en revanche, entre tout à fait dans le champ d'activités de l'autorité de surveillance.

Par ailleurs, les CdG relèvent que la position de la PJF, à l'interface entre le DFJP et le MPC, représente l'un des points faibles du système de surveillance actuel: rattachée au DFJP/fedpol, la PJF conduit des enquêtes de police judiciaire de manière autonome, mais fonctionne aussi comme autorité d'enquête de police judiciaire pour le compte du MPC47. Les experts n'ont pas approfondi le sujet dans le cadre de leur discussion des différents modèles.

Surveillance subséquente ou concomitante 6.

46 47

Dans un souci de renforcer la surveillance, les experts suggèrent qu'elle ne soit pas simplement subséquente, mais aussi concomitante. Dans le domaine de la haute surveillance, les CdG ont fait l'expérience qu'il était souvent pratiquement impossible d'établir une distinction claire entre contrôle subséquent et contrôle concomitant. Elles estiment cependant que pour être efficace, la surveillance doit aussi être concomitante. Tant que l'autorité qui l'exerce s'en tient aux restrictions imposées par la loi et ne donne pas de directives se rapportant à des procédures spécifiques, la surveillance peut être concomitante sans porter atteinte à l'indépendance de la poursuite pénale. Dans certains cas, l'AS-MPC opte aujourd'hui déjà pour une surveillance concomitante. L'ASMPC ne propose pas de préciser la loi sur ce point. Selon les CdG, il n'y a en effet pas besoin de précision dans la loi.

Communiqué de presse du 6 décembre 2019, Nouvelle stratégie du DFJP de lutte contre la criminalité 2020­2023.

Du temps de l'ancien procureur général de la Confédération, celui-ci avait eu des différends avec fedpol au sujet de l'attribution des ressources de la PJF. Par la suite, il avait demandé que la PJF lui soit subordonnée directement. Le «groupe de travail Cornu», institué par le DFJP et par l'AS-MPC, avait alors rédigé un rapport (Collaboration entre le MPC et la PJF, rapport du 19 décembre 2013 à l'intention du DFJP et de l'AS-MPC), qui a conduit à une convention, conclue entre le MPC et la PJF le 1er avril 2014, dans laquelle est établi le mode de coordination entre le MPC et la PJF pour la définition des priorités.

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Compétences (instruments) de la surveillance 7.

S'agissant du droit de donner des directives dont dispose l'autorité de surveillance, les CdG sont d'accord avec les experts pour estimer que la formulation selon laquelle l'AS-MPC «peut édicter des directives de portée générale sur la manière dont le MPC doit s'acquitter de ses tâches» laisse une marge d'interprétation trop grande et appelle donc une précision. Doivent continuer d'être exclues toutes les directives dans un cas d'espèce relatives à l'ouverture, au déroulement ou à la clôture de la procédure, à la représentation de l'accusation devant le tribunal ou aux voies de recours (art. 29, al. 2, 2e phrase, LOAP).

8.

Suivant l'avis des experts, les CdG recommandent d'accorder à l'autorité de surveillance un droit d'accès aux dossiers très large qui inclue les procédures en cours. L'AS-MPC a soumis des propositions de modification de la loi qui sont partiellement inspirées des droits étendus à l'information et à l'accès aux dossiers dont bénéficient les autorités exerçant la haute surveillance parlementaire48. Les CdG recommandent au législateur de légiférer dans ce sens.

9.

Le pouvoir disciplinaire de l'AS-MPC doit être maintenu en principe. Si cela peut paraître plus correct que ce pouvoir soit exercé par l'autorité qui élit les magistrats, le fait est que ni l'Assemblée fédérale ni la CJ ne sont des organes qui conviennent pour conduire une procédure disciplinaire.

La confidentialité de la procédure recommandée par les experts, de son ouverture à sa conclusion, est jugée appropriée dans la mesure où l'acte répréhensible ou l'abus de fonction suspecté n'a pas déjà été rendu public. L'autorité de haute surveillance devrait toutefois être informée d'un tel traitement confidentiel.

La panoplie disciplinaire de l'AS-MPC devrait en outre être complétée par l'instrument de la suspension à titre préventif, une mesure d'accompagnement prévue dans la législation sur le personnel de la Confédération qui a donné satisfaction. L'opportunité, voire la nécessité, d'octroyer à l'AS-MPC ­ comme celle-ci le demande ­ la possibilité de conduire des enquêtes administratives au sens des dispositions s'appliquant au personnel de la Confédération doit encore être étudiée de plus près. De l'avis des CdG, l'AS-MPC peut en revanche faire usage de son droit de procéder à des inspections (art. 30, al. 1, LOAP), que le droit en vigueur ne restreint d'aucune manière. L'AS-MPC devrait en outre avoir la possib ilité de confier l'enquête disciplinaire à un chargé d'enquête externe.

Compétences de l'AS-MPC en matière de personnel et d'organisation 10. De l'avis des CdG, le mandat de l'AS-MPC inclut la vérification non seulement de la mise en place et de la gestion d'une organisation adéquate, mais également de l'affectation efficace des ressources humaines, des moyens

48

Prise de position de l'AS-MPC du 29 mars 2021 et rapport d'activité 2020 de l'AS-MPC.

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financiers et de l'infrastructure par le MPC (gestion administrative). Elles estiment que l'AS-MPC ne doit par contre pas pouvoir édicter des directives qui empiètent directement sur la compétence décisionnelle du MPC ou qui s'y substituent. En revanche, l'AS-MPC a le droit d'émettre des recommandations. À ce propos, les CdG considèrent qu'il vaudrait la peine d'examiner si l'instrument de la recommandation ne devrait pas être explicitement inscrit dans la loi. Dans la pratique, l'AS-MPC se sert de l'instrument de la recommandation en vertu du principe a maiore ad minus. En d'autres termes, elle considère que son droit d'édicter des directives de portée générale (art. 29, al. 2, LOAP) lui permet aussi d'user de l'instrument moins contraignant de la recommandation.

11. Dans le domaine du droit du personnel, les CdG n'ont pas identifié un besoin fondamental de clarification. Ce constat vaut pour autant que le modèle actuel soit maintenu. En vertu de la loi sur le personnel de la Confédération49, l'ASMPC est l'employeuse du personnel de son secrétariat, alors que le MPC est l'employeur du personnel du MPC50; cependant, les décisions relevant de la compétence de l'employeur sont prises par le procureur général de la Confédération (art. 22, al. 2, LOAP). La législation sur le personnel de la Confédération régit aussi les droits et les obligations de l'employeur, y compris la surveillance du personnel. Les CdG suggèrent de renoncer non seulement aux «décisions relatives aux rapports de service» que l'AS-MPC suggère d'introduire à l'art. 14a de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant l'organisation et les tâches de l'AS-MPC51 s'agissant des collaborateurs du MPC52, mais aussi à un renforcement du statut de l'AS-MPC en matière de droit du personnel, notamment au moyen d'une «surveillance hiérarchique» des cadres dirigeants du MPC que l'AS-MPC propose d'introduire à l'art. 22 LOAP sous la forme d'un al. 353.

Comme l'Assemblée fédérale et l'AS-MPC (pouvoir disciplinaire) se partagent la fonction d'employeur des cadres dirigeants du MPC, l'octroi à l'ASMPC d'un droit de «surveillance hiérarchique» général54 à l'égard des cadres dirigeants du MPC serait forcément générateur de problèmes et de conflits de compétence. En matière de droit du personnel, les CdG estiment que l'ASMPC ne devrait pas obtenir
de compétences supplémentaires à l'égard des cadres dirigeants du MPC. Selon elles, ces compétences devraient revenir à l'autorité qui élit ces magistrats, soit à l'Assemblée fédérale ou, le cas échéant, à la CJ.

49 50 51

52 53 54

Art. 3, al. 1, let g, en relation avec l'art. 2, al. 1, let. h, LPers.

Art. 3, al. 1, let. f, en relation avec l'art. 2, al. 1, let. i, LPers.

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 1er octobre 2010 concernant l'organisation et les tâches de l'autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (RS 173.712.24).

Prise de position de l'AS-MPC du 29 mars 2021, p. 5: cf. chap. 3.2.2.1.

Rapport d'activité 2020 de l'AS-MPC.

Ce terme non spécifique désigne de manière générale une surveillance dans le domaine du droit du personnel. Il n'est pas usuel dans le contexte du droit du personnel de la Confédération.

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La compétence de délier les collaborateurs du MPC du secret de fonction relève clairement des attributions de l'employeur, soit du MPC. S'agissant du secret de fonction, les CdG relèvent d'ailleurs que les cadres dirigeants comme tous les autres collaborateurs du MPC peuvent donner des informations et des renseignements à l'autorité de surveillance sans avoir été, au préalable, déliés du secret de fonction, étant donné que celle-ci possède des droits étendus à l'information et à la consultation des dossiers55.

4.3

Composition et ressources de l'AS-MPC

12. Pour ce qui est de la composition de l'AS-MPC, les CdG considèrent que les recommandations des experts ainsi que les suggestions complémentaires formulées par l'AS-MPC et par le MPC devraient être prises en considération par la CJ dans son choix des candidats briguant un siège à l'AS-MPC. Selon les CdG, une modification des dispositions légales n'est pas nécessaire. Elles déconseillent d'ouvrir l'AS-MPC aux avocats plaidant au Tribunal pénal fédéral (cf. chap. 3.3 ci-dessus).

13. Dans le modèle «statu quo plus», l'autorité de surveillance devrait être professionnalisée. Cela implique notamment de prévoir une indemnisation adéquate des membres ainsi qu'un étoffement des ressources à disposition. Les CdG estiment qu'il serait judicieux de rattacher cette autorité à une unité administrative ou aux Services du Parlement sur le plan administratif (cf.

chap. 3.3 ci-dessus)

4.4

Élection, réélection et révocation des personnes à la tête du MPC, structures du MPC

14. L'expérience a montré que c'était avant tout la réélection du procureur général de la Confédération qui risquait d'être «politisée». Cette politisation de la réélection représente non seulement une menace pour l'indépendance du procureur général de la Confédération, mais aussi un obstacle non négligeable lors de l'élection d'un nouveau procureur général de la Confédération, dans la mesure où il devient difficile de trouver des personnes hautement qualifiées qui soient prêtes à présenter leur candidature. Si la recherche d'une solution coordonnée dans le cadre de la réforme en cours de la réélection des juges de la Confédération est souhaitable, le fait est que les données du problème ne sont pas tout à fait les mêmes dans les deux cas. Il importe donc que le législateur soit aussi prêt à envisager une solution taillée sur mesure pour le MPC. Il faudra aussi tenir compte du fait que le statut du MPC est, à certains égards, de nature plus exécutive que judiciaire.

55

Cf. aussi Niklaus Oberholzer. Le droit à l'information des CdG de l'Assemblée fédérale en matière de poursuite pénale analysé sous l'angle de la procédure pénale. Avis de droit du 5 juin 2008 commandé par la CdG-N, ch. 1.4.

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15. S'agissant de la procédure de révocation, il convient également de tenir compte des anomalies soulevées le 16 septembre 2020 par le professeur Georg Müller et soumises à la CJ à la demande de cette dernière56.

16. Par ailleurs, les CdG estiment qu'il faut s'assurer, lors de la conception des «rapports de travail» entre le Parlement (ou la CJ) et le procureur général de la Confédération, qu'il ne sera plus possible de discuter de la possibilité de faire valoir des heures supplémentaires ou de soldes de vacances lors du départ du procureur général de la Confédération.

17. Il y a lieu d'approfondir les propositions des experts en faveur d'une direction collective à la tête du MPC, et en particulier le «modèle adapté en fonction des secteurs d'affaires»57 (cf. chap. 3.4.1). Il faut également examiner si, pour limiter les pouvoirs du procureur général de la Confédération, il pourrait suffire de déléguer à un échelon inférieur la compétence de nommer les procureurs ou le personnel du MPC, à l'image de la procédure hiérarchique en vigueur au sein des offices fédéraux; le procureur général de la Confédération n'aurait ainsi plus qu'un droit général de donner des directives et seuls les procureurs en chef, par exemple, disposeraient du droit de donner directement des directives, au cas par cas et dans leur domaine de compétences.

4.5

Nomination et statut des procureurs extraordinaires, questions liées à la surveillance

18. Cela fait un certain temps que les CdG ont constaté des problèmes et des lacunes dans les dispositions légales régissant la nomination de procureurs extraordinaires. Elles en ont informé les CAJ et leur ont suggéré différentes approches58. Il conviendrait notamment de disposer d'une réglementation claire concernant la surveillance exercée sur les procureurs fédéraux extraordinaires et sur les procureurs généraux extraordinaires.

5

Proposition aux Commissions des affaires juridiques

Les CdG proposent aux CAJ d'entamer une révision des bases légales régissant la surveillance du MPC et le rattachement administratif de cette surveillance en partant du modèle «statu quo plus» et en tenant compte des considérations présentées dans le présent rapport.

56 57 58

Müller Georg, Anomalies de la législation relative au Ministère public de la Confédération: propositions de solutions, document du 16 septembre 2020 remis à la CJ.

Compléments du 28 avril 2021 à l'avis de droit du 3 février 2021.

Rapport annuel 2017 des CdG et de la DélCdG du 30 janvier 2018, ch. 3.5.1 (FF 2018 1991, en l'occurrence 2027): rapport annuel 2018 des CdG et de la DélCdG du 29 janvier 2019, ch. 3.6.2 (FF 2019 2689, en l'occurrence 2738): rapport annuel 2019 des CdG et de la DélCdG du 28 janvier 2020, ch. 3.6.1 (FF 2020 2865, en l'occurrence 2900): lettre des CdG aux CAJ du 25 juin 2019 (non publiée).

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6

Suite de la procédure

Les CdG prient les CAJ de donner suite à leur proposition et de tenir compte, de manière adéquate, de leurs recommandations dans leurs futurs travaux législatifs sur ce thème. Les CdG demandent en outre à être invitées, en temps utile, à rendre un corapport à ce sujet.

Le 22 juin 2021

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales La présidente de la CdG-E: Maya Graf, conseillère nationale Le président de la CdG-N: Erich von Siebenthal, conseiller national Le président de la sous-commission Tribunaux/MPC-E: Hans Stöckli, conseiller aux États La présidente de la sous-commission Tribunaux/MPC-N: Manuela Weichelt-Picard, conseillère nationale La secrétaire des Commissions de gestion: Beatrice Meli Andres La secrétaire des sous-commissions Tribunaux/MPC: Irene Moser

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Liste des abréviations AS-MPC

Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération

CAJ

Commissions des affaires juridiques de l'Assemblée fédérale

CAJ-E

Commission des affaires juridiques du Conseil des États

CDF

Contrôle fédéral des finances

CdG

Commissions de gestion de l'Assemblée fédérale

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CdI-N

Commission de l'immunité du Conseil national

ch. marg.

chiffre marginal (dans le présent rapport, référence à l'avis de droit Geth/Schindler du 3 février 2021)

ChF

Chancellerie fédérale

CJ

Commission judiciaire de l'Assemblée fédérale

CPP

Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, RS 312.0)

DFJP

Département fédéral de justice et police

EIMP

Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, RS 351.1)

fedpol

Office fédéral de la police

FF

Feuille fédérale

Fifa

Fédération internationale de football association

LCF

Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (Loi sur le Contrôle des finances, RS 614.0)

LOAP

Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (Loi sur l'organisation des autorités pénales, RS 173.71)

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010)

LParl

Loi fédérale du 13 décembre 2020 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, RS 171.10)

LPD

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur la protection des données (FF 2020 7397)

LPers

Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.1)

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LRCF

Loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (loi sur la responsabilité, RS 170.32)

LTF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110)

MPC

Ministère public de la Confédération

OFJ

Office fédéral de la justice

OPers

Ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (RS 172.220.111.3)

PJF

Police judiciaire fédérale

PFPDT

Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence

SRF

Schweizer Radio und Fernsehen

TAF

Tribunal administratif fédéral

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