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20.437 / 20.438 Initiatives parlementaires Améliorer la capacité d'action du Parlement en situation de crise / Utilisation des compétences en matière de droit de nécessité et contrôle du droit de nécessité édicté par le Conseil fédéral en temps de crise Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 27 janvier 2022

Madame la Présidente Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons des projets de modification de la loi sur le Parlement, de l'ordonnance sur l'administration du Parlement et du règlement du Conseil national, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter les projets d'acte ci-joints.

27 janvier 2022

Pour la commission: Le président, Marco Romano

2022-0286

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Condensé En 2020 et 2021, la pandémie de Covid-19 a placé l'Assemblée fédérale face à d'importants défis. D'une part, le Parlement a dû prendre des mesures pour que ses membres puissent siéger en se prémunissant le mieux possible contre les infections.

D'autre part, il devait veiller à pouvoir participer de façon adéquate au processus de décision, en sa qualité d'autorité suprême de la Confédération, alors même que de nombreuses compétences avaient été transférées au Conseil fédéral, en vertu de la loi sur les épidémies et de la Constitution.

En raison de l'augmentation rapide du nombre de personnes infectées, signe d'un haut risque de contamination, la troisième semaine de la session de printemps 2020 a dû être annulée.

Après l'interruption de la session de printemps 2020, de nombreuses questions en rapport avec le nouveau virus se sont posées et de fortes incertitudes sont apparues s'agissant des mesures à prendre. Par exemple, il a tout d'abord fallu trouver des salles dans lesquelles il était possible d'organiser des séances de commission dans le respect des règles de distanciation sociale. Ainsi, les commissions parlementaires n'ont pu reprendre leurs travaux que petit à petit et de façon limitée.

Dans ce contexte, l'objectif du projet qui fait l'objet du présent rapport est d'améliorer la capacité d'action de l'Assemblée fédérale en temps de crise: les conseils et les autres organes du Parlement doivent pouvoir être convoqués rapidement et les instruments dont ils disposent doivent être conçus de sorte à pouvoir être utilisés de façon ciblée en temps de crise.

Le projet vise à créer les conditions légales permettant à l'Assemblée fédérale et à ses organes d'exercer leurs attributions même dans des circonstances difficiles.

Lorsqu'ils ne peuvent se réunir physiquement, ils doivent avoir la possibilité de siéger en ligne en cas d'urgence. Cette situation peut survenir non seulement en raison d'une pandémie, mais également en cas de catastrophe naturelle, par exemple. En outre, il peut être judicieux de prévoir, en cas d'évènement ne touchant qu'une région, que les députés concernés aient la possibilité de participer en ligne aux débats des conseils.

Toutefois, les séances numériques ne doivent être organisées qu'en dernier recours, seulement si l'Assemblée fédérale ne pourrait sinon
participer au processus de décision politique en sa qualité d'autorité suprême de la Confédération au sens de l'art. 148 de la Constitution. Dans tous les autres cas, la Constitution exige que les députés se réunissent physiquement.

Tout particulièrement en situation de crise, le Parlement a besoin d'organes de direction forts et indépendants. C'est pourquoi il y a lieu de remplacer la Délégation administrative (DA), conçue comme une délégation des bureaux des conseils, par une commission administrative (CA) dont les membres seraient nommés pour quatre ans et ne pourraient pas siéger en parallèle au sein des bureaux des conseils. Ce nouvel organe permettrait de garantir une meilleure continuité dans la direction suprême de l'administration du Parlement; il serait moins fortement lié aux bureaux, lesquels auraient moins de tâches administratives.

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L'Assemblée fédérale dispose de divers instruments légaux lui permettant de participer au processus de décision politique même en cas d'urgence. Toutefois, pendant la pandémie, il s'est avéré que l'utilisation de ces instruments pouvait poser des problèmes. Par exemple, certains droits ne peuvent être exercés que pendant les sessions; il peut aussi arriver que les délais impartis compliquent la tâche du Parlement lorsqu'il s'agit de réagir rapidement aux décisions du Conseil fédéral ou d'élaborer rapidement des réglementations.

Le projet vise à inscrire dans la loi que, à certaines conditions, les conseils doivent être convoqués «sans délai» en session extraordinaire lorsqu'un quart des membres d'un conseil ou le Conseil fédéral en fait la demande. L'objectif est de s'assurer que le Parlement puisse agir rapidement. À certaines conditions, les instruments parlementaires que sont la motion et l'initiative parlementaire doivent en outre pouvoir être utilisés rapidement, les délais usuels étant alors réduits.

Enfin, il faut que le Conseil fédéral soit tenu de consulter les commissions parlementaires sur ses projets d'«ordonnance de nécessité», de sorte que les commissions aient la possibilité de prendre position. La Commission des institutions politiques du Conseil national estime cependant qu'il n'y a pas lieu de créer de nouveaux instruments ou organes parlementaires: l'Assemblée fédérale dispose d'un droit de modification et d'annulation à l'égard des ordonnances de nécessité édictées par le Conseil fédéral, qu'elle peut exercer en prenant elle-même des mesures (de par sa compétence d'édicter des ordonnances de nécessité directement fondées sur la Constitution ou d'adopter des lois fédérales urgentes).

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Table des matières Condensé 1

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2

Genèse du projet 1.1 Dépôt d'initiatives parlementaires 1.2 Teneur des initiatives 20.437 et 20.438 et autres initiatives 1.3 Auditions 1.4 Travaux de la sous-commission 1.5 Examen du projet par la CIP-N, compte tenu des avis de la Délégation administrative et du bureau 1.6 Examen d'une pétition

8 8 8 10 10

Contexte: bases légales et pratique pendant la pandémie 2.1 Réunion des commissions et organes de direction du Parlement 2.1.1 Bases légales 2.1.1.1 Dispositions pertinentes 2.1.1.2 Conclusions 2.1.2 Pratique pendant la pandémie 2.1.2.1 Décisions des bureaux 2.1.2.2 Séances de commission ayant eu lieu 2.1.2.3 Conclusions 2.1.3 Évaluation scientifique du travail des commissions pendant la pandémie 2.1.3.1 Droit de siéger des commissions: délimitation entre les compétences des commissions et celles des organes de direction du Parlement 2.1.3.2 Séances de commission numériques 2.2 Réunion des conseils 2.2.1 Bases légales 2.2.1.1 Dispositions pertinentes 2.2.1.2 Conclusions 2.2.2 Pratique durant la pandémie en 2020 2.2.2.1 Décisions avant et pendant la session de printemps (du 2 au 15.3.2020) 2.2.2.2 Décisions avant et pendant la session extraordinaire (du 4 au 6.5.2020) 2.2.2.3 Décisions avant et pendant la session d'été (du 2 au 19.6.2020) 2.2.2.4 Décisions avant et pendant la session d'automne (du 7 au 25.9.2020) 2.2.2.5 Décisions avant et pendant la session spéciale du Conseil national (29 et 30.10.2020) 2.2.2.6 Décisions avant et pendant la session d'hiver 2020 (du 30.11 au 18.12.2020)

12 12 12 12 13 14 14 15 15

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16 16 17 17 17 17 19 20 20 20 21 21 22 22

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2.2.2.7 Conclusions Évaluation par les experts de l'activité du Parlement pendant la pandémie 2.2.3.1 Droit du Parlement de siéger 2.2.3.2 Interruption de la session de printemps 2.2.3.3 Session extraordinaire 2.2.3.4 Session numérique ou hybride (participation à distance d'une partie des membres) Utilisation d'instruments parlementaires 2.3.1 Bases légales: présentation des instruments 2.3.1.1 Motion de commission 2.3.1.2 Initiative de commission 2.3.1.3 Déclaration d'un conseil 2.3.1.4 Corapport à la Commission des finances 2.3.2 Pratique pendant la pandémie 2.3.3 Évaluation scientifique du travail du Parlement pendant la pandémie 2.3.4 Conclusions Utilisation des compétences en matière de droit de nécessité 2.4.1 Bases constitutionnelles et légales 2.4.1.1 Compétences du Conseil fédéral 2.4.1.2 Compétences du Parlement 2.4.2 Pratique pendant la pandémie 2.4.3 Évaluation par les experts de l'activité du Parlement et de l'exercice des compétences du Conseil fédéral en matière de droit de nécessité 2.4.3.1 Bases constitutionnelles du «droit de nécessité» 2.4.3.2 Droit de nécessité et bases légales contenues dans des lois spéciales pour lutter contre la crise 2.4.3.3 Transfert du droit de nécessité dans le droit ordinaire (art. 7d LOGA) Conclusion générale sur le fonctionnement de l'Assemblée fédérale durant la crise

23

2.2.3

2.3

2.4

2.5 3

Grandes lignes du projet 3.1 Exigences posées à un parlement en situation de crise: principes 3.2 Propositions de réforme 3.2.1 Réunion des commissions 3.2.1.1 Droit de siéger des commissions 3.2.1.2 Séances de commission tenues en ligne 3.2.2 Organes de direction du Parlement 3.2.3 Réunion des conseils 3.2.3.1 Sessions extraordinaires 3.2.3.2 Report ou fin anticipée d'une session 3.2.3.3 Désignation d'un autre lieu de séance

24 24 24 25 25 27 27 27 27 28 28 28 29 30 31 31 31 32 32 34 34 35 35 36 37 37 38 38 38 39 40 42 42 43 44

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3.2.3.4

3.2.4

3.2.5

Constitutionnalité des séances du conseil tenues en ligne 3.2.3.5 Séances de conseil numériques en situation d'urgence 3.2.3.6 Participation en ligne à des séances du conseil Utilisation d'instruments parlementaires 3.2.4.1 Motions de commission portant sur des ordonnances de nécessité 3.2.4.2 Mise en oeuvre accélérée de motions portant sur des ordonnances en général 3.2.4.3 Renforcement de l'instrument de la motion de commission de teneur identique 3.2.4.4 Initiative parlementaire visant à l'élaboration d'un projet d'acte Exercice des compétences en matière de droit de nécessité 3.2.5.1 Suivi de la législation édictée par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance 3.2.5.2 Pas d'introduction d'un contrôle abstrait des normes s'agissant des ordonnances de nécessité 3.2.5.3 Pas de création de nouveaux organes ou instruments parlementaires 3.2.5.4 Pas d'ajout ou de modification de dispositions relatives aux crises dans des lois spéciales 3.2.5.5 Pas de définition plus stricte de l'art. 185, al. 3, Cst.

3.2.5.6 Pas de modification de l'art. 7d LOGA 3.2.5.7 Ressources nécessaires à l'exercice de compétences parlementaires relevant du droit de nécessité 3.2.5.8 Ex-cursus: la loi fédérale urgente

44 45 46 47 48 48 48 49 49 49 51 52 52 54 56 56 57

4

Commentaire des dispositions 4.1 Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement 4.2 Ordonnance du 3 octobre 2003 sur l'administration du Parlement 4.3 Règlement du Conseil national du 3 octobre 2003

58 58 73 73

5

Conséquences 5.1 Conséquences financières

74 74

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Frein aux dépenses

74 74 74

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Projet 1 Loi fédérale sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl) (Amélioration du fonctionnement du Parlement, notamment en situation de crise) (Projet) FF 2022 302 Projet 2 Ordonnance de l'Assemblée fédérale portant application de la loi sur le Parlement et relative à l'administration du Parlement (Ordonnance sur l'administration du Parlement, OLPA) (Amélioration du fonctionnement du Parlement, notamment en situation de crise) (Projet) FF 2022 303 Projet 3 Règlement du Conseil national (RCN) (Amélioration du fonctionnement du Parlement, notamment en situation de crise) (Projet)

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Dépôt d'initiatives parlementaires

Le 22 avril 2020, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) s'est réunie pour la première fois après l'interruption de la session de printemps. Plusieurs membres ont alors exprimé leur malaise à l'égard des possibilités restreintes d'organiser des séances de commission et de l'interruption de la session.

Pour ces raisons, la commission a adressé une lettre à la Délégation administrative (DA) pour l'inviter à veiller à ce que les commissions puissent à nouveau siéger normalement après la session d'été.

En outre, la commission estimait que les instruments parlementaires devaient être évalués dans la perspective de crises ultérieures. Par conséquent, à sa séance du 29 mai 2020, elle a décidé, respectivement à l'unanimité et par 24 voix contre 1, d'élaborer deux initiatives parlementaires: l'iv. pa. 20.437 «Améliorer la capacité d'action du Parlement en situation de crise» vise à créer les conditions légales permettant au Parlement et à ses organes de siéger et d'assumer leurs tâches même lors de crises; l'iv.

pa. 20.438 «Utilisation des compétences en matière de droit de nécessité et contrôle du droit de nécessité édicté par le Conseil fédéral en temps de crise» vise quant à elle à évaluer les instruments permettant au Parlement de participer à l'édiction de «droit de nécessité»1.

Le 25 juin 2020, la Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-E) a décidé, respectivement à l'unanimité et par 9 voix contre 0 et 2 abstentions, d'approuver les initiatives parlementaires 20.437 et 20.438.

Le 2 juillet 2020, la CIP-N a institué une sous-commission composée de douze membres2 et présidée par le conseiller national Gregor Rutz (V, ZH). Celle-ci a été chargée de préparer des propositions visant à mettre en oeuvre les initiatives.

1.2

Teneur des initiatives 20.437 et 20.438 et autres initiatives

L'iv. pa. 20.437 porte sur l'organisation et les structures du Parlement et de ses organes. Elle vise à adapter les bases légales de sorte que la capacité d'action de l'Assemblée fédérale soit garantie dans des situations extraordinaires ou lors de crises.

1

2

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un terme officiel, la notion de «droit de nécessité» est utilisée dans le présent rapport, à des fins de lisibilité, pour désigner les ordonnances que le Conseil fédéral édicte en se fondant sur les art. 184, al. 3, ou 185, al. 3, Cst. ou sur une disposition de loi spéciale telle que les art. 6 ou 7 de la loi sur les épidémies.

Membres de la sous-commission: Rutz Gregor, Addor, Barrile (remplacé à partir du 27.1.2021 par Marti Samira), Binder, Cottier, Fluri, Glättli, Kälin, Moser, Steinemann, Streiff, Widmer Céline.

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Il convient notamment de vérifier si des mesures législatives sont nécessaires s'agissant de: ­

la convocation de l'Assemblée fédérale en session ordinaire ou extraordinaire (notamment en lien avec les art. 28 et 34 de la loi sur les finances [LFC; RS 611.0]), ainsi que l'interruption d'une telle session;

­

l'organisation de séances des conseils hors du Palais du Parlement ou ailleurs qu'à Berne (y c. la procédure applicable à ces séances) ou, éventuellement, de séances virtuelles;

­

l'utilisation d'instruments parlementaires en temps de crise (notamment en ce qui concerne les délais pour les réponses du Conseil fédéral aux interventions);

­

la définition des compétences de la DA, des bureaux des conseils et des présidents des commissions s'agissant de la convocation de séances de commission (quelles sont les limites du droit de disposer des locaux?);

­

l'organisation de séances de commission virtuelles;

­

l'absence prolongée d'un nombre limité de députés (par ex. d'une certaine région) en raison d'un cas de force majeure.

L'iv. pa. 20.438 vise quant à elle à examiner des façons de faire participer l'Assemblée fédérale au processus d'édiction du droit de nécessité. Il s'agit de vérifier s'il est nécessaire d'adapter les bases légales concernées de sorte que, en situation de crise, l'Assemblée fédérale puisse utiliser de façon adéquate ses compétences en matière de droit de nécessité et contrôler efficacement le droit de nécessité édicté par le Conseil fédéral. Il convient par exemple de vérifier s'il est nécessaire de préciser les art. 173, al. 1, let. c, et 185, al. 3, de la Constitution (Cst.; RS 101), de modifier les art. 7d et 7e de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) et de créer de nouveaux organes parlementaires.

Plusieurs députés ont eux aussi déposé des initiatives parlementaires portant sur la nécessité de prendre des mesures dans le domaine de la participation du Parlement en temps de crise. Certaines concernent la possibilité du Parlement de siéger de façon flexible en temps de crise (20.423 n Iv. pa. Brunner. Fonctionnement du Parlement en situation extraordinaire. Introduire des possibilités de flexibilisation adaptées à la situation; 20.425 n Iv. pa. Christ. Créer les conditions d'une participation numérique aux séances du Parlement; 20.431 n Iv. pa. Rutz Gregor. Montant des indemnités allouées en cas de vidéoconférences; 20.460 n Iv. pa. Mäder. Planification des sessions lors de situations extraordinaires au sens de la loi sur les épidémies; 20.476 n Iv. pa.

Marra. Quand la gestion de crise nationale demande de revoir l'organisation de travail de notre Parlement; 20.479 n Iv. pa. Reimann Lukas. Garantir que l'Assemblée fédérale puisse délibérer valablement). D'autres portent sur la participation du Parlement ou des tribunaux à l'édiction d'ordonnances de nécessité (20.414 é Iv. pa. Rieder / 20.418 n Iv. pa. M-E. Création d'une Délégation des affaires juridiques [DélAJ]; 20.430 n Iv. pa. Groupe G. Ordonnances de nécessité. Contrôle abstrait des normes; 20.452 n Iv. pa. Heer. Droit de nécessité. Pas sans le Parlement; 21.404 n Iv. pa.

Addor. Pour un contrôle judiciaire des actes du Conseil fédéral fondés sur le droit

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d'urgence; 21.407 n Iv. pa. Groupe V. Loi sur les épidémies. Garantir la participation du Parlement aux décisions).

Par ailleurs, d'autres commissions ont également estimé qu'il y avait lieu d'agir: le 24 avril 2020, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a écrit à la CIP-E, l'invitant à examiner des manières d'améliorer l'influence de l'Assemblée fédérale sur les ordonnances édictées par le Conseil fédéral en vertu d'une compétence découlant directement de la Constitution et, de manière plus générale, d'améliorer la participation du Parlement en temps de crise.

La CIP-N a pris ces objectifs en considération lors de l'élaboration du projet. Ses réflexions sont exposées aux ch. 2 et 3, qui portent sur les différents thèmes analysés.

1.3

Auditions

Le 22 octobre 2020, les Commissions des institutions politiques (CIP) ont auditionnés plusieurs experts du droit constitutionnel et du droit parlementaire ainsi qu'une membre du Grand conseil zurichois: ­

le professeur Giovanni Biaggini, de l'Université de Zurich

­

Martin Graf, ancien secrétaire des CIP

­

Esther Guyer, vice-présidente du Grand Conseil zurichois

­

le professeur Andreas Kley, de l'Université de Zurich

­

le professeur Pascal Mahon, de l'Université de Neuchâtel

­

le professeur Andreas Stöckli, de l'Université de Fribourg

­

le professeur Felix Uhlmann, de l'Université de Zurich

Les analyses et les propositions de réforme présentées lors de ces auditions ont surtout servi de base pour le traitement des différents thèmes (cf. ch. 2 et 3).

1.4

Travaux de la sous-commission

La sous-commission a commencé ses travaux le 25 novembre 2020. Elle s'est réunie à quatre reprises avant la session de printemps 2021, afin d'examiner différents thèmes et de prendre certaines décisions préalables quant aux problèmes à propos desquels il y avait lieu de proposer des solutions législatives.

Elle a traité les thèmes ci-après, conformément aux sujets évoqués dans les initiatives parlementaires 20.437 et 20.438: ­

réunion des commissions et organes de direction du Parlement;

­

réunion des conseils;

­

utilisation d'instruments parlementaires;

­

exercice des compétences en matière de droit de nécessité.

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La sous-commission a ensuite tenu quatre séances avant la session d'automne 2021, afin d'examiner des propositions de modification des dispositions légales élaborées par le secrétariat. Elle a ensuite soumis ces propositions à la commission conjointement avec un rapport explicatif.

1.5

Examen du projet par la CIP-N, compte tenu des avis de la Délégation administrative et du bureau

Le 15 octobre 2021, la CIP-N s'est penchée une première fois sur le projet. Par 24 voix contre 0 et 1 abstention, elle a provisoirement approuvé le projet, au vote sur l'ensemble, et l'a soumis à la DA et au Bureau du Conseil national, pour avis.

La DA se félicite du projet, qui, selon elle, contient des précisions importantes qui permettront aux conseils et aux organes parlementaires d'agir plus rapidement et avec plus de souplesse en situation de crise et d'exercer leurs compétences en matière de droit de nécessité. Dans son avis du 8 décembre 2021, la DA a posé différentes questions portant sur le fonctionnement de la nouvelle commission administrative de l'Assemblée fédérale. Le présent rapport répond à ces questions dans les parties correspondantes.

Le Bureau du Conseil national soutient le projet. Il salue en particulier les précisions relatives à la réunion des conseils et des commissions ainsi que la réglementation des séances numériques. Dans son avis du 13 décembre 2021, le bureau a formulé des propositions concernant la composition de la nouvelle commission administrative et l'institution de sous-commissions. Les décisions prises par la CIP-N à ce sujet ont été intégrées aux explications relatives aux dispositions concernées. Le bureau a en outre posé une question sur la durée de validité de l'art. 7 de la loi sur les épidémies, traitée au ch. 3.2.5.4 du rapport.

La CIP-N a pris connaissance de ces avis à sa séance du 27 janvier 2022 et procédé aux clarifications demandées dans le présent rapport. Au vote sur l'ensemble, elle a approuvé les trois projets d'acte à l'unanimité. Elle a renoncé à la procédure de consultation en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. a, de la loi sur la consultation, car le projet règle des questions d'organisation, de procédure et de compétences parlementaires qui ne concernent aucune entité extérieure. Le Conseil fédéral a la possibilité de prendre position.

1.6

Examen d'une pétition

Dans le cadre de ce projet, la commission a également traité la pétition 21.2010 «Commission d'enquête extraparlementaire indépendante chargée d'examiner la déclaration de l'état de situation extraordinaire au printemps 2020», conformément à l'art. 126, al. 2, LParl. Aucune proposition demandant la création de la base légale nécessaire à une telle commission extraparlementaire n'a été déposée au sein de la commission, car suffisamment d'organes s'occupent déjà d'évaluer les évènements survenus au printemps 2020.

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2

Contexte: bases légales et pratique pendant la pandémie

L'analyse des bases légales et de la pratique en vigueur pendant la pandémie permet de clarifier la nécessité de prendre des mesures. Cette analyse porte sur les thèmes «réunion des commissions et organes de direction du Parlement», «réunion des conseils», «utilisation d'instruments parlementaires» et «exercice des compétences en matière de droit de nécessité» (cf. ci-après).

2.1

Réunion des commissions et organes de direction du Parlement

2.1.1

Bases légales

2.1.1.1

Dispositions pertinentes

Droit de siéger des commissions: délimitation entre les compétences des commissions et celles des organes de direction du Parlement a.

Droit d'auto-saisine: conformément à l'art. 44 LParl (en particulier l'al. 1, let. c et d), les commissions disposent d'un droit d'auto-saisine, en vertu duquel elles suivent l'évolution sociale et politique dans leurs domaines de compétences et élaborent des propositions dans ces domaines.

b.

Ressources humaines et financières des commissions: composée du Bureau du Conseil national et du Bureau du Conseil des États, la Conférence de coordination (CoCo) peut, en vertu de l'art. 37, al. 2, let. c, LParl, édicter des directives sur l'attribution de ressources humaines ou financières aux organes de l'Assemblée fédérale. L'art. 65, al. 3, LParl, prévoit que, lorsque les services des Services du Parlement travaillent pour le compte d'un organe de l'Assemblée fédérale, ils suivent ses instructions.

c.

Droit de disposer des locaux et accès au Palais du Parlement: les présidents des conseils règlent l'utilisation des salles des conseils; la DA gère les autres locaux de l'Assemblée fédérale et ceux des Services du Parlement (art. 69 LParl). À ce titre, les présidents des conseils et la DA sont également compétents pour prendre toute mesure de santé publique qui serait nécessaire à l'intérieur du Palais du Parlement. Conformément à la note du Service juridique du 30 mars 2020, les présidents des conseils «déterminent les conditions dans lesquelles les organes parlementaires siègent».

d.

L'art. 9, al. 1, du règlement du Conseil national (RCN) et l'art. 6, al. 1, du règlement du Conseil des États (RCE) chargent notamment les bureaux de fixer les domaines de compétence des commissions, d'attribuer les objets aux commissions et d'arrêter le plan annuel des séances des commissions. Conformément à l'art. 9, al. 1, let. d, RCN, le Bureau du Conseil national veille à coordonner les activités des commissions et arbitre les conflits de compétences entre les commissions. Le RCE ne prévoit qu'une fonction de coordination.

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Compétences internes des commissions concernant la convocation de séances présentielles et numériques a.

Convocation des commissions: les commissions sont convoquées par leur président respectif. Les règlements des conseils confient la compétence de planification des travaux des commissions aux présidents des commissions (art. 16 RCN et art. 12 RCE).

b.

Obligation de présence, mais absence de quorum: les députés sont tenus d'assister aux séances du conseil et des commissions dont ils sont membres (art. 10 LParl). Il n'existe toutefois aucun quorum pour les séances des commissions, contrairement aux séances des conseils. En vertu des art. 18 RCN et 14 RCE, les membres d'une commission (à l'exception des Commissions de gestion [CdG] et, par analogie, de la Délégation des Commissions de gestion [DélCdG]) peuvent se faire remplacer.

c.

Confidentialité des séances des commissions: conformément à l'art. 47, al. 1, LParl, les délibérations des commissions sont confidentielles.

2.1.1.2

Conclusions

Dans sa note du 30 mars 20203, le Service juridique tire la conclusion suivante: «Il ne relève pas de la compétence des bureaux d'interdire les séances des commissions. Il incombe toutefois aux bureaux et à la DA, dans cette situation extraordinaire, d'organiser et de planifier les séances de sorte que la santé des députés, des conseillers fédéraux, des collaborateurs des services de l'administration concernés et des Services du Parlement puisse être préservée.» Dans sa note du 25 mars 20204, Hans Stöckli, qui était alors président du Conseil des États, souligne que, «eu égard aux droits de modification et d'annulation du Parlement et à l'obligation de remplacer les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral par des actes du Parlement, le bon sens, notamment politique, veut que le Conseil fédéral collabore étroitement avec les commissions compétentes après qu'il a édicté une première fois des mesures relevant du droit de nécessité. En effet, les commissions doivent être en mesure de remplir en temps voulu les tâches que la loi leur confère».

Les membres de la sous-commission «Le Parlement en situation de crise» s'accordent eux aussi à penser que le droit des commissions de siéger en tout temps est incontestable. En situation de crise, il est même important que ces dernières jouent le rôle d'interlocuteur parlementaire du pouvoir exécutif. Le défi consiste à garantir le déroulement de ces séances lorsque les conditions sont difficiles ­ en l'occurrence, lorsque la santé des participants est concernée. Ainsi, ce sont avant tout des questions d'organisation et d'infrastructures qui se posent, et moins des questions de compétences légales.

3 4

Séances de commission et crise du coronavirus. Note du Service juridique du 30.3.2020, p. 2.

Droits du Parlement en situation extraordinaire. Note du secrétariat des CIP du 25.3.2020 complétée par le président du Conseil des États, p. 4.

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En ce qui concerne la convocation de séances de commission, la pratique répandue veut que le président convoque une séance lorsqu'une majorité des membres le souhaitent. S'il le faisait sans l'assentiment de la commission, celle-ci pourrait clore la séance dès son ouverture, au moyen d'une motion d'ordre.

2.1.2

Pratique pendant la pandémie

2.1.2.1

Décisions des bureaux

Le 19 mars 2020, les bureaux ont pris les décisions suivantes concernant l'organisation des séances des organes de l'Assemblée fédérale jusqu'au 19 avril 2020: a.

Seules les séances des organes parlementaires portant sur des dossiers considérés comme urgents qui doivent être examinés aux sessions de mai et de juin ont lieu. Sont considérés comme urgents les objets relatifs à la gestion de la situation extraordinaire découlant de la pandémie de Covid-19, par exemple l'assentiment de la Délégation des finances (DélFin) sur des crédits urgents proposés par le Conseil fédéral (art. 28 et 34 LFC).

b.

Lors de ces séances, il y a lieu de respecter les règles de distance sociale ou d'organiser des conférences téléphoniques ou vidéo.

c.

C'est uniquement pour de tels objets urgents qu'il peut être fait appel au personnel des Services du Parlement.

d.

Avant de convoquer une séance, les présidents des organes concernés en réfèrent au président de leur conseil. Les présidents des conseils se concertent.

Le 26 mars 2020, les bureaux ont décidé, en vue de la session extraordinaire de mai, qu'un plan des séances des commissions chargées de procéder à l'examen préalable de l'objet 20.007 «Budget 2020. Supplément I» (Commissions des finances [CdF], Commissions de l'économie et des redevances [CER], Commissions de la science, de l'éducation et de la culture [CSEC] et Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique [CSSS]) devait être établi. Ils ont également défini combien de temps les membres du Conseil fédéral et les fonctionnaires de haut rang devaient se tenir à la disposition des commissions précitées. Les autres commissions, qui n'étaient pas concernées par l'objet 20.007, étaient libres d'avoir des échanges informels par conférence téléphonique ou vidéoconférence, les Services du Parlement apportant leur soutien d'un point de vue technique. Ces conférences téléphoniques ou vidéoconférences n'étaient pas considérées comme des séances de commission et ne donnaient pas droit à une indemnité.

Le 6 avril 2020, la CoCo a décidé, s'agissant du fonctionnement des commissions jusqu'au 4 mai 2020, qu'il y avait lieu de mettre à la disposition des autres commissions (celles auxquelles aucun objet mis au programme de la session extraordinaire n'avait été attribué), dans une mesure limitée, des locaux pour qu'elles puissent siéger, notamment pour préparer la session extraordinaire et la session d'été. Les commissions ont été priées de siéger conformément au calendrier des séances recommandé, qui prévoyait un créneau d'une demi-journée pour chacune d'elles. Les présidents des

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commissions qui voulaient siéger plus d'une demi-journée devaient s'adresser au président de leur conseil. Les restrictions décidées les 19 et 26 mars concernant la participation de représentants de l'administration fédérale et la mobilisation de collaborateurs des Services du Parlement étaient toujours applicables. En outre, il fallait renoncer à distribuer des documents papier.

Les bureaux ont fixé le calendrier des séances des commissions pour la période allant du 11 au 29 mai 2020 (après la session extraordinaire), chaque commission s'étant vu attribuer un jour précis en vue de la tenue d'une séance ordinaire.

Après avoir clarifié, notamment, la question de la confidentialité, la CoCo a en outre défini les principes applicables à l'organisation de séances de commission sous la forme de vidéoconférences. Les vidéoconférences donnaient droit aux mêmes indemnités que les séances ordinaires et devaient se limiter aux séances consacrées à des objets avec la classification «interne».

Le 28 avril 2020, les présidents des conseils ont écrit aux présidents des commissions pour les informer que les bureaux avaient décidé, le 23 avril, de lever toutes les restrictions relatives aux travaux des commissions. La location de quatre salles supplémentaires à Bernexpo a pu résoudre le problème du manque de salles.

2.1.2.2

Séances de commission ayant eu lieu

Les séances de commission prévues immédiatement après la session de printemps dans le calendrier ordinaire ont été annulées. Aucune séance de commission n'a donc eu lieu pendant deux semaines. À partir du 6 avril 2020, les CdF, les CSSS, les CER et les CSEC ont siégé et examiné les objets qui seraient traités à la session extraordinaire. À partir du 20 avril 2020, les autres commissions ont siégé, pour au moins une demi-journée. Une salle de séance supplémentaire a pu être mise à la disposition des commissions du Conseil national à l'Hôtel Bellevue. Jusqu'à la session extraordinaire, les commissions thématiques du Conseil national ont siégé treize fois, celles du Conseil des États, onze fois. Trois séances ont été menées par vidéoconférence. Les commissions se sont surtout informées sur les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral. Au total, 44 interventions (dont 40 motions) ont été déposées pour exercer une influence sur ces ordonnances.

Après la session extraordinaire, les commissions ont tenu des séances visant à préparer la session d'été, conformément à un nouveau calendrier. Après la session d'été, les séances des commissions ont à nouveau suivi le calendrier ordinaire.

2.1.2.3

Conclusions

Le fait qu'aucune séance de commission n'a pu avoir lieu pendant deux semaines s'explique principalement par deux motifs. Premièrement, il fallait d'abord créer les conditions répondant aux besoins particuliers (salles de séance, infrastructure électronique) pour organiser des séances qui respectent les prescriptions de l'OFSP. Deuxiè-

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mement, il fallait définir quels objets les commissions devaient examiner. Or, ces objets n'ont été connus qu'au moment où les prochaines sessions ont été fixées et où le Conseil fédéral a édicté ses ordonnances de nécessité, lesquelles étaient toujours plus nombreuses.

Les séances de commission tenues après le 6 avril correspondaient à peu près au nombre habituel des séances organisées pendant cette période; toutefois, elles étaient plus courtes. Lors des premières séances, les commissions se sont surtout penchées sur les ordonnances édictées par le Conseil fédéral en vertu du droit de nécessité.

La légalité de l'organisation de séances numériques n'a pas été contestée, car aucune présence physique n'est exigée pour les séances de commission. Les bureaux ont défini des principes à cet égard. En pratique, les préparatifs et l'accompagnement technique des séances numériques ont représenté une charge de travail lourde, mais acceptable. On a toutefois pu constater que les séances numériques n'étaient pas adaptées à des délibérations compliquées.

2.1.3

Évaluation scientifique du travail des commissions pendant la pandémie

2.1.3.1

Droit de siéger des commissions: délimitation entre les compétences des commissions et celles des organes de direction du Parlement

Dans son avis succinct du 3 avril 2020, Felix Uhlmann constate un certain décalage entre les pouvoirs étendus que confèrent la Constitution et la loi aux commissions et les fonctions de direction qu'attribuent les règlements des conseils aux bureaux. Selon lui, il y a lieu de se demander si les bureaux peuvent, en se fondant uniquement sur leur compétence (générale) de direction et sur des dispositions définies à un niveau inférieur, prendre des mesures qui modifieraient sensiblement l'exercice, par les commissions, de leurs droits5. Il en conclut qu'on peut douter que les bureaux et la DA puissent interdire aux commissions de siéger. Selon lui, une interdiction d'une durée de plusieurs mois serait illicite.

Andreas Glaser et Katja Gfeller concluent eux aussi que la fonction de direction des bureaux ne leur confère pas le droit d'annuler des séances de commission ou de les interdire pour un certain temps6.

Andrea Caroni et Stefan Schmid constatent eux aussi un décalage entre les compétences de direction des bureaux et la position des commissions. Ils soulignent que la doctrine en déduit, avec raison, que les compétences de direction des bureaux sont

5

6

Uhlmann, Felix/Wilhelm, Martin: expertise succincte du 3.4.2020 à l'intention du groupe socialiste des Chambres fédérales concernant la tenue des sessions et des séances de commission dans des situations extraordinaires, p. 19 [en allemand].

Glaser, Andreas/Gfeller, Katja: Das Ringen des Parlaments um mehr Macht. Rückschlag infolge der Corona-Pandemie? In: Jusletter, 5.10.2020, p. 17 [en allemand].

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avant tout de nature administrative et qu'il serait illégal et anticonstitutionnel de restreindre l'activité des commissions pendant une longue période7.

2.1.3.2

Séances de commission numériques

Les experts estiment que le droit en vigueur autorise les séances de commission numériques. Martin Wilhelm et Felix Uhlmann écrivent à ce sujet que les séances de commission tenues par voie électronique semblent licites tant que les prescriptions en matière de procédure ­ en particulier la confidentialité (art. 47 LParl) ­ peuvent être respectées8.

Andrea Caroni et Stefan Schmid regrettent que le Parlement ait été pris de court sur la question du «travail à domicile» (en l'occurrence, les séances numériques). Ils se félicitent toutefois qu'une avancée technologique ait été réalisée en quelques semaines9.

2.2

Réunion des conseils

2.2.1

Bases légales

2.2.1.1

Dispositions pertinentes

Les dispositions légales suivantes sont pertinentes en ce qui concerne la thématique de la réunion des conseils:

7 8

9

a.

Généralités: l'organisation, les procédures et les compétences de l'Assemblée fédérale sont réglées aux art. 148 à 173 de la Constitution. Le Conseil national et le Conseil des États délibèrent séparément, sauf lorsqu'ils doivent siéger en conseils réunis (art. 157 Cst.). Les décisions de l'Assemblée fédérale requièrent l'approbation des deux conseils (art. 156 Cst.).

b.

Lieu des séances du Parlement: selon l'art. 32 de la loi sur le Parlement (LParl; RS 171.10), l'Assemblée fédérale siège à Berne, mais elle peut exceptionnellement décider, par voie d'arrêté fédéral simple, de siéger ailleurs qu'à Berne.

c.

Réunion des conseils / session ordinaire: selon l'art 151, al. 1, Cst., en lien avec l'art. 2, al. 1, LParl, les conseils se réunissent régulièrement en session ordinaire. Le Conseil national et le Conseil des États sont convoqués par leurs bureaux respectifs, lesquels établissent également le programme de la session (art. 33, al. 1, LParl, art. 9, al. 1, let. a, RCN et art. 6, al. 1 let. a, RCE). La CoCo détermine les semaines au cours desquelles se déroulent les sessions ordinaires (art. 37, al. 2, let. a, LParl).

Andrea Caroni/Stefan G. Schmid: Notstand im Bundeshaus: Die Rolle der Bundesversammlung in der (Corona-)Krise. In: AJP/PJA 6/2020, p. 717 [en allemand].

Wilhelm, Martin/Uhlmann, Felix: Herausforderungen für Parlamente in der Corona-Krise ­ Versuch eines Überblicks. In: Parlament/Parlement/Parlamento, 2/20, p. 11 [en allemand].

Caroni/Schmid, 2020, p. 718.

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10

d.

Quorum et obligation de présence: l'art. 159, al.1, Cst. définit le quorum de délibération et de décision. Selon cette disposition, les conseils ne peuvent délibérer valablement que si la majorité de leurs membres est présente. Par ailleurs, en vertu de l'art. 10 LParl, les députés ont l'obligation de participer aux séances du conseil et des commissions dont ils sont membres. Contrairement aux séances des commissions thématiques, les séances des conseils ne connaissent pas de système de remplacement. Les députés empêchés de siéger ou de voter ne peuvent pas se faire remplacer; le vote par procuration est explicitement interdit par l'art. 56, al. 3, RCN. La pratique concernant le quorum exigé par l'art. 159, al. 1, Cst., en lien avec l'obligation de présence prévue à l'art. 10 LParl, est relativement souple10. En effet, la présence dans les salles adjacentes à la salle du conseil est admise. En pratique, le quorum n'est constaté qu'au moment des votes.

e.

Droit de disposer des locaux: les présidents des conseils et la DA exercent le droit de disposer des locaux et de régler l'accès au Palais du Parlement (art. 69, al. 1, LParl). Il en découle la compétence de ces organes de prendre, par exemple, des mesures d'hygiène au sein du Palais du Parlement.

f.

Publicité des débats: les séances des conseils sont publiques (art. 158 Cst. et art. 4 LParl).

g.

Session extraordinaire: selon l'art. 151, al. 2, Cst., un quart des membres de l'un des conseils ou le Conseil fédéral peuvent demander la convocation des conseils à une session extraordinaire. L'art. 2, al. 3, LParl précise qu'une session extraordinaire ne peut être convoquée que si l'un des objets énumérés dans la disposition est pendant. Sont concernés, notamment, les projets d'actes de l'Assemblée fédérale émanant du Conseil fédéral ou d'une commission parlementaire ainsi que les motions de teneur identique déposées aux deux conseils. Conformément à l'art. 37, al. 2, let. a, LParl, la CoCo détermine les semaines au cours desquelles se déroulent les sessions ordinaires et les sessions extraordinaires. Conformément à l'art. 2, al. 4, LParl, les conseils se réunissent, en règle générale, au cours de la même semaine en session extraordinaire. Les art. 28 et 34 de la loi sur les finances règlent la procédure à suivre lorsque des crédits d'engagement et des suppléments urgents sont nécessaires.

Ces objets sont soumis à l'Assemblée fédérale pour approbation ultérieure après que la DélFin a donné son assentiment. Si les montants sont supérieurs à 500 millions de francs, un quart des membres d'un conseil peut demander la convocation d'une session extraordinaire dans un délai d'une semaine après l'assentiment de la DélFin, en vue de l'approbation ultérieure des engagements par l'Assemblée fédérale. La session extraordinaire a alors lieu pendant

Von Wyss, Moritz, Kommentar ParlG, art. 78, no 8: selon Moritz von Wyss, le quorum doit être atteint durant tous les débats, les membres présents dans les salles attenantes à celle du conseil (salle des pas perdus, postes de travail des députés, salle de séances) étant dans la pratique pris en considération. Au moment des votes notamment, les députés peuvent être rappelés en salle du conseil au moyen d'un signal sonore. Tout député peut en tout temps demander la vérification du quorum et le président doit procéder à cette vérification avant une élection, un vote sur l'ensemble ou un vote final ou encore un vote sur une disposition dont l'adoption requiert l'approbation de la majorité des députés, conformément à l'art. 159, al. 3, Cst. (art. 38 RCN; art. 31 RCE).

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la troisième semaine qui suit le dépôt de la demande de convocation.

L'art. 185, al. 4, Cst. prévoit que l'Assemblée fédérale doit être convoquée sans délai si le Conseil fédéral met sur pied plus de 4000 militaires pour le service actif ou que cet engagement doive durer plus de trois semaines (voir également art. 77, al. 3, de la loi sur l'armée [LAAM, RS 510.10]; il faut distinguer le service actif du service d'appui de l'armée, pour lequel l'art. 70, al. 2, LAAM prévoit une approbation de l'Assemblée fédérale lors de la session suivante si la mise sur pied comprend plus de 2000 militaires ou qu'elle dure plus de trois semaines). Enfin, l'art 33, al. 3, LParl prévoit que le président du Conseil national ou, s'il est empêché, le président du Conseil des États, est tenu de réunir les conseils lorsque la sécurité des autorités fédérales est compromise ou que le Conseil fédéral n'est plus en mesure d'exercer son autorité.

2.2.1.2

Conclusions

Dans leur note commune du 25 mars 2020, le Service juridique, le secrétariat des CdF et le secrétariat des CIP parviennent à la conclusion que, «en sa qualité d'autorité suprême de la Confédération (art. 148, al. 1, Cst.), le Parlement a le droit de se réunir en tout temps, même lorsque le Conseil fédéral a ordonné des mesures interdisant les rassemblements d'une manière générale»11. La note du 25 mars 2020 du secrétariat des CIP sur les droits du Parlement en situation d'urgence, complétée par le président du Conseil des États alors en fonction, indique que «seuls des organes parlementaires peuvent prendre, par exemple, des mesures d'hygiène au sein du Palais du Parlement.

De telles mesures peuvent déroger à celles qui sont édictées par le Conseil fédéral: les organes parlementaires compétents décident en toute autonomie s'il est raisonnable de siéger dans la salle d'un conseil en cas de pandémie»12. Il n'est dès lors pas contesté que les conseils ont le droit de se réunir en session, ordinaire ou extraordinaire, indépendamment des mesures prises par le Conseil fédéral pour gérer une crise, et que les présidents des conseils et la délégation administrative peuvent édicter leurs propres mesures d'hygiène à l'intérieur du Palais du Parlement. La sous-commission «Le Parlement en situation de crise» partage cet avis. Encore faut-il disposer de l'infrastructure nécessaire pour permettre la tenue des sessions dans des conditions particulières ­ en l'occurrence en préservant la santé des participants. Concernant la réunion des conseils, les difficultés résident donc plus dans les questions d'infrastructure et de ressources qu'au niveau des compétences légales.

Les compétences pour arrêter, suspendre ou reporter une session sont en revanche moins clairement réglées: s'il va de soi que la majorité des membres d'un conseil peut décider de suspendre les délibérations quelques jours dans le cadre des semaines de session fixées par la CoCo, les scénarios sont moins évidents en ce qui concerne l'arrêt 11

12

Compétences du Parlement et du Conseil fédéral en situation extraordinaire: note du Service juridique, du secrétariat des Commissions des finances et du secrétariat des Commissions des institutions politiques à l'intention des présidents des conseils du 25.3.2020, p. 5.

Note du secrétariat des CIP complétée par le président du Conseil des États, p. 4.

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et/ou le report de la session. Pour ce cas de figure, la décision de la majorité des membres d'un conseil nécessiterait probablement une décision concordante de l'autre conseil, afin de pouvoir synchroniser les débats, notamment les votes finaux. La compétence des bureaux, également envisageable pour un tel cas de figure, n'est pas non plus prévue explicitement.

Les bases légales ne mentionnent pas non plus la possibilité d'utiliser les conférences téléphoniques ou les vidéoconférences en lieu et place de la réunion physique des conseils.

2.2.2

Pratique durant la pandémie en 202013

2.2.2.1

Décisions avant et pendant la session de printemps (du 2 au 15.3.2020)

28.2.2020 ­ La DA décide de restreindre l'accès au Palais du Parlement pendant la session de printemps.

9.3.2020 ­ Début de la deuxième semaine de session. La DA décide de maintenir la session et renforce les conditions d'accès au Palais du Parlement.

Au Conseil national, une motion d'ordre demandant l'interruption immédiate de la session pour une semaine au moins est rejetée, par 155 voix contre 13 et 8 abstentions.

13.3.2020 ­ La DA décide d'instaurer de nouvelles mesures contre le nouveau coronavirus pour la troisième semaine de session: les personnes ayant obtenu une carte d'accès par l'intermédiaire d'un député ne peuvent plus entrer au Palais du Parlement.

Les votes finaux auront lieu un jour plus tôt et la séance de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) prévue le 18 mars 2020 est annulée. Afin de respecter les règles de distanciation physique, les députés peuvent prendre place dans les tribunes pour suivre les débats.

15.3.2020 ­ Sur proposition de la majorité des présidents et présidentes des groupes parlementaires, les bureaux des conseils prennent la décision d'annuler la troisième semaine de session.

2.2.2.2

Décisions avant et pendant la session extraordinaire (du 4 au 6.5.2020)

23.3.2020 ­ Le Conseil fédéral demande la convocation des Chambres fédérales en session extraordinaire en vue de l'examen de l'objet du message du 20 mars 2020 concernant le supplément I au budget 2020.

25.3.2020 ­ 31 membres du Conseil des États demandent la convocation des Chambres fédérales en session extraordinaire, laquelle serait consacrée exclusivement

13

Pour les données de 2021, voir le rapport de la Bibliothèque du Parlement, actualisé en continu: «L'Assemblée fédérale et la crise du Covid-19: chronologie des faits».

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à la crise du Covid-19 de même que, si possible, à l'examen de décisions fondées sur les art. 28, al. 3, et 34, al. 4, LFC et sur l'art. 70, al. 2, LAAM.

26.3.2020 ­ Les bureaux des conseils et la DA décident de convoquer les Chambres fédérales à une session extraordinaire consacrée à l'examen des crédits urgents demandés dans les annonces tardives relatives au supplément I au budget 2020. Cette session doit avoir lieu début mai sur le site de Bernexpo. Les restrictions d'accès édictées par la DA le 13 mars 2020 s'appliquent à cette session extraordinaire.

4.5.2020 ­ La session extraordinaire a lieu dans les locaux de Bernexpo. L'accès aux bâtiments est limité. Les débats peuvent toutefois être suivis en direct par les médias et par les personnes intéressées, via le site du Parlement.

En début de séance, chaque conseil procède à de légères adaptations de son règlement pour la période où il est appelé à siéger hors du Palais du Parlement (20.409 / 20.408).

Comme l'installation louée pour l'occasion ne permet pas d'afficher les suffrages des députés sur les panneaux électroniques, le Conseil des États décide en outre de voter par assis et levé. Contrairement à la pratique en vigueur au Conseil national, les votes des membres du Conseil des États ne sont pas toujours publiés sous la forme d'une liste nominative.

Pendant la session extraordinaire de mai 2020, seuls des objets liés au Covid-19 sont traités.

2.2.2.3

Décisions avant et pendant la session d'été (du 2 au 19.6.2020)

2.6.2020 ­ Début de la session d'été à Bernexpo. L'accès au site de Bernexpo reste limité. Désormais, des places sont réservées aux journalistes dans les salles du Conseil national et du Conseil des États. Comme jusqu'alors les citoyens intéressés peuvent suivre les débats en direct sur Internet. Le Conseil des États vote à nouveau au moyen du système de vote électronique. Dans l'intervalle, le système a été développé, de sorte que les suffrages des députés peuvent à présent être affichés.

Contrairement à la session extraordinaire tenue en mai, la session d'été est principalement consacrée aux affaires courantes.

3.6.2020 ­ La DA décide que le Parlement retrouvera le Palais du Parlement après la session d'été. Il est également prévu que la session d'automne se déroule au Palais du Parlement.

2.2.2.4

Décisions avant et pendant la session d'automne (du 7 au 25.9.2020)

21.6.2020 ­ 64 membres du Conseil national demandent la convocation des Chambres fédérales en session extraordinaire afin d'examiner différentes motions de même teneur.

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25.6.2020 ­ Les bureaux des conseils décident que la session extraordinaire demandée par 64 membres du Conseil national aura lieu lors de la semaine 37, soit pendant la session d'automne.

3.7.2020 ­ La DA décide d'installer des parois de séparation en plexiglas dans les salles des conseils et dans plusieurs salles de séance, à titre de mesure de protection.

13.8.2020 ­ La DA décide que les restrictions d'accès au Palais du Parlement imposées en raison de la pandémie de Covid-19 peuvent être assouplies.

8.9.2020 ­ Le Conseil national se réunit en session extraordinaire, comme l'ont demandé, en juin, 64 de ses membres. Une fois la session extraordinaire achevée, il poursuit la session d'automne ordinaire.

9.9.2020 ­ Le Conseil des États se réunit en session extraordinaire, puis poursuit la session d'automne ordinaire.

2.2.2.5

Décisions avant et pendant la session spéciale du Conseil national (29 et 30.10.2020)

23.10.2020 Les présidents des conseils informent les députés que le port du masque est désormais obligatoire au sein du Palais du Parlement.

Le masque est obligatoire pour circuler dans la salle du conseil. Il ne peut être retiré que lorsque le député est assis à une place protégée par des parois en plexiglas et si les volets latéraux sont rabattus.

2.2.2.6

Décisions avant et pendant la session d'hiver 2020 (du 30.11 au 18.12.2020)

12.11.2020 ­ Craignant que l'Assemblée fédérale ne puisse achever l'examen du budget 2021 d'ici la fin de l'année, la Commission des finances du Conseil national (CdF-N) dépose une initiative parlementaire visant à créer les bases permettant d'établir un budget provisoire (20.481). Son homologue du Conseil des États donne suite à cette initiative. La CdF-N élabore un projet d'arrêté fédéral concernant un budget provisoire applicable jusqu'à l'adoption du budget 2021 avec plan intégré des tâches et des finances 2022­2024. Ce projet a été adopté par les deux conseils au début de la session d'hiver.

13.11.2020 ­ La DA décide de restreindre à nouveau plus fortement l'accès au Palais du Parlement à partir du 16 novembre.

20.11.2020 ­ La CIP-N dépose une initiative parlementaire (20.483) visant à mettre en place un système de vote à distance pour les membres du Conseil national qui seraient empêchés de participer à des séances du conseil en raison de l'épidémie de Covid-19. Après avoir reçu le feu vert de sa commission homologue, la CIP-N a soumis aux conseils un projet de loi fédérale urgente modifiant la loi sur le Parlement. Ce projet a été adopté par les deux conseils lors de la deuxième semaine de la session et

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a pu être mis en vigueur à temps pour la troisième semaine. Deux conseillers nationaux ont fait usage de la possibilité de voter à distance lors des derniers jours de la session.

2.2.2.7

Conclusions

La réglementation actuelle a démontré une certaine souplesse, puisqu'elle a permis au Parlement de s'adapter aux exigences sanitaires liées à la pandémie, en changeant d'abord de bâtiment14 (Bernexpo au lieu du Palais du Parlement), puis en installant des séparations en plexiglas dans les salles. L'accès au public a également pu être réaménagé: pendant un temps, la possibilité d'assister physiquement aux séances depuis les tribunes a pu être supprimée, la diffusion sur Internet permettant de garantir la publicité des séances.

La réglementation actuelle a également permis au Parlement de jouer son rôle dans la gestion de la crise, notamment en organisant relativement rapidement une session extraordinaire en mai, lors de laquelle les objets urgents liés à la crise du Covid-19 ont pu être traités. D'un point de vue formel, la convocation pour la session extraordinaire portait uniquement sur les objets déjà pendants, à savoir le service d'appui de l'armée et les crédits supplémentaires. Ce n'est qu'après coup que les bureaux y ont ajouté d'autres objets traités par les commissions, en particulier des interventions parlementaires.

La pratique durant la première vague de la pandémie a aussi mis en évidence le rôle important joué par les bureaux: ce sont eux qui, en fin de compte, ont décidé l'interruption de la session de printemps. Ce sont eux également qui ont fixé les dates de la session extraordinaire du mois de mai et qui ont décidé d'organiser la session extraordinaire réclamée pour juillet pendant la session d'automne. Ces épisodes montrent que la compétence des bureaux de convoquer les conseils et d'établir le programme des sessions leur confère un pouvoir important. Ils montrent également qu'en dehors des cas définis par la loi, les personnes ou organes habilités à demander la convocation d'une session extraordinaire ne peuvent pas exiger que celle-ci ait lieu dans un certain délai.

14

L'art. 32 LParl dispose que l'Assemblée fédérale siège à Berne. Seul un déménagement dans un autre bâtiment sis à Berne était donc possible.

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2.2.3

Évaluation par les experts de l'activité du Parlement pendant la pandémie

2.2.3.1

Droit du Parlement de siéger

Felix Uhlmann15 de même qu'Andrea Caroni et Stefan Schmid constatent, en s'appuyant sur le principe de la séparation des pouvoirs, que le Conseil fédéral ne peut pas, même en situation de crise, empêcher l'Assemblée fédérale de se réunir et d'exercer ses compétences constitutionnelles16.

Andreas Stöckli va dans le même sens et souligne que la question n'est plus contestée17.

2.2.3.2

Interruption de la session de printemps

Lors des auditions organisées le 22 octobre 2020, un expert a affirmé que la décision des bureaux du 15 mars 2020 d'interrompre la session de printemps portait atteinte au droit essentiel des conseils (et de chaque député) de décider en dernière instance du programme de la session (art. 9, al. 1, let. a, RCN, art. 6, al. 1, let. a, RCE).

Dès lors, l'Assemblée fédérale aurait dû, avant d'interrompre la session, prendre ellemême les décisions essentielles et prévoir notamment d'autres possibilités de siéger pour les conseils et d'autres lieux de session.

Dans son bref avis de droit du 16 avril 2020, Felix Uhlmann défend une position plus nuancée: selon lui, la question de savoir si les bureaux avaient la compétence d'interrompre la session peut être laissée ouverte; en revanche, il paraît clair que les membres des conseils doivent dans tous les cas avoir une chance de corriger la décision des bureaux s'ils ne sont pas d'accord avec celle-ci, sans quoi la décision devient illicite.

Cette exigence découle également de l'égalité entre les membres du Parlement18.

Andrea Caroni et Stefan Schmid relèvent que l'interruption d'une session ne fait pas l'objet d'une réglementation explicite et parviennent à la conclusion que l'organe compétent pour convoquer une session l'est aussi pour interrompre une session et que, dès lors, la décision des bureaux du 15 mars 2020 était conforme au droit19.

De l'avis d'Andreas Glaser et Katja Gfeller, s'il semble évident que la compétence des bureaux pour interrompre la session découle de la compétence de ceux-ci pour convoquer la session (art. 33, al. 1, LParl), cette conclusion doit être considérée d'un oeil critique, car elle implique de reconnaître à un petit groupe de personnes au sein

15

16 17 18 19

Uhlmann, Felix: avis de droit (Kurzgutachten) du 16.4.2020 à l'intention du Conseil de ville [je me demande si en fait ce n'est pas la même chose que le Conseil communal ­ voir Termdat] de Frauenfeld concernant la tenue de séances du Conseil communal durant la crise due au nouveau coronavirus.

Caroni/Schmid, 2020, p. 717.

Stöckli, Andreas: «Regierung und Parlament in Pandemiezeiten» In: ZSR/RDS, 139 (2020), I, numéro spécial, p. 10 et p. 40.

Uhlmann: avis de droit (Kurzgutachten) du 16.4.2020, p. 9 s.

Caroni/Schmid, 2020, p. 719.

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du Parlement le pouvoir de prendre une décision revêtant une portée considérable pour le plénum20.

2.2.3.3

Session extraordinaire

Un expert a relevé lors des auditions que la convocation de la session extraordinaire de mai 2020 par les bureaux a eu lieu hors délai, en violation du délai de trois semaines requis par les art. 28 et 34 de la LFC.

Andreas Glaser et Katja Gfeller partagent le même avis. Pour eux, le délai de trois semaines prévu aux art. 28, al. 3, et 34, al. 4, LFC n'a pas été respecté, à tort 21. Par ailleurs, à leurs yeux, la session extraordinaire est intervenue trop tard également pour des raisons matérielles. Ayant été convoqué près de six semaines après la déclaration de la situation d'urgence par le Conseil fédéral, le Parlement s'est retrouvé mis devant le fait accompli pour un grand nombre de mesures.

Andrea Caroni et Stefan Schmid défendent au contraire l'avis selon lequel la décision des bureaux d'organiser la session extraordinaire au mois de mai a constitué une réponse flexible et adaptée au cas d'espèce. En effet, la demande des membres du Conseil des États de convoquer une session extraordinaire, fondée sur l'art. 2, al. 3, let. a, LParl, présentait la particularité de porter uniquement sur des objets futurs, qui n'avaient pas encore été traités en commission puisque celles-ci n'avaient pas encore eu l'occasion de siéger. Formellement, les bureaux ont donc convoqué la session extraordinaire uniquement pour traiter des questions financières et militaires, tout en se réservant le droit d'y ajouter d'autres objets liés au Covid-19 qui seraient traités dans les commissions22.

2.2.3.4

Session numérique ou hybride (participation à distance d'une partie des membres)

Felix Uhlmann constate qu'il n'existe pas de base légale autorisant le recours à des conférences téléphoniques ou à des vidéoconférences en lieu et place des débats en présence physiques des députés. Dans ces conditions, la tenue de réunions des conseils par vidéoconférence serait illicite. Cet auteur relève que l'introduction de tels instruments nécessiterait au moins une révision législative, voire une révision constitutionnelle23.

Andrea Caroni et Stefan Schmid sont d'avis qu'une révision constitutionnelle serait nécessaire pour introduire la possibilité pour les conseils de se réunir virtuellement, au motif que la tenue d'une session numérique n'est pas qu'une question de faisabilité technique, mais influencerait tout le processus parlementaire24.

20 21 22 23 24

Glaser/Gfeller, 2020, p. 17.

Glaser/Gfeller, 2020, p. 19.

Caroni/Schmid, 2020, p. 719.

Uhlmann/ Wilhelm, 2020, Herausforderungen, p. 11.

Caroni/Schmid, 2020, pp. 719 s.

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Andreas Stöckli partage l'avis selon lequel l'introduction des sessions virtuelles nécessiterait une modification des bases légales. Pour lui, il n'est pas exclu de procéder, pour la durée de la crise, par la voie d'une loi fédérale urgente ou d'une ordonnance d'urgence du Parlement25.

Andrea Caroni et Martin Graf prennent également cette possibilité en considération.

Ils proposent d'élaborer à l'avance un projet de loi fédérale urgente, non conforme à la Constitution, afin que ce dernier puisse être, si nécessaire, examiné et adopté rapidement par l'Assemblée fédérale. Il serait également possible d'emprunter un autre chemin, plus compliqué selon eux, celui de la réforme constitutionnelle; il faudrait alors intégrer des dispositions dérogatoires dans les art. 151 et 159 Cst.26 D'après Andrea Caroni et Martin Graf, les formulations utilisées dans ces deux articles («Les conseils se réunissent ...» et «... ne peuvent délibérer valablement que si la majorité de leurs membres est présente») impliquent, selon les usages langagiers actuels, que les membres des conseils sont présents physiquement. L'interprétation d'une disposition constitutionnelle ne devrait en outre pas se limiter à une lecture littérale du texte.

La présence physique permet une immédiateté des contacts personnels entre les membres des conseils, contacts qui sont nécessaires à ces derniers pour former leur opinion et au Parlement pour prendre des décisions27.

Contrairement à l'opinion de ces auteurs, l'avis de droit du 1er avril 2021 émis par l'OFJ et commandé par la sous-commission «Le Parlement en situation de crise» interprète ces formulations comme pouvant inclure une présence non physique. L'avis se fonde plus sur une interprétation moderne de ces notions que sur une interprétation historique. En outre, il souligne que les art. 151 et 159 Cst. ne doivent pas être considérés séparément des autres dispositions, mais qu'ils doivent être mis en relation avec l'art. 148, al. 1, Cst., qui dispose que l'Assemblée fédérale est l'autorité suprême de la Confédération, sous réserve des droits du peuple et des cantons. Or, tant du point de vue linguistique que du point de vue du contenu, il ne peut clairement s'agir que d'une Assemblée fédérale qui débat et décide réellement. Selon l'avis de droit, il est plus convaincant d'évaluer une
admissibilité des solutions d'urgence à l'aune d'une interprétation et d'une application globales des dispositions constitutionnelles concurrentes. Une réglementation concernant le fonctionnement des conseils via des instruments numériques conçue en tant que solution d'urgence doit être évaluée globalement selon la maxime d'atténuation du dommage constitutionnel28. Indépendamment de cet aspect, l'OFJ estime dans son avis qu'un «régime légal sur les délibérations à distance de l'Assemblée fédérale est admissible, selon la Constitution fédérale en vigueur, pour les travaux parlementaires en situation ordinaire, pour autant que la participation à l'aide de moyens de communication électronique soit globalement équivalente à la participation sur place»29.

25 26 27 28 29

Stöckli, Andreas, 2020, pp. 41 s.

Caroni, Andrea / Graf, Martin: Abstimmen von zu Hause statt im Bundeshaus.

In: Parlament, Parlement, Parlamento 1/2021, pp. 12 s.

Caroni/Graf, 2021, p. 12.

Office fédéral de la justice: «Avis de droit: constitutionnalité des débats virtuels de l'Assemblée fédérale» du 1.4.2021, pp. 16 à 18.

ibid., p. 2.

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2.3

Utilisation d'instruments parlementaires

2.3.1

Bases légales: présentation des instruments

La liste ci-après énumère en premier lieu les instruments des organes parlementaires qui permettent de mener le plus rapidement possible à des décisions de l'Assemblée fédérale. Elle ne mentionne pas les instruments dont disposent les députés. Si un député souhaite que l'Assemblée fédérale prenne rapidement une décision en temps de crise, il doit déposer une proposition en ce sens au sein de l'organe compétent.

2.3.1.1

Motion de commission

L'art. 120 LParl prévoit que l'on peut, au moyen d'une motion, charger le Conseil fédéral de présenter un projet d'acte de l'Assemblée fédérale ou de prendre une mesure. Par exemple, en temps de crise, on peut demander au Conseil fédéral de modifier une ordonnance qu'il a édictée en vertu de l'art. 185 Cst. ou d'édicter une ordonnance.

Pour qu'une motion puisse être examinée par les conseils, il faut impérativement que le Conseil fédéral ait formulé un avis à ce sujet. Selon l'art. 121, al. 1, LParl, le Conseil fédéral doit présenter sa position au plus tard au début de la session ordinaire suivant le dépôt de l'intervention. Si la motion a été déposée moins d'un mois avant le début de la prochaine session ordinaire, le Conseil fédéral doit proposer d'accepter ou de rejeter la motion au plus tard au début de la session suivante.

La procédure au sein des conseils peut être accélérée si les commissions des deux conseils déposent une intervention de teneur identique et que le Conseil fédéral formule un avis. Si les deux conseils adoptent une motion de commission de même teneur, le mandat est définitivement attribué au Conseil fédéral (art. 121, al. 5, let. b, LParl).

Si les deux conseils adoptent une motion, celle-ci est transmise au Conseil fédéral, qui est chargé de la mettre en oeuvre. Si la motion n'a pas été mise en oeuvre dans un délai de deux ans, le Conseil fédéral rend compte annuellement à l'Assemblée fédérale des travaux menés à ce sujet (art. 122, al. 1, LParl).

2.3.1.2

Initiative de commission

L'instrument de l'initiative parlementaire (art. 107 ss LParl) peut être approprié pour mettre une loi fédérale urgente ou une ordonnance de l'Assemblée fédérale sur les rails en situation d'urgence ou en temps de crise. En vertu de l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., l'Assemblée fédérale a le droit d'édicter des ordonnances lorsqu'il est nécessaire et urgent d'établir une réglementation, mais qu'aucune base légale n'existe à cet effet.

Une ordonnance du Parlement peut remplacer, ou modifier, les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral fondées sur les art. 184 et/ou 185 Cst., afin de conférer aux mesures concernées une plus grande légitimité démocratique. L'instrument de l'initiative parlementaire permet également à l'Assemblée fédérale de prendre elle-même des mesures si le Conseil fédéral ne légifère pas dans le domaine concerné.

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L'initiative parlementaire vise à l'élaboration d'un acte de l'Assemblée fédérale.

Comme le veut l'usage pour les procédures législatives, tous les acteurs intéressés sont invités à participer à cette élaboration. Ainsi, le Conseil fédéral doit avoir pris position sur le projet avant que les conseils ne l'examinent (art. 112, al. 3, LParl) et une procédure de consultation doit être menée (art. 112, al. 2, LParl; art. 3 de la loi sur la consultation [LCo, RS 172.061]). Toutefois, la LCo ne mentionne pas l'édiction d'ordonnances fondées sur les art. 173, 184 ou 185 Cst. Dans ces cas, une consultation semble peu réaliste. L'élaboration d'un projet incombe au secrétariat de la commission concernée, qui peut faire appel au département compétent (art. 112, al. 1, LParl).

2.3.1.3

Déclaration d'un conseil

Chacun des conseils peut adopter une déclaration indépendamment de l'autre.

La majorité d'une commission du Conseil national peut déposer un projet de déclaration du Conseil national (art. 32 RCN). Au Conseil des États, tout député ou toute commission peut soumettre un projet de déclaration (art. 27 RCE).

2.3.1.4

Corapport à la Commission des finances

En situation de crise, l'Assemblée fédérale doit souvent approuver, a posteriori, des crédits adoptés par la DélFin en procédure urgente. L'examen préalable de ces crédits incombe en règle générale aux CdF. Conformément à l'art. 49, al. 4, LParl, les commissions thématiques peuvent adresser un corapport aux commissions chargées de procéder à l'examen préalable. Si le corapport comporte des propositions concrètes, les CdF doivent voter sur celles-ci. Ces propositions concrètes peuvent être les suivantes: approuver les crédits, ne pas les approuver (le Conseil fédéral est alors tenu de ne pas verser les montants qui n'ont pas encore été distribués), les augmenter, les réduire (la réduction ne porte alors que sur la partie n'ayant pas encore été dépensée) et régler les conditions-cadres de l'utilisation des crédits. Pour proposer d'inscrire des crédits supplémentaires, il faut qu'une base légale le permette; si tel n'est pas le cas, une base légale peut être créée au moyen d'une initiative parlementaire ou d'une motion.

2.3.2

Pratique pendant la pandémie

Durant la première phase de la pandémie, les commissions ont régulièrement utilisé l'instrument de la motion: jusqu'à la session d'été 2020, elles ont déposé 49 motions liées au Covid-19. À la fin de la session d'automne 2020, le Parlement avait adopté 23 motions. Une analyse de ces motions a montré que les procédures avaient parfois été très rapides: en moyenne, les conseils ont adopté des motions de même teneur onze jours après leur dépôt (à titre de comparaison, lors de la dernière législature, une motion était adoptée après 112 jours en moyenne). La mise en oeuvre par le Conseil fédéral a elle aussi été rapide: les ordonnances ont été édictées quinze jours 28 / 74

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au plus tard après l'adoption des motions et les projets de loi fédérale urgente ont été publiés dans un délai de quatre mois et demi après l'adoption des motions30.

L'instrument de la motion de commission a fait ses preuves pendant la pandémie, car le Conseil fédéral a renoncé au strict respect des délais qui lui étaient impartis pour prendre position. Par conséquent, même des interventions déposées peu de temps avant une session ont pu être examinées pendant cette session. En outre, le Conseil fédéral a rapidement mis en oeuvre les motions adoptées. On constate donc que l'action de l'Assemblée fédérale dépendait de la disponibilité du Conseil fédéral à agir rapidement.

Les commissions n'ont fait usage que dans trois cas de l'instrument de l'initiative parlementaire pour prendre des mesures à court terme dans le contexte de la pandémie.

Dans le cadre de l'initiative parlementaire 20.481 (Budget provisoire applicable jusqu'à l'adoption du budget 2021 avec plan intégré des tâches et des finances 2022­ 2024), la CdF-N a présenté un budget provisoire pour le cas où l'évolution de la pandémie aurait empêché l'Assemblée fédérale d'adopter le budget ordinaire avant la fin de l'année 2020. En outre, l'initiative 20.483 a débouché sur un projet établi par la CIP-N permettant aux membres du Conseil national empêchés dans le cadre de la crise du Covid-19 de voter à distance. Enfin, l'obligation de présenter un certificat sanitaire pour accéder au Palais du Parlement est née du projet 21.482, élaboré par la CIP-E. Il s'agissait toutefois de modifier le droit parlementaire, ce qu'une motion n'aurait pas permis de réaliser. À noter que la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national a elle aussi déposé une initiative (20.407), dans le but d'élaborer une ordonnance de nécessité visant à soutenir les institutions d'accueil extra-familial pour enfants; finalement, c'est l'instrument de la motion qui a été préféré à cette initiative.

2.3.3

Évaluation scientifique du travail du Parlement pendant la pandémie

Andrea Caroni et Stefan G. Schmid soulignent que les commissions disposent de nombreux instruments pour soumettre de nouveaux objets à leurs conseils dans les situations d'urgence. Ils rappellent toutefois que ces instruments ont aussi leurs inconvénients: par exemple, dans le cas de la motion, la balle est dans le camp du Conseil fédéral, qui doit proposer d'accepter ou de rejeter l'intervention. Ils estiment en outre qu'il est la plupart du temps impossible pour le Parlement d'élaborer à court terme des ordonnances de nécessité ou des lois fédérales urgentes31.

À propos des instruments parlementaires, Andreas Stöckli déclare que, même si le Parlement connaît lui aussi des mécanismes permettant d'accélérer la procédure et de garantir sa capacité d'action dans les situations extraordinaires, il lui est difficile d'intervenir rapidement en raison de ses structures de milice, de l'intermittence de ses

30 31

Bibliothèque du Parlement: Covid-19 Les motions de commission pendant la première phase de la pandémie, résumé, pp. 2 ss.

Caroni/Schmid, 2020, p. 718.

29 / 74

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délibérations, de sa taille, de sa composition, de ses majorités imprévisibles et instables et de ses processus de décision lourds. En particulier à propos de la motion et de l'initiative parlementaire, il souligne que les règles de procédure correspondantes n'ont pas l'urgence et la vitesse en ligne de mire et que le Conseil fédéral dispose d'une importante marge de manoeuvre s'agissant de la mise en oeuvre d'une motion adoptée, notamment pour ce qui est du délai qui lui est imparti (cf. art. 119, 121 et 122 LParl). Par conséquent, il propose de prévoir une procédure rapide permettant au Parlement d'édicter des ordonnances de nécessité32.

Au cours des auditions menées par les CIP, un des experts interrogés a proposé de créer l'instrument de la «motion urgente».

En résumé, les experts prônent la création d'instruments flexibles permettant de mettre en place une procédure rapide. Toutefois, ils ne font aucune proposition concrète et élaborée.

2.3.4

Conclusions

Les organes parlementaires disposent d'un large éventail d'instruments leur permettant d'agir même en temps de crise. Les commissions peuvent notamment déposer des motions de même teneur dans chacun des conseils, ce qui s'est avéré très efficace.

S'agissant de l'instrument de la motion, le problème réside dans le respect du délai imparti au Conseil fédéral pour donner son avis, lequel est obligatoire pour que le Parlement puisse examiner la motion. Cette contrainte peut rendre difficile toute réaction rapide. L'Assemblée fédérale ne peut pas non plus exiger du Conseil fédéral qu'il mette en oeuvre la motion de manière accélérée.

Concernant l'initiative parlementaire, la problématique porte sur les autres acteurs impliqués (Conseil fédéral, cantons et milieux intéressés) et sur la difficulté à élaborer un projet d'acte dans un délai très court, avec des ressources modestes. Dans les faits, édicter une loi fédérale urgente ou une ordonnance de l'Assemblée fédérale au moyen d'une initiative parlementaire n'est possible que si, dans les deux conseils, des majorités claires souhaitent légiférer sur un thème précis qui intéresse tout au plus un cercle restreint d'acteurs externes.

La crise du Covid-19 a montré que l'Assemblée fédérale pouvait exercer une influence rapide et efficace même au moyen d'instruments plutôt informels: par exemple, le Conseil fédéral a tenu compte de propositions de modification d'ordonnances formulées par des commissions lors d'entretiens avec des membres du Conseil fédéral. Souvent, ces propositions ont aussi été transmises au moyen de lettres adressées au Conseil fédéral.

32

Stöckli, Andreas, 2020.

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2.4

Utilisation des compétences en matière de droit de nécessité

2.4.1

Bases constitutionnelles et légales

2.4.1.1

Compétences du Conseil fédéral

Les art. 184, al. 3, et 185, al. 3, Cst. (RS 101) habilitent le Conseil fédéral à édicter des ordonnances directement fondées sur la Constitution. L'art. 184, al. 3, Cst. l'habilite à le faire lorsque «la sauvegarde des intérêts du pays l'exige», alors que l'art. 185, al. 3, Cst. lui permet de prendre des mesures «en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure».

L'art. 185, al. 3, habilite le Conseil fédéral à ordonner des mesures, par voie d'ordonnance, sans qu'une base légale formelle spécifique soit nécessaire. Il s'agit pour l'essentiel de protéger des biens de police. Ce type d'ordonnances du Conseil fédéral n'est admis que s'il est dicté par l'urgence et la nécessité. Les ordonnances fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst. fournissent en principe une base légale suffisante aux restrictions des droits fondamentaux, même si celles-ci sont importantes. Celles-ci, comme toutes les atteintes aux droits fondamentaux, doivent toutefois se justifier par un intérêt public prépondérant, être proportionnées au but visé et garantir l'égalité et le respect du principe de la bonne foi. Lorsqu'il édite une ordonnance fondée sur l'art. 185, al. 3, le Conseil fédéral est lié par la Constitution et la loi (il s'agit de droit de nécessité «intraconstitutionnel», qu'il faut distinguer du droit de nécessité «extraconstitutionnel», qui n'est pas lié à la Constitution et présuppose un état d'urgence avéré). Les ordonnances fondées sur cette base constitutionnelle peuvent faire l'objet d'un contrôle concret des normes par le Tribunal fédéral.

Depuis le 1er mai 2011, l'art. 7d de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) concrétise les exigences constitutionnelles et limite les compétences du Conseil fédéral. En vertu de l'art. 7d, al. 2, LOGA, les ordonnances fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst. deviennent caduques si, dans un délai de six mois après leur entrée en vigueur, le Conseil fédéral n'a pas soumis à l'Assemblée fédérale un projet établissant la base légale de leur contenu ou un projet d'ordonnance de l'Assemblée fédérale fondé sur l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., destiné à remplacer l'ordonnance du Conseil fédéral. S'il adopte un tel projet dans le délai de six mois, les
ordonnances fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst. peuvent rester en vigueur jusqu'à ce que la base légale prévue ou l'ordonnance de l'Assemblée fédérale qui remplace l'ordonnance caduque entre en vigueur ou jusqu'à ce que le projet soit rejeté par le Parlement. Par ailleurs, une ordonnance fondée sur l'art. 185, al. 3, Cst. devient caduque si le projet établissant la base légale de son contenu est rejeté par l'Assemblée fédérale (art. 7d, al. 2, let. b, LOGA) ou si la base légale prévue ou l'ordonnance de l'Assemblée fédérale qui la remplace entre en vigueur (art. 7d, al. 2, let. c, LOGA).

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2.4.1.2

Compétences du Parlement

Parallèlement aux compétences du Conseil fédéral en matière de droit de nécessité, l'art. 173, al. 1, let. c, Cst. habilite également le Parlement à exercer des compétences dans ce domaine: lorsque des circonstances extraordinaires l'exigent et pour préserver la sécurité extérieure, la sécurité intérieure, l'indépendance et la neutralité de la Suisse, l'Assemblée fédérale peut édicter des ordonnances ou des arrêtés fédéraux simples. Si la Constitution établit des compétences concomitantes du Conseil fédéral et du Parlement, les ordonnances de nécessité du Parlement priment toutefois celles du Conseil fédéral concernant le même objet, en raison de leur plus grande légitimité démocratique.

Le Parlement peut donc édicter des règles qui priment les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral. Pour édicter ses propres ordonnances de nécessité, il dispose de l'instrument de l'initiative parlementaire, conformément aux art. 107 ss LParl.

Une ordonnance de nécessité du Parlement primerait une ordonnance antérieure du Conseil fédéral réglant le même objet. Il est toutefois possible qu'une ordonnance du Parlement ne corresponde pas exactement à l'ordonnance du Conseil fédéral, ce qui pourrait entraîner des problèmes de délimitation et d'interprétation.

2.4.2

Pratique pendant la pandémie

Depuis le 13 mars 2020, le Conseil fédéral a édicté plusieurs ordonnances visant à surmonter l'épidémie de Covid-19.

L'ordonnance 2 du 13 mars 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (Covid-19) [ordonnance 2 Covid-19; en particulier RO 2020 773 et 2020 783] a été fondée sur l'art. 7 de la loi du 28 septembre 2012 sur les épidémies (LEp; RS 818.101) du 16 mars au 21 juin 2020. Toutes les mesures arrêtées au titre de la LEp, pour des motifs essentiellement épidémiologiques, pour limiter la propagation du Covid-19 et pour maintenir les capacités du système de santé afin de maîtriser l'épidémie («mesures primaires») ont été exclusivement fondées sur l'art. 7 LEp et intégrées dans l'ordonnance 2 Covid-19.

Les mesures arrêtées pour surmonter les problèmes découlant de la mise en oeuvre des mesures primaires prises en vertu de la LEp ont été édictées dans des ordonnances séparées. Ces «mesures secondaires», revêtant la forme d'ordonnances du Conseil fédéral, se fondaient dans la mesure du possible sur des normes de délégation et des mandats, prévus par des lois formelles, habilitant le Conseil fédéral à édicter des dispositions d'exécution. Faute d'habilitation (suffisante) par la loi, le Conseil fédéral s'est fondé sur sa compétence d'édicter des ordonnances inscrite à l'art. 185, al. 3, Cst. pour autant que les exigences formulées dans cet article, en particulier l'urgence et la nécessité, fussent satisfaites. La durée de validité de ces ordonnances directement fondées sur la Constitution a été limitée à six mois (art. 7d LOGA).

Lors du retour à la situation particulière, l'ordonnance 2 Covid-19 a été remplacée par l'ordonnance 3 Covid-19 du 19 juin 2020 (RS 818.101.24), fondée sur l'art. 185, al. 3,

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Cst., et par l'ordonnance Covid-19 du 19 juin 2020 situation particulière (RS 818.101.26), fondée sur l'art. 6 LEp.

Dès le 29 avril 2020, le Conseil fédéral a chargé la Chancellerie fédérale (ChF) et le Département fédéral de justice et police (OFJ) de préparer un avant-projet de loi fédérale urgente de durée limitée sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid-19 (loi Covid-19). Il a ouvert la consultation le 19 juin 2020 et celle-ci s'est achevée le 10 juillet 2020. Le 12 août 2020, il a adopté le message sur la loi Covid-19 (FF 2020 6363), laquelle crée les bases légales pour que les mesures arrêtées par le Conseil fédéral dans des ordonnances fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst. puissent durer plus de six mois, conformément à l'art. 7d, al. 2, LOGA.

L'Assemblée fédérale a adopté la loi Covid-19 le 25 septembre 2020, l'a déclarée urgente et a fixé son entrée en vigueur au 26 septembre 2020 (RO 2020 3835; RS 818.102). Au cours des sessions suivantes, la loi a connu différentes modifications. Elle contient les dispositions matérielles et normes de délégation nécessaires pour les mesures arrêtées par le Conseil fédéral dans les ordonnances fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst., notamment dans les domaines des capacités sanitaires, du droit procédural, de la culture, des cas de rigueur, du sport d'équipe, des médias, des pertes de gain et de l'assurance-chômage.

Lors de sa déclaration du 4 mai 2020 (20.208), le Conseil fédéral s'est engagé à se prononcer sur les motions des commissions relatives aux ordonnances de nécessité et déposées au plus tard deux semaines avant une session suffisamment tôt pour qu'elles puissent être traitées pendant cette session. Il s'est déclaré prêt à mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les motions largement soutenues émanant des commissions. Par ailleurs, il s'est également déclaré prêt à consulter les présidents des commissions compétentes avant d'adopter de nouvelles dispositions importantes relevant du droit de nécessité et, si c'était impossible en temps voulu, à les informer. Il a tenu ses promesses dans la mesure du possible. L'obligation de consulter le Parlement a par la suite été inscrite dans la loi Covid-19 (RO 2020 3835). Aux termes de l'art. 1, al. 4, de celle-ci, le Conseil fédéral informe régulièrement
le Parlement, en temps utile et de manière exhaustive, de la mise en oeuvre de la loi. Il consulte au préalable les commissions compétentes au sujet des ordonnances et des modifications d'ordonnances prévues. En cas d'urgence, il informe les présidents des commissions compétentes.

Ceux-ci informent immédiatement leurs commissions respectives (art. 1, al. 5, de la loi Covid-19). Une autre disposition revêtant de l'importance pour le Parlement a été inscrite à l'art. 1, al. 2, de la loi Covid-19: elle prévoit que le Conseil fédéral n'use des compétences qui lui sont conférées dans la loi en question que dans la mesure nécessaire pour surmonter l'épidémie; en particulier, il n'use pas de ces compétences si l'objectif visé peut également être atteint en temps utile dans le cadre de la procédure législative ordinaire ou urgente.

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2.4.3

Évaluation par les experts de l'activité du Parlement et de l'exercice des compétences du Conseil fédéral en matière de droit de nécessité

Les principales critiques concernant différents aspects de l'activité du Conseil fédéral en matière de droit de nécessité, formulées lors de l'audition menée par les CIP le 22 octobre 2020, sont résumées ci-après.

2.4.3.1

Bases constitutionnelles du «droit de nécessité»

Certains experts interrogés estiment que l'interprétation de l'art. 185, al. 3, faite par le Conseil fédéral va bien au-delà de l'interprétation usuelle. Ils rappellent que, lors de l'examen de la Constitution de 1999, le Parlement a rejeté la proposition du Conseil fédéral visant à étendre le droit de nécessité. Giovanni Biaggini résume cette position en affirmant que, durant la crise due au nouveau coronavirus, l'art. 185, al. 3, s'est transformé en une sorte de clause générale d'État providence et qu'il est désormais dénaturé33. Avec Andrea Kley, il critique le fait que les ordonnances de nécessité Covid-19 contenaient de nombreuses prescriptions dérogeant à la loi et quelques règles s'écartant de la Constitution34. Il suggère de revenir à la conception classique de l'art. 185, al. 335. Si l'on devait poursuivre dans la ligne tracée par le Conseil fédéral, il faudrait, selon lui, réfléchir à la possibilité d'une validation préalable par le Parlement (cf. cst. GE/NE)36.

D'autres experts interrogés estiment par contre que l'interprétation que font Biaggini et Kley des compétences que l'art. 185, al. 3, Cst. délègue au Conseil fédéral est par trop restrictive. On pourrait au contraire argumenter que l'art. 185, al. 3, Cst. permet au Conseil fédéral de prendre des mesures autres que de simples mesures de police et qu'il permet aussi de déroger aux lois et à la Constitution. En cas de crise, le Conseil fédéral doit pouvoir réagir très vite. Andreas Stöckli relève que le Conseil fédéral est plus à même que le Parlement de prendre à temps les mesures qui s'imposent et de réagir face à l'évolution de la situation. Il ajoute que, si l'art. 7 LEp permet de prendre des mesures de première nécessité, fondées sur des données épidémiologiques, pour protéger la population, d'autres mesures plus larges, visant notamment à apporter des solutions aux problèmes subséquents (telles que des mesures destinées à atténuer les conséquences financières des mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19), doivent être prises en se fondant sur d'autres dispositions légales ou, à défaut, sur les compétences octroyées en cas d'urgence par les dispositions constitutionnelles (notamment l'art. 185, al. 3, Cst.)37.

33 34

35 36 37

Biaggini, Giovanni: «Notrecht» in Zeiten des Coronavirus ­ Eine Kritik der jüngsten Praxis des Bundesrats zu Art. 185 Abs. 3 BV. In: ZBl 5/2020, p. 257.

Biaggini, Giovanni, 2020, p. 256 et Kley, Andreas: «Ausserordentliche Situationen verlangen nach ausserordentlichen Lösungen ­ Ein staatsrechtliches Lehrstück zu Art. 7 EpG und Art. 185 Abs. 3 BV». In: ZBl 121/2020, p. 275.

Biaggini, 2020, p. 267.

Kley, 2020, p. 276.

Stöckli, 2020.

34 / 74

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Pour certains experts, l'art. 165 Cst. est la disposition-clef en vue de la maîtrise des crises. En vertu de celle-ci, l'Assemblée fédérale peut modifier d'urgence la Constitution pour une année, sans qu'un référendum soit nécessaire. Cet instrument offre des possibilités très étendues.

2.4.3.2

Droit de nécessité et bases légales contenues dans des lois spéciales pour lutter contre la crise

Biaggini voit dans les lacunes des lois spéciales relatives aux domaines concernés, notamment la législation sur les épidémies, une cause majeure de l'avalanche d'ordonnances de nécessité. Il déplore que la LEp ne contienne pas d'exigences matérielles concernant la situation extraordinaire38.

Au cours des auditions, un expert a relevé que le Conseil fédéral aurait dû, dès le début de la crise, présenter au Parlement, par la procédure urgente, une loi contenant des normes de délégation, ce qui évidemment n'aurait été possible que si le Parlement avait siégé. On aurait également pu arrêter des règles et les faire entrer en vigueur plus tard, avec effet rétroactif.

Kley estime que la LEp offrait une bonne solution et regrette que le Conseil fédéral n'ait pas fondé beaucoup plus de mesures sur celle-ci plutôt que sur la Constitution.

Se fondant sur une interprétation historique, il estime qu'il est inexact de ne voir dans l'art. 7 LEp qu'un renvoi purement déclaratoire à l'art. 185, al. 3, Cst.39.

2.4.3.3

Transfert du droit de nécessité dans le droit ordinaire (art. 7d LOGA)

Les opinions varient en ce qui concerne le transfert du droit de nécessité dans le droit ordinaire. Certains experts ont estimé que le mécanisme de transition avait fonctionné.

D'autres, en revanche, s'interrogent sur l'adéquation du mécanisme de transition. Ils font remarquer que l'art. 7d LOGA est plus adapté à une crise statique qu'à une crise longue et dynamique.

Pour ce qui est du droit d'urgence basé sur la LEp, Biaggini critique le fait que cette loi ne prévoit, pour les ordonnances fondées sur l'art. 7, ni une obligation de limiter dans le temps l'application des dispositions ni un mécanisme d'encadrement sur le modèle de l'art. 7d LOGA40. Stöckli estime lui aussi qu'il serait justifié que l'art. 7d LOGA soit également applicable aux ordonnances fondées sur l'art. 7 LEp. Il n'est toutefois pas certain que l'art. 7d LOGA soit adapté pour répondre à une situation extraordinaire dynamique et de longue durée41.

38 39 40 41

Biaggini, 2020, pp. 260 ss.

Kley, 2020.

Biaggini, 2020, p. 265.

Stöckli, 2020.

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2.5

Conclusion générale sur le fonctionnement de l'Assemblée fédérale durant la crise

L'Assemblée fédérale a mal abordé la crise provoquée par le nouveau coronavirus en 2020. Le dimanche précédant la troisième semaine de la session de printemps 2020, la situation épidémiologique apparaissait imprévisible et dangereuse. Il aurait été difficile de faire comprendre que les conseils se réunissent le lendemain pour examiner les objets prévus, indépendamment de la crise sanitaire. C'est pourquoi la troisième semaine de la session de printemps a été annulée sans aucune perspective quant à la manière dont le Parlement allait pouvoir fonctionner. L'activité des commissions a elle aussi été restreinte et seules quelques-unes ont alors pu siéger. Il est également apparu que les organes parlementaires ne disposaient pas des ressources suffisantes pour exercer leurs droits constitutionnels, comme celui d'élaborer des ordonnances, prévu à l'art. 173 Cst.

Le Parlement s'est toutefois repris pour faire face à la situation: les commissions ont pu siéger de nouveau au cours du mois d'avril 2020 et les conseils ont pu se réunir au début du mois de mai 2020 dans le cadre d'une session extraordinaire. Les commissions comme les conseils ont travaillé d'arrache-pied pour examiner les actes élaborés par le Conseil fédéral en vue de surmonter la crise. Pour ce faire, ils ont utilisé les instruments formels à leur disposition, notamment la motion. Toutefois, les commissions ont également eu recours à des instruments informels, en usant de leur influence lors de rencontres avec des représentants du Conseil fédéral ou en adressant à ce dernier des recommandations écrites. Elles ont ainsi maintenu des échanges continus entre le gouvernement et le Parlement. Les motions déposées ont été traitées rapidement, et celles qui ont été adoptées ont été mises en oeuvre sans délai; cette diligence est aussi à mettre au crédit du Conseil fédéral, qui a renoncé à utiliser les délais qui lui étaient impartis et pris position très rapidement sur les motions liées à la crise. Sans cela, l'utilisation par l'Assemblée fédérale de l'instrument qu'est la motion n'aurait pas pu être aussi efficace.

Utiliser la motion a en effet permis à l'Assemblée fédérale d'inscrire des mesures visant à surmonter la crise dans la loi, lorsqu'elle considérait que ces mesures devaient bénéficier d'une forte légitimation démocratique. Ainsi,
les motions des CIP sur l'introduction de l'application d'alerte Corona (20.3168 et 20.3144) ont permis au Parlement, qui estimait qu'une ordonnance édictée par le Conseil fédéral sur la base de la LEp ne suffisait pas, de demander l'élaboration des bases légales nécessaires à la mise en place de cette application.

Par contre, l'Assemblée fédérale n'a elle-même élaboré aucun projet de mesures visant à surmonter la crise, à l'exception de ceux qui concernaient le budget provisoire, la participation aux votes des membres du Conseil national physiquement absents et l'obligation faite aux députés de présenter un certificat. Pourtant, en temps de crise également, il est nécessaire de déterminer au cas par cas, sur la base des critères établis à l'art. 110, al. 2, LParl, quel instrument, de la motion ou de l'initiative parlementaire, est le plus indiqué pour élaborer un projet d'acte. Lorsque, comme dans le cadre du soutien aux crèches durant la crise, des projets de réglementation existent déjà, mais n'ont pas rallié de majorité au Conseil fédéral, le Parlement pourra vraisemblablement

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aller plus vite en recourant à l'initiative parlementaire. De même, pour régler la question de l'exemption du versement des loyers commerciaux ou de la réduction de leur montant, l'initiative parlementaire aurait peut-être été un instrument plus adéquat: si l'Assemblée fédérale avait travaillé avec l'initiative parlementaire et non avec la motion, il aurait été possible de constater plus tôt qu'aucune solution ne pouvait rallier une majorité parlementaire et la situation aurait été beaucoup plus claire pour les personnes concernées.

L'Assemblée fédérale dispose de différents instruments pour influer sur les décisions du Conseil fédéral lors de l'élaboration d'ordonnances en temps de crise et pour édicter elle-même des règles dans ce cadre. Devant elle se dressent toutefois plusieurs obstacles: l'absence de majorité, le manque de ressources ainsi que, dans une certaine mesure, des structures et des instruments à la fois lents et rigides.

Pour que le Parlement puisse agir, il est nécessaire de rallier des majorités dans les deux chambres. Or, ce n'est pas toujours simple. D'ailleurs, la complexité du processus d'obtention d'une majorité est à la source même de la lourdeur des processus parlementaires. Toutefois, lorsqu'il est possible de rallier une majorité, le Parlement ne devrait pas avoir à composer, comme en temps normal, avec la lourdeur et le manque de maniabilité des structures et des instruments et se trouver ainsi gêné dans son action. Par conséquent, il convient d'examiner ces structures et ces instruments pour déterminer s'ils sont adaptés aux temps de crise.

Enfin, il apparaît que le mécanisme prévu à l'art. 7d LOGA (RS 172.010) impose un cadre temporel strict aux ordonnances édictées par le Conseil fédéral en temps de crise et que les mesures qui devaient encore être prises ont été introduites par l'Assemblée fédérale dans la législation ordinaire déjà à l'automne 2020. Dans le cadre du projet de loi Covid-19, le Parlement a également pu examiner et intégrer des mesures destinées à lutter directement contre la crise due au nouveau coronavirus. Les règles établies au niveau de la loi doivent toutefois être applicables à long terme et par conséquent ­ comme c'est l'usage dans les lois ­ être formulées de manière aussi abstraite et générale que possible. On peut donc légitimement se
demander s'il est bien judicieux que le législateur fixe les dates de réouverture des restaurants; en revanche, il pourrait définir les conditions (nombre de cas, taux de reproduction du virus, etc.)

dans lesquelles certaines mesures (fermeture des restaurants, restrictions concernant les rassemblements, port du masque, etc.) doivent être prises.

3

Grandes lignes du projet

3.1

Exigences posées à un parlement en situation de crise: principes

De l'avis unanime des membres de la sous-commission «Le Parlement en situation de crise», les principes suivants sont déterminants lors de l'examen des propositions de réforme: 1.

Le Parlement, en sa qualité d'autorité suprême de la Confédération (art. 148 Cst.), doit avoir la capacité d'agir même en temps de crise.

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2.

Les conseils doivent pouvoir siéger en tout temps. À cette fin, ils doivent pouvoir se réunir ailleurs qu'au Palais du Parlement et mener des séances en ligne, sans lourdeur administrative. Le droit des conseils de siéger ne peut être restreint par aucune autre autorité.

3.

Les commissions parlementaires doivent pouvoir exercer leur droit d'autosaisine. En vertu de ce droit, elles doivent pouvoir en tout temps décider ellesmêmes de se réunir en séance. Elles aussi doivent pouvoir utiliser des instruments numériques et se réunir ailleurs qu'au Palais du Parlement.

4.

Les instruments parlementaires doivent pouvoir être utilisés de manière efficace en temps de crise. À cette fin, des délais plus flexibles peuvent être prévus en temps de crise.

5.

Le Parlement et ses organes doivent disposer de suffisamment de ressources pour pouvoir exercer les droits parlementaires de manière efficace en temps de crise également.

3.2

Propositions de réforme

Ci-après sont présentées des propositions de réforme ­ y compris celles qui n'ont finalement pas été retenues ­ qui répondent aux exigences exposées plus haut et, partant, visent à améliorer la capacité d'action du Parlement en temps de crise.

3.2.1

Réunion des commissions

3.2.1.1

Droit de siéger des commissions

L'Assemblée fédérale suisse est un parlement actif. Les commissions parlementaires non seulement procèdent à l'examen préalable, à l'intention de leur conseil, des objets qui leur ont été attribués, mais peuvent également prendre elles-mêmes des mesures, conformément à l'art. 45 LParl. Étant donné que la plupart des objets soumis à l'Assemblée fédérale nécessitent au préalable d'être examinés par la commission compétente, la capacité d'action du Parlement dépend largement de celle des commissions.

On a pu le constater au printemps 2020, lorsqu'il a fallu planifier des séances de commission pour préparer les objets qui devaient ensuite être traités par le Parlement lors de la session extraordinaire de mai.

Pour cette raison, les commissions doivent pouvoir tenir des séances non seulement pour exercer leurs droits, mais également pour garantir le fonctionnement du Parlement. Ce droit de siéger ne saurait être restreint ni par des décisions administratives des organes de direction du Parlement (bureaux, DA), ni en raison d'un manque de ressources. Les organes de direction du Parlement doivent donc veiller à ce que les infrastructures et les ressources nécessaires soient disponibles dans toutes les situations, de sorte que les commissions parlementaires puissent toujours siéger.

Par conséquent, il convient d'inscrire dans la LParl une disposition concernant la réunion des commissions, qui fait défaut actuellement. Cette disposition pourra prévoir 38 / 74

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le principe de la tenue régulière des séances ainsi que le droit de fixer des séances supplémentaires.

En particulier en temps de crise, il est important que les commissions puissent organiser des séances qui s'intercalent entre leurs séances ordinaires. La proposition visant à tenir une séance supplémentaire doit pouvoir émaner de la commission elle-même, conformément à la pratique actuelle: dans son projet, la CIP-N propose qu'une séance ait lieu si la majorité des membres de la commission approuve cette proposition. Une minorité de la CIP-N (Marti Samira, Barrile, Flach, Glättli, Gredig, Gysin Greta, Kälin, Marra, Suter, Widmer Céline) souhaite qu'un tiers des membres puisse demander la réunion de la commission, estimant qu'il faut prévoir, au niveau des commissions, un droit de minorité analogue à celui qui s'applique pour la convocation des conseils en session extraordinaire. La majorité de la CIP-N craint quant à elle que la majorité des membres de la commission ne voie aucune nécessité d'agir et mette un terme à la séance supplémentaire immédiatement après son ouverture, par motion d'ordre: cela ne ferait que créer un surcroît de travail administratif inutile et ne contribuerait nullement à renforcer le Parlement.

3.2.1.2

Séances de commission tenues en ligne

Dans certaines situations, comme pendant une pandémie ou en cas de catastrophe naturelle, il est impossible de se réunir physiquement. Pendant la crise du Covid-19, les commissions ont fait usage des possibilités numériques concernant la tenue des séances. Désormais, il y a lieu d'inscrire dans la loi les conditions y afférentes. Ainsi, les commissions pourront siéger soit en ligne, soit physiquement, mais ne pourront pas siéger de façon hybride. En effet, lors d'une séance, les prises de parole sont spontanées et les propositions peuvent être déposées au dernier moment: il serait extrêmement compliqué, pour le président, de tenir dûment compte à la fois des membres présents physiquement et des membres qui participeraient à la séance en ligne. Toutefois, il convient de prévoir deux exceptions: les membres des commissions dans lesquelles il est légalement impossible de se faire remplacer (art. 18, al. 4, RCN; art. 14, al. 4, RCE) ainsi que les participants à des auditions pourront prendre part en ligne à une séance de commission qui a lieu en présentiel. Une minorité (Addor, Bircher, Buffat, Glarner, Marchesi, Pfister Gerhard, Rutz Gregor, Steinemann) ne souhaite pas que certaines personnes participent en ligne à des séances ayant lieu physiquement. Une autre minorité (Addor, Bircher, Buffat, Glarner, Marchesi, Pfister Gerhard, Romano, Rutz Gregor, Steinemann) propose que cette possibilité, si elle devait être adoptée, se limite aux participants externes et ne concerne pas les membres de la commission. Une autre minorité (Cottier, Flach, Gredig, Moret) souhaite au contraire que les membres de la commission qui ne peuvent légalement pas se faire remplacer puissent participer en ligne à des séances ayant lieu physiquement, mais uniquement avec l'accord de la commission concernée.

La participation à une séance de commission menée en ligne doit être rémunérée exactement comme la participation à une séance en présentiel. Par 16 voix contre 7, la CIP-N ne soutient pas une initiative parlementaire visant à réduire les indemnités en

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cas de participation à des vidéoconférences (20.431 n Iv. pa. Rutz Gregor. Montant des indemnités allouées en cas de vidéoconférences).

Enfin, les commissions doivent pouvoir en tout temps instituer des sous-commissions au sens de l'art. 45, al. 2, LParl: par conséquent, il y a lieu de supprimer la condition de l'accord du bureau prévue à l'art. 14, al. 1, RCN. La commission a rejeté à l'unanimité une proposition du bureau visant à maintenir cette disposition.

La CIP-N a estimé qu'il n'y avait pas lieu de prendre des mesures concernant l'organisation des commissions. Elle ne souhaite donc pas créer de «bureau de la commission», composé par exemple du président, du vice-président et des chefs de file des groupes parlementaires. Le président peut en tout temps s'adresser à ces personnes, et il lui est d'ailleurs recommandé de le faire, sans qu'il soit nécessaire de le préciser dans la loi.

3.2.2

Organes de direction du Parlement

La crise a montré que le Parlement devait disposer d'organes de direction forts et indépendants. La composition de la DA, conçue comme une délégation des bureaux des conseils, doit désormais garantir une meilleure continuité dans la gestion parlementaire. Du reste, il ne s'agira plus d'une délégation des bureaux, mais d'une commission des deux conseils indépendante. Ce nouvel organe sera moins fortement lié aux bureaux et ceux-ci auront moins de tâches administratives.

Cette commission administrative (CA) doit être composée de quatre membres de chaque conseil, qui seront désignés pour quatre ans et qui ne pourront être simultanément membres du bureau de leur conseil. La période de quatre ans vise à garantir la continuité du travail de cet organe de direction. Les députés particulièrement aptes à faire partie de cette commission sont ceux qui connaissent déjà bien le fonctionnement du Parlement. Par conséquent, il serait judicieux que les groupes parlementaires choisissent des députés expérimentés pour y siéger. En outre, les présidents des conseils doivent être membres de la CA pendant leur année présidentielle afin de garantir la coordination avec les bureaux. Une minorité (Moret, Cottier, Pfister Gerhard, Romano, Silberschmidt) propose que les premiers vice-présidents des conseils siègent également à la CA, afin de garantir une meilleure continuité dans la collaboration avec les collèges présidentiels des conseils. Le bureau a lui aussi proposé cela. La majorité estime cependant que cette proposition irait à l'encontre de l'objectif visant à dissocier les différents organes s'agissant des personnes y siégeant. C'est la raison pour laquelle une autre proposition du bureau, qui entendait permettre à tous les membres du bureau de siéger à la CA, a elle aussi été rejetée, à l'unanimité.

La CA doit avoir les mêmes attributions que la DA. Elle reprendra donc ses compétences concernant les Services du Parlement. Dans son avis, la DA indique qu'elle va examiner son mode de fonctionnement, en particulier dans la perspective de l'entrée en vigueur le 1er janvier 2023 de la loi sur la sécurité de l'information et eu égard à son rôle d'organe de surveillance dans le domaine de la numérisation. Ces travaux, dont l'horizon temporel est plus court, ne seront pas entravés par la présente révision.

Les conclusions que la DA aura tirées seront certainement prises en considération par la nouvelle CA lorsqu'elle organisera ses activités.

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Toutefois, contrairement à la DA, la CA sera responsable de l'engagement de tous les secrétaires des commissions parlementaires. En effet, on ne peut justifier que seuls les secrétaires des CdG et des CdF doivent être nommés par un organe parlementaire et que le secrétaire général engage les secrétaires des autres commissions.

L'une des principales fonctions de la CA découle de sa compétence en matière de budget de l'Assemblée fédérale. Il s'agit d'inscrire explicitement au niveau de la loi cette compétence, qui n'est actuellement mentionnée que dans l'ordonnance sur l'administration du Parlement (OLPA; RS.171.115), en précisant que la CA doit veiller à ce que l'Assemblée fédérale et ses organes disposent des ressources et des infrastructures nécessaires. Cette tâche peut revêtir une importance particulière en temps de crise, comme l'ont montré les évènements du printemps 2020.

Avec la création de la CA, le Parlement disposera d'un organe de direction qui lui permettra de poursuivre son activité même en situation de crise. Par exemple, la CA mettra rapidement à la disposition des organes du Parlement les infrastructures nécessaires à l'exercice de leurs tâches. Par contre, la CA n'aura en aucun cas la compétence, comme le propose la DA dans son avis, de restreindre les droits d'autres organes parlementaires dans certains cas. Le Parlement doit pouvoir exercer ses attributions constitutionnelles même en situation de crise. Ainsi, les commissions parlementaires doivent être en mesure, le cas échéant, d'élaborer un projet de loi fédérale urgente ou une ordonnance de l'Assemblée fédérale. Les droits de recourir aux services de l'administration fédérale restent valides en temps de crise, sous réserve de la nécessité de travailler avec les moyens à disposition, comme en temps normal. En fonction de la situation, toutes les parties sont appelées à faire preuve de flexibilité et, le cas échéant, des compromis en matière de qualité seront nécessaires.

Il s'agit de répartir les tâches relatives à l'organisation et à la planification du travail des conseils, d'une part, et les tâches relatives à la direction suprême (surveillance) de l'administration du Parlement, d'autre part. Vu sa fonction de surveillance, la CA doit disposer de son propre secrétariat. Cela permettra de dissocier l'organe responsable
de la surveillance des Services du Parlement et la direction de ces derniers. L'art. 65, al. 3, LParl dispose que lorsque les services des Services du Parlement travaillent pour le compte d'un organe de l'Assemblée fédérale, ils suivent ses instructions. Dans ces conditions, la Direction des Services du Parlement ne peut pas donner de directives au secrétariat de la CA s'agissant de l'exécution de tâches destinées à la CA. Il n'est donc pas nécessaire de créer un organisme externe ­ comme le propose la DA dans son avis ­ pour garantir l'indépendance du secrétariat.

Une minorité (Pfister Gerhard, Addor, Binder, Bircher, Buffat, Cottier, Glarner, Marchesi, Moret, Romano, Steinemann) propose que le secrétaire général de l'Assemblée fédérale soit désormais élu par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). Actuellement, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) ne peut que confirmer le choix de la Conférence de coordination. De surcroît, conformément à l'art. 26 OLPA, le secrétaire général est reconduit dans ses fonctions pour une durée de quatre ans si la Conférence de coordination n'a pas résilié ses rapports de travail le 30 juin de sa dernière année de fonction. Aux yeux de la minorité, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) doit décider de la personne qui occupera cette fonction, car celle-ci revêt une certaine importance pour l'Assemblée fédérale. En particulier, elle doit aussi avoir la possibilité de se prononcer sur la reconduction du mandat après quatre ans. Une élection par 41 / 74

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le Parlement pourrait renforcer la direction de l'administration parlementaire, ce qui présenterait certains avantages en temps de crise. La majorité de la commission rejette cette proposition qui, selon elle, pourrait entraîner une politisation de la fonction de secrétaire général.

3.2.3

Réunion des conseils

3.2.3.1

Sessions extraordinaires

En temps de crise, le Parlement doit pouvoir se réunir rapidement. Pour ce faire, il dispose de l'instrument de la session extraordinaire, prévu à l'art. 151, al. 2, Cst., selon lequel un quart des membres de l'un des conseils ou le Conseil fédéral peuvent demander la convocation des conseils à une session extraordinaire. L'objectif de cette disposition est que l'Assemblée fédérale puisse prendre rapidement des décisions lorsque des circonstances extraordinaires l'exigent. C'est la capacité d'action de l'État qui est en jeu, et avec elle, celle des conseils de prendre des décisions. Par conséquent, l'art. 2, al. 3, LParl prévoit que des objets doivent être pendants devant les deux conseils pour qu'une session extraordinaire puisse avoir lieu: cette précision de la LParl a été adoptée par les conseils le 21 juin 2013, sur la base d'une initiative parlementaire émanant de la CIP-E42. Cette initiative visait à empêcher que des membres du Conseil national ne demandent une session extraordinaire pour discuter d'un thème alors que le Conseil des États n'a aucun objet pendant devant lui et, partant, doit mettre un terme à la session sitôt que celle-ci a été ouverte. Le Conseil national ayant parfois besoin de mener des débats sur certains thèmes d'actualité, l'instrument du débat d'actualité a toutefois été ajouté à l'art. 30a RCN.

L'objectif de la réforme n'est que partiellement atteint: entre-temps, le Conseil des États doit lui aussi se pencher sur des motions visant en premier lieu à mener un débat et non à aboutir à une décision de l'Assemblée fédérale. Les bureaux des conseils ont réagi à cette situation en programmant souvent la session extraordinaire dans le cadre de la session ordinaire suivante.

En situation de crise, il ne s'agit toutefois pas de mener un débat sur l'un ou l'autre thème, mais bien de contribuer à la gestion de la crise, même entre les sessions ordinaires, en prenant des décisions ayant une forte légitimité démocratique. Dans ce genre de situation, l'Assemblée fédérale doit aussi pouvoir être convoquée sans délai entre les sessions ordinaires pour se pencher sur un objet pendant devant les deux conseils au sens de l'al. 3. En vertu du nouvel al. 3bis, une situation de crise intervient lorsque l'une des trois conditions suivantes est remplie:

42

1.

Le Conseil fédéral a édicté une ordonnance de nécessité.

2.

Le Parlement veut lui-même légiférer de manière urgente.

3.

Décision a été prise de reporter une session ou d'y mettre fin de manière anticipée.

10.440 Améliorer l'organisation et les procédures du Parlement, FF 2011 6261 et FF 2011 6297.

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Si l'une de ces conditions est remplie, un quart des membres d'un conseil doit avoir le droit de demander la convocation immédiate des conseils en session extraordinaire pour traiter un objet pendant devant les deux conseils.

Pour que la session extraordinaire puisse avoir lieu, il faut un objet au sens de l'art. 2, al. 3, LParl. Il s'agit principalement de projets d'actes de l'Assemblée fédérale émanant d'une commission ou du Conseil fédéral dont l'examen est jugé urgent par un quart des membres du conseil. Il est également possible que des motions de même teneur soient déposées aux deux conseils et que ceux-ci doivent les traiter rapidement.

Ces objets émanant du Conseil fédéral ou de la majorité d'une commission permettent donc de convoquer les conseils en session extraordinaire entre les sessions ordinaires.

Ce système permet d'éviter que les conseils soient convoqués entre les sessions ordinaires pour discuter d'un sujet qui a été proposé par une minorité et n'est pas susceptible de recueillir de majorité, et qui n'a peut-être même rien à voir avec la gestion de la crise.

En vertu de l'art. 185, al. 4, Cst., il est également possible de convoquer l'Assemblée fédérale sans délai si le Conseil fédéral met sur pied plus de 4000 militaires pour le service actif ou que cet engagement doive durer plus de trois semaines.

L'instrument prévu aux art. 28, al. 3, et 34, al. 4, LFC, qui permet de convoquer l'Assemblée fédérale dans un certain délai lorsque des crédits urgents dépassent un certain montant, est aussi conçu comme un droit de minorité.

L'instrument de la session extraordinaire permet à l'Assemblée fédérale de siéger sans délai et de prendre les éventuelles décisions nécessaires. Étant donné que modifier le rythme des sessions en période de crise pourrait être un exercice délicat, la CIP-N a rejeté, par 17 voix contre 3 et 4 abstentions, une initiative parlementaire en ce sens (20.460 n Iv. pa. Mäder. Planification des sessions lors de situations extraordinaires au sens de la loi sur les épidémies). Le 28 septembre 2021, le Conseil national s'est rallié à cette proposition par 124 voix contre 51. En revanche, il peut être judicieux de se pencher une nouvelle fois sur la question du rythme des sessions en général, raison pour laquelle la CIP-N a donné suite, par 12 voix contre 11 et 1
abstention, à une initiative parlementaire portant sur un tel réexamen (20.476 n Iv. pa. Marra. Quand la gestion de crise nationale demande de revoir l'organisation de travail de notre Parlement).

3.2.3.2

Report ou fin anticipée d'une session

En mars 2020, il a été mis fin à la session de printemps de manière anticipée. Or, les compétences en la matière ne sont pas réglées dans la LParl. L'art. 33 règle la convocation des conseils. Il y a lieu d'y ajouter une disposition portant sur le report ou la fin anticipée des sessions. Les notions de «report» et de «fin anticipée» sont utilisées: les sessions ne peuvent pas être interrompues sans que l'on s'inquiète de la poursuite du travail parlementaire. Par exemple, si la dernière semaine d'une session est remise en question pour des motifs extrinsèques, il y a lieu d'examiner si les objets pendants doivent être traités en temps utile, donc si la session doit se poursuivre ultérieurement, ou s'il est possible, provisoirement, de ne pas traiter les objets concernés, auquel cas la session prendrait fin prématurément.

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Si une minorité s'oppose au report ou à la fin anticipée de la session, elle peut demander la convocation des conseils en session extraordinaire au sens de l'art. 2 LParl.

Au lieu de reporter une session ou d'y mettre fin prématurément, les bureaux ont aussi la possibilité de prévoir une séance numérique au sens de l'art. 32a (nouveau), si les circonstances le permettent.

3.2.3.3

Désignation d'un autre lieu de séance

Conformément à l'art. 32 LParl, l'Assemblée fédérale siège à Berne. Pour qu'elle puisse exceptionnellement siéger dans un autre lieu, les deux conseils doivent le décider sous la forme d'un arrêté fédéral simple. Pour organiser la session extraordinaire de mai 2020, il a fallu trouver un autre lieu dans la ville de Berne, sans quoi les conseils auraient d'abord dû siéger dans les locaux du Palais fédéral, qui ne satisfaisaient pas aux exigences épidémiologiques, afin de déterminer un autre lieu de séance. Par conséquent, la CoCo doit pouvoir fixer un autre lieu pour le cas où il ne serait pas possible de se réunir à Berne. Cette modification permet de mettre en oeuvre une initiative parlementaire à laquelle la CIP-N avait donné suite à l'unanimité (20.479 n Iv.

pa. Reimann Lukas. Garantir que l'Assemblée fédérale puisse délibérer valablement).

On pourrait se demander si la CoCo ne devrait pas pouvoir désigner un autre lieu même s'il est possible de se réunir à Berne. Or, les membres concernés du Conseil fédéral et de l'administration doivent être présents lors des délibérations des conseils et il ne serait pas judicieux, en temps de crise, de faire voyager ces personnes dans toute la Suisse.

3.2.3.4

Constitutionnalité des séances du conseil tenues en ligne

La majorité de la sous-commission «Le Parlement en situation de crise» considère que, eu égard aux art. 151 et 159 Cst., il n'est pas possible, à moins de modifier la Constitution, de permettre à des députés de participer en ligne à des séances en présentiel, voire d'organiser des séances numériques, sans que cela soit nécessaire.

La sous-commission se rallie ici à l'avis des experts entendus. Il ne semble pas justifié de faire une telle entorse au fonctionnement normal du Parlement uniquement sur la base d'une réinterprétation de la teneur des articles précités, comme le propose l'OFJ dans son avis de droit (cf. ch. 2.2.3.4). Par conséquent, la majorité de la souscommission estime que la tenue de sessions numériques est conforme à la Constitution tout au plus en situation d'urgence. Pour sa part, une minorité de la sous-commission se rallie aux arguments présentés par l'OFJ dans son avis de droit et considère que les bases constitutionnelles suffisent pour permettre aux députés de participer en ligne à des séances en présentiel ou pour organiser des séances numériques même hors situation de crise.

Toutefois, dans ce même avis, l'OFJ estime aussi qu'un régime légal sur les délibérations à distance de l'Assemblée fédérale (à l'aide de moyens de communication électronique) n'est admissible, selon la Constitution fédérale en vigueur, que «pour autant 44 / 74

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que la participation à l'aide de moyens de communication électronique soit globalement équivalente à la participation sur place»43. Or, même si les moyens de communication numériques devaient continuer de s'améliorer, on peut difficilement imaginer une telle équivalence. Moritz von Wyss a estimé que la fonction identitaire et, partant, toute la diversité d'un Parlement ne sauraient se refléter dans une vidéoconférence44.

Caroni et Graf, quant à eux, ont considéré que le Parlement avait besoin de se réunir dans un lieu concret pour remplir sa fonction de forum de la nation45.

Au contraire, de nombreux auteurs ont demandé, à juste titre, que les conditions légales et techniques soient créées pour que l'Assemblée fédérale puisse siéger en ligne de manière provisoire, à savoir dans les situations d'urgence. Une interprétation harmonisée de la Constitution, comme le propose l'OFJ dans son avis de droit (cf. ch. 2.2.3.4), permettrait de mettre en place ces conditions sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution: l'art. 148 Cst. désigne l'Assemblée fédérale comme l'autorité suprême de la Confédération; or, celle-ci doit avoir la possibilité d'exercer ses pouvoirs suprêmes en temps de crise. Il est inacceptable que des circonstances extérieures empêchent le Parlement d'exercer ses attributions.

Il n'est pas non plus acceptable qu'un député ne puisse assumer sa tâche de représentation en raison de circonstances extérieures, et encore moins en raison de mesures édictées par une autorité exécutive cantonale. Par conséquent, il doit être possible, en dernier recours et uniquement dans des situations extraordinaires, que certains députés participent en ligne à des séances que leur conseil tient physiquement. Même si l'OFJ, dans son avis, a exprimé son scepticisme quant aux solutions mixtes, eu égard au principe de l'égalité devant la loi, il a précisé qu'on pourrait éventuellement les tolérer si la participation à distance restait un phénomène marginal46. Or, il s'agit justement, en l'espèce, d'un phénomène marginal: le conseil concerné ne doit autoriser la participation en ligne que dans des situations extraordinaires. Il doit au préalable constater qu'une telle situation est donnée et que celle-ci empêche certains députés de participer physiquement aux séances du conseil. C'est uniquement à ces
conditions que le député concerné peut faire usage de cette possibilité, et seulement s'il ne peut participer physiquement aux séances en raison de mesures prises par une autorité ou d'un autre cas de force majeure.

3.2.3.5

Séances de conseil numériques en situation d'urgence

Conformément à l'art. 148 Cst., le Parlement doit être en tout temps opérationnel.

Pour une durée limitée, cette exigence peut primer les normes constitutionnelles contenues aux art. 151 et 159 Cst., qui sous-entendent que les conseils se réunissent physiquement. Il faut cependant que les conditions d'une impossibilité de se réunir physiquement soient présentes pour que le bureau puisse décider que le conseil se réunisse en ligne pour une ou plusieurs séances. Une impossibilité est constatée lorsque des 43 44 45 46

Avis de droit de l'OFJ, 2021, p. 2.

Von Wyss, Moritz: Wie virtuell kann ein Parlament sein? In: Parlament/Parlement/ Parlamento 2/2020, p. 19 [en allemand].

Caroni/Graf, 2021, p. 12 [en allemand].

Avis de droit de l'OFJ, 2021, p. 20.

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circonstances extérieures empêchent une réunion en présentiel dans le Palais du Parlement ou en un autre lieu, ce qui devrait rester rare. À noter qu'on pourrait avoir une situation où le Conseil des États peut se réunir physiquement, par exemple dans une salle plus grande, alors que, pour le Conseil national, il est impossible de réunir plus de 200 personnes en un seul lieu. Pour cette raison, chacun des bureaux doit pouvoir trouver une solution qui lui est propre.

Si le conseil n'approuve pas la décision du bureau de mener une séance en ligne, il peut décider, au début de la séance en ligne, de siéger physiquement. À l'inverse, il peut aussi décider lui-même de siéger en ligne.

Les conditions applicables aux séances du conseil tenues en ligne sont définies à l'art. 32a LParl (nouveau). En fonction de la situation et de la conception du système technique utilisé, il sera peut-être nécessaire de procéder à certaines adaptations provisoires du règlement du conseil concerné. Le projet contenant les éventuelles adaptations nécessaires peut être soumis au conseil au début de la première séance menée en ligne. Le cas échéant, l'horaire des séances prévu à l'art. 34 RCN devra être adapté aux circonstances. Il se peut aussi qu'il faille adapter les dispositions relatives au dépôt d'interventions et d'initiatives parlementaires par écrit; toutefois, cela ne sera peut-être plus nécessaire lorsque le projet de numérisation du travail parlementaire aura réglé ce point. De même, les dispositions relatives au vote pourraient être concernées par des adaptations: à ce sujet, il serait possible de s'inspirer du projet 20.409, adopté par le Conseil national au début de la session extraordinaire tenue à Bernexpo.

Le RCE devrait être bien moins concerné par d'éventuelles adaptations, comme l'a montré l'expérience de Bernexpo (projet 20.435).

Ces nouvelles dispositions relatives aux séances du conseil tenues en ligne permettent de mettre en oeuvre plusieurs initiatives parlementaires auxquelles la CIP-N avait donné suite (20.423 n Iv. pa. Brunner. Fonctionnement du Parlement en situation extraordinaire. Introduire des possibilités de flexibilisation adaptées à la situation; 20.425 n Iv. pa. Christ. Créer les conditions d'une participation numérique aux séances du Parlement; 20.479 n Iv. pa. Reimann Lukas. Garantir que l'Assemblée fédérale puisse délibérer valablement).

3.2.3.6

Participation en ligne à des séances du conseil

Le 10 décembre 2020, les conseils ont adopté, aux votes finaux, une modification de la LParl prévoyant que, jusqu'à la fin de la session d'automne 2021, tout membre du Conseil national peut voter à distance s'il a dû se mettre en isolement ou en quarantaine conformément aux instructions d'une autorité en raison du Covid-1947. Cette modification a été adoptée sous la forme d'une loi fédérale urgente dépourvue de base constitutionnelle, car sa conformité avec la Constitution ­ en particulier avec l'art. 159 Cst., qui parle de «présence» des membres de l'Assemblée fédérale ­ a été considérée comme au moins discutable. En procédant à une interprétation harmonisée de la Constitution (cf. ch. 3.2.3.4), il doit toutefois être possible que certains députés participent 47

20.483 n Iv. pa. CIP-CN. Vote à distance pour les membres du Conseil national empêchés dans le cadre de la crise du Covid-19 (FF 2020 8963; RO 2020 5375).

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en ligne à des séances, lors de situations extraordinaires. Une minorité de la souscommission considère que les dispositions constitutionnelles permettent aussi de prévoir la participation en ligne de certains députés en situation ordinaire (cf. ch. 3.2.3.4).

L'art. 10a LParl proposé dans le projet vise à permettre à des députés de participer en ligne aux débats de leur conseil, dans certaines circonstances. Il ne s'agit pas de le leur permettre lorsque le Parlement fonctionne normalement mais qu'ils ne peuvent participer physiquement aux séances du conseil en raison d'une maladie ou pour d'autres motifs personnels.

Contrairement à ce que prévoyait le projet adopté par les conseils à la session d'hiver 2020, les moyens techniques devraient permettre, à l'avenir, d'octroyer aux députés absents physiquement les mêmes droits de participation qu'aux députés présents sur place, à l'exception de la participation à des élections et à des délibérations à huis clos. Cet aspect contribue à affaiblir l'argument de l'inégalité de traitement qui pourrait être opposé au projet.

À propos d'inégalité de traitement, les députés qui ne peuvent participer physiquement aux séances pour d'autres motifs n'en sont pas victimes48. L'objectif de la réglementation d'exception est de permettre aux députés de participer aux séances auxquelles, pour des motifs liés à une situation extraordinaire, ils ne peuvent participer physiquement. Permettre, en situation exceptionnelle, la participation en ligne aux députés ne pouvant être présents en raison d'une maladie, d'un accident ou d'un congé parental créerait une inégalité par rapport aux députés qui seraient dans le même cas en situation ordinaire.

3.2.4

Utilisation d'instruments parlementaires

La crise du Covid-19 a montré que l'instrument de la motion était, à bien des égards, approprié pour permettre au Parlement de participer à la gestion d'une crise. Par exemple, une motion permet de demander la modification d'une ordonnance de nécessité. Une motion peut aussi charger le Conseil fédéral de soumettre un projet de loi au Parlement, dans les cas où des mesures relatives à la gestion d'une crise ne doivent pas être prises au moyen d'une ordonnance du Conseil fédéral. Une motion peut en outre charger le Conseil fédéral de présenter un projet de loi qui encadre les mesures qui doivent être prises par voie d'ordonnance. Cet instrument a été largement utilisé, en particulier au début de la crise; à partir de l'automne 2020, la loi Covid-19 a constitué le cadre du mandat confié au Conseil fédéral pour gérer la crise.

Pour que l'instrument de la motion puisse aussi fonctionner indépendamment du bon vouloir du gouvernement, lors de futures crises, il y a lieu de prévoir certains assouplissements qui seraient valables dans des situations spécifiques, notamment en ce qui concerne les délais. On pense particulièrement à la motion de commission: adoptée par une majorité de la commission, elle est susceptible de recueillir une majorité au

48

Point de vue différent: avis de droit de l'OFJ, 2021, p. 2, et Martenet, Vincent: La participation à distance aux débats et aux votes d'un parlement cantonal, spécialement dans le canton de Fribourg, in: Parlament, Parlement, Parlamento, 1/2021, pp. 15 s.

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conseil. Certaines adaptations pourraient être judicieuses même indépendamment des situations de crise.

3.2.4.1

Motions de commission portant sur des ordonnances de nécessité

L'instrument de la motion de commission peut s'avérer utile en temps de crise afin d'influer sur les ordonnances édictées par le Conseil fédéral. Pour qu'une telle motion puisse être examinée à temps par les conseils, elle doit être inscrite au programme de la prochaine session ordinaire ou extraordinaire. Il se peut qu'une motion soit déposée dans le cadre d'une séance de commission ayant lieu pendant une session: dans ce cas, il doit y avoir la possibilité d'inscrire la motion au programme de la session en cours.

La disposition proposée ne s'applique qu'aux motions de commission: le Conseil fédéral et l'administration ne doivent pas être noyés sous un flot d'interventions nécessitant un avis urgent, dont seules quelques-unes seront finalement adoptées par les conseils.

Pour qu'une motion de commission adoptée par les conseils et visant à influer sur des ordonnances de nécessité du Conseil fédéral déploie ses effets, elle doit être mise en oeuvre rapidement. Par conséquent, il faut prévoir la possibilité d'impartir au Conseil fédéral, dans la motion, un délai plus court que le délai usuel de deux ans pour sa prise de position.

3.2.4.2

Mise en oeuvre accélérée de motions portant sur des ordonnances en général

Le projet qui fait l'objet du présent rapport pourrait aussi permettre de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 20.402 «Motions de commission visant à modifier des ordonnances ou des projets d'ordonnances. Accélération de la mise en oeuvre», émanant de la CIP-E et approuvée par la CIP-N. Aux termes de cette initiative, le Conseil fédéral doit présenter un rapport dans un délai de six mois après l'adoption d'une motion de commission portant sur une ordonnance ou un projet d'ordonnance du Conseil fédéral s'il n'a toujours pas mis en oeuvre ladite motion. Il s'agit là des ordonnances de manière générale et non, spécifiquement, des ordonnances de nécessité.

3.2.4.3

Renforcement de l'instrument de la motion de commission de teneur identique

Indépendamment d'une situation de crise, il y a lieu de renforcer l'instrument de la motion de commission de teneur identique. Lorsque des commissions des deux conseils déposent des motions de teneur identique jusqu'à une semaine avant la session, ces motions doivent pouvoir être traitées pendant cette session, munies de l'avis du Conseil fédéral. L'Assemblée fédérale disposera ainsi d'un instrument lui permettant

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de confier rapidement des mandats au Conseil fédéral si les majorités sont atteintes dans les deux conseils.

3.2.4.4

Initiative parlementaire visant à l'élaboration d'un projet d'acte

Dans certains cas, il peut être plus judicieux que l'Assemblée fédérale élabore ellemême un acte portant sur la gestion d'une crise au lieu de charger le Conseil fédéral de le faire. Cette situation peut se produire lorsque le contenu de la réglementation est clair et facilement transposable sous forme d'acte. Si l'Assemblée fédérale souhaite agir rapidement, elle peut édicter une ordonnance du Parlement au sens de l'art. 173, al. 1, Cst., ou une loi fédérale urgente. Le projet doit alors souvent être élaboré en peu de temps, en vue d'un traitement lors de la session suivante, et le délai imparti au Conseil fédéral pour sa prise de position doit obligatoirement être très court. Il s'agit d'inscrire ce nouveau modèle dans la LParl.

Si l'Assemblée fédérale souhaite légiférer rapidement en temps de crise, il n'est pas toujours possible de mener une procédure de consultation. Pour ce genre de projets, la LCo doit explicitement prévoir la possibilité de renoncer à la consultation et d'auditionner uniquement les gouvernements cantonaux et les milieux tout particulièrement concernés. Le Conseil fédéral devrait lui aussi avoir cette possibilité lorsqu'il édicte ses ordonnances de nécessité.

3.2.5

Exercice des compétences en matière de droit de nécessité

3.2.5.1

Suivi de la législation édictée par le Conseil fédéral par voie d'ordonnance

En temps de crise, la législation édictée par le Conseil fédéral joue un rôle majeur, car il s'agit de prendre des mesures concrètes. Si une crise perdure ou s'il y a lieu de prendre des mesures subséquentes visant à atténuer les conséquences des premières mesures, le Parlement est lui aussi tenu de participer en agissant au niveau de la loi.

Si une mesure doit bénéficier d'une assise plus large et si son édiction n'est pas extrêmement urgente, il est indiqué, même en période de crise, de passer par la voie législative usuelle. Par exemple, cela a été le cas du projet visant à mettre en place une application de traçage des contacts (20.040 én «Modification urgente de la loi sur les épidémies face à la crise de Covid-19 [Système de traçage de proximité]»). Les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral ayant une durée de validité limitée, l'Assemblée fédérale recouvre dans tous les cas ses compétences après six mois.

L'exemple de l'application de traçage montre que les compétences parallèles ne posent aucun problème tant que le Parlement s'abstient provisoirement de prendre des mesures. Si le Parlement est mécontent des mesures prises en urgence par le Conseil fédéral, il peut en tout temps encadrer plus strictement ces mesures par la voie législative.

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Même si le Parlement recommence à légiférer pendant la crise, il se peut que les ordonnances édictées par le Conseil fédéral prennent une ampleur considérable. Par conséquent, il est judicieux que les commissions thématiques compétentes aient une vue d'ensemble des ordonnances qui seront édictées dans leur domaine et, si nécessaire, puissent formuler des recommandations à l'intention du Conseil fédéral: aux termes du projet qui fait l'objet du présent rapport, le droit de consultation sur les projets d'ordonnance sera étendu. Le principe voulant que les commissions parlementaires doivent en faire la demande si elles souhaitent être consultées sur une ordonnance sera remplacé, en temps de crise, par le principe de consultation automatique des commissions: si le Conseil fédéral souhaite édicter une ordonnance visant à gérer une crise, il est tenu d'en soumettre le projet aux commissions compétentes, pour consultation.

Ces dernières peuvent ensuite décider si elles souhaitent prendre position. Il se peut qu'elles doivent s'accommoder de délais très courts. La capacité d'action du Conseil fédéral ne sera nullement restreinte: les commissions ne peuvent faire usage de leur droit de consultation que dans le cadre du délai imparti. Ce modèle correspond au droit de consultation prévu par la loi Covid-19 concernant les ordonnances fondées sur ladite loi.

Cette proposition permet aux commissions parlementaires compétentes de se pencher sur le contenu des ordonnances édictées par le Conseil fédéral et d'intervenir lorsqu'elles le jugent nécessaire. Si le Conseil fédéral ne tient pas suffisamment compte des éventuelles recommandations des commissions, le Parlement peut régler le contenu des ordonnances au niveau de la loi. Toutefois, la capacité d'action du Conseil fédéral n'en est nullement entravée: lorsque des vies sont en jeu et qu'il faut agir vite, le Conseil fédéral peut impartir au Parlement un délai de quelques heures à peine.

Au contraire, les propositions visant à introduire un veto, voire une approbation des ordonnances édictées par le Conseil fédéral dans le cadre de la gestion d'une crise ne sont pas adaptées à la situation spécifique d'une crise (21.407 n Iv. pa. Groupe V «Loi sur les épidémies. Garantir la participation du Parlement aux décisions»; 21.3033 é Mo. Stark «Associer davantage le
Parlement aux travaux lors de futures pandémies»). En effet, les ordonnances contiennent des dispositions législatives, lesquelles ne peuvent, en vertu de l'art. 153, al. 3, Cst., être déléguées à des commissions. Il appartiendrait donc aux conseils d'approuver une ordonnance ou d'opposer un veto, à l'issue d'une éventuelle élimination des divergences. Même si les conseils siégeaient en ligne, leur décision arriverait généralement trop tard. En outre, la non-approbation d'une ordonnance déjà en vigueur créerait une grande insécurité juridique, en particulier en temps de crise. Quoi qu'il en soit, dans l'hypothèse où le Conseil fédéral disposerait de suffisamment de temps pour présenter aux conseils un projet d'ordonnance, on ne voit pas pourquoi il ne leur soumettrait pas directement un projet de loi.

Si les délais le permettent et si l'Assemblée fédérale ne souhaite pas que le Conseil fédéral édicte une mesure dans un certain domaine, ou si elle veut modifier une ordonnance, elle peut adopter une motion portant sur un projet de loi ou élaborer ellemême un projet.

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3.2.5.2

Pas d'introduction d'un contrôle abstrait des normes s'agissant des ordonnances de nécessité

La crise du Covid-19 a montré que les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral pouvaient engendrer d'importantes restrictions des droits fondamentaux pendant plusieurs mois. Dans ce contexte, il est essentiel de tenir compte du principe de la proportionnalité.

La sous-commission et la CIP-N se sont longuement penchées sur la question d'un contrôle judiciaire de ces ordonnances et des ordonnances de nécessité de l'Assemblée fédérale. Le 25 mai 2021, la CIP-N a donné suite, par 13 voix contre 10 et 2 abstentions, à une initiative parlementaire en ce sens déposée par le groupe des Vert-e-s (20.430 n Iv. pa. G. Ordonnances de nécessité. Contrôle abstrait des normes); la souscommission a alors présenté des propositions d'adaptations législatives. Lors de l'examen du projet le 15 octobre 2021, la commission est toutefois parvenue à la conclusion que l'introduction d'un contrôle abstrait des normes des ordonnances de nécessité n'était pas la solution appropriée: par 19 voix contre 5 et 1 abstention, elle a rejeté les propositions de modifications législatives.

La commission invoque tout d'abord des arguments de principe: selon elle, il est indispensable, lors d'une crise, d'avoir une certaine confiance en les autorités, qui doivent prendre dans l'urgence des décisions délicates. En introduisant la possibilité de recourir contre ces décisions, on créerait une insécurité et on minerait cette confiance.

Le contrôle du droit de nécessité édicté par le Conseil fédéral doit rester du ressort du Parlement et ne doit pas être confié aux tribunaux. Le mécanisme de contrôle parlementaire existe déjà: dans un délai de six mois, les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral doivent avoir été transposées dans le droit ordinaire. Le Parlement peut ainsi priver de base légale les ordonnances du Conseil fédéral qui seraient disproportionnées. Si, en sus, on confiait au Tribunal fédéral la compétence de contrôler le droit de nécessité édicté par le Conseil fédéral, parallèlement aux débats législatifs du Parlement ou en aval, on créerait une situation dans laquelle le Parlement et le Tribunal fédéral seraient en concurrence. En rendant un arrêt avant les délibérations parlementaires, le Tribunal fédéral limiterait la liberté de décision du Parlement; en le faisant après les délibérations parlementaires, on assisterait,
de facto, à un contrôle judiciaire de l'activité législative du Parlement. Les citoyens devraient alors jongler entre deux avis différents concernant les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral, ce qui n'est pas souhaitable en temps de crise.

Un contrôle judiciaire des ordonnances de nécessité du Conseil fédéral poserait également des problèmes pratiques. Un tel instrument ne produirait pas de grands effets, car porter un acte devant un tribunal prend du temps: plusieurs mois s'écouleraient avant la décision judiciaire définitive. Ainsi, l'objectif de créer la sécurité du droit ne serait pas atteint. Dans la plupart des cas, le Conseil fédéral aura présenté un message visant à transposer dans le droit ordinaire les dispositions de ses ordonnances de nécessité (art. 7d LOGA) avant même que le tribunal ait rendu son arrêt. En outre, la Constitution laisse au Conseil fédéral et à l'Assemblée fédérale une grande latitude en matière d'édiction d'ordonnances de nécessité, que le pouvoir judiciaire doit respecter.

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Une minorité (Glättli, Flach, Gredig, Gysin Greta, Kälin) estime qu'il faut prévoir l'instrument du contrôle judiciaire des ordonnances de nécessité du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale: selon le droit actuel, l'appréciation de la proportionnalité des restrictions occasionnées est du ressort exclusif de l'autorité qui édicte les ordonnances. Cette minorité souligne que l'introduction d'un contrôle judiciaire abstrait des normes s'agissant des ordonnances de nécessité du Conseil fédéral et du Parlement permet de faire vérifier, par un tribunal, la conformité au droit des dispositions de ces ordonnances dès que celles-ci sont publiées. Cette vérification vise à renforcer la sécurité du droit. Contrairement au contrôle concret des normes, le contrôle abstrait n'oblige personne à provoquer et porter au tribunal un cas d'espèce afin de créer un précédent. Permettre à un tribunal de contrôler les normes peut aussi avoir un effet préventif: si elle sait que son ordonnance de nécessité pourra être soumise à un contrôle abstrait des normes, l'autorité qui l'édicte veillera à consolider son argumentation juridique.

Une autre minorité (Addor, Bircher, Buffat, Marchesi, Steinemann) estime que les actes de l'Assemblée fédérale contrairement à ceux du Conseil fédéral ne devraient pas pouvoir être portés devant un tribunal, car une autorité élue par le peuple n'a pas à être contrôlée par une autorité judiciaire. Selon cette minorité, la solution proposée par la minorité Glättli est un premier pas vers l'introduction d'une juridiction constitutionnelle.

3.2.5.3

Pas de création de nouveaux organes ou instruments parlementaires

Lors d'une crise, les différents organes parlementaires sont invités à se pencher, dans le cadre de leurs attributions, sur les défis qui en découlent. Alors que les CdF se concentrent sur les crédits urgents, les CdG surveillent la gestion de la crise par le Conseil fédéral et les commissions thématiques suivent de près et préparent l'activité législative. Il n'est donc pas nécessaire de créer un nouvel organe parlementaire chargé d'intervenir en situation de crise, comme le demandent plusieurs initiatives parlementaires visant à la création d'une Délégation des affaires juridiques (20.418 n Iv. pa. M-E [retirée] et 20.414 é Iv. pa. Rieder [rejetée par la CIP-E par 8 voix contre 0 et 4 abstentions]). Sur le plan législatif, il est plus judicieux que les commissions thématiques compétentes se chargent de suivre l'activité du Conseil fédéral en matière d'édiction d'ordonnances. Conformément à l'art. 153, al. 3, Cst., les commissions et délégations parlementaires ne disposent pas de possibilités de participation plus étendues dans le domaine législatif.

3.2.5.4

Pas d'ajout ou de modification de dispositions relatives aux crises dans des lois spéciales

La question s'est posée de savoir s'il y avait lieu de compléter certaines lois fédérales par des dispositions spécifiques à la gestion des crises. Cela permettrait de répondre à la critique selon laquelle le Conseil fédéral doit trop souvent recourir à l'art. 185, al. 3, Cst. Actuellement, des lois spéciales contiennent déjà plus de 30 dispositions 52 / 74

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relatives à la gestion de crise, lesquelles sont taillées sur mesure pour certaines situations. On ne saurait affirmer, dans le présent rapport, s'il y a lieu de prévoir des dispositions supplémentaires dans d'autres lois spéciales. La formulation de telles dispositions présuppose d'avoir des connaissances approfondies du sujet concerné afin d'identifier les différents scénarios de crise et les éventuelles mesures à prendre.

On peut aussi se demander si, en temps de crise, des mesures prises sur la base de dispositions de lois spéciales auraient plus de légitimité que des mesures fondées sur la Constitution. Il faudrait alors savoir si le législateur devrait formuler ces dispositions de façon restrictive ou ouverte: si la marge de manoeuvre du Conseil fédéral est formulée de façon étroite, il est possible que le gouvernement ne puisse pas prendre les mesures nécessaires sur la base de ces dispositions et doive quand même se fonder sur la Constitution. Au contraire, lui laisser trop de latitude serait discutable d'un point de vue démocratique. En outre, les ordonnances édictées sur la base de l'art. 185, al. 3, Cst. peuvent être rapidement transposées dans le droit ordinaire, de sorte que le Parlement peut s'impliquer tôt dans le processus. Certes, on pourrait prévoir, dans des lois spéciales, les mêmes dispositions relatives à la transposition; toutefois, il serait difficile d'apprécier, au cas par cas, la durée qu'il serait judicieux de fixer pour la gestion de crise dans tel ou tel domaine. S'agissant de la LEp, il convient de remarquer que l'avis selon lequel le délai prévu à l'art. 7d LOGA s'applique aussi aux mesures fondées sur l'art. 7 LEp s'est imposé dans la pratique. Dans son message concernant la révision de la LEp, le Conseil fédéral explique que l'art. 7 LEp est «une disposition de nature déclaratoire réitérant, au niveau légal, la compétence constitutionnelle que confère l'art. 185, al. 3, Cst. au Conseil fédéral d'édicter, en cas de situation extraordinaire, des ordonnances d'urgence qui ne se fondent pas sur une loi fédérale»49.

Plusieurs représentants de la doctrine ont souhaité que la LEp prévoie que l'Assemblée fédérale doive prendre une décision avant que le Conseil fédéral édicte des mesures fondées sur l'art. 6 ou 7 LEp (cf. ci-dessus ainsi que la motion Salzmann 21.3034
«Situation extraordinaire au sens de la LEp. Association du Parlement au processus de décision»). On peut se demander dans quelle mesure une telle disposition irait à l'encontre de l'objectif de la délégation législative prévue aux art. 6 et 7 LEp, qui consiste justement à donner au Conseil fédéral la possibilité de réagir immédiatement au déclenchement d'une crise. Si le législateur devait, pour ainsi dire, opérer une deuxième délégation dans le cas considéré, on pourrait se demander pourquoi le Conseil fédéral ne devrait pas soumettre ses mesures au Parlement sous la forme d'un projet de loi fédérale urgente (c'est d'ailleurs dans cette direction que va l'initiative parlementaire Heer 20.503 «Modification de la loi sur les épidémies»). Une deuxième délégation législative devrait passer par le processus parlementaire usuel, qui implique la présentation d'un message explicatif exposant les motifs de la nécessité d'édicter des mesures urgentes et peut englober l'examen préalable en commission et l'élimination des divergences entre les conseils. Dans l'intervalle, le Conseil fédéral aurait pu et dû édicter lesdites mesures depuis longtemps. Le fait de repasser par un processus parlementaire ne serait pas compatible avec la dynamique des situations de crise: par exemple, quelle serait la durée de validité d'une décision de l'Assemblée fédérale

49

Message du 3.12.2010 concernant la révision de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (FF 2011 291, en l'occurrence 346) [objet 10.107].

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empêchant le Conseil fédéral de prendre des mesures? Que se passerait-il si la situation changeait complètement quelques jours après la décision de l'Assemblée fédérale? Certains États connaissent ce genre de «proclamations de l'État d'urgence» par le parlement; toutefois, les attributions du parlement concerné n'ont souvent qu'un caractère symbolique: dans les démocraties parlementaires, la majorité parlementaire doit de toute façon s'aligner sur la majorité gouvernementale, sous peine d'engendrer une crise gouvernementale.

S'agissant de la LEp, il convient tout de même de se pencher sur la réglementation relative aux indemnisations. Une réglementation globale semble préférable à des solutions ad hoc. Cette question ne doit toutefois pas être traitée dans le cadre du projet faisant l'objet du présent rapport, raison pour laquelle une motion a été déposée en la matière (22.3009).

3.2.5.5

Pas de définition plus stricte de l'art. 185, al. 3, Cst.

Plusieurs représentants des milieux scientifiques se sont demandé si l'art. 185, al. 3, Cst. n'avait pas été interprété de manière trop large pendant la crise du Covid-19 (cf. ch. 2.4.3.1). Le Conseil fédéral s'est fondé sur cette disposition notamment pour prendre des mesures subséquentes visant à atténuer les conséquences des mesures édictées pour gérer directement la crise.

L'opinion de certains représentants de la doctrine selon laquelle la compétence du Conseil fédéral d'édicter des ordonnances et de prendre des décisions en cas de troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure devrait se limiter aux mesures policières classiques50 ne correspond ni à la volonté du constituant, ni à la jurisprudence du Tribunal fédéral, ni à l'opinion majoritaire au sein de la doctrine.

Il est indéniable que le Conseil fédéral n'a jamais autant édicté d'ordonnances de nécessité fondées directement sur la Constitution que dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 et de la gestion de la crise. Cependant, cette application massive de l'art. 185, al. 3, Cst. n'était nullement le fruit d'un changement de pratique au niveau légal, mais l'expression des défis extraordinaires qu'il fallait relever51. Nombre d'ordonnances édictées en mars 2020 par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 185, al. 3, Cst. (allocations pour perte de gain, aides d'urgence et aides immédiates pour certains secteurs professionnels et entreprises) avaient pour but de garantir l'existence économique de particuliers et d'entreprises dont l'activité professionnelle était à l'arrêt en raison des mesures de protection qui avaient été ordonnées. Comme lors du sauvetage d'UBS, la stabilité économique était en jeu: à l'époque, c'est le problème du «too big to fail» qui se posait pour les grandes banques; lors de la crise du Covid-19, c'est la 50

51

Par ex. Biaggini, 2020, pp. 256 s. [en allemand]: Biaggini critique l'extension, dans les ordonnances Covid-19 du Conseil fédéral, du dispositif policier de lutte contre les risques au moyen de subventionnements étatiques, notamment d'aides financières allouées à des individus et à des entreprises.

Par ex. Susanne Kuster, Navigieren auf Sicht. Grundsatzentscheide hinter den Kulissen zu den Notverordnungen des Bundesrates in der Covid-19-Krise, in: Jusletter du 15.2.2021, No17 [en allemand].

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question du «too many to fail» qui s'est posée52. Avec une définition plus stricte de la notion de bien à protéger, le Conseil fédéral aurait, certes, quand même pu prendre des mesures de protection drastiques en se fondant sur la LEp; toutefois, faute de bien digne de protection, les personnes fortement touchées sur les plans économique et social par les mesures en question auraient été laissées seules face à leur destin, du moins jusqu'à l'adoption de la législation urgente par le Parlement. Cela aurait été contraire à la volonté exprimée lors de l'adoption de la Constitution selon laquelle le maintien de la sécurité intérieure consiste également à «empêcher les crises sociales»53. Certains représentants de la doctrine considèrent même que le Conseil fédéral est tenu, en raison de ses obligations en matière de protection des droits fondamentaux, de prendre des mesures de droit d'urgence visant à atténuer les répercussions économiques d'une crise54.

Les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral ne prennent réellement tout leur sens que si elles peuvent se substituer non seulement à une norme législative qui ferait défaut, mais aussi à une norme législative inadaptée à la situation d'urgence (donc, concrètement, à une norme qui ferait défaut dans cette situation d'urgence). Une situation d'urgence ne peut jamais se définir par ce que le législateur a pensé pour le cas normal.

Les ordonnances de nécessité que le Conseil fédéral édicte lors de troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure sont l'instrument adéquat même si elles dérogent à la législation en vigueur.

En effet, tout autre système serait on ne peut moins convaincant: ni la possibilité de travailler en se fondant sur le droit de nécessité extraconstitutionnel, ni l'adoption, en début de crise, d'une loi fédérale urgente octroyant les compétences nécessaires au Conseil fédéral (cette proposition a été formulée lors des auditions menées par les CIP, cf. ch. 2.4.3.2) ne semblent adéquates. D'une part, les conseils devraient adopter une loi dans les délais les plus brefs (à peine quelques heures, dans certaines circonstances), alors qu'ils ne disposent que de maigres informations. Dans ce court laps de temps, il faut aussi compter l'examen préalable en commission et
la procédure d'élimination des divergences. D'autre part, on pourrait se demander ce que de telles clauses de délégation, forcément formulées de manière ouverte, auraient concrètement apporté à la réglementation en termes de clarté, de délimitation et de lisibilité, sous l'angle du principe de la légalité et de la souveraineté législative du Parlement. Vu qu'il n'est pas toujours possible de savoir comment va évoluer une crise lorsqu'elle en est à ses débuts ­ et la crise du Covid-19 l'a bien montré ­, l'un ou l'autre domaine à réglementer risquerait fort bien d'être oublié.

52

53

54

Tomas Poledna/Ralph Trümpler/Gregori Werder, Entschädigung von Gesundheitseinrichtungen zu Zeiten der Epidemie und Pandemie, ZSR/RDS 2020, numéro spécial, p. 116 [en allemand].

Message du 20.11.1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale (FF 1997 I 1, en l'occurrence 406); cf. également Frédéric Bernard, Les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral dans la lutte contre les épidémies, ZBl 2021, p. 141.

Florian Brunner/Martin Wilhelm/Felix Uhlmann, Das Coronavirus und die Grenzen des Notrechts, AJP 2020, p. 695 [en allemand]; Andreas Stöckli, Gewaltenteilung in ausserordentlichen Lagen ­ quo vadis? Lehren aus der Corona-Krise, Jusletter du 15.2.2021, ch. marg. 10.

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Enfin, il faut souligner que l'art. 7d LOGA restreint fortement la durée de validité des ordonnances de nécessité édictées par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 185, al. 3, Cst. et que le Parlement peut intervenir à tout moment dans les ordonnances du Conseil fédéral, en faisant usage de son propre droit d'édicter des ordonnances de nécessité visé à l'art. 173, al. 1, let. c, Cst. ou en adoptant des lois fédérales urgentes.

3.2.5.6

Pas de modification de l'art. 7d LOGA

Comme cela a été expliqué plus haut, le mécanisme prévu à l'art. 7d LOGA a fait ses preuves. Cet article dispose que le Conseil fédéral doit, dans un délai de six mois après l'entrée en vigueur des ordonnances de nécessité qu'il a édictées, soumettre à l'Assemblée fédérale un projet établissant la base légale de leur contenu, si les dispositions correspondantes doivent continuer d'être appliquées. Il est ainsi possible, dans les situations de crise durable telles que celle qu'a provoquée le Covid-19, d'asseoir de nouveau, et dans un laps de temps raisonnable, le processus de prise de décision sur une base démocratique plus large.

S'agissant de la limitation dans le temps des ordonnances de l'Assemblée fédérale, la formulation de l'art. 7d, al. 3, LOGA peut laisser supposer que la durée de validité de trois ans inscrite dans cette disposition ne s'applique qu'aux ordonnances visées à l'art. 173, al. 1, let. c, Cst., qui remplacent les ordonnances de nécessité du Conseil fédéral. Or, ce ne peut pas être ce qu'a voulu le législateur. Il faut donc préciser ici que toutes les ordonnances de nécessité de l'Assemblée fédérale sont limitées dans le temps.

3.2.5.7

Ressources nécessaires à l'exercice de compétences parlementaires relevant du droit de nécessité

Dans les chapitres précédents, on a montré que l'Assemblée fédérale peut déroger aux ordonnances de nécessité du Conseil fédéral dont elle est insatisfaite en légiférant ellemême (ordonnances de nécessité ou lois fédérales urgentes). Cela suppose que les textes normatifs correspondants assortis des rapports explicatifs puissent être élaborés. En outre, le présent projet renforce les droits de participation du Parlement en situation de crise. Ainsi, le droit du Parlement à être consulté est fortement étendu, puisque toutes les ordonnances de nécessité doivent être soumises aux commissions compétentes. Cela exige de ces dernières qu'elles se prononcent très rapidement sur des textes normatifs parfois complexes.

Pour ce faire, les commissions parlementaires ont besoin du soutien des services concernés de l'administration et de leur secrétariat. Lors de la pandémie, il est apparu que, en particulier en temps de crise, les commissions ne pouvaient pas toujours compter sur le soutien plein et entier de l'administration et que les ressources de leur secrétariat étaient limitées.

Il y a donc lieu d'examiner comment s'assurer que, à l'avenir, les commissions puissent bénéficier d'un soutien spécialisé dans l'accomplissement de leurs travaux même en situation de crise. Il y a lieu de souligner à ce sujet que les modestes ressources 56 / 74

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disponibles font que, même en temps normal, le Parlement, ses organes et ses membres sont limités dans l'exercice des divers droits dont ils disposent. La situation est d'autant plus problématique en temps de crise, avec la fébrilité prédominante.

C'est pourquoi il va falloir déterminer quelles ressources devront être mises à disposition, à quel moment et à quel endroit afin que le Parlement puisse exercer ses droits en situation de crise également. Lorsqu'elle s'est penchée sur cette problématique, la sous-commission a été confrontée à des questions difficiles auxquelles elle n'a, pour l'heure, pas été en mesure de répondre; elles devront faire l'objet d'un examen en temps voulu par l'organe compétent en matière de ressources. L'art. 38, al. 3, du présent projet donne explicitement à la future Commission administrative le mandat de veiller à ce que l'Assemblée fédérale et ses organes disposent des ressources et des infrastructures nécessaires.

3.2.5.8

Ex-cursus: la loi fédérale urgente

Si une crise se prolonge, des mesures peuvent et doivent être prises par la voie législative habituelle, avec le concours du Parlement. Si des mesures urgentes sont nécessaires, on peut recourir à la loi fédérale urgente, à l'instar de la loi Covid-19 qui contenait les bases légales nécessaires pour les mesures urgentes de lutte contre la pandémie. Cet exemple illustre bien le fait que les circonstances peuvent changer en permanence, rendant nécessaires de nouvelles mesures et, partant, l'adaptation en conséquence de la législation. Si un référendum est lancé contre une loi de ce genre, il est possible que celle-ci subisse des modifications avant même que la votation ait lieu. Il faut alors se demander ce qu'il advient des changements décidés par le Parlement après le lancement du référendum mais avant la votation populaire.

S'agissant de la loi Covid-19, le Conseil fédéral a indiqué que les modifications adoptées a posteriori seraient abrogées elles aussi si la loi était rejetée en votation populaire. Si le référendum est demandé contre l'acte de base déclaré urgent, les modifications postérieures de celui-ci (également déclarées urgentes, le cas échéant) qui ont été adoptées avant le vote référendaire ne font pas formellement partie de l'objet soumis au vote. Elles sont toutefois liées à l'acte de base et ne peuvent subsister sans lui des points de vue juridique et pratique. L'objet et les principes s'appliquent à toute la loi. En outre, si les modifications postérieures portent sur des dispositions concrètes de l'acte de base, elles lui sont obligatoirement liées (par ex. si la modification porte sur l'ajout d'un alinéa à un article qui en comportait déjà 4) et ne pourraient donc continuer à s'appliquer si l'acte de base était rejeté en votation populaire (le 5e alinéa ne pourrait pas exister indépendamment des 4 autres qui, eux, seraient rejetés).

Les modifications postérieures déclarées urgentes cessent par conséquent de produire leur effet en même temps que l'acte de base déclaré urgent, si celui-ci est rejeté lors du vote référendaire.

La sous-commission partage cet avis. Néanmoins, elle considère que des points demeurent en suspens s'agissant des conséquences de cette interprétation sur l'exigence selon laquelle une loi fédérale déclarée urgente qui n'a pas été acceptée en votation ne
peut pas être renouvelée (art. 165, al. 4, Cst.). La question se pose de savoir quelles dispositions peuvent être renouvelées, et dans quel délai. Il faudrait aussi clarifier 57 / 74

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quelles seraient les dispositions qui seraient abrogées en cas d'aboutissement du référendum et quelles seraient celles qui seraient maintenues. C'est pourquoi la CIP-N a déposé un postulat intitulé «Clarification concernant les référendums urgents» (22.3010), qui charge le Conseil fédéral de procéder aux clarifications qui s'imposent.

4

Commentaire des dispositions

4.1

Loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement

Art. 2 Al.

Réunion des conseils

3bis

L'instrument de la session extraordinaire vise à garantir que l'Assemblée fédérale puisse prendre des décisions en urgence lorsque des circonstances l'exigent et qu'aucune session ordinaire n'a lieu à ce moment-là. Ainsi, l'al. 3 énumère les objets pour lesquels une session extraordinaire peut être demandée afin que l'Assemblée fédérale prenne des décisions. Par exemple, le dépôt de motions de teneur identique aux deux conseils peut mener à ce qu'un mandat soit confié au Conseil fédéral.

Conformément à l'art. 37, al. 2, let. a, LParl, il appartient à la Conférence de coordination de fixer la date de la convocation des conseils. Afin de ne pas alourdir la charge de travail des députés et par souci de rationalisation de la procédure, les sessions extraordinaires sont souvent organisées pendant des sessions ordinaires.

En situation de crise, il est toutefois important que les conseils puissent se réunir rapidement. Par conséquent, il faut qu'un quart des membres d'un conseil ou le Conseil fédéral puissent demander la convocation immédiate des conseils en session extraordinaire lorsque les conditions prévues sont remplies.

Dans ces cas également, il est nécessaire de désigner les objets qui y seront examinés (al. 3).

Let. a La convocation immédiate des conseils peut être demandée lorsque le Conseil fédéral édicte ou modifie des «ordonnances de nécessité» en se fondant directement sur la Constitution ou sur une compétence conférée par une base légale relative à la gestion d'une crise. Naturellement, il existe aussi des ordonnances fondées sur l'art. 184 Cst.

notamment, qui ne sont pas contestées et ne servent pas à la gestion d'une crise, mais on peut alors partir du principe qu'elles ne susciteront pas de demande de convocation des conseils en session extraordinaire. Les conseils peuvent aussi être convoqués sans délai en session extraordinaire lorsque le Conseil fédéral a édicté des ordonnances fondées sur l'art. 55 de la loi sur l'asile (RS 142.31), sur l'art. 62 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (RS 281.1), sur les art. 31 à 34 de la loi sur l'approvisionnement du pays (RS 531), sur les art. 6 et 7 de la loi sur le tarif des douanes (RS 632.10), sur l'art. 48 de la loi sur les télécommunications (RS 784.10) ou sur les art. 6 à 7 de la loi sur les épidémies (RS
818.101). Il s'agit en l'occurrence de dispositions concernant la gestion des crises qui, comme dans le cas des ordonnances de nécessité fondées sur l'art. 185, al. 3, Cst., habilitent le Conseil fédéral à édicter des ordonnances dans un domaine particulier lorsqu'elles s'imposent pour parer à des 58 / 74

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troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure.

Les objets qui seraient examinés lors de la session extraordinaire pourraient être des motions de teneur identique déposées aux deux conseils portant sur des ordonnances de nécessité du Conseil fédéral.

Let. b Par ailleurs, l'organisation d'une session extraordinaire ne doit pas dépendre de l'action du Conseil fédéral. Si une commission parlementaire estime qu'il est urgent de prendre des mesures, elle peut élaborer un projet d'acte en vue d'édicter une ordonnance de l'Assemblée fédérale ou d'adopter une loi fédérale urgente. Si un tel projet d'acte recueille la majorité au sein de la commission, il est clair que plusieurs groupes parlementaires le soutiennent, si bien qu'il se trouvera vraisemblablement un quart des membres du conseil pour demander la convocation immédiate des conseils en session extraordinaire.

Let. c Enfin, la convocation immédiate peut aussi être demandée lors que le report ou la fin anticipée de la session au sens de l'art. 33a LParl a été décidé. Un quart des membres d'un conseil peut demander que les objets qui n'ont pas été examinés lors de la session reportée ou prématurément terminée soient traités lors de la session extraordinaire, mais peut aussi proposer de nouveaux objets.

La notion d'immédiateté («sans délai») signifie que les conseils doivent être convoqués le plus rapidement possible. Cette notion est utilisée à l'art. 185, al. 4, Cst.

Art. 10a

Participation en ligne à des séances du conseil

L'art. 10a LParl constitue une exception à l'obligation de participer physiquement aux séances prévue à l'art. 10. Il s'appuie sur la loi fédérale urgente, adoptée par les conseils à la session d'hiver 2020, permettant aux membres du Conseil national de voter à distance (20.483). Le nouvel art. 10a va plus loin, car il prévoit que les députés peuvent exercer tous leurs droits même s'ils ne sont pas présents physiquement. Il peut être judicieux de faire appel à cet instrument lorsque seul un nombre restreint de députés sont dans l'incapacité de participer physiquement aux séances et que, partant, il n'est pas indiqué d'organiser une session totalement numérique au sens de l'art. 32a.

Al. 1 L'instrument de la participation à distance de députés ne doit être utilisé qu'exceptionnellement, lorsque plusieurs députés pourraient être empêchés de participer physiquement aux séances. Cette situation peut survenir lors d'une épidémie, mais également en cas de catastrophe naturelle dans une région précise, par exemple. Sur la proposition du bureau ou de députés, un conseil peut ainsi décider d'utiliser cet instrument. Il s'agit d'un instrument visant à garantir la participation des députés dans des situations particulières de crise, non d'un instrument pouvant être utilisé à volonté en temps normal (cf. al. 2).

Le fait que tous les députés ne participent pas physiquement aux séances constitue une atteinte relativement importante au parlementarisme en général et au travail des 59 / 74

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conseils en particulier. C'est la raison pour laquelle cet instrument ne doit être utilisé que si la majorité du conseil estime que la situation l'exige. La question de savoir si l'utilisation de cet instrument est indiquée ne doit pas être laissée à l'appréciation du député concerné: il n'existe pas de droit de participer aux séances à distance.

Dans tous les cas, la majorité des membres doivent être présents physiquement, conformément à l'art. 159, al. 1, Cst. Il n'est pas question ici d'une séance numérique au sens de l'art. 32a: cet instrument-là doit être utilisé si la participation physique de plus de la moitié des députés n'est pas possible.

Al. 2 L'al. 2 mentionne les conditions permettant à un député de participer en ligne à des séances de son conseil, dès lors que celui-ci a permis l'utilisation de cet instrument.

Un député ne saurait être empêché de participer à une session en raison de mesures prises par une autorité. En premier lieu, on pense naturellement aux mesures prises par un canton pour lutter contre une épidémie, mais des mesures prises par une autorité dans un autre but sont aussi envisageables. Outre la condition des «mesures prises par une autorité», il y a lieu de prévoir celle d'«un autre cas de force majeure», par analogie avec les art. 1051, al. 1, et 1131, al. 1, du code des obligations (CO). Par exemple, il peut s'agir d'une catastrophe naturelle empêchant un ou plusieurs députés d'une région de se rendre à Berne. L'analogie avec les dispositions du CO permet d'exprimer clairement que «les faits purement personnels», propres aux personnes concernées, ne sont pas considérés comme constituant des cas de force majeure. Cette formulation exclut les problèmes de santé ou les motifs liés à la parentalité. Ainsi, la prise en charge d'un enfant malade ne justifie pas non plus la participation numérique à une séance.

La participation à distance à des séances du conseil s'inspire plutôt du principe de la garantie de participation aux sessions prévu à l'art. 20 LParl: un député ne doit pas être empêché de participer à une session en raison de motifs extérieurs, notamment de décisions prises par une autorité.

Pour que les mesures de planification nécessaires puissent être prises, il faut que la participation numérique soit annoncée en temps voulu.

Al. 3 Les conditions
techniques permettent désormais aux députés de déposer des propositions, poser des questions, faire office de rapporteur de la commission, etc. Par contre, en raison des exigences liées au maintien du secret, la participation numérique est exclue pour les élections et les délibérations à huis clos. Les conditions techniques permettant de garantir le secret du vote lors d'élections organisées par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) en ligne (par ex. élection des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral) ne sont pas réunies. Faute de solution standard ad hoc, il faudrait développer une solution spécifique, ce qui impliquerait une énorme charge de travail pour exploiter le système, le tester en continu et l'actualiser. C'est la raison pour laquelle on renoncera ici à prévoir la possibilité, pour certains députés, de participer à distance aux séances de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), laquelle procède à la plupart des élections.

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Al. 4 Pour des raisons liées à la transparence, il y a lieu d'indiquer qui participe à une séance hors de la salle du conseil.

Art. 22

Législation

Al. 3 L'art. 22 LParl prévoit des exceptions au droit des commissions d'être consultées, lorsque l'urgence l'exige. Il y a lieu de prévoir, à l'art. 151, al. 2bis, un droit de consultation élargi concernant les «ordonnances de nécessité», pour lesquelles l'urgence est généralement établie. Par conséquent, il faut prévoir ici une réserve correspondante. Le fait de soumettre un projet pour consultation signifie que le Conseil fédéral soumet ses projets d'ordonnance à la commission. Si celle-ci souhaite prendre position, elle est tenue, parfois dans des délais très courts, de s'organiser pour pouvoir donner son avis.

Art. 32

Siège de l'Assemblée fédérale

Al. 3 Lorsque l'Assemblée fédérale ne peut siéger à Berne en raison d'une crise, elle doit pouvoir désigner rapidement un autre lieu sans que les conseils doivent se réunir pour prendre une telle décision. Par conséquent, il y a lieu de déléguer la compétence de désigner un autre lieu à la Conférence de coordination. Il s'agit d'une compétence exclusive. Le Bureau du Conseil national soutient cette modification.

Art. 32a

Séances du conseil tenues en ligne

Cet article doit permettre aux conseils d'organiser des séances en ligne.

Al. 1 Une séance d'un conseil ne peut être menée en ligne que si le conseil ne peut se réunir physiquement. Pour chaque conseil, le bureau peut décider de mener une séance en ligne de sa propre initiative ou sur la proposition d'un député. Cette décision peut être contestée au conseil au moyen d'une motion d'ordre. Il n'est pas nécessaire que les deux conseils siègent en ligne: il peut arriver que les conditions permettent au Conseil des États, mais pas au Conseil national, de siéger physiquement.

Al. 2 Étant donné que les conditions techniques ne permettent pas d'organiser des élections et des délibérations à huis clos au sens de l'art. 4, al. 2, LParl en ligne, celles-ci doivent être exclues. Il s'agit maintenant de savoir comment agir si l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) ne peut pas se réunir en présentiel ­ par exemple en raison d'une pandémie ­ alors qu'elle doit procéder au renouvellement intégral du Conseil fédéral ou du Tribunal fédéral. Une solution envisageable serait que l'Assemblée fédérale promulgue une loi fédérale urgente dans laquelle elle prolonge temporairement la durée du mandat des magistrats concernés. Si le Conseil fédéral devait perdre sa capacité 61 / 74

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d'action en raison d'une crise, c'est l'art. 33, al. 3, LParl qui s'appliquerait, en vertu duquel le président du Conseil national ou, s'il est empêché, le président du Conseil des États, est tenu de réunir les conseils en pareil cas. Néanmoins, avant cela, c'est le Conseil fédéral qui est tenu, en vertu de l'art. 6, al. 3, LOGA, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer en tout temps l'activité gouvernementale; ainsi, s'il n'est pas possible de réunir le Conseil fédéral en séance ordinaire ou extraordinaire, le président de la Confédération décide à la place de celui-ci (art. 26, al. 2 LOGA).

Al. 3 Il y a lieu de limiter dans le temps l'organisation de séances numériques: par exemple, les bureaux ne peuvent pas décider que les conseils siègent en ligne «jusqu'à nouvel ordre», notamment parce que les aspects informels du travail parlementaire sont considérablement limités lorsque les conseils ne se réunissent pas physiquement. Par conséquent, le bureau doit déterminer quelles séances (et non sessions) doivent être tenues en ligne et quels objets doivent être inscrits à leur ordre du jour. En situation de crise, il est probable que le bureau désignera une série de décisions urgentes que le conseil doit prendre et n'inscrira à l'ordre du jour que les objets concernés. Naturellement, il peut arriver qu'une session entière soit menée en ligne.

Art. 33a

Report ou fin anticipée d'une session

Al. 1 Selon le droit en vigueur, un conseil peut décider d'interrompre ses séances en adoptant une motion d'ordre. Toutefois, il ne peut le faire que si cela n'entrave pas la coordination avec l'autre conseil. Par exemple, un conseil ne peut pas décider d'annuler pour lui-même la troisième semaine d'une session, car l'autre conseil pourrait alors ne pas être en mesure de procéder aux votes finaux. Par conséquent, le report ou la fin anticipée d'une session nécessite l'approbation des deux conseils.

Al. 2 Il se peut qu'il soit nécessaire, dans une situation exceptionnelle, de reporter une session ou d'y mettre fin de manière anticipée en raison d'une crise apparue soudainement, alors que les conseils ne sont pas réunis et qu'il est impossible, à court terme, de les convoquer pour une session en ligne. Il faut alors que la Conférence de coordination ait la compétence de reporter la session ou d'y mettre fin de manière anticipée.

Si les bureaux n'optent pas pour la poursuite de la session en ligne au sens de l'art. 32a, ils peuvent fixer une date à laquelle la session doit être poursuivie en présentiel. Si une minorité souhaite siéger plus tôt que ne le propose la Conférence de coordination, elle peut avoir recours à l'instrument de la demande de convocation en session extraordinaire visé à l'art. 2 LParl.

Art. 37

Conférence de coordination

L'art. 37, al. 2, let. c, LParl prévoit que la Conférence de coordination peut édicter des directives sur l'attribution de ressources humaines ou financières aux organes de l'Assemblée fédérale. Or, les directives en vigueur ont été édictées par la Délégation administrative, et non par la Conférence de coordination, en dépit d'une attribution de 62 / 74

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compétence claire. Ce faisant, la Délégation administrative s'est fondée sur l'ordonnance de l'Assemblée fédérale relative à la loi sur les moyens alloués aux parlementaires (RS 171.211). Si la Délégation administrative est remplacée par une commission administrative, à la composition plus constante, il est judicieux que cette dernière dispose de la compétence en question, d'autant plus si la commission administrative doit garantir que l'Assemblée fédérale et ses organes disposent bien des ressources et des infrastructures dont ils ont besoin. Il y a donc lieu d'abroger l'art. 37, al. 2, let. c.

Si, comme le propose une minorité (Pfister Gerhard, Addor, Binder, Bircher, Buffat, Cottier, Glarner, Marchesi, Moret, Romano, Steinemann), le secrétaire général de l'Assemblée fédérale devait désormais être élu par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies), il faudrait alors biffer la compétence correspondante de la Conférence de coordination à l'art. 37, al. 2, let. d.

Art. 38

Commission administrative

La DA en place jusqu'à présent doit être remplacée par une commission administrative. L'art. 38, qui réglait la composition et les attributions de la DA, doit donc être adapté en conséquence.

Al. 1 La Commission administrative (CA) se compose de quatre membres permanents de chaque conseil ainsi que des présidents des conseils, qui y siègent d'office pendant un an. Ces derniers servent de relais entre la CA, d'une part, et les bureaux des conseils et les collèges présidentiels des conseils, d'autre part.

Une minorité (Moret, Cottier, Pfister Gerhard, Romano, Silberschmidt) propose que les premiers vice-présidents des conseils fassent aussi partie de la CA. Le Bureau du Conseil national soutient cette proposition de minorité, car, selon lui, pour que les décisions remportent l'adhésion, il est important que les vice-présidents continuent d'être représentés dans l'organe de direction.

Al. 2 La désignation des membres permanents a lieu conformément aux dispositions de l'art. 43, al. 1, LParl. Ainsi, les bureaux désignent les membres de leur conseil qui siègeront au sein de la CA pour quatre ans. Ces membres ne peuvent pas simultanément faire partie du bureau. À l'unanimité, la commission a rejeté une proposition du bureau visant à biffer cette disposition à caractère restrictif (les arguments sont exposés au ch. 3.2.2).

La désignation du collège présidentiel de la CA a lieu conformément à l'art. 43, al. 2, LParl: le président et le vice-président sont donc désignés par la Conférence de coordination; ils ne peuvent pas être membres du même conseil. Cela permet de garantir que la présidence est assumée à tour de rôle par un membre de chaque conseil. Par ailleurs, le président d'une commission ayant toujours un mandat de deux ans, les présidents des conseils ne pourront jamais faire partie du collège présidentiel de la CA.

En raison de la taille restreinte de cet organe, il n'est pas possible d'appliquer strictement les règles relatives à la force numérique des groupes parlementaires prévues à 63 / 74

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l'art. 43, al. 3. Parmi les huit sièges permanents de la CA, chaque groupe parlementaire a si possible droit au moins à un siège. Si les conseils comptent plus de huit groupes parlementaires, les principaux groupes sont représentés au sein de la CA. Si le nombre des groupes parlementaires est inférieur à huit, l'attribution des sièges se fait en prenant en considération la force numérique des groupes de manière appropriée.

La CA est un petit organe qui doit assumer des tâches à haute responsabilité, y compris des tâches relevant du personnel. Il est donc judicieux d'assurer une certaine continuité: pour cette raison, ses membres ne peuvent se faire remplacer.

Étant donné que la CA disposera d'un collège présidentiel désigné pour deux ans, il n'est plus nécessaire de désigner un délégué. Le président de la CA n'est pas, simultanément, président d'un conseil, de sorte qu'il pourra reprendre les tâches assumées jusqu'à présent par le délégué.

Al. 3 L'ancien al. 2 est complété par une deuxième phrase soulignant l'importance des ressources et des infrastructures pour le travail des conseils et, en particulier, celui des commissions. La responsabilité de la CA découle également de sa fonction de direction suprême de l'administration du Parlement. Cette mention spécifique doit servir de principe directeur dans l'exercice des fonctions spéciales assumées par la CA dans le processus budgétaire au sens de l'art. 142, al. 3, LParl. Jusqu'à présent, seule l'OLPA mentionnait explicitement cette compétence budgétaire. La DA (ou la CA) dispose, vis-à-vis du Parlement, de compétences étendues en la matière: ainsi, elle a également le droit de procéder à des dépenses urgentes avec l'assentiment de la Délégation des finances conformément à l'art. 34 LFC. La compétence d'édicter des directives sur l'attribution de ressources aux organes de l'Assemblée fédérale, actuellement attribuée à la Conférence de coordination en vertu de l'art. 37, al. 2, let. c, LParl, est transférée à la CA.

Al. 4 Il y a lieu de reprendre cette dérogation au principe du système bicaméral.

Al. 5 La CA assume en premier lieu des tâches administratives et n'a aucun droit d'initiative. Toutefois, il se peut qu'elle estime qu'il y a lieu d'intervenir dans le domaine du droit parlementaire. Par conséquent, il convient de lui octroyer le droit
actuellement dévolu à la DA d'adresser des propositions à d'autres organes, notamment aux bureaux ou aux Commissions des institutions politiques, de sorte que ceux-ci élaborent un projet, par exemple.

Art. 45a

Séances

Il convient d'insérer un article portant sur les conditions et les responsabilités en matière de convocation des commissions à des séances après les articles portant sur la composition et les tâches des commissions. La plupart des dispositions peuvent être déduites des règlements des conseils, qui fixent les compétences des bureaux et des 64 / 74

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présidents des commissions. Il s'agit désormais de les inscrire et de les préciser au niveau de la loi.

Al. 1 Conformément à l'art. 9, al. 1, let. e, du règlement du Conseil national (RCN) et à l'art. 6, al. 1, let. f, du règlement du Conseil des États (RCE), les bureaux des conseils arrêtent le plan annuel des séances des commissions. Inscrire cette règle au niveau de la loi permet d'y ancrer la continuité de l'activité des commissions. Les commissions et délégations non permanentes ne sont pas concernées par le plan annuel arrêté par les bureaux. Toutefois, elles peuvent se doter de leur propre plan des séances, ce qu'elles font d'ailleurs. Font exception les commissions qui ne se réunissent que lorsqu'un cas concret se présente, comme la Commission des grâces.

Al. 2 Conformément à l'art. 16, al. 1, let. a, RCN et à l'art. 12, al. 2, let. a, RCE, les présidents ont la compétence d'établir la planification des travaux des commissions. À ce titre, ils peuvent notamment annuler des séances ou prévoir des séances supplémentaires; la plupart du temps, ils consultent les membres de leur commission avant d'ajouter une séance. Le droit de la commission à siéger à une date qui avait été annulée ou à décider elle-même de tenir une séance supplémentaire reste réservé. Vu que le droit de fixer des séances supplémentaires a fait l'objet de controverses par le passé, il convient de l'inscrire au niveau de la loi.

Al. 3 L'al. 3 permet d'inscrire dans la loi une situation qui s'est déjà produite dans la pratique: il prévoit que l'organisation urgente d'une séance entre les séances ordinaires peut être proposée si le requérant estime que le traitement d'un objet est urgent.

Le président est tenu de consulter sans délai les membres de la commission de sorte que la majorité des membres puisse décider de tenir ou non une séance. En règle générale, la consultation des membres de la commission se fera par voie de correspondance; par conséquent, l'approbation de la majorité des membres sera exigée, à la différence de ce qui se passe lors d'un vote concernant une motion d'ordre relative à la tenue d'une séance supplémentaire, qui a lieu au cours d'une séance de commission.

Il apparaît ainsi clairement qu'une séance pourra avoir lieu si la majorité des membres a répondu en approuvant la proposition.

Une minorité
(Marti Samira, Barrile, Flach, Glättli, Gredig, Gysin Greta, Kälin, Marra, Suter, Widmer Céline) propose qu'un tiers des membres puisse demander la réunion de la commission. Il y a lieu d'inscrire ce droit d'une minorité de la commission dans la loi, sur le modèle de l'art. 2, al. 3, LParl, afin qu'une minorité puisse obtenir la tenue d'une séance de commission, en particulier en temps de crise, si le président n'est pas du même avis. Le président devrait réunir la commission si le nombre voulu de membres en fait la demande (en arrondissant par ex. à 9 membres sur 25 ou 5 membres sur 13) et si une proposition à examiner a été déposée. Par exemple, il peut s'agir d'une proposition visant à déposer une intervention de commission ou à mener des auditions. La commission décide si elle souhaite procéder à l'examen de fond de la proposition à cette séance ou ultérieurement. Au début de la 65 / 74

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séance, la commission peut adopter une motion d'ordre visant à mettre un terme à cette même séance.

Art. 45b

Séances numériques

Al. 1 L'al. 4 permet d'inscrire dans la loi les conditions de l'organisation de séances de commission numériques. Il est prévu que celles-ci ne peuvent être tenues que si la commission ne peut se réunir physiquement ou si des décisions urgentes ou des décisions relatives à la procédure doivent être prises. Une décision relative à la procédure peut consister à déterminer s'il y a lieu de mener une audition ou si un projet doit être mis à l'ordre du jour plus tôt que prévu. Les questions de procédure faciles à régler, comme celle de savoir si une séance doit avoir lieu, doivent continuer d'être traitées par voie de correspondance, par souci de simplicité. En effet, contrairement à une décision par voie de correspondance, une séance numérique doit, à l'instar d'une séance en présentiel, faire l'objet d'une invitation écrite contenant l'ordre du jour et doit avoir lieu à un moment où les députés sont disponibles.

Une décision urgente peut être nécessaire si une ordonnance urgente est soumise à la commission pour consultation ou si la commission doit encore prendre une décision en vue de la session à venir. La possibilité de prendre des décisions urgentes ou des décisions relatives à la procédure dans le cadre de séances numériques ne signifie pas que les canaux habituels ne seront plus disponibles: il sera peut-être plus efficace de prendre ces décisions comme auparavant par voie de correspondance ou dans le cadre de séances en présentiel.

Les séances numériques ne peuvent être menées qu'au moyen d'un système approprié répondant à certaines normes de confidentialité. De tels outils ne peuvent jamais garantir une sécurité maximale, en particulier parce que les députés participent aux séances en des lieux qu'ils ont définis eux-mêmes, ce qui constitue un certain obstacle à la garantie de la confidentialité. Par conséquent, il convient de souligner que le secret sur le contenu des séances selon l'art. 47 LParl s'applique aussi lors de séances numériques. L'art. 150, al. 3, LParl s'applique lui aussi: les commissions doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien du secret. Concrètement, cela signifie, en l'état actuel de la technique, qu'aucun objet dont le traitement nécessite des informations classifiées «confidentiel» ou «secret» ne peut être mis à l'ordre du jour de séances
numériques.

Si la commission siège en ligne, tous ses membres y participent de cette façon. Il n'est pas prévu que seuls certains membres participent en ligne, puisque les députés qui ne peuvent être présents peuvent se faire remplacer.

Al. 2 La décision d'organiser ou non une séance de commission numérique ne doit pas relever de la compétence du seul président. L'al. 2 dispose que, outre l'assentiment du président, l'organisation d'une séance numérique doit recueillir celui de la majorité des membres. Le président peut alors demander aux membres de la commission par voie de correspondance, probablement par courrier électronique, s'ils souhaitent siéger en ligne. Si la moitié des membres plus un approuvent cette demande, la séance 66 / 74

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peut être menée de cette façon, pour autant que le président le souhaite également.

C'est la procédure qui a été suivie pendant la crise du Covid-19. On exige la majorité des membres de la commission, car la majorité simple serait difficile à déterminer par voie de correspondance. En effet, il est difficile de définir clairement si les membres n'ayant pas participé au sondage approuvent ou non la tenue d'une séance numérique.

Al. 3 Lorsque la possibilité de se faire remplacer n'est pas prévue pour certaines commissions ou délégations, il peut être judicieux de permettre à un membre ne pouvant pas participer à la séance en présentiel d'y participer en ligne. Il peut également être judicieux que des participants à des auditions prennent part en ligne à une séance de commission qui a lieu en présentiel. En règle générale, ces personnes ont préparé une présentation et répondent à des questions: elles ne participent pas aux discussions et aux délibérations. Le président de la commission peut décider au cas par cas s'il est judicieux de prévoir la possibilité de participer en ligne.

Une minorité (Addor, Bircher, Buffat, Glarner, Marchesi, Pfister Gerhard, Rutz Gregor, Steinemann) propose de biffer cet alinéa. Une autre minorité (Addor, Bircher, Buffat, Glarner, Marchesi, Pfister Gerhard, Romano, Rutz Gregor, Steinemann) souhaite que la possibilité de prendre part en ligne à une séance en présentiel soit réservée aux participants externes et une troisième minorité (Cottier, Flach, Gredig, Moret) propose que les membres de la commission qui ne peuvent légalement pas se faire remplacer aient aussi cette possibilité, mais uniquement avec l'accord de la commission concernée.

Art. 65

Direction des Services du Parlement (minorité Pfister Gerhard, Addor, Binder, Bircher, Buffat, Cottier, Glarner, Marchesi, Moret, Romano, Steinemann)

La minorité propose d'ajouter un al. 2bis prévoyant que le secrétaire général est désormais élu par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies). L'élection aurait lieu au début de chaque législature. L'art. 26 OLPA devrait alors être adapté en conséquence.

Comme la majorité de la CIP-N, le bureau est lui aussi favorable au maintien du système actuel.

Art. 112

Collaboration avec le Conseil fédéral et l'administration fédérale

Al. 3bis Ce nouvel alinéa précise la notion de «délai raisonnable» visée à l'al. 3 pour le cas où l'Assemblée fédérale souhaite élaborer une «ordonnance de nécessité» du Parlement ou une loi fédérale urgente. Dans la pratique, un «délai raisonnable» consiste à donner au Conseil fédéral au moins six semaines, de sorte qu'il puisse mener les procédures ordinaires de préparation de ses décisions. Dans les cas concernés où il est urgent de légiférer au sens de l'al. 3bis, les projets de la commission doivent souvent pouvoir être déjà traités à la session qui suit, de sorte que seuls des délais très courts peuvent être donnés au Conseil fédéral.

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Art. 121

Examen dans les conseils

Al. 1bis L'art. 121, al. 1, donne au Conseil fédéral au moins un mois pour présenter sa proposition concernant des motions, de façon à ce que les procédures ordinaires relatives à la préparation des décisions du Conseil fédéral puissent être respectées. Il convient de réduire ce délai lorsque des commissions des deux conseils ont déposé des motions de teneur identique une semaine au plus tard avant la session. Le dépôt de motions de teneur identique par deux commissions présuppose une forte volonté politique et une bonne coordination. Dans ce genre de cas, il est judicieux que les motions soient examinées lors de la session qui suit leur dépôt; à cet égard, il convient d'inclure expressément les sessions extraordinaires, car l'instrument des motions de teneur identique peut justement être approprié en cas d'urgence et en temps de crise. À noter que le Conseil fédéral ne doit pas forcément présenter sa proposition au début de la session, mais au plus tard au moment où un conseil examine la motion qui lui est soumise.

Al. 1ter En situation de crise, l'Assemblée fédérale doit avoir la possibilité d'exercer rapidement une influence sur les «ordonnances de nécessité» édictées par le Conseil fédéral.

Les motions déposées en ce sens par des commissions ont de grandes chances d'être adoptées par les conseils: il faut donc qu'elles soient déjà traitées à la session ordinaire ou extraordinaire en cours ou à celle qui suit leur dépôt, sans quoi leur contenu pourrait devenir obsolète. Il se peut que le Conseil fédéral n'ait pas la possibilité de présenter une réponse écrite en temps voulu: il doit donc pouvoir présenter sa réponse oralement à la séance du conseil.

Les ordonnances fondées sur une compétence conférée par une base légale relative à la gestion d'une crise sont également mentionnées dans le nouvel alinéa, en tant que possibilité supplémentaire (cf. explications relatives à l'art. 2a pour les dispositions légales précises).

Les décisions du Conseil fédéral étant des actes uniques, elles ne sont pas traitées dans le présent rapport. Elles font l'objet d'une autre procédure: conformément à l'art. 53, al. 3bis, LParl, le Conseil fédéral informe la Délégation des Commissions de gestion lorsqu'il prend une décision visant à sauvegarder les intérêts du pays ou à préserver la sécurité extérieure ou intérieure.

Art. 122

Examen des motions adoptées par les conseils

L'art. 122 règle la procédure concernant les rapports du Conseil fédéral sur la mise en oeuvre des motions adoptées par les conseils. Si une motion est pendante depuis plus de deux ans, le Conseil fédéral doit rendre compte annuellement à l'Assemblée fédérale de l'état des lieux. L'al. 1bis prévoit deux exceptions dans lesquelles le Conseil fédéral doit rendre compte de la situation sans délai, et non après deux ans.

Al. 1bis, let. a Cette disposition permet de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 20.402 «Motions de commission visant à modifier des ordonnances ou des projets d'ordonnances.

Accélération de la mise en oeuvre», déposée par la CIP-E et à laquelle les CIP ont 68 / 74

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donné suite. Cette initiative constitue une solution alternative au droit de veto sur les ordonnances. Elle part du principe qu'il appartient aux commissions thématiques de suivre l'édiction d'ordonnances dans leur domaine de compétences. Si la commission n'est pas d'accord avec une nouvelle ordonnance ou avec un projet d'ordonnance qui lui a été soumis, elle peut intervenir au moyen d'une motion. S'agissant des projets d'ordonnance, cela peut s'avérer particulièrement judicieux s'il est probable que l'avis de la commission ne sera pas pris en considération lors de la consultation. En raison du lien étroit avec la procédure de consultation, cet instrument est sciemment conçu comme un droit des commissions.

Si, dans un délai de six mois, le Conseil fédéral n'a pas encore mis en oeuvre une telle motion de commission adoptée par les conseils, il doit en rendre compte à la commission compétente. Cette disposition constitue donc une exception au délai de deux ans prévu à l'al. 1. Si la motion porte sur un projet d'ordonnance et que, entre-temps, le Conseil fédéral a déjà mis en vigueur l'ordonnance concernée, la motion déploie ses effets sur l'ordonnance si cette dernière conserve la disposition critiquée dans la motion. Le Conseil fédéral devra alors modifier l'ordonnance.

Al. 1bis, let. b L'al. 1bis, let. b, constitue une exception supplémentaire au délai prévu à l'al. 1. Les «ordonnances de nécessité» du Conseil fédéral ont souvent des effets à bien plus court terme que les ordonnances ordinaires. Par conséquent, si les conseils adoptent une motion de commission portant sur une «ordonnance de nécessité», la mise en oeuvre doit généralement être rapide, faute de quoi la motion risque de devenir obsolète si l'ordonnance n'est plus en vigueur. La let. b dispose donc que le texte des motions de commission portant sur des ordonnances de nécessité peut prévoir une dérogation au délai imparti par l'al. 1 au Conseil fédéral pour faire rapport. Passé ce délai, le Conseil fédéral doit faire rapport si la motion n'est pas encore mise en oeuvre. Il ne s'agit cependant pas d'indiquer une date, mais plutôt, à l'instar de ce que prévoit l'al. 1, un intervalle au bout duquel l'objectif de la motion adoptée par les conseils devra être réalisé.

Art. 140 (minorité Pfister Gerhard et al.)

L'adaptation rédactionnelle
concernée est nécessaire si, comme le propose la minorité, le secrétaire général de l'Assemblée fédérale est désormais élu par l'Assemblée fédérale (Chambres réunies).

Art. 151

Consultation sur un projet d'ordonnance

Al. 2bis Cette disposition reprend un instrument prévu dans la loi Covid-19 (RS 818.102) et prévoit d'utiliser celui-ci pour les ordonnances au sens de l'art. 185 Cst. Elle prévoit que les projets d'ordonnance que le Conseil fédéral édicte en se fondant sur l'art. 185, al. 3, Cst. ou sur une compétence conférée par une base légale relative à la gestion d'une crise (cf. explications relatives à l'art. 2a pour les dispositions légales précises) doivent dans tous les cas être soumis aux commissions compétentes pour consultation.

Cette réglementation ne s'applique pas aux ordonnances fondées sur l'art. 184 Cst., 69 / 74

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qui sont souvent des ordonnances de portée restreinte dont l'intérêt politique est moindre. Si chacune de ces ordonnances devait automatiquement être soumise aux commissions compétentes, cela engendrerait une charge de travail inutilement démesurée, y compris pour les commissions. Conformément à l'art. 151, les commissions peuvent toutefois en tout temps demander à être consultées sur ces ordonnances.

En fonction de l'ordonnance, ces consultations doivent se dérouler très rapidement.

Pour ce faire, les commissions disposent de l'instrument des séances numériques. Par conséquent, l'information des présidents des conseils en cas d'urgence n'a pas été prévue, contrairement à la disposition correspondante de la loi Covid-19. Il est plus judicieux de toujours présenter les projets d'ordonnance directement aux commissions: celles-ci en sont alors informées et peuvent décider de prendre position ou non.

Dans tous les cas, le Conseil fédéral impartit aux commissions un délai pour prendre éventuellement position sur une ordonnance de nécessité. En situation de crise, il est parfois nécessaire d'édicter une ordonnance dans un délai de quelques heures. Si les commissions n'ont pas la possibilité de s'organiser dans un délai très court afin de prendre position, elles renoncent, de facto, à prendre position.

En situation de crise, certaines ordonnances peuvent produire des effets non souhaités si leur contenu venait à être dévoilé avant leur entrée en vigueur. L'ordonnance du 15 octobre 2008 relative à la recapitalisation de l'UBS SA en est un bon exemple: si le public avait appris que le Conseil fédéral prévoyait d'édicter cette ordonnance, on aurait vraisemblablement assisté à une vente massive d'actions dans la panique, ce qui aurait sonné le glas d'UBS. Pour ce genre de cas, même s'ils restent rarissimes, il y a lieu de ne présenter le projet d'ordonnance qu'à la Délégation des finances et à la Délégation des Commissions de gestion.

Une autre possibilité aurait été que la commission prenne les mesures nécessaires au maintien du secret et, par exemple, institue une sous-commission, conformément à l'art. 150, al. 3. Toutefois, le laps de temps à disposition, généralement très court, ne le permettrait pas.

Modification d'autres lois fédérales 1. Loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité 2. Loi du 18 mars
1988 sur les moyens alloués aux parlementaires 3. Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration Suite aux modifications faites à l'article 38 LParl, l'expression «Délégation administrative» est remplacée par «Commission administrative».

4. Loi fédérale du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation Le droit en vigueur ne prévoit aucune disposition spécifique à l'organisation d'une procédure de consultation sur des «ordonnances de nécessité». Il convient de prévoir les possibilités de renoncer à une procédure de consultation et de mener des auditions.

En fonction de l'urgence, l'autorité compétente peut ainsi décider d'organiser une consultation ordinaire (en prévoyant éventuellement un délai réduit), de mener une audition ou de renoncer à toute forme de consultation.

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Art. 3a

Renonciation à une procédure de consultation

Al. 1, let. c L'art. 3a précise dans quels cas il est possible de renoncer à la procédure de consultation. Il y a lieu d'y ajouter une let. c, selon laquelle il est possible de renoncer à la procédure de consultation lorsque le Parlement ou le Conseil fédéral édictent des «ordonnances de nécessité» ou qu'une loi fédérale urgente doit être adoptée.

Art. 10

Consultation informelle en cas d'urgence

Cette procédure s'inspire de celle qui est prévue, par exemple, par la LEp s'agissant des ordonnances édictées par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 6 LEp. La loi Covid-19 prévoit aussi des consultations informelles (art. 1 à 3).

Si elle renonce à la procédure de consultation, l'autorité compétente (le Conseil fédéral ou une commission parlementaire) doit, dans la mesure du possible, mener une consultation informelle avant qu'une «ordonnance de nécessité» soit édictée ou qu'un projet de loi fédérale urgente soit présenté. L'idée est de consulter les gouvernements cantonaux et les milieux tout particulièrement concernés par le projet, considérant qu'il faudra définir au cas par cas quels sont les «milieux tout particulièrement concernés». La consultation informelle peut être moins formalisée et l'avis peut prendre la forme d'un bref courrier électronique.

5. Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (minorité Glättli, Flach, Gredig, Gysin Greta, Kälin) La minorité propose de procéder à un contrôle abstrait des normes pour ce qui est des ordonnances au sens des art. 184, al. 3, 185, al. 3, et 173, al. 1, let. c. Cst. C'est le TAF qui devrait constituer l'instance de recours, ce qui implique que la LTAF doit être modifiée. La majorité propose de biffer les nouvelles dispositions et de maintenir le droit en vigueur.

Art. 32

Exceptions (selon minorité Glättli et al.)

Si le recours au tribunal est prévu pour les ordonnances du Conseil fédéral dans les domaines des affaires étrangères et de la sécurité intérieure et extérieure (art. 184 et 185 Cst.), il est en principe logique de supprimer les exceptions que la loi prévoit encore aujourd'hui pour les recours contre les décisions dans ces domaines. Il s'agit en particulier de l'art. 32, al. 1, let. a, LTAF, de l'art. 72, let. a, de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS 172.02) et de l'art. 83, let. a, de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF), qui devraient être abrogés. On peut difficilement prétendre que, dans les domaines mentionnés, les différends relatifs aux normes sont justiciables, alors que les différends relatifs aux actes d'application ne le sont pas.

Art. 34

Recours contre les ordonnances (selon minorité Glättli et al.)

Seules les ordonnances indépendantes citées à l'art. 34 LTAF pourront faire l'objet du nouveau recours. En cas de doute sur la base juridique d'une ordonnance, le Tribunal administratif fédéral devra déterminer si elle se fonde sur une loi ou directement 71 / 74

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sur la Constitution en même temps qu'il examine les conditions de recevabilité du recours.

La procédure de recours devant le Tribunal administratif fédéral et le Tribunal fédéral sera en principe régie par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021; voir art. 37 LTAF) pour l'un et la LTF pour l'autre.

Une minorité (Addor, Bircher, Buffat, Marchesi, Steinemann) propose de limiter la procédure de recours aux ordonnances édictées par le Conseil fédéral.

Section 1a

Dispositions particulières applicables aux recours contre des ordonnances

Art. 43a (selon minorité Glättli et al.)

Il est nécessaire de fixer explicitement le début du délai de recours au Tribunal administratif fédéral (art. 43a, al. 1, LTAF).

Les recours au Tribunal administratif fédéral ont en principe un effet suspensif (art. 55, al. 1, PA). Cela ne paraît cependant pas justifié dans le cas des ordonnances.

Il convient donc, à l'art. 43a, al. 2, LTAF, de n'accorder l'effet suspensif que sur ordre du juge instructeur. Cette règle existe déjà pour les procédures devant le Tribunal fédéral (art. 103, al. 1 et 3, LTF). Il sera ainsi possible de garantir que l'entrée en vigueur des mesures nécessaires pour surmonter la crise ne sera pas inutilement repoussée, à moins que les faits faisant l'objet du recours ne soient si graves qu'ils exigent, après pesée des intérêts, un effet suspensif.

Par ailleurs, quelques dispositions spéciales visent la célérité de la procédure:


pas de féries: art. 43a, al. 3, LTAF, art. 46, al. 2, LTF;



un seul échange d'écritures en principe: art. 43a, al. 4, LTAF; pour le Tribunal fédéral, voir l'art. 102, al. 3, LTF.

6. Loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (selon minorité Glättli et al.)

Concernant les dispositions dérogatoires relatives aux décisions (art. 72, let. a, PA), voir les explications sur l'art. 32 LTAF.

Ces modifications rendent l'art. 73, let. c, PA obsolète. Quant à l'art. 79 PA sur le recours à l'Assemblée fédérale, il est resté lettre morte depuis de nombreuses années.

Ces deux dispositions peuvent donc aussi être abrogées.

7. Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral Art. 46

Suspension (selon minorité Glättli et al.)

La non-applicabilité de la suspension des délais devrait permettre d'accélérer la procédure.

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Art. 83

Exceptions (selon minorité Glättli et al.)

Concernant l'abrogation des dispositions dérogatoires relatives aux décisions, voir les explications sur l'art. 32 LTAF.

4.2 Art. 21

Ordonnance du 3 octobre 2003 sur l'administration du Parlement Président de la commission administrative

L'art. 21 OLPA dresse la liste des tâches du délégué de la DA. Étant donné que la fonction de délégué de la DA est supprimée de l'art. 38 LParl, ces tâches sont reprises par le président de la CA.

Art. 27

Engagement du personnel des Services du Parlement

Al. 1 et 3 En vertu du droit en vigueur, la DA est responsable de l'engagement des secrétaires des commissions de haute surveillance (art. 27, al. 1, let. c et d). Désormais, la CA doit être compétente pour l'engagement des secrétaires de toutes les commissions et délégations permanentes. La CA sera ainsi responsable de l'engagement de 25 personnes supplémentaires environ. Il y a lieu de prévoir, pour les présidents des commissions, le droit d'être entendu, comme c'est le cas du Bureau du Conseil des États pour l'élection du secrétaire de ce conseil (let. b). Ce droit d'être entendu, dont jouissent actuellement les présidents pour la nomination des secrétaires par le secrétaire général, est déplacé de l'al. 3 à l'al. 1.

Les compétences de la CA englobent la conclusion, la modification et la résiliation des rapports de travail, comme c'est le cas actuellement pour les secrétaires des commissions de haute surveillance.

4.3 Art. 14

Règlement du Conseil national du 3 octobre 2003 Sous-commissions

Al. 1 Conformément à l'art. 45, al. 2, LParl, les commissions peuvent constituer en leur sein des sous-commissions. Il convient d'adapter l'art. 14 RCN, selon lequel l'accord du bureau est nécessaire, car il est en contradiction avec la lettre de la disposition légale.

Si le Conseil des États souhaite procéder à la même modification, il devrait adapter l'art. 11, al. 1, RCE. La proposition du bureau, qui suggérait de renoncer à cette modification, a été rejetée à l'unanimité.

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5

Conséquences

5.1

Conséquences financières

Le projet qui fait l'objet du présent rapport propose la création d'un nouvel organe parlementaire ­ la Commission administrative ­ qui devra être épaulé par un secrétariat. En tablant sur 200 % de postes pour un secrétaire, un secrétaire adjoint et un collaborateur administratif, on peut estimer la charge financière annuelle à 400 000 francs environ (salaires et cotisations sociales).

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

La constitutionnalité d'une participation en ligne des députés aux séances des conseils et de la tenue de séances numériques est examinée aux ch. 3.2.3.4 et 3.2.3.5. De plus, selon l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., l'Assemblée fédérale peut édicter des dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales.

6.2

Frein aux dépenses

De nouvelles dépenses périodiques de l'ordre de 400 000 francs sont prévues, soit en deçà de la limite de 2 millions de francs à partir de laquelle le frein aux dépenses s'applique.

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