FF 2022 www.droitfederal.admin.ch La version électronique signée fait foi

18.043 Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions Projet 3: loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 17 février 2022

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet ci-joint.

Le 17 février 2022

Pour la commission Le président: Carlo Sommaruga

2022-0762

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Condensé La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) soumet à ce dernier le projet de loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle en tant que projet 3 du paquet législatif d'harmonisation des peines et d'adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions (18.043). Les projets 1 et 2 ont été adoptés en vote final par les chambres pendant la session d'hiver 2021.

Contexte Le Conseil fédéral a approuvé le projet d'harmonisation des peines et d'adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions le 25 avril 2018 à l'attention des chambres (18.043). Les bureaux des chambres, en la personne de leurs présidents, ont adressé le projet aux commissions des affaires juridiques pour examen préalable, le Conseil des États étant prioritaire. Sur proposition de la CAJ-E et de la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), le Conseil des États a décidé le 9 juin 2020 de scinder le projet et de traiter séparément les dispositions du droit pénal en matière sexuelle. La CAJ-E a donc chargé l'Office fédéral de la justice de lui soumettre un avant-projet de loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle, qu'elle a envoyé en consultation le 1er février 2021. L'avant-projet contenait, pour certaines dispositions, deux variantes. La commission a renoncé à prendre position sur les propositions aux plans politique et matériel afin que la procédure de consultation soit la plus ouverte possible.

Après que le Conseil national a approuvé la scission du projet, la CAJ-E a consacré six séances à la poursuite des travaux. Lors de sa séance du 17 février 2022, elle a adopté le projet ci-joint par 13 voix contre 0 , et approuvé le rapport explicatif.

Contenu du projet Le projet vise à moderniser le droit pénal en matière sexuelle et à l'adapter aux évolutions qu'a connues la société au cours des dernières décennies. Ainsi, les dispositions centrales que sont l'art. 189 (atteinte et contrainte sexuelles; contrainte sexuelle dans le droit en vigueur) et l'art. 190 (viol) sont remaniées. Les actes d'ordre sexuel que leur auteur commet sur une personne ou qu'il lui fait commettre en ignorant intentionnellement (ou par dol éventuel) la volonté contraire exprimée verbalement ou non verbalement par la victime, et ce sans user
de la contrainte («non, c'est non»), feront également leur entrée dans le code pénal. Ils englobent les atteintes sexuelles commises par surprise et les cas de «stealthing». Par ailleurs, quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps se fera l'auteur d'un viol. La définition du «viol» est donc étendue, puisque, premièrement, l'élément de la contrainte est abandonné dans l'infraction de base et que, deuxièmement, la victime pourra aussi être de sexe masculin. Une minorité de la commission estime que ces nouveautés ne vont pas assez loin et demande que les infractions en question soient conçues sur la base de l'absence de consentement («oui, c'est oui»).

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Autres nouveautés ­

La commission demande qu'une peine privative de liberté minimale d'un an soit prévue pour certains actes tombant sous le coup de l'article sur les actes d'ordre sexuel avec des enfants lorsque la victime n'a pas 12 ans le jour de l'acte. Une minorité demande l'abandon de la peine minimale.

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Une infraction séparée est créée pour les actes d'ordre sexuel que leur auteur commet sur une personne ou lui fait commettre dans l'exercice d'une activité relevant du domaine de la santé en la trompant sur le caractère de l'acte ou en abusant de son erreur à ce sujet.

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L'amende sera possible en lieu et place d'une peine pécuniaire en cas d'exhibitionnisme.

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La qualification en tant que pornographie dure des objets ou représentations pornographiques ayant comme contenu des actes de violence entre adultes est supprimée.

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L'absence de punissabilité en matière de pornographie est étendue aux personnes qui fabriquent, possèdent ou consomment des photographies ou des films pornographiques de mineurs ou qui les leur rendent accessibles, si ces actes interviennent avec le consentement desdits mineurs, que la personne qui fabrique les images ou les films ne fournit ou ne promet aucune rémunération et que la différence d'âge entre les personnes concernées ne dépasse pas trois ans.

L'absence de punissabilité subsiste aussi à certaines conditions pour les mineurs qui fabriquent, possèdent ou consomment des photographies ou des films pornographiques d'eux-mêmes ou les rendent accessibles à une autre personne avec son consentement.

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Une nouvelle infraction est créée pour la transmission de contenus non publics à caractère sexuel sans le consentement de la personne qui y est identifiable, l'infraction pouvant être qualifiée si le contenu est rendu public, sur Internet par exemple.

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Table des matières Condensé

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Genèse et travaux de la commission 1.1 Projet originel du Conseil fédéral 1.2 Travaux de la commission et de la sous-commission sur le projet originel du Conseil fédéral 1.3 Élaboration d'un avant-projet de révision du droit pénal en matière sexuelle par l'Office fédéral de la justice 1.4 Consultation sur l'avant-projet 1.5 Travaux de la commission sur le projet

8 9 11 11

Présentation du projet 2.1 Réglementation proposée 2.2 Modifications d'ordre linguistique dans la version française du texte de loi

13 13

Commentaire des dispositions du code pénal 3.1 Dispositions générales (listes d'infractions) 3.2 Titre de la subdivision «Actes d'ordre sexuel avec des enfants» 3.3 Art. 187 Actes d'ordre sexuel avec des enfants 3.4 Titre de la subdivision «Atteinte à la liberté et à l'intégrité sexuelles» 3.5 Art. 188 Actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes 3.6 Art. 189 Atteinte et contrainte sexuelles Art. 190 Viol 3.6.1 Art. 189, al. 1, et 190, al. 1 3.6.1.1 Contexte: dispositions en vigueur et jurisprudence relatives à la contrainte sexuelle et au viol 3.6.1.2 Arguments en faveur d'une réforme 3.6.1.3 Arguments contre une réforme 3.6.1.4 Avant-projet et résultats de la consultation 3.6.1.5 Avis de la commission 3.6.1.6 Nouvelles règles proposées 3.6.2 Art. 189, al. 2, et 190, al. 2 3.6.2.1 Nouvelle structure 3.6.2.2 Ajout de la contrainte à commettre un acte d'ordre sexuel en application de la jurisprudence 3.6.2.3 Extension de la définition du viol 3.6.2.4 Pas d'abaissement de la peine maximale à l'art. 189, al. 2, pas d'augmentation de la peine minimale à l'art. 190, al. 2 3.6.3 Art. 189, al. 3, et 190, al. 3 3.7 Art. 191 Actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance

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3.7.1 3.7.2 3.7.3 3.7.4

Modification du titre marginal Suppression de «sachant que ... » Pas de peine minimale Adaptation du texte français: ajout de la commission d'un acte d'ordre sexuel par la victime 3.7.5 Suppression de «personne incapable de résistance» 3.8 Art. 192 Actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues 3.9 Art. 193 Abus de la détresse ou de la dépendance 3.10 Art. 193a Tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte 3.10.1 Contexte 3.10.2 Nouvelle règle proposée 3.10.2.1 Bien juridique protégé 3.10.2.2 Éléments constitutifs objectifs 3.10.2.3 Éléments constitutifs subjectifs 3.10.2.4 Peine encourue 3.10.2.5 Infraction poursuivie d'office 3.10.2.6 Pas d'inscription sur la liste des infractions de l'art. 55a 3.10.2.7 Concours 3.11 Art. 194 Exhibitionnisme 3.12 Art. 197 Pornographie 3.12.1 Al. 4 et 5 3.12.2 Al. 8 et 8bis 3.13 Art. 197a Transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel 3.13.1 Contexte 3.13.2 Nouvelle règle proposée 3.13.2.1 Intégration dans la systématique du code pénal et titre de la subdivision 3.13.2.2 Bien juridique protégé 3.13.2.3 Éléments constitutifs objectifs 3.13.2.4 Éléments constitutifs subjectifs 3.13.2.5 Peine encourue 3.13.2.6 Infraction poursuivie sur plainte ou d'office 3.13.2.7 Concours 3.14 Art. 198 Désagréments d'ordre sexuel 3.14.1 Renumérotation du titre de la subdivision et modification du titre marginal en français 3.14.2 Parole, écriture ou image 3.15 Art. 200 Commission en commun 3.16 Art. 264a, al. 1, let. g Crimes contre l'humanité / atteinte à l'autodétermination sexuelle Art. 264e, al. 1, let. b Crimes de guerre /

41 42 42 42 43 43 44 44 44 45 45 46 46 46 46 47 47 47 50 50 51 54 54 55 55 55 55 56 56 56 56 57 57 57 58

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traitement médical immotivé, atteinte à l'autodétermination sexuelle ou à la dignité

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Droit pénal des mineurs du 20 juin 2003

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5

Code pénal militaire du 13 juin 1927 5.1 Concordance entre CPM et CP 5.2 Art. 157 Exploitation d'une situation militaire

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Code de procédure pénale

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Procédure pénale militaire du 23 mars 1979

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8

Règles non retenues 8.1 Art. 187 ss: maintien de la peine pécuniaire comme sanction possible 8.2 Motion 14.3022 Rickli «Pornographie enfantine. Interdiction des images d'enfants nus» 8.2.1 Contexte 8.2.2 Difficultés de mise en oeuvre de la motion 8.2.3 Modification de la jurisprudence 8.2.4 Conclusion 8.3 Initiative parlementaire 18.434 (Amherd) Bregy «Punir enfin le pédopiégeage en ligne» 8.3.1 Contexte 8.3.2 Définitions 8.3.3 Droit en vigueur 8.3.4 Pas d'infraction séparée de pédopiégeage en ligne au sens étroit 8.3.4.1 Motifs de l'abandon 8.3.4.2 Convention du 25 octobre 2007 du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels 8.3.5 Pas de poursuite d'office des désagréments d'ordre sexuel commis sur des enfants de moins de 12 ans 8.3.5.1 Contexte 8.3.5.2 Motifs de l'abandon

62

Conséquences 9.1 Conséquences pour la Confédération 9.2 Conséquences pour les cantons et les communes

72 72 72

9

62 64 64 65 66 67 67 67 67 68 69 69 70 70 70 71

10 Aspects juridiques 10.1 Constitutionnalité 10.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 10.2.1 Obligations internationales générales de droit pénal 10.2.2 Conventions du Conseil de l'Europe

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Bibliographie

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Documents préparatoires Loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle (Projet)

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Rapport 1

Genèse et travaux de la commission

1.1

Projet originel du Conseil fédéral

La présente révision des titres du code pénal (CP)1 et du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)2 consacrés aux infractions contre l'intégrité sexuelle se fonde sur une longue série de travaux préalables. Le Conseil fédéral, après avoir ouvert la consultation le 30 juin 2010 sur un avant-projet de modification du code pénal et du code pénal militaire (réforme du droit des sanctions), a envoyé en consultation un avantprojet de loi fédérale sur l'harmonisation des peines dans le code pénal, le code pénal militaire et le droit pénal accessoire3. Le 19 décembre 2012, le Conseil fédéral a décidé de repousser les travaux d'harmonisation et de ne les poursuivre qu'une fois adopté le nouveau droit des sanctions, à propos duquel il avait adressé un message 4 au Parlement en date du 4 avril 20125. Les Chambres ont adopté la réforme du droit des sanctions en vote final le 19 juin 2015. Deux modifications du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)6 sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016, celles concernant le code pénal et d'autres lois le 1er janvier 20187. Les travaux sur le projet d'harmonisation des peines se sont poursuivis dans l'intervalle. Le 25 avril 2018, le Conseil fédéral a adopté le message à l'intention du Parlement (18.043 Harmonisation des peines et adaptation du droit pénal accessoire au nouveau droit des sanctions)8. Il porte sur deux projets distincts: le projet 1, qui comporte essentiellement des modifications des quotités de peine mais aussi quelques modifications matérielles, et le projet 2, qui prévoit des adaptations du droit pénal accessoire en fonction du nouveau droit des sanctions. Les bureaux des conseils ont attribué l'objet aux commissions des affaires juridiques pour l'examen préalable, en priorité au Conseil des États.

1.2

Travaux de la commission et de la sous-commission sur le projet originel du Conseil fédéral

La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) s'est penchée sur l'objet la première fois lors de sa séance des 17 et 18 janvier 2019. Elle a entendu à cette occasion des représentants des cantons, des ministères publics, des tribunaux, du barreau, d'organisations d'aide aux victimes, de la police et de la doctrine, qui se 1 2 3

4 5 6 7 8

RS 311.0 RS 321.0 Documents envoyés en consultation et synthèse des résultats de la consultation: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2010 > DFJP.

FF 2012 4385 www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqué du 19 décembre 2012 «L'harmonisation des peines sera alignée sur le nouveau régime des sanctions».

RS 311.1 RO 2016 1249 FF 2018 2889

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sont dans leur majorité montrés critiques à l'encontre du projet. Ils ont regretté que la procédure de consultation remonte à un certain temps déjà et que certaines propositions, comme celle de reformuler l'article consacré au viol (art. 190), n'y aient pas été soumises. La CAJ-E a dès lors décidé le 18 janvier 2019 d'instituer une sous-commission chargée de procéder pour elle à l'examen préliminaire9.

La sous-commission, formée des députés au Conseil des États Andrea Caroni (AR) et Beat Rieder (VS) et présidée par le député au Conseil des États Daniel Jositsch (ZH), s'est réunie à l'occasion de cinq séances et a présenté ses propositions de modifications le 17 janvier 2020 à la CAJ-E, nouvellement constituée suite au changement de législature. La CAJ-E a examiné le projet les 17 janvier et 11 février 2020, le Conseil des États le 9 juin 2020. Les propositions de la CAJ-E et les décisions du Conseil des États peuvent être consultées sur les dépliants10.

La sous-commission avait aussi proposé à la CAJ-E des changements matériels dans le domaine du droit pénal en matière sexuelle. Les médias se sont emparés du sujet après l'adoption du message, notamment de la question des éventuelles lacunes du droit pénal en matière sexuelle en vigueur depuis le 1er octobre 1992. D'entente avec la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), la CAJ-E a conclu que le projet d'harmonisation des peines devait se limiter à l'adaptation des quotités de peines, sans changement matériel. Elle a proposé au Conseil des États de scinder le projet 1 d'un projet 3 qui serait consacré aux infractions contre l'intégrité sexuelle11.

Le Conseil des États s'est rallié à cette proposition le 9 juin 2020, sans opposition12.

La CAJ-E estimait que la procédure adoptée permettrait de clore rapidement les travaux sur le projet d'harmonisation des peines proprement dit, d'analyser en profondeur le besoin de réviser matériellement le droit pénal en matière sexuelle et de mener une consultation en bonne et due forme sur ce titre du code pénal. À la demande de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N), chargée de l'examen préalable, le Conseil national a lui aussi approuvé la scission du projet le 2 juin 202113.

1.3

Élaboration d'un avant-projet de révision du droit pénal en matière sexuelle par l'Office fédéral de la justice

L'Office fédéral de la justice (OFJ), sur mandat de la CAJ-E et avec l'appui de représentants de la doctrine, a élaboré un avant-projet et un rapport intégrant le résultat des

9 10 11 12 13

www.parlement.ch > no d'objet 18.043 > communiqué de presse > communiqué de la CAJ-E du 18 janvier 2019.

www.parlement.ch > no d'objet 18.043 > documents des conseils > dépliant www.parlement.ch > no d'objet 18.043 > communiqué de presse > communiqué de la CAJ-E du 17 janvier 2020.

BO 2020 E 433 BO 2021 N 977

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discussions menées au sein de la sous-commission. Il a organisé trois séances avec des experts: ­

Nora Scheidegger, docteure en droit, postdoc à l'Institut Max Planck pour l'étude de la criminalité, de la sécurité et du droit, Fribourg-en-Brisgau, auteure de la thèse «Das Sexualstrafrecht der Schweiz ­ Grundlagen und Reformbedarf» (2018);

­

Felix Bommer, docteur en droit, professeur à la chaire de droit pénal, procédure pénale et droit pénal international, faculté de droit de l'Université de Zurich;

­

Philipp Maier, docteur en droit, juge aux tribunaux de district de Meilen et Uster, auteur de la thèse «Die Nötigungsdelikte im neuen Sexualstrafrecht» (1994) et, dans le Commentaire bâlois, Droit pénal II, 4e édition, Bâle 2019, des remarques précédant le commentaire de l'art. 187 CP et du commentaire des art. 187 à 193 CP.

Les experts ci-dessous se sont également tenus à la disposition du groupe de travail à l'occasion de l'une de ses séances: ­

Angela Weirich, alors première procureure, Ministère public de BâleCampagne;

­

Maggie Schauer, docteur en psychologie, spécialiste de la psychologie clinique et de la neuropsychologie, centre de compétences en psychotraumatologie (Kompetenzzentrum Psychotraumatologie) de l'Université de Constance;

­

Werner Tschan, docteur en psychiatrie, psychiatre et psychothérapeute FMH, centre de consultation sur les débordements sexuels en milieu professionnel, Institut de psychotraumatologie (Beratungszentrum Sexuelle Grenzverletzungen in professionellen Beziehungen, Institut für Psychotraumatologie), Bâle.

L'OFJ a par ailleurs mandaté l'Institut suisse de droit comparé à Lausanne pour réaliser un avis de droit comparé sur les réglementations belge, allemande, anglaise et galloise, autrichienne et suédoise en matière d'atteintes sexuelles commises contre la volonté ou sans le consentement de la victime mais sans violence ni menaces. L'institut a par ailleurs examiné si le «stealthing» était punissable dans les pays considérés et si oui, quelle était la sanction encourue14.

Conformément au souhait de la CAJ-E, l'OFJ a élaboré deux variantes pour certaines dispositions.

La CAJ-E a sciemment renoncé à examiner l'avant-projet en détail avant la consultation, afin que celle-ci soit la plus ouverte possible, et également à se prononcer en faveur de l'une ou l'autre des variantes. Lors de sa séance des 28 et 29 janvier 2021, elle a décidé d'envoyer l'avant-projet et le rapport explicatif en consultation avec deux 14

www.ofj.admin.ch > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit > Gutachten über die rechtliche Einordnung sexueller Übergriffe ohne Einverständnis in Belgien, Deutschland, England & Wales, Österreich, Schweden, avis de droit de l'Institut suisse de droit comparé du 31 mai 2020 (en allemand uniquement).

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variantes pour certaines dispositions15. L'avant-projet visait essentiellement à inscrire une nouvelle infraction d'atteinte sexuelle à l'art. 187a. Cette disposition devait s'appliquer lorsque les éléments constitutifs d'une infraction spécifique (art. 188 à 193) ne sont pas remplis et qu'on n'est pas simplement en présence de désagréments d'ordre sexuel au sens propre (art. 198). La commission a renoncé à inscrire dans le CP, à côté de la nouvelle infraction proposée, une variante discutée publiquement en tant que solution du consentement («oui, c'est oui»).

L'avant-projet prévoyait également une autre nouveauté consistant à punir expressément, à l'art. 197a, le fait de solliciter un enfant en vue d'avoir des contacts sexuels avec lui (qu'on appelle pédopiégeage au sens étroit). L'objectif était de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 18.434 (Amherd) Bregy «Punir enfin le pédopiégeage en ligne». D'autres adaptations d'infractions existantes étaient également proposées.

1.4

Consultation sur l'avant-projet

La commission a procédé à une consultation entre le 1er février et le 10 mai 2021, qui a suscité un vif intérêt et à laquelle des milliers de particuliers ont participé. Elle a pris connaissance des résultats détaillés de la consultation lors de sa séance du 9 août 2021 et publié un rapport à ce sujet (rapport sur les résultats de la consultation)16. Il s'est avéré que nul ne contestait la nécessité de réformer le droit pénal en matière sexuelle.

La nouvelle infraction d'atteinte sexuelle prévue à l'art. 187a AP-CP a cependant essuyé quelques critiques, les reproches ciblant en particulier le fait qu'elle créait une sorte de «mini-viol». Un grand nombre de participants ont en revanche fait bon accueil à la décision de principe en faveur de la solution du refus («non, c'est non»).

1.5

Travaux de la commission sur le projet

Après la publication des résultats de la consultation, la commission a procédé à des auditions lors de sa séance du 31 août 2021. Elle a entendu des représentants des cantons, des autorités de poursuite pénale, du barreau et des services d'aide aux victimes, des femmes qui avaient été victimes d'infractions sexuelles et des spécialistes des domaines du droit pénal, du droit pénal des mineurs et de la psychiatrie légale. Sur la base des résultats de la consultation et des avis émis lors de ces auditions, la commission a décidé de charger l'administration d'élaborer encore d'autres variantes. Elle a également décidé de faire avancer le projet par étapes afin de donner à l'administration la possibilité de clarifier les questions en suspens et de procéder aux adaptations du projet rendues nécessaires par ses décisions en vue d'une prochaine séance.

15

16

Avant-projet de «loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle» et rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 28 janvier 2021; www.parlement.ch > no d'objet 18.043 > Consultation sur le projet 3 ou www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Parl.

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Parl.

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Lors de sa séance du 18 octobre 2021, la commission a reconnu à l'unanimité la nécessité de réviser le droit pénal en matière sexuelle et s'est prononcée formellement pour l'entrée en matière. Elle a décidé, sans opposition, d'abandonner la nouvelle infraction d'atteinte sexuelle initialement prévue à l'art. 187a AP-CP et opté, en lieu et place, pour la solution d'une gradation aux art. 189 et 190. Par 9 voix contre 4, elle s'est prononcée en faveur du principe d'une gradation supposant que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis quand l'auteur agit contre la volonté de la victime (solution du refus / «non, c'est non»). Une minorité a soutenu l'idée de la gradation tout en demandant qu'elle repose sur le principe de l'absence de consentement de la victime (solution du consentement / «oui, c'est oui»). La commission a également décidé, par 7 voix contre 6, qu'il fallait que l'administration prépare l'option d'une peine privative de liberté minimale de plus de deux ans en cas de viol (art. 190, al. 2).

Lors de sa séance du 11 novembre 2021, la commission a pris d'autres décisions de principe. Elle s'est prononcée par 6 voix contre 5 pour l'introduction d'une peine minimale d'un an de privation de liberté pour certains actes d'ordre sexuel impliquant des enfants quand ils n'ont pas encore atteint l'âge de 12 ans. Elle a toutefois renoncé à l'unanimité au privilège accordé dans l'avant-projet pour les cas de peu de gravité.

Une minorité s'oppose à l'introduction d'une peine minimale et demande à son conseil de s'en tenir au droit en vigueur.

La commission a en outre décidé à l'unanimité, moins une abstention, de renoncer à inscrire dans le projet une infraction séparée pour le fait de solliciter un enfant en vue d'avoir des contacts sexuels avec lui (qu'on appelle pédopiégeage au sens étroit). Elle s'est ralliée ce faisant aux voix critiques qui s'étaient fait entendre lors de la consultation à l'encontre d'une extension de la punissabilité en amont, autrement dit aux actes préparatoires. Les contradicteurs de cette nouvelle infraction ont signalé que le comportement en question était déjà punissable en tant que tentative dans le droit en vigueur (art. 187), qu'elle était une disposition à caractère symbolique et qu'il y avait un risque de dérive vers un droit pénal réprimant les
convictions ou les opinions17.

Enfin, la commission a discuté de la question de savoir si le projet devait être complété par d'autres infractions au vu des avis émis lors de la consultation. Sans voix contre, mais avec une abstention, elle a approuvé une proposition visant à faire inscrire dans le code pénal, en tant que nouvel art. 197b, la transmission indue de contenus non publics à caractère sexuel («revenge porn» ou pornodivulgation). Elle a également chargé l'administration d'élaborer des propositions de formulation visant à ériger en infraction le fait de retirer un préservatif à l'insu ou contre la volonté du partenaire pendant un acte sexuel consenti («stealthing»).

Lors de sa séance du 20 janvier 2022, la commission a décidé, sans voix contraire, de ne pas créer de norme expresse sur le «stealthing», concluant que la formulation qu'elle propose pour l'art. 190, al. 1, l'englobe.

Lors de sa séance du 17 février 2022, la commission a débattu en deuxième lecture du projet de loi et du rapport entièrement remaniés. Elle a adopté le projet par 13 voix

17

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.16.2.

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contre 0. Conformément à l'art. 126, al. 2, de la loi sur le Parlement (LParl),18 la commission a traité la pétition 21.2044 «Poursuite pénale ­ Révision de la loi sur les infractions sexuelles» de la session des femmes 2021 en même temps que le projet de loi.

2

Présentation du projet

2.1

Réglementation proposée

Le projet vise à moderniser le droit pénal en matière sexuelle et à l'adapter aux évolutions qu'a connues la société au cours des dernières décennies. Ainsi, les dispositions centrales que sont l'art. 189 (atteinte et contrainte sexuelles; contrainte sexuelle dans le droit en vigueur) et l'art. 190 (viol) sont remaniées. Les actes d'ordre sexuel que leur auteur commet sur une personne ou qu'il lui fait commettre en ignorant intentionnellement (ou par dol éventuel) la volonté contraire exprimée verbalement ou non verbalement par la victime, et ce sans user de la contrainte («non, c'est non») feront également leur entrée dans le code pénal. Ils englobent les atteintes sexuelles commises par surprise et les cas de «stealthing». Par ailleurs, quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps se fera l'auteur d'un viol. La définition du «viol» est donc étendue, puisque, premièrement, l'élément de la contrainte est abandonné dans l'infraction de base et que, deuxièmement, la victime pourra aussi être de sexe masculin. Une minorité de la commission estime que ces nouveautés ne vont pas assez loin et demande que les infractions en question soient conçues sur la base de l'absence de consentement (solution du consentement / «oui, c'est oui»).

Les principales nouveautés sont les suivantes:

18

­

peine privative de liberté minimale d'un an pour certains actes tombant sous le coup de l'article sur les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 1bis) lorsque la victime n'a pas 12 ans (une minorité demande l'abandon de la peine minimale);

­

suppression du traitement privilégié de l'auteur dans les cas où la victime a contracté mariage ou conclu un partenariat enregistré avec lui dans les articles sur les actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187, ch. 3), sur les actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (art. 188, ch. 2) et sur l'abus de la détresse (art. 193, al. 2);

­

nouvelle infraction séparée (art. 193a) pour les actes d'ordre sexuel que l'auteur commet sur une personne ou lui fait commettre dans l'exercice d'une activité relevant du domaine de la santé en la trompant sur le caractère de l'acte ou en abusant de son erreur à ce sujet;

­

amende possible en lieu et place d'une peine pécuniaire en cas d'exhibitionnisme (art. 194);

Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale, RS 171.10.

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­

suppression de la qualification en tant que pornographie dure des objets ou représentations pornographiques ayant comme contenu des actes de violence entre adultes (art. 197, al. 4 et 5);

­

extension de l'absence de punissabilité en matière de pornographie aux personnes qui fabriquent, possèdent ou consomment des photographies ou des films pornographiques de mineurs ou qui les rendent accessibles aux personnes représentées, si ces actes interviennent avec le consentement desdits mineurs, que la personne qui fabrique les images ou les films ne fournit ou ne promet aucune rémunération et que la différence d'âge entre les personnes concernées ne dépasse pas trois ans (art. 197, al. 8 et 8bis); absence de punissabilité également à certaines conditions pour les mineurs qui fabriquent, possèdent ou consomment des photographies ou des films pornographiques d'eux-mêmes ou qui les rendent accessibles à un tiers avec son consentement;

­

nouvelle infraction pour la transmission de contenus non publics à caractère sexuel sans le consentement de la personne qui y est identifiable, l'infraction étant qualifiée si le contenu est rendu public, sur Internet par exemple (art. 197a);

­

punissabilité des personnes qui, de manière grossière, en importunent une autre par des images (désagréments d'ordre sexuel, nouvel élément de l'art. 198).

D'autres modifications n'auront pour ainsi dire pas de répercussion dans la pratique, par exemple l'ajout de «fait commettre» dans les articles sur la contrainte sexuelle (art. 189, al. 2) et sur le viol (art. 190, al. 2) ainsi que la modification du titre marginal et la suppression du passage «sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance» à l'art. 191 (abus de l'incapacité de discernement ou de résistance).

2.2

Modifications d'ordre linguistique dans la version française du texte de loi

La Commission parlementaire de rédaction a renoncé à utiliser, dans les textes législatifs en français, des termes épicènes ou des doublets à la place du masculin dit générique (forme masculine désignant les deux genres), car un tel usage «pose des problèmes insurmontables»19. Elle a toutefois invité le législateur à éviter les substantifs masculins et, dans la mesure du possible, à faire usage de tournures neutres. C'est pour cette raison que, dans le texte français du projet 3, à l'instar des projets 1 et 2 20, on remplace la locution «celui qui» par la formulation neutre «quiconque». La forme du futur est par ailleurs remplacée par celle du présent. Cette modification trouve sa justification dans le fait que le présent est mieux adapté à l'énonciation d'infractions.

D'ailleurs, la version française correspondra sur ce point à la version allemande, qui utilise aussi ce temps.

19 20

FF 1993 I 113 116 FF 2018 2889 2907

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Les participants à la consultation ont applaudi à ces deux modifications21.

Ces modifications ne sont plus évoquées dans le commentaire des dispositions.

3

Commentaire des dispositions du code pénal

3.1

Dispositions générales (listes d'infractions)

Art. 5, al. 1, let. a Infractions commises à l'étranger sur des mineurs Les art. 189 et 190 figurant dans l'énumération sont limités aux al. 2 et 3 parce que cette disposition ne concerne que les formes les plus graves des crimes sexuels.

Le nouveau titre marginal de l'art. 191 («Missbrauch einer urteilsunfähigen oder zum Widerstand unfähigen Person») est ajouté dans le texte allemand.

La proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)22 ne contient qu'une légère modification du titre marginal23.

Art. 66a, al. 1, let. h Expulsion obligatoire Le nouveau titre marginal de l'art. 191 est ajouté dans le texte allemand.

Les modifications matérielles proposées à l'art. 187 doivent être répercutées dans la liste des infractions donnant lieu à une expulsion obligatoire du territoire suisse. On ajoute l'art. 187, ch. 1bis, à la let. h.

Les art. 188, 193 et 193a sont ajoutés à la liste des infractions, tout comme ­ implicitement ­ le nouvel art. 190, al. 1. L'art. 121, al. 3, let. a, de la Constitution (Cst.)24 exige en effet l'expulsion obligatoire en cas de viol ou de «tout autre délit sexuel grave» [comprendre: toute autre infraction sexuelle grave (terme générique); voir l'art. 10 CP]. Conformément à la volonté du législateur, tous les crimes sexuels (art. 10, al. 2, CP) ont été intégrés à la let. h. L'art. 189 est donc limité à ses al. 2 et 3, son al. 1 ne constituant qu'un délit. Par contre, une condamnation pour ce délit pourra entraîner une expulsion non obligatoire au sens de l'art. 66abis. Il en va de même pour le nouvel art. 197a.

La proposition de la minorité (Mazzone, Bauer, Baume-Schneider, Caroni, Vara)25, a les mêmes conséquences, à l'exception du fait qu'aucun ch. 1bis ne doit être ajouté à l'art. 187 (voir le ch. 3.3).

Dans la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)26, l'art. 193a n'est pas ajouté à la liste des infractions, parce qu'une mise en 21 22 23 24 25 26

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 5.2.

Ch. 3.6.1.5 Ch. 3.7.1 RS 101 Ch. 3.3 Ch. 3.6.1.5

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oeuvre de la solution du consentement permettrait de renoncer à cette disposition (voir le ch. 3.10.1), et le titre marginal de l'art. 191 est légèrement modifié.

Art. 67, al. 3, let. c, 4, let. a, et 4bis, let. a Interdiction d'exercer une activité Les modifications matérielles effectuées dans le CP doivent être répercutées sur les trois listes d'infractions entraînant une interdiction d'exercer une activité: ­

on introduit le titre marginal modifié de l'art. 189 dans les listes figurant à l'art. 67, al. 3, let. c, et al. 4, let. a;

­

on limite les art. 189 et 190 à leurs al. 2 et 3 dans la liste de l'art. 67, al. 4 bis, let. a, parce que ces dispositions s'appliquent à aux formes les plus graves des crimes sexuels;

­

en allemand, on remplace le titre marginal de l'art. 191 par le nouveau titre dans les trois listes;

­

on retire l'art. 192, al. 1, qui doit être abrogé, des listes de l'art. 67, al. 3, let. c, et 4, let. a;

­

on modifie le titre marginal de l'art. 193 dans les listes de l'art. 67, al. 3, let. c, et al. 4, let. a;

­

on ajoute les art. 193a et 197a aux listes de l'art. 67, al. 3, let. c, et al. 4, let. a;

­

en français, on modifie le titre marginal de l'art. 198 dans les listes de l'art. 67, al. 3, let. c, et al. 4, let. a.

Dans la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara), l'art. 193a n'est pas ajouté à la liste parce qu'une mise en oeuvre de la solution du consentement permettrait de renoncer à cette disposition (voir le ch. 3.10.1), et le titre marginal de l'art. 191 est légèrement modifié. Dans la proposition de la minorité (Bauer)27, l'art. 197a n'est pas ajouté aux listes.

Les participants à la consultation ont fait bon accueil à la prise en compte des modifications matérielles dans les listes d'infractions. Certains d'entre eux ont en outre demandé que les art. 194 (exhibitionnisme) et 198 (nuisances sexuelles, conformément au titre donné à cet article dans l'avant-projet) soient supprimés des listes figurant à l'art. 67, al. 3 et 4, pour des raisons de proportionnalité28.

Il n'est pas donné suite à cette demande pour les raisons ci-après.

La même demande avait déjà été émise lors de la consultation sur la mise en oeuvre de l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» et le Conseil fédéral s'était alors opposé expressément à la suppression des art. 194 et 198 des listes d'infractions, car l'art. 123c Cst. exige que toute infraction contre l'intégrité sexuelle entraîne impérativement une interdiction à vie d'exercer. Une exception peut seulement être faite dans les cas de très peu de gravité (art. 67, al. 4bis)29.

27 28 29

Ch. 3.13.1 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.2.

FF 2016 5905, 5926 s.

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La demande de suppression a également été abordée lors des délibérations parlementaires. Les Chambres fédérales se sont alors ralliées à l'avis du Conseil fédéral. Les dispositions en question ne sont par ailleurs entrées en vigueur que le 1er janvier 2019 et la sécurité du droit veut qu'aucune modification ne leur soit apportée aussi vite.

Art. 97, al. 2

Prescription de l'action pénale

L'art. 188 (actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes) est supprimé de la liste. Dans cette disposition, les victimes ne peuvent être que des mineurs âgés de 16 ou 17 ans. Le délai de prescription est de 10 ans depuis le 1er janvier 2014 (art. 97, al. 1, let. c). Il était de 7 ans auparavant. En conséquence, les infractions au sens de l'art. 188 se prescrivent quand la victime a 26 ou 27 ans. La prescription commence donc plus tard selon l'art. 97, al. 1, let. c, que selon l'art. 97, al. 2 (25e anniversaire).

Depuis la révision du 1er janvier 2014, la réglementation spéciale prévue à l'art. 97, al. 2, au sujet de l'art. 188 n'a plus lieu d'être.

On ajoute en revanche l'art. 193a à la liste des infractions de l'art. 97, al. 2. Et on en profite pour réparer un oubli du législateur: lors des délibérations sur l'imprescriptibilité des actes punissables d'ordre sexuel ou pornographiques sur des enfants impubères, le Parlement a ajouté les art. 192, al. 1, et 193, al. 1, à la liste de l'art. 101, al. 1, let. e, mais a omis d'adapter l'art. 97, al. 2, de la même manière. Le Conseil fédéral, s'appuyant sur la doctrine dominante, n'en avait pas fait de même dans son projet car ces dispositions sont absorbées par l'art. 18730. On ajoute l'art. 193 à la liste de l'art. 97, al. 2, mais pas l'art. 192, qu'il est prévu d'abroger.

Dans la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)31, l'art. 193a n'est pas ajouté à la liste parce qu'une mise en oeuvre de la solution du consentement permettrait de renoncer à cette disposition (voir le ch. 3.10.1).

Art. 101, al. 1, let. e Imprescriptibilité En allemand, on remplace le titre marginal de l'art. 191 par son nouveau titre dans la liste des infractions imprescriptibles et dans toutes les langues, on modifie le titre marginal des art. 189 et 193. On supprime l'art. 192, al. 1, de la liste et on y ajoute l'art. 193a (voir le commentaire de l'art. 97, al. 2).

Les modifications matérielles proposées à l'art. 187 doivent être répercutées dans la liste des infractions imprescriptibles. On y ajoute donc l'art. 187, ch. 1bis.

La proposition de la minorité (Mazzone, Bauer, Baume-Schneider, Caroni, Vara)32, qui ne souhaite pas l'introduction d'un ch. 1bis à l'art. 187 (voir le ch. 3.3), n'aurait pas de répercussion sur cette disposition.
Dans la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)33, l'art. 193a n'est pas ajouté à la liste parce qu'une mise en oeuvre de la solution 30 31 32 33

FF 2011 5565 5586 Ch. 3.6.1.5 Ch. 3.3 Ch. 3.6.1.5

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du consentement permettrait de renoncer à cette disposition (voir le ch. 3.10.1), et le titre marginal de l'art. 191 est légèrement modifié.

3.2

Titre de la subdivision «Actes d'ordre sexuel avec des enfants»

Le 1er titre de la subdivision «Mise en danger du développement de mineurs» englobe, dans le droit en vigueur, les art. 187 (actes d'ordre sexuel avec des enfants) et 188 (acte d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes). L'art. 188 étant déplacé sous le 2e titre de la subdivision34, seul l'art. 187 subsiste sous le 1er titre de la subdivision.

La technique législative veut qu'on n'emploie pas de titre marginal lorsqu'il n'y a qu'un seul article dans la subdivision concernée. Le 1er titre de la subdivision s'appellera «actes d'ordre sexuel avec des enfants», comme le titre marginal en vigueur. La suppression du 1er titre de la subdivision actuel ne revêt aucune portée matérielle, vu que l'art. 187 protégera toujours le développement sexuel des enfants.

3.3

Art. 187 Actes d'ordre sexuel avec des enfants

On propose ici les modifications ci-après: Au ch. 1, par. 3, on procède à une adaptation linguistique en allemand et on reprend la formulation de l'art. 156, ch. 1, al. 3, CPM. Les participants à la consultation ont largement approuvé cette modification35.

Quelques participants à la consultation ont en outre demandé que la peine maximale prévue au ch. 1 soit relevée à 10 ans36. C'est aussi ce que vise l'initiative parlementaire 03.424 Abate «Actes d'ordre sexuel avec des enfants. Allongement de la peine prévue par l'article 187 CP»37. Le projet y renonce pour les raisons qui suivent.

Il y a concours idéal entre l'art. 187 d'une part et les art. 189 et 190 (contrainte sexuelle [dans le droit en vigueur] et viol) d'autre part, de même ­ selon la jurisprudence du Tribunal fédéral ­ qu'entre l'art. 187 et l'art. 191 (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance [dans le droit en vigueur]). Ces dispositions protègent des biens juridiques différents. Dès lors, si un acte d'ordre sexuel commis sur un enfant réunit également les éléments constitutifs de la contrainte sexuelle, du viol ou d'un acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, ces dispositions s'appliquent conjointement à l'art. 18738. Conformément à l'art. 49, al. 1, (concours) le juge peut dans ce cas prononcer une peine privative de liberté maximale de 15 ans pour l'infraction de 34 35 36 37 38

Ch. 3.4 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.1.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.1.

www.parlement.ch > no d'objet 03.424. Le Conseil national a donné suite à l'iv. pa.

le 22 septembre 2004.

Maier Philipp, 2019, no 57 ad art. 187, no 82 ad art. 189 et no 19 ad art. 191.

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base. De plus, une peine privative de liberté minimale d'un an s'applique en cas de viol. Si la victime ne subit pas de contrainte de la part de l'auteur et que les éléments constitutifs des actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance ne sont pas non plus réunis, la peine privative de liberté maximale de cinq ans suffit à couvrir l'illicéité de l'acte.

On instaure au ch. 1bis une peine privative de liberté minimale d'un an pour les cas où l'enfant a moins de 12 ans le jour de l'acte et où l'auteur commet sur lui un acte d'ordre sexuel ou l'entraîne à commettre un tel acte avec un tiers ou un animal. Cette adaptation découle d'une demande formulée dans l'initiative parlementaire 16.408 Jositsch «Actes d'ordre sexuel avec des enfants de moins de 16 ans. Instaurer des peines planchers», à laquelle les commissions des affaires juridiques ont donné suite39.

Certes, une petite majorité des participants à la consultation s'est opposée à l'instauration d'une peine minimale40. Le projet la conserve pourtant, car elle exprime que l'illicéité des actes d'ordre sexuel commis sur un enfant au-dessous d'un certain âge est accrue. Il paraît d'ailleurs contradictoire d'instaurer une peine minimale et parallèlement une exception pour les cas de peu de gravité.

L'art. 187, ch. 1, comporte trois variantes d'infraction: ­

lorsque l'auteur commet un acte d'ordre sexuel sur un enfant, il y a contact physique entre l'auteur et la victime, c'est-à-dire que l'auteur touche l'enfant ou que l'enfant touche l'auteur41;

­

lorsque l'auteur entraîne l'enfant à commettre un acte d'ordre sexuel, il n'y a pas de contact physique entre eux; cette variante n'englobe que les actes que l'enfant commet sur son propre corps, sur le corps d'un tiers ou sur un animal42;

­

lorsque l'auteur mêle un enfant à un acte d'ordre sexuel, il n'y a pas non plus de contact physique entre eux; dans cette variante, l'enfant est associé à l'acte d'ordre sexuel en qualité de spectateur43.

La peine minimale prévue au ch. 1bis s'appliquera aux variantes ci-après de l'art. 187, ch. 1: ­

lorsque l'auteur commet un acte d'ordre sexuel sur un enfant ou

­

lorsque l'auteur entraîne l'enfant à commettre un acte d'ordre sexuel sur un tiers ou un animal.

Ces actes justifient une peine minimale en raison de leur degré d'illicéité.

Le fait d'entraîner un enfant à commettre un acte d'ordre sexuel sur son propre corps ne justifie pas par contre une telle peine minimale. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral44, lorsque l'auteur incite l'enfant à se masturber, il l'entraîne à commettre un 39 40 41 42 43 44

www.parlement.ch > no d'objet 16.408. La CAJ-E a donné suite à l'iv. pa.

le 30 août 2016. La CAJ-N s'est ralliée à cette décision le 6 avril 2017.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.2.

Maier Philipp, 2019, no 10 ad art. 187.

Maier Philipp, 2019, no 13 ad art. 187.

Maier Philipp, 2019, no 17 ad art. 187.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_702/2009 du 8 janvier 2010, consid. 7.4.

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acte d'ordre sexuel sur son propre corps. Cela n'implique pas obligatoirement la présence de l'auteur. Dans une telle situation, une peine privative de liberté minimale d'un an serait excessive, raison pour laquelle ce cas de figure relève du ch. 1.

La variante qui consiste à mêler un enfant à un acte d'ordre sexuel ne donnera pas lieu à l'application de la nouvelle peine minimale. Le développement de l'enfant est bien moins menacé s'il est spectateur que s'il subit des atteintes physiques.

Excepter ces deux variantes du champ d'application du ch. 1bis se justifie d'autant plus que le projet ne prévoit pas ­ à la différence de l'avant-projet ­ de forme privilégiée pour les cas de peu de gravité (voir ci-dessous).

Pour ce qui est de la demande émise par quelques participants à la consultation de relever aussi la peine maximale à 10 ans au ch. 1bis 45, nous renvoyons au commentaire du ch. 1.

On abandonne le traitement privilégié prévu dans l'avant-projet pour les cas de peu de gravité. Une nette majorité des participants à la consultation s'y est opposée; elle englobe toutefois aussi ceux qui se sont prononcés contre l'instauration d'une peine minimale46.

Une minorité de la commission (Mazzone, Bauer, Baume-Schneider, Caroni, Vara) veut en revanche ­ comme une petite majorité des participants à la consultation47 ­ supprimer le ch. 1bis, c'est-à-dire renoncer à l'instauration d'une peine minimale quand l'enfant a moins de 12 ans. Elle est d'avis qu'une peine minimale devrait aussi englober le cas le plus léger pouvant être envisagé, car des sanctions disproportionnées seraient sinon prononcées. L'art. 187, ch. 1, englobe des actes d'ordre sexuel d'intensités très diverses, allant du tripotage des fesses nues d'un enfant, de manière ferme, jusqu'à l'acte sexuel ou à la pénétration orale et anale. Lorsque la loi impose une peine minimale, il arrive parfois que les autorités pénales interprètent des notions juridiques indéterminées de manière plus restrictive pour éviter d'avoir à sanctionner les cas de peu de gravité de manière disproportionnée. En l'absence de forme privilégiée, les autorités pénales pourraient être tentées de donner une définition plus étroite des actes d'ordre sexuel punissables au sens de l'art. 187. Il y aurait alors moins de condamnations prononcées pour des actes actuellement
punissables mais au degré d'illicéité moindre. Sans peine minimale, le juge dispose en outre d'une plus grande latitude.

La peine minimale paraît de plus disproportionnée par rapport à d'autres infractions pour lesquelles le juge doit impérativement prononcer une peine privative de liberté minimale d'un an, notamment en cas de meurtre passionnel (art. 113) et de viol (art. 190, al. 2).

Le ch. 3 en vigueur mentionne que l'autorité compétente peut renoncer à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le tribunal ou à lui infliger une peine si la victime a contracté mariage ou a conclu un partenariat enregistré avec lui. On supprime ce traitement privilégié, qui a un effet discriminatoire à l'égard des auteurs non mariés. Du

45 46 47

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.2.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.3.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.2.

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fait de cette réglementation, la victime pourrait par ailleurs se sentir poussée à contracter mariage ou à conclure un partenariat enregistré avec l'auteur, ce qui ne saurait être le but. L'autorité compétente pourra considérer le mariage, la vie commune ou une relation amoureuse comme des circonstances particulières et renoncer à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le tribunal ou à lui infliger une peine, mais uniquement si l'auteur avait moins de 20 ans au moment de l'acte ou du premier acte commis. La suppression proposée a été très bien accueillie lors de la consultation48, raison pour laquelle le projet s'y tient.

3.4

Titre de la subdivision «Atteinte à la liberté et à l'intégrité sexuelles»

Dans le 2e titre de la subdivision «Atteinte à la liberté et à l'honneur sexuels», qui porte sur les art. 189 à 194, on supprime l'honneur sexuel, qui n'a plus aujourd'hui de signification propre49. Les participants à la consultation ont fait bon accueil à cette proposition50.

Les nouvelles dispositions figurant aux art. 189, al. 1 (atteinte sexuelle) et 190, al. 1 (viol), qui se placent également sous le 2e titre de la subdivision, ne protègent pas que l'autodétermination et la liberté sexuelles, mais également l'intégrité sexuelle51. Le titre de la subdivision doit donc être complété pour en tenir compte.

L'art. 188 (actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes) est lui aussi placé sous le 2e titre de la subdivision, «Atteinte à la liberté et à l'intégrité sexuelles». Ce changement est conforme à la doctrine dominante, selon laquelle l'art. 188 ne protège pas en premier lieu le développement sexuel des mineurs, mais bien leur droit à l'autodétermination sexuelle52.

3.5

Art. 188 Actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes

Les limitations d'âge en vigueur aux art. 187 («enfant de moins de 16 ans») et 188 («mineur âgé de plus de 16 ans») ont pour conséquence qu'un mineur qui a exactement 16 ans ne peut être puni sur la base d'aucune de ces deux dispositions. Pour combler cette lacune, l'art. 188, ch. 1, est complété par la formule «sur un mineur âgé de 16 ans au moins», une précision applaudie par les participants à la consultation53.

Il faut en outre adapter la fourchette des peines: dans le droit en vigueur, la peine maximale prévue à l'art. 188 est de trois ans de peine privative de liberté pour tous les actes d'ordre sexuel, acte sexuel compris. À l'art. 190, al. 1, (viol sans recours à la 48 49 50 51 52 53

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.5.4.

Maier Philipp, 1994, pp. 255 s.; Jenny Guido/Schubarth Martin/Albrecht Peter, 1997, no 1 ad art. 189.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.6.

Ch. 3.6.1.6, Bien juridique protégé.

Maier Philipp, 2019, no 1 ad art. 188 et les références citées.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.8.1.

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contrainte) en revanche, la peine maximale est une peine privative de liberté de cinq ans au plus54. Ces peines ne sont pas cohérentes. Tirer profit d'une dépendance a un degré d'illicéité équivalent au fait de passer outre la volonté (ou de ne pas demander le consentement) de la victime. La peine maximale prévue à l'art. 188 doit donc être relevée à cinq ans.

On renonce par contre à abroger l'art. 188 et ce, bien qu'une partie de la doctrine considère de longue date que l'art. 193 (abus de la détresse ou de la dépendance) le rend superflu55 et que des participants à la consultation aient demandé qu'il soit biffé56. Une disposition spécifiquement prévue pour les mineurs dépendants semble appropriée.

On supprime le traitement privilégié dont jouit l'auteur si la victime a contracté mariage ou conclu un partenariat enregistré avec lui. On renvoie au commentaire de l'art. 187 s'agissant des motifs de cette suppression. Selon le message du 26 juin 1985 concernant la révision du code pénal et du code pénal militaire (infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les moeurs et la famille)57, une telle exemption se justifiait d'autant plus que la victime se rapprochait de l'âge de la majorité et par conséquent de l'âge auquel il est normal de se marier. Ce raisonnement n'est plus défendable à l'heure actuelle. De même, le souci exprimé par le législateur de l'époque de tenir compte du changement dans la nature de la relation entre la victime et l'auteur et de ne pas hypothéquer le mariage dès le départ avec une procédure pénale ne convainc guère. L'exemption de peine est certes facultative. Cependant, les infractions visées aux art. 188, 192 (actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues) et 193 concernent des actes d'ordre sexuel commis en abusant de la dépendance ou de la détresse de la victime, ce dont il convient de tenir compte. Par ailleurs, une exemption de peine pourra toujours être obtenue par le biais de l'art. 52 (absence d'intérêt à punir) ou 53 (réparation). La majorité des participants à la consultation se sont prononcés en faveur de la suppression du traitement privilégié58.

3.6

Art. 189 Atteinte et contrainte sexuelles Art. 190 Viol

3.6.1

Art. 189, al. 1, et 190, al. 1

3.6.1.1

Contexte: dispositions en vigueur et jurisprudence relatives à la contrainte sexuelle et au viol

Au vu du texte de la loi et de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il apparaît qu'un acte de l'auteur commis contre la volonté de la victime ne suffit pas à remplir les éléments constitutifs de la contrainte sexuelle ou du viol (dispositions en vigueur). Le 54 55 56 57 58

Ch. 3.6.1.6, Peine encourue.

Voir notamment Jenny Guido/Schubarth Martin/Albrecht Peter, 1997, no 1 ad art. 188.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.8.1.

FF 1985 II 1021 1086 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.8.2.

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Tribunal fédéral a indiqué qu'on ne pouvait pas considérer que n'importe quelles pressions ni n'importe quel comportement conduisant à un acte sexuel, à un acte analogue ou à un autre acte d'ordre sexuel non souhaité représentaient une contrainte sexuelle.

Il a estimé qu'il n'y avait pas de pressions suffisantes au sens des art. 189 et 190 lorsqu'un mari menace son épouse de ne plus parler avec elle, de partir seul en vacances ou de la tromper si elle refuse les actes d'ordre sexuel qu'il exige. De son point de vue, ces menaces, bien que constituant une charge psychique pour la victime, n'ont pas l'intensité requise par les actes de violence sexuelle59. Il a indiqué dans un autre arrêt que le fait d'exploiter des relations de dépendance ou d'amitié ne suffisait pas en règle générale à constituer des pressions d'ordre psychique au sens de l'art. 189 (ou 190)60.

Dans un autre arrêt encore, il a précisé qu'il fallait un acte de contrainte, c'est-à-dire que l'auteur devait obliger la victime à commettre ou subir un acte d'ordre sexuel en usant de menaces ou de violence, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychologique ou en la mettant hors d'état de résister. Le Tribunal fédéral ne place pas la barre très haut pour ce qui est de la contrainte. En termes de violence, il a estimé qu'en fonction des circonstances, un usage modéré de la force pouvait suffire, la condition étant qu'on ne puisse attendre ou exiger de résistance de la part de la victime dans ces circonstances précises et au vu de ses caractéristiques personnelles61.

Une atteinte au droit à l'autodétermination sexuelle commise contre la volonté ou sans le consentement de la victime mais sans contrainte (art. 189 et 190), sans abus de la dépendance ou de la détresse (art. 188, 192 ou 193) et sans que la victime soit incapable de discernement ou de résistance (art. 191) peut aujourd'hui être punie en application de l'art. 198, al. 2, première variante de l'infraction, au titre d'attouchements d'ordre sexuel lorsque c'est l'auteur qui commet l'acte d'ordre sexuel sur la victime.

Il n'y a donc pas d'acte punissable sans peine. Cela dit, les infractions figurant à l'art. 198 sont poursuivies sur plainte et sont des contraventions; elles sont uniquement punies d'une amende. On peut se demander s'il s'agit là d'une sanction appropriée,
en particulier lorsqu'il s'agit d'un acte d'ordre sexuel d'une certaine intensité tel que l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel impliquant une pénétration du corps de la victime62. Il se peut de plus que l'auteur ne soit pas puni comme il se doit, car la plainte n'a pas été déposée à temps ou que l'infraction est déjà prescrite.

3.6.1.2

Arguments en faveur d'une réforme

En novembre 2019, Amnesty International a lancé une pétition intitulée «Justice pour les personnes qui ont subi des violences sexuelles» demandant à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter et au DFJP de présenter notamment des propositions de révi-

59 60 61 62

ATF 131 IV 167, consid. 3.1.

ATF 131 IV 107, consid. 2.2.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_674/2011 du 13 février 2012, consid. 3.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2014 du 20 janvier 2015.

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sion du code pénal pour que tout acte d'ordre sexuel non consenti puisse être adéquatement puni (solution du consentement / «oui, c'est oui»). 37 organisations et près de 37 000 personnes l'ont signée63.

22 professeurs de droit pénal ont soutenu la pétition d'Amnesty International, demandant que les actes d'ordre sexuel non consentis soient punis de manière appropriée indépendamment du sexe de la victime et notamment que les rapports sexuels non consentis soient punis en tant que viol.64 Ils estiment que la réforme qu'ils appellent de leurs voeux ne remet nullement en question le principe de la présomption d'innocence et n'entraîne pas d'inversion du fardeau de la preuve65.

En juin 2020, Amnesty International, plus de 50 autres organisations et plus de 130 personnalités issues des milieux de la justice, de la politique et de la culture ont lancé un «appel (national) pour une révision du droit pénal sexuel» et demandé une réforme rapide et complète de la loi en Suisse, afin de garantir une meilleure protection contre les violences sexuelles.

Les auteurs de l'appel font état de la situation suivante dans leur argumentaire: «Aujourd'hui, l'infraction pénale du viol est fondée sur un délit sexuel stéréotypique, qui ne correspond en rien aux agressions sexuelles dans la réalité. Ce délit stéréotypique part de l'idée que l'agresseur est une personne inconnue qui attaque violemment la victime et laisse des traces. La victime stéréotypique se défend, a des traces de blessures et porte immédiatement plainte. La réalité est pourtant différente: dans la plupart des cas, l'agresseur est connu de la victime et une relation de confiance les lie.

Ainsi, la plupart des agressions surviennent dans des moments en premier lieu paisibles. De plus, une réaction naturelle des femmes concernées est un état de sidération ou une paralysie que l'on appelle freezing. Ce n'est que dans de très rares cas qu'elles résistent physiquement. Le droit en vigueur qui présuppose un moyen de contrainte, ne rend pas justice à la grande majorité des agressions. La plupart des agresseurs n'ont pas besoin de recourir à la force, car ils profitent de l'état de stress ou de choc de la victime et de leur relation de confiance».

Ils soulignent aussi que la présomption d'innocence n'est pas remise en cause: «La réforme demandée n'entraînera
pas une inversion du fardeau de la preuve. La présomption d'innocence ne sera pas remise en cause. Il incombera toujours au Ministère public de prouver que la personne accusée a agi sans le consentement de la victime.

Et le principe selon lequel chaque personne est considérée innocente jusqu'à ce que l'État puisse prouver sa culpabilité, restera inchangé. Si des doutes subsistent quant au déroulement des événements, l'accusée sera acquittée. La réforme vise uniquement à ce qu'une peine appropriée soit prononcée dans les cas où le tribunal considère

63 64

65

https://stop-violences-sexuelles.amnesty.ch/fr/ Jürg-Beat Ackermann, Lucerne; Nadja Capus, Neuchâtel; Ursula Cassani, Genève; Anna Coninx, Lucerne; Andreas Eicker, Lucerne; Bijan Fateh-Moghadam, Bâle; Christopher Geth, Berne; Sabine Gless, Bâle; Gunhild Godenzi, Zurich; Marianne Hilf, Berne; Yvan Jeanneret, Genève; Grischa Merkel, Bâle; Frank Meyer, Zurich; Martino Mona, Berne; Bertrand Perrin, Fribourg; Mark Pieth, Bâle; Ineke Pruin, Berne; Nicolas Queloz, Fribourg; Christian Schwarzenegger, Zurich; Bernhard Sträuli, Genève; Sarah Summers, Zurich; Jonas Weber, Berne.

«Übergriffe angemessen bestrafen», Der Bund du 3 juin 2019.

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qu'il est prouvé que l'accusée a agi contre la volonté de la victime. Ce n'est pas toujours le cas à l'heure actuelle»66.

3.6.1.3

Arguments contre une réforme

Certains s'opposent à une révision du droit pénal allant dans ce sens. 32 avocats spécialistes du droit pénal ont exprimé publiquement leur point de vue critique67. Estimant que la révision n'est pas nécessaire, ils redoutent une inversion du fardeau de la preuve et la remise en question de la présomption d'innocence.

L'une des signataires, Tanja Knodel, avocate pénaliste, estime, vu la peine encourue pour un viol, qu'il faut des éléments plus probants qu'une simple démonstration crédible par la victime de son opposition à l'acte. Elle considère que la dimension de la contrainte ou de la contrainte sexuelle doit impérativement être présente dans le viol.

Si la victime doit décrire la contrainte, il faut s'appuyer sur des critères réalistes, ce qu'il n'est pas possible de faire si un simple «non» suffit. Une révision du droit pénal en ce sens priverait le prévenu de sérieuses possibilités de se défendre68.

Tanja Knodel note par ailleurs qu'un non est déjà un non dans le droit en vigueur. Elle considère la modification proposée comme inutile et suscitant de faux espoirs. Les relations sexuelles doivent reposer sur le consentement mutuel, sinon il s'agit d'une infraction, car sans ce consentement, on est toujours face à une forme de contrainte.

Il ne peut selon elle en être autrement. Lorsque l'un des partenaires dit «non» et que l'autre parvient tout de même à ses fins, c'est qu'il a fait usage de violence ou de pressions d'ordre psychique, par exemple en tenant la victime ou en ayant certains propos. L'un a passé outre la volonté, le «non» de l'autre, de quelque manière que ce soit. Quelque chose s'est passé entre le «non» exprimé et l'acte d'ordre sexuel consommé69.

Deux autres signataires, Laura Jetzer et Diego R. Gfeller, estiment eux aussi qu'une telle révision éveillerait de faux espoirs. Une nouvelle loi ne changerait rien au fait qu'il est toujours difficile d'apporter des preuves dans une telle procédure. Les victimes d'atteintes sexuelles ne seraient pas mieux protégées et il n'y aurait pas davantage de condamnations. À l'avenir également, elles devraient détailler le déroulement des événements après leur «non»70.

L'ancien juge au Tribunal fédéral Hans Wiprächtiger s'oppose lui aussi à une réforme.

Il résume sa pensée en disant qu'une protection paternaliste de l'État envers des
adultes sains et capables de se déterminer librement est inutile. Il dit craindre par ailleurs que le prévenu doive à l'avenir prouver son innocence en cas d'infraction contre l'intégrité sexuelle, ce qui serait contraire aux principes de l'État de droit. Il faut selon

66 67 68 69 70

www.stopp-sexuelle-gewalt.ch/fr «Professorale Fake News zum Sexualstrafrecht», TagesAnzeiger du 22 juin 2019.

Knodel Tanja/Scheidegger Nora, 2019, pp. 6 ss.

«Wollen die Anwälte, dass Vergewaltiger ohne Strafe bleiben?», Republik du 12 juillet 2019.

Tribune de Jetzer Laura/Gfeller Diego R., «Die Revision weckt falsche Erwartungen», Neue Zürcher Zeitung du 31 janvier 2020.

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lui rejeter cette extension du droit pénal, car elle serait source de nombreuses erreurs judiciaires71.

3.6.1.4

Avant-projet et résultats de la consultation

Avant-projet L'avant-projet répondait aux demandes exprimées dans la pétition d'Amnesty International et dans l'«appel (national) pour une révision du droit pénal sexuel» par une nouvelle disposition intitulée «Atteintes sexuelles» (art. 187a, al. 1, 1re variante, AP-CP). Cette disposition prévoyait une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire pour quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un acte d'ordre sexuel. La commission s'était donc prononcée en faveur d'une variante de la solution du refus. Cette nouvelle infraction devait être poursuivie d'office. Il n'était pas prévu de l'intégrer aux listes figurant aux art. 55a (Suspension et classement de la procédure. Conjoint, partenaire enregistré ou partenaire victime) et 66a, al. 1, let. h (Expulsion obligatoire). Elle devait par contre figurer dans les listes des art. 67 (Interdiction d'exercer une activité), 97, al. 2 (Prescription de l'action pénale) et 101, al. 1, let. e (Imprescriptibilité).

La commission avait alors sciemment renoncé à proposer à la consultation une variante de la solution du consentement, dans laquelle une personne donne expressément ou tacitement son accord à des rapports sexuels.

Résultats de la consultation Les participants à la consultation ont dans leur majorité exprimé leur scepticisme ou des critiques vis-à-vis des nouvelles dispositions. 17 cantons ont déclaré être en faveur de la solution du refus, 8 pour la solution du consentement. 16 ont soutenu la création d'une nouvelle infraction, 9 étaient contre et estimaient que les nouvelles dispositions devaient figurer aux art. 189 et 190. Les partis ont dans leur majorité accordé leur préférence à la solution du consentement et à l'intégration des nouvelles dispositions dans les art. 189 et 190 en vigueur voire à la création d'une infraction unique à l'art. 190.

Deux participants à la consultation ont indiqué que, de leur point de vue, aucune nouvelle réglementation n'était nécessaire72.

3.6.1.5

Avis de la commission

Majorité La majorité de la commission est favorable à la solution du refus, qui sanctionne quiconque, contre la volonté d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un

71 72

Wiprächtiger Hans, 2020, pp. 924 ss.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.1.

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acte d'ordre sexuel, et ce au motif qu'elle s'intègre mieux dans le cadre des dispositions en vigueur.

Dans la solution du refus, on part du principe qu'en règle générale, les rapports sexuels ont lieu avec le consentement des personnes impliquées et ne constituent pas une atteinte, sauf si l'une d'elles manifeste son refus. De l'avis de la majorité, ce point de vue est plus réaliste et plus optimiste que celui véhiculé par la solution du consentement, qui part du principe que les rapports sexuels entre deux personnes sont a priori non désirés et constituent une atteinte. Dans cette optique, seul le consentement du partenaire fait entrer les rapports sexuels dans la légalité. Cela ne paraît pas adéquat, car il n'en va pas de la sexualité comme des infractions contre l'intégrité corporelle ou l'atteinte à la possession d'autrui en cas de vol, qui sont en principe non désirés et qui ne deviennent des actes légaux qu'en cas d'approbation de la personne visée. Or, si l'on adopte la solution du consentement, les rapports sexuels et les infractions contre l'intégrité corporelle seraient perçus de la même manière par la société.

La majorité de la commission est d'avis que la solution du refus a l'avantage d'être plus claire que celle du consentement, puisque la seconde postule que le «oui» peut être exprimé tacitement73. Or, un «non» exprimé tacitement par le fait de secouer la tête de gauche à droite, de faire un geste de défense ou de pleurer est objectivement plus facile à reconnaître pour autrui qu'un «oui» exprimé tacitement. Et même si le «oui» a été exprimé clairement, il n'est pas certain qu'il ne soit pas entaché d'erreur74.

Ce sont les situations ambivalentes qui posent problème, par exemple lorsque la rencontre est initialement consentie. Dans pareille situation, la personne qui change d'avis doit, dans la solution du consentement également, manifester cet état de fait soit en prononçant un «non», soit en adoptant un comportement de refus dépourvu de toute ambiguïté. Dans ce cas seulement, on pourra prouver que l'auteur avait l'intention de commettre une atteinte sexuelle (art. 189, al. 1) ou un viol (art. 190, al. 1). Le consentement peut se muer en refus dans certaines situations.

La majorité de la commission tient à relativiser l'espoir lié à la solution du consentement selon lequel la
victime ne serait plus le point de mire de l'administration des preuves et qu'il ne s'agirait plus de déterminer comment elle s'est comportée avant et pendant l'atteinte dont elle a fait objet. S'agissant des infractions pour lesquelles les dépositions de l'un s'opposent aux dépositions de l'autre, l'attention se concentre naturellement sur les déclarations et les impressions des personnes impliquées, en particulier s'il n'y a pas de trace de violence. L'espoir que la procédure pénale pèse moins lourd psychologiquement sur la victime si l'on applique la solution du consentement est vain. Puisque le consentement peut s'exprimer tacitement, la victime devrait comme aujourd'hui décrire son comportement et les éléments qui ont fait que l'auteur a compris qu'elle ne voulait pas des rapports sexuels. On continuerait de lui demander pourquoi elle ne s'est pas défendue ou n'a pas fui, ne serait-ce que pour déterminer si l'auteur a exercé de la contrainte sur elle ou non. Un auteur ne pourra toujours être mis en accusation et condamné que si les faits ont été établis de manière suffisamment

73 74

Voir également Pruin Ineke, 2021, pp. 129 ss, et en particulier les ch. IV. 2. et V.

Il en est de même en cas de «non», mais les conséquences d'un revirement, c'est-à-dire l'absence de rapports sexuels, est nettement moins grave.

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claire. L'inverse reviendrait à faire fi des principes de l'État de droit que sont la présomption d'innocence ou la règle d'après laquelle le doute profite à l'accusé.

Minorité Une minorité de la commission (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara) exige par contre le passage à la solution du consentement, qui sanctionne quiconque, sans le consentement d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un acte d'ordre sexuel. Selon elle, cette solution est la seule permettant à la Suisse de remplir les exigences de l'art. 36 de la Convention d'Istanbul75 et de couvrir les situations dans lesquelles la victime se trouve en état de sidération sans qu'il y ait eu contrainte ou qu'elle ait pu signifier son absence de volonté. Elle souligne par ailleurs qu'il s'agirait d'un signal politique fort. Il s'impose selon elle d'affirmer qu'il existe certains comportements que la société ne tolère pas et que les rapports sexuels non consentis sont considérés comme du viol. La solution du consentement détourne l'attention du comportement de la victime pour la recentrer sur le comportement de l'auteur. La victime ne doit pas être rendue responsable de ce qui lui est arrivé et ne pas avoir à se sentir coupable parce qu'elle n'a pas dit «non» de manière suffisamment affirmée ou n'a pas assez manifesté son refus de manière tacite. La solution du consentement obligerait les personnes impliquées à déterminer si les rapports sexuels sont réciproquement désirés. Elle repose sur l'accord donné. La notion de consentement ne serait pas nouvelle dans le code pénal; elle figure notamment dans les dispositions relatives aux infractions contre le domaine secret ou le domaine privé (art. 179 ss). Le consentement peut être exprès ou tacite, c'est-à-dire découler de l'ensemble des circonstances concrètes.

La minorité souligne par ailleurs que l'adoption de la solution du consentement n'entraînerait pas de renversement du fardeau de la preuve et ne violerait pas non plus la présomption d'innocence comme certains l'évoquent parfois. Le procureur continuerait de porter la charge de la preuve puisque c'est à lui qu'il incomberait de prouver qu'il n'y a pas eu consentement et que le prévenu en était conscient ou du moins s'en doutait.

3.6.1.6

Nouvelles règles proposées

Les explications données ci-dessous valent aussi bien pour la solution du consentement que pour la solution du refus.

Nouvelle structure et modification du titre marginal de l'art. 189 Les nouvelles règles constituent les infractions de base de l'actuelle contrainte sexuelle (art. 189 en vigueur) et du viol (art. 190 en vigueur) et figureront par conséquent, selon l'acte d'ordre sexuel concerné76, aux al. 1 des art. 189 et 190. Les actuels al. 1 de ces dispositions, qui impliquent l'usage de la contrainte, deviendront par conséquent des al. 2.

75 76

Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique; RS 0.311.35.

Voir le ch. 3.6.2.3.

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Le nouveau titre marginal de l'art. 189, «Atteinte et contrainte sexuelles», indique qu'on étend le champ d'application du fait que la nouvelle infraction de base créée à l'al. 1 n'implique pas l'usage de la contrainte. Il traduit par ailleurs le fait que les actes au sens des al. 2 et 3 impliquent l'usage de la contrainte.

On maintient par contre le titre marginal de l'art. 190 «Viol». Il en résulte que non seulement l'acte sexuel, mais aussi les actes analogues à l'acte sexuel impliquant une pénétration du corps pourront être qualifiés de viol, et ce que la victime ait été contrainte ou non. Cette demande a été formulée par de nombreux participants à la consultation77.

Bien juridique protégé Les art. 189, al. 2 et 3, et 190, al. 2 et 3, protègent l'autodétermination et la liberté sexuelles78. L'auteur, en recourant à la contrainte (par ex. à la violence ou à des menaces)79, annihile la capacité de la victime de s'autodéterminer sexuellement, c'està-dire la possibilité qu'elle a d'agir selon sa volonté.

Les art. 189, al. 1, et 190, al. 1, étendent cette protection. Dans une situation classique de type «non, c'est non», l'auteur passe outre le refus de la victime intentionnellement ou par dol éventuel sans employer de moyen particulier. Il suffit que la victime exprime son refus. Elle n'a pas à se défendre ni à s'enfuir, bien que la situation lui permette en principe de le faire. Le fait qu'elle ne s'enfuie pas ne résulte pas du comportement de l'auteur puisque celui-ci, bien que faisant fi de sa volonté, ne l'empêche pas de partir. La possibilité qu'elle a d'imposer sa volonté demeure (en principe) intacte pendant toute la durée de l'acte. Les nouvelles dispositions ne protègent donc pas l'autodétermination sexuelle, mais plutôt le respect de la volonté d'une personne en matière sexuelle, c'est-à-dire son intégrité sexuelle (sur les plans psychique et physique). Aussi bien l'autodétermination sexuelle que l'intégrité sexuelle constituent un aspect du droit de la personnalité80.

Tatjana Hörnle, à la question de savoir pourquoi une victime ne se défend pas davantage alors qu'elle n'est pas soumise à la contrainte, qu'elle n'est pas dépendante, qu'elle n'est pas en détresse et qu'elle n'est pas incapable de discernement ou de résistance, avance qu'il peut y avoir tout une série d'éléments résidant
dans le vécu ou les motivations d'une femme (ou d'un homme) jeune ou adulte qui l'incitent à capituler après avoir dit non et à se soumettre à un acte d'ordre sexuel (voire à se soumettre à des instructions visant à satisfaire l'auteur). Il serait absurde de croire que tous les êtres qui au fond d'eux-mêmes sont opposés à ce qui se passe réagissent de manière appropriée à la situation et sont en mesure de défendre vraiment leurs intérêts. La capacité de la personne concernée à s'imposer peut être temporairement atténuée (par

77 78 79

80

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.1.1.

Pour une vue d'ensemble de la question, voir Maier Philipp, 2019, no1 ad art. 189 et no 1 ad art. 190.

Il y a également atteinte à l'autodétermination sexuelle lorsque l'auteur entrave la capacité de la victime d'agir selon sa volonté soit par surprise soit en abusant de son incapacité de discernement ou de résistance, de sa dépendance ou d'un état de détresse.

Concernant le code pénal allemand, comparable à cet égard, voir Hoven Elisa/ Weigend Thomas, 2017, pp. 182 ss, 183 s.

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ex. parce qu'elle est ivre) ou globalement réduite en raison de la structure de sa personnalité. Les personnes timides, inhibées ou manquant de maturité n'ont pas forcément besoin de la contrainte ou de la crainte d'être blessées pour ne pas parvenir à s'opposer pour de bon aux intentions ou aux injonctions d'autrui si pour celui-ci les protestations, les pleurs et la souffrance ne sont pas des motifs d'empêchement. La différence d'âge ou un sentiment diffus (c'est-à-dire pas spécifiquement lié à la peur de la violence) d'infériorité sociale ou psychologique peut empêcher la victime de s'imposer vis-à-vis de personnes dominantes81.

Dans la solution du consentement que souhaite voir s'imposer une minorité de la commission (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara), cette protection irait encore plus loin, puisqu'on n'attendrait rien de la victime, pas même qu'elle exprime un refus.

En cas de stealthing (voir la digression sous «Éléments constitutifs objectifs»), le bien juridique protégé est également l'intégrité sexuelle.

En cas d'atteinte sexuelle commise par surprise (voir la digression sous «Éléments constitutifs objectifs»), le bien juridique protégé est l'autodétermination sexuelle. En prenant la victime par surprise, l'auteur l'empêche d'agir selon sa volonté.

Éléments constitutifs objectifs Les nouvelles dispositions ne portent pas sur les atteintes sexuelles au cours desquelles l'auteur exerce une contrainte sur la victime (art. 189, al. 2 et 3, et 190, al. 2 et 3), profite de son incapacité de discernement ou de résistance (art. 191), l'induit en erreur (art. 193a) ou abuse d'un rapport de dépendance ou d'un état de détresse (art. 188 et 193). Elles ne portent pas non plus sur les atteintes moins intenses, qui continueront d'être traitées comme des attouchements d'ordre sexuel (art. 198, al. 2, 1re variante de l'infraction). Le champ d'application de l'art. 198, al. 2, première variante, sera considérablement restreint; une nouvelle jurisprudence verra le jour et s'établira.

Les nouveaux al. 1 des art. 189 et 190 englobent des situations dans lesquelles il est considéré comme prouvé que l'auteur a passé outre intentionnellement, le cas échéant par dol éventuel, la volonté contraire exprimée verbalement et / ou non verbalement par la victime et a commis sur elle un acte d'ordre
sexuel sans exercer de contrainte au sens des art. 189, al. 2, et / ou 190, al. 2. En de tels cas, aujourd'hui, la procédure est classée ou l'auteur acquitté du chef de contrainte sexuelle et / ou de viol82.

La victime peut par exemple exprimer son refus sous forme non verbale en pleurant, en se détournant ou en secouant la tête.

En règle générale, ce sera plutôt l'auteur qui commettra l'acte d'ordre sexuel sur la victime. Il n'est cependant pas exclu qu'une personne qui y est pressée commette un acte d'ordre sexuel (sur l'auteur). En de tels cas, il sera vraisemblablement difficile de prouver que l'auteur a vu que la victime, bien qu'active, a agi contre sa volonté.

Dans la solution du consentement défendue par la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara), est punissable quiconque, sans le consentement exprès 81 82

Hörnle Tatjana, 2015, pp. 211 s.

Voir également Scheidegger Nora/Lavoyer Agota/Stalder Tamara, 2020, pp. 57 ss et l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_912/2009 du 22 février 2010.

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ou tacite d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un acte d'ordre sexuel.

La formulation «sans le consentement» engloberait les atteintes sexuelles commises par surprise et les cas de stealthing (voir ci-dessous), de même que la «tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte» (art. 193a). Il ne serait donc pas nécessaire de les régler à part83. De plus, la 2e variante de l'art. 191 (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance), dans laquelle l'auteur profite de l'incapacité de résistance de la victime, deviendrait inutile et pourrait être supprimée84.

Digression sur les atteintes sexuelles commises par surprise Les art. 189, al. 1, et 190, al. 1, englobent les atteintes sexuelles commises par surprise, sans qu'elles soient désirées par la victime, et dont l'intensité dépasse celle des désagréments d'ordre sexuel.

Dans le droit en vigueur, les actes d'ordre sexuel commis par surprise sont punis soit en tant qu'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191), soit en tant qu'attouchements d'ordre sexuel (art. 198, al. 2, 1re variante). Il paraît inéquitable de ne punir l'auteur qu'au titre de ce second article si la victime a subi un acte d'ordre sexuel qui, même s'il était de courte durée, revêtait une certaine intensité. Un homme qui avait porté sévèrement atteinte à l'intégrité sexuelle de deux femmes dans un parc aquatique, n'a ainsi écopé que d'une amende.

Il avait simulé une chute dans un bassin, avait glissé sa main sous le maillot de la première femme et avait touché ses lèvres vaginales pendant deux à trois secondes jusqu'à ce qu'elle parvienne à retirer sa main. Peu de temps après, il s'était approché de la seconde femme par derrière sous l'eau, avait poussé son maillot de côté et introduit au moins un doigt dans son vagin85.

Si l'auteur agit par surprise, la victime n'a pas la possibilité d'exprimer une volonté contraire. Il se peut que l'atteinte soit déjà terminée au moment où elle exprime sa volonté. Cependant, cette volonté contraire peut découler des circonstances. Pour évaluer la situation, il faut se pencher sur le cadre et les circonstances dans lesquels l'auteur a agi (adéquation sociale, consentement). Les circonstances permettront de déterminer si l'auteur a
agi intentionnellement ou par dol éventuel. Le fait que l'auteur agisse par surprise ne signifie pas impérativement que la personne concernée ne désire pas l'acte. Dans le cas évoqué plus haut, au parc aquatique, il est évident que les actes d'ordre sexuel commis par surprise n'étaient pas désirés par les femmes concernées et qu'ils allaient à l'encontre de leur volonté. La situation est moins claire lorsque l'acte est commis par surprise dans une discothèque et qu'il intervient entre deux personnes qui ont longuement dansé et flirté, qui se sont serrées l'une contre l'autre et embrassées. Dans une relation de couple enfin, les partenaires peuvent très bien désirer un acte commis par surprise, qui peut reposer sur un accord tacite entre eux (même s'il n'est alors que relativement surprenant).

Dans l'avant-projet, la commission avait proposé une réglementation spécifique relative aux atteintes sexuelles commises par surprise (art. 187a, al. 1, 2e variante, 83 84 85

Voir les motifs au ch. 3.10.1.

Voir les motifs au ch. 3.7.5.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_630/2014 du 20 janvier 2015.

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AP-CP). Les quelques participants qui se sont exprimés à son sujet s'y sont montrés favorables sur le principe86. Bien que le projet ne règle plus ce genre d'atteintes séparément, l'idée première consistant à punir plus sévèrement les atteintes sexuelles d'une certaine intensité commises par surprise est maintenue.

Dans la solution du consentement demandée par la minorité (Mazzone, BaumeSchneider, Sommaruga Carlo, Vara)87, les atteintes sexuelles commises par surprise seraient couvertes par les art. 189, al. 1, et 190, al. 1 (absence de consentement).

Digression sur le stealthing L'auteur88 d'un acte de stealthing retire furtivement son préservatif ou omet sciemment d'en mettre un à l'occasion de rapports sexuels consentis, alors que sa victime tenait à cette condition et que l'auteur était d'accord (du moins en apparence). Il s'agit donc d'un comportement contraire à ce qui avait été convenu et directement lié aux modalités de l'acte d'ordre sexuel.

Un préservatif peut servir à la contraception comme à la prévention de maladies transmissibles. Or, la grossesse et la transmission de maladies sont des conséquences indissociables de nombreuses pratiques sexuelles. Le sexe est une activité à risque de ce point de vue.

Une personne qui consent à des rapports sexuels avec une autre personne forme avec elle une sorte de communauté de risque: en cas de consensus sur le fait d'éviter certains des risques induits, chacune des deux personnes est en droit d'attendre que l'autre ne l'y expose pas. Elles se doivent une considération réciproque et ont une certaine responsabilité. L'acceptation de l'usage d'un préservatif implique de consentir à protéger l'autre lors de rapports sexuels89. On pourrait donc argumenter que les rapports sexuels non protégés et ceux protégés par un préservatif sont deux formes différentes de rapports sexuels. Si une personne ne porte pas de préservatif en dépit de ce qui avait été convenu, le consentement donné ne déploie pas d'effets.

Le consentement donné à des rapports sexuels avec préservatif ne s'étend pas aux mêmes actes sans préservatif. On se trouve donc face à un comportement punissable couvert par l'élément constitutif «contre la volonté»90. Un partenaire sexuel ne se rend pas punissable s'il enfile furtivement un préservatif car il ne viole pas de consentement à la protection et qu'il ne soumet l'autre personne à aucun risque.

86 87 88

89 90

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.2.

Ch. 3.6.1.5.

Les hommes peuvent être victimes de stealthing dans le cadre de relations homosexuelles, les femmes peuvent être auteurs de stealthing dans de rares situations où elles ne portent pas de préservatif féminin contrairement à ce qui avait été convenu.

Voir également Fischer Thomas, 2020, § 177, no 2c.

Herzog Felix, 2018, pp. 351 ss, 353 et 356 s. et Wissner Andres, 2021, pp. 279 ss, 283 (et les références citées); d'un autre avis Göhlich Carola, 2019, pp. 522 ss, 526, qui considère qu'il s'agit d'une tentative de lésion corporelle et Meier Markus J./Hashemi Jasmin, 2020, pp. 119 ss, 123 s. S'agissant du droit pénal allemand, comparable sur ce point, voir Fischer Thomas, 2020, § 177, no 2c, et Hoven Elisa, 2020, pp. 578 ss, 580 s. Pour d'autres exemples tirés de la pratique judiciaire et de la doctrine, voir Denzel Moritz/ Kramer da Fonseca Calixto Renato, 2019, pp. 347 ss.

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Divers auteurs de doctrine trouvent un motif de punissabilité dans le fait que le préservatif modifie l'intensité voire le degré d'intimité des rapports sexuels et qu'il existe une différence marquée entre des rapports sexuels avec ou sans préservatif: dans le second cas, il y a un contact peau-à-peau et un échange de fluides corporels91. Certains postulent une différence semblable à celle qui existe entre des rapports vaginaux et des rapports anaux92. Or l'expérience rapportée par des personnes victimes de stealthing relativise quelque peu cette différenciation, puisqu'elles ne se sont aperçues des manoeuvres effectuées par l'auteur qu'après l'éjaculation93.

En règle générale, ce sera l'auteur qui commettra l'acte d'ordre sexuel sur la victime.

Il n'est toutefois pas exclu que l'auteur fasse commettre l'acte et que la victime ne remarque pas qu'il a retiré son préservatif, par exemple parce qu'elle portait un bandeau sur les yeux, qu'elle était prise de boisson ou qu'elle était sous l'emprise de la drogue.

Dans la solution du consentement demandée par la minorité (Mazzone, BaumeSchneider, Sommaruga Carlo, Vara)94, les cas de stealthing sont couverts par l'art. 190, al. 1, puisqu'il n'existe pas de consentement exprès ou tacite au retrait du préservatif. On se reportera aux explications qui précèdent.

Digression sur l'état de sidération de la victime Les tenants d'une réforme du droit pénal en matière sexuelle ont fait valoir, également pendant la consultation95, qu'il était naturel que des victimes de violence sexuelle se retrouvent en état de sidération ou soient comme paralysées. Ils ont indiqué qu'il était rare qu'elles se défendent. Ils considèrent que le droit en vigueur, qui exige que l'auteur fasse usage de la contrainte, ne permet pas d'appréhender comme il faut la grande majorité des actes. Ils soulignent que la plupart des auteurs n'ont nul besoin de faire usage de violence, puisqu'ils exploitent l'état émotionnel de la victime et la relation de confiance avec elle.

L'état de sidération mentionné plus haut est appelé catalepsie ou immobilité tonique.

La littérature scientifique mentionne que nous sommes biologiquement conçus pour nous défendre () ou pour fuir () dans les situations menaçantes. Lorsque nous ne pouvons adopter aucune de ces deux réactions ou qu'elles s'avèrent non salvatrices, il nous reste la thanatose ou la catalepsie ou encore la dissociation, c'est-àdire la coupure avec la réalité96.

91

92 93

94 95 96

El-Ghazi Mohamad, 2019, pp. 675 ss, 680 s. et (sans argumentation) Hörnle Tatjana, ZStW 2015, pp. 851 ss, 881. Fischer Thomas, 2020, § 177, no 2c estime que le fait que les partenaires aient expressément thématisé cet aspect constitue un motif déterminant pour qualifier le consentement de valable.

El-Ghazi Mohamad, 2019, pp. 675 ss, 680.

Voir les descriptions données par des victimes de stealthing par ex. à «Isabells Sexpartner hat heimlich das Kondom abgezogen», Spiegel Panorama du 12 avril 2020, «Stealthing: Warum Männer das Kondom heimlich abziehen», P.S. Zeitung du 6 mars 2020 ou «Heimlich das Kondom abgezogen: Betroffene erzählen von Stealthing», VICE du 8 janvier 2020. Plusieurs des cas décrits sur vice.com ne remplissent pas les critères du caractère furtif ou de la tromperie; il ne s'agit donc pas de cas de stealthing.

Ch. 3.6.1.5 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.7.1.

Beckrath-Wilking Ulrike/Biberacher Marlene/Dittmar Volker/Wolf-Schmid Regina, 2013, p. 53.

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Lors des auditions menées par la commission, les experts ont indiqué que le phénomène était connu, mais qu'il n'était pas sûr qu'il se manifeste avec la fréquence avancée par certains. Une étude établit une fréquence de 70 %, mais les données disponibles sont insuffisantes pour confirmer que les cas de catalepsie atteignent forcément ces proportions97.

Vu cette insuffisance, la décision en faveur de la solution du consentement ou du refus ne devrait pas dépendre des cas de catalepsie. Il n'est pas possible de dire de manière fiable, c'est-à-dire attestée scientifiquement, à quel point l'atteinte portée à une personne doit être intense, avec ou sans contrainte au sens de la loi, pour que cette personne tombe en catalepsie, ni comment cette personne se comportera suite à cela. Les cas de catalepsie consécutifs à des menaces intenses ou à l'usage de la violence peuvent aisément être punis en application du droit en vigueur. Par ailleurs, une personne peut être comme paralysée suite à une agression (qu'elle soit à caractère sexuel ou non, par ex. en cas de brigandage ou de lésions corporelles) sans qu'il s'agisse de catalepsie au sens médical du terme. Il convient quoi qu'il en soit de déterminer comment prendre ces réactions en considération en droit pénal. Dans ce qui suit, on parlera d'«état de sidération» pour utiliser un terme générique.

­

Si la victime ne subit pas de contrainte et est à même d'exprimer un «non» ou de manifester son refus d'une autre manière avant de tomber en état de sidération, tant la solution du refus que celle du consentement permettront d'aboutir à des résultats satisfaisants. Ces situations tomberont en principe sous le coup des art. 189, al. 1, et 190, al. 1.

Dans la solution du refus, le juge pourra en outre appliquer l'art. 191 (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance) ou le faire primer sur d'autres articles. Il pourra considérer que l'auteur, par son comportement, ou éventuellement par sa seule présence, produit l'incapacité de résistance de la victime, mais qu'il ne le fait pas intentionnellement et, en particulier, sans user de la contrainte (sinon, les art. 189, al. 2, ou 190, al. 2 s'appliqueraient). En état de sidération, la victime ne peut plus se défendre physiquement (peut-être que des éléments psychologiques s'y ajoutent98) pour repousser son assaillant sexuel. L'auteur se rendra donc punissable au sens de l'art. 191 s'il profite intentionnellement ou par dol éventuel de cette incapacité de résistance99.

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97

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99

Les situations où la victime ne subit pas la contrainte, mais où elle ne peut exprimer son refus avant de se trouver en état de sidération, pourront également tomber sous le coup de l'art. 191 si l'on applique la solution du refus.

Les auteurs d'une étude suédoise de 2017 ont interrogé 298 femmes qui se sont rendues dans une clinique spécialisée de Stockholm au cours du mois suivant un viol. 70 % d'entre elles ont indiqué avoir vécu une immobilité tonique significative pendant l'agression, 48 % une immobilité tonique extrême; Möller Anna/Söndergaard Hans Peter/Helström Lotti, 2017, pp. 932 à 938.

Trechsel Stefan/Bertossa Carlo, 2018, no 1 ad art. 191 soulignent, en renvoyant à l'ATF 119 IV 233, que l'incapacité de résistance peut résulter d'une combinaison d'éléments physiques et psychologiques.

La mise en oeuvre de la solution du consentement entraînerait la suppression de l'élément constitutif de l'incapacité de résistance à l'art. 191; voir le ch. 3.7.5.

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De telles situations seront couvertes par les art. 189, al. 1, et 190, al. 1, dans la solution du consentement. Mais, si l'on applique cette solution, il est possible, voire à craindre, que l'absence de réaction de la victime du fait de son état de paralysie soit interprétée à tort par l'autre personne comme un consentement (tacite) alors qu'il ne s'agit pas de l'expression d'une volonté, mais d'une réaction biologique non maîtrisée. Ce risque existe tout particulièrement lorsque des rapports sexuels consentis ont eu lieu auparavant.

­

Les art. 189, al. 2, et 190, al. 2, s'appliqueront si la victime subit la contrainte avant de tomber en état de sidération.

Éléments constitutifs subjectifs L'auteur doit agir intentionnellement, le cas échéant par dol éventuel, et donc se rendre compte qu'il agit (peut-être) contre la volonté de la victime, ou sans son consentement. La négligence ne suffit pas.

Peine encourue Lors de la consultation, nombre de participants ont considéré que la peine prévue à l'art. 187a AP-CP (peine privative de liberté de trois ans au plus ou peine pécuniaire) était trop faible. Ils ont notamment avancé que l'illicéité résidait principalement dans l'atteinte à l'autodétermination sexuelle et non dans la contrainte. Ils estiment de ce fait que la peine privative de liberté de trois ans au plus est trop basse en comparaison des dix ans des art. 189 et 190100.

Suite à ces critiques, on instaure une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire dans les cas où l'auteur commet sur la victime ou lui fait commettre l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps (art. 190, al. 1). On conserve néanmoins à l'art. 189, al. 1, la même peine que celle proposée en consultation.

Infractions poursuivies d'office Les actes visés aux art. 189, al. 1, et 190, al. 1, seront poursuivis d'office. Un délai de plainte de trois mois paraît trop court pour les cas visés, ou en tout cas pour une partie d'entre eux.

Pas d'inscription sur la liste des infractions de l'art. 55a Les nouvelles dispositions ne figureront pas dans la liste des infractions de l'art. 55a, qui prévoit la suspension et le classement de la procédure pénale en cas de violence légère dans le couple. Depuis la révision du CP et du CPM de 2004101, les infractions impliquant des actes de violence dans le couple sont poursuivies d'office. Parallèlement, l'art. 55a (équivalent dans le CPM: art. 46b), nouvelle disposition procédurale, a vu le jour pour permettre la suspension voire le classement de la procédure à la demande de la victime lorsqu'il s'agit d'actes de violence légère commis au sein du couple. On tient compte de la sorte des intérêts des victimes qui ne souhaitent pas que 100

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.1; voir en particulier les ch. 4.7.1.1 et 4.7.1.2.

101 RO 2004 1403; FF 2003 1750; FF 2003 1779.

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leur partenaire soit poursuivi et puni pour ses actes. La liste des infractions n'en comporte pour l'instant aucune contre l'intégrité sexuelle102. Y inscrire le viol (art. 190, al. 1), et donc un crime, serait contraire au but et à l'objet de la disposition, aujourd'hui comme hier. On ne doit en effet relativiser le principe de la poursuite d'office que pour quelques infractions légères pour lesquelles l'intérêt de la victime au classement de la procédure est exceptionnellement supérieur à l'intérêt public à la poursuite pénale. Il serait certes envisageable d'inscrire l'atteinte sexuelle (art. 189, al. 1) dans la liste de l'art. 55a, mais cet article venant d'être révisé103, il serait préférable d'attendre qu'on ait pu évaluer les effets de la révision, et en particulier ceux de la possibilité d'obliger le prévenu à suivre un programme de prévention de la violence.

Concours La contrainte sexuelle (art. 189) et le viol (art. 190) sont, dans le droit en vigueur, des infractions violentes104. Selon la doctrine dominante, ces infractions absorbent les lésions corporelles simples et les voies de fait au sens des art. 123, 125, al. 1, et 126105.

Trechsel / Bertossa106 et Hurtado Pozo107 considèrent qu'il y a concours avec l'art. 123.

Les nouveaux art. 189, al. 1, et 190, al. 1, ne portent pas quant à eux sur des infractions violentes. De plus, la peine maximale encourue y est inférieure à celle prévue aux art. 189, al. 2, et 190, al. 2. Les infractions corporelles découlant d'infractions au sens de ces dispositions ne seront donc pas absorbées par elles, si ce n'est les voies de fait.

Il y aura concours idéal entre ces dispositions et l'art. 187 (actes d'ordre sexuel avec des enfants), dans la mesure où on est en présence de biens juridiques différents.

Les art. 189, al. 2, 190, al. 2, et 191 primeront les art. 189, al. 1, et 190, al. 1.

Les art. 189, al. 1, et 190, al. 1, ne portent pas sur des atteintes sexuelles d'une intensité moindre, qui continueront d'être punies de l'amende en tant qu'attouchements d'ordre sexuel au sens de l'art. 198. Il s'agit par exemple du fait de toucher des parties du corps proches des parties génitales (cuisses, bas du ventre) par-dessus les vêtements108 ou de caresser le dos nus d'une victime mineure avec la main sous son t-shirt109.

102

103 104 105 106 107 108 109

On a renoncé sciemment à l'époque à inscrire la contrainte sexuelle et le viol sur la liste des infractions de l'art. 55a. Étant donné la gravité de ces infractions, l'intérêt public à la poursuite prime l'intérêt de la victime au classement de la procédure (FF 2003 1750 1764). La proposition contraire d'une minorité a été rejetée par le Conseil national (BO 2003 N 795).

RO 2019 2273; en vigueur depuis le 1er juillet 2020.

ATF 133 IV 49, consid. 4.

Maier Philipp, 2019, no 80 ad art. 189 et les références citées.

Trechsel Stefan/Bertossa Carlo, 2018, no 17 ad art. 189.

Hurtado Pozo José, 2009, no 2951 ad § 100.

Arrêt du Tribunal fédéral 6P_123/2003 du 21 novembre 2003: l'auteur pose sa main sur la cuisse de la victime en lui disant qu'elle est bien ferme.

ATF 137 IV 263

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Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul)110 L'art. 36 de la convention d'Istanbul enjoint aux États parties d'ériger en infraction pénale la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d'autrui avec toute partie du corps ou avec un objet et les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui (par. 1, let. a et b). Le rapport explicatif de la convention111 indique que le par. 1 couvre toutes les formes d'actes sexuels (= actes d'ordre sexuel en droit suisse) imposés intentionnellement à un tiers sans son libre consentement (ch. 189). Cela n'implique pas que les États parties soient tenus d'adopter une législation pénale réprimant expressément ces actes. Les rédacteurs de la convention leur ont laissé le soin «de décider de la formulation exacte de la législation et des facteurs considérés comme exclusifs d'un consentement libre» (ch. 193).

Dans son message concernant l'approbation de la convention112, le Conseil fédéral était déjà parvenu à la conclusion que le droit suisse répondait aux exigences de celleci. Les comportements visés sont punis par le titre 5 (infractions contre l'intégrité sexuelle), notamment en tant que contrainte sexuelle (art. 189 en vigueur) et viol (art. 190 en vigueur) et le cas échéant par les art. 191, 192 et 193. Le consentement doit être donné volontairement pour qu'il n'y ait pas infraction. Les nouveaux art. 189, al. 1, et 190, al. 1, assurent une meilleure protection pénale contre l'atteinte sexuelle et le viol et correspondent mieux à l'esprit de la convention (voir le ch. 10.2.2).

3.6.2

Art. 189, al. 2, et 190, al. 2

3.6.2.1

Nouvelle structure

L'inscription dans la loi de nouveaux art. 189, al. 1, et 190, al. 1113, décale les al. 1 en vigueur, dans lesquels figurent les actes de contrainte, aux al. 2.

3.6.2.2

Ajout de la contrainte à commettre un acte d'ordre sexuel en application de la jurisprudence

On adapte le texte de loi à la jurisprudence du Tribunal fédéral et à la doctrine dominante. On rajoute la «contrainte à commettre» un acte d'ordre sexuel en plus de la «contrainte à subir» un tel acte.

Depuis la révision du droit pénal en matière sexuelle du 1er octobre 1992, seule la «contrainte à subir» un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel voire l'acte sexuel lui-même figure encore aux art. 189 et 190. L'ancêtre de l'art. 189,

110 111

RS 0.311.35 www.coe.int/fr/ > Explorer > Bureau des Traités > Liste complète > 210 > Rapport explicatif 112 FF 2017 163 216 113 Ch. 3.6.1.6

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l'art. 188 aCP («attentat à la pudeur avec violence») évoquait encore la contrainte «à subir ou à faire un autre acte contraire à la pudeur».

Dans l'ATF 127 IV 198, le Tribunal fédéral a indiqué qu'il n'y avait pas de motifs matériels justifiant la restriction de l'infraction décrite à l'art. 189 à la seule contrainte à subir un acte d'ordre sexuel et que cette restriction n'avait pas été voulue par le législateur. Les documents relatifs à la révision montrent qu'il s'agit manifestement d'une inadvertance de sa part. Le Tribunal fédéral a dès lors conclu qu'une interprétation de la norme incluant la contrainte à commettre un acte d'ordre sexuel était compatible avec le principe de la légalité au sens de l'art. 1 CP. Une application à la lettre de la disposition serait selon lui inappropriée et aurait des conséquences choquantes.

Il a invité le législateur à corriger son inadvertance à l'occasion.

La révision en cours permet de remédier à cette erreur pour la contrainte sexuelle (art. 189, al. 2) et pour le viol (art. 190, al. 2). Les participants à la consultation ont adhéré à cette proposition114.

3.6.2.3

Extension de la définition du viol

On étend la définition du viol, comme le demande l'initiative cantonale genevoise 14.311 «Résolution pour une modification des articles 189 et 190 du code pénal et une redéfinition de la notion juridique de viol», à laquelle les commissions des affaires juridiques du Conseil national et du Conseil des États ont donné suite115. L'initiative cantonale demande à l'Assemblée fédérale d'élargir la définition de la notion juridique du viol aux victimes de sexe masculin et à d'autres formes de pénétrations sexuelles forcées que l'acte sexuel proprement dit116. Le 17 septembre 2018, le Conseil national a par ailleurs adopté la motion 17.3992 Fehlmann Rielle «Définition du viol en droit suisse. La loi doit changer !», qui demande elle aussi que l'on étende la définition du viol. Le Conseil des États ne l'a pas encore traitée117.

Le nouvel art. 190 comporte, outre l'acte sexuel, des actes analogues118 commis en faisant usage de la contrainte et impliquant une pénétration du corps; ces actes auront donc valeur de viol et seront soumis à la même peine minimale (al. 2). Le viol couvrira 114 115

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.9.1.

www.parlement.ch > no d'objet 14.311. La CAJ-E a donné suite à l'iv. pa. le 10 février 2015, la CAJ-N le 26 juin 2015.

116 L'acte sexuel est défini comme la réunion du sexe masculin et du sexe féminin.

117 www.parlement.ch > no d'objet 17.3992. Dans son avis du 14 février 2018, le Conseil fédéral a rappelé qu'une modification des art. 189 et 190 dans le sens proposé par l'auteure de la motion figurait dans son message sur l'harmonisation des peines, dont l'adoption était prévue au printemps 2018. Il a précisé que la notion de viol ne couvrirait cependant que les actes analogues à l'acte sexuel, et non tous les actes d'ordre sexuel subis sous la contrainte.

118 Sont réputés «actes analogues à l'acte sexuel» les actes au cours desquels l'organe sexuel (primaire) de l'une des personnes impliquées entre en contact étroit avec le corps de l'autre personne. Concrètement, il s'agit de l'introduction de l'organe masculin dans l'anus ou la bouche du partenaire ou de la stimulation du vagin ou du pénis au moyen de la langue ou des lèvres. Il peut s'agir également d'un coït intercrural, qui consiste à frotter l'organe masculin contre les cuisses directement sous le sexe du partenaire; voir Maier Philipp, 2019, no 50 ad art. 189 et les références citées.

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la pénétration anale et orale (fellation) et les hommes pourront également en être victimes. Par ailleurs, la pénétration du vagin pourra se faire au moyen du pénis ou d'une autre partie du corps (doigt, main, langue) ou encore d'un objet.

L'avant-projet prévoyait, comme le droit en vigueur, que seule la pénétration du corps de la victime réunit les éléments constitutifs du viol. Les actes analogues à l'acte sexuel au cours desquels la victime doit pénétrer le corps de l'auteur ou d'un tiers auraient dès lors continué de relever de la contrainte sexuelle. Divers participants, peu convaincus par cette différenciation, se sont montrés critiques à cet égard. Ils ont relevé qu'elle ne permettait pas d'appréhender comme il se doit les cas où une homme en contraint un autre à procéder à une pénétration anale (et donc à prendre un rôle «actif») ou encore ceux où une victime masculine est contrainte à subir une fellation119. La commission s'est montrée sensible aux critiques exprimées et a décidé de ne pas maintenir cette restriction.

La formulation «acte analogue qui implique une pénétration du corps» a pour but d'éviter que le baiser lingual tombe sous le coup de l'art. 190. Il s'agit bien d'une pénétration du corps (de la victime), mais pas d'un acte analogue à l'acte sexuel. Cet acte continuera de relever de l'art. 189.

L'extension de la définition du viol tient compte du fait que d'autres formes de violence sexuelle portent autant voire davantage atteinte au droit à l'autodétermination sexuelle de la victime que l'acte sexuel forcé, même si ce dernier peut donner lieu à une grossesse non désirée. Souvent, la victime est plus fortement traumatisée suite à une pénétration anale ou orale ou à des actes sadiques que suite à une pénétration vaginale120.

Les participants à la consultation ont approuvé cette extension à la quasi-unanimité121.

3.6.2.4

Pas d'abaissement de la peine maximale à l'art. 189, al. 2, pas d'augmentation de la peine minimale à l'art. 190, al. 2

La peine privative de liberté maximale encourue à l'art. 189, al. 2, demeurera de dix ans. La formulation «acte analogue à l'acte sexuel qui implique une pénétration du corps» ne couvre pas tous les actes d'ordre sexuel qui sont aujourd'hui considérés comme analogues à l'acte sexuel et qui de ce fait, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, sont soumis à la même fourchette de peines que le viol122. Pensons notamment à la stimulation orale sous contrainte des organes génitaux extérieurs de la femme (cunnilingus)123. Cet acte d'ordre sexuel continuera de tomber sous le coup de l'art. 189. Il ne semble par conséquent pas approprié d'abaisser la peine maximale encourue à l'art. 189, al. 2.

119 120 121 122 123

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.9.5.

Maier Philipp, 1994, pp. 258 et 287 s. et les références citées.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.9.5.

ATF 132 IV 120, consid. 2.

ATF 84 IV 100

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On n'augmente pas la peine minimale à l'art. 190, al. 2 (un an de peine privative de liberté). On restreindrait trop sinon la latitude du juge, de même que sa capacité de prendre en compte les circonstances du cas concret. Si la peine minimale était plus élevée, on ne pourrait exclure que le juge emploie des critères plus stricts lors de l'évaluation des preuves et qu'on aboutisse de ce fait à moins de condamnations en application de cette disposition. Une majorité des participants à la consultation s'est ralliée à cette proposition124.

La minorité (Engler, Fässler Daniel, Minder, Rieder, Z'graggen) trouve la peine privative de liberté minimale d'un an insuffisante pour un viol au sens de l'art. 190, al. 2, car elle permet à un primodélinquant de s'en tirer avec une peine avec sursis.

Conformément à l'art. 42, al. 1, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Pour éviter une telle suspension, la peine minimale doit excéder deux ans de peine privative de liberté.

Une augmentation de la peine minimale encourue restreindrait la marge d'appréciation du juge. Il pourrait néanmoins recourir au sursis partiel. L'art. 43 lui permet de suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.

La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine, et tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins.

3.6.3

Art. 189, al. 3, et 190, al. 3

Les al. 3 des art. 189 et 190 indiquent que l'auteur agit avec cruauté notamment s'il fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux. Le message du 26 juin 1985125 relève que «la cruauté doit dans tous les cas être admise si l'auteur a menacé sa victime d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse». Cela ne paraît pas convaincant pour Trechsel / Bertossa, qui considèrent qu'il n'est pas forcément cruel de recourir à une arme dangereuse ou à un autre objet dangereux126. On supprime de ce fait le terme «notamment». L'utilisation d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux sera toujours une circonstance qualifiante, que l'auteur agisse avec cruauté ou non. Les éléments constitutifs des art. 189, al. 3, et 190, al. 3, sont par ailleurs réunis lorsque l'auteur agit avec cruauté127. Une majorité des participants à la consultation s'est ralliée à cette proposition128.

Les sanctions pénales prévues à l'art. 189, al. 3, CP vont de trois à vingt ans de peine privative de liberté. Désormais, tout acte analogue à l'acte sexuel impliquant une pénétration corporelle sera considéré non plus comme une contrainte sexuelle, mais

124 125 126 127 128

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.9.2.

FF 1985 II 1021 1090 Trechsel Stefan/Bertossa Carlo, 2018, no 15 ad art. 189.

À propos des actes commis avec cruauté, voir Maier Philipp, 2019, no 67 ss ad art. 189.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.9.3.

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comme un viol et sera puni de la peine minimale prévue à l'art. 190, al. 2129. Cela signifie que les comportements correspondants qui, selon le critère du caractère répréhensible d'un acte, entrent actuellement dans la catégorie des actes les plus graves selon l'art. 189, seront dorénavant considérés comme constitutifs d'un viol. Par conséquent, l'art. 189, al. 2, ne couvre plus que des actes d'ordre sexuel moins graves, et l'éventail des actes sexuels entrant dans le champ d'application de cet alinéa comme la différence d'intensité entre ces actes se réduisent. Étant donné que le caractère illicite (partiel) de l'acte qualifié découle de l'infraction générale, une différenciation doit être faite entre le tort découlant d'un acte relevant de la contrainte sexuelle qualifiée (art. 189, al. 3) et le tort découlant d'un viol qualifié (art. 190, al. 3). Dès lors, il convient de réduire de trois à un an la peine privative de liberté minimale prévue à l'art. 189, al. 3.

Il n'est pas inutile de rappeler, à cet égard, que la contrainte sexuelle (art. 189, al. 2) ­ à l'inverse du viol (art. 190, al. 2) ­ ne connaît pas de peine minimale. Il en va de même pour la séquestration et l'enlèvement, où aucune peine minimale n'est prescrite pour l'infraction générale (art. 183, ch. 1), tandis que si l'infraction est qualifiée (par ex. l'auteur a traité la victime avec cruauté), le CP prévoit une peine privative de liberté d'un an au moins (art. 184).

3.7

Art. 191 Actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance

3.7.1

Modification du titre marginal

En allemand, le titre marginal de l'art. 191 «Schändung», stigmatisant pour la victime, est remplacé par «Missbrauch einer urteilsunfähigen oder zum Widerstand unfähigen Person». Cette modification a été bien accueillie lors de la consultation130. Le titre se rapproche dès lors des versions française et italienne131, qui ne nécessitent aucune adaptation.

La mise en oeuvre de la solution du consentement exigée par la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)132 entraînerait la suppression de l'élément constitutif de l'incapacité de résistance à l'art. 191133. Il en résulterait une adaptation du titre marginal dans toutes les langues. En français, il deviendrait «Actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement».

129 130 131

Ch. 3.6.2.3 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.10.1.

«Actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance» et «Atti sessuali con persone incapaci di discernimento o inette a resistere».

132 Ch. 3.6.1.5 133 Ch. 3.7.5

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3.7.2

Suppression de «sachant que ... »

À l'art. 191, on supprime le passage «sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance». Cette modification aussi a été bien accueillie lors de la consultation134. Cette formule a pour but de garantir que l'auteur s'est bien rendu compte de la situation de la victime. Mais si le trouble mental n'est pas apparent et que l'auteur a peu ou pas d'expérience en rapport avec les personnes en situation de handicap mental, on ne peut pas admettre à la légère qu'il s'est aperçu qu'il profitait du handicap pour commettre l'acte135. L'auteur doit ainsi agir par dol (éventuel). On assure de la sorte la conformité avec les règles générales de droit pénal; l'exigence du dol ne doit donc pas être expressément mentionnée.

3.7.3

Pas de peine minimale

L'avant-projet prévoyait que l'extension de la définition du viol conformément à la variante 2 se répercute sur l'art. 191. Comme pour le viol, le fait de faire commettre ou subir l'acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps à une personne incapable de discernement ou de résistance devait être passible d'une peine privative de liberté minimale d'un an.

Une majorité des participants à la consultation se sont dits favorables à cette proposition, mais une minorité notable, dont 11 cantons, s'y est opposée. Les opposants ont avancé que cette disposition recouvrait de nombreuses formes de réalisation de l'infraction et ont considéré qu'une peine adaptable vers le bas et en particulier une peine privative de liberté maximale de dix ans permettaient de punir les infractions légères de manière adaptée à la faute et à l'acte commis136.

La disposition en vigueur permet en effet de sanctionner les actes d'ordre sexuel de courte durée commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

Une peine privative de liberté minimale d'un an paraît excessive pour ce genre de cas.

La commission estime dès lors qu'il est préférable d'y renoncer et de maintenir la peine fixée dans le droit en vigueur.

3.7.4

Adaptation du texte français: ajout de la commission d'un acte d'ordre sexuel par la victime

Selon la formulation actuelle du texte français de l'art. 191, l'auteur n'est punissable que s'il commet un acte d'ordre sexuel sur la victime. Cette formulation est trop restrictive137. Les formulations allemande et italienne incluent le fait de déterminer la victime à commettre un acte d'ordre sexuel (par ex. pratiques orales par des personnes

134 135 136 137

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.10.2.

Maier Philipp, 2019, no 16 ad art. 191.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.10.4.

Queloz Nicolas/Illànez Federico, 2017, no 5 ad art. 191.

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en situation de handicap mental)138. Le texte français est adapté en conséquence. Les participants à la consultation ont soutenu cette proposition139.

3.7.5

Suppression de «personne incapable de résistance»

La minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara) demande qu'on mette en place la solution du consentement, qui sanctionne quiconque, sans le consentement d'une personne, commet sur elle ou lui fait commettre un acte d'ordre sexuel140.

Dans cette optique, il est possible de renoncer à l'incapacité de résistance qui figure dans le droit en vigueur à l'art. 191. Il s'agit de l'incapacité physique d'une personne à s'opposer aux actes d'ordre sexuel commis par autrui sur son corps141. Certains participants à la consultation ont souligné que cette partie de l'art. 191 en vigueur serait couverte par les nouveaux art. 189, al. 1, et 190, al. 1142. La solution du consentement protège l'exercice du libre-arbitre. Il suffit que la victime exprime clairement sa volonté. Qu'elle soit capable ou non de résistance ne joue donc aucun rôle.

Cependant, il y a par exemple incapacité de discernement si la victime est dans un état d'ébriété avancé ou sous l'empire de la drogue et n'est plus à même de former valablement sa volonté. Cet aspect tomberait toujours sous le coup de l'art. 191. On se reportera en la matière à la doctrine et à la jurisprudence relatives au droit en vigueur.

3.8

Art. 192 Actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues

Selon la doctrine dominante143, l'art. 192 constitue une disposition spéciale de l'art. 193 (abus de la détresse ou de la dépendance): toutes les infractions décrites à l'art. 192 sont couvertes par l'art. 193 et les peines prévues par la loi sont identiques.

Le message du 26 juin 1985144 précise que c'est le fait, pour l'auteur, d'avoir profité du rapport de dépendance dans lequel la victime se trouve pour obtenir son consentement à un acte sexuel qui détermine sa punissabilité. L'art. 192 peut de ce fait être abrogé. Les participants à la consultation s'en sont dans l'ensemble félicités145.

138 139 140 141 142 143 144 145

Maier Philipp, 2019, no 13 ad art. 191.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.10.3.

Ch. 3.6.1.5 Maier Philipp, 2019, no 6 ad art. 191 et les références citées.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.10.5.

Maier Philipp, 2019, no 20 ad art. 193 et les références citées.

FF 1985 II 1021 1094 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.11.

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3.9

Art. 193 Abus de la détresse ou de la dépendance

On adapte le titre marginal de l'art. 193 puisqu'il ne recouvre actuellement pas les deux différents états de fait décrits par cette disposition. Son libellé sera: «Abus de la détresse ou de la dépendance». Il est prévu par ailleurs de supprimer ­ comme c'est le cas pour les art. 187 (actes d'ordre sexuel avec des enfants) et 188 (actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes) ­ les circonstances donnant lieu à un traitement privilégié de l'auteur, c'est-à-dire le fait que la victime ait contracté mariage ou conclu un partenariat enregistré avec lui. Voir le commentaire des art. 187 et 188. Les participants à la consultation s'en sont dans l'ensemble félicités146.

On adapte par ailleurs la peine encourue. Dans le droit en vigueur, la peine maximale fixée à l'art. 193 est de trois ans de peine privative de liberté pour tous les types d'actes d'ordre sexuel, y compris l'acte sexuel. Or on inscrit une peine privative de liberté maximale de cinq ans147 à l'art. 190, al. 1 (viol sans recours à la contrainte), d'où une certaine incohérence. L'abus de la dépendance est d'un niveau d'illicéité équivalent au fait d'ignorer une volonté contraire (ou de ne pas demander le consentement). La peine privative de liberté maximale doit donc passer à cinq ans à l'art. 193, comme à l'art. 188.

3.10

Art. 193a Tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte

3.10.1

Contexte

L'arrêt du Tribunal fédéral 6B_453/2007 du 19 février 2008 est consacré à la question de savoir si l'intimé, qui a massé différentes parties du corps d'une patiente après un traitement par acupuncture et en a profité pour commettre des atteintes sexuelles, s'est rendu coupable d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance et / ou d'attouchements d'ordre sexuel. Les faits sont les suivants: pendant que la patiente était couchée sur le ventre, l'intimé a entre autres massé son clitoris et introduit un doigt dans son vagin. Une fois qu'elle s'est retrouvée sur le dos, il s'est mis à stimuler son mamelon gauche avec une main tandis qu'il promenait son autre main dans la zone pubienne et entrait puis ressortait son doigt de son vagin. La victime n'avait toléré ces actes que parce qu'elle croyait qu'ils s'inscrivaient dans le cadre d'un traitement médical. Le Tribunal fédéral a reconnu qu'elle était incapable de résistance, en tous les cas provisoirement, durant la première phase où elle se trouvait sur le ventre. L'intimé savait au vu de la situation dans son ensemble que la victime ne s'attendait pas à subir des actes d'ordre sexuel et n'était pas consentante. Le tribunal a considéré que les éléments constitutifs subjectifs des actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance étaient réunis (consid. 3.4.2). S'agissant de la seconde phase où elle se trouvait sur le dos, le tribunal a noté (consid. 3.4.3) que la victime pouvait voir pleinement ce que faisait l'intimé. Elle n'a toléré ses actes que 146 147

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.12.1. et 4.12.2.

Ch. 3.6.1.6, Peine encourue.

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parce qu'elle croyait à leur indication médicale. Mais cette erreur ne suffit pas, de l'avis du tribunal, à confirmer l'incapacité de résistance, si bien que tous les éléments constitutifs des actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance ne sont pas réunis. Il a confirmé le verdict du tribunal de première instance, selon lequel l'intimé s'est rendu coupable d'attouchements d'ordre sexuel (art. 198, al. 2, CP).

La condamnation pour de simples attouchements d'ordre sexuel ne paraît pas appropriée lorsque l'atteinte, commise pendant un traitement, revêt une certaine intensité (par ex. massage du clitoris ou introduction d'un doigt dans le vagin). Dans le domaine de la santé, le patient est en droit de se fier au traitement et ne doit pas avoir à craindre des atteintes sexuelles.

La tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte ou, autrement dit, l'exploitation de l'erreur de la victime quant à l'indication médicale de cet acte ne figure pas à l'art. 189, al. 1 (atteinte sexuelle), ni à l'art. 190, al. 1 (viol). La victime n'exprime pas de refus, mais uniquement parce qu'elle croit par erreur que l'acte qu'elle subit s'inscrit dans le cadre du traitement médical. Il faut créer une nouvelle infraction pour affirmer le caractère punissable de ce type de tromperie. La nouvelle disposition portera notamment sur des atteintes d'une intensité élevée qui ne relèvent ni de l'art. 191 (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance) ni de l'art. 193 (abus de la détresse ou de la dépendance). Il paraît donc logique de la faire figurer après ces articles.

La commission avait déjà proposé une nouvelle règle dans l'avant-projet (art. 187a, al. 2, AP-CP) qui, sur le principe, a convaincu une majorité des participants148. Certains ont demandé qu'elle s'étende à d'autres groupes de personnes ou situations voire qu'on ne se limite pas au seul domaine de la santé. Mais la commission juge que la limitation est justifiée puisque, spécialement dans ce domaine, un public non averti a souvent du mal à savoir quels actes s'inscrivent dans le cadre d'un traitement ou non.

Dans le domaine de la santé, la personne qui effectue le traitement détient en règle générale davantage d'informations que le patient.

On pourra renoncer à créer un art. 193a si la
solution du consentement demandée par la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)149 venait à s'imposer. La victime donne son consentement à un traitement, mais pas à un acte d'ordre sexuel. Les situations visées ici relèveraient donc des art. 189, al. 1, et 190, al. 1, si l'on passait à la solution du consentement.

3.10.2

Nouvelle règle proposée

3.10.2.1

Bien juridique protégé

Le bien juridique protégé est l'autodétermination sexuelle. La victime perd la possibilité de former sa volonté sans que celle-ci soit entachée d'erreur, et d'agir selon cette

148 149

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.7.3.

Ch. 3.6.1.5

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volonté, dans la mesure où l'auteur la trompe ou ne l'informe pas de manière à dissiper toute erreur.

3.10.2.2

Éléments constitutifs objectifs

L'auteur est une personne qui commet l'infraction considérée dans l'exercice d'une activité professionnelle ou non professionnelle organisée dans le domaine de la santé (voir l'art. 67, al. 4 [interdiction d'exercer une activité]). Comme c'est le cas pour l'interdiction d'exercer une activité, les professions médicales réglementées ne sont pas les seules visées150.

L'auteur est punissable lorsqu'il abuse du fait que la victime pense par erreur, en raison de la situation d'ensemble et du comportement de l'auteur, que les actes dont elle fait l'objet font partie du traitement et qu'elle ne consent au traitement ou n'omet de se défendre que pour cette raison. L'auteur est également punissable lorsqu'il trompe activement la victime.

Soit l'auteur commet l'acte d'ordre sexuel sur la victime, soit il incite la victime à commettre l'acte.

3.10.2.3

Éléments constitutifs subjectifs

L'auteur doit agir intentionnellement ou par dol éventuel. En raison de la situation dans son ensemble, il ne peut que savoir ou s'accommoder du fait que la victime ne s'attend pas à des actes d'ordre sexuel et n'y consent pas. Un acte commis par négligence n'est pas punissable.

3.10.2.4

Peine encourue

L'auteur encourt une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire, comme aux art. 188, 190, al. 1, et 193.

3.10.2.5

Infraction poursuivie d'office

Les actes au sens de l'art. 193a seront poursuivis d'office. Cela se justifie du fait qu'on ne sait pas d'emblée s'ils relèvent de l'art. 191 (actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance), de l'art. 193 (abus de la détresse ou de la dépendance) ou bien justement de l'art. 193a.

150

FF 2016 5905 5946 s.

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3.10.2.6

Pas d'inscription sur la liste des infractions de l'art. 55a

Voir le commentaire des art. 189, al. 1, et 190, al. 1 (ch. 3.6.1.6). L'inscription sur la liste des infractions de l'art. 55a apparaît de plus comme peu utile dans la mesure où la tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte n'est sans doute pas courante dans un couple.

3.10.2.7

Concours

Il y aura concours idéal avec l'art. 187, car les deux articles protègent des biens juridiques différents.

Cette disposition permettra de réprimer des atteintes sexuelles d'une certaine intensité qui ne peuvent aujourd'hui être punies ni au titre de l'art. 191 (du fait que la victime n'est pas incapable de résistance) ni au titre de l'art. 193 (du fait qu'il n'y a pas de lien de dépendance entre la victime et l'auteur).

Les atteintes sexuelles de faible intensité ne relèveront pas de l'art. 193a: en tant qu'attouchements d'ordre sexuel, elles continueront d'être punies de l'amende (art. 198).

3.11

Art. 194 Exhibitionnisme

Selon le droit en vigueur, l'exhibitionnisme est puni d'une peine pécuniaire tandis que la variante énoncée dans la disposition réprimant les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198, al. 1) «se livrer à un acte d'ordre sexuel en présence d'une personne qui y aura été inopinément confrontée» ­ qui se recoupe avec l'exhibitionnisme ­ n'est passible que d'une amende. Cette situation paraît inéquitable notamment en raison du fait qu'un exhibitionniste ne commet pas nécessairement un acte d'ordre sexuel; le seul fait de montrer ses organes génitaux découverts ne constitue pas en effet un acte d'ordre sexuel151.

Pour réduire cette inégalité de traitement, le projet prévoit d'abaisser la peine encourue pour l'infraction de base (al. 1) et, comme à l'art. 198, al. 1, de la faire passer à une simple amende. L'infraction de base pourra par exemple consister dans le fait de présenter ses parties génitales nues.

D'après une jurisprudence récente du Tribunal fédéral, les éléments objectifs de l'infraction peuvent être exceptionnellement réunis même si les organes sexuels ne sont pas entièrement découverts, c'est-à-dire sans que les parties génitales soient intégralement mises à nu152. Dans l'arrêt en question, le recourant portait des leggings moulants presque transparents et avait porté son membre en érection prolongée grâce à

151 152

Isenring Bernhard, 2019, no 3a et 9d art. 194.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1037/2016 du 19 avril 2017.

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l'absorption de médicaments. Il appartiendra à la jurisprudence de déterminer si un tel cas peut relever de l'infraction de base.

S'agissant d'une norme impérative, l'infraction de base est une contravention (art. 103)153; elle est poursuivie sur plainte.

L'al. 2 introduit la notion de «cas graves», pour lesquels l'auteur encourt une peine pécuniaire. Il pourra s'agir d'un tel cas lorsque l'auteur se masturbe devant quelqu'un ou qu'il est récidiviste.

Les cas graves, comme l'infraction de base, ne seront poursuivis que sur plainte. Il faut le spécifier à l'al. 2, car on pourrait penser, vu la peine plus élevée encourue, qu'il s'agit d'une infraction poursuivie d'office.

Lors de la consultation, divers participants ont exigé que l'exhibitionnisme ne soit plus poursuivi sur plainte, mais d'office154. On maintient toutefois la poursuite sur plainte dans le projet pour les raisons exposées ci-dessous.

Le législateur institue la poursuite sur plainte s'agissant des infractions pour lesquelles l'intérêt de l'État ou les intérêts particuliers à la poursuite pénale sont relativement faibles; c'est le cas des infractions (plutôt) légères comme l'exhibitionnisme. Si la personne prise pour cible par un exhibitionniste n'est pas gênée par ses actes, il ne devrait pas y avoir de procédure pénale contre sa volonté. L'art. 187 (actes d'ordre sexuel avec des enfants) s'applique lorsqu'un exhibitionniste vise des enfants et que ses actes revêtent une certaine intensité; il s'agit d'une infraction poursuivie d'office.

Mais même si l'exhibitionnisme était érigé en infraction poursuivie d'office, il est à noter que dans plus de 90 % des cas (et donc également pour l'essentiel des infractions poursuivies d'office), les autorités de poursuite pénale ne prennent connaissance d'une infraction que suite à des indications fournies par la population. En pratique, la poursuite de l'exhibitionnisme dépend donc de la volonté d'une personne de procéder à une dénonciation ou de fournir des indications à l'autorité.

Selon que l'infraction est qualifiée de contravention (al. 1) ou de délit (al. 2), il en découle notamment les conséquences suivantes: ­

153

inscription au casier judiciaire: ­ les jugements pour délit sont inscrits au casier judiciaire pour autant qu'une peine ou une mesure ait été prononcée (art. 366, al. 2, let. a); ­ les jugements pour contravention sont enregistrés si: ­ une amende de plus de 5000 francs a été prononcée , ­ une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique a été prononcée, ou ­ la contravention fait partie intégrante d'un jugement qui doit être enregistré (art. 366, al. 2, let. b, en relation avec l'art. 3, al. 1, let. c et d, de l'ordonnance VOSTRA du 29 septembre 2006155);

ATF 125 IV 74 (en relation avec la situation juridique qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la révision de la PG-CP de 2002).

154 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.13.6.

155 RS 331

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si aucune de ces conditions n'est remplie ­ une condamnation pour exhibitionnisme n'étant pas nécessairement assortie d'une interdiction d'exercer une activité (art. 67, al. 4bis) ­ un jugement condamnant l'auteur (uniquement) pour exhibitionnisme ne sera plus inscrit au casier judiciaire s'il s'agit d'un «cas de peu de gravité» et que l'amende infligée est inférieure à 5000 francs; ­

le délai de prescription pour un délit passible d'une peine pécuniaire est de sept ans (art. 97, al. 1, let. d); pour une contravention il est de de trois ans (art. 109).

La condamnation pour un délit qui ne figure pas dans la liste des infractions de l'art. 66a (expulsion obligatoire) peut être assortie d'une expulsion non obligatoire (art. 66abis); la condamnation pour une contravention ne peut donner lieu à une expulsion (art. 105, al. 1).

Le nouvel al. 3 correspond à la teneur de l'actuel al. 2 et est adapté au code de procédure pénale (CPP)156. Une nette majorité des participants à la consultation ont souscrit à cette proposition157.

La réglementation actuelle fait état de la «suspension de la procédure» et de la «reprise de la procédure», par quoi il faut en fait comprendre «suspension de l'instruction» (art. 314 CPP) et «reprise de l'instruction» (art. 315 CPP). La procédure est suspendue si l'auteur se soumet au traitement et elle est reprise s'il s'y soustrait. Ce sera notamment le cas si l'auteur, malgré des injonctions répétées, ne se rend pas ou plus à sa thérapie158.

La réglementation en vigueur ne dit rien de la clôture de la procédure en cas de traitement. On corrige ce point en précisant que la procédure est classée si l'auteur se soumet au traitement médical conformément au prononcé de l'autorité compétente.

En pratique, un classement ne devrait toutefois être envisagé qu'en cas de réussite du traitement159, c'est-à-dire si l'auteur, par exemple atteint d'un trouble psychique, est à même de le gérer en société et qu'il n'y a plus de risque qu'il commette de nouvelles infractions160.

Les actes de procédure «suspension de l'instruction» et «reprise de l'instruction» ne doivent pas être mentionnés expressément, car le CPP ne décrit pas exhaustivement dans quelles circonstances ils peuvent être accomplis161. En revanche, le CPP énonce limitativement les motifs pour lesquels il y a lieu de classer la procédure (art. 319, al. 1, let. a à d, CPP)162. Si aucun des motifs mentionnés dans le CPP n'est applicable, une disposition légale expresse est nécessaire (art. 319, al. 1, let. e, CPP). Une telle disposition est créée par le nouvel al. 3 de l'art. 194.

156 157 158 159 160 161 162

RS 312.0 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.13.4.

Isenring Bernhard, 2019, no 20 ad art. 194.

Isenring Bernhard, 2019, no 19 ad art. 194.

Heer Marianne, 2019, no 9 s. ad art. 63b.

Omlin Esther, 2014, no 11 ad art. 314.

Grädel Rolf/Heininger Matthias, 2014, no 5 ad art. 319.

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3.12

Art. 197 Pornographie

3.12.1

Al. 4 et 5

Les formulations de la loi et les précisions dans les commentaires de droit pénal permettent de déduire que la notion de violence de l'art. 135 (représentation de la violence) est plus étroite que celle de l'art. 197 (pornographie): pour que l'art. 135 s'applique, il faut que les actes de violence soient cruels, qu'ils soient illustrés avec insistance, qu'ils ne présentent aucune valeur d'ordre culturel ou scientifique digne de protection et qu'ils portent gravement atteinte à la dignité humaine. En revanche, l'art. 197 ne mentionne que des «actes de violence entre adultes» auxquels vient s'ajouter la composante sexuelle.

Dans un arrêt rendu au mois de décembre 2019 en matière de fabrication de représentations pornographiques de la violence163, le Tribunal fédéral a précisé que, dans un contexte où sexualité et violence sont mêlées, l'intensité de la violence ne doit pas atteindre la mesure établie par l'art. 135 pour qu'il y ait violation de la dignité humaine. Dans tous les cas où les actes de violence ont eu lieu manifestement sans le consentement réciproque, ce n'est pas tant en fonction de l'intensité de la violence qu'il convient de vérifier si les conditions de l'art. 197, al. 4 et 5, sont réunies, mais bien plus en raison de l'effet dégradant de cette violence. Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, il ne fait aucun doute que les scènes filmées mises en cause ne constituent pas des représentations prohibées au sens de l'art. 135. Il n'en demeure pas moins que le seuil de violence fixé à l'art. 197, al. 4 et 5, est clairement dépassé.

Contrairement à ce que prévoit le texte de la loi, des cas de violence sexuelle (sans consentement réciproque) peuvent être particulièrement dégradants et remplir de ce fait les éléments constitutifs de l'infraction, alors que les caractéristiques générales de la pornographie ne sont pas entièrement réunies. Plus l'usage de la violence est marqué, moins les exigences du caractère pornographique d'un contexte sexuel sont élevées.

Le message de 1985164 ne précise pas pour quel motif et en vue de protéger quelle catégorie de personnes les représentations d'actes de violence à caractère pornographique sont punissables. On y souligne simplement que la pornographie dure doit être interdite. Il est étrange que l'art. 197, al. 4 et 5, trouve application alors même
que la représentation pornographique dépourvue de la composante de violence (assimilée à de la pornographie douce) serait légale et ­ comme l'indique l'arrêt du Tribunal fédéral précité ­ que la représentation ne serait même pas considérée comme pornographique. La sanction se teinte ainsi d'une appréciation morale indésirable.

Au vu de ce qui précède, on propose de supprimer des al. 4 et 5 les termes «des actes de violence entre adultes». Cette proposition a rencontré l'approbation d'une nette majorité des participants à la consultation165. Ainsi, les objets et représentations por-

163

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_149/2019 du 11 décembre 2019, consid. 1.3.2., 1.3.3.

et 1.4.2.

164 FF 1985 II 1021 1105 ss.

165 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.14.1.

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nographiques ayant comme contenu des actes d'ordre sexuel avec des scènes de violence entre adultes ne relèveront plus de cette disposition, mais seront réprimés par les art. 135 ou 197, al. 1 ou 2.

3.12.2

Al. 8 et 8bis

Selon l'art. 197, al. 4 et 5, la fabrication, la diffusion, la possession et la consommation de matériel pornographique où sont représentés des mineurs est punissable. Cette norme correspond à la réglementation de la convention du 25 octobre 2007 du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (convention de Lanzarote)166. La convention de Lanzarote prévoit cependant que les États contractants peuvent émettre une réserve et prévoir des exceptions si les personnes représentées ont atteint la majorité sexuelle propre à chaque pays (art. 20, ch. 1, let. a et e, et ch. 3). La Suisse a fait usage de cette possibilité et a prévu à l'actuel art. 197, al. 8, que le mineur âgé de 16 ans ou plus n'est pas punissable lorsqu'il produit [fabrique], possède ou consomme, avec le consentement d'un autre mineur âgé de 16 ans ou plus, des objets ou des représentations pornographiques. La transmission de matériel pornographique à des tiers non impliqués demeure punissable. Cette exception à la réglementation avait pour objectif de décriminaliser certains comportements propres aux adolescents qu'il n'était visiblement pas nécessaire de sanctionner. Il serait en effet contradictoire que des mineurs âgés de plus de 16 ans puissent entretenir des rapports sexuels entre eux auxquels ils consentent, mais qu'ils ne puissent pas se photographier ou se filmer.

En dépit de cette exception à la règle, on a néanmoins relevé des incohérences et pénalisé inutilement des enfants entre 10 et 16 ans dans l'idée de les protéger. Le champ d'application de l'art. 197, al. 8, est notamment trop étroit pour la raison suivante: si deux jeunes âgés de 16 et 17 ans produisent des photos ou des films à caractère pornographique qui les représentent réciproquement, aucun des deux n'est punissable. Le plus âgé est cependant punissable à raison du même acte dès qu'il a atteint l'âge de 18 ans (puisque le plus jeune est toujours mineur). Indépendamment de cela, la jurisprudence applicable condamne les mineurs qui prennent des clichés à caractère pornographique d'eux-mêmes («selfies»), alors que l'interdiction de la pornographie dure est précisément censée protéger aussi les mineurs qui figurent sur les représentations.

Il convient dès lors de remodeler la réglementation actuelle et d'étendre l'impunité,
sans pour autant perdre de vue les dispositions sur la protection de la jeunesse, les prescriptions de la convention de Lanzarote et le fait que l'art. 197, al. 4 et 5, réprime dans son principe la fabrication, la diffusion, la possession et la consommation de matériel pornographique dont le contenu représente des mineurs.

Selon le texte de la convention de Lanzarote, la possibilité d'émettre une réserve est limitée aux mineurs ayant atteint la majorité sexuelle conformément au droit national.

Avoir la majorité sexuelle signifie que les enfants et les jeunes peuvent être actifs sexuellement sans être punis. Le droit pénal suisse fixe la majorité sexuelle à 16 ans.

Les participants ne sont pas punissables non plus si la différence d'âge entre eux ne 166

RS 0.311.40

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dépasse pas trois ans (art. 187, ch. 2). Ils ne sont pas pour autant sexuellement majeurs d'un point de vue formel, mais la règle des trois ans les met dans certaines situations à égalité avec les personnes jouissant de la majorité sexuelle.

Il faut opérer une distinction avec le contenu de l'«avis du Comité de Lanzarote sur les images et / ou vidéos d'enfants sexuellement suggestives ou explicites produites, partagées ou reçues par des enfants» du 6 juin 2019167 (ci-après «avis»). Cet «avis» a pour but «de guider les Parties dans la mise en oeuvre de l'article 20 de la convention de Lanzarote s'agissant des images et/ou vidéos sexuellement suggestives ou explicites autoproduites par des enfants en identifiant les situations qui ne constituent pas des infractions pénales et celles qui n'appellent de poursuites pénales qu'en dernier ressort» (let. m). Des enfants qui fabriquent, possèdent et partagent volontairement et en connaissance de cause leurs propres images ou vidéos sexuellement suggestives ou explicites ne devraient pas être poursuivis pénalement pour pornographie enfantine lorsque ces images ou vidéos sont destinées à un usage privé. En l'absence de bien juridique à protéger, on ne saurait, dans un tel contexte, parler en règle générale d'exploitation sexuelle. D'un point de vue matériel, cet «avis» va plus loin que la convention de Lanzarote et n'est donc pas juridiquement contraignant. Il pose toutefois les jalons d'une évolution juridique possible (et souhaitable).

Il convient notamment de souligner que la transmission de telles photos et vidéos ne devrait pas faire l'objet d'une décriminalisation générale. D'ailleurs, le ch. 5 de l'«avis» dispose que le partage volontaire et consenti par des enfants de leurs propres images et / ou vidéos («selfies») sexuellement suggestives ou explicites n'échappe à une sanction que si elles sont uniquement destinées à leur usage privé. Cette situation doit être distinguée de la transmission à un cercle de personnes plus important.

Al. 8 L'al. 8 règle les conditions auxquelles une personne qui fabrique, possède ou consomme des photographies ou des films à caractère pornographique qui impliquent un mineur, ou les lui rend accessibles, n'est pas punissable. Concrètement, les conditions suivantes doivent être remplies: ­

la personne figurant sur les photographies ou les films a donné son consentement;

­

la différence d'âge entre les personnes concernées ne dépasse pas trois ans;

­

la personne qui fabrique les photographies ou les films ne fournit ou ne promet aucune rémunération.

La personne représentée n'est quant à elle pas punissable (voir l'al. 8bis), même si la différence d'âge entre les personnes concernées dépasse trois ans et qu'on lui promet voire qu'elle accepte une rémunération. Selon la théorie de la participation nécessaire, une personne mineure dont on s'est servi pour réaliser une image pornographique ne

167

www.coe.int > Droits de l'homme > Droits des enfants > Violence sexuelle > Convention de Lanzarote > Comité de Lanzarote > Documents adoptés > Avis sur les images et / ou vidéos d'enfants sexuellement suggestives ou explicites produites, partagées ou reçues par des enfants.

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doit pas être punissable même si elle a consenti à la réalisation. Elle est en outre protégée par l'interdiction de pornographie des mineurs et son statut de victime ne devrait pas se transformer en un statut de coupable, voire il ne faudrait pas qu'elle soit les deux à la fois. Le législateur a suivi des réflexions comparables s'agissant de l'art. 196 (actes d'ordre sexuel avec des mineurs contre rémunération) et renoncé à poursuivre la personne mineure en de tels cas. On reprend la formulation «contre une rémunération ou une promesse de rémunération» de l'art. 196. Une rémunération peut être sonnante et trébuchante ou consister en tout autre avantage matériel quantifiable, tel que de la drogue, un logement, des repas, des articles de marque, des vêtements, des vacances, etc. Il n'est pas déterminant que la rémunération ait été fournie; la promesse suffit168.

La nouvelle formulation de l'al. 8 constitue une amélioration par rapport au droit en vigueur. Elle est en principe compatible avec les prescriptions de la convention de Lanzarote, même si l'usage de la réserve prévue en lien avec l'âge des participants a été quelque peu étendu: l'auteur des photographies ou des films peut, dans certains cas, être une personne de 18 à 20 ans et donc ne plus être mineure.

L'accueil réservé à cette modification a été très favorable lors de la consultation169, raison pour laquelle elle est maintenue dans le projet.

Al. 8bis Il est tout d'abord précisé que le mineur représenté n'est pas punissable lorsqu'il fabrique, possède ou consomme des objets ou des représentations qui l'impliquent luimême ou les rend accessibles à une autre personne avec le consentement de celle-ci.

Il s'agit d'objets ou de représentations fabriqués en application de l'al. 8, ou que le mineur représenté a fabriqués lui-même. La disposition ne s'adresse pas qu'à des mineurs, mais aussi à des majeurs. Lorsque la personne représentée devient majeure, elle demeure non punissable. Elle ne saurait le devenir à la faveur du temps qui passe.

Comme on l'a indiqué plus haut, l'absence de punissabilité de la personne représentée réside dans l'interdiction de la pornographie impliquant des mineurs et dans le fait qu'elle ne devrait pas passer du statut de victime à celui d'auteur. Si elle décide cependant de rendre accessibles à une autre personne
des objets ou des représentations au sens de l'al. 1 l'impliquant en tant que mineur, elle doit recueillir au préalable le consentement de l'autre personne, car nul ne doit être confronté inopinément à des photographies ou des films pornographiques (voir l'art. 197, al. 2, concernant la pornographie douce)170. La personne représentée se rend punissable en application de l'art. 197, al. 4, si elle ne recueille pas ledit consentement.

La personne à qui les objets ou représentations sont rendus accessibles n'est pas non plus punissable si elle ne fournit ou ne promet aucune rémunération en échange,

168 169 170

FF 2012 7051 7092 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.14.2.

Voir Smahel David/Machackova Hana/Mascheroni Giovanna/Dedkova Lenka/Staksrud Elisabeth/Ólafsson Kjartan/Livingstone Sonia/Hasebrink Uwe, 2020. D'après ce rapport, 40 % des enfants et des adolescents suisses interrogés de 9 à 16 ans se sont sentis assez ou très chamboulés à la suite de leur dernière confrontation avec une image à connotation sexuelle, pp. 91 s.

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qu'elle connaît la personne représentée, que la différence d'âge entre elle et la personne représentée ne dépasse pas trois ans et qu'elle se contente de posséder ou de consommer ces objets ou représentations sans les transmettre. La différence d'âge de trois ans entre les deux personnes ne s'applique plus lorsqu'elles sont toutes les deux majeures.

Les personnes concernées doivent se connaître personnellement, c'est-à-dire que la connaissance par les seuls réseaux sociaux n'est par exemple pas suffisante. Il s'agit de limiter le risque que la personne à qui les photographies ou les films sont rendus accessibles les utilise abusivement.

L'al. 8bis constitue une amélioration par rapport au droit en vigueur et correspond à l'esprit de la convention de Lanzarote.

3.13

Art. 197a Transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel

3.13.1

Contexte

La commission propose un nouvel art. 197a qui érige en infraction un phénomène de notre époque: la transmission indue de contenus non publics à caractère sexuel.

Quelques participants à la consultation ont demandé que soit déclaré punissable ce qu'on appelle le «revenge porn» ou la pornodivulgation171. Le phénomène consiste à rendre accessibles à des tiers ou à rendre publics des contenus à caractère sexuel sans le consentement de la personne représentée. L'exemple-type, ce sont les photos ou vidéos prises d'un commun accord pendant la vie amoureuse qui, une fois la relation terminée, sont rendues accessibles à d'autres sans le consentement de l'ex-partenaire afin de le ou la compromettre et se «venger» de lui ou d'elle. La transmission de ces images peut aussi avoir pour but de contraindre l'ex-partenaire à reprendre la relation.

On peut aussi penser à la publication sur les réseaux sociaux, via des comptes anonymes, de photos gênantes d'une personne accompagnées d'un appel au mobbing. Il arrive aussi que des pirates informatiques publient pareilles images pour extorquer de l'argent en échange de leur suppression.

Le problème est à prendre au sérieux du fait, en particulier, qu'il est répandu chez les jeunes adultes et à l'encontre de personnes publiques et qu'il peut causer de grandes souffrances. Les praticiens du droit sont de plus en plus souvent confrontés à pareils cas. Bien que ces comportements soient aussi possibles dans le monde réel, ils ont acquis une nouvelle dimension avec le passage au numérique et la croissance exponentielle d'Internet (et en particulier des réseaux sociaux et des services de messagerie). C'est grâce à ces évolutions qu'il est en effet devenu possible de rendre des images numériques facilement accessibles à de larges cercles de personnes de manière anonyme. Les moyens qu'offre le droit en vigueur ne permettent pas de réagir adéquatement au problème. Il n'y a pas toujours délit contre l'honneur au sens des art. 173 ss, par exemple lorsqu'une simple photo de nu est transmise. Et le contenu n'est pas 171

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 6.3.

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nécessairement à caractère pornographique au sens de l'art. 197, al. 2 (ou al. 1); contrairement à l'infraction de pornographie, il en va de la protection non pas de la sphère intime de la personne confrontée involontairement au contenu, mais de celle de la personne représentée. Les moyens qu'offre le droit civil en matière de protection de la personnalité (art. 28 ss du code civil172) ne suffisent pas non plus, notamment pour faire cesser l'atteinte et pour agir contre les plateformes de diffusion. Même quand la photo est supprimée de la plateforme, le préjudice subsiste parce qu'elle peut être copiée et continuer de circuler.

Une minorité (Bauer) propose de renoncer à l'introduction d'un nouvel article 197a.

Elle estime que celui-ci ne concerne pas des infractions contre l'intégrité sexuelle, mais plutôt des infractions contre l'honneur et contre le domaine secret ou le domaine privé. Elle estime aussi qu'il convient de viser d'autre comportements comme par exemple la publication des photos qui, même si elles ne sont pas à caractère sexuel, sont compromettantes.

3.13.2

Nouvelle règle proposée

3.13.2.1

Intégration dans la systématique du code pénal et titre de la subdivision

Le nouvel art. 197a suit l'article sur la pornographie. Sur le plan de la systématique, le nouveau titre de la subdivision «5. Transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel» se justifie tant du fait du bien juridique protégé que du comportement incriminé173.

3.13.2.2

Bien juridique protégé

La nouvelle infraction protège le bien juridique qu'est la pudeur ou la sphère intime de la personne représentée sur l'image ou que le contenu à caractère sexuel désigne ou vise.

3.13.2.3

Éléments constitutifs objectifs

En vertu de l'al. 1, quiconque transmet à un tiers un contenu non public à caractère sexuel ­ c'est-à-dire un contenu d'ordre sexuel qui a été créé selon la volonté de la personne identifiable pour une utilisation purement privée ­ sans le consentement de cette dernière se rend punissable. Il peut s'agir d'écrits, d'enregistrements sonores ou visuels, d'images, d'objets ou de représentations. La transmission se fait la plupart du temps par un moyen de télécommunication ou un ordinateur, via un courrier électronique, un service de messagerie ou un réseau social. L'infraction est conçue en termes

172 173

RS 210 Ch. 3.13.2.2 ss.

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neutres au plan de la technologie et s'applique donc aussi aux contenus rendus physiquement accessibles.

En vertu de l'al. 2, l'infraction est qualifiée si les contenus incriminés sont rendus publics, par exemple sur Internet, et donc accessibles à un nombre illimité de personnes.

3.13.2.4

Éléments constitutifs subjectifs

Au plan subjectif, l'infraction présuppose une intention, mais le dol éventuel suffit.

L'auteur doit en particulier avoir conscience du fait que la transmission du contenu sexuel se fait sans le consentement de la personne concernée et en vouloir ainsi. Dans le cas de l'infraction qualifiée (al. 2), l'auteur doit au moins s'accommoder du fait que le contenu pourra être vu par un nombre illimité de personnes. La disposition n'exige pas de motif particulier, comme la vengeance.

3.13.2.5

Peine encourue

Lorsque le contenu est transmis à un tiers ou à quelques individus (al. 1), l'auteur encourt une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire. En cas de publication (al. 2), il est passible d'une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.13.2.6

Infraction poursuivie sur plainte ou d'office

L'infraction au sens de l'al. 1 n'est poursuivie que sur plainte, l'infraction qualifiée l'est d'office.

3.13.2.7

Concours

Plusieurs concours d'infractions sont possibles. Le contenu à caractère sexuel peut notamment être du matériel pornographique. L'art. 197 est applicable quand de la «pornographie dure» est transmise» ou de la «pornographie douce» rendue accessible à une personne de moins de 16 ans, chose qu'on est en droit de supposer dans le cas d'une publication sur Internet. Lorsqu'une personne est forcée par l'auteur de la transmission du contenu sexuel d'omettre de faire quelque chose ou de le tolérer, il y a contrainte (art. 181). On peut penser au cas où l'auteur, quitté par son amie, publie une photographie à caractère sexuel de son ex-partenaire et exige d'elle qu'elle reprenne la relation en échange de la suppression de l'image. Quand un pirate informatique extorque de l'argent pour supprimer le contenu publié, il y a chantage (art. 156).

S'il ressort des circonstances qu'un comportement touche à l'honneur, les éléments constitutifs des délits contre l'honneur peuvent aussi être réalisés (art. 173 ss).

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Dans ces cas, les infractions spéciales priment et absorbent l'acte. Les dispositions qui les régissent prévoient généralement aussi une sanction plus lourde.

3.14

Art. 198 Désagréments d'ordre sexuel

3.14.1

Renumérotation du titre de la subdivision et modification du titre marginal en français

Le titre de la subdivision dans laquelle figurent les art. 198 et 199 (Exercice illicite de la prostitution) est muni d'un nouveau chiffre suite à l'inscription dans le code d'un nouvel art. 197a (Transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel)174 et devient «6. Contraventions contre l'intégrité sexuelle».

Le titre marginal actuel de l'art. 198 (désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel), bien que long, ne couvre pas tous les états de fait figurant dans la disposition. Il est remplacé par le titre «désagréments d'ordre sexuel», très proche du titre en vigueur et par conséquent préférable au titre proposé en consultation («nuisances sexuelles»).

La majorité des participants à la consultation s'étaient ralliés à la proposition «nuisances sexuelles»175. Une poignée préférait le titre marginal «harcèlement sexuel». La commission est toutefois d'avis qu'il ne convient pas, car le harcèlement implique en français un comportement répété. Or un acte unique suffit à remplir les éléments constitutifs de l'art. 198.

3.14.2

Parole, écriture ou image

On remplace «paroles» par son singulier dans la seconde variante de l'infraction décrite à l'al. 2 de l'art. 198. Une seule parole peut en effet suffire à remplir les éléments constitutifs des désagréments d'ordre sexuel. Ce changement se justifie par le fait que le mot «parole» figure au singulier dans d'autres infractions du CP (voir l'art. 177 [injure] et l'art. 261bis [discrimination et incitation à la haine]).

On ajoute l'«écriture» conformément à la requête formulée dans la motion 18.4049 Reynard «Harcèlement sexuel. De graves lacunes à combler» (entre-temps classée)176. Dans son avis du 30 novembre 2018, le Conseil fédéral a expliqué que l'art. 198 ne portait que sur la parole selon la doctrine dominante, mais que certains auteurs en jugeaient autrement. La question n'avait jamais été tranchée par le Tribunal fédéral, si bien qu'il n'était pas possible d'affirmer que l'art. 198 ne s'appliquait pas aux écrits.

174 175 176

Ch. 3.13 Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.18.1.

www.parlement.ch > no d'objet 18.4049. L'intervention a été classée le 25 septembre 2020.

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Dans l'intervalle, le Tribunal fédéral a indiqué dans son arrêt 6B_69/2019 du 4 novembre 2019 que l'art. 198, al. 2, portait aussi bien sur la parole que sur l'écriture ou l'image (consid. 2.3.2). Cette conception se retrouve également dans les développements les plus récents de la doctrine177.

Pour satisfaire au principe de la précision de la base légale et assurer un rapprochement avec les art. 177 et 261bis, le texte de l'art. 198 précisera que l'infraction peut également être réalisée par l'écriture. Cette modification ne figurait pas encore dans l'avant-projet, mais plusieurs participants à la consultation l'ont demandée178.

On ajoute aussi «l'image». Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les désagréments d'ordre sexuel pourront donc être réalisés par quiconque, de manière grossière, importune une personne par des attouchements d'ordre sexuel, par la parole, par l'écriture, mais aussi par l'image. Cette modification concerne en particulier l'envoi par voie électronique d'une image à contenu sexuel, que l'actuel art. 198, al. 2, ne rend pas punissable179. Le fait d'envoyer ou de montrer une image pornographique sera toujours sanctionné par l'art. 197 (Pornographie). Une nette majorité des participants à la consultation s'est félicitée de cet ajout180.

3.15

Art. 200 Commission en commun

Cette disposition est adaptée sur le plan rédactionnel uniquement dans sa version allemande, notamment en ce sens que le terme «Richter» est remplacé par le substantif plus neutre «Gericht». Par ailleurs, la formulation potestative est remplacée par une formulation impérative, de sorte que le juge, pour tenir compte du degré accru d'illicéité, devra augmenter la peine si l'infraction est commise en commun. Les participants à la consultation se sont montrés favorables à ces adaptations181. Cette modification ne devrait pas avoir une grande incidence dans la pratique, car le fait que plusieurs personnes agissent ensemble a dans tous les cas pour conséquence d'augmenter la peine.

Suite à l'inscription dans le code d'un nouvel art. 197a (Transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel)182, le titre de la subdivision où figure l'art. 200 est muni d'un nouveau chiffre.

177 178 179 180 181 182

Donatsch Andreas, 2018, § 65, p. 588.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.18.2.

Isenring Bernhard, 2019, no 24 ad art. 198; Kummer Kathrin, 2002, p. 83.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.18.2.

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.19.

Ch. 3.13

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3.16

Art. 264a, al. 1, let. g Crimes contre l'humanité / atteinte à l'autodétermination sexuelle Art. 264e, al. 1, let. b Crimes de guerre / traitement médical immotivé, atteinte à l'autodétermination sexuelle ou à la dignité

En raison des modifications prévues aux art. 189 et 190, il est nécessaire de compléter les art. 264a, al. 1, let. g, et 264e, al. 1, let. b. D'une manière générale, on peut renvoyer au commentaire des art. 189 et 190183.

S'agissant du viol, on supprime «de sexe féminin» pour faire suite aux modifications de l'art. 190. Le viol devient donc une infraction sans différenciation de genre, également dans le contexte des crimes de l'humanité et des crimes de guerre, et ce en adéquation avec la définition qui en est donnée à l'échelon international184. Le renvoi à l'art. 190 se limite toutefois à ses al. 2 et 3 pour empêcher que l'art. 264a, al. 1, let. g, qui prévoit en principe une peine minimale de cinq ans, ne soit étendu de manière disproportionnée et pour faire en sorte que cet article continue de ne s'appliquer qu'aux infractions contre l'intégrité sexuelle particulièrement graves (avec contrainte). Les autres modifications («lui impose une contrainte sexuelle» et «lui fait commettre ou subir un acte d'ordre sexuel») montrent qu'il peut aussi s'agir d'actes au sens des art. 189 et 191. Pour les mêmes raisons que celles évoquées pour l'art. 190, le renvoi à l'art. 189 se limite à ses al. 2 et 3. On maintient le complément «d'une gravité comparable», qui figure déjà dans le droit en vigueur et qui découle de l'art. 7, al. 1, let. g, du statut de Rome. Ce maintien se justifie dans le contexte des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, qui comptent parmi les crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté internationale. Ce complément ne semble pas d'ailleurs avoir donné lieu à des situations insatisfaisantes dans la pratique.

On adapte l'ordre de citation des infractions aux art. 264a, al. 1, let. g, et 264e, al. 1, let. b, pour une meilleure lisibilité.

4

Droit pénal des mineurs du 20 juin 2003185

Art. 36, al. 2 et 3 En ce qui concerne l'ajout des art. 193 et 193a CP dans l'énumération de l'art. 36, al. 2, DPMin relative à la prescription de l'action pénale des infractions, on renvoie au commentaire de l'art. 97, al. 2, CP. Dans la foulée, on corrige une omission du législateur en complétant également l'énumération par les art. 124 et 197, al. 3, CP.

L'art. 36, al. 2, DPMin s'inspire clairement de la réglementation de l'art. 97, al. 2, CP, à ceci près que les art. 187 et 188 n'y figurent pas.

183 184

Ch. 3.6 Voir les art. 7, al. 1, let. g, et 8, al. 2, let. b (xxii) et e (vi) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998; RS 0.312.1.

185 RS 311.1

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Les dispositions de droit transitoire contenues dans l'actuel art. 36, al. 2, 2e phrase, DPMin sont reprises et complétées dans un nouvel al. 3, comme à l'art. 97 CP. Le droit transitoire y est également réglé dans un alinéa spécifique (al. 4), tandis que les délais de prescription de l'action pénale, plus longs pour les infractions contre des enfants, figurent à l'art. 97, al. 2, CP. Le DPMin est entré en vigueur le 1 er janvier 2007. C'est pourquoi les infractions déclarées punissables à ce moment sont énumérées explicitement à l'al. 3. Il n'en résulte aucune modification matérielle des dispositions transitoires, mais cela permet de compléter l'énumération de l'al. 2 sans apporter de modifications à la réglementation de l'al. 3.

Si la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)186 est retenue, l'art. 193a ne figurera pas dans la liste de l'al. 2; on pourra en effet renoncer à cette disposition en cas de mise en oeuvre de la solution du consentement (voir le ch. 3.10.1).

5

Code pénal militaire du 13 juin 1927187

5.1

Concordance entre CPM et CP

La partie spéciale du CPM correspond pour l'essentiel à celle du CP; des différences n'interviennent que lorsqu'elles sont commandées par les besoins spécifiques du droit pénal militaire. Au même titre que les révisions partielles, la présente révision a pour objectif de maintenir cette concordance dans la mesure du possible. C'est pourquoi les commentaires de la partie spéciale du CP s'appliquent au CPM.

La liste ci-après indique la correspondance entre les dispositions adaptées: P-CPM

art. 49a, al. 1, let. fet

art. 67, al. 3, let. c, 4, let. a, et 4bis, let. a

art. 55, al. 2

et

art. 97, al. 2

art. 59, al. 1, let. e

et

art. 101, al. 1, let. e

art. 109, al. 1, let. g

et

art. 264a, al. 1, let. g

art. 112a, al. 1, let. b

et

art. 264e, al. 1, let. b

art. 153

et

art. 189

art. 154

et

art. 190

art. 155

et

art. 191

et

art. 187, ch. 1, 1bis et 3

et

art. 193a

art. 158

Ch. 3.6.1.5 RS 321.0

60 / 80

art. 66a, al. 1, let. h

et

art. 156, ch. 1,

186 187

P-CP

art. 50, al. 3, let. a, 4 et 4bis, let. a

1bis

et 3

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art. 159

et

art. 194

art. 159a

et

art. 198

art. 159b

et

art. 200

L'art. 197a CP (transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel) n'est pas repris dans le CPM. De plus, le CPM ne comprend aucune infraction en matière de pornographie, sujet proche de celui traité à l'art. 197a CP. Le droit pénal ordinaire s'applique aux personnes soumises au droit pénal militaire pour les infractions pénales non prévues par le code pénal militaire (art. 8 CPM).

5.2

Art. 157 Exploitation d'une situation militaire

Bien que l'art. 157 CPM soit une norme spécifiquement militaire, il présente des similitudes avec les art. 188, 192 et 193 CP, l'auteur profitant ici aussi d'une situation de contrainte préexistante. Tandis que les dispositions de droit pénal ordinaire ne prévoient pas de peine pécuniaire minimale, l'art. 157 CPM fixe une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins. Cette peine minimale ne paraît pas appropriée et on propose dès lors de la supprimer. Les participants à la consultation se sont montrés favorables à cette proposition188.

On adapte par ailleurs la peine encourue. Dans le droit en vigueur, la peine maximale fixée à l'art. 157 CPM est de trois ans de peine privative de liberté pour tous les types d'actes d'ordre sexuel, y compris l'acte sexuel. Or on inscrit une peine privative de liberté maximale de cinq ans189 à l'art. 190, al. 1 (viol sans recours à la contrainte), d'où une certaine incohérence. L'abus de la dépendance est d'un niveau d'illicéité équivalent au fait d'ignorer une volonté contraire (ou de ne pas demander le consentement). La peine privative de liberté maximale doit donc passer à cinq ans, comme aux art. 188 et 193 P-CP. Les infractions visées à l'art. 157 CPM auront valeur de crime, si bien qu'une condamnation en application de cet article entraînera une expulsion obligatoire du territoire.

6

Code de procédure pénale190

Art. 269, al. 2, let. a, et 286, al. 2, let. a Les modifications matérielles intervenues dans le CP doivent être transcrites dans les deux listes d'infractions du code de procédure pénale. L'art. 192, al. 1, CP est de ce fait biffé de ces deux listes, tandis que l'art. 193, al. 1, CP y fait son apparition, car les actes qui relèvent actuellement de l'art. 192, al. 1, relèveront de l'art. 193, al. 1.

L'art. 193a CP y est également inscrit.

188 189 190

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.22.

Ch. 3.6.1.6, Peine encourue.

RS 312.0

61 / 80

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Le renvoi aux art. 189 et 190 CP figurant à l'art. 286, al. 2, let. a, CPP ne se limitera plus aux al. 1 et 3, mais s'étendra à ces articles dans leur ensemble.

Si la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)191 est retenue, l'art. 193a ne figurera pas dans les listes d'infractions; on pourra en effet renoncer à cette disposition en cas de mise en oeuvre de la solution du consentement (voir le ch. 3.10.1).

7

Procédure pénale militaire du 23 mars 1979192

Art. 70, al. 2 Deux modifications matérielles intervenues dans le CPM doivent être transcrites dans la liste d'infractions de l'art. 70, al. 2, de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM). Les art. 157 et 158 CPM sont de ce fait ajoutés à la liste.

Il convient de noter que le message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale193 (mise en oeuvre de la motion 14.3383 CAJ-E «Adaptation du code de procédure pénale»194) propose d'harmoniser les deux listes d'infractions relatives à la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (art. 70, al. 2, PPM) et à l'investigation secrète (art. 73a, al. 1, let. a, PPM) avec celles du code de procédure pénale (art. 269 al. 2, let. a, et 286, al. 2, let. a, CPP). Ce projet est actuellement débattu au Parlement (no d'objet 19.048). En fonction du résultat des délibérations parlementaires, les art. 157 et 158 CPM devront le cas échéant être repris dans la nouvelle liste d'infractions relative au recours à l'investigation secrète (art. 73a, al. 1, let, a, P-PPM).

Si la proposition de la minorité (Mazzone, Baume-Schneider, Sommaruga Carlo, Vara)195 est retenue, l'art. 158 ne figurera pas dans la liste; on pourra en effet renoncer à cette disposition en cas de mise en oeuvre de la solution du consentement (voir le ch. 3.10.1).

8

Règles non retenues

8.1

Art. 187 ss: maintien de la peine pécuniaire comme sanction possible

Contrairement au projet présenté par le Conseil fédéral196, la peine pécuniaire prévue aux art. 187 ss comme alternative possible à la peine privative de liberté ne sera pas

191 192 193 194 195 196

Ch. 3.6.1.5 RS 322.1 FF 2019 6351 www.parlement.ch > no d'objet 14.3383.

Ch. 3.6.1.5 Ch. 1.1; FF 2018 3017.

62 / 80

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biffée partout. Plusieurs participants à la consultation y sont favorables197. Les raisons plaidant pour le maintien de cette sanction sont exposées ci-après.

­

Contradiction avec la (nouvelle) approche du droit des sanctions Les modifications du droit des sanctions (entrées en vigueur le 1er janvier 2018) répondent aux préoccupations de punir plus souvent les infractions ­ et aussi les infractions à l'intégrité sexuelle ­ par une peine privative de liberté que par une peine pécuniaire, et ce pour deux motifs: en premier lieu en raison d'une réduction générale du champ d'application de la peine pécuniaire (de 360 à 180 jours-amende), en second lieu par la possibilité de prononcer une courte peine privative de liberté au lieu d'une peine pécuniaire pour des motifs de prévention spéciale. En d'autres termes, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 41, al. 1, let. a). Si, dans cette optique, on décidait de n'infliger en règle générale que des peines privatives de liberté en cas d'infractions à l'intégrité sexuelle, on se trouverait doublement en contradiction avec les décisions du Parlement. Tout d'abord parce que le principe de la primauté de la peine pécuniaire, défendu après d'âpres débats, serait réduit à néant, et ensuite parce que cela s'opposerait à l'intention rejetée par le Parlement d'infliger une peine privative de liberté plutôt qu'une peine pécuniaire si la peine ne dépasse pas six mois, et ce pour des motifs de prévention générale.

­

Abandon général de la peine pécuniaire: inutile et inéquitable On l'a vu, le nouveau droit des sanctions réduit nettement le champ d'application de la peine pécuniaire. Ce changement représente déjà un durcissement par rapport à l'ancien droit tant il est vrai que le législateur comme le Tribunal fédéral considèrent que la peine pécuniaire constitue objectivement une sanction plus douce qu'une peine privative de liberté198. En conséquence, il ne semble pas opportun de procéder à un nouveau durcissement dès lors que le juge peut prononcer une peine privative de liberté même lorsque la peine pécuniaire devrait en fait constituer son premier choix. Le nouveau droit des sanctions offre une marge de manoeuvre suffisante pour assurer des solutions équitables et éviter qu'un délinquant ne soit traité trop favorablement.

­

Risque de mise en péril du système L'exclusion quasi générale des peines pécuniaires en matière d'infractions d'ordre sexuel ouvrirait une brèche inutile dans le système et risquerait d'être étendue à d'autres infractions (par ex. à des lésions corporelles impliquant des enfants ou des personnes âgées), avec la conséquence de voir le système des sanctions mis en péril.

197 198

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 5.1.1.

ATF 134 IV 97, consid. 4.2.2.: «La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général sont des sanctions moins graves que les peines privatives de liberté». Dans la pratique, il n'en demeure pas moins que les personnes condamnées préfèrent souvent une peine privative de liberté à une peine pécuniaire. Le travail d'intérêt général n'est aujourd'hui plus une sanction, mais une forme d'exécution (art. 79a).

63 / 80

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Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de renoncer à la peine pécuniaire, surtout si l'on considère qu'une telle modification n'aurait pas un impact accru sur le caractère dissuasif des normes considérées.

8.2

Motion 14.3022 Rickli «Pornographie enfantine.

Interdiction des images d'enfants nus»

8.2.1

Contexte

La motion Rickli 14.3022 «Pornographie enfantine. Interdiction des images d'enfants nus»199 charge le Conseil fédéral de préparer un projet de loi visant à punir le commerce professionnel de photos et de films montrant des enfants nus. La motion a été adoptée par le Parlement et transmise le 6 décembre 2016. Le Conseil fédéral a proposé d'adopter la motion: il en soutenait les objectifs en soulignant toutefois qu'elle soulèverait de délicats problèmes de délimitation.

Un cas concret se trouve à l'origine de cette motion: après trois années d'investigations, la police canadienne a démantelé en 2014 un réseau international de pornographie enfantine (opération «Spade»). L'entreprise canadienne Azov Films, active sur le web, produisait des films en Europe de l'Est qui représentaient des garçons nus de dix à seize ans en train de jouer. La police a séquestré des centaines de milliers de vidéos et saisi les listes de noms et d'adresses des acquéreurs ­ presque exclusivement masculins ­ dans le monde entier. Environ 150 d'entre eux étaient domiciliés en Suisse. D'après l'Office fédéral de la police (fedpol), les films en question ne contenaient pas d'images représentant des actes d'ordre sexuel, ni de gros plans sur les parties génitales des garçons. On a considéré de ce fait qu'il ne s'agissait pas de matériel illégal. Des enquêtes pénales ont cependant été ouvertes dans divers cantons pour suspicion de pornographie enfantine200.

Suite à cette enquête, une affaire a éclaté en Allemagne, impliquant l'ancien député au Bundestag Edathy, qui a reconnu avoir téléchargé de tels films. La procédure a été classée201, mais le droit pénal allemand en matière sexuelle a subi un durcissement suite à ces évènements. Cette révision (controversée)202 visait à empêcher l'exercice d'activités lucratives en lien avec des corps d'enfants. Dans la foulée, on a élargi la définition légale des écrits ou représentations pornographiques ayant pour objet des enfants ou des adolescents aux § 184b et 184c du code pénal allemand, en y incluant les représentations d'enfants ou d'adolescents entièrement ou partiellement dévêtus, dans une posture peu naturelle et mettant en valeur leur sexe203. Le § 201a du code

199 200

www.parlement.ch > no d'objet 14.3022.

Voir sur cette question le développement de la motion; «Grossermittlung wegen Kinderpornographie», Neue Zürcher Zeitung du 30 novembre 2014.

201 «Edathys Geständnis ohne Schuldgefühle», Neue Zürcher Zeitung du 2 mars 2015.

202 Voir sur cette question Eisele Jörg/Franosch Rainer, 2016, pp. 519 ss.

203 L'ajout d'un nouvel alinéa rend également punissable la diffusion d'une représentation sexuellement provocante de l'appareil génital ou des fesses dénudés d'un enfant.

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pénal allemand concernant l'atteinte à la sphère privée et intime au moyen de prises de vue a également été adapté204.

8.2.2

Difficultés de mise en oeuvre de la motion

Les arguments développés dans la motion présentent une certaine confusion, notamment en ce qui concerne la désignation des éléments constitutifs de l'infraction à réprimer. Une analyse plus approfondie démontre que les problèmes seraient quasiment insolubles et que l'on se heurterait à une réglementation insatisfaisante dont l'application poserait d'importantes difficultés. Ces dernières sont exposées ci-après.

Toute norme de droit pénal se fonde sur le bien juridique à protéger. La détermination du bien à protéger dans le cas où l'élément constitutif est une image d'enfant soulève des questions délicates dans la mesure où, dans le sens classique du terme, des images d'enfants ne constituent pas des images pornographiques.

À cela vient s'ajouter le fait que la motion désigne l'objet de l'infraction soit par les termes «photos et (de) films montrant des enfants nus» (traduction française de «Nacktfotos und entsprechenden Filmaufnahmen»), soit par le terme «images d'enfants nus» (traduction française du titre allemand «Posing-Bildern»). Or ces concepts sont définis de manières différentes: par une «Nackt-Aufnahme», on entend une image (photo ou film) où l'enfant est dévêtu (on peut se demander s'il doit être entièrement nu ou si ses parties génitales doivent être visibles). En revanche, une «PosingAufnahme» est généralement une photo posée dont la réalisation a nécessité de toute évidence une action sur l'enfant, ce dernier n'étant en règle générale que partiellement dévêtu.

Sous l'angle de l'acte à réprimer, la motion manque aussi de clarté. Si on s'appuie sur le texte déposé205, la punissabilité demeure limitée au commerce professionnel. Or dans son développement, la motion vise la consommation: dans l'affaire «Azov», l'auteure de la motion se plaignait du fait que les acheteurs et les consommateurs ne pouvaient être condamnés en Suisse.

Rendre punissable la consommation d'images non pornographiques irait trop loin206.

Il serait choquant par ailleurs de limiter la punissabilité à celui qui en fait métier dès lors que cette notion a été jusqu'à maintenant utilisée dans le CP comme simple motif de qualification. En d'autres termes, l'activité commerciale en tant que telle ne fonde

204

En raison d'une différence de systématique juridique, cette modification ne saurait être prise en compte dans une analyse de droit pénal comparé: autrement qu'en droit allemand, la systématique du droit suisse protège le droit à l'image non pas par une norme pénale, mais par le biais de la protection de la personnalité qui ressortit au droit civil.

205 BO 2016 E 1036, Sommaruga Simonetta, conseillère fédérale: «Mais vous savez, pour le Conseil fédéral, c'est toujours le texte de la motion qui est déterminant. Dans cette optique, il est question ici de commerce professionnel de photos et de films montrant des enfants nus que le droit pénal doit réprimer» (traduction).

206 Les Chambres fédérales ont compris la motion en ce sens qu'elle ne visait pas à condamner n'importe quel type de consommation, mais uniquement celle dont on fait métier: voir BO 2016 E 1035, Jositsch Daniel (S, ZH).

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pas la punissabilité, mais qualifie tout au plus le caractère illégal d'une activité qui a été déclarée punissable dans son principe.

Des images privées telles que des photos destinées par exemple à un album de famille ne doivent pas être interdites. La motion veut cependant empêcher que de telles photos puissent être utilisées aux fins de satisfaire des intérêts d'ordre sexuel et vendues ensuite à titre professionnel dans ce but. Pour ce faire, l'acte délictueux ne devrait être réalisé que si les photos sont utilisées à des fins d'ordre sexuel.

8.2.3

Modification de la jurisprudence

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de pornographie a sensiblement évolué depuis le dépôt de la motion: dans son arrêt 6B_180/2015 du 18 février 2016, le Tribunal fédéral a élargi la définition de la pornographie enfantine. Cet arrêt porte notamment sur des «images d'enfants (partiellement) dévêtus en train de jouer sur la plage» à partir desquelles le recourant a élaboré des photos207. D'après la nouvelle jurisprudence, il n'est pas forcément indispensable que l'enfant ait été directement sollicité pour se prêter à une véritable séance de pose; des photos d'enfants nus prises à leur insu peuvent aussi être considérées comme un élément constitutif de l'infraction si elles incitent celui qui les regarde à commettre des actes illicites. En revanche, selon cette jurisprudence, de simples clichés de scènes de la vie quotidienne tels que des photos représentant des enfants nus à la plage ou à la piscine ne sont pas punissables.

D'après la Haute Cour, le critère de distinction est constitué par le respect des normes sociales: si les images sont placées hors de leur contexte social généralement admis et n'autorisent aucune autre interprétation que celle dont il ressort qu'elles favorisent l'excitation sexuelle de personnes à tendance pédosexuelle, on se trouve en présence de représentations de pornographie enfantine prohibées. Ainsi ce ne sont pas uniquement des images d'enfants entièrement nus qui peuvent présenter un caractère de pornographie enfantine, mais aussi celles de personnes en bas âge partiellement dévêtues, dont l'attitude, le mode de représentation, la prise de vue, le cadrage ou d'autres éléments comportent clairement une connotation sexuelle et paraissent en inadéquation avec les normes sociales. Dans les cas où les enfants ne sont pas entièrement nus ou lorsque les parties génitales ne sont que partiellement découvertes, les exigences relatives à la connotation sexuelle seront plus strictes208.

Au vu de l'extension du champ d'application de l'art. 197 résultant de cette nouvelle jurisprudence, on peut considérer que l'actuelle définition des éléments constitutifs de l'infraction de pornographie se recoupe avec celle qui était demandée dans les grandes lignes par la motion209.

207 208 209

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_180/2015 du 18 février 2016, let. A. de l'exposé des faits.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_180/2015 du 18 février 2016, consid. 3.3.1.

BO 2016 E 1034, Caroni Andrea (RL, AR) au sujet de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral: «Il découle de cette jurisprudence que la notion de pornographie dans ce domaine doit être prise dans un sens très large et ­ hormis un éventuel cliché pris en famille sur la plage ­ englobe déjà maintenant presque tous les cas de figure; je me suis brièvement entretenu à ce sujet avec l'auteure de la motion et elle m'a dit que les souhaits qui s'y trouvaient émis étaient en pratique largement satisfaits (...)» (traduction).

66 / 80

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8.2.4

Conclusion

Il appert qu'une infraction sanctionnant les photos posées soulèverait des questions juridiques très délicates et que sa mise en oeuvre donnerait lieu à des difficultés quasi insolubles. La nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral reprend ce que la motion réclamait en substance.

C'est pourquoi il a été proposé, dans l'avant-projet, de renoncer à pareille infraction.

La majorité des participants à la consultation y étaient favorables210.

8.3

Initiative parlementaire 18.434 (Amherd) Bregy «Punir enfin le pédopiégeage en ligne»

8.3.1

Contexte

L'initiative parlementaire 18.434 (Amherd) Bregy «Punir enfin le pédopiégeage en ligne»211 demande que le pédopiégeage en ligne (cybergrooming) soit déclaré punissable et qu'il soit érigé en infraction poursuivie d'office. Dans son développement, l'initiative soulève la question de savoir si une norme doit être spécialement créée contre le pédopiégeage, laquelle punirait les préparatifs d'une rencontre avec un mineur, ou s'il faut compléter une norme existante. Le harcèlement sexuel d'enfants sur Internet doit quoi qu'il en soit être poursuivi d'office.

Le 29 août 2019, la CAJ-N a décidé de donner suite à l'initiative parlementaire par 17 voix contre 6 et 1 abstention; le 29 octobre 2019, la CAJ-E a adhéré à cette décision par 9 voix contre 2 et 2 abstentions. Le 28 août 2020, la CAJ-N a décidé d'élaborer elle-même un avant-projet par 16 voix contre 2 et 3 abstentions.

8.3.2

Définitions

La notion de pédopiégeage en ligne n'est pas utilisée de manière uniforme212.

Le pédopiégeage en ligne au sens étroit du terme désigne la sollicitation d'enfants et d'adolescents par des adultes à des fins sexuelles au moyen de technologies de l'information et de la communication (TIC) dans le but de les rencontrer physiquement et d'abuser d'eux sexuellement. Le pédopiégeage en ligne englobe uniquement la préparation de l'abus par des manoeuvres visant à une rencontre physique, mais non l'abus sexuel lui-même (ci-après: pédopiégeage au sens étroit).

À l'inverse, le pédopiégeage en ligne au sens large décrit des comportements de harcèlement sexuel par le biais de TIC par lesquels l'auteur recherche et entretient un contact avec des enfants et des adolescents sur Internet, sans que ces agissements visent nécessairement une rencontre réelle ou remplissent les conditions d'un abus sexuel (ou de la tentative d'un tel abus) avec des enfants ou celles de la production 210 211 212

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 5.1.2.

www.parlement.ch > no d'objet 18.434.

Fontanive Karin/Simmler Monika, 2016, ch. A II 2.

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(ou d'une tentative de production) de pornographie enfantine (ci-après: pédopiégeage au sens large).

Le terme de TIC recouvre au sens large toutes les applications de communication telles que la radio, la télévision, les téléphones mobiles, les smartphones, le matériel informatique et les logiciels, les réseaux, les systèmes satellites ainsi que les diverses prestations et applications qui en font partie213.

8.3.3

Droit en vigueur

Le pédopiégeage en ligne est déjà punissable dans le droit en vigueur.

Pédopiégeage en ligne au sens étroit Un adulte qui entre en contact avec un enfant ou un adolescent par le biais de TIC en vue d'abuser de lui sexuellement peut se rendre coupable de tentative d'actes sexuels avec des enfants (art. 187, ch. 1, al. 1, en relation avec l'art. 22) ou de tentative de production de pornographie enfantine (art. 197, al. 4, 2e phrase, en relation avec l'art. 22) si la rencontre a lieu et qu'elle constitue la dernière étape décisive avant la réalisation de l'infraction.

Pédopiégeage en ligne au sens large Un auteur qui dialogue sur un forum de discussion sans qu'aucun contact physique n'entre en ligne de compte est punissable: ­

s'il montre à l'enfant des textes ou des images (de lui-même ou de tiers) pornographiques (art. 197, al. 1);

­

s'il entraîne l'enfant à commettre des actes d'ordre sexuel sur sa propre personne (art. 187, ch. 1, par. 2);

­

s'il mêle l'enfant à un acte d'ordre sexuel, par exemple parce qu'il commet des actes d'ordre sexuel devant l'enfant ou que l'enfant les perçoit (art. 187, ch. 1, par. 3);

­

le cas échéant, les art. 179quater (violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues), 180 (menaces) et 181 (contrainte) peuvent aussi s'appliquer.

En revanche, le seul fait d'échanger des propos à contenu sexuel sur un forum de discussion sans que ceux-ci soient accompagnés des actes mentionnés ci-dessus n'est en règle générale pas punissable. À tout le moins pourrait-on retenir les désagréments d'ordre sexuel commis par la parole (art. 198, al. 2). D'après le droit en vigueur, la poursuite d'une telle infraction n'intervient que sur plainte.

213

fr.wikipedia.org > technologies de l'information et de la communication.

68 / 80

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8.3.4

Pas d'infraction séparée de pédopiégeage en ligne au sens étroit

8.3.4.1

Motifs de l'abandon

Dans l'avant-projet, on se proposait d'instaurer une infraction séparée de pédopiégeage en ligne au sens étroit. Devait être passible d'une peine toute personne qui propose une rencontre à un enfant de moins de 16 ans et fait des préparatifs en vue de cette rencontre dans le but de commettre une infraction au sens de l'art. 187, ch. 1, par. 1, ou de l'art. 197, al. 4, 2e phrase. Une variante consistait à renoncer à pareille norme.

Une nette majorité des participants à la consultation s'est dite favorable à l'inscription de cette infraction dans le code pénal dans l'espoir d'améliorer la protection des enfants et des jeunes. Une minorité veut au contraire qu'on y renonce, principalement parce que ce type de comportement est déjà punissable dans le droit en vigueur au titre de la tentative et que la disposition a une valeur purement symbolique214.

Le pédopiégeage au sens large n'aurait pas été touché par la présente révision. Il resterait en effet couvert par d'autres dispositions du droit en vigueur (voir le ch. 8.3.3).

La commission partage l'avis de la minorité des participants à la consultation et renonce à créer une infraction séparée de pédopiégeage pour les raisons ci-après.

Le droit en vigueur réprime déjà le pédopiégeage au sens étroit lorsque celui-ci constitue la tentative d'un acte punissable (voir le ch. ). En déclarant les actes préparatoires punissables, on ne ferait qu'avancer légèrement le moment de la punissabilité en rendant passible d'une peine la «tentative de tentative». Une nouvelle disposition pénale distincte n'élargirait que peu le champ d'application actuel, de sorte que son avantage pratique est douteux. L'ajout d'une telle disposition dans la loi n'aurait de ce fait qu'une valeur symbolique215. Il soulèverait en outre de délicats problèmes de concours entre les infractions existant dans le droit en vigueur, qui reste applicable, et la nouvelle infraction.

Dans le droit en vigueur, les actes préparatoires ne sont déclarés punissables que dans des situations exceptionnelles, en particulier pour des infractions particulièrement graves telles que l'assassinat, le brigandage, la séquestration et l'enlèvement, ou encore le génocide (art. 260bis, actes préparatoires délictueux). À l'inverse de l'art. 260bis, il est difficile de définir en matière de pédopiégeage ce que sont
les «dispositions concrètes d'ordre technique ou organisationnel» qui seraient «conformes à un plan». Il paraît dès lors malaisé de fixer avec précision un seuil à partir duquel un acte serait objectivement punissable, avec le risque que l'accent soit mis davantage sur l'élément subjectif, à savoir sur l'intention. Il ne serait pas facile d'apporter la preuve de l'intention dans la pratique. Par ailleurs, en mettant l'accent sur l'intention, la norme risquerait de basculer dans le domaine inacceptable du droit pénal réprimant

214 215

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.16.

FF 2012 7051 7105. Voir aussi Fontanive Karin/Simmler Monika, 2016, ch. IV I 2.

(et les références citées), qui se prononcent contre une disposition pénale spécifique sur le pédopiégeage.

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FF 2022 687

les opinions et les intentions. Or le droit pénal ne doit punir un comportement qu'en cas d'atteinte ou de mise en danger sérieuse d'un bien juridique protégé.

8.3.4.2

Convention du 25 octobre 2007 du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels216

La Suisse remplit déjà les exigences de l'art. 23 de la convention de Lanzarote (sollicitation d'enfants à des fins sexuelles). Cette disposition oblige les États contractants à ériger en infraction pénale le fait pour un adulte de proposer intentionnellement une rencontre à un enfant dans le but de commettre à son encontre un acte d'ordre sexuel (art. 18, par. 1, let. a, de la convention de Lanzarote) ou de produire de la pornographie enfantine (art. 20, par. 1, let. a, de la convention de Lanzarote), si la proposition est suivie d'actes matériels conduisant à ladite rencontre et si la victime n'a pas encore atteint la majorité sexuelle (art. 18, par. 2, de la convention de Lanzarote).

Il n'existe en revanche aucune obligation de créer une disposition spécifique réprimant le pédopiégeage ou déclarant punissable une simple discussion en ligne217.

8.3.5

Pas de poursuite d'office des désagréments d'ordre sexuel commis sur des enfants de moins de 12 ans

8.3.5.1

Contexte

L'initiative parlementaire 18.434 (Amherd) Bregy «Punir enfin le pédopiégeage en ligne» demandait en particulier que le harcèlement sexuel d'enfants sur Internet soit réprimé en tant qu'infraction poursuivie d'office (voir le ch. 8.3.1).

Sont poursuivies d'office les infractions dont les autorités de poursuite pénale ont eu connaissance et qu'elles doivent poursuivre et sanctionner indépendamment de la volonté de la victime. En revanche, lorsqu'une infraction est poursuivie sur plainte, sa répression n'intervient que suite à une déclaration de volonté de la victime: la plainte.

La distinction entre infractions poursuivies d'office et infractions poursuivies sur plainte s'opère essentiellement sur deux points: premièrement, la plainte est subordonnée à un délai et à une forme plus stricte; deuxièmement, tout un chacun peut faire une dénonciation alors que seul un cercle déterminé de personnes peut porter plainte218.

216 217 218

RS 0.311.40 Voir FF 2012 7051 7103 ss.

Riedo Christof, 2019, remarque précédant le commentaire de l'art. 30, no 1, 2 et 5, et les références citées.

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8.3.5.2

Motifs de l'abandon

L'avant-projet proposait comme variante de compléter l'art. 198 par un second alinéa aux termes duquel le harcèlement sexuel serait poursuivi d'office si la victime a moins de 12 ans. Une variante consistait à renoncer à la poursuite d'office.

La grande majorité des participants à la consultation s'est prononcée en faveur d'une poursuite d'office dans le but d'améliorer la protection des enfants et des jeunes.

Quelques participants ont même proposé de relever l'âge déterminant des victimes à 16 ans. Une minorité a estimé que la réglementation en vigueur, en vertu de laquelle l'art. 198 est une infraction poursuivie sur plainte dans tous les cas, est appropriée219.

La commission s'est prononcée en faveur du maintien de la règlementation en vigueur pour les raisons ci-après.

Les désagréments d'ordre sexuel constituent une violation légère de l'intégrité sexuelle. Il est rare que les victimes courent le danger d'un traumatisme psychique important. C'est pourquoi cette infraction est érigée en contravention punissable seulement sur plainte. Les adultes et les enfants jouissent ainsi de la même protection.

Dans son avis sur la motion 14.3666 de la CAJ-N «Article 198 CP. Infraction poursuivie d'office dans certains cas»220, le Conseil fédéral s'est prononcé en défaveur d'une modification de l'art. 198 visant à poursuivre d'office les désagréments d'ordre sexuel dont sont victimes des enfants ou des adolescents. La CAJ-E, dans son rapport du 23 avril 2015, a principalement justifié son opposition par le fait que l'art. 198 concernait des affaires généralement mineures qui ne pouvaient être poursuivies indépendamment de la volonté de leur victime. Selon ses arguments, il est certes question d'enfants, mais les parents peuvent en tout temps porter plainte et demander l'ouverture d'une procédure. Renoncer à la poursuite d'office semble plus approprié à ses yeux, car une procédure pénale peut représenter une épreuve supplémentaire pour un enfant. Il doit donc appartenir aux parents de décider si une telle procédure doit être entamée ou non. Elle ajoute qu'il serait disproportionné qu'une procédure pénale soit engagée d'office dès qu'un mot inconvenant a été exprimé. Le 18 juin 2015, le Conseil des États s'est rallié à l'unanimité à l'avis de sa commission des affaires juridiques.

De plus, il serait
fastidieux dans la pratique d'engager d'office de telles procédures pénales (en raison de dialogues à des fins sexuelles sur Internet qui ne sont suivis d'aucun autre acte). Compte tenu de la nature de l'infraction ­ discussions par le biais de TIC ­, il est évident que les autorités de poursuite pénale ouvrent généralement une procédure non pas tant parce qu'elles ont eu connaissance de l'infraction, mais bien plutôt après que l'enfant ou ses parents les en ont informées (par une plainte ou une dénonciation). Il n'y a en définitive que peu de différences entre la plainte et la dénonciation puisque, dans 90 % des cas, les autorités ont connaissance d'une infraction sur indication de la population. En règle générale, il est tout aussi rare qu'une procédure pénale soit ouverte en l'absence d'une dénonciation que faute de plainte221. Le fait de

219 220 221

Rapport sur les résultats de la consultation, ch. 4.18.3.

www. parlement.ch > no d'objets 14.3666 et 12.3476.

Riedo Christof, 2019, remarque précédant le commentaire de l'art. 30, no 5, et les références citées.

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poursuivre cette infraction d'office plutôt que sur plainte n'aurait ainsi que peu d'incidence sur la procédure pénale et n'apporterait donc guère de valeur ajoutée. En continuant de ne poursuivre l'infraction que sur plainte, on donne avant tout aux personnes concernées la possibilité de ne pas engager la procédure pénale contre leur volonté et on évite une victimisation des enfants dans le cas d'infractions mineures.

Lorsque le bien de l'enfant est menacé, l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) a toujours la possibilité d'intervenir.

9

Conséquences

9.1

Conséquences pour la Confédération

Sauf exception, les infractions contre l'intégrité sexuelle ne sont pas soumises à la juridiction fédérale (voir l'art. 23, al. 1, let. a, CPP). Le projet n'a donc pas de conséquences pour la Confédération, ni en termes de finances ni en termes de personnel.

9.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les conséquences en termes de finances et de personnel sont très difficiles à estimer, et encore plus à chiffrer, pour les infractions soumises à la juridiction cantonale et à la juridiction militaire (dans ce dernier cas, les cantons assument les frais découlant de l'exécution des peines et des mesures; voir l'art. 215, al. 1, CPM). Certaines des modifications proposées pourraient entraîner des coûts supplémentaires pour les cantons, d'autres générer des économies. Mais il existe de nombreuses inconnues, d'où la difficulté de savoir si les modifications auront au final des conséquences financières positives ou négatives.

Certaines modifications pourraient entraîner une charge supplémentaire: ­

L'atteinte sexuelle (art. 189, al. 1) et le viol (art. 190, al. 1) sans contrainte ainsi que la tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte (art. 193a) constitueront des infractions poursuivies d'office. Or, dans le droit en vigueur, les actes qui relèveront de cet article peuvent être punis en tant qu'attouchements d'ordre sexuel (art. 198), qui ont valeur de contravention et qui sont poursuivis sur plainte.

­

Les condamnations pour actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes (art. 188), viol (art. 190, al. 1), abus de la détresse ou de la dépendance (art. 193) ou tromperie concernant le caractère sexuel d'un acte (art. 193a) pourront donner lieu à l'expulsion obligatoire de l'auteur (art. 66a). Les condamnations pour atteinte sexuelle (art. 189, al. 1) et pour transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel (art. 197a) pourront quant à elles donner lieu à l'expulsion non obligatoire de l'auteur (art. 66abis).

­

Les désagréments d'ordre sexuel (nouveau titre marginal de l'art. 198) pourront être réalisées par l'envoi d'images à connotation sexuelle.

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L'extension de l'absence de punissabilité à l'art. 197, al. 8 et 8bis (pornographie), générera en contrepartie des allègements.

10

Aspects juridiques

10.1

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 123 Cst., la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération.

Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit (art. 31, al. 1, Cst.).

10.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

10.2.1

Obligations internationales générales de droit pénal

De manière générale, si les conventions internationales conclues en matière pénale ne prévoient pas de fourchette des peines, elles contiennent la plupart du temps des dispositions obligeant les États parties à inscrire dans leurs législations des peines et des mesures punissant de manière effective, proportionnée et dissuasive les auteurs d'infractions222. On a toujours tenu compte de ces dispositions lors de la mise en oeuvre des conventions. De ce point de vue, le projet satisfait pleinement aux obligations internationales de la Suisse.

Les conventions internationales contiennent des dispositions obligeant les États parties à prévoir des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à l'extradition223.

Selon l'art. 35, al. 1, de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale224, l'extradition peut être accordée si l'infraction est frappée d'une sanction privative de liberté d'un an au moins ou d'une sanction plus sévère, aux termes du droit suisse et du droit de l'État requérant, et qu'elle ne relève pas de la juridiction suisse. Le projet ne contient pas a priori de proposition de modification incompatible avec les dispositions internationales évoquées.

Avant le 1er mai 1999, date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les États membres de l'UE devaient seulement prévoir des peines effectives, proportionnées et dissuasives. Une partie des actes juridiques secondaires adoptés par la suite contient 222

Voir par ex. l'art. 27, ch. 1, de la convention de Lanzarote; l'art. 45, al. 1, de la convention d'Istanbul; l'art. 19, al. 1, de la convention pénale du 27 janvier 1999 contre la corruption (RS 0.311.55) et l'art. 13, al. 1, de la convention du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité (RS 0.311.43); voir par analogie l'art. 11, ch. 2, de la convention des Nations Unies du 15 novembre 2000 contre la criminalité transnationale organisée (RS 0.311.54) et l'art. 30, ch. 3, de la convention des Nations Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption (RS 0.311.56).

223 Voir par ex. l'art. 19, al. 1, de la convention pénale contre la corruption et l'art. 24, al. 2, de la convention sur la cybercriminalité.

224 RS 351.1

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également des dispositions pénales définissant les éléments constitutifs d'infractions et, dans certains cas, les quotités de peine à prévoir225. L'inscription de telles dispositions dans les actes juridiques secondaires est appelée à se renforcer suite à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. Ce dernier reconnaît explicitement, en tant que disposition de droit primaire, la compétence de l'UE d'établir sous certaines conditions des règles minimales pour la définition des infractions pénales et des sanctions (art. 83 TFUE226). Dans le domaine du droit pénal en matière sexuelle, les actes juridiques secondaires de référence sont principalement la directive 2011/93/UE227 et, sur certains points, la directive 2011/36/UE228. Elles définissent toutes deux les actes intentionnels que les États membres doivent rendre punissables et le niveau minimal des peines maximales qu'ils doivent fixer. Elles ne sont cependant pas contraignantes pour la Suisse. Les modifications proposées sont par conséquent compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

10.2.2

Conventions du Conseil de l'Europe

Convention du Conseil de l'Europe du 25 octobre 2007 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote) Art. 20

Infractions se rapportant à la pornographie enfantine

La révision de l'art. 197, al. 8 et 8bis, CP n'est pas incompatible avec l'art. 20, ch. 1, let. a et e, de la convention de Lanzarote (production et possession de pornographie enfantine) ni avec l'art. 20, ch. 3, 2e tiret (réserve possible en la matière). Voir le ch. 3.12.2.

Art. 23

Sollicitation d'enfants à des fins sexuelles

L'abandon d'une disposition séparée de pédopiégeage n'est pas contraire à l'art. 23 de la convention de Lanzarote, le droit en vigueur remplissant déjà les exigences de cette disposition. Voir le ch. 8.3.3.

225

Citons à titre d'exemple la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie (JO L 13 du 20.1.2004, p. 44).

226 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (version consolidée), JO C 326 du 26.10.2012, p. 47.

227 Directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil, JO L 335 du 17.12.2011, p. 1.

228 Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil, JO L 101 du 15.4.2011, p. 1.

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Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) Art. 36

Violence sexuelle, y compris le viol

Les nouveaux art. 189, al. 1, et 190, al. 1, proposés sont compatibles avec l'art. 36 de la convention d'Istanbul. Voir le ch. 3.6.1.6.

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Documents préparatoires FF 1985 II 1021, message du 26 juin 1985 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, les moeurs et la famille).

FF 1993 I 113, formulation non sexiste des textes législatifs, rapport du 22 septembre 1992 de la commission parlementaire de rédaction.

FF 2003 1750, initiative parlementaire 96.464. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence commis sur des femmes. Révision de l'art. 123 CP. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence à caractère sexuel commis sur un conjoint. Modification des art. 189 et 190 CP. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 28 octobre 2002.

FF 2003 1779, initiative parlementaire 96.464. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence commis sur des femmes. Révision de l'art. 123 CP. Classification parmi les infractions poursuivies d'office des actes de violence à caractère sexuel commis sur un conjoint. Modification des art. 189 et 190 CP. Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 28 octobre 2002. Avis du Conseil fédéral du 19 février 2003.

FF 2011 5565, message du 22 juin 2011 relatif à la loi fédérale portant mise en oeuvre de l'art. 123b de la Constitution concernant l'imprescriptibilité des actes d'ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants impubères (Modification du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs).

FF 2012 4385, message du 4 avril 2012 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire (réforme du droit des sanctions).

FF 2012 7051, message du 4 juillet 2012 concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote) et sa mise en oeuvre (modification du code pénal).

FF 2016 5905, Message du 3 juin 2016 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 123c Cst.).

FF 2017 163, message du 2 décembre 2016 concernant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul).

FF 2018
2889, message du 25 avril 2018 concernant la loi fédérale sur l'harmonisation des peines et la loi fédérale sur l'adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié.

FF 2019 6351, message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États «Adaptation du code de procédure pénale»).

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Avant-projet de loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle et rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 28 janvier 2021, sous www.parlement.ch > no d'objet 18.043 > Consultation sur le projet 3 ou www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Parl.

Loi fédérale portant révision du droit pénal en matière sexuelle ­ Rapport du 8 août 2021 sur les résultats de la consultation, sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées 2021 > Parl.

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