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22.025 Message relatif à l'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» et au contre-projet indirect (modification de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage) du 4 mars 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter. Nous vous soumettons simultanément un contre-projet indirect sous la forme d'une modification de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage ainsi que de la loi sur l'encouragement de la culture, de la loi sur l'aménagement du territoire et de la loi sur l'agriculture, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 mars 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé L'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» vise à renforcer la protection de la diversité des espèces et à garantir sa préservation à long terme. Elle veut par ailleurs améliorer la protection du paysage et préserver le patrimoine bâti. Ses auteurs réagissent ainsi à l'appauvrissement continu de la diversité biologique et des qualités paysagères et de la culture du bâti en Suisse. L'initiative demande en substance l'affectation de davantage de surfaces à la protection de la nature, du paysage et du patrimoine bâti et l'allocation de davantage de moyens financiers à la conservation de la diversité naturelle. Si le Conseil fédéral partage fondamentalement les préoccupations des auteurs, il est toutefois d'avis que l'initiative va trop loin et entend donc s'y opposer. L'acceptation de cette initiative aurait pour effet de limiter excessivement les compétences et la marge de manoeuvre actuelles de la Confédération et des cantons. Le Conseil fédéral a donc décidé d'élaborer un contre-projet indirect dont l'objectif est de veiller à ce que suffisamment d'aires de protection soient créées à l'échelle nationale pour mettre un terme à la disparition d'espèces animales et végétales. Ce contreprojet vise aussi à renforcer la biodiversité en milieu urbain et à inscrire l'encouragement d'une culture du bâti de qualité par la Confédération au niveau de la loi.

Contenu de l'initiative Le 8 septembre 2020, l'association «Pour la nature, le paysage et le patrimoine bâti» a déposé l'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (initiative biodiversité)». Celle-ci propose d'inscrire dans la Constitution (Cst.) un nouvel art. 78a intitulé «Paysage et biodiversité», qui viendrait s'insérer après l'art. 78 consacré à la protection de la nature et du patrimoine. Pour l'essentiel, l'initiative entend mieux protéger la nature, le paysage et le patrimoine bâti. Si elle poursuit en cela des objectifs similaires à ceux de la Confédération, elle souhaite pour sa part inscrire les instruments existants dans la Constitution en vue de les renforcer et de les compléter. Les deux aspects essentiels qu'elle veut ajouter à la Constitution sont les suivants: d'une part, l'obligation formelle pour les cantons de préserver les paysages, la
physionomie des localités et les sites historiques et, d'autre part, l'encadrement strict de la pesée des intérêts nécessaire en cas d'atteinte substantielle à un objet protégé. L'initiative exige enfin que la Confédération et les cantons mettent à disposition les surfaces, les ressources et les instruments nécessaires à la sauvegarde et au renforcement de la biodiversité.

Avantages et inconvénients de l'initiative Le Conseil fédéral partage fondamentalement les préoccupations exprimées à travers l'initiative. La biodiversité en Suisse se trouve dans un état insatisfaisant, marqué par un fort déclin, et les mesures déjà prises ne suffisent pas à enrayer son recul (perte de biodiversité). Certaines lacunes du droit constitutionnel en matière de protection du paysage et des monuments pourraient aussi être comblées. Cependant, le Conseil fédéral estime que l'initiative va trop loin, en particulier pour les raisons suivantes.

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Le Conseil fédéral estime que l'initiative, si elle était acceptée, aurait pour effet de limiter excessivement les compétences et la marge de manoeuvre actuelles de la Confédération et des cantons. Ainsi, la mise en oeuvre de l'initiative générerait par exemple d'importants conflits d'objectifs avec les politiques énergétique et agricole.

Et l'exigence selon laquelle «l'essence de ce qui mérite d'être protégé doit être conservée intacte» (art. 78a, al. 3, Cst.), serait selon lui trop restrictive pour d'autres domaines politiques fédéraux ou cantonaux et pour l'économie, notamment dans le cas des petits objets protégés. Le Conseil fédéral considère par ailleurs que, pour préserver le patrimoine bâti, il est plus efficace d'encourager une culture du bâti de qualité, comme s'y attèle déjà la Confédération, que d'accroître l'effet de protection des inventaires.

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander le rejet de l'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (initiative biodiversité)» et lui oppose un contre-projet indirect.

Les grands axes du contre-projet indirect sont les suivants: 1)

la notion d'infrastructure écologique est introduite dans la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN), ce qui conduit à une augmentation des surfaces dédiées à la préservation de la biodiversité et favorise une meilleure mise en réseau de ces surfaces; l'objectif selon lequel les aires centrales pour la biodiversité doivent représenter 17 % du territoire national est inscrit dans la loi;

2)

les zones de protection nationales sont assainies si nécessaire;

3)

les mesures en faveur de la compensation écologique dans les zones utilisées de manière intensive sont plus fortement encouragées, en particulier en ce qui concerne les zones urbanisées et les agglomérations, dans le cadre des lois et instruments existants;

4)

l'encouragement d'une culture du bâti de qualité et l'obligation pour les cantons et les communes de prendre en compte les inventaires fédéraux sont inscrits au niveau de la loi;

5)

les objectifs de la Stratégie énergétique 2050 ne sont pas affectés.

Le contre-projet indirect entend à la fois confirmer la politique actuelle du Conseil fédéral et la consolider. Le Conseil fédéral prévoit un montant de 96 millions de francs par an pour sa mise en oeuvre.

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Table des matières Condensé

2

1

Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

6 6 7 7

2

Contexte 2.1 Biodiversité 2.1.1 Espace pour la biodiversité 2.1.2 Services écosystémiques 2.1.3 La biodiversité, socle de l'économie 2.2 Paysage et culture du bâti 2.3 Nécessité d'une action étatique

7 7 8 9 9 11 14

3

Buts et contenu de l'initiative 3.1 Buts visés 3.2 Réglementation proposée 3.3 Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

14 14 15 15

4

Appréciation de l'initiative 4.1 Appréciation des demandes de l'initiative 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Conséquences financières pour la Confédération et les cantons: estimations du comité d'initiative 4.2.2 Conséquences financières pour la Confédération et les cantons: estimations de la Confédération 4.2.3 Autres effets sur l'économie et la société 4.3 Avantages et inconvénients de l'initiative 4.4 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 4.4.1 Biodiversité 4.4.2 Paysage et culture du bâti

17 17 18

5

Conclusions

22

6

Contre-projet indirect 6.1 Procédure préliminaire, consultation comprise 6.2 Révision du projet 6.3 Présentation du contre-projet indirect 6.3.1 Réglementation proposée 6.3.2 Adéquation des moyens requis 6.3.3 Mise en oeuvre 6.4 Commentaire des dispositions 6.4.1 Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage

24 24 26 27 27 29 29 30 30

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18 19 20 20 21 21 22

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6.5

6.6 6.7 6.8

6.4.2 Modification d'autres actes Conséquences pour les pouvoirs publics 6.5.1 Conséquences financières pour la Confédération 6.5.2 Conséquences pour la Confédération en matière de personnel 6.5.3 Conséquences financières pour les cantons et les communes Conséquences pour d'autres acteurs Conséquences pour l'économie Aspects juridiques du contre-projet indirect 6.8.1 Constitutionnalité 6.8.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.8.3 Forme de l'acte à adopter 6.8.4 Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 6.8.5 Frein aux dépenses 6.8.6 Conformité à la loi sur les subventions 6.8.7 Délégation de compétences législatives 6.8.8 Protection des données

40 42 42 44 45 46 47 48 48 49 49 49 49 50 50 50

Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) (Projet)

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Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» (Projet)

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 78a

Paysage et biodiversité

En complément à l'art. 78, la Confédération et les cantons veillent, dans le cadre de leurs compétences: 1

a.

à préserver les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels dignes de protection;

b.

à ménager la nature, le paysage et le patrimoine bâti également en dehors des objets protégés;

c.

à mettre à disposition les surfaces, les ressources et les instruments nécessaires à la sauvegarde et au renforcement de la biodiversité.

La Confédération, après avoir consulté les cantons, désigne les objets protégés présentant un intérêt national. Les cantons désignent les objets protégés présentant un intérêt cantonal.

2

Toute atteinte substantielle à un objet protégé par la Confédération doit être justifiée par un intérêt national prépondérant; toute atteinte substantielle à un objet protégé au niveau cantonal doit être justifiée par un intérêt cantonal ou national prépondérant.

L'essence de ce qui mérite d'être protégé doit être conservée intacte. La protection des marais et des sites marécageux est réglée par l'art. 78, al. 5.

3

La Confédération soutient les mesures prises par les cantons pour sauvegarder et renforcer la biodiversité.

4

Art. 197, ch. 122 12. Disposition transitoire ad art. 78a (Paysage et biodiversité) La Confédération et les cantons édictent les dispositions d'exécution relatives à l'art. 78a dans un délai de cinq ans à compter de l'acceptation dudit article par le peuple et les cantons.

1 2

RS 101 Le numéro définitif de la présente disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après le scrutin.

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1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Pour l'avenir de notre nature et de notre paysage (Initiative biodiversité)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 12 mars 20193 et a été déposée le 8 septembre 2020 avec le nombre requis de signatures.

Par décision du 15 octobre 2020, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 107 885 signatures valables et qu'elle avait donc abouti4.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral lui oppose un contre-projet indirect. Conformément à l'art. 97, al. 2, de la loi du 13 septembre 2002 sur le Parlement (LParl)5, le Conseil fédéral avait jusqu'au 8 mars 2022 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 8 mars 2023 pour adopter la recommandation de vote qu'elle adressera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

2

Contexte

2.1

Biodiversité

Par biodiversité, on comprend la diversité des écosystèmes, des espèces et des gènes, qui constitue la pierre angulaire de la vie sur la Terre. En Suisse, près de la moitié des milieux naturels sont menacés de disparition et plus d'un tiers de toutes les espèces d'animaux, de plantes et de champignons connues sont menacées d'extinction. Cela représente davantage d'espèces que jamais auparavant et bien plus que dans la plupart

3 4 5

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des pays de l'Union européenne (UE)6. La principale atteinte à la biodiversité provient de l'utilisation intensive des ressources naturelles par les humains7.

De manière générale, les modèles de production et de consommation adoptés par l'économie et la société suisses poussent le pays à dépasser régulièrement la limite de ce que la nature peut supporter. Le dépassement de ces limites entraîne le risque de voir les écosystèmes, l'économie et la société subir des conséquences très graves, telles que le recul de la diversité biologique (perte de biodiversité) ou les changements climatiques.

La perte constante de biodiversité en Suisse révèle que les efforts entrepris à ce jour par la Confédération, les cantons et des tiers ne constituent pas une réponse adéquate à l'état alarmant de la biodiversité dans notre pays. Ainsi, la Suisse n'a atteint qu'une minorité des objectifs nationaux en termes de biodiversité poursuivis par la Stratégie Biodiversité Suisse (SBS)8, le plan d'action y afférent9 et d'autres mesures. La Suisse n'a pas davantage respecté son engagement, pris dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique10, de réserver 17 % de son territoire à la biodiversité avant 2020. Actuellement, si l'on se fonde sur les catégories de surface de la SBS, seuls 13,4 % du territoire sont consacrés à la biodiversité. Cela comprend les zones protégées d'importance nationale, régionale ou locale, les zones protégées au niveau international et d'autres zones consacrées à la protection et à la conservation de la biodiversité11. Les zones tampons des biotopes d'importance nationale ou régionale contribuent également à la protection de la biodiversité.

La surface seule ne suffit toutefois pas à préserver durablement la biodiversité et les services qu'elle fournit à l'économie et à la société. La qualité des territoires est déterminante pour couvrir les besoins des espèces concernées. Malgré les moyens importants engagés par la Confédération et les cantons pour protéger la nature, la qualité de la plupart des milieux naturels suisses laisse toujours à désirer et continue de se dégrader. C'est notamment le cas des réserves naturelles classiques.

2.1.1

Espace pour la biodiversité

Pour que la biodiversité puisse fournir durablement ses services à l'économie et à la société (ce que l'on appelle des services écosystémiques, voir le point 2.1.2), elle nécessite davantage d'espaces protégés reliés entre eux. Par conséquent, la SBS et le plan d'action mettent l'accent sur la préservation et l'extension de l'infrastructure écologique. Celle-ci consiste à mettre en place un maillage d'aires centrales comprenant des milieux naturels de qualité. Ce maillage est nécessaire à la survie des espèces 6

7 8 9 10 11

OFEV (éd.), 2017: Biodiversité en Suisse: état et évolution. Synthèse des résultats de la surveillance de la biodiversité. État: 2016. Office fédéral de l'environnement, Berne.

État de l'environnement no 1630, 60 p.

Conseil fédéral (2018): Environnement Suisse 2018. Rapport du Conseil fédéral. Berne, 2018.

Conseil fédéral (2012): Stratégie Biodiversité Suisse. Berne, 2012.

Conseil fédéral (2017): Stratégie Biodiversité Suisse plan d'action. Berne, 2017.

Convention du 5 juin 1992 sur la diversité biologique; RS 0.451.43.

OFEV, Biodiversité: indicateurs. www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biodiversite/etat/indicateurs.html. Consulté le 19 février 2021.

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vivantes. Selon la SBS, ces aires centrales peuvent être des biotopes nationaux, régionaux ou locaux comme des prairies, des sites de reproduction de batraciens, des marais, des prairies sèches, des réserves d'oiseaux d'eau, des réserves forestières, le Parc national suisse, certaines zones des parcs naturels périurbains ou des surfaces de promotion de la biodiversité constituant des milieux naturels de qualité. Afin que les espèces puissent se déplacer, coloniser ou reconquérir des territoires et renouveler leur patrimoine génétique, les aires centrales doivent être reliées les unes aux autres par des aires de mise en réseau. Parmi celles-ci figurent par exemple les lisières étagées, les corridors faunistiques, les espaces réservés aux eaux, les territoires urbanisés proches de l'état naturel ou encore les aires de mise en réseau au sein des territoires agricoles.

2.1.2

Services écosystémiques

L'économie et la société bénéficient d'un grand nombre de services fournis par la biodiversité (services écosystémiques). Il s'agit notamment de la pollinisation par les insectes, de la disponibilité de sols fertiles pour l'agriculture et la sylviculture, d'eau propre, de nourriture pour les humains et les animaux, de matières premières, de principes actifs pour les médicaments, de sources d'énergie, du stockage du carbone, de la protection contre les catastrophes naturelles (p. ex. la protection contre les avalanches, les éboulements et les laves torrentielles grâce à la végétation sur les pentes escarpées ou la protection offerte par les zones pouvant être inondées ou retenir l'eau), sans oublier la lutte naturelle contre les organismes nuisibles ni l'importance de la qualité de la nature et du paysage pour la détente, et donc pour la santé humaine (p. ex.

espaces de détente proches de l'état naturel, qualité de l'air, atténuation de l'accumulation de chaleur dans les villes en été) 12.

La biodiversité constitue donc un prérequis pour l'existence humaine et la performance économique d'un pays13, et son recul continu peut avoir des conséquences dramatiques. Les grands défis de notre siècle sont exacerbés par la disparition irrémédiable des animaux, des plantes, ainsi que des services écosystémiques qui leur sont associés.

2.1.3

La biodiversité, socle de l'économie

La biodiversité et la qualité du paysage ont un impact direct et indirect sur l'économie mondiale, et donc aussi sur l'économie suisse. Selon les estimations de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les services écosysté-

12 13

Conseil fédéral (2019): Politique de la santé: stratégie du Conseil fédéral 2020­2030.

Berne, 2019.

Conseil fédéral (2018): Environnement Suisse 2018. Rapport du Conseil fédéral. Berne, 2018.

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miques représentent 125 000 à 140000 milliards de dollars par an au niveau mondial14. Par conséquent, la menace que représente la perte de biodiversité est perçue de plus en plus sérieusement par les milieux économiques et financiers15. Le World Economic Forum (WEF) affirme ainsi dans son «Global Risks Report 2021» que les changements climatiques et la disparition de la nature constituent les plus grands risques pour l'économie, et que le rythme de la perte de la biodiversité est particulièrement préoccupant.

Diverses branches de l'économie suisse dépendent directement de la biodiversité, à commencer par l'agriculture. La simple pollinisation par les abeilles, un service écosystémique naturel et extrêmement peu coûteux, vaut près de 350 millions de francs par an16. Plus généralement, la diversité des espèces constitue une assurance contre les changements environnementaux indésirables, par exemple en fournissant une protection naturelle contre les organismes nuisibles ou les maladies des plantes. La biodiversité est donc essentielle pour la préservation à long terme de la production alimentaire nationale et le maintien d'un certain degré d'autosuffisance en Suisse17. La perte continue de biodiversité et les changements climatiques croissants, deux processus étroitement liés, mettent en péril l'existence de l'agriculture suisse18. D'autres secteurs encore dépendent directement de la qualité de la biodiversité et du paysage.

Par exemple, les paysages suisses et l'abondance de sites naturels et culturels dans une si petite région sont un puissant moteur pour le tourisme, un secteur qui emploie plus de 180 000 personnes en Suisse et génère une valeur ajoutée brute annuelle de plus de 19 milliards de francs19.

Investir dans la biodiversité et la qualité du paysage a un impact particulièrement positif sur l'économie régionale, notamment pour les entreprises qui mettent en oeuvre

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16

17 18

19

PwC, WWF Suisse (2020): Nature is too big to fail. Biodiversity: the next frontier in financial risk management.

economiesuisse. Dossier politique (2020): Biodiversité et économie: un état des lieux.

www.economiesuisse.ch/fr/dossier-politique/biodiversite-et-economie-un-etat-des-lieux.

Consulté le 25 septembre 2020.

World Economic Forum (2021): The Global Risks Report 2021. 16th Edition. Insight Report.

OCDE (2019): Financer la biodiversité, agir pour l'économie et les entreprises. Préparé par l'OCDE pour la présidence du G7 et la réunion des ministres de l'Environnement du G7, les 5 et 6 mai 2019.

PwC, WWF (2020): Nature is too big to fail. Biodiversity: the next frontier in financial risk management.

Office fédéral de l'agriculture (2017), communiqué de presse: La pollinisation par les abeilles également importantes pour les grandes cultures. www.admin.ch/gov/fr/ accueil/documentation/communiques.msg-id-68070.html. Consulté le 22 janvier 2021.

Académie suisse des sciences naturelles SCNAT (2020): La diversité est source de vie.

Avantages, défis et besoins de l'agrobiodiversité. Swiss Academies Factsheet 15 (1).

economiesuisse. Dossier politique (2020): Biodiversité et économie: un état des lieux.

www.economiesuisse.ch/fr/dossier-politique/biodiversite-et-economie-un-etat-des-lieux.

Consulté le 25 septembre 2020.

Office fédéral de la statistique (2020): La statistique suisse du tourisme 2018. Neuchâtel.

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les mesures en faveur de la nature. La majorité des fonds fédéraux et cantonaux utilisés à cette fin profitent à l'agriculture, à l'industrie de la construction et à la sylviculture20.

L'analyse des indicateurs économiques existants pour la biodiversité et les services écosystémiques révèle que le potentiel de croissance du marché mondial lié à la durabilité d'ici 2050 représente entre 2000 et 6000 milliards de dollars21. À l'inverse, renoncer à prendre des mesures de protection et d'encouragement risque de s'avérer coûteux. À l'horizon 2050, l'inaction pourrait coûter à la Suisse entre 14 et 16 milliards de francs chaque année, soit 2 à 2,5 % du produit intérieur brut (PIB)22.

Le Conseil fédéral a reconnu l'importance de la biodiversité pour l'économie et la société dans le cadre de la SBS. La prise de conscience accrue du risque que la perte de biodiversité peut représenter pour la société et l'économie a suscité un grand nombre d'interventions parlementaires sous la Coupole fédérale23.

En matière de coopération internationale, la préservation et l'utilisation durable de la biodiversité, la restauration et la protection des écosystèmes ainsi que des services qu'ils fournissent à l'économie et à la société sous-tendent les objectifs de développement durable (ODD) adoptés le 25 septembre 2015 par les 193 États membres de l'ONU dans le cadre de l'Agenda 2030 pour le développement durable24.

2.2

Paysage et culture du bâti

La qualité des paysages et du patrimoine bâti en Suisse est sous pression. Dans son rapport du 17 janvier 2018 donnant suite au postulat 16.4028 Fluri «Préserver la physionomie des localités suisses», le Conseil fédéral indique qu'il est de plus en plus difficile de maintenir la qualité de l'environnement bâti et que les objectifs en la matière n'ont souvent pas été atteints ces dernières décennies. Le patrimoine bâti joue un rôle primordial au sein de la société et de l'économie, et en particulier pour le tourisme. Dans le contexte de la pression constante à la construction, la préservation de ce patrimoine est désormais incertaine: la qualité de l'urbanisation et la qualité de vie en souffrent.

Les déficits dans la qualité de la culture du bâti ne se manifestent pas seulement dans les bâtiments classés dignes de protection, mais aussi et surtout dans le reste de l'environnement bâti. Certes, nombre d'ouvrages à l'architecture hors pair sont construits 20

21 22 23 24

OFEV (éd.) 2019: Flux de financement, bénéficiaires et effets des investissements dans la protection de la nature et la biodiversité en forêt. Rapport final. Office fédéral de l'environnement, Berne. OFEV (éd.) 2020: Analyse socioéconomique des effets des investissements dans la protection de la nature et la biodiversité en forêt. Office fédéral de l'environnement, Berne.

TEEB (2012). The Economics of Ecosystems and Biodiversity in Business and Enterprise. Éd.: Joshua Bishop. Earthscan: Londres, New York.

Ecoplan (2010): «COPI Schweiz» ­ Grobe Abschätzung der Kosten des Nichthandelns im Bereich der Biodiversität bis 2050.

Notamment Ip 19.3452, Ip. 19.4298, Mo. 19.3504, Ip. 19.4315, Ip. 17.4162, Mo. 18.3348, Mo. 19.3207, Mo. 19.3968, Mo. 19.3207, Ip. 19.4294, Mo. 20.3010.

Agenda 2030 pour le développement durable, www.eda.admin.ch/agenda2030/fr/ home.html. Consulté le 14 octobre 2020.

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en Suisse. Ils restent toutefois des exceptions au sein du paysage. Le rythme de construction soutenu des dernières décennies n'a souvent pas permis d'accorder à la qualité toute l'importance qu'elle mérite, aussi l'élégance et l'attrait de bien des zones urbanisées et paysages ouverts en ont-ils fait les frais. Cette évolution néfaste du bâti en Suisse suscite de plus en plus d'inquiétudes au sein de la population, des experts et des milieux politiques. Une culture du bâti de qualité se traduit par des villes et des villages agréables à vivre et aptes à faire face aux nouveaux défis de la société tout en conservant leurs caractéristiques historiques. Elle se concentre sur les besoins sociaux, épargne les ressources et crée une valeur ajoutée pour l'économie.

La notion de culture du bâti rencontre un succès grandissant en Suisse et dans le monde. Elle a été ancrée à l'international de manière stratégique, à l'initiative de la Suisse, grâce à l'adoption de la Déclaration de Davos «Vers une culture du bâti de qualité pour l'Europe» par les ministres européens de la culture en marge du WEF 201825. Depuis, toujours plus de démarches voient le jour pour mettre en place une telle culture: elles vont des actions et des stratégies régionales aux instances internationales, en passant par les organisations actives en Suisse. La Commission européenne, en particulier, a renforcé son engagement en matière de promotion d'une culture du bâti de qualité26.

En Suisse, la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) a mis sur pied la Table ronde Culture du bâti dès 2010 afin de mettre en réseau les différents acteurs du domaine. Elle a publié un manifeste sur la culture du bâti un an plus tard27. Dans le message culture 2016­2020, le Conseil fédéral soumet au Parlement l'élaboration, avec tous les services fédéraux compétents, d'une stratégie pour une culture du bâti de qualité28. La Fondation Culture du bâti Suisse a été créée en 2020. Portée avant tout par le secteur du bâtiment, elle encourage le dialogue entre les autorités, les institutions de formation et l'économie afin de promouvoir une culture du bâti de qualité en Suisse29. Quant au message culture 2021­2024 du Conseil fédéral, il concrétise la notion de culture du bâti et l'intègre de manière systématique à la politique culturelle30.

Le Conseil
fédéral a déjà pris plusieurs mesures contre la diminution de la qualité de l'environnement bâti. Celles-ci ont consisté notamment à réaffirmer clairement les bases légales, à améliorer l'adhésion à l'Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS) comme base de planification et à sa mise en oeuvre, à développer la stratégie interdépartementale Culture du bâti 2020­ 2023 et à promouvoir une plus grande participation de la population. Ces mesures

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Déclaration de Davos 2018: Vers une culture du bâti de qualité pour l'Europe, 2018; davosdeclaration2018.ch.

Council conclusions on culture, high-quality architecture and built environment as key elements of the New European Bauhaus initiative, 30.11.2021. data.consilium.

europa.eu/doc/document/ST-14534-2021-INIT/en/pdf.

Table ronde Culture du bâti (2011): Culture du bâti. Un défi de la politique culturelle.

Manifeste de la Table ronde Culture du bâti suisse.

1105_Positionspapier_Baukultur_fr_web.pdf (sia.ch). Consulté le 22 janvier 2021.

FF 2015 461, ici: 535.

Fondation Culture du bâti Suisse, www.fondation-culture-du-bati-suisse.ch.

FF 2020 3037, ici: 3122­3129.

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visent à garantir la cohérence des différentes politiques sectorielles de la Confédération et des cantons. La stratégie Culture du bâti31 a été adoptée par le Conseil fédéral en février 2020. La Confédération rassemble ainsi ses activités dans le domaine et les coordonne grâce à une politique globale. La Stratégie Culture du bâti répond aux défis actuels en matière de société et d'aménagement du territoire, tels que les changements climatiques, la transition énergétique, l'urbanisation vers l'intérieur et l'évolution démographique.

Diverses interventions parlementaires traitant de la protection des sites construits ont été déposées ces dernières années32. L'affaiblissement de cette protection a été refusé systématiquement. L'obligation pour les cantons et les communes de tenir compte des inventaires fédéraux visés à l'art. 5 de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN)33 est en vigueur depuis 2009 à la suite d'un arrêt du Tribunal fédéral34. Elle s'est entre-temps établie dans la pratique et n'est plus contestée. Au niveau fédéral, elle a été concrétisée par voie d'ordonnance à partir de 201035. Plusieurs cantons ont depuis inscrit cette obligation dans leur législation. Des difficultés subsistent aujourd'hui dans l'application et la mise en oeuvre matérielles et formelles correctes des inventaires fédéraux, en particulier de l'ISOS, ce qui entraîne des incertitudes juridiques et en matière d'aménagement. À la suite du rapport donnant suite au postulat 16.4028 Fluri «Préserver la physionomie des localités suisses», un groupe de travail élargi a été mis sur pied sous la direction de la Confédération. Ce groupe de travail a élaboré d'autres propositions visant à améliorer la coordination entre l'urbanisation vers l'intérieur et la protection des sites construits dans le cadre de l'obligation de prendre en compte les inventaires fédéraux susmentionnée36. À l'initiative de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement (DTAP), un guide pour la mise en oeuvre pratique et la prise en compte de l'ISOS dans les tâches cantonales et communales est également en cours d'élaboration par la DTAP, l'Office fédéral de la culture (OFC), l'Office fédéral du développement territorial (ARE), l'Union des villes suisses et l'Association des communes suisses.

31

32

33 34.

35

36

Conseil fédéral (2020): Stratégie interdépartementale d'encouragement de la culture du bâti du 26.02.2020, disponible sur www.bak.admin.ch/bak/fr/home/baukultur/konzeptbaukultur/strategie-baukultur.html.

20.3793 Ip. Chevalley; 17.4308 Mo. Regazzi; 17.4307 Mo. Feller; 17.4281 Mo. Golay; 17.3112 Ip. Schneeberger; 16.4029 Ip. Fluri; 16.3567 Ip. Rutz; 16.3566 Ip. Vogler; 16.3510 Ip. Sauter.

RS 451 ATF 135 II 209 Ordonnance concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (OIFP; RS 451.11), ordonnance concernant l'inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (OIVS; RS 451.13), ordonnance concernant l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (OISOS; RS 451.12).

ARE, OFC (2021): Préserver la physionomie des localités suisses: Recommandations concernant le traitement des sites construits à protéger en cas de développement de l'urbanisation à l'intérieur du milieu bâti. Disponible au format électronique sur www.bak.admin.ch et sur www.are.admin.ch.

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2.3

Nécessité d'une action étatique

D'un point de vue économique, la biodiversité a le caractère d'un bien public: chacun peut l'utiliser, mais ne paie rien pour ce faire. En outre, les ressources naturelles sont trop bon marché lorsque l'on ne tient pas compte des coûts externes. Cette situation conduit à la surexploitation des écosystèmes et à la dégradation de leurs services. La demande de ressources naturelles dépasse de loin l'offre. D'un point de vue économique, on observe donc une défaillance du marché en ce qui concerne la biodiversité.

Afin d'atténuer la défaillance du marché, la Confédération est intervenue en tant que régulateur, en promulguant des lois (p. ex. la LPN) et des ordonnances. Cependant, de nombreuses études montrent que ces efforts ne sont pas suffisants pour enrayer la perte de biodiversité. Les auteurs de l'initiative estiment que cette situation est due à un manque de ressources humaines et financières destinées à promouvoir la biodiversité. Du côté des cantons, les conflits d'utilisation et le poids prépondérant accordé d'autres intérêts d'utilisation contribuent également au fait que la LPN n'atteint pas ses objectifs. D'un point de vue économique, on observe ainsi une défaillance au niveau de la mise en oeuvre de la législation.

Enfin, les problèmes causés par les défaillances du marché et de la mise en oeuvre de la législation sont encore exacerbés par des subventions qui nuisent à la biodiversité.

Ces subventions créent des incitations qui sont en contradiction avec les objectifs de la LPN, rendent l'application de celle-ci plus difficile et ont des conséquences négatives pour la biodiversité. D'un point de vue économique, on observe ainsi également une défaillance réglementaire, et une action de l'État est nécessaire.

3

Buts et contenu de l'initiative

3.1

Buts visés

Les auteurs de l'initiative veulent en substance modifier la Constitution de manière à ce que la biodiversité, la nature, le paysage et le patrimoine bâti soient mieux protégés à l'avenir contre les atteintes substantielles. L'initiative vise essentiellement à créer des zones protégées supplémentaires pour la nature et le paysage et à fournir les ressources financières qui leur seront nécessaires. Les auteurs de l'initiative affirment que l'utilisation non durable des ressources naturelles a conduit à une perte massive de biodiversité et de milieux naturels. Ils ajoutent que cette disparition de la biodiversité menace les services écosystémiques rendus à l'économie et à la société. Dans le domaine du patrimoine paysager et bâti, les auteurs de l'initiative craignent une nouvelle perte de qualité des paysages et des sites construits suisses. Ils affirment en outre que le paysage et le patrimoine bâti sont détruits au profit d'intérêts économiques à court terme et que le paysage suisse subit un grand bouleversement, notamment en raison de la demande croissante en termes de logement et de mobilité. Toujours d'après les auteurs de l'initiative, la densification des zones urbanisées existantes menace la physionomie des localités et les monuments historiques précieux. Ils dénoncent en outre des tentatives menées aux niveaux fédéral et cantonal pour affaiblir encore davantage le statut légal de la protection des monuments et réduire l'effet des

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inventaires fédéraux visés à l'art. 5 LPN37, ce qui aurait un impact négatif sur la qualité des sites construits à protéger et les environs des monuments historiques précieux.

Les auteurs de l'initiative craignent enfin que l'on ne perde un important avantage économique en termes d'identité suisse.

3.2

Réglementation proposée

L'initiative vise des objectifs similaires à ceux de la Confédération, mais souhaite renforcer et compléter les instruments existants en les inscrivant dans la Constitution.

Elle propose de compléter la Constitution en lui ajoutant un nouvel art. 78a intitulé «Paysage et biodiversité», qui viendrait s'insérer immédiatement après l'art. 78 consacré à la protection de la nature et du patrimoine.

Le nouvel art. 78a apporterait deux modifications principales: ­

il obligerait expressément les cantons à préserver et à ménager les paysages, la physionomie des localités et les sites historiques;

­

il fixerait un cadre étroit à la pesée des intérêts en cas d'atteinte substantielle à un objet protégé.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Avec l'art. 78a, al. 1, let. a, le comité d'initiative veut s'assurer que les cantons, dans le cadre de leurs compétences, veillent au même titre que la Confédération à préserver immédiatement et manière adéquate les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels dignes de protection. L'art. 78, al. 1, Cst. impose certes déjà un certain devoir de protection aux cantons, mais la nouvelle disposition viendrait le renforcer.

L'art. 78a, al. 1, let. b, oblige la Confédération et les cantons à prendre soin de la nature, du paysage et du patrimoine bâti également en dehors des objets protégés. Les auteurs de l'initiative affirment que la plupart des atteintes ayant un impact négatif sur la nature, le paysage et la physionomie des localités se produisent en dehors des zones bénéficiant d'un statut de protection formel. La Constitution exige déjà de la Confédération qu'elle protège la nature de manière exhaustive en dehors des zones protégées et qu'elle légifère en conséquence (art. 78, al. 4, Cst.). La Confédération est également soumise à une obligation de protection similaire à l'égard du paysage et du patrimoine bâti dans l'accomplissement de ses tâches (art. 78, al. 2, Cst.). Pour les cantons, en revanche, l'obligation de protection réclamée par l'initiative dans le domaine de la protection du paysage et du patrimoine bâti serait désormais formulée expressément.

37

Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP), Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS), Inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (IVS).

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L'art. 78a, al. 1, let. c, prévoit que la Confédération et les cantons mettent à disposition, dans le cadre de leurs compétences, les surfaces, les ressources et les instruments nécessaires à la sauvegarde et au renforcement de la biodiversité. Certes, la Confédération a déjà le mandat constitutionnel de légiférer pour préserver les surfaces nécessaires à la biodiversité et les protéger juridiquement (art. 78, al. 4, Cst.), sans oublier le fait que la Confédération et les cantons consacrent déjà des ressources à la protection de la nature et du patrimoine en vertu de l'art. 78, al. 3, Cst. Les auteurs de l'initiative affirment cependant que les surfaces protégées aujourd'hui sur le plan juridique, tout comme les ressources financières et humaines mises à disposition par la Confédération pour la biodiversité, sont loin d'être suffisantes pour développer l'infrastructure écologique exigée dans la SBS (voir le point 4.1). L'initiative demande donc à la Confédération et aux cantons de protéger davantage de surfaces. Elle propose également de compléter la législation actuelle, non contraignante, par une obligation de financement explicite (cf. art. 78a, al. 4).

L'art. 78a, al. 2, distingue les objets protégés présentant un intérêt national de ceux qui présentent un intérêt cantonal. Cet article sur la désignation des objets protégés s'appuie sur les dispositions en vigueur de la LPN. La mention de ces deux catégories sert en outre de point de référence pour l'art. 78a, al. 3, qui prévoit des conditions différentes pour les interventions portant atteinte aux objets protégés au niveau cantonal ou national.

L'art. 78a, al. 3, vise à renforcer de manière générale le statut de protection existant des objets inventoriés d'importance nationale ou cantonale. Dès lors, toute atteinte substantielle à un objet protégé par la Confédération ne pourrait être justifiée que par un intérêt national prépondérant, tandis qu'une atteinte substantielle à un objet protégé au niveau cantonal nécessiterait un intérêt cantonal ou national prépondérant.

En cas d'atteinte substantielle des cantons à des objets protégés figurant dans les inventaires fédéraux dans le domaine de la protection de la nature38, la réglementation visée par l'initiative s'applique déjà largement en raison de la compétence étendue de la Confédération
pour légiférer (art. 78, al. 4, Cst.) et de sa mise en oeuvre concrète dans la LPN. En cas d'atteinte substantielle des cantons à des objets figurant dans les inventaires fédéraux dans le domaine de la protection du paysage et du patrimoine39, cette réglementation s'applique de manière plus limitée car la Constitution restreint ici la compétence de la Confédération (cf. art. 78, al. 1 et 2, Cst., art. 5 LPN). Pour justifier de telles atteintes, un intérêt d'importance nationale ne doit aujourd'hui être avéré que lorsque les cantons accomplissent des tâches de la Confédération (art. 6, al. 2, LPN). C'est notamment le cas lorsqu'ils délivrent des autorisations environnementales, comme des autorisations de défrichement, ou perçoivent des aides financières fédérales pour des projets. À l'avenir, les cantons devraient également appliquer 38

39

Ordonnance du 28 octobre 1992 sur les zones alluviales (RS 451.31), ordonnance du 15 juin 2011 sur les batraciens (RS 451.34), ordonnance du 13 janvier 2010 sur les prairies sèches (RS 451.37).

Ordonnance du 29 mars 2017 concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (OIFP; RS 451.11), ordonnance du 13 novembre 2019 concernant l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (OISOS; RS 451.12), ordonnance du 14 avril 2010 concernant l'inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (OIVS; RS 451.13).

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cette règle lorsqu'ils accomplissent leurs propres tâches, en particulier lors de l'élaboration des plans directeurs et des plans d'affectation, ce qui renforcerait la protection des objets concernés.

Aujourd'hui, une atteinte substantielle d'un canton à un objet protégé par un inventaire cantonal peut être recevable en l'absence d'intérêts d'importance nationale ou cantonale. L'initiative renforcerait ainsi les inventaires cantonaux des biotopes, des paysages et des sites construits.

Enfin, les auteurs de l'initiative demandent que l'essence des objets qui méritent d'être protégés soit conservée intacte. Ils veulent ainsi s'assurer que les éléments d'un objet qui ont justement permis d'inscrire ce dernier dans un inventaire de protection ne soient pas sacrifiés. Par exemple, une atteinte à un objet inscrit dans un inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP) qui impliquerait de détruire des beines lacustres qui constituent l'essence de ce qui mérite d'être protégé ne pourrait d'emblée pas être envisagée pour la pesée des intérêts. La conservation intacte de l'essence de ce qui mérite d'être protégé impliquerait également l'impossibilité de détruire les objets eux-mêmes. Ainsi, il ne serait plus possible de supprimer une petite prairie sèche d'importance nationale, même dans le cadre d'un projet prévoyant de la remplacer intégralement. Cette protection plus stricte que celle qui est prévue par les dispositions constitutionnelles en vigueur n'existe aujourd'hui ni dans le domaine de la protection de la nature, ni dans celui de la protection des paysages ou des sites construits (à l'exception des marais et des sites marécageux, qui bénéficient d'une protection absolue en vertu de l'art. 78, al. 5, Cst.).

L'art. 78a, al. 4, a pour objectif d'obliger la Confédération à soutenir financièrement les mesures de sauvegarde et de renforcement de la biodiversité prises par les cantons.

En vertu de la disposition non contraignante de l'art. 78, al. 3, Cst., la Confédération octroie d'ores et déjà de telles contributions aux cantons, généralement dans le cadre de conventions-programmes. La nouvelle réglementation compléterait donc cette disposition par une obligation explicite.

Enfin, une disposition transitoire explicite (art. 197, ch. 12) octroie à la Confédération et aux cantons un délai de cinq ans pour édicter les dispositions d'exécution.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des demandes de l'initiative

L'état actuel de la biodiversité en Suisse est alarmant et ne cesse de se dégrader. La qualité des paysages et de la culture du bâti laisse également à désirer. Conserver une biodiversité riche et résiliente est un objectif largement accepté. Compte tenu des défis actuels et futurs, la conservation de la biodiversité et de la qualité du paysage et du patrimoine bâti revêt une importance considérable pour le bien-être de la population et pour le développement de l'économie suisse, et en particulier pour l'attrait de la Suisse et le tourisme.

Sur le principe, le Conseil fédéral considère donc que les demandes de l'initiative sont louables. Il estime toutefois que l'approche retenue par ses auteurs pour renforcer la

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protection va trop loin. La Constitution et le droit en vigueur garantissent une protection appropriée lors de l'accomplissement des tâches de la Confédération. L'obligation actuellement faite aux cantons et aux communes de tenir compte des inventaires fédéraux est réglée par voie d'ordonnance40. L'obligation indirecte actuelle de prendre en compte les inventaires fédéraux, si elle laisse aux cantons et aux communes une marge d'appréciation, est malgré tout primordiale pour l'amélioration de la qualité des interventions dans le paysage et l'espace bâti. En dehors des objets protégés, la promotion par la Confédération d'une culture du bâti de qualité depuis 2020 est plus efficace qu'une extension de l'effet protecteur des inventaires.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Conséquences financières pour la Confédération et les cantons: estimations du comité d'initiative

Le comité d'initiative estime que, pour mettre en oeuvre l'initiative, la Confédération devrait plus que doubler le budget consacré aujourd'hui à la protection de la nature et le porter à environ 200 millions de francs par an. Il se réfère ici aux contributions au crédit A236.0123 Nature et paysage de 76 millions de francs selon le budget 2018.

Les estimations du comité d'initiative reposent sur l'hypothèse que les fonds fédéraux seront utilisés pour améliorer les zones protégées existantes, pour financer de nouvelles zones et pour la conservation des espèces. Le calcul se fonde notamment sur les bases suivantes:

40 41

­

La lacune de financement estimée par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) en 2017 à 126 millions de francs par an pour protéger les biotopes nationaux conformément à la loi, contre 108 millions de francs aujourd'hui (coûts supplémentaires de 18 millions de francs), ainsi qu'un investissement unique de quelque 1,6 milliard de francs pour les mesures d'assainissement.

­

Les coûts publiés par le Conseil fédéral en 2015 pour la mise en oeuvre de la SBS et du plan d'action, soit près de 79 millions de francs par an jusqu'en 2020, puis 210 millions de francs par an jusqu'en 204041. Par rapport à aujourd'hui, cela se traduit par des coûts supplémentaires de 131 millions de francs.

­

Les résultats d'un sondage représentatif réalisé en 2010 auprès des membres de la Conférence des délégués à la protection de la nature et du paysage (CDPNP), selon lequel la Confédération devrait engager quelque 94 millions de francs par an pour mettre correctement en oeuvre la LPN. Par rapport aux 28 millions de francs effectivement dépensés, cela se traduit par des coûts supplémentaires de 66 millions de francs.

Art. 8 de l'ordonnance du 29 mars 2017 concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (RS 451.11).

Conseil fédéral (2015). Communiqué de presse. Stratégie Biodiversité Suisse: le Conseil fédéral consulte les cantons pour la mise en oeuvre, www.admin.ch/gov/fr/accueil/ documentation/communiques/communiques-conseil-federal.msg-id-56250.html. Consulté le 22 janvier 2021.

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4.2.2

Conséquences financières pour la Confédération et les cantons: estimations de la Confédération

Le comité d'initiative demande à la Confédération de fournir les ressources financières et humaines nécessaires pour sauvegarder et renforcer la biodiversité. Toutefois, les auteurs de l'initiative ne proposent pas de mesures spécifiques pour mettre en oeuvre leur demande. Il n'est donc pas possible d'estimer précisément l'impact financier concret de l'initiative pour les pouvoirs publics, et en particulier pour la Confédération.

Dans une première estimation des coûts basée sur les chiffres présentés au point 4.2.1, l'OFEV part du principe que la mise en oeuvre de l'initiative entraînera des coûts supplémentaires d'au moins 215 millions de francs pour la Confédération. Cela n'inclut pas les investissements uniques consentis pour l'assainissement. En supposant que les travaux d'assainissement soient effectués sur une période de 10 ans, les coûts augmentent encore de 160 millions de francs pour atteindre un total de 375 millions de francs.

Une deuxième estimation des coûts se fonde sur des mesures concrètes analogues à l'analyse des coûts du contre-projet indirect (point 6.4). Pour la mise en oeuvre de ces mesures, il faut s'attendre à des coûts supplémentaires estimés à 443 millions de francs par an (Confédération: 203 millions de francs, cantons: 240 millions de francs).

L'OFEV se fonde pour ses estimations sur les mesures possibles suivantes: l'extension et l'entretien de l'infrastructure écologique; le développement et la mise en oeuvre d'un plan d'action pour les espèces prioritaires nationales; l'élaboration de bases et d'instruments de recherche; un centre de recherche appliquée sur la biodiversité; des activités de conseil, de formation et d'information; l'extension des programmes de surveillance existants pour former un système de surveillance intégral de la biodiversité.

La Confédération part du principe que la promotion de la biodiversité, notamment la protection des milieux naturels, pourrait engendrer des coûts indirects venant s'additionner aux coûts cités par les auteurs de l'initiative. Par exemple, la protection absolue de l'essence des objets exigée par l'initiative peut représenter une restriction trop sévère pour d'autres domaines politiques de la Confédération et des cantons ainsi que pour l'économie, en particulier dans le cas des petits objets protégés. Concrètement, l'initiative pourrait par exemple entraver gravement la mise en oeuvre de la stratégie énergétique de la Confédération.

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4.2.3

Autres effets sur l'économie et la société

L'initiative peut avoir des répercussions tant positives que négatives sur l'économie et la société.

Effets positifs Les entreprises qui, grâce à des investissements dans la biodiversité, peuvent fournir des services ou exécuter des commandes bénéficient d'une valeur ajoutée et d'emplois. Il s'agit avant tout d'exploitations agricoles ou forestières, de bureaux d'études et de sociétés de construction. Cependant, la plupart des entreprises ne sont pas directement touchées par le projet, mais en profitent indirectement, car la biodiversité est préservée et les services écosystémiques sont renforcés. Parmi les bénéficiaires figurent des exploitations agricoles ou forestières, des entreprises de production alimentaire (p. ex. exploitations apicoles), des entreprises touristiques ou pharmaceutiques, l'industrie textile, etc.

La société bénéficie elle aussi d'une biodiversité intacte et du renforcement des services écosystémiques, par exemple grâce à la meilleure qualité des zones de détente, mais avant tout grâce à la réduction des coûts économiques attendus à l'avenir, qui ne cessent d'augmenter en raison de la perte de biodiversité.

Effets négatifs Les entreprises peuvent être limitées dans l'utilisation des surfaces: cela concerne principalement les propriétaires immobiliers et fonciers, les exploitations agricoles ou forestières et les entreprises d'infrastructure (dans les domaines du transport, de l'énergie ou du tourisme).

La société peut également être limitée dans ses besoins d'utilisation, par exemple par des mesures de canalisation des visiteurs ou des interdictions.

4.3

Avantages et inconvénients de l'initiative

L'initiative répond à des préoccupations répandues. La nécessité d'agir pour lutter contre la disparition des milieux naturels et des espèces et prévenir les risques que cette disparition entraîne pour l'économie et la société suisses plaide en faveur de son acceptation. L'initiative prévoit notamment la sauvegarde des zones de biodiversité et la mise à disposition des ressources et instruments nécessaires à cette fin. Elle reflète ainsi les exigences de la Convention sur la diversité biologique ainsi que les objectifs qui en découlent pour la Suisse, et oblige cette dernière à tenir ses engagements internationaux en matière de biodiversité.

Si l'initiative était acceptée, les compétences et la marge de manoeuvre actuelles de la Confédération et des cantons seraient toutefois excessivement restreintes. La protection absolue de l'essence des objets exigée par l'initiative (art. 78a, al. 3) représente une restriction trop sévère pour l'économie et pour d'autres domaines politiques de la Confédération et des cantons, en particulier dans le cas des petits objets protégés.

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4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

4.4.1

Biodiversité

Au niveau international, les risques liés à la perte de biodiversité et la nécessité urgente d'agir sont reconnus. Les travaux se concentrent aujourd'hui sur un cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020 (Post-2020 Global Biodiversity Framework).

Son objectif est de renouveler les accords existants de la Convention sur la biodiversité dans le cadre du plan stratégique 2011­202042 et des objectifs d'Aichi, ainsi que de préparer les parties à réaliser la Vision 2050 «Vivre en harmonie avec la nature».

La Convention sur la diversité biologique a trois objectifs d'égale importance, à savoir la préservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments ainsi que la réglementation de l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. La Convention sur la diversité biologique n'est donc pas exclusivement dédiée à la protection de la nature. Elle aborde également l'utilisation durable et le partage équitable des bénéfices (donc le potentiel économique des ressources naturelles) comme des aspects essentiels de la préservation de la biodiversité. En outre, elle prévoit l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies et de plans d'action nationaux pour la préservation de la biodiversité à titre d'instruments politiques pour la réalisation du plan stratégique. Ces stratégies et plans d'action nationaux ouvrent également la voie à la mise en oeuvre des ODD. Le cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020 devait être adopté lors de la conférence internationale sur la biodiversité (COP 15) de 2020, dont la deuxième partie a toutefois été repoussée en 2022. Sur la scène internationale, la Suisse s'engage pour une mise en oeuvre efficace des accords relatifs à la biodiversité et aux paysages au niveau mondial43 comme au niveau régional44. En préparation de la COP 15, la Suisse a rejoint la «High Ambition Coalition for Nature and People» (HAC)45, une alliance qui promeut un cadre mondial ambitieux pour la protection de la biodiversité.

Au niveau européen, la Commission européenne a adopté le 20 mai 2020 la nouvelle Stratégie biodiversité de l'UE à l'horizon 2030 et le plan d'action qui la met en oeuvre.

Cette stratégie vise à mettre la biodiversité au sein de l'UE sur la voie du rétablissement d'ici à 2030, dans l'intérêt des humains et de l'environnement. Elle est au coeur 42 43

44

45

Dixième Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, octobre 2010, COP 10 Décision X/2, Plan stratégique 2011­2020 relatif à la diversité biologique.

Convention sur la diversité biologique (CDB), Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (ITPGRFA), Convention relative aux zones humides, Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (UNESCO WHC), Convention internationale pour la protection des végétaux (IPPC) de la FAO et Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (IWC).

Parmi les accords environnementaux régionaux relatifs à la biodiversité, citons la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe et la Convention du paysage du Conseil de l'Europe.

High Ambition Coalition for Nature and People (HAC) (2020), clubofrome.org/wpcontent/uploads/2020/06/200605-High-Ambition-for-Nature-People-Statement-FINALincluding-Heads-of-States.pdf, World Environment Day, 5 juin 2020.

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du «Green Deal» européen pour favoriser une reprise économique durable à l'issue de la pandémie de COVID-19.

4.4.2

Paysage et culture du bâti

La protection et la préservation du patrimoine naturel et culturel, combinées à l'exigence d'un développement de qualité de l'environnement bâti, revêtent une importance croissante au niveau international. La Suisse a ratifié toutes les conventions internationales déterminantes pour la protection du paysage et la promotion de la culture du bâti, et notamment les conventions du Conseil de l'Europe sur la protection du paysage et du patrimoine culturel46. La Stratégie du Conseil de l'Europe pour le patrimoine culturel en Europe au XXIe siècle47 a pour but de relever les défis auxquels le patrimoine culturel fait face dans le contexte économique, social et environnemental actuel. La Déclaration de Davos «Vers une culture du bâti de qualité pour l'Europe», adoptée à l'invitation de la Suisse en 2018, et le Système Davos de qualité pour la culture du bâti, publié en 202148, ont reçu un accueil positif. L'UE s'est également engagée récemment à associer la protection du climat et la transition énergétique à une culture du bâti de qualité49.

5

Conclusions

Les demandes de l'initiative sont dans leur principe pertinentes, mais le Conseil fédéral estime que l'approche proposée n'est pas appropriée pour atteindre les objectifs fixés. En effet, la mise en oeuvre de l'initiative créerait des conflits significatifs avec d'autres domaines, dont la politique énergétique et l'agriculture. Les inconvénients de l'initiative l'emportent sur ses avantages.

La préservation de la nature et de la biodiversité bénéficie d'un soutien considérable au sein de la population. Par le passé, le peuple et les cantons ont par exemple accepté en 1987 l'initiative de Rothenturm pour la protection des marais. Le 27 septembre 2020, une révision de la loi du 20 juin 1986 sur la chasse (LChP)50 a échoué au référendum. De même, la politique cantonale accorde toujours plus d'importance à la biodiversité. Dans le canton de Zurich, par exemple, la population a voté à 51 % en 2012 en faveur de l'initiative pour les terres agricoles («Kulturland-Initiative»). De plus, le Grand Conseil zurichois a adopté en 2020 un contre-projet à l'initiative pour 46

47 48 49 50

Convention du 3 octobre 1985 pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe (Convention de Grenade, RS 0.440.4), Convention européenne du 16 janvier 1992 pour la protection du patrimoine archéologique (Convention de La Valette, RS 0.440.5), Convention-cadre du Conseil de l'Europe du 27 octobre 2005 sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (Convention de Faro, RS 0.440.2).

Stratégie pour le patrimoine culturel en Europe au XXIe siècle, www.coe.int/fr/web/ culture-and-heritage/strategy-21.

Déclaration de Davos 2018: Vers une culture du bâti de qualité pour l'Europe, 2018; Système Davos de qualité pour la culture du bâti, 2021. www.davosdeclaration2018.ch.

A New European Bauhaus. Beautiful, sustainable, together. Commission européenne, UE 2020.

RS 922.0

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la nature («Natur-Initiative») visant à instaurer le versement annuel par le canton d'un montant de 40 à 60 millions de francs en faveur du fonds pour la protection de la nature et du paysage. Le montant minimal est actuellement fixé à 30 millions de francs par an. En Thurgovie, le Conseil d'État et le Grand Conseil ont approuvé à l'été 2020 à une large majorité l'initiative non partisane «Biodiversität Thurgau», qui demandait une stratégie biodiversité cantonale et davantage de ressources pour la protection de la nature.

Quant au Conseil fédéral, il a agi jusqu'ici face à la perte de biodiversité en mettant à disposition des fonds supplémentaires. Les efforts entrepris ne sont toutefois pas suffisants pour enrayer la tendance négative. En 2012 déjà, le Conseil fédéral a indiqué dans la SBS qu'au moins 17 % de la superficie du pays devrait être consacrée à la biodiversité d'ici 2020. Cet objectif n'a pas été atteint, la Suisse n'en étant qu'à 13,4 %. Dans ce contexte, un engagement plus fort du secteur public est nécessaire.

La qualité de l'environnement bâti et du paysage est également une question importante pour la population. En ce qui concerne l'urbanisation vers l'intérieur, pour laquelle il s'agit aussi de viser un développement de qualité, il s'avère que les projets de développement intégrant la nature sont mieux acceptés par la population et peuvent être mis en oeuvre plus facilement. Par ailleurs, les enquêtes représentatives montrent toutes l'importance accordée à la qualité du bâti. La grande valeur de la nature et des paysages est également essentielle au tourisme en Suisse51, comme l'indique le succès des campagnes axées sur ce sujet52.

À la lumière de ces considérations, il convient d'opposer à l'initiative un contre-projet indirect permettant d'inscrire dans la législation certaines demandes de l'initiative, de les concilier avec les autres objectifs de la Confédération et donc de gommer les aspects problématiques du projet.

La modification de la LPN permettra au Conseil fédéral et au Parlement d'aborder et de résoudre activement tout conflit entre les deux camps. De plus, les objectifs de la stratégie énergétique de la Confédération seront pris en compte. S'agissant de la protection de nouvelles zones, l'accent sera en premier lieu mis sur les biotopes d'importance régionale
et locale (dans lesquels de nouvelles installations de production d'énergie peuvent déjà être construites) ou sur d'autres surfaces n'entrant pas en conflit avec la législation en matière d'énergie. Le compromis politique sur la mise en oeuvre de la stratégie énergétique de la Confédération, tel qu'il ressort de l'art. 12 de la loi du 30 septembre 2016 sur l'énergie (LEne)53, n'est pas affecté.

51 52

53

Conseil fédéral (2021): Stratégie touristique de la Confédération. Berne.

Suisse Tourisme. Exemple de campagne: «La magie des beaux sites».

www.myswitzerland.com/fr-ch/decouvrir/voyages-thematiques/auto-moto-grand-tour/ la-magie-des-beaux-sites/. Consulté le 22 janvier 2021.

RS 730.0

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6

Contre-projet indirect

6.1

Procédure préliminaire, consultation comprise

Afin de donner aux milieux concernés la possibilité de s'exprimer sur le contre-projet indirect, le Conseil fédéral a mené une procédure de consultation du 31 mars au 9 juillet 2021. Outre les gouvernements des 26 cantons, la Conférence des gouvernements cantonaux, onze partis politiques, trois associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, quatorze associations faîtières de l'économie et 95 autres organisations concernées ont été invités à participer. Au total, 242 avis ont été remis.

Ils peuvent être consultés sur la plateforme de publication du droit fédéral, tout comme le rapport rendant compte des résultats54.

Une large majorité des participants à la consultation de tous les domaines reconnaissent l'urgence d'agir pour la biodiversité, le paysage et la culture du bâti, mais estiment que les exigences de l'initiative vont trop loin. Ils craignent que ces exigences engendrent nombre de problèmes de mise en oeuvre et de contraintes dans la pratique et limitent trop fortement la marge de manoeuvre de la Confédération et des cantons.

La majorité des participants approuvent le fait que le Conseil fédéral oppose un contre-projet indirect à l'initiative, mais demandent en parallèle des modifications, parfois de grande ampleur, dans le projet ou des améliorations du rapport explicatif.

La nouvelle disposition prévoyant un objectif quantitatif de surface est accueillie différemment selon les participants. Une large majorité des cantons, soutenue par les conférences cantonales (Conférence des directeurs cantonaux de l'agriculture; prise de position commune de la DTAP, de la Conférence pour la forêt, la faune et le paysage et de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie), par des partis et par des organisations actives dans les domaines notamment de l'environnement, de la culture, de l'agriculture, de la sylviculture, de la chasse, de la pêche ou des sciences, demandent une révision et proposent une reformulation de l'art. 18bis LPN de manière à créer la base légale de l'infrastructure écologique.

Si le principe de donner plus de place à la nature en milieu urbain est largement approuvé, les dispositions proposées se rapportant à la compensation écologique sont critiquées par la majorité des participants. Plusieurs d'entre eux proposent, au lieu de modifications
législatives, un programme d'impulsion fédéral qui encourage les efforts des cantons en matière de conservation et de promotion de la nature en milieu urbain. Ils indiquent notamment que l'obligation de compensation écologique figure déjà aujourd'hui dans la législation et que des moyens plus importants sont nécessaires pour soutenir la mise en oeuvre.

Les modifications proposées dans la loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr)55 sont accueillies différemment selon les participants à la consultation. Tandis qu'une majorité est favorable à ce que l'exploitation de biotopes régionaux et locaux soit ajoutée aux prestations écologiques requises (PER) (art. 70a, al. 2, let. d), la proposition de compléter l'art. 73, al. 2, 2e phrase, par des dispositions relatives aux surfaces

54 55

Le rapport peut être consulté en suivant le chemin suivant: www.fedlex.admin.ch > procédures de consultation terminées > 2021 > DETEC.

RS 910.1

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de promotion de la biodiversité (SPB) particulièrement précieuses reçoit peu de soutien: les participants critiques à l'égard de cette modification estiment que les SPB ne constituent pas des zones protégées dans la législation agricole et ne pourraient donc pas être comptées dans l'objectif quantitatif de surface protégée. Les modifications proposées dans la LChP sont, dans l'ensemble, accueillies favorablement. Des participants issus de la politique, de l'économie, de l'agriculture, de la sylviculture, de la chasse ou de la pêche s'opposent toutefois au principe de reprendre des dispositions faisant partie de la révision de la LChP refusée en votation populaire le 27 septembre 2020. Ils estiment que ces dispositions doivent être traitées dans le cadre d'une future révision de la LChP.

Les participants adhèrent au principe de créer des zones aquatiques protégées d'importance nationale. Ils sont néanmoins nombreux à plaider pour une extension des nouvelles zones de protection à toutes les espèces animales et végétales aquatiques menacées et à leurs milieux naturels. Les avis critiques à l'égard de cette modification proviennent surtout des secteurs de l'énergie et de l'économie. Les fournisseurs d'énergie, en particulier, craignent que la nouvelle réglementation soit utilisée pour rendre encore plus strictes les exigences en matière de débit résiduel lors du renouvellement de droits d'eau.

Une nette majorité de participants reconnaissent qu'il est également urgent d'agir dans le domaine de la culture du bâti, et s'inquiètent de la pression exercée sur l'environnement bâti par la croissance de la population et de la mobilité ainsi que l'urbanisation vers l'intérieur. Ils estiment cependant que l'initiative va trop loin en exigeant une protection globale du patrimoine bâti, et approuvent les dispositions proposées dans le contre-projet indirect, qu'ils considèrent comme un moyen approprié de garantir la protection et un développement durable et qualitatif de la culture du bâti en Suisse.

Une large majorité de participants adhèrent également à la proposition d'inscrire au niveau de la loi l'obligation incombant aux cantons de tenir compte des inventaires fédéraux visés à l'art. 5 LPN, jugeant que celle-ci renforce le principe de légalité sans toutefois créer davantage de compétences ou d'obligations. Ils
estiment que la promotion d'une culture du bâti de qualité constitue un instrument d'encouragement tourné vers l'avenir et qu'elle permet de renforcer la protection du paysage en pensant et en traitant celle-ci de manière globale et intégrée. Il a été relevé, dans ce contexte, que le principe d'une culture du bâti de qualité devrait aussi être intégré aux dispositions se rapportant au contenu des plans directeurs dans la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT)56.

Quelques participants issus des milieux politiques, économiques et agricoles rejettent les réglementations proposées en matière de culture du bâti, car ils considèrent qu'elles sont sans rapport avec l'initiative. Or il existe bien un rapport de fond: l'initiative entend non seulement soutenir la biodiversité, mais aussi prévenir les atteintes au paysage et au patrimoine bâti et mettre un terme à la perte constante de qualité.

56

RS 700

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6.2

Révision du projet

Les modifications suivantes ont été apportées au projet envoyé en consultation sur la base des avis reçus.

Inscription de l'infrastructure écologique La grande majorité des participants à la consultation est favorable à la création de l'infrastructure écologique, à sa planification et à sa mise en oeuvre globales, préférant ainsi ne pas se limiter à la définition d'un objectif de surface et à la planification de la mise en réseau. En conséquence, le Conseil fédéral souhaite inscrire la notion d'infrastructure écologique dans un article à part entière de la LPN. L'art. 18bis LPN proposé initialement sous le titre «Objectif de surface et planification» est donc reformulé et jette dorénavant les bases légales pour concrétiser, sur les plans tant du contenu que de l'espace, l'infrastructure écologique ainsi que ses aires centrales et de mise en réseau. L'art. 18bis désormais intitulé «Infrastructure écologique» s'articule ainsi: l'al. 1 confère à la Confédération et aux cantons la responsabilité commune de développer, d'assurer et d'entretenir l'infrastructure écologique, l'al. 2 détaille les notions d'aires centrales et d'aires de mise en réseau, l'al. 3 prévoit que la part des aires centrales doit s'élever à au moins 17 % du territoire national à partir de 2030, et l'al. 4 charge la Confédération d'élaborer, en collaboration avec les cantons, les instruments de planification nécessaires au sens de l'art. 13 LAT afin de protéger la diversité biologique.

Encouragement de la culture du bâti dans la LPN Sur la base des avis reçus dans le cadre de la consultation, le Conseil fédéral a décidé d'adapter le terme «culture du bâti de qualité» utilisé dans la Déclaration de Davos de 2018. D'autres propositions relatives à des ajouts ou à des précisions ont été reprises dans le message.

Promotion de la nature en milieu urbain (compensation écologique) La plupart des cantons, de même que d'autres participants issus des milieux politiques ou actifs dans la protection de l'environnement, demandent la suppression de l'art. 18bbis sur la compensation écologique, tel que proposé dans le projet initial. Ils proposent à la place d'instaurer un programme d'impulsion visant à renforcer la biodiversité dans les zones urbanisées et les agglomérations, dans le cadre duquel la Confédération serait amenée, avec le concours
des cantons, à promouvoir davantage la biodiversité sur la base de l'art. 18b, al. 2, LPN en vigueur.

Dispositions de la loi sur la chasse Les dispositions applicables aux corridors faunistiques ainsi qu'aux sites de protection de la faune sauvage doivent être clarifiées dans le cadre du débat parlementaire mené actuellement: celui-ci porte sur les questions encore ouvertes qu'a soulevées le projet de révision de la loi sur la chasse, refusée par le peuple le 27 septembre 2020.

Renonciation à la conservation de la biodiversité aquatique En raison de considérations liées à la politique énergétique et des prises de position critiques formulées par le secteur de l'énergie dans le cadre de la consultation, le Con-

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seil fédéral renonce à introduire des zones de protection d'importance nationale destinées à la préservation des poissons et des écrevisses. Aussi, des lacunes reconnues demeurent en matière de conservation de la biodiversité aquatique, car c'est dans les eaux que la perte de diversité des espèces est la plus importante. En complément des mesures de renaturation déjà prises, il serait nécessaire de prévoir des mesures d'encouragement ciblées supplémentaires au sens de la LFSP et des moyens financiers plus importants.

Renforcement de l'exécution Les cantons, notamment, ont souligné dans leurs avis la charge considérable que représente l'exécution de la LPN et que vient encore accroître le contre-projet indirect.

D'autres acteurs ont également indiqué manquer de ressources à dédier à l'exécution.

Comme cela est le cas dans la loi sur les forêts, la loi sur l'agriculture ou la loi sur la protection de l'environnement, le Conseil fédéral entend introduire une disposition permettant de déléguer des tâches d'exécution à des tiers, notamment pour ce qui est du soutien de l'infrastructure écologique. Toutefois, la responsabilité de l'exécution dans son ensemble reste assumée par les autorités compétentes.

6.3

Présentation du contre-projet indirect

6.3.1

Réglementation proposée

Le Conseil fédéral désire mieux protéger et promouvoir la diversité biologique et paysagère ainsi que les qualités de la culture du bâti de la Suisse et, partant, mettre un terme au recul de la biodiversité. Il entend donc inscrire dans la LPN l'obligation incombant à la Confédération et aux cantons de planifier, de développer, d'assurer et d'entretenir un réseau fonctionnel des milieux naturels ou proches de l'état naturel de grande valeur écologique. Cette «infrastructure écologique» se compose de zones de grande valeur écologique consacrées à la protection des milieux naturels et des espèces (aires centrales) ainsi que de surfaces qui relient ces aires centrales de manière fonctionnelle (aires de mise en réseau). Le Conseil fédéral définit également un objectif de surface selon lequel la part des aires centrales doit s'élever à au moins 17 % du territoire national. Cet objectif est déjà l'un des fondements de la SBS publiée en 2012 et correspond aux objectifs internationaux de la Convention sur la diversité biologique. Avec le contre-projet indirect, le Conseil fédéral renforce le mandat visant à garantir l'espace nécessaire à la biodiversité dans toutes les régions du pays et dans tous les types de milieux naturels. Il est nécessaire d'agir, car selon les critères définis dans la SBS, la part des aires centrales n'atteint jusqu'à présent que 13,4 %57, ce qui, d'après les connaissances scientifiques, est insuffisant pour garantir durablement la

57

Indication basée sur des données collectées à l'échelon national (avec de possibles doubles comptages). Sont incluses les surfaces qui sont affectées à la protection de la biodiversité dans le cadre de conventions internationales mais qui doivent encore être mises en oeuvre au moyen d'instruments relevant du droit national ou cantonal.

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conservation de la biodiversité58. Afin que la Suisse atteigne ses objectifs en la matière, le Conseil fédéral entend s'appuyer principalement sur les instruments déjà en place: il prévoit d'une part de compléter la liste et d'agrandir la superficie des biotopes sous protection (principalement d'importance régionale et locale) et, d'autre part, de poursuivre l'expansion des réserves forestières conformément à la Politique forestière 2020.

Pour la survie des espèces, il est essentiel que les aires de protection de la faune et de la flore soient reliées entre elles par des aires de mise en réseau qui permettent aux espèces de se déplacer entre les aires protégées, de coloniser de nouveaux milieux naturels ou de repeupler d'anciens milieux naturels. Avec son contre-projet indirect, le Conseil fédéral veut renforcer de manière ciblée cette mise en réseau naturelle.

De plus, il souhaite donner de l'élan, en collaboration avec les cantons et sur la base du droit et des conventions-programmes en vigueur, à la compensation écologique en milieu urbain. Les cantons sont aujourd'hui déjà soumis à une obligation de compensation écologique, mais les moyens destinés à l'encouragement de celle-ci font défaut.

Concrètement, il s'agit de créer dans les villes et les agglomérations davantage de zones proches de l'état naturel, comme des espaces verts, des espaces réservés aux eaux, des parcs et des jardins, des plans d'eau ou des toitures et des façades végétalisées. Une plus grande proximité avec l'état naturel est précieuse tant pour la biodiversité que pour le bien-être de la population.

Globalement, la Confédération doit augmenter les moyens alloués à la promotion de la diversité biologique et ainsi renforcer l'exécution dans les cantons et l'assainissement des biotopes.

Enfin, le Conseil fédéral veut encourager une culture du bâti de qualité. Selon les auteurs de l'initiative, l'amélioration de la culture du bâti suppose d'instaurer également une protection renforcée pour les objets non répertoriés dans les inventaires fédéraux et d'instituer une pesée qualifiée des intérêts pour toutes les tâches (y compris communales et cantonales) en lien avec les objets inscrits aux inventaires fédéraux.

Le Conseil fédéral est d'avis que cette exigence va trop loin et qu'elle pourrait même manquer sa cible, car les
déficits majeurs en matière de qualités de la culture du bâti pourraient être traités uniquement de manière ponctuelle et essentiellement dans des sites construits à protéger. La politique de culture du bâti que la Confédération mène déjà de manière active et globale est plus à même de satisfaire la demande exprimée par les auteurs de l'initiative, à savoir améliorer durablement la qualité de l'environnement bâti et du paysage. Depuis son introduction à la fin du XIXe siècle, la politique fédérale du patrimoine culturel évolue progressivement vers une compréhension globale de la notion de qualité de l'espace. La notion de culture du bâti intègre ainsi l'aménagement actif de l'ensemble des bâtiments à la protection passive du patrimoine culturel et comprend l'ensemble des activités qui transforment l'espace. La 58

Guntern et al. (2013): Surface requise pour la conservation de la biodiversité et des services écosystémiques en Suisse (version courte disponible en français). Forum Biodiversité Suisse de l'Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT), Berne; Walter, T. et al. (2013): Opérationnalisation des objectifs environnementaux pour l'agriculture ­ Domaine espèces cibles et caractéristiques, milieux naturels (OPAL). ART-Schriftenreihe 18. Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon (ART); Fischer et al. (2015): État de la biodiversité en Suisse en 2014. Éd.: Forum Biodiversité Suisse et al., Berne.

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conservation et l'entretien du patrimoine ne forment avec les développements contemporains qu'une seule et même entité axée sur la qualité. Dans le cadre du contreprojet indirect, il importe donc que l'encouragement d'une culture du bâti de qualité soit inscrit au niveau de la loi, en complément des dispositions non modifiées relatives à la protection.

Par ailleurs, le Conseil fédéral désire régler au niveau de la loi la manière dont les cantons doivent tenir compte, dans la réalisation de leurs tâches, des inventaires fédéraux visés à l'art. 5 LPN. Bien que cette obligation incombant indirectement aux cantons et aux communes soit déjà introduite au niveau réglementaire et mise en application dans la pratique et dans une jurisprudence constante, son inscription dans la loi va consolider le principe de légalité et la sécurité juridique (ce qui est une préoccupation majeure exprimée par les cantons et le secteur de la construction) sans créer davantage de compétences ou d'obligations pour la Confédération et les cantons.

6.3.2

Adéquation des moyens requis

Afin que le contre-projet indirect puisse déployer ses effets, le Conseil fédéral estime qu'il est nécessaire d'engager des moyens financiers à hauteur de 96 millions de francs par an. En raison de l'importance que revêtent la biodiversité, le paysage et une culture du bâti de qualité pour la prospérité économique et le bien-être social, le rapport entre les coûts et les améliorations visées est acceptable. Les conséquences possibles du contre-projet indirect sont décrites en détail au point 6.5.

6.3.3

Mise en oeuvre

S'agissant de la compétence de la Confédération à édicter des dispositions d'exécution, il convient de noter en particulier que l'art. 18bis, al. 2, LPN permet au Conseil fédéral de déterminer, par voie d'ordonnance, les catégories de zone qui constituent les aires centrales de l'infrastructure écologique et peuvent être imputées à l'objectif de surface défini.

En vertu de l'art. 24f LPN, les cantons exécutent la LPN dans la mesure où cette compétence n'est pas explicitement transférée à la Confédération. L'exécution de la réglementation proposée leur incombe donc également en grande partie. La Confédération soutient les cantons, sur la base de l'art. 18bis, al. 4, et du nouvel art. 24i, par la mise à disposition de bases techniques (art. 14a et 25a LPN), par l'octroi de subventions dans le cadre de conventions-programmes (art. 13, 18d et 23k LPN) et par des planifications fédérales au sens de l'art. 13 LAT, notamment.

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6.4

Commentaire des dispositions

6.4.1

Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage

Remplacement d'expressions Cette adaptation ne concerne que l'allemand.

Art. 1, let. d, dter et f Dans l'article consacré au but de la LPN, un complément est apporté à la let. d. Les let. dter et f sont nouvelles.

La let. d du droit en vigueur établit la nécessité de protéger la faune et la flore indigènes, ainsi que leur diversité biologique et leur milieux naturels. Le terme «diversité biologique», utilisé aujourd'hui comme un synonyme de «biodiversité», englobe la diversité des écosystèmes, la diversité des espèces et la diversité génétique des individus au sein d'une espèce. Le but défini à la let. d est complété conformément à la pratique actuelle: pour la survie des espèces, il est essentiel que les aires de protection de la faune et de la flore soient reliées entre elles et forment un réseau de milieux de grande valeur, naturels ou proches de l'état naturel. La constitution de ce réseau est un mandat que le Conseil fédéral a confié dans le cadre de la SBS (2012) sous le terme «infrastructure écologique». L'infrastructure écologique se compose d'aires centrales et d'aires de mise en réseau de grande valeur écologique de qualité et en quantité suffisantes, réparties de manière appropriée dans l'espace et connectées entre elles et avec les surfaces de valeur des pays limitrophes. Ce réseau naturel tient compte des exigences de développement et de mobilité des espèces à l'intérieur de leurs aires de répartition, y compris dans des conditions changeantes (p. ex. changements climatiques). L'infrastructure écologique assure le fonctionnement et la régénération à long terme des milieux naturels. Elle contribue ainsi largement à garantir les prestations centrales que la biodiversité fournit à la société et à l'économie.

La let. dter souligne l'importance de la diversité, de la particularité et de la beauté de la nature et du paysage pour l'environnement, la société et l'économie. Son ajout dans l'article consacré au but de la loi vise à préciser que la nature et le paysage remplissent des fonctions protectrices, économiques et sociales essentielles. Ils fournissent des prestations indispensables ayant une grande valeur pour la société et l'économie, telles que la protection contre les catastrophes naturelles, la fourniture d'eau potable et d'aliments pour les êtres humains et les animaux, la lutte
naturelle contre les organismes nuisibles et la mise à disposition de matières premières ou de principes actifs utilisés en pharmacie. D'autres prestations sont immatérielles: les paysages, avec leurs qualités naturelles et la culture du bâti, suscitent un sentiment d'appartenance, contribuant ainsi à l'identité territoriale. Ils offrent un plaisir esthétique et favorisent la détente, l'activité physique et la santé. Toutes ces prestations renforcent la place économique

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suisse59. De fait, une baisse des qualités biologique et paysagère présente également des risques pour le bien-être de la population et la prospérité économique de la Suisse.

La let. f complète l'art. 1 en mentionnant explicitement l'encouragement d'une culture du bâti de qualité (cf. explications relatives à l'art. 17b). Elle formule une exigence de qualité pour toutes les activités qui transforment l'espace.

Art. 12h

Prise en compte des inventaires fédéraux dans l'accomplissement des tâches cantonales

Il convient de régler au niveau de la loi la façon dont les inventaires fédéraux visés à l'art. 5 LPN doivent être pris en compte par les cantons dans l'accomplissement de leurs propres tâches. Reprendre dans la LPN cette disposition déjà introduite au niveau réglementaire est un moyen de renforcer le principe de légalité et la sécurité juridique, sans toutefois créer davantage de compétences ou d'obligations pour la Confédération et les cantons.

Cette disposition figure déjà dans les ordonnances actuelles relatives aux inventaires de la Confédération60. En vertu de l'art. 78, al. 2, Cst., les inventaires fédéraux visés à l'art. 5 LPN déploient leurs effets de manière directe à l'égard des cantons lorsque ceux-ci accomplissent des tâches fédérales (en particulier lorsqu'ils délivrent des autorisations environnementales relevant du droit fédéral [p. ex. des autorisations de défrichement] ou perçoivent des aides financières fédérales pour des projets), et de manière indirecte lorsqu'ils accomplissent leurs propres tâches. Dans ce dernier cas de figure, les cantons tiennent compte de ces inventaires dans le cadre de la pesée de l'ensemble des intérêts en jeu avant de prendre des décisions en matière de planification, mais l'arbitrage entre les intérêts de protection et les intérêts d'utilisation en cas d'atteinte grave n'est pas soumis aux exigences qualifiées de l'art. 6, al. 2, LPN, selon lequel le projet doit avoir un intérêt national. Les plans directeurs ayant force obligatoire pour les autorités, les exigences en matière de protection posées par les inventaires fédéraux sont ensuite reprises dans les plans d'affectation et doivent être prises en compte dans le cadre des projets concrets. Les communes doivent aussi tenir compte des inventaires fédéraux dans leurs plans d'affectation si le plan directeur cantonal ne prévoit pas de réglementation en la matière. En cas d'absence de réglementation en la matière dans le plan d'affectation ou d'écart entre un projet concret et les règlements sur les constructions, il est nécessaire, au cas par cas, de procéder à une pesée des

59

60

OFEV (éd.) 2020: Conception paysage suisse. Paysage et nature dans les domaines politiques de la Confédération. Office fédéral de l'environnement, Berne. État de l'environnement no 2011: 52 p.

Art. 8, al. 1, de l'ordonnance du 29 mars 2017 concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (OIFP, RS 451.11), art. 11, al. 1, de l'ordonnance du 13 novembre 2019 concernant l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (OISOS, RS 451.12) et art. 9, al. 1, de l'ordonnance du 14 avril 2010 concernant l'inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (OIVS, RS 451.13). Cf.

aussi Recommandation pour la prise en considération des inventaires fédéraux au sens de l'art. 5 LPN dans les plans directeurs et les plans d'affectation, OFEV, ARE, OFROU, OFC, 2012.

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intérêts tenant compte de la protection de la nature et du paysage61. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, les inventaires fédéraux doivent être pris en compte en tant que manifestation d'un intérêt public national. Cela ne signifie toutefois pas qu'il faut leur donner plus de poids qu'à d'autres intérêts.

Dans le cadre de l'exécution de leurs tâches, les cantons et les communes disposent d'une marge d'appréciation pour tenir compte des inventaires fédéraux. Il leur est possible de s'écarter de l'obligation de conserver intact un objet si d'autres intérêts, y compris des intérêts cantonaux ou même locaux, prévalent et que les intérêts en présence sont correctement déterminés et pris en considération dans une pesée globale des intérêts, conformément à l'art. 3 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire62. Ce principe a récemment fait l'objet de discussions, en particulier en ce qui concerne les projets d'urbanisation vers l'intérieur. La réglementation proposée précise au niveau de la loi qu'il est possible, y compris pour les projets de densification (qui ne constituent pas, en règle générale, une tâche de la Confédération au sens de l'art. 2, mais une tâche cantonale ou communale), de déroger à l'obligation de conserver intact un objet d'un inventaire, en particulier un site inscrit à l'ISOS, si les intérêts commandant une densification l'emportent globalement, même si ceux-ci ne sont pas d'importance nationale.

Puisque l'art. 12h porte sur la protection de la nature, la protection du paysage et la conservation des monuments historiques en dehors de l'accomplissement des tâches de la Confédération, il est approprié de lui consacrer un chapitre à part (1a).

Chapitre 2a: Encouragement d'une culture du bâti de qualité Art. 17b

Culture du bâti

Cet article définit les principes et les tâches de la Confédération dans le domaine de la culture du bâti. Étant donné qu'elle complète la notion de protection du paysage en proposant une compréhension plus vaste de la protection de l'environnement, la culture du bâti doit être traitée dans un chapitre distinct. Cette mise en évidence souligne l'importance d'une culture du bâti de qualité au regard des enjeux actuels et des carences qualitatives de l'environnement bâti.

L'al. 1 définit en substance la tâche de la Confédération et décrit la notion de culture du bâti de manière suffisamment large. La culture du bâti comprend l'ensemble des activités humaines qui transforment l'environnement bâti. Une culture du bâti «de qualité», elle, s'entend comme une approche globale, exhaustive et axée sur la qualité s'agissant de l'environnement bâti. Cette définition, conforme à celle qui est reconnue sur le plan international63, fonde aussi la stratégie interdépartementale d'encouragement de la culture du bâti de la Confédération. Comme les moyens de réaliser une culture du bâti de qualité sont multiples et fonction du contexte, la loi ne doit pas fixer

61

62 63

ATF 135 II 209 consid. 2.1; ATF1C_545/2014, consid. 5.3; ATF1C_130/2014 consid. 3.2; ATF1C_276/2015 consid. 3.1; ATF1C_87/2019 consid. 3.2; ATF1C_180/2019 consid. 5.1; ATF1C_250/2019 consid. 4.2.

RS 700.1 Déclaration de Davos (2018), Vers une culture du bâti de qualité pour l'Europe, www.davosdeclaration2018.ch

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d'exigences en matière de conception pour une culture du bâti de qualité ni de directives concrètes de construction. Une culture du bâti de qualité s'exprime à travers une gestion de l'environnement bâti soucieuse de la qualité, qui couvre le bâti existant en général et le patrimoine bâti et l'archéologie en particulier, ainsi que la construction contemporaine et la planification future. Toutes les activités de planification, de conception et d'exécution qui transforment l'espace sont une expression de la culture du bâti ­ du petit détail artisanal jusqu'à la planification urbaine et l'aménagement paysager à grande échelle. Elles ne concernent pas uniquement les nouveaux ouvrages, mais englobent aussi la protection, la sécurisation et l'entretien du patrimoine bâti. La culture du bâti comprend l'ensemble des produits et des processus en rapport avec ces activités. À elle seule, la notion de culture du bâti ne dit rien de la qualité de l'environnement bâti. Seule une culture du bâti «de qualité» peut créer un espace aménagé avec soin susceptible de répondre à l'évolution des exigences de la société tout en préservant ses particularités historiques. Dans cette acception globale, la qualité de la culture du bâti est multidimensionnelle et intègre plusieurs facteurs, parmi lesquels64: ­

la gouvernance, au sens d'une réglementation et de processus adéquats concernant la gestion de l'espace et en particulier de l'environnement bâti,

­

la fonctionnalité du bâti et des espaces ouverts,

­

l'environnement, à savoir la gestion de la charge que la construction et le bâti font peser sur l'environnement et les ressources,

­

l'économie, avec un accent sur la viabilité à long terme,

­

la diversité au sein de la société et en matière d'utilisation,

­

le contexte (milieu bâti ou paysage ouvert),

­

l'esprit du lieu, afin de permettre la création d'un lien positif avec le lieu,

­

la beauté en tant qu'objectif pour chaque conception de lieu et chaque activité de planification et de construction.

En tant que maître d'ouvrage, propriétaire, exploitant, autorité de régulation ou bailleur de fonds, la Confédération exerce une influence sur la qualité de la culture du bâti. Avec la stratégie interdépartementale d'encouragement de la culture du bâti, le Conseil fédéral a défini pour la première fois des objectifs généraux de qualité dans ce domaine. L'art. 17b, al. 1, prescrit instaure l'obligation de veiller à une culture du bâti de qualité dans les tâches ayant trait aux activités qui transforment l'espace. Ces tâches correspondent à la définition des tâches de la Confédération inscrite à l'art. 2.

Cette réglementation n'introduit aucune nouvelle procédure. En revanche, elle précise que la protection de l'environnement bâti, c'est-à-dire du paysage et des localités, des sites évocateurs du passé, des curiosités naturelles et des monuments historiques visés à l'art. 3, doit être soutenue par une approche fondée sur la qualité de la culture du bâti. L'objectif supérieur est une qualité de la culture du bâti adaptée à la tâche concrète et au site dans lequel se trouvent les objets concernés. La Confédération doit

64

Confédération suisse (éd.), Système Davos de qualité pour la culture du bâti. Huit critères pour une culture du bâti de qualité, Berne (2021); documents de base et exemples pratiques: www.davosdeclaration2018.ch/fr.

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oeuvrer pour un niveau élevé de préservation, d'entretien, d'utilisation et de développement de l'espace. Elle doit notamment privilégier les approches de développement durable qui tiennent aussi compte des valeurs culturelles et des besoins humains.

L'obligation qui incombe à la Confédération à cet égard se distingue de celles qui résultent de la protection du paysage et de la conservation des monuments historiques: tandis que, pour ces dernières, la loi fixe des obligations concrètes de protection et certaines règles d'action, il faut, pour une culture globale du bâti, qu'elle exige de surcroît une volonté expresse en vue de réserver un traitement proprement qualitatif à l'ensemble de l'environnement bâti. Ainsi, dans l'accomplissement de ses tâches, la Confédération peut formuler des exigences sous la forme d'objectifs fondamentaux pour une culture du bâti de qualité, nécessitant notamment la mise en oeuvre de procédures d'assurance qualité ou d'autres mesures adaptées aux cas particuliers. De telles exigences peuvent être fixées au niveau réglementaire ou sous la forme de conditions dans le cadre de décisions relatives à des aides financières ou à des autorisations.

L'al. 2 concrétise la coordination des activités de la Confédération dans le domaine de la culture du bâti. Comme la culture du bâti concerne plusieurs politiques sectorielles ­ qui mettent en oeuvre leurs propres approches et prennent chacune des mesures différentes afin de réaliser une culture du bâti de qualité ­, il importe que la Confédération coordonne l'ensemble de ces politiques. Le principal instrument en la matière est la stratégie interdépartementale d'encouragement de la culture du bâti (y compris son plan d'action), dans laquelle la Confédération identifie des axes d'action, fixe des objectifs stratégiques et définit des mesures concrètes. Cette stratégie et son plan d'action sont élaborés conjointement par tous les services fédéraux concernés, sous l'égide de l'OFC; ils sont évalués et révisés périodiquement. Leur contenu est coordonné avec les autres stratégies à incidence territoriale de la Confédération.

L'al. 3 règle le rapport avec les activités cantonales dans le domaine de la culture du bâti. Aujourd'hui déjà, la Confédération encourage la mise en réseau et la collaboration dans ce domaine (objectif 7 de la
stratégie Culture du bâti)65. La responsabilité de la culture du bâti incombe principalement aux cantons et aux communes. Pour être efficace, l'encouragement par la Confédération doit donc être coordonné avec les stratégies cantonales d'encouragement. Soucieuse d'assumer son rôle et sa responsabilité en tant que modèle, bailleur de fonds et autorité de régulation, la Confédération entend compléter les efforts des cantons en collaboration et en coordination avec eux. Dans les limites de ses possibilités et de ses compétences, elle souhaite compléter les tâches des cantons, des villes et des communes en vue de promouvoir une culture du bâti de qualité. Elle encourage en particulier la collaboration ainsi que la coordination entre les différents niveaux.

Art. 17c

Aides financières et autres formes de soutien

Cet article règle la façon dont la Confédération soutient l'encouragement d'une culture du bâti de qualité. La Confédération peut allouer des aides financières à des organisations et à des activités dans le domaine de la culture du bâti. Ce soutien doit

65

Office fédéral de la culture (éd.), Stratégie Culture du bâti, Berne 2020, p. 61.

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encourager en particulier la collaboration, la mise en réseau et la coordination, renforcer la recherche interdisciplinaire et transdisciplinaire et faciliter pour chacun l'identification territoriale ainsi que l'accès à la culture du bâti. Ces aides financières sont destinées à garantir une mise en oeuvre et une diffusion cohérentes des stratégies, des objectifs et des messages de la Confédération en faveur d'une culture du bâti de qualité, en particulier de ceux qui sont inscrits dans la stratégie Culture du bâti et dans le message culture de chaque période successive. Pour autant, la Confédération ne crée pas un nouveau type de subvention, mais elle élargit les mesures de soutien existantes en faveur de la protection de la nature et du paysage et de la conservation des monuments historiques, en mentionnant expressément l'encouragement d'une culture du bâti de qualité.

L'al. 1 règle l'octroi d'aides financières à des organisations. Celles-ci doivent ­ comme pour les aides octroyées aux organisations dans le domaine de la protection de la nature et du paysage et de la conservation des monuments historiques prévues à l'art. 14 ­ être d'importance nationale et mener des activités d'intérêt public pour que la Confédération puisse les soutenir.

L'al. 2 concerne l'octroi d'aides financières à des activités visant à encourager une culture du bâti de qualité. La Confédération peut ainsi soutenir des projets de recherche, la formation et la formation continue de spécialistes et les relations publiques.

L'al. 3 règle la procédure d'octroi des aides financières. La procédure se fonde sur les art. 12 et 12a de l'ordonnance du 16 janvier 1991 sur la protection de la nature et du paysage66. Les dispositions de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions67 s'appliquent également. Il est en outre précisé que le financement du domaine de la culture du bâti se fonde sur l'art. 27 de la loi du 11 décembre 2009 sur l'encouragement de la culture68, ce qui signifie qu'il doit être approuvé dans le cadre des arrêtés financiers pluriannuels édictés par le Parlement après examen du message culture.

L'al. 4 précise que le soutien de la Confédération peut également prendre d'autres formes, parmi lesquelles le conseil, la fourniture d'informations, le transfert de connaissances, la recherche et la collaboration. Les
autorités fédérales responsables disposent de vastes compétences dans le domaine de la culture du bâti. Le transfert de connaissances et le mandat d'information y afférent sont des éléments importants pour l'encouragement de la culture du bâti. La Confédération peut par ailleurs collaborer avec d'autres acteurs, particuliers ou organisations de droit public ou privé. Est notamment également concernée la réalisation de projets multisectoriels et transdisciplinaires importants pour la réalisation des objectifs d'une culture du bâti de qualité. La répartition actuelle des compétences entre la Confédération, les cantons et les communes est ainsi maintenue.

66 67 68

RS 451.1 RS 616.1 RS 442.1

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Art. 18bis

Infrastructure écologique

Ce nouvel article porte sur l'infrastructure écologique.

L'al. 1 charge la Confédération et les cantons d'assurer l'infrastructure écologique en tant que réseau fonctionnel des milieux naturels ou proches de l'état naturel de grande valeur écologique.

L'al. 2 précise que l'infrastructure écologique se compose d'aires centrales et d'aires de mise en réseau. La notion d'aire centrale couvre les milieux naturels délimités en vertu du droit fédéral à des fins de protection des biocénoses et espèces qu'ils abritent (p. ex. les biotopes d'importance nationale ou les biotopes d'importance régionale et locale visés respectivement aux art. 18a et 18b, al. 1, LPN et les réserves forestières visées à l'art. 20, al. 4, de la loi sur les forêts [LFo]). Les aires centrales doivent présenter la qualité écologique requise, être assorties d'objectifs de protection et être soumises à des exigences efficaces pour que, à long terme, la qualité écologique requise et leur fonctionnement soient maintenus ou rétablis. De plus, grâce à leur description spatiale, leur périmètre est clairement défini, l'objectif étant de répartir ces zones dans toutes les régions de Suisse, en quantité et en qualité suffisantes, sur des sites appropriés.

Les aires de mise en réseau assurent la connexion des aires centrales. La mise en réseau des aires doit être garantie par-delà les frontières cantonales ou nationales. Si nécessaire, les aires de mise en réseau doivent être valorisées ou complétées; à défaut, notamment dans les régions exploitées intensivement, les corridors doivent être rétablis afin d'assurer la perméabilité et la mise en réseau à grande échelle. La perméabilité et la qualité des mesures du point de vue des différents espèces et groupes d'espèces (p. ex. espèces appréciant les milieux secs ou espèces appréciant les milieux humides) jouent un rôle central. La mise en réseau fonctionne si les espèces peuvent se déplacer d'une zone à l'autre et atteindre les milieux naturels dont elles ont besoin pour accomplir leur cycle de vie de façon complète. . La mise en réseau est essentielle pour les espèces, notamment pour rechercher de la nourriture, se reproduire ou se protéger contre les dérangements ou les dangers. Elle permet en outre l'échange au sein des espèces (diversité génétique). L'importance des aires de mise en réseau
ne cesse d'augmenter en raison du morcellement et de la fragmentation croissants des différents milieux naturels à cause, par exemple, des infrastructures de transport et d'autres types d'utilisation intensive. Le Conseil fédéral est chargé de déterminer, au niveau réglementaire, les catégories de zone qui constituent les aires centrales. En s'appuyant sur les exigences formulées à l'al. 2, il prendra vraisemblablement en considération les surfaces des régions suivantes dans les 17 % requis:

69

­

le Parc national suisse (loi du 19 décembre 1980 sur le Parc national)69, les zones centrales des parcs nationaux et des parcs naturels périurbains (art. 23f, al. 3, let. a, et art. 23h, al. 3, let. a, LPN),

­

les marais d'une beauté particulière et d'importance nationale (art. 23a LPN), les autres biotopes d'importance nationale (art. 18a LPN) avec leurs zones tampons, les biotopes d'importance régionale et locale (art. 18b LPN) avec leurs zones tampons, RS 454

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­

les réserves de sauvagine et d'oiseaux migrateurs d'importance nationale ou internationale, les districts francs fédéraux, ainsi que les autres districts francs et réserves d'oiseaux délimités par les cantons et ayant un niveau de protection comparable (art. 11 LChP),

­

les réserves forestières (art. 20, al. 4, LFo),

­

les surfaces de promotion de la biodiversité (art. 73, al. 2, LAgr) considérées comme particulièrement précieuses,

­

les zones de protection de tiers ou les zones appartenant au réseau Émeraude70, pour autant qu'elles soient garanties de manière contraignante.

Les objets IFP et les espaces réservés aux eaux en vertu de la loi du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux)71 ne peuvent pas être qualifiés d'aires centrales.

Les objets IFP (environ 19 % du territoire suisse) sont avant tout des zones de protection du paysage. Les surfaces au sein d'un objet IFP qui sont précieuses pour la protection de la biodiversité sont en général déjà couvertes par les art. 18a, 18b ou 23a LPN, ou doivent être désignées par les cantons en vertu de l'art. 18b, al. 1, LPN. Grâce à ces dispositions, d'importantes surfaces partielles d'objets IFP pourraient donc être prises en considération comme des aires centrales. Les espaces réservés aux eaux sont délimités afin de garantir que ces dernières disposent de l'espace nécessaire pour remplir leurs fonctions naturelles et assurer une protection contre les crues. Des espaces réservés aux eaux suffisants réduisent en outre la quantité de pesticides et d'engrais parvenant dans les eaux depuis les terres agricoles (zone tampon). Enfin, ces espaces constituent des zones de détente attrayantes. Ils doivent être conçus et exploités de manière extensive et servent de transition entre les eaux et les surfaces terrestres. Ces espaces, valorisés et exploités de manière extensive, comportent ainsi les aspects typiques d'une aire de mise en réseau (p. ex. mise en réseau des biotopes alluviaux délimités en tant qu'aires centrales).

L'al. 3 dispose que la part des aires centrales doit s'élever à au moins 17 % du territoire national à partir de 2030. En 2012 déjà, le Conseil fédéral avait indiqué dans la SBS que, d'ici 2020, au moins 17 % de la superficie du pays devrait être délimitée, protégée et mise en réseau au profit de la biodiversité72. Cet objectif n'a pas été atteint.

Pour le réaliser d'ici à 2030, la Suisse a besoin de surfaces protégées supplémentaires de l'ordre de 4 % de la superficie du pays. Il convient en premier lieu de compléter la liste et d'agrandir la superficie des biotopes d'importance régionale et locale, de poursuivre l'expansion des réserves forestières conformément à la Politique forestière 202073, de désigner des zones d'importance nationale en vertu de l'art. 7a LFSP et, en complément, d'agrandir la superficie de biotopes nationaux existants ou de désigner de nouveaux biotopes nationaux en vertu de l'art. 18a LPN et des zones protégées en vertu de l'art. 11, al. 1, 2 et 4, LChP.

70

71 72 73

La Suisse s'est engagée, en tant que Partie contractante à la Convention de Berne, à protéger les espèces et les milieux naturels particulièrement précieux en Europe. Les sites européens qui contiennent ces espèces et habitats sont recensés dans le réseau Émeraude.

RS 814.20 Conseil fédéral (2012): Stratégie Biodiversité Suisse. Berne, 2012, p. 60 Office fédéral de l'environnement (OFEV) (éd.) 2013: Politique forestière 2020. Visions, objectifs et mesures pour une gestion durable des forêts suisses. Office fédéral de l'environnement, Berne: 66 p.

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Avec l'al. 4, il est désormais inscrit dans la loi que la Confédération doit, en collaboration avec les cantons, élaborer les instruments de planification nécessaires à la mise en oeuvre de la protection de la biodiversité dans le domaine de l'aménagement du territoire. Les conceptions et les plans sectoriels au sens de l'art. 13 LAT sont les principaux instruments de planification aux mains de la Confédération. Ils lui permettent non seulement de satisfaire à l'exigence légale de planifier et de coordonner ses activités à incidence territoriale, mais également de mieux maîtriser les problèmes de plus en plus complexes liés à la réalisation de tâches ayant des effets sur l'organisation du territoire. Dans ses conceptions et ses plans sectoriels, la Confédération montre comment elle accomplit ses tâches à incidence territoriale, quels objectifs elle poursuit et de quelles exigences et prescriptions elle tient compte dans ses activités. Établis dans le cadre d'une étroite collaboration entre les services fédéraux et les cantons, les conceptions et les plans sectoriels soutiennent les efforts d'aménagement territorial des autorités à tous les échelons. Cet alinéa laisse libre choix entre les différents instruments fédéraux prévus à l'art. 13 LAT.

La présence de milieux naturels de grande valeur ou proches de l'état naturel en quantité et en qualité suffisantes est une condition indispensable à la conservation de la biodiversité. Or l'espace nécessaire à la faune et à la flore entre fréquemment en conflit avec d'autres utilisations du territoire, la superficie limitée de la Suisse obligeant souvent à superposer plusieurs utilisations sur une même surface. Dans les conceptions au sens de l'art. 13 LAT, la Confédération a la possibilité de fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour les aspects territoriaux de l'infrastructure écologique.

Comme la plupart des surfaces protégées ont déjà été délimitées spatialement au moment de leur mise sous protection par les cantons, les conceptions mettent essentiellement l'accent sur les aspects liés à la mise en réseau ainsi que sur le mandat donné aux cantons de planifier les aires centrales supplémentaires nécessaires. Pour les zones de mise en réseau d'importance nationale, la Confédération peut, sur la base des conceptions, examiner l'opportunité
d'établir des plans sectoriels.

Art. 18b, al. 1 et 1bis Al. 1: les cantons peuvent aujourd'hui déjà désigner des biotopes d'importance régionale et locale en vertu de l'art. 18b, al. 1, en vigueur. Les biotopes qui, selon le canton et les circonstances, sont explicitement désignés comme étant «d'importance cantonale» sont couverts par l'expression «d'importance régionale». Ceux qui sont explicitement désignés comme étant «d'importance communale» sont couverts par l'expression «d'importance locale». La nouvelle réglementation vise à préciser que les cantons doivent toujours désigner ces zones de manière formelle.

La désignation de biotopes d'importance régionale et locale est particulièrement pertinente lorsqu'elle concerne des biotopes dignes de protection au sens de l'art. 18, al. 1ter, LPN qui sont certes de grande qualité mais ne remplissent pas les critères d'un biotope d'importance nationale. Les cantons disposent d'une certaine marge d'appréciation pour désigner ces biotopes. Ils doivent toutefois tenir compte de la mise en réseau des biotopes entre eux et avec les biotopes d'importance nationale ainsi que de

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la conservation des espèces menacées pour lesquelles la Suisse endosse une responsabilité particulière74. Ils doivent en outre tenir compte des objectifs de la Stratégie énergétique 2050.

L'al. 1bis correspond à l'actuel al. 1.

Art. 22, al. 3 Cet alinéa est supprimé sans être remplacé, car son contenu est déjà couvert par l'art. 24h LPN.

Art. 24a, al. 1, let. b La modification apportée à l'al. 1, let. b, est purement formelle. C'est la violation de l'art. 25b (rétablissement de marais et de sites marécageux) et non de l'art. 25a qui est punissable: lors de la révision de la LPN en 1997, il n'a pas été tenu compte du fait que l'ajout du nouvel art. 25a (norme relative au devoir d'information des autorités) obligeait à remplacer l'ancienne désignation «25a» par la nouvelle désignation «25b».

Aucune autre modification n'a été apportée à cette disposition.

Art. 24c Cet article est abrogé. Il s'agit d'une simple norme de renvoi, qui déclare applicable l'art. 69 du code pénal (CP)75 sur la confiscation d'objets et d'avantages pécuniaires obtenus illicitement. Ce renvoi est redondant avec l'art. 333, al. 1, CP, selon lequel les dispositions générales du code pénal sont applicables aux infractions prévues par d'autres lois fédérales, donc également la LPN.

Art. 24e, phrase introductive La formulation de la phrase introductive est modifiée. Pour plus de clarté, les différents objets protégés visés par la disposition sont précisés au moyen de renvois. Le champ d'application de l'art. 24e est par ailleurs étendu à tous les milieux naturels dignes de protection, et non plus seulement aux biotopes formellement placés sous protection. Cette adaptation est nécessaire car, sinon, les conséquences en cas d'infraction sont moins sévères que celles qui découlent de l'application correcte de l'art. 18, al. 1ter. Concrètement, l'auteur d'une atteinte à un milieu naturel digne de protection doit veiller à sa reconstitution ou, à défaut, à son remplacement adéquat.

Jusqu'à présent, si l'atteinte était causée sans autorisation, l'auteur ne pouvait pas être contraint de procéder à une remise en état au titre de l'art. 24e. Cette lacune est maintenant comblée.

74

75

OFEV (2019): Liste des espèces et des milieux prioritaires au niveau national. Espèces et milieux prioritaires pour la conservation en Suisse. Office fédéral de l'environnement, Berne. L'environnement pratique no 1709: 98 p.

RS 311.0

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Art. 24i

Délégation de tâches d'exécution

Par analogie avec d'autres lois fédérales (p. ex. LFo, LAgr, LEaux, LPE), la LPN doit elle aussi permettre à la Confédération et aux cantons de déléguer des tâches d'exécution à des tiers. Concrètement, il s'agit de permettre le transfert de la surveillance de l'état et de l'évolution de l'infrastructure écologique au sens de l'art. 18bis (y c. le contrôle des résultats, le compte-rendu et la promotion) ou d'autres tâches. Des tâches relevant d'autres domaines peuvent elles aussi être déléguées à des tiers, pour autant qu'elles soient de moindre importance. Cette possibilité de délégation ne concerne pas les tâches de plus grande portée, comme le droit d'édicter des décisions. Les autorités compétentes demeurent responsables de l'exécution dans son ensemble. Les tâches externalisées doivent faire l'objet d'une indemnisation appropriée.

6.4.2

Modification d'autres actes

Loi sur l'encouragement de la culture Art. 27, al. 3, let. c La let. c est complétée de sorte que les aides financières allouées à l'encouragement d'une culture du bâti de qualité visées à l'art. 17c LPN soient elles aussi soumises à l'approbation du Parlement dans le cadre du message culture, avec le crédit d'engagement correspondant.

Loi sur l'aménagement du territoire Art. 8c

Contenu du plan directeur dans le domaine de la diversité biologique

Le nouvel art. 8c LAT impose aux cantons d'indiquer l'infrastructure écologique dans leurs plans directeurs. Il crée le lien nécessaire en matière d'aménagement du territoire avec la nouvelle obligation prévue à l'art. 18bis LPN, qui prévoit que la Confédération et les cantons assurent un réseau fonctionnel des milieux naturels ou proches de l'état naturel de grande valeur écologique. Cette infrastructure écologique (cf. explications relatives à l'art. 18bis, al. 1, LPN) se compose de zones consacrées à la protection des milieux naturels et des espèces (aires centrales) ainsi que de surfaces qui relient ces aires centrales de manière fonctionnelle (aires de mise en réseau).

En vertu de l'art. 18bis, al. 4, LPN, la Confédération établira, en collaboration avec les cantons, une planification au sens de l'art. 13 LAT. Les conceptions et les plans sectoriels au sens de l'art. 13 LAT constituent les principaux instruments dont dispose la Confédération en matière d'aménagement du territoire. Dans le cadre de la marge de manoeuvre dont ils bénéficient, les cantons tiennent compte des planifications de la Confédération dans leurs plans directeurs (art. 6, al. 4, LAT). En vertu de ce principe, ils doivent réserver dans leurs plans directeurs l'espace nécessaire aux aires centrales et aux aires de mise en réseau. Il ne s'agit en l'occurrence pas d'une garantie définitive, étant donné que le plan directeur est contraignant uniquement pour les autorités et non pour les propriétaires fonciers. Néanmoins, le plan directeur charge, lorsque cela est nécessaire, les porteurs de la planification en aval de réserver lesdits espaces dans les plans d'affectation. En outre, il peut préciser la qualité requise des aires centrales et des aires de mise en réseau. Des mesures de valorisation peuvent également 40 / 50

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y être décrites, mais leur mise en oeuvre nécessite en sus une base légale spécifique.

Ainsi, des mesures appropriées peuvent par exemple être prévues pour des zones présentant des fonctions de mise en réseau, comme planter des haies, remettre à ciel ouvert des ruisseaux enterrés ou encore supprimer des barrières ou obstacles au déplacement. La préservation, la valorisation et la mise en réseau d'espaces naturels et d'espaces verts en milieu urbain peuvent également être mentionnées. Le plan directeur fournit ainsi une vue d'ensemble globale de l'infrastructure écologique et montre comment la coordination se fait avec les autres politiques à incidence territoriale. Il remplit donc également une fonction de pilotage et de coordination, si bien que les éventuels conflits territoriaux peuvent être identifiés et résolus à un stade précoce.

Loi sur l'agriculture Art. 70a, al. 2, let. d La part du territoire national affectée à la protection des espèces animales et végétales indigènes doit atteindre au moins 17 % à partir de 2030 (cf. explications relatives à l'art. 18bis, al. 1, LPN). Ce pourcentage inclut les biotopes d'importance nationale, régionale ou locale. Si l'exploitation des biotopes d'importance nationale au sens de l'art. 18a LPN compte déjà parmi les PER en vertu de l'art. 70a, al. 2, let. d, LAgr, tel n'est pas le cas des autres biotopes (biotopes d'importance régionale et locale au sens de l'art. 18b LPN). Leur exploitation conforme aux prescriptions joue pourtant un rôle essentiel dans leur conservation en tant qu'aires centrales de l'infrastructure écologique.

Sont des biotopes au sens de la let. d les objets dont il est formellement établi qu'ils sont dignes de protection: pour les biotopes d'importance régionale et locale, ce statut suppose par exemple une mise sous protection par le canton, un plan d'affectation avec une zone de protection ou bien la désignation d'une zone assortie de prescriptions spécifiques concernant les biotopes. L'exploitation agricole ou forestière conforme aux prescriptions est définie dans un accord conclu entre l'autorité et l'exploitant (art. 18c LPN). En l'absence d'un tel accord, l'exploitation doit respecter les objectifs de protection qui sont à la base de l'objet désigné par l'autorité ou qui lui sont assignés.

Art. 73, al. 2, 2e phrase L'al. 2
est complété par une disposition relative aux SPB particulièrement précieuses.

La deuxième phrase autorise le Conseil fédéral à fixer pour ces surfaces des exigences particulières. Celles-ci reposent sur les directives actuelles applicables aux SPB de niveau de qualité II (art. 59 de l'ordonnance du 23 octobre 2013 sur les paiements directs76) ainsi que sur l'art. 6a de l'ordonnance du 28 octobre 2015 sur la conservation et l'utilisation durable de ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture77. La nouvelle disposition est en accord avec le projet d'art. 18bis, al. 2, LPN (cf. explications correspondantes).

76 77

RS 910.13 RS 916.181

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6.5

Conséquences pour les pouvoirs publics

6.5.1

Conséquences financières pour la Confédération

Le Conseil fédéral estime à 96 millions de francs par an les moyens fédéraux supplémentaires nécessaires à la mise en oeuvre du contre-projet indirect. Les coûts supplémentaires à la charge de la Confédération sont générés notamment par les contributions allouées dans le cadre des conventions-programmes conclues avec les cantons.

Les modifications législatives proposées confèrent en outre de nouvelles tâches à la Confédération, parmi lesquelles la création d'instruments de planification, la réalisation de travaux de base et l'exécution de fonctions de surveillance. Les coûts correspondants devraient rester maîtrisables.

Avec les conventions-programmes, les cantons reçoivent une indemnisation pour les charges liées aux mesures visant à garantir, à valoriser et à entretenir les aires centrales de l'infrastructure écologique et à l'encouragement de mesures en faveur de la compensation écologique; ils doivent toutefois verser des contributions comparables. Les mesures liées à la mise en réseau ne devraient pas générer de coûts supplémentaires importants.

Les coûts estimés se composent comme suit, sur la base de l'évaluation économique du contre-projet indirect78.

78 79 80

­

Mise en place de l'infrastructure écologique: les dépenses supplémentaires nécessaires pour faire passer la part des aires centrales de l'infrastructure écologique à 17 % au moins du territoire sont estimées à 28 millions de francs.

Ce montant est déterminé d'après les investissements de 110 millions de francs par an consentis aujourd'hui par la Confédération pour 13,4 % du territoire79, en partant de l'hypothèse d'une augmentation proportionnelle et en tenant compte des dépenses relatives à l'élaboration de bases, à la planification, à la mise en oeuvre, à l'exécution et au contrôle. Les mesures d'entretien comprennent, par exemple, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes dans les milieux naturels protégés, l'exploitation agricole adaptée des biotopes et des zones tampons ou l'entretien des étangs visant à prévenir leur atterrissement ou à préserver la végétation riveraine, adaptée au lieu. Le contre-projet indirect ne prévoit par contre aucun moyen supplémentaire pour la mise en réseau.

­

Assainissement des biotopes: la couverture des carences d'exécution pour les biotopes d'importance nationale nécessite des moyens additionnels de l'ordre de 43 millions de francs par an destinés à la protection et à l'entretien conformes à la loi des aires protégées existantes80 ainsi qu'à leur assainissement.

L'assainissement d'un biotope vise à améliorer la qualité d'une surface. Par Infras (2021): Volkswirtschaftliche Beurteilung des indirekten Gegenvorschlags zur Biodiversitätsinitiative. Sur mandat de l'OFEV.

Surfaces consacrées à la biodiversité selon la SBS, annexe A3.

Les moyens mis à disposition actuellement sont insuffisants, d'après Martin et al. (2017): Biotopes d'importance nationale ­ Coûts des inventaires de biotopes. Rapport d'experts à l'attention de la Confédération, établi sur mandat de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), 2ème édition, 2017. Il subsiste en particulier un important besoin d'assainissement en raison d'un entretien négligé et d'influences externes excessives.

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exemple, il existe des mesures d'assèchement dans de nombreux marais de Suisse, telles que l'utilisation de systèmes de drainage, qui modifient voire perturbent sensiblement le régime hydrique de ces milieux naturels. Supprimer ou adapter les systèmes de drainage peut considérablement améliorer la qualité de ces milieux naturels vulnérables. D'autres mesures d'assainissement peuvent inclure la reconstruction de murs en pierres sèches, milieux naturels précieux pour la faune et la flore, et permettre ainsi dans le même temps de préserver des éléments marquants du paysage. Les assainissements d'étangs peuvent aussi entraîner la création de cachettes spécifiques pour les amphibiens, dont la plupart sont menacés en Suisse.

­

Renforcement de la compensation écologique en milieu urbain: la Confédération renforce la nature en milieu urbain et contribue à hauteur de 25 millions de francs de plus par an aux coûts des cantons pour la compensation écologique dans le cadre des conventions-programmes. Dans ce contexte, elle met la priorité sur les mesures en faveur de la compensation écologique en milieu urbain. En effet, la Confédération et les cantons doivent pouvoir prévoir des incitations financières pour que les propriétaires fonciers procèdent à une importante valorisation écologique de leurs surfaces. Ces incitations sont destinées aux propriétaires fonciers tant publics que privés. Elles sont toutefois assorties d'une condition: la valorisation écologique ne doit pas générer de profit ni être en lien direct ou indirect avec un projet prévoyant une compensation écologique en raison d'une utilisation intensive. Les mesures en faveur de la compensation écologique peuvent porter notamment sur des espaces verts (p. ex. parcs proches de l'état naturel, abords d'habitations ou constructions, végétation autour d'établissements scolaires, places et aires de jeux riches en arbres et autres végétaux), des axes verts (rangées d'arbres et allées, p. ex.), des voies vertes (sentiers et voies cyclables végétalisés) ou de la végétation présente dans l'environnement routier (végétalisation des voies de tram, bords de route, bandes de séparation, ronds-points, etc.), des toits et des façades végétalisés de grande valeur écologique ou des mesures de conservation des espèces et de valorisation écologique de zones proches des eaux ainsi que de plans d'eau (rives de lacs ou de cours d'eau accessibles et proches de l'état naturel, ruisseaux ou étangs en zone urbaine). Conformément à sa volonté de valoriser écologiquement le milieu urbain, le Conseil fédéral prévoit une participation fédérale allant jusqu'à 50 % pour cette partie de la compensation écologique. La mise en oeuvre et le financement se font sur la base de la loi en vigueur.

Aucun coût supplémentaire n'est attendu pour la promotion d'une culture du bâti globale. Les modifications envisagées de la loi sur l'agriculture n'entraînent pas non plus de dépenses pour la Confédération. Les travaux nécessaires consistent uniquement à définir les exigences pour les zones de promotion de la biodiversité et leur coût est donc négligeable.

La mise en oeuvre du contre-projet indirect nécessite des moyens financiers supplémentaires de 100 millions de francs par an provenant de la caisse générale de la Confédération.

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6.5.2

Conséquences pour la Confédération en matière de personnel

La Confédération estime les besoins supplémentaires en personnel liés à la mise en oeuvre du contre-projet indirect à environ cinq postes à temps plein au sein de l'OFEV.

Ces besoins supplémentaires correspondent principalement aux activités suivantes.

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Mise en place de l'infrastructure écologique: deux postes et demi équivalent temps plein sont prévus pour l'élaboration de bases destinées à la promotion de la biodiversité à l'échelon national et au renforcement de celle-ci à l'échelon régional ou local, pour l'harmonisation avec la planification nationale en particulier en matière de mise en réseau, pour le développement d'un instrument au sens de l'art. 13 LAT (conception, plan sectoriel), pour la définition des objectifs de la Confédération et des conventions-programmes conclues entre la Confédération et les cantons, négociations et controlling inclus, pour la mise en oeuvre au niveau fédéral, pour l'élaboration d'aides à l'exécution ou d'outils similaires à l'intention des cantons, et pour l'accompagnement dans le cadre de l'identification de points de recoupement et le dialogue, notamment entre la Confédération et les cantons, les conférences, les acteurs des politiques sectorielles, etc.

­

Assainissement des biotopes: les besoins en personnel sont estimés à un poste et demi pour l'entretien et l'assainissement des biotopes. Ces ressources sont destinées à l'élaboration de bases pour contrer le manque d'entretien et pour l'assainissement, à la définition des objectifs et à l'élaboration de conventions-programmes entre la Confédération et les cantons, négociations et controlling inclus, à l'élaboration d'aides à l'exécution ou d'outils similaires à l'intention des cantons ou de tiers, et à l'accompagnement dans le cadre de l'identification de points de recoupement et le dialogue, notamment entre la Confédération et les cantons, les conférences, les acteurs des politiques sectorielles, etc.

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Encouragement des mesures en faveur de la compensation écologique en milieu urbain: un poste est prévu notamment pour l'élaboration de bases pour l'encouragement d'activités de conception des zones habitées, en particulier pour la définition d'objectifs ainsi que l'examen et le développement d'instruments complémentaires, pour l'harmonisation avec d'autres priorités et mesures dans le milieu urbain, par exemple en matière de protection de l'environnement, de bruit, de santé ou d'attrait du lieu, pour l'élaboration d'aides à l'exécution ou d'autres outils similaires à l'intention des cantons, pour l'élaboration des conventions-programmes entre la Confédération et les cantons, prescriptions, négociations et controlling inclus, et pour l'accompagnement dans le cadre de l'identification de points de recoupement et le dialogue, notamment avec les autres services fédéraux (concernant des projets d'agglomération p. ex.), les cantons et les tiers.

L'inscription dans la loi de la promotion d'une culture du bâti de qualité n'occasionne aucun frais de personnel supplémentaire par rapport à aujourd'hui. Les tâches de la Confédération peuvent être accomplies au moyen des ressources existantes.

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6.5.3

Conséquences financières pour les cantons et les communes

Les adaptations du droit occasionnent également des dépenses supplémentaires pour les cantons et les communes. La Confédération estime, sur la base de l'évaluation économique, les coûts générés par l'ensemble des mesures à environ 90 millions de francs par an pour les cantons. En outre, il faut s'attendre à des coûts uniques de quelque 5 millions de francs pour les cantons et 3 millions de francs pour les communes. Le projet engendre un besoin supplémentaire en personnel auprès des cantons et des communes; ce besoin est toutefois difficile à chiffrer avec précision et dépend de la mise en oeuvre dans les cantons. Les moyens supplémentaires mis à disposition par la Confédération servent également à couvrir une partie des coûts supplémentaires générés. S'y ajoute un besoin en personnel supplémentaire d'environ 100 postes pour les cantons et 25 postes pour les communes. Une partie des charges liées à la mise en oeuvre des projets est ainsi supportée par les communes: dans le cadre du contre-projet indirect, celles-ci devront s'engager davantage dans l'encouragement des mesures en faveur de la compensation écologique.

Les tâches assignées aux cantons par la réglementation proposée ne sont pas fondamentalement nouvelles: la protection de la nature est et demeure une tâche commune de la Confédération et des cantons. Mais le contre-projet indirect crée une plus forte contrainte pour les cantons en leur attribuant un rôle central dans le domaine de l'exécution et dans la création de l'infrastructure écologique. Les cantons doivent notamment s'investir davantage dans le domaine des biotopes régionaux et locaux.

Sans l'action engagée des cantons, la réalisation des objectifs de protection, et en particulier de l'objectif de 17 %, est impossible. La révision de la LPN se concentre sur deux tâches centrales, dont les cantons ont déjà la responsabilité: la protection et l'entretien des biotopes d'importance régionale et locale et la compensation écologique.

Ces tâches sont ponctuellement complétées et renforcées.

Le montant pour les cantons et les communes se décompose comme suit.

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Mise en place de l'infrastructure écologique: pour les cantons, les dépenses nécessaires pour faire passer la part des aires centrales à 17 % au moins du territoire sont estimées à 27 millions de francs par an.

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Assainissement des biotopes: pour les cantons, l'entretien conforme à la loi des aires protégées existantes81 et l'assainissement des biotopes d'importance nationale nécessitent des moyens supplémentaires estimés à 34 millions de francs par an: 29 millions de francs pour pallier la négligence de protection et d'entretien des biotopes nationaux, régionaux et locaux existants ainsi que 5 millions de francs pour assainir ces derniers.

Les moyens mis à disposition actuellement sont insuffisants, d'après Martin et al. (2017): Biotopes d'importance nationale ­ Coûts des inventaires de biotopes. Rapport d'experts à l'attention de la Confédération, établi sur mandat de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), 2ème édition, 2017. Il subsiste en particulier un important besoin d'assainissement en raison d'un entretien négligé et d'influences externes excessives.

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Renforcement de la compensation écologique en milieu urbain: les débours annuels supplémentaires se chiffrent, sur la base de la part incombant à la Confédération, à 25 millions de francs par an au moins pour les cantons et les communes. Les moyens supplémentaires devant être mis à disposition par les cantons et les communes sont principalement liés à l'encouragement de mesures en faveur de la compensation écologique.

6.6

Conséquences pour d'autres acteurs

Les nouvelles règles envisagées concernent non seulement la Confédération et les cantons, mais aussi d'autres acteurs.

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­

Mise en place de l'infrastructure écologique: la délimitation des aires centrales qui composent l'infrastructure écologique peut concerner divers acteurs tels que les entreprises agricoles, les entreprises de transport, les entreprises d'approvisionnement en énergie82, les exploitants d'installations de loisirs ou de tourisme, les acteurs du développement territorial, les propriétaires de forêts ou les exploitations forestières. Ces acteurs prennent des mesures au profit des objectifs de protection spécifiques à la zone, pour lesquelles ils sont indemnisés. L'agriculture est concernée dans la mesure où les prescriptions en matière d'exploitation qu'elle doit respecter pour bénéficier des paiements directs ne valent plus seulement pour les biotopes d'importance nationale, mais aussi pour les biotopes d'importance régionale et locale. En outre, l'entretien des zones relevant de l'objectif de protection peut occasionner des frais. Ceuxci sont pris en charge par le secteur public, par exemple dans le cadre des paiements directs pour l'agriculture ou des conventions-programmes conclues entre la Confédération et les cantons. Une compensation est également prévue en cas de non-utilisation, notamment pour la sylviculture ou l'agriculture. Par ailleurs, la délimitation de surfaces forestières en tant qu'aires protégées peut se révéler lucrative pour certains propriétaires forestiers qui se verront octroyer des indemnités même s'ils n'exploitent pas activement la forêt et ne sont donc pas touchés par les restrictions d'exploitation.

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Assainissement des biotopes: les travaux d'entretien et d'assainissement concernent en premier lieu le secteur de l'agriculture, car les biotopes d'importance nationale se situent principalement dans le périmètre d'entreprises agricoles. Il faut toutefois souligner que les travaux de valorisation et d'assainissement génèrent de la valeur ajoutée et des emploi pour les entreprises concernées et leurs fournisseurs. Les fonds investis par la Confédération et les cantons se traduisent ainsi par une création de valeur annuelle d'environ 80 millions de francs (travaux de maintenance inclus). Une grande partie

Les éventuels conflits d'objectifs avec le secteur énergétique ont été abordés avec les parties prenantes lors de l'élaboration du projet. Le Conseil fédéral constate, conformément à l'axe stratégique 5 du contre-projet indirect, que ce dernier n'affecte pas les objectifs de la Stratégie énergétique 2050.

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de cette valeur ajoutée est générée par des entreprises locales83. Ces retombées sont intéressantes du point de vue de l'économie régionale, pour autant que les assainissements se fassent dans des régions périphériques.

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6.7

Encouragement des mesures au profit de la compensation écologique en milieu urbain: outre le secteur public, notamment les villes et les communes, la nouvelle réglementation touche également les entreprises et les particuliers en leur qualité de propriétaires. Les mesures qu'ils prennent au profit de la compensation écologique sont soutenues si elles ne génèrent pas de profit et ne découlent pas directement ou indirectement d'une obligation de compenser.

Ces mesures ne profitent pas seulement à l'environnement: les lotissements résidentiels, les sites d'entreprises et l'espace public en général tirent parti d'un cadre proche de l'état naturel. En tant que contractuels, les entrepreneurs peuvent profiter des prestations de conseil et de la réalisation de mesures écologiques. Des mandats tels que la végétalisation des toitures ou l'entretien des espaces verts génèrent de la valeur ajoutée et des emplois pour les entreprises horticoles, par exemple.

Conséquences pour l'économie

Par ses services écosystémiques, la biodiversité met gratuitement des prestations essentielles à la disposition de l'économie et de la société. Elle est indispensable à des secteurs comme l'agriculture, la sylviculture, le tourisme, l'alimentation ou encore l'industrie pharmaceutique. En Suisse, le bénéfice économique des aires de protection est estimé à 3 milliards de francs par an84. Mais l'inaction a elle aussi un coût: selon des estimations, 14 à 16 milliards de francs, soit 2 à 2,5 % du PIB85, seraient nécessaires en 2050 si la Suisse devait compenser les services écosystémiques que la biodiversité ne serait plus capable de lui fournir. Ainsi, préserver la biodiversité sur le long terme, comme entend le faire le Conseil fédéral avec son contre-projet indirect, est également pertinent sous l'angle économique.

Par rapport à la situation actuelle, le contre-projet indirect permet d'accroître la quantité et la qualité des surfaces consacrées à la nature, de les mettre en réseau à l'échelle nationale, de les répartir de manière équilibrée et de valoriser le milieu urbain d'un point de vue écologique. Il fait donc bien plus que renforcer la protection de la nature en Suisse. Le contre-projet indirect s'assure de la mise en place d'une infrastructure écologique fonctionnelle là où elle est nécessaire et prend soin d'améliorer et de préserver à long terme l'infrastructure existante. Il veille également à des milieux urbains de qualité sur le plan écologique qui soient multifonctionnels (détente, santé, protection de l'environnement, etc.). Ainsi, il n'est pas seulement au service de la biodiversité, mais aussi des êtres humains.

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84 85

OFEV (éd.) 2020: Analyse socioéconomique des effets des investissements dans la protection de la nature et la biodiversité en forêt. Office fédéral de l'environnement, Berne.

Klaus G. (2014): Der Nutzen der bestehenden Schutzgebiete in der Schweiz.

Ecoplan (2010): «COPI Schweiz» ­ Grobe Abschätzung der Kosten des Nichthandelns im Bereich der Biodiversität bis 2050.

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Les moyens investis dans la biodiversité profitent à l'économie suisse, et notamment à l'artisanat local, en créant de la valeur ajoutée et des emplois dans les entreprises qui, sur mandat des cantons, se chargent de l'assainissement et de l'entretien des aires protégées ou réalisent des mesures au profit de la compensation écologique. Les entreprises concernées devraient être pour l'essentiel des exploitations agricoles, des entreprises de construction, des entreprises paysagistes, des bureaux d'études et les fournisseurs de machines, d'outils, de services de transport, etc. Les moyens fédéraux alloués à la protection de la nature devraient ainsi bénéficier à l'agriculture à hauteur de 40 % environ et au secteur du bâtiment à hauteur de 20 %. Les 40 % restants devraient profiter à des bureaux d'études, à des exploitants forestiers et à des sociétés d'entretien. Comme les régions périphériques abritent un grand nombre d'aires protégées, des mandats d'assainissement et d'entretien devraient être confiés également à des entreprises implantées dans des lieux isolés, avec des effets attendus sur l'économie régionale86. De plus, l'évaluation économique réalisée dans le cadre du contreprojet indirect fait les constats suivants: (1) davantage de services écosystémiques veut dire davantage de potentiel d'innovation et, partant, davantage de besoin en maind'oeuvre qualifiée pour la mise en oeuvre des solutions novatrices; (2) les mesures visant à renforcer la biodiversité et l'application de mesures contraignantes réduisent les défaillances du marché et les dysfonctionnements en matière d'exécution; et (3) les milieux urbains bénéficient des mandats de mise en oeuvre de la compensation écologique. Elle estime également que le projet n'aura qu'un faible impact sur le prix des terrains et de l'immobilier ainsi que sur les loyers.

En s'alignant sur les caractéristiques des espaces naturels, l'infrastructure écologique contribue à préserver à long terme la qualité des sols (p. ex. sols organiques) des terres agricoles et des surfaces d'assolement.

Une culture du bâti de qualité permet des lieux de vie plus engageants dans lesquels population et visiteurs se sentent bien. Elle améliore la qualité de vie dans son ensemble ainsi que la cohésion sociale. De plus, des bâtiments de qualité créent une plus-value et
jouent donc un rôle indirect dans l'économie du pays. Concrètement, une culture du bâti de qualité contribue de manière substantielle à l'attractivité de la Suisse et participe au développement du tourisme87.

6.8

Aspects juridiques du contre-projet indirect

6.8.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 78 Cst. En vertu de l'al. 1, la protection de la nature et du patrimoine est du ressort des cantons. L'al. 2 pose le principe selon lequel la Confédération, dans l'accomplissement de ses tâches, prend en considération les objectifs

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OFEV (éd.) 2019: Flux de financement, bénéficiaires et effets des investissements dans la protection de la nature et la biodiversité en forêt. Enquête auprès des cantons. Rapport final. Office fédéral de l'environnement, Berne.

OFEV (éd.) 2020: Sozioökonomische Analyse der Wirkungen von Investitionen in Naturschutz und Waldbiodiversität. Office fédéral de l'environnement, Berne.

Conseil fédéral, 2021: Stratégie touristique de la Confédération. Berne

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de la protection de la nature et du patrimoine. Elle ménage les paysages, la physionomie des localités, les sites historiques et les monuments naturels et culturels et elle les conserve dans leur intégralité si l'intérêt public l'exige. En vertu de l'al. 3, la Confédération peut soutenir les efforts déployés afin de protéger la nature et le patrimoine et acquérir ou sauvegarder, par voie de contrat ou d'expropriation, les objets présentant un intérêt national. En vertu de l'al. 4, elle légifère sur la protection de la faune et de la flore et sur le maintien de leur milieu naturel dans sa diversité et elle protège les espèces menacées d'extinction. L'al. 5 établit que les marais et les sites marécageux d'une beauté particulière qui présentent un intérêt national sont protégés. Il est interdit d'y aménager des installations ou d'en modifier le terrain. Font exception les installations qui servent à la protection de ces espaces ou à la poursuite de leur exploitation à des fins agricoles.

6.8.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec tous les accords internationaux ratifiés par la Suisse (voir aussi le point 4.4).

6.8.3

Forme de l'acte à adopter

En vertu de l'art. 22, al. 1, LParl, l'Assemblée fédérale édicte sous la forme d'une loi fédérale toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit. Comme l'acte dont il est question ici contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit, en l'occurrence des obligations faites à la Confédération et aux cantons, il doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale.

6.8.4

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

En vertu de l'art. 43a, al. 1, Cst., la Confédération n'assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la Confédération. Le projet n'affecte pas la répartition des tâches ou l'accomplissement des tâches par la Confédération et les cantons.

6.8.5

Frein aux dépenses

Aux termes de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., les dispositions relatives aux subventions, si elles entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs, doivent être adoptées à la majorité des membres de chaque conseil. La disposition financière de

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l'art. 12, al. 1bis, LFSP (zones d'importance nationale) entraîne des dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs et doit donc être adoptée à la majorité des membres de chaque conseil.

6.8.6

Conformité à la loi sur les subventions

Les nouveautés substantielles introduites par le projet ont fait l'objet d'une évaluation économique. Les modifications législatives prévues dans le cadre de la révision partielle de la LPN sont conformes aux spécifications de la LSu.

6.8.7

Délégation de compétences législatives

Le projet contient une norme de délégation autorisant le Conseil fédéral à concrétiser la loi par voie d'ordonnance. En vertu de l'art. 18bis, al. 2, LPN, le Conseil fédéral peut déterminer les catégories de zone qui constituent les aires centrales de l'infrastructure écologique.

Ces normes de délégation portent chacune sur un objet déterminé et leur contenu, leur but et leur portée ont été déterminés avec un degré de précision suffisant. La délégation permet au Conseil fédéral d'édicter des prescriptions conformes à la matière et respectant le principe de la proportionnalité. Elle évite en outre de surcharger le texte de loi avec des dispositions trop détaillées. On peut affirmer en conséquence que la délégation de compétences prévue est conforme au principe de précision et suffisamment délimitée au regard de la Constitution. Pour le reste, il convient de se référer au commentaire des différentes dispositions de la révision contenant des normes de délégation.

6.8.8

Protection des données

La mise en oeuvre du projet ne nécessite pas de traiter des données personnelles, ni de prendre des mesures qui pourraient avoir une incidence sur la protection des données.

Le projet est donc sans pertinence du point de vue de la protection des données.

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