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22.020 Message relatif à la modification de la loi sur les finances (réduction de l'endettement lié au coronavirus) du 18 mars 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur les finances, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 mars 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-0897

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Condensé La Confédération a effectué d'importantes dépenses extraordinaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19. En vertu du frein à l'endettement, il faut compenser ces dépenses afin d'éviter de contracter une nouvelle dette. La modification proposée de la loi sur les finances permet de résorber le découvert sans menacer la reprise économique après l'épidémie de COVID-19.

Contexte Le Conseil fédéral et le Parlement ont adopté de nombreuses mesures afin d'atténuer les conséquences sanitaires et économiques de l'épidémie de COVID-19. Les dépenses extraordinaires qui en découlent ont provoqué un endettement supplémentaire de la Confédération qui doit être réduit conformément à la règle complétant le frein à l'endettement prévue par la loi sur les finances.

La dette liée au coronavirus apparaît dans le compte d'amortissement, qui affichait en fin d'année 2021 un découvert de 20,3 milliards de francs. D'autres dépenses extraordinaires sont budgétisées pour 2022. Au total, le découvert du compte d'amortissement attendu d'ici la fin de 2022 sera de 25 à 30 milliards de francs.

Selon le droit actuel, il doit être compensé dans un délai de six ans par des excédents de financement qui devront figurer dans le budget et des éventuelles recettes extraordinaires. Pour prévoir des excédents suffisamment élevés au budget, il faudrait mettre en oeuvre des programmes d'allégement budgétaire ou procéder à des hausses d'impôts, ce qui compromettrait la reprise de l'économie après l'épidémie de COVID-19.

Le Parlement et le Conseil fédéral veulent éviter de telles mesures.

Lors de sa séance du 23 juin 2021, le Conseil fédéral a décidé que la part de la Confédération à la distribution additionnelle de la Banque nationale suisse (BNS), qui s'élève actuellement à 1,3 milliard de francs, serait comptabilisée comme recette extraordinaire dès 2021, et donc inscrite à titre de bonification dans le compte d'amortissement. Les mesures restantes nécessitent une modification de la loi sur les finances.

Contenu du projet Le Conseil fédéral propose une modification temporaire de la règle complétant le frein à l'endettement dans la loi sur les finances, en vue de permettre de porter au crédit du compte d'amortissement non seulement les excédents structurels budgétisés, mais aussi les excédents structurels apparaissant
dans les résultats du compte. Par ailleurs, le délai d'amortissement pour la résorption du découvert sera étendu aux trois prochaines législatures (soit jusqu'en 2035). En cas d'événements particuliers, le délai prévu pourra être prolongé d'une législature supplémentaire.

La réglementation transitoire proposée devrait permettre de réduire le découvert du compte d'amortissement d'environ 2,3 milliards de francs par an et ainsi de le combler sur une période de 11 à 13 ans (2023­2033 ou 2035), à condition que la BNS procède à des distributions additionnelles régulières de 1,3 milliard de francs et que

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soient enregistrés des soldes de crédits à hauteur de 1 milliard de francs par an en moyenne.

Le Conseil fédéral souhaite modifier le moins possible le système du frein à l'endettement, dont l'efficacité est avérée. C'est pourquoi il propose de compenser l'intégralité de la dette liée au coronavirus, d'autant que la réglementation proposée peut être appliquée sans qu'il y ait besoin de recourir à des mesures d'austérité budgétaire.

D'autres arguments plaident aussi en faveur d'une compensation intégrale de cette dette: la crise du coronavirus a montré à quelle vitesse la dette publique peut croître et à quel point il est important pour un État de disposer de finances solides pour pouvoir prendre rapidement des mesures d'envergure. En outre, la bonne santé des finances publiques joue un rôle déterminant dans le choix de nombreuses entreprises de venir s'implanter en Suisse, et elle augmente la compétitivité de la place économique suisse. Enfin, le retour à une situation budgétaire aussi favorable qu'avant la crise permettra de préparer le pays aux défis et aux crises à venir. Le vieillissement de la population et le changement climatique, en particulier, devraient avoir des conséquences financières durables pour les collectivités publiques.

Par ailleurs, le projet comporte deux modifications de la loi sur les finances qui ne font que formaliser la pratique actuelle et n'ont aucun rapport avec la réduction de la dette liée au coronavirus. Il s'agit, d'une part, de parachever la dernière modification de la loi sur les finances et, d'autre part, de prévoir la possibilité de fixer des contributions d'amortissement à titre préventif aussi lors de l'adoption du compte.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Afin d'atténuer les conséquences sanitaires et économiques de l'épidémie de COVID19, le Parlement a adopté des mesures d'envergure. Il a appliqué pour cela la disposition d'exception du frein à l'endettement qui autorise des dépenses supplémentaires au-delà du plafond ordinaire dans des situations de crise. Des dépenses extraordinaires ont été effectuées pour 14,7 milliards de francs en 2020 et pour 12,3 milliards de francs en 2021. Pour l'année 2022, le Parlement a approuvé jusqu'ici des dépenses extraordinaires de 6,7 milliards de francs dans le cadre du budget 2022 et du supplément Ia. Par la voie du supplément Ib au budget 2022, le Conseil fédéral devrait solliciter 2,4 milliards de francs supplémentaires, dont 2,1 milliards sont destinés au paiement rétroactif des indemnités de vacances en cas de réduction de l'horaire de travail. Il n'est pas exclu que des dépenses supplémentaires puissent venir s'y ajouter en 2022. Par contre, seule la moitié environ des dépenses extraordinaires autorisées a été sollicitée en 2020 et tout juste 60 % en 2021.

Le frein à l'endettement de la Confédération empêche une augmentation de la dette due aux déficits de financement. L'art. 126, al. 1, de la Constitution (Cst.)1 dispose ainsi que les dépenses et les recettes doivent être équilibrées à terme. Cependant, la Constitution prévoit aussi que le plafond des dépenses peut être relevé en cas de besoins financiers exceptionnels (art. 126, al. 3, Cst.). La règle complétant le frein à l'endettement, introduite en 2010 dans la loi du 7 octobre 2005 sur les finances (LFC)2, exige que les déficits du budget extraordinaire soient eux aussi compensés à terme. Les dépenses et les recettes extraordinaires sont inscrites à cet effet dans un compte d'amortissement. Cette statistique de contrôle affichait un découvert de 20,3 milliards de francs à la fin de 2021. Compte tenu des recettes ou dépenses extraordinaires encore attendues ou prévues, un découvert de 25 à 30 milliards de francs sur le compte d'amortissement est envisagé à la fin de 2022.

Selon la règle complétant le frein à l'endettement, un découvert du compte d'amortissement doit être compensé au cours des six exercices suivants au moyen d'excédents du budget ordinaire (art. 17b, al. 1, LFC). Le Parlement peut toutefois prolonger ce délai dans des cas particuliers
(art. 17b, al. 3, LFC). Mais pour constituer des excédents suffisants, il faudrait mettre en oeuvre des programmes d'allégement budgétaire ou procéder à des hausses d'impôts, ce qui compromettrait la reprise de l'économie après l'épidémie de COVID-19. Le Conseil fédéral et le Parlement veulent éviter une telle situation. C'est pourquoi le Parlement a demandé au Conseil fédéral, dans le cadre du programme de la législature 2019 à 2023, de lui soumettre un message relatif à la gestion des dépenses extraordinaires liées au COVID-19 qui ne prévoit pas d'augmentations d'impôts et de programmes d'allégement budgétaire (voir ch. 1.3).

1 2

RS 101 RS 611.0

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Tableau 1 Évolution attendue du compte d'amortissement (en milliards de francs) Solde du compte d'amortissement du compte 2020

-9,8

Recettes extraordinaires 2021 Dépenses extraordinaires 2021

1,5 -12,3

Bonifications résultant de l'excédent structurel 2021 Solde du compte d'amortissement à fin 2021

0,3 -20,3

Provision pour tests de dépistage du coronavirus pour 2021 Recettes extraordinaires 2022 selon l'arrêté fédéral concernant le budget 2022

-1,3 1,5

Dépenses extraordinaires 2022 selon l'arrêté fédéral concernant le budget 2022 Dépenses extraordinaires selon l'arrêté fédéral concernant le supplément Ia au budget 2022 Dépenses extraordinaires selon les demandes pour le supplément Ib au budget 2022

-3,3 -3,5 -2,4

Solde du compte d'amortissement à fin 2022

29,2

Pour mémoire pour 2023: Charge due à la dernière modification de la LFC du 19 mars 2021 (RO 2021 662)

-1,4

Lors de sa séance du 23 juin 2021, le Conseil fédéral a fixé sa stratégie de réduction de la dette liée au coronavirus. À titre de première mesure, il a décidé de comptabiliser en tant que recette extraordinaire la part de la Confédération aux distributions additionnelles de la Banque nationale suisse (BNS) et donc de l'inscrire à titre de bonification dans le compte d'amortissement à compter de 2021, soit à compter du début de la nouvelle convention du 29 janvier 2021 concernant la distribution des bénéfices3.

La convention entre le Département fédéral des finances (DFF) et la BNS régit la distribution des bénéfices de la BNS pour les exercices 2020 à 2025. Les montants distribués à la Confédération et aux cantons leur parviendront durant les années 2021 à 2026. Cette mesure apportera une contribution notable à la réduction de l'endettement lié au coronavirus à partir du compte d'État 2021. Compte tenu du bénéfice élevé porté au bilan de la BNS (près de 108 milliards de francs à la fin de 2021), la Confédération s'attend actuellement à ce que la distribution du bénéfice atteigne dès 2021 le montant maximum de 6 milliards de francs par an. La part de ce bénéfice revenant à la Confédération est d'un tiers, soit 2 milliards de francs, dont 1,3 milliard défini comme distributions additionnelles. Le bénéfice annuel de la BNS étant sujet à de fortes fluctuations, les distributions additionnelles ne sont pas garanties. La deuxième mesure prend la forme d'une modification temporaire de la LFC de la Confédération, qui est proposée par le présent message.

Dépenses extraordinaires, découvert du compte d'amortissement et dette Le compte d'amortissement ne se voit pas seulement imputer les dépenses extraordinaires. En effet, les éventuelles recettes extraordinaires ainsi que les bonifications résultant des excédents structurels budgétisés y sont également inscrites.

3

www.efv.admin.ch > Thèmes > Monnaie, distribution du bénéfice et questions internationales > Distribution du bénéfice BNS.

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Pour cette raison, le compte d'amortissement affichait un solde positif avant la crise (2019: 4,3 milliards de francs). Le découvert du compte d'amortissement attendu à la fin de 2022, soit 25 à 30 milliards de francs, est par conséquent inférieur à la somme des dépenses extraordinaires consenties entre 2020 et 2022 pour faire face à l'épidémie de COVID-19, qui avoisinent 36 milliards de francs selon l'estimation actuelle.

Le découvert du compte d'amortissement ne correspond pas non plus à la dette brute supplémentaire que la Confédération a contractée sous forme de titres de créance porteurs d'intérêt (créances comptables à court terme et emprunts).

En 2020, la Confédération n'a que partiellement comblé l'important déficit de financement d'environ 16 milliards de francs en empruntant sur le marché des capitaux (environ 7 milliards de francs); le reste a été financé en puisant dans le patrimoine financier (environ 9 milliards de francs; notamment liquidités).

En 2021, la dette brute n'a progressé que de 5 milliards de francs pour un déficit de financement de l'ordre de 12 milliards de francs. Cela s'explique par la constitution d'une provision au titre de l'impôt anticipé de 5,1 milliards de francs.

Selon la définition actuelle, les provisions n'alimentent pas la dette brute. Pour ces raisons, il est fréquent que le solde de financement et la dette brute n'évoluent pas de manière identique. Mais à plus long terme, ces deux indicateurs sont toutefois étroitement corrélés.

1.2

Modification proposée et autres solutions étudiées

1.2.1

Modification proposée: réduction de la dette au moyen de futurs excédents de financement

Conformément au droit en vigueur, un découvert du compte d'amortissement doit être compensé par des excédents structurels budgétisés. Avec la modification de la loi, tous les excédents structurels apparaissant dans les résultats du compte seront portés au crédit du compte d'amortissement. L'expérience montre qu'ils sont supérieurs d'environ 1 milliard aux excédents budgétisés, du fait que les dépenses se situent en fin d'année systématiquement en dessous du niveau budgétisé (soldes de crédits).

En outre, le délai pour la compensation du découvert est prolongé jusqu'au terme des trois prochaines législatures, soit jusqu'en 2035. Cette prolongation tient compte de manière adéquate du montant extraordinairement élevé de la dette liée au coronavirus.

En cas d'événements particuliers échappant au contrôle de la Confédération, le délai pourra être prolongé d'une législature supplémentaire.

Le découvert du compte d'amortissement de 25 à 30 milliards de francs attendu d'ici à la fin de 2022 pourra reculer avec cette solution de 2,3 milliards de francs par an, et donc être comblé dans environ 11 à 13 ans (2023­2033 ou 2035). À condition toutefois que la BNS puisse procéder régulièrement à une distribution annuelle de 1,3 milliard de francs et que, comme dans le passé, les soldes de crédits avoisinent 1 milliard de francs par an.

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Le Conseil fédéral a retenu la solution consistant à compenser intégralement la dette au moyen des excédents de financement futurs. Cette solution permet d'assurer également à l'avenir la solidité des finances fédérales et d'envoyer un signal positif à la place économique suisse, dont l'attrait dépend grandement de la fiabilité et de la résilience de la politique budgétaire. En effet, le mécanisme du frein à l'endettement et la bonne santé des finances publiques jouent un rôle déterminant dans le choix de nombreuses entreprises de venir s'implanter en Suisse. Grâce à la situation budgétaire initiale favorable, les conséquences financières de l'épidémie de COVID-19 ont rapidement pu être atténuées. Ces bonnes conditions étaient largement dues à la politique budgétaire fondée sur des règles et doivent à présent être rétablies au moyen de la présente proposition, ce également pour que la Suisse soit en mesure de gérer les défis à long terme et les crises qui l'attendent. Il convient en outre d'intervenir le moins possible dans le mécanisme du frein à l'endettement pour résorber le découvert.

1.2.2

Autres solutions étudiées

1.2.2.1

Amortissement selon le droit en vigueur

Selon le droit en vigueur, le découvert du compte d'amortissement doit être compensé par des excédents structurels budgétisés (art. 17b, al. 1, LFC). À cet effet, le plafond des dépenses autorisées est revu à la baisse dans le budget. Afin de réduire le découvert attendu dans les six exercices prévus par la loi, il faudrait inscrire au budget des excédents s'élevant jusqu'à 5 milliards de francs par an. Compte tenu des distributions additionnelles de la BNS alimentant directement le compte d'amortissement au titre des recettes extraordinaires, il faudrait prévoir dans le budget ordinaire des économies supplémentaires pouvant atteindre 3,7 milliards de francs par an. Pour y parvenir dans le cadre du budget, il faudrait adopter des mesures d'économies ou de procéder à des hausses d'impôts.

En vertu du droit en vigueur, le Parlement peut prolonger le délai d'amortissement (art. 17b, al. 3, LFC). Cependant, même avec une telle prolongation, les coupes à opérer dans le budget seraient considérables. Une importante prolongation du délai nécessite en outre une modification de la loi, par souci de transparence et pour qu'une telle règle acquière un caractère contraignant.

L'amortissement selon le droit en vigueur permettrait de compenser plus rapidement le découvert du compte d'amortissement que la solution proposée. Par ailleurs, les soldes de crédits à caractère systématique seraient crédités comme aujourd'hui au compte de compensation, ce qui aboutirait à une réduction supplémentaire de la dette, qui ne serait toutefois pas créditée au compte d'amortissement.

Les mesures d'économies à prendre dans le budget, cependant, ne seraient compatibles ni avec les consignes du Parlement, ni avec les objectifs 2021 et 2022 du Conseil fédéral (voir ch. 1.3). La marge de manoeuvre budgétaire serait restreinte pendant une longue période. Ce serait d'autant plus problématique que d'autres charges supplémentaires sont susceptibles de grever le budget ordinaire.

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1.2.2.2

Réduction de la dette au moyen d'excédents de financement passés et futurs

Cette solution prévoit que la moitié du découvert du compte d'amortissement soit débitée du solde positif du compte de compensation. La dette liée au coronavirus est ainsi compensée pour moitié par les anciens excédents de financement, soit par le montant alloué à la réduction de la dette des années passées. Le reste du découvert est ensuite comblé, comme dans la nouvelle réglementation proposée, par des excédents de financement futurs. Du fait de cette compensation pour moitié, seule la moitié de la dette liée au coronavirus devrait être réduite, ce qui diviserait par deux la durée d'amortissement par rapport à la solution retenue.

Avec cette compensation, le découvert attendu du compte d'amortissement passerait de 25 à 30 milliards de francs à 12,5 à 15 milliards de francs. Le découvert restant serait ensuite résorbé conformément à la solution retenue, soit à un rythme de 2,3 milliards de francs par an. Il pourrait ainsi être comblé en 6 à 7 ans environ, ce qui correspondrait au délai prévu dans le droit en vigueur. Le Conseil fédéral souhaite empiéter le moins possible sur le système du frein à l'endettement, dont l'efficacité est avérée. L'attrait de la place économique suisse dépend fortement de la fiabilité et de la résilience de la politique budgétaire. La dette liée au coronavirus doit donc être compensée dans son intégralité afin de rétablir la situation budgétaire favorable d'avant la crise.

1.2.2.3

Pleine compensation par la réduction de la dette des années passées

La possibilité de combler l'ensemble du découvert du compte d'amortissement par, dans la mesure du possible, le solde positif du compte de compensation a également été évoquée. Ce faisant, la réduction de dette effectuée dans le passé serait affectée à la compensation des dettes creusées par l'épidémie de COVID-19 dans le budget extraordinaire.

La dette effective de la Confédération demeurerait dans un premier temps, mais l'endettement diminuerait là aussi, étant donné que les soldes de crédits apparaissant chaque année font systématiquement reculer la dette.

Une compensation intégrale par la réduction de la dette des années passées affaiblirait le frein à l'endettement en vidant de sa substance la règle complétant le frein à l'endettement dès la première grande épreuve de vérité. Mais contrairement à la suspension complète (voir ch. 1.2.2.4), les soldes cumulés du compte de compensation et du compte d'amortissement indiqueraient encore ensemble de combien la dette a diminué en tout, depuis l'introduction du frein à l'endettement. Outre l'affaiblissement du frein à l'endettement, un autre inconvénient de cette solution serait que le montant restant du compte de compensation ne pourrait plus fournir la marge de manoeuvre requise pour gérer des déficits de financement sur plusieurs années. Il serait dès lors à craindre que le mécanisme de sanction plus strict du compte de compensation se déclenche, ce qui serait contraire aux consignes du Parlement d'éviter tout programme d'allégement budgétaire ou toute hausse d'impôt.

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1.2.2.4

Suspension de la règle complétant le frein à l'endettement

La suspension de la règle complétant le frein à l'endettement annulerait après coup l'inscription des dépenses extraordinaires liées au coronavirus à titre de charges dans le compte d'amortissement. Le découvert du compte d'amortissement disparaîtrait, et tout amortissement serait superflu.

Cette solution est comparable à la pleine compensation abordée au ch. 1.2.2.3, avec comme inconvénient supplémentaire que le compte de compensation et le compte d'amortissement n'indiqueraient plus l'évolution du niveau d'endettement depuis l'introduction du frein à l'endettement. La règle complétant le frein à l'endettement instaurée pour le budget extraordinaire cesserait ainsi de produire effet, ce qui irait à l'encontre de l'art. 126, al. 1, Cst, selon lequel la Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes. Cette règle complémentaire vise en effet à compenser à moyen terme les déficits du budget extraordinaire, et par là à stabiliser la dette en termes nominaux de la Confédération4. Or ce n'est possible que si l'endettement de la Confédération n'augmente pas durablement par rapport à son niveau à l'introduction du frein à l'endettement, soit à la fin de l'exercice 2003.

La suspension temporaire de la règle complétant le frein à l'endettement créerait en outre un précédent qui nuirait à son application future. La crédibilité de cette règle complémentaire, et plus généralement celle du frein à l'endettement serait compromise.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet figure dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20235. Le Parlement a décidé la consigne suivante: «Le Conseil fédéral soumet au Parlement un message relatif à la gestion des dépenses extraordinaires liées au COVID-19 qui permette d'éviter les augmentations d'impôts et les programmes d'allégement.» La solution proposée permet de satisfaire cette exigence.

Le projet n'est pas mentionné dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20236 car l'épidémie de coronavirus n'était pas encore prévisible à l'époque. Par contre, la gestion de la dette liée au coronavirus figure parmi les objectifs annuels du Conseil fédéral pour 20217. L'objectif 1 ­ «La Suisse assure l'équilibre du budget de la Confédération et la stabilité de son régime financier» ­ comprend le mandat donné au DFF (Administration fédérale des finances) d'élaborer 4 5 6 7

Message du 19 septembre 2008 sur la règle complétant le frein à l'endettement (révision LFC), FF 2008 7693 7702 s. et message sur le frein à l'endettement (FF 2000 4295 4351).

FF 2020 8087, p. 8088 FF 2020 1709 Objectifs du Conseil fédéral 2021, vol. I, objectif 1, p. 9, consultable sous www.bk.admin.ch > Documentation > Aide à la conduite stratégique > Les Objectifs > Archives ­ Objectifs du Conseil fédéral, Volume I.

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un message sur la modification de la LFC (gestion de la dette résultant de la crise du coronavirus). La révision de la loi vise à ce que la réduction de la dette supplémentaire liée à l'épidémie de COVID-19 entrave le moins possible la reprise de l'économie après la crise. Dans les objectifs annuels du Conseil fédéral pour 2022, il est prévu que le Conseil fédéral adopte un message correspondant au premier semestre 20228.

Le présent projet concrétise cet objectif.

Le projet n'a aucune incidence sur le plan financier. La nouvelle réglementation proposée prévoit que les excédents structurels futurs apparaissant dans les résultats du compte seront utilisés pour combler le découvert du compte d'amortissement. Le budget ne sera ainsi pas affecté.

2

Résultats de la consultation

2.1

Avant-projet mis en consultation

La consultation relative à la modification de la LFC (réduction de l'endettement lié au coronavirus) a été ouverte le 25 août 2021 et a duré jusqu'au 28 novembre 2021.

Dans l'avant-projet mis en consultation, le Conseil fédéral a proposé deux solutions en vue de réduire la dette9: ­

La première solution, «Réduction de la dette au moyen de futurs excédents de financement», est identique à la modification proposée ici par le Conseil fédéral: le découvert du compte d'amortissement est compensé par les excédents structurels futurs apparaissant dans les résultats du compte. Ils sont en moyenne supérieurs d'environ 1 milliard de francs par an aux chiffres inscrits au budget, du fait que les dépenses budgétisées ne sont pas entièrement utilisées (soldes de crédits).

­

La deuxième solution, «Réduction de la dette au moyen d'excédents de financement passés et futurs», prévoit la compensation préalable de la moitié du découvert du compte d'amortissement au moyen des montants alloués à la réduction de la dette des années passées. Les excédents structurels passés correspondants sont ainsi déduits du compte de compensation, qui représente la statistique de contrôle du budget ordinaire où sont enregistrés ce type d'excédents. L'autre moitié du découvert est réduite au moyen des futurs excédents structurels (par analogie à la première solution).

Dans les deux solutions, le délai d'amortissement pour la résorption du découvert doit être étendu à trois législatures (soit jusqu'en 2035). En cas d'événements particuliers, le délai prévu peut être prolongé d'une législature supplémentaire.

8 9

Objectifs du Conseil fédéral 2022, objectif 1.1, p. 12, consultable sous www.bk.admin.ch > Documentation > Aide à la conduite stratégique > Les Objectifs.

Coronavirus: le Conseil fédéral ouvre la consultation sur la réduction de l'endettement, communiqué du Conseil fédéral du 25 août 2021, consultable sous www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqués du Conseil fédéral.

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2.2

Synthèse des avis

Au total, 48 avis ont été reçus dans le cadre de la consultation de la part de cantons, de partis politiques, d'associations et d'autres milieux intéressés10. Tous les participants à la consultation reconnaissent la nécessité d'adapter la LFC en vue de réduire la dette liée au coronavirus. En conséquence, ils approuvent l'objectif poursuivi par le projet, à savoir compenser le découvert du compte d'amortissement dans un délai utile. De même, les participants se prononcent pour une réduction de la dette liée au coronavirus sans hausses d'impôts et sans programmes d'allégement budgétaire.

Les appréciations divergent quant aux deux solutions proposées. L'UDC, l'Union patronale suisse et économiesuisse sont notamment favorables à une compensation complète du découvert au moyen des excédents structurels futurs (première solution).

8 cantons soutiennent également cette option. L'argument principal est la résorption intégrale et réglée de manière contraignante par la loi de la dette liée au coronavirus, et donc le rétablissement de la très bonne situation budgétaire d'avant la crise. Une marge de manoeuvre financière plus grande resterait ainsi disponible pour faire face à des crises futures.

Le PLR, Le Centre, 18 cantons et plusieurs associations (Union suisse des arts et métiers, Union suisse des paysans, Groupement suisse pour les régions de montagne, Union des villes suisses) préconisent une compensation partielle de la dette liée au coronavirus avec le montant alloué à la réduction de la dette des années passées (deuxième solution). Selon ses partisans, cette solution offre l'avantage décisif de permettre de réduire rapidement la dette liée au coronavirus tout en respectant le délai actuel d'amortissement de six ans. La marge de manoeuvre dans le budget ordinaire serait retrouvée en temps utile.

Certains milieux situés à gauche de l'échiquier politique (Parti socialiste suisse [PSS], Les Verts, l'Union syndicale suisse [USS]) et le Parti vert'libéral Suisse (pvl) sont favorable à une compensation de la totalité de la dette liée au coronavirus avec la réduction de la dette des années passées. Travail.Suisse donne la préférence à une suspension de la règle complétant le frein à l'endettement. L'affectation de la distribution additionnelle des bénéfices de la BNS à la résorption de la dette est
rejetée. À la place, les ressources correspondantes devraient aller à l'AVS (PSS, USS), être injectées dans un nouveau fonds pour le climat et la protection des espèces (pvl) ou être consacrées à la protection du climat et de la biodiversité (Les Verts).

2.3

Appréciation des résultats de la consultation

Dans ses grandes lignes, l'avant-projet mis en consultation par le Conseil fédéral jouit d'un large soutien. L'objectif poursuivi par le Conseil fédéral et le Parlement consistant à réduire la dette sans hausses d'impôts ni programmes d'allégement budgétaire est jugé juste et efficace par tous les partis politiques et par un grand nombre de cantons et d'associations.

10

Les résultats de la consultation sont disponibles sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > DFF.

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Les positions affichées concernant la mise en oeuvre concrète sont partagées. La majorité des participants à la consultation souhaite qu'au moins une partie du découvert du compte d'amortissement soit compensée avec les montants alloués à la réduction de l'endettement des années passées et que le reste soit résorbé au moyen des excédents futurs. Plus des deux tiers des cantons sont favorables à cette solution, qui suscite également l'adhésion des partis politiques et des associations.

Le Conseil fédéral veut empiéter le moins possible sur le système du frein à l'endettement, dont l'efficacité est avérée. Le montant attendu du découvert permet de le combler uniquement par les excédents futurs. Ainsi, la solidité des finances fédérales et l'attrait de la place économique suisse peuvent être assurées. La Confédération a été en mesure d'atténuer rapidement et efficacement les conséquences financières de la crise du COVID-19 grâce à une situation budgétaire saine. Ce contexte favorable doit être rétabli au moyen de la présente proposition, ce également pour que la Suisse soit en mesure de gérer les crises à venir. C'est pourquoi le Conseil fédéral ne souhaite pas résorber une partie de la dette liée au coronavirus au moyen des montants alloués à la réduction de l'endettement des années passées.

3

Comparaison avec le droit, notamment européen

L'épidémie de COVID-19 a plus ou moins durement frappé presque tous les pays du monde. La Suisse affiche un faible niveau d'endettement en comparaison internationale, grâce notamment à sa politique budgétaire fondée sur des règles et à l'évolution économique favorable des dernières années. Le taux d'endettement de la Suisse est estimé pour 2022 à environ 26,8 % du produit intérieur brut (PIB) alors qu'il est en moyenne de l'ordre de 99 % du PIB dans la zone euro.

La dette publique de la Suisse comprend les dettes de la Confédération, des cantons, des communes et des assurances sociales. La dette brute de la Confédération, qui s'élevait à 124 milliards de francs en 2003 lors de l'introduction du frein à l'endettement, a pu être réduite à près de 97 milliards de francs jusqu'à la fin de 2019. Fin 2021, la dette de la Confédération était repassée à 109 milliards de francs. Si l'on ajoute les dettes des cantons, des communes et des assurances sociales, l'endettement de la Suisse à la fin de 2021 s'élève probablement à quelque 200 milliards de francs.

Depuis le début de l'épidémie, le taux d'endettement s'est envolé dans les pays voisins ainsi que dans toute la zone euro. En comparaison, la Suisse (Confédération, cantons, communes et assurances sociales) n'a enregistré qu'une légère hausse. Elle partait en outre d'un niveau d'endettement nettement plus bas que celui affiché par les autres pays.

Les États de la zone euro sont soumis au Pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Celui-ci limite le déficit des États membres à 3 % et l'endettement à 60 % du PIB (art. 126, par. 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et art. 1 du protocole (no 12) sur la procédure concernant les déficits excessifs11). Le PSC vaut pour toutes les collectivités publiques ­ contrairement au frein à l'endettement de la 11

JO C 326 du 26.10.2012, p. 47.

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Suisse, qui ne s'applique qu'au niveau fédéral. L'art. 5, par. 1, du règlement (CE) no 1466/9712 contient une clause dérogatoire générale. Ainsi, en cas d'événement extraordinaire échappant à leur contrôle et ayant des conséquences importantes sur les finances publiques ou en période de grave récession économique, les États membres de l'UE peuvent s'écarter temporairement des exigences. Cet écart n'est toutefois autorisé que s'il ne compromet pas la viabilité des finances publiques à moyen terme.

La Commission européenne a constaté en mars 2020 que les conditions nécessaires à l'activation de la clause dérogatoire générale étaient remplies13. Il s'agit d'une première depuis son instauration en 2011. Le Conseil, plus précisément l'Eurogroupe, a approuvé l'activation de la clause générale14. Par la suite, les règles en matière de déficit et de dette du PSC ont été suspendues jusqu'à l'exercice 2022, pour permettre aux États membres de la zone euro d'adopter les mesures utiles15. La dernière décision prise en mars 2021 se basait sur une évaluation d'ensemble de la situation économique par rapport à son niveau d'avant la crise. La commission a annoncé que les règles budgétaires de l'UE s'appliqueraient à nouveau dès 2023. Le 19 octobre 2021, la Commission européenne a repris l'examen du PSC. Des lignes directrices concernant d'éventuelles modifications seront fournies à temps pour 202316.

Pour la première fois de son histoire, l'UE a décidé en 2020 de communautariser les dettes de ses États membres afin de maîtriser la crise consécutive à l'épidémie de COVID-19 (750 milliards d'euros au maximum)17. Il est prévu que les fonds alloués soient remboursés progressivement, jusqu'à la fin de 2058. Notamment en ce qui concerne le remboursement de ces dettes, la Commission européenne a proposé le 21 décembre 2021 trois nouvelles sources de recettes: le système d'échange de quotas d'émission de l'UE, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, ainsi qu'une part des bénéfices résiduels des multinationales qui sera réattribuée aux États

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Règlement (CE) no 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Communication de la Commission au Conseil du 20 mars 2020 sur l'activation de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (COM/2020/123; consultable sous: www.eur-lex.europa.eu).

Déclaration des ministres des finances de l'UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du COVID-19 (www.consilium.europa.eu > Presse > Communiqué de presse > 23 mars 2020).

«Paquet du printemps: ouvrir la voie à une reprise forte et durable», communiqué de presse de la Commission européenne du 2 juin 2021, consultable sous www.ec.europa.eu > Toute l'actualité > Communiqué de presse > 23 mars 2020, et «Le Conseil adopte des recommandations concernant les programmes de stabilité ou de convergence actualisés», communiqué de presse du Conseil, consultable sous www.consilium.europa.eu > Toute l'actualité > Communiqué de presse > 18 juin 2021.

«La Commission relance le réexamen de la gouvernance économique de l'UE», communiqué de presse de la Commission européenne du 19 octobre 2021, consultable sous www.ec.europa.eu/commission/presscorner.

Conclusions adoptées par le Conseil européen lors de la réunion extraordinaire du 17 au 21 juillet 2020, consultables sous www.consilium.europa.eu > Toute l'actualité > Communiqué de presse > 21 juillet 2020.

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membres de l'UE dans le cadre de la réforme de la fiscalité internationale des entreprises. D'ici à la fin de l'année 2023, la commission présentera une proposition de deuxième panier de sources de recettes18.

4

Grandes lignes du projet

4.1

Réglementation proposée

4.1.1

Conditions-cadres

La réduction de la dette liée au coronavirus aura lieu dans le cadre des dispositions constitutionnelles régissant le frein à l'endettement (art. 126 Cst.). Autrement dit, les dépenses et les recettes doivent être équilibrées à terme (al. 1). À cet effet, le montant des dépenses autorisées est limité à celui des recettes corrigées des effets de la conjoncture (art. 126, al. 2, Cst., voir également art. 13 LFC). Sur l'ensemble d'un cycle conjoncturel, le montant des dépenses correspond donc à celui des recettes et n'entraîne pas de nouvel endettement. Le frein à l'endettement autorise toutefois des dépenses plus élevées dans des cas exceptionnels. Des besoins financiers exceptionnels peuvent justifier un relèvement approprié du plafond des dépenses (art. 126, al. 3, Cst.).

Ces besoins financiers exceptionnels peuvent être invoqués notamment en cas d'«événements extraordinaires échappant au contrôle de la Confédération» (art. 15, al. 1, let. a, LFC). Les mesures destinées à atténuer les effets de l'épidémie de COVID-19 rentrent dans cette catégorie. Les dépenses extraordinaires n'étant pas prises en compte dans le plafond des dépenses ordinaires, les dépenses maximales autorisées sont augmentées des dépenses extraordinaires. La possibilité de faire face à de telles dépenses constitue un aspect essentiel du frein à l'endettement et garantit, dans des situations exceptionnelles, la souplesse nécessaire en matière budgétaire.

La règle complétant le frein à l'endettement a été introduite en 2010 pour les dépenses du budget extraordinaire. Également inscrite dans la LFC (art. 17a à 17d LFC), elle exige que les dépenses extraordinaires qui ne sont pas compensées par des recettes extraordinaires le soient au cours des six exercices comptables suivants par des excédents structurels du budget ordinaire. Pour que la règle complétant le frein à l'endettement n'ait pas un effet trop restrictif dans les situations exceptionnelles, le Parlement a introduit une clause dite de sauvegarde au moyen de laquelle il peut, dans des «cas particuliers», prolonger le délai d'amortissement au-delà des six années prévues. La LFC ne définit pas les conditions dans lesquelles on peut parler de cas particuliers.

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«La Commission propose la prochaine génération de ressources propres de l'UE», communiqué de presse de la Commission européenne du 22 décembre 2021, consultable sous www.ec.europa.eu/commission/presscorner.

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Compte de compensation et compte d'amortissement: statistiques de contrôle du frein à l'endettement Le frein à l'endettement doit être respecté dès l'établissement du budget. Il faut à nouveau vérifier lors de la clôture des comptes que tel a bien été le cas. Les écarts positifs ou négatifs sont comptabilisés dans ces deux comptes, qui constituent des statistiques de contrôle du frein à l'endettement.

Le compte de compensation est la statistique relative au budget ordinaire. Si, à la fin de l'année, les dépenses dépassent le plafond des dépenses, le montant est débité du compte de compensation, et inversement. Si le compte de compensation présente un solde négatif, le découvert doit être compensé au moyen d'excédents.

Au cas où le découvert excéderait 6 % des dépenses (soit env. 4,5 milliards de francs à l'heure actuelle), le délai d'amortissement est limité à trois ans. Un solde positif du compte de compensation, cependant, ne permet pas le relèvement du plafond des dépenses.

À la fin de 2021, le compte de compensation affichait un solde de 23,5 milliards de francs. Ce solde positif montre que les exigences du frein à l'endettement ont été dépassées depuis 2007, c'est-à-dire après l'assainissement des finances fédérales dans les années qui ont suivi l'introduction de cette mesure, et que la dette a reculé. Il y a trois raisons à cela: ­ Marge de manoeuvre budgétaire (excédents structurels budgétisés; 1,4 milliard): le plafond des dépenses n'est jamais atteint au franc près. Mais la marge de manoeuvre restante du budget est en général réduite (93 millions par an en moyenne entre 2007 et 2021).

­ Erreurs de prévision des recettes (6,4 milliards): les recettes figurant au compte d'État ont été dans l'ensemble supérieures au montant budgétisé, ce qui est dû principalement à l'impôt anticipé. Un nouveau modèle d'estimation a été introduit en 2012 pour améliorer l'exactitude des prévisions. Les augmentations et les diminutions de recettes se compensent depuis lors au cours du temps. Depuis 2017, il est en outre tenu compte de la provision pour les remboursements attendus de l'impôt anticipé, ce qui permet de lisser l'évolution des recettes.

­ Dépenses systématiquement moins élevées (soldes de crédits; 15,7 milliards): les dépenses effectives sont systématiquement inférieures aux montants budgétisés. Les
suppléments ont beau générer de nouvelles dépenses en cours d'année (augmentation des crédits budgétaires), les crédits inutilisés sont généralement plus élevés (soldes de crédits). Entre 2007 et 2021, ils ont atteint en moyenne 1050 millions par an, soit 1,6 % des dépenses budgétisées.

Le compte d'amortissement est la statistique de contrôle relative au budget extraordinaire. Les recettes et les dépenses extraordinaires sont inscrites à titre de bonification ou de charge dans ce compte d'amortissement. Selon le droit en vigueur, un découvert doit être compensé par des excédents structurels budgétisés (selon les art. 17b et 17c LFC). L'état du compte indique ainsi le solde cumulé du

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budget extraordinaire depuis l'introduction de la règle complétant le frein à l'endettement en 2010, réduit des éventuels excédents budgétisés inscrits à titre de bonification (selon les art. 17b ou 17c LFC). À la fin de 2021, le compte d'amortissement affichait un découvert de 20,3 milliards de francs.

4.1.2

Réduction de l'endettement au moyen de futurs excédents de financement

Conformément au droit en vigueur, un découvert du compte d'amortissement doit être compensé par des excédents structurels budgétisés. La réglementation proposée prévoit d'affecter à la réduction souhaitée tous les excédents de financement apparaissant dans les résultats du compte. Soit outre l'excédent structurel budgétisé, tous les écarts positifs entre les dépenses et les recettes par rapport au budget qui, selon le droit actuel, sont crédités au compte de compensation.

La réglementation proposée tire parti du fait que les dépenses en fin d'année sont systématiquement inférieures au niveau budgétisé (soldes de crédits, voir ch. 4.1.1).

Le solde de financement réalisé tend par conséquent à être plus élevé que dans le budget. En ce qui concerne les recettes, tout indique par contre que les erreurs d'estimation se compensent à moyen terme, et donc qu'elles ne contribuent pas à la réduction de la dette. Au cours des dix dernières années (2010­2021), les soldes de crédits se sont élevés en moyenne à environ 1 milliard de francs par année (soit 1,6 % des dépenses budgétisées). On peut estimer les soldes de crédits à environ 1 milliard de francs par an en moyenne à l'avenir aussi.

Le délai accordé pour résorber le déficit sera prolongé à trois législatures (2023­2027, 2027­2031, 2031­2035). Afin de disposer d'une flexibilité suffisante au niveau du calendrier, le Conseil fédéral doit encore avoir la possibilité de prolonger le délai d'amortissement d'une législature, en cas d'événements particuliers.

Le découvert du compte d'amortissement de 25 milliards de francs attendu d'ici la fin de 2022 pourra reculer dans la première solution de 2,3 milliards de francs par an, et donc être comblé dans environ 11 à 13 ans (2023­2033 ou 2035). À condition toutefois que la BNS puisse procéder régulièrement à une distribution annuelle de 1,3 milliard de francs et que, comme dans le passé, les soldes de crédits avoisinent 1 milliard de francs par an.

Tableau 2 Découvert et durée de l'amortissement Découvert estimé

Amortissement annuel BNS

~ 25 mrd ~ 30 mrd

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~ 1,3 mrd ~ 1,3 mrd

Durée d'amortissement

Excédents

~ 1 mrd ~ 1 mrd

~ 11 ans ~ 13 ans

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4.1.3

Appréciation de la réglementation proposée

La réglementation proposée vise une réduction explicite et donc directe de la dette liée au coronavirus. En outre, elle affecte délibérément peu le système du frein à l'endettement, qui a fait ses preuves. Les excédents structurels réalisés seront entièrement crédités au compte d'amortissement en vue de la réduction de son découvert. Une fois le découvert résorbé, les mécanismes actuels du frein à l'endettement s'appliquent à nouveau.

Cette réglementation transitoire ne grève pas le budget ordinaire. Pour des raisons inhérentes au système, des dépenses moindres apparaissent lors de la clôture des comptes. Ces montants sont suffisants pour permettre, avec la distribution additionnelle de la BNS, de procéder à l'amortissement nécessaire. La reprise de l'économie ne sera donc pas compromise par des programmes d'allégement ou des hausses d'impôts.

Après la mise en oeuvre, la dette poursuivra sa décrue, à condition que perdure la situation actuelle en matière de distributions additionnelles de la BNS et de soldes de crédits.

Le frein à l'endettement a fait ses preuves, notamment grâce à sa conception asymétrique: les déficits doivent être éliminés au stade du budget, et les excédents réalisés sont affectés à la réduction de la dette. La dette a ainsi sensiblement diminué, les années fastes notamment, sans que l'accomplissement des tâches ordinaires en souffre ou que les investissements dans l'infrastructure ou la formation soient négligés pour autant.

La fiabilité et la résilience des finances fédérales ont ainsi pu être renforcées, ce qui s'est avéré extrêmement utile lors de la crise du COVID-19. Le contexte budgétaire favorable a ainsi permis d'atténuer rapidement les conséquences financières de cette crise. De plus, l'attrait de la place économique suisse dépend en grande partie du mécanisme du frein à l'endettement et de la bonne santé des finances publiques, car ceuxci jouent pour de nombreuses entreprises un rôle déterminant dans leur choix de s'implanter en Suisse.

4.2

Mise en oeuvre

Le Conseil fédéral a pour objectif de mettre en vigueur de la modification de la LFC le 1er mars 2023. Une entrée en vigueur à cette date est possible si l'examen de cet objet par le Parlement débute à l'été 2022 et s'achève à l'automne 2022, et dans la mesure où aucun référendum n'est lancé. Les modifications de la LFC pourraient alors s'appliquer pour la première fois dès le compte d'État 2022. Il n'est pas nécessaire de modifier l'ordonnance du 5 avril 2006 sur les finances de la Confédération19.

La réduction de la dette liée au coronavirus se traduit par le recul du découvert du compte d'amortissement. Le solde du compte d'amortissement est publié chaque année dans le cadre du compte d'État.

19

RS 611.01

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5

Commentaire des dispositions

La réduction proposée de la dette liée au coronavirus est concrétisée au moyen d'une modification de la LFC. Cette dernière est complétée par une disposition de durée limitée régissant la résorption du découvert du compte d'amortissement: elle sera abrogée à l'expiration du délai fixé pour la compensation de ce découvert.

Par ailleurs, les modifications proposées aux art. 3, 8a et 17c ne font que formaliser la pratique actuelle et n'ont aucun lien avec la réduction de la dette liée au coronavirus.

Art. 3, al. 6, let. b Cette modification constitue une correction formelle. L'art. 3 contient la définition de termes de la LFC. Il a été reformulé dans le cadre de la dernière modification de la LFC du 19 mars 202120, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. L'al. 6 donne la définition légale des recettes, qui incluent non seulement les revenus, mais aussi les recettes d'investissement (let. b). Il convient toutefois d'étendre la définition aux remboursements de prêts pour qu'elle reflète la pratique actuelle: les prêts accordés par la Confédération sont considérés comme des dépenses d'investissement et, par analogie, leur remboursement génère des recettes d'investissement. La modification du 19 mars 2021 de la LFC en tient déjà matériellement compte à l'art. 8a. L'extension de la définition du terme recettes à l'art. 3 permet d'établir le lien formel nécessaire entre ces deux dispositions.

Art. 8a, al. 3 La modification ne concerne que la version française et parachève également la révision de la LFC du 19 mars 2021. La nouvelle version montre clairement que les prêts mais aussi les contributions à des investissements ont été accordés par la Confédération. Cela concorde avec les versions allemande et italienne en vigueur.

Art. 17c, al. 1bis L'art. 17c prévoit la possibilité d'effectuer des économies à titre préventif. L'Assemblée fédérale peut ainsi abaisser le plafond des dépenses totales autorisées par le frein à l'endettement pour compenser les découverts à prévoir du compte d'amortissement.

De telles économies à titre préventif ne sont toutefois autorisées qu'à condition que le compte de compensation soit au moins équilibré (voir al. 2).

Selon l'al. 1, l'Assemblée fédérale abaisse le plafond lors de l'adoption du budget.

En 2010 comme en 2019 et en 2020, les charges grevant le compte d'amortissement
ne sont apparues qu'après l'adoption du budget. Le Parlement n'a donc procédé aux économies nécessaires qu'a posteriori, au stade de l'adoption du compte d'État21. La disposition de l'art. 17c doit par conséquent être adaptée à la pratique existante.

20 21

RO 2021 662 Arrêté fédéral I du 15 juin 2011 concernant le compte d'État de la Confédération pour l'année 2010 (FF 2011 5825), pour les années 2019 et 2020 (pas encore publié).

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Art. 17e Le nouvel art. 17e règle la façon dont le découvert du compte d'amortissement dû en particulier à l'épidémie de COVID-19 est traité. Il prend en considération non seulement les dépenses extraordinaires au titre des mesures destinées à atténuer les conséquences de la crise du COVID-19, mais aussi les éventuelles autres dépenses extraordinaires qui pourraient être engagées durant la période de compensation. La compensation proposée correspond à la solution retenue lors de la définition de la règle complétant le frein à l'endettement: l'amortissement individuel des diverses charges extraordinaires continue d'être rejeté en raison de sa complexité et de son manque d'intelligibilité22.

Selon l'al. 1, les excédents structurels qui se forment dans le compte d'État devront dorénavant, conformément au mécanisme du frein à l'endettement, être crédités non pas au compte de compensation, mais au compte d'amortissement. Ils comprennent d'un côté les excédents de financement budgétisés, sachant que le frein à l'endettement doit déjà être respecté à ce stade, et de l'autre les écarts apparaissant entre les dépenses et les recettes par rapport au budget.

Expérience à l'appui, les dépenses affichées lors de la clôture des comptes sont en moyenne inférieures de 1 milliard de francs au niveau budgétisé. Les dépenses inférieures à celles prévues au budget tendent dès lors à produire des excédents, qui doivent être crédités au compte d'amortissement. En ce qui concerne les recettes, tout indique par contre que les erreurs d'estimation se compensent à moyen terme, et donc qu'elles ne contribuent pas à la réduction de la dette (voir ch. 4.1.1). Les éventuels déficits de financement continuent par ailleurs d'être débités du compte de compensation (voir ici les art. 17c, al. 2, et 17d LFC).

L'al. 2 prolonge le délai fixé pour compenser le découvert du compte d'amortissement jusqu'au terme des trois prochaines législatures, soit jusqu'à la fin de 2035 (voir ch. 4.1). Cette prolongation tient compte de manière adéquate du montant extraordinairement élevé de la dette liée au coronavirus. Au cas où des événements particuliers échappant au contrôle de la Confédération surviendraient pendant la prolongation de délai accordée et faute de pouvoir réaliser la compensation prévue, le délai peut être prolongé (al. 3). Le
Conseil fédéral fait à l'Assemblée fédérale une proposition dans ce sens en temps voulu, c'est-à-dire si possible avant l'établissement du message relatif au budget. Il peut également le faire dans le cadre d'un message concernant les suppléments. On peut considérer avoir affaire à des événements particuliers échappant au pilotage de la Confédération en cas, par exemple, de grave récession ou d'autres phénomènes aux effets négatifs marqués sur la situation économique et qui empêcheraient de combler le découvert du compte d'amortissement jusqu'en 2035. Cela n'implique pas nécessairement l'apparition de nouvelles dépenses extraordinaires. À supposer toutefois que de nouvelles dépenses extraordinaires entraînent, entre 2029 et 2035, une augmentation du découvert du compte d'amortissement de plus de 0,5 % du plafond des dépenses totales comme prévu à l'art. 17b, al. 2, le délai de six ans recommencerait déjà à courir en vertu de l'art. 17b, al. 2.

22

Message du 19 septembre 2008 sur la règle complétant le frein à l'endettement (révision LFC), FF 2008 7693 7711 s.

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Art. 66d La disposition transitoire fixe la première application des nouvelles dispositions de l'article 17e à la clôture du compte 2022. Cela est conforme à l'intention du Conseil fédéral de mettre en vigueur la modification de la LFC le 1er mars 2023 (voir ch. 4.2).

Si les délibérations parlementaires prenaient du retard ou si un référendum était lancé, la modification de la loi pourrait entrer en vigueur à une date ultérieure. Comme le compte d'amortissement et le compte de compensation constituent des statistiques de contrôle (voir ch. 4.1.1), l'adaptation peut également être mise en oeuvre rétroactivement pour l'exercice 2022.

Ch. II La présente modification de la LFC est sujette au référendum conformément à l'art. 141, al 1, let. a, Cst. (al. 1). Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur (al. 2).

L'art. 17e est limité dans le temps conformément à l'al. 3 et doit avoir effet jusqu'au 31 juillet 2040, c'est-à-dire jusqu'à la clôture de l'exercice 2039. Le délai fixé pour la réduction du découvert est dès lors prolongé à l'art. 17e, al. 2 et 3, jusqu'à la clôture de l'exercice comptable 2039 au plus tard. À supposer toutefois que le découvert du compte d'amortissement ait déjà été entièrement comblé et donc que son solde soit égal à zéro avant cette date, le Conseil fédéral abrogera cette disposition.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

6.1.1

Conséquences financières

La mise en oeuvre du projet permettra d'utiliser les futurs excédents de financement pour réduire la dette liée au coronavirus. Dans ce but, tous les excédents structurels apparaissant dans les résultats du compte sont portés au crédit du compte d'amortissement et non à celui du compte de compensation. Le découvert du compte d'amortissement peut ainsi être réduit en moyenne d'environ 1 milliard de francs par an, puisque l'expérience montre que les montants portés au budget ne sont pas intégralement épuisés (soldes de crédits). Cela ne grève donc pas les finances fédérales.

La compensation du découvert du compte d'amortissement réduira la dette liée au coronavirus, augmentant ainsi la résistance des finances fédérales aux crises financières et économiques à venir. Au terme de l'amortissement, la dette de la Confédération continuera de reculer grâce aux soldes de crédits liés à des dépenses inférieures au budget.

La réduction de la dette permettra à la Confédération de diminuer ses coûts de financement. Les charges liées aux intérêts passifs seront moindres, a fortiori en cas de hausse des taux.

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6.1.2

Autres conséquences

La modification n'a pas de conséquences sur l'état du personnel ni sur d'autres domaines.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les villes, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a pas de conséquences pour les cantons et les communes, ni pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne.

6.3

Conséquences économiques

La modification proposée de la LFC de la Confédération n'aura aucune conséquence économique immédiate. Elle a cependant des retombées indirectes sur l'économie dans son ensemble: ­

Place économique: des finances publiques saines rehaussent l'attrait de la place économique sur le plan international, notamment parce que des augmentations d'impôts ne sont pas à craindre.

­

Croissance: le projet évite les hausses d'impôts et les mesures d'économies.

Il n'entrave donc pas la reprise économique après la crise du COVID-19.

6.4

Autres conséquences

Le projet n'a pas d'incidence sur la société et l'environnement. Il n'a pas non plus de conséquences sur d'autres domaines.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Modifiant ponctuellement la LFC, le projet repose, comme cette loi, sur les art. 126 et 173, al. 2, Cst. L'art. 126 Cst. règle le frein à l'endettement et fonde certaines compétences. L'art. 173, al. 2, Cst., est la base constitutionnelle permettant de régler l'organisation et les procédures de la Confédération (compétence inhérente de la Confédération).

Le frein à l'endettement exige d'équilibrer à terme les recettes et les dépenses, compte tenu de la situation conjoncturelle (art. 126, al. 1 et 2, Cst). La prise en compte de l'évolution conjoncturelle fait également l'objet d'une disposition relative à la politique conjoncturelle (art. 100, al. 4, Cst.). En outre, le frein à l'endettement offre la

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souplesse nécessaire en cas de «graves événements imprévus qui compromettent sérieusement l'évolution économique»23. Prévu à l'art. 126, al. 3, Cst., le régime particulier autorise et impose le traitement exceptionnel des besoins financiers extraordinaires causés notamment par des récessions graves, des catastrophes naturelles ou des faits de guerre24. Un besoin de financement extraordinaire est notamment soumis à une réglementation moins rigoureuse que des dépenses ordinaires.

Le régime particulier prévu à l'art. 126, al. 3, Cst. comporte quelques points de friction avec l'al. 1. En adoptant la règle complétant le frein à l'endettement (art. 17a à 18 LFC), le législateur a réglé ces points de friction et a prévu que le découvert extraordinaire devrait lui aussi être réduit. Le mécanisme de sanction déjà évoqué à l'art. 126, al. 4, Cst. à propos de la compensation de découverts est cependant moins rigoureux pour le budget extraordinaire que pour le budget ordinaire. D'une part, le délai prescrit pour la compensation du budget extraordinaire est plus long et peut être encore prolongé par le Parlement, et d'autre part, l'obligation d'assainissement n'existe que si le budget ordinaire est équilibré (subordination).

Le présent projet est conforme aux dispositions constitutionnelles. En introduisant la règle complétant le frein à l'endettement, le législateur n'a pas escompté des charges extraordinaires aussi élevées que celles requises pour faire face à l'épidémie de COVID-19. L'adaptation temporaire de la LFC en tient compte, d'une part en allongeant le délai d'amortissement à trois, voire au maximum quatre législatures, et, d'autre part, en permettant des montants d'amortissement plus élevés parce qu'il est possible d'utiliser à cet effet non seulement la partie budgétisée, mais aussi les excédents ordinaires réalisés.

La modification temporaire de la loi garantit un traitement différencié des dépenses extraordinaires, conformément à l'art. 126, al. 3, Cst., instaure la souplesse nécessaire pour adapter la réduction de l'endettement à l'évolution de la conjoncture, conformément aux art. 100 et 126 Cst. Elle garantit également l'équilibre durable des finances fédérales exigé par l'art. 126, al. 1, Cst.

Compensation entre le compte de compensation et le compte d'amortissement Dans l'optique du
présent message, les Commissions des finances des Chambres fédérales ont demandé des explications concernant l'admissibilité sur le plan constitutionnel d'une compensation entre le compte de compensation et le compte d'amortissement.

Il est possible de vérifier si la Confédération équilibre ses recettes et ses dépenses à terme, comme l'impose l'art. 126, al. 1, Cst., au moyen des statistiques de contrôle pour le budget ordinaire et extraordinaire, à savoir le compte de compensation (art. 16 LFC) et le compte d'amortissement (art. 17a LFC)25. La compensation unique, à justifier par des circonstances extérieures, du découvert sur le 23 24 25

Message du 5 juillet 2000 sur le frein à l'endettement, FF 2000 4295 4317.

Message du 5 juillet 2000 sur le frein à l'endettement, FF 2000 4295 4336.

Voir compte d'État 2020, chap. frein à l'endettement, p. 24 à 26, consultable sous www.efv.admin.ch > Rapports financiers > Comptes d'État > 2020 > Tome 1 Rapport sur le Compte d'État 2020.

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compte d'amortissement par des excédents structurels passés qui ont été consignés sur le compte de compensation est admissible en droit constitutionnel dès lors qu'elle n'entraîne pas un solde négatif du compte de compensation.

Les statistiques de contrôle sont tenues séparément parce que la Constitution réclame un traitement différencié des dépenses extraordinaires. Les soldes du compte de compensation et du compte d'amortissement ne sont cependant pas des paramètres totalement dissociés les uns des autres. Ainsi, il est également prévu que les contributions venant du budget ordinaire puissent compenser les découverts du budget extraordinaire (art. 17b, al. 1, LFC). Certes, un transfert du compte de compensation au compte d'amortissement perce la séparation entre dépenses ordinaires et dépenses extraordinaires, mais il ne porte pas atteinte au caractère privilégié des dépenses extraordinaires.

Une compensation unique pourrait être mise en oeuvre par une disposition transitoire de la LFC et ne déclencherait donc pas de changement de système lors de la mise en oeuvre des dispositions constitutionnelles relatives au frein à l'endettement (art. 126 Cst.).

La crise déclenchée par le COVID-19 a montré que la réserve existant sur le compte de compensation (ou la réduction de la dette des années passées) rend les finances fédérales résistantes aux crises. Du point de vue de la politique budgétaire, une réserve substantielle devrait donc être conservée sur le compte de compensation. C'est pourquoi, dans le cadre de la consultation, le Conseil fédéral a mis en discussion une compensation uniquement pour moitié des dettes liées au coronavirus, dans la deuxième solution qui a ensuite été rejetée.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La politique budgétaire de la Confédération est régie par le droit national. Elle n'est pas soumise au droit international dans le cas présent.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet contient des dispositions fondamentales qui fixent des règles de droit relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales (art. 164, al. 1, let. g, Cst.). Ces dispositions doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale, en l'occurrence la LFC. En outre, l'art. 126, al. 5, Cst. dispose que les modalités d'application du frein à l'endettement doivent être réglées dans la loi.

La disposition relative à la compensation du découvert du compte d'amortissement (art. 17e LFC) porte sur la dette liée au coronavirus. Il s'agit donc d'une disposition de durée limitée. Si le découvert du compte d'amortissement est entièrement compensé avant l'échéance du délai, elle sera abrogée par le Conseil fédéral.

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7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne contient pas de nouvelles dispositions relatives aux subventions et ne prévoit pas de nouveaux crédits d'engagement ou plafonds de dépenses. Le projet n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst).

7.5

Délégation de compétences législatives

La révision partielle proposée de la LFC ne contient pas de délégation de compétences en vue de l'adoption d'une ordonnance supplétive.

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