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Planification des besoins et mise en place de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 20 septembre 2022

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Condensé Sise à Bellinzone, la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (TPF) a pris ses fonctions le 1er janvier 2019. Cependant, avant même cette date, le Parlement avait dû, de toute urgence, augmenter les ressources financières et le personnel de la cour prévus à l'origine. De plus, les commissions de surveillance du Parlement ont dû, jusqu'à aujourd'hui, se pencher sur des questions liées à l'indépendance de la cour, à ses locaux et à ses ressources insuffisantes.

En raison des problèmes rencontrés lors de la phase initiale de la mise en place de la Cour d'appel, les Commissions de gestion (CdG) ont décidé d'analyser de plus près comment et par qui les besoins de la Cour d'appel ont été planifiés, comment la cour a été mise en place et quels enseignements pouvaient être tirés des résultats de l'enquête.

Les CdG ont constaté que les nombres d'affaires et de juges nécessaires ont d'emblée été nettement sous-estimés lors de la planification. Alors qu'un groupe de travail institué au sein du TPF avait évalué en 2014 déjà que les ressources nécessaires étaient environ deux fois plus élevées que ce que prévoyait le président du TPF de l'époque dans ses premières estimations ­ ce qui n'était pas éloigné des besoins réels actuels ­, il n'a pas été donné suite aux travaux du groupe de travail. En effet, les membres de la Commission administrative du Tribunal fédéral (CA-TF) ­ qui constitue l'autorité de surveillance du TPF ­ ainsi que le président du TPF de l'époque estimaient que ces travaux de planification n'avaient aucune chance d'être acceptés par le Conseil fédéral et le Parlement et qu'ils empêcheraient la création d'une instance d'appel en lieu et place d'une extension du pouvoir de cognition du TF. La mauvaise estimation du nombre de cas et l'évaluation trop faible du nombre de juges nécessaires ont eu des conséquences notables sur la planification de l'organisation de la juridiction d'appel, sur sa capacité à fonctionner ainsi que sur la planification des besoins en locaux.

En outre, les CdG ont conclu que le président du TPF de l'époque s'était certes personnellement beaucoup engagé en faveur de la création d'une cour d'appel, mais qu'il n'avait pas suffisamment impliqué le tribunal dans l'élaboration du projet et en avait écarté la Commission administrative du TPF (CA-TPF), pourtant
compétente en la matière. Le président du TF et la CA-TF, qui est l'instance compétente en matière de surveillance du projet, n'ont pas assumé leurs tâches de façon suffisante et n'ont pas clarifié les rôles.

Dans l'ensemble, une gestion de projet effective a fait défaut lors de la mise en place de la Cour d'appel. De plus, les CdG ont identifié certaines lacunes dans la gestion du dossier et dans l'établissement des procès-verbaux des décisions de la CA-TPF.

Fortes de leurs constatations, les CdG ont formulé cinq recommandations à l'intention des tribunaux (ch. 3.2 à 3.4).

Elles jugent positif que le TPF prévoie actuellement un développement judicieux de la Cour d'appel et souhaite mener les travaux de planification au sein des organes ordinaires, selon les principes de la gestion de projet.

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Les CdG estiment par ailleurs qu'il y a lieu de prendre des mesures en matière d'organisation et de personnel. Pour cette raison, elles proposent aux Commissions des affaires juridiques d'entamer une révision des bases légales régissant l'organisation du TPF dans le sens de leurs considérations (ch. 3.5), dans le but de créer un tribunal indépendant chargé des appels ou à la fois des appels et des recours en tant que juridiction de deuxième instance; ce faisant, elles tiendront compte des travaux de planification et de conception menés actuellement par le TPF.

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Table des matières Condensé

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1

Introduction 1.1 Contexte 1.2 Objet de l'enquête 1.3 Procédure

6 6 6 6

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Constats 2.1 Projets de création d'une juridiction d'appel 2.1.1 Message du Conseil fédéral du 4 septembre 2013 2.1.2 Réflexions des tribunaux concernant la création d'une juridiction d'appel 2.1.2.1 Lettre du président du TPF du 12 février 2014 2.1.2.2 Rapport du groupe de travail interne du TPF du 10 mars 2014 2.1.2.3 Séance de surveillance du 2 avril 2014 2.1.3 Collaboration du TPF à l'examen préalable des commissions 2.1.3.1 Avis des tribunaux à l'intention de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États 2.1.3.2 Élaboration de bases par l'Office fédéral de la justice 2.1.3.3 Premier projet de loi de l'OFJ 2.1.3.4 Avis du président du TPF sur le premier projet de loi 2.1.3.5 Élaboration d'un deuxième projet de loi par l'Office fédéral de la justice 2.1.4 Renvoi du projet au Conseil fédéral en mai 2015 2.1.5 Préparation du rapport additionnel du Conseil fédéral du 17 juin 2016 2.1.6 Message additionnel du Conseil fédéral du 17 juin 2016 2.2 Mise en place de la Cour d'appel 2.2.1 Avant l'entrée en fonction de la Cour d'appel le 1er janvier 2019 2.2.1.1 Efforts déployés au sein du TPF afin d'augmenter les ressources 2.2.1.2 La CA-TPF s'adresse aux commissions parlementaires 2.2.1.3 Efforts déployés dans les commissions et au Parlement pour accroître les ressources 2.2.2 Depuis l'entrée en fonction de la Cour d'appel le 1er janvier 2019 2.2.2.1 Indépendance et locaux de la Cour d'appel

7 7 7

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9 9 11 12 13 13 13 14 15 16 17 17 19 21 21 21 22 23 25 25

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2.2.2.2

2.2.3

2.2.4

Le Parlement approuve la création d'un quatrième poste de juge 2.2.2.3 Évolution du nombre des nouvelles affaires introduites et des affaires en suspens, et de la durée des procédures, de 2019 à la fin juin 2022 Rétrospective des tribunaux sur leur appréciation de l'époque 2.2.3.1 Rétrospective du président du TPF de l'époque 2.2.3.2 Avis d'autres juges du TPF 2.2.3.3 Rétrospective du TF Plans pour le futur de la Cour d'appel 2.2.4.1 Besoins en ressources et projets de réorganisation 2.2.4.2 Projets de déménagement de la Cour d'appel dans le bâtiment «Pretorio»

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3

Appréciation, conclusions et recommandations 3.1 Compétences des tribunaux 3.2 Estimation erronée du personnel nécessaire 3.3 Implication insuffisante des organes du TPF 3.4 Gestion des dossiers lacunaire 3.5 Développement de la Cour d'appel 3.5.1 Situation en matière de personnel 3.5.2 Modèle d'organisation

36 36 37 38 41 41 42 42

4

Proposition aux Commissions des affaires juridiques

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5

Suite de la procédure

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Liste des personnes auditionnées

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Noms et fonctions des personnes mentionnées

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Liste des abréviations

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Sise à Bellinzone, la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral (TPF) a pris ses fonctions le 1er janvier 2019. Cependant, avant même cette date, le Parlement avait dû, de toute urgence, augmenter les ressources financières et le personnel de la cour prévus à l'origine. Pendant cette phase de mise en place, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) et les Commissions des finances (CdF) avaient déjà dû se pencher sur des questions liées à l'indépendance de la cour, à ses locaux et à ses ressources insuffisantes. Plus de trois ans plus tard, les questions essentielles (effectifs suffisants, locaux séparés et indépendance institutionnelle) n'ont pas encore été résolues.

1.2

Objet de l'enquête

En raison des problèmes rencontrés lors de la phase initiale de la mise en place de la Cour d'appel, les CdG ont chargé leurs sous-commissions Tribunaux/MPC1 (ci-après: les sous-commissions) d'analyser de plus près la planification des besoins et la mise en place de la cour. Sur la base des résultats de cette analyse, des solutions doivent être envisagées pour l'avenir.

Se fondant sur le mandat des CdG, les sous-commissions ont défini les questions d'enquête suivantes: 1.

Comment et par qui les besoins de la Cour d'appel ont-ils été planifiés?

2.

Comment s'est déroulée la mise en place de la Cour d'appel avant et depuis sa prise de fonction?

3.

Quels enseignements peuvent être tirés et quelles solutions peuvent être envisagées sur la base de cette analyse?

1.3

Procédure

Les sous-commissions ont chargé leur secrétariat de rassembler les documents des tribunaux et de l'administration fédérale pertinents pour l'enquête et de les analyser à leur intention.

1

Membres de la sous-commission Tribunaux/MPC de la CdG-N: Manuela Weichelt (présidente) Marianne Binder-Keller, Prisca Birrer-Heimo, Katja Christ, Yvette Estermann, Erich Hess, Christian Imark, Isabelle Pasquier-Eichenberger, Laurent Wehrli. Membres de la sous-commission Tribunaux/MPC de la CdG-E: Hans Stöckli (président), Thierry Burkart, Marco Chiesa, Daniel Fässler, Carlo Sommaruga.

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Elles ont auditionné des représentantes et des représentants du TPF et du Tribunal fédéral (TF) et ont inclus dans leurs travaux les résultats d'auditions menées en lien avec la Cour d'appel depuis 2018.

Le présent rapport a été mis en consultation auprès de toutes les autorités concernées avant son adoption par les CdG et sa publication. Les CdG ont examiné et, pour partie, approuvé les propositions de modification formulées dans le cadre de la consultation.

Les CdG ont adopté le présent rapport le 20 septembre 2022 et ont décidé de le publier.

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Constats

2.1

Projets de création d'une juridiction d'appel

2.1.1

Message du Conseil fédéral du 4 septembre 2013

En réponse à la motion 10.31382 adoptée par le Parlement, le Conseil fédéral a présenté au Parlement le message du 4 septembre 2013, qui prévoyait d'octroyer au TF la compétence d'examiner les faits et l'appréciation des preuves lorsqu'il est saisi d'un recours contre une décision de la Cour des affaires pénales du TPF (extension du pouvoir d'examen)3.

Le TF a rejeté l'extension proposée de son pouvoir d'examen en matière pénale, soulignant qu'une telle extension risquerait d'entraîner une surcharge de travail et de rallonger les procédures. Il a également émis des réserves d'ordre général: un examen des faits par le TF serait diamétralement opposé aux objectifs de la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale et du rôle du TF en tant que tribunal suprême; en outre, un tel examen contredirait l'idée de base selon laquelle il y a lieu de créer les instances inférieures nécessaires de sorte que le TF puisse se concentrer sur l'examen des questions de droit. Selon le TF, l'estimation avancée par le Conseil fédéral dans les documents de consultation, selon laquelle il ne faut s'attendre qu'à onze recours en matière pénale par année en moyenne, est incorrecte. Selon que le TF doive se contenter de vérifier si les faits constatés par l'instance inférieure sont arbitraires ou, au contraire, vérifier l'exactitude des faits contenus dans une pile de documents (qui pourraient représenter des centaines de classeurs fédéraux), la différence est énorme.

Le TF précise que le TPF emploie dans sa Cour des affaires pénales 10 juges, pour un total de 7,7 postes, pour traiter 25 affaires par an en moyenne: cela montre à quel point l'établissement des faits constitue une charge de travail considérable. Le TF estime qu'il serait judicieux de créer une juridiction d'appel en tant qu'instance inférieure au TF4, par analogie avec les modèles cantonaux.

2 3

4

Mo 10.3138 (Janiak), Étendre le pouvoir de cognition du Tribunal fédéral aux recours introduits contre un arrêt du Tribunal pénal fédéral, adoptée le 17 décembre 2010.

Message du Conseil fédéral du 4 septembre 2013 concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (Extension du pouvoir d'examen aux recours en matière pénale ), FF 2013 6375.

Message du 4 septembre 2013, FF 2013 6375, en l'occurrence 6383.

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Lors de la consultation relative au message du Conseil fédéral, le TF et le TPF avaient proposé deux solutions, précisant qu'ils donnaient leur préférence à la première: 1.

création d'une juridiction d'appel au sein du TPF: la Cour des plaintes du TPF se verrait attribuer la tâche supplémentaire d'une juridiction d'appel et deviendrait ainsi une juridiction chargée à la fois des appels et des recours. Le code de procédure pénale5 (art. 20, al. 2) autorise une telle réunion de ces attributions. La restriction selon laquelle les membres de l'autorité de recours ne peuvent pas statuer dans la même affaire comme membres de la juridiction d'appel (art. 21, al. 2, CPP) ne pose aucun problème si on prévoit suffisamment de juges au sein de cette nouvelle juridiction chargée à la fois des appels et des recours. Le Parlement devrait élire les juges soit au sein de la première instance, soit au sein de la deuxième. Une telle juridiction pourrait être créée à moindre coût, car il s'agirait alors de subdiviser le TPF en un tribunal pénal de première instance et une juridiction chargée à la fois des appels et des recours. Il faudrait encore évaluer le nombre exact de juges et de greffiers et greffières, car on peut partir du principe que des synergies seraient possibles;

2.

création d'une juridiction d'appel indépendante au sein du Tribunal administratif fédéral (TAF), à Saint-Gall: le TF estime qu'une telle juridiction d'appel nécessiterait l'élection de deux juges d'appel exerçant à titre principal (1,5 à 2 postes), secondés par des juges exerçant à titre accessoire6.

La question du recours contre une décision de la Cour des plaintes du TPF avait déjà été longuement examinée en 2008, dans le message7 relatif à la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP)8. Le Conseil fédéral avait alors examiné quatre options:

5 6 7 8

1.

créer un tribunal indépendant: le Conseil fédéral avait rejeté cette possibilité, notamment parce que le nombre de cas escomptés (11 par année) ne justifiait pas la création d'un tribunal indépendant. À l'époque, le Conseil fédéral prévoyait déjà un effectif de deux juges ordinaires tout au plus, complété par des juges exerçant à titre accessoire;

2.

rattacher la juridiction d'appel au Tribunal pénal fédéral, à Bellinzone: le Conseil fédéral craignait qu'une telle solution ne mette en péril l'indépendance des juges;

3.

confier au TF la fonction de juridiction d'appel: le Conseil fédéral avait proposé cette option dans l'avant-projet de LOAP, mais y avait renoncé dans son message;

4.

maintenir les voies de droit alors en vigueur, selon lesquelles les décisions de la Cour des affaires pénales du TPF pouvaient être attaquées devant le TF au

Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP), RS 312.0.

Message du 4 septembre 2013, FF 2013 6375, en l'occurrence 6383 s.

Message du Conseil fédéral du 10 septembre 2008 relatif à la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération, FF 2008 7371.

Loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (loi sur l'organisation des autorités pénales, LOAP), RS 173.71.

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moyen du recours en matière pénale. Le TF pouvait ainsi vérifier l'application du droit, mais ne pouvait pas réexaminer les faits constatés par l'instance inférieure. C'est uniquement si les faits avaient été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit que le TF pouvait corriger la constatation concernée. Cette option ne répondait pas aux règles prévues par le CPP, qui prévoyaient que les décisions des tribunaux de première instance devaient pouvoir être réexaminées sans restriction, aussi bien sur le plan juridique qu'en ce qui concerne l'établissement des faits. C'est cette option qui a été préférée lors des débats relatifs à la LOAP et elle est restée en vigueur jusqu'à la création de la cour d'appel actuelle.

Le Conseil fédéral a mis en oeuvre la motion 10.3138 (Janiak), transmise par le Parlement, dans son message du 4 septembre 2013. Cette motion demandait de mettre au point la troisième option envisagée dans l'avant-projet de LOAP, à la différence que le TF ne devait pas recueillir des preuves lui-même, qu'une audience n'était pas nécessaire et qu'il pouvait renvoyer les recours à l'instance inférieure (à savoir la Cour des affaires pénales du TPF) pour révision9.

S'agissant des estimations du nombre de cas mentionnées dans son message, le Conseil fédéral a expliqué que, par le passé, une moyenne de onze recours en matière pénale étaient déposés chaque année contre des jugements de la Cour des plaintes du TPF, considérant qu'un recours pouvait concerner plusieurs personnes.

2.1.2

Réflexions des tribunaux concernant la création d'une juridiction d'appel

Pendant la phase des délibérations parlementaires relatives au projet du Conseil fédéral du 4 septembre 2013, le TPF et le TF ont réfléchi plus avant à la question de la création d'une juridiction d'appel, car ils ne soutenaient pas la solution proposée par le Conseil fédéral sur la base de la motion Janiak, à savoir l'extension du pouvoir d'examen du TF (cf. ch. 2.1.1).

2.1.2.1

Lettre du président du TPF du 12 février 2014

En décembre 2013, le président du TF a chargé le président du TPF d'élaborer un modèle prévoyant la mise sur pied d'une juridiction d'appel (au sein du TPF)10.

Le 1er janvier 2014, la présidence du TPF a changé. Le 4 février, le président du TF a informé le nouveau président du TPF, par courriel, qu'il s'était mis d'accord avec son prédécesseur pour élaborer un projet détaillé de juridiction d'appel au sein du TPF.

Selon lui, il s'agissait de pouvoir présenter à temps une solution concrète au Parlement lors de l'examen du message du Conseil fédéral consacré à la mise en oeuvre de la motion Janiak. Vu que le Parlement allait bientôt s'y atteler, le président du TF demandait où en étaient les travaux.

9 10

Message du 4 septembre 2013, FF 2013 6375, en l'occurrence 6387.

Note du secrétaire général du TF du 2 décembre 2013.

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Dans l'échange de courriels qui a suivi, le 4 février 2014, les deux présidents ont finalement décidé qu'il valait mieux, pour des raisons tactiques, ne pas élaborer de projet concret dans l'immédiat, et qu'il était préférable de ne présenter que des informations générales fiables sur la faisabilité, les coûts et le nombre de juges supplémentaires, ce qui ne devait pas pour autant les empêcher de continuer à réfléchir en interne afin de pouvoir réagir rapidement si on leur demandait des informations complémentaires11.

Le même jour, le président du TPF a transmis cet échange de courriels aux présidents des deux cours, qu'il a invités à s'entretenir avec lui le jour suivant à propos de cette question; il a précisé qu'il ne souhaitait pas, dans un premier temps, aborder cette dernière au sein de la CA-TPF, préférant la régler au niveau présidentiel. Il a fait parvenir une copie de son courriel aux deux autres membres de la CA-TPF ­ celle-ci comptait à l'époque cinq membres ­ pour les en informer. L'un des deux membres, le vice-président, y a répondu en s'étonnant que le président du TPF ne souhaite pas traiter cette question sensible au sein de la CA-TPF et a demandé que cela soit le cas.

Le président du TPF a répondu que la question ne pouvait pas attendre jusqu'à la prochaine séance de la commission, qui devait avoir lieu le 18 février 2014, mais qu'il satisferait son souhait d'organiser une séance le lendemain.

Le matin du 5 février 2014, le président a informé les membres de la CA-TPF que le vice-président, qui avait demandé la tenue d'une séance, participerait également à l'entretien avec les présidents des cours; par conséquent, il a estimé inutile d'organiser une séance de la CA-TPF.

À la suite de la rencontre du 5 février 2014, qui n'a pas fait l'objet d'un procès-verbal, le président du TPF a fait parvenir au président du TF, le 12 février 2014, une lettre qu'il avait rédigée en consultant notamment le président de la Cour des plaintes; ce document contenait des réflexions et des informations concernant la création d'une éventuelle juridiction d'appel à Bellinzone et visait avant tout à déterminer les postes de juriste probablement nécessaires (juge et greffier ou greffière). Le président du TPF a précisé qu'il comptait instituer un groupe de travail chargé de se pencher sur les questions
organisationnelles.

Selon ce document, deux solutions se dessinent: soit la nouvelle juridiction disposerait exclusivement de ses propres juges ordinaires qui, pour garantir la flexibilité, pourraient être affectés à plusieurs cours, soit elle serait composée d'un président ou d'une présidente exerçant à titre ordinaire et qui pourrait faire appel, selon les besoins, à des juges d'appel exerçant à titre accessoire. En résumé, l'auteur du document partait du principe que, globalement, quatre postes à temps plein (de juge et de greffier ou greffière) devraient être créés pour garantir le traitement des appels formés contre des jugements de la Cour des plaintes (ce qui correspondait grosso modo à un quart des quinze postes à temps plein que comptait à l'époque la Cour des affaires pénales). Il lui apparaissait donc clairement que, au final, une juridiction d'appel au niveau fédéral pouvait être créée avec des moyens relativement modestes.

S'agissant de l'infrastructure, la lettre précisait que le TPF disposait de suffisamment de place pour héberger les bureaux et les salles d'audience d'une juridiction d'appel.

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Échange de courriels du 4 février 2014 (non publié).

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À long terme, il aurait sûrement été possible de louer des locaux supplémentaires dans le bâtiment «Pretorio», voisin du TPF, une fois les travaux de rénovation terminés.

Par conséquent, selon toute vraisemblance, la création d'une juridiction d'appel à Bellinzone n'aurait nécessité aucune mesure de construction de la part de la Confédération.

Une copie de la lettre du président du TPF a été remise aux juges du TPF, pour information12.

À sa séance du 17 février 2014, la Commission administrative du TF (CA-TF), en sa qualité d'autorité de surveillance du TPF, a pris acte des premières réflexions du président du TPF au sujet de la nécessité de créer une juridiction d'appel qui serait rattachée au TPF. Dans le procès-verbal de la séance, on peut lire que la CA-TF a pris connaissance du fait que le site de Bellinzone offre suffisamment de place pour héberger une juridiction d'appel et que les besoins en personnel se montent à quelque quatre postes.

2.1.2.2

Rapport du groupe de travail interne du TPF du 10 mars 2014

Le 13 février 2014, un groupe de travail a été constitué au sein du TPF; il a été chargé d'établir dans quelle mesure une autorité d'appel fédérale pouvait être mise sur pied au sein du TPF. Ce groupe de travail était composé de quatre juges: deux de la Cour des affaires pénales et deux de la Cour des plaintes.

Selon le rapport qu'il a remis au président du TPF le 10 mars 2014, le groupe de travail a examiné les minima qui lui paraissaient nécessaires au fonctionnement d'une autorité d'appel fédérale au sein du TPF. Il a envisagé plusieurs modèles, en tenant notamment compte de ceux existant dans les cantons.

Concernant la variante A (création d'une juridiction d'appel fédérale, laquelle ne serait compétente que pour les appels), le groupe de travail est arrivé à la conclusion que le modèle du tribunal d'appel indépendant était préférable à celui d'une cour d'appel sise au sein du TPF. En effet, outre la singularité que représenteraient deux instances de jugement au sein du même tribunal, il semble au groupe de travail que ce choix poserait des difficultés d'organisation interne, au risque d'obérer le fonctionnement du TPF entier: en effet, les questions liées à la récusation se poseraient avec une extrême acuité.

Le groupe de travail a également examiné une variante B (création d'une juridiction de recours de deuxième instance): à l'image de ce qui a cours dans presque tous les cantons, les compétences d'une telle juridiction s'étendraient aussi bien aux appels qu'aux recours et correspondraient à celles qui sont actuellement assumées par la Cour des plaintes. On distinguerait ainsi clairement entre première instance et deuxième instance au niveau fédéral.

Dans le cas de la variante A (juridiction d'appel), le groupe de travail a estimé que le nombre de juges ordinaires ne pouvait être inférieur à quatre, pour un taux d'activité 12

Procès-verbal de la séance de la CA-TPF du 18 février 2014 (non publié).

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d'au moins 80 %, notamment parce que les décisions de la juridiction d'appel devaient généralement être prises à trois juges et qu'il fallait s'assurer qu'une composition légale puisse être formée rapidement; en outre, il y avait lieu de tenir compte de la répartition linguistique du pays et des absences. Par ailleurs, il fallait prévoir un minimum de quatre juges exerçant à titre accessoire, compte tenu des fluctuations inhérentes à la charge de travail, ainsi que le même nombre minimal de greffiers et greffières que de juges ordinaires, soit quatre.

Dans le cas de la variante B (juridiction chargée à la fois des appels et des recours), le nombre des postes de juges ordinaires à créer serait plus proche de trois que de quatre, car cette option permettrait de concentrer les activités. Il faudrait également prévoir autant de greffiers et greffières. Par contre, il ne serait pas utile de prévoir des juges suppléants, car les juges ordinaires des autres cours de la juridiction pourraient compenser les fluctuations liées à la charge de travail.

Le rapport du groupe de travail du 10 mars 2014 a été remis aux juges du TPF, pour information13.

Le 27 mars 2014, le président du TPF a informé la Cour plénière, par courriel, qu'il venait de recevoir un appel téléphonique du président du TF, qui lui a fait part de l'importance qu'il accordait au fait que les documents du TPF ­ en particulier le deuxième, à savoir celui qui avait été élaboré par le groupe de travail ­ devaient rester strictement confidentiels et ne devaient pas être transmis à des parlementaires ou à des tiers. Le président du TPF a précisé que lui-même et le président du TF défendraient leur point de vue devant le Parlement, dans l'hypothèse où on leur demanderait de le faire, et qu'il fallait absolument éviter qu'ils doivent répondre de documents du tribunal qui auraient été remis aux parlementaires.

2.1.2.3

Séance de surveillance du 2 avril 2014

Lors de la séance de surveillance que la CA-TF a tenue avec son homologue du TPF (CA-TPF) le 2 avril 2014, la lettre du président du TPF et le rapport du groupe de travail (cf. ch. 2.1.2.1 et 2.1.2.2) ont été évoqués.

Le président du TF a expliqué que lui-même et le président du TPF privilégiaient la création d'une cour d'appel au sein du TPF à titre de contre-proposition à la motion Janiak. Il a précisé que cette proposition commune des deux tribunaux avait été présentée en détail dans le message du Conseil fédéral. Selon lui, d'éventuelles nouvelles propositions des tribunaux réduiraient à néant toute chance de mettre en oeuvre une autre solution que celle de la motion Janiak. Pour cette raison, il a instamment invité le TPF à ne plus évoquer de juridiction d'appel indépendante, précisant toutefois que la façon dont le TPF s'organisait en interne était du ressort du TPF.

Le président du TPF a estimé que la proposition commune d'une cour d'appel interne était la seule solution qui avait encore une chance au niveau politique. Selon lui, le TPF ne souhaitait pas soumettre aux débats politiques une nouvelle proposition de 13

Courriel du président du TPF du 27 mars 2014 (non publié).

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tribunal indépendant. Par conséquent, il a assuré que le TPF veillerait à ne pas nuire au projet commun.

2.1.3

Collaboration du TPF à l'examen préalable des commissions

2.1.3.1

Avis des tribunaux à l'intention de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États

À l'invitation de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E), chargée de l'examen préalable, le TF et le TPF ont pris position en juin 2014 sur le projet du Conseil fédéral du 4 septembre 2013 (cf. ch. 2.1.1). Ils ont réexposé les raisons invoquées dans le message contre l'extension du pouvoir d'examen du TF et plaidé en faveur de l'introduction de la possibilité d'interjeter appel auprès d'une juridiction de seconde instance. En ce qui concerne l'organisation, le TPF a indiqué que des réflexions menées à l'interne lui avaient permis de conclure qu'une juridiction d'appel pourrait être créée pour une charge supplémentaire modérée. Par ailleurs, le tribunal a souligné que les chiffres cités au ch. 3 du message n'étaient pas corrects: entre 2008 et 2013, le nombre de recours adressés au TF était plus de deux fois plus élevé14. Le message fait état de onze recours en matière pénale portés annuellement devant le Tribunal fédéral en moyenne. Selon la statistique de la Cour des affaires pénales du TPF, il y a eu 19 recours en 2008, 61 en 2009, 27 en 2010, 16 en 2011, 12 en 2012 et 22 en 201315.

2.1.3.2

Élaboration de bases par l'Office fédéral de la justice

Dans le cadre du premier examen du projet, le 4 juillet 2014, la CAJ-E a chargé l'Office fédéral de la justice (OFJ) d'élaborer une autre solution afin de mettre en place une instance d'appel au TPF, reprenant ainsi la proposition du TF et du TPF soumise dans le cadre du message du 4 septembre 2013 et renouvelée entretemps par ces deux tribunaux.

L'OFJ avait étudié les possibilités de créer une instance d'appel. Une comparaison entre les deux options possibles a montré que seule la création d'une instance d'appel était compatible avec l'ordre juridique (loi sur le Tribunal fédéral [LTF]16 et CPP). La création d'une cour d'appel sise au TPF présentait les difficultés et les inconvénients suivants: la juridiction de première instance et celle de deuxième instance auraient la même présidence et le nombre de cas serait trop faible pour occuper une cour travaillant dans les trois langues officielles. Pour résoudre le problème du faible nombre de cas, l'OFJ proposait de réunir cette cour d'appel et la Cour des plaintes, mais des juges ayant déjà traité l'affaire concernée pourraient alors avoir des motifs 14 15 16

Lettre du TF du 24 juin 2014 et lettre du TPF du 26 juin 2014 à la CAJ-E (non publiées).

Extrait de la base de données de la Cour des affaires pénales à l'intention des CdG du 30 juin 2022.

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (RS 173.110).

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de récusation. Des juges suppléants seraient nécessaires, mais leur recrutement pourrait s'avérer difficile et cela nuirait au développement d'une pratique juridique uniforme17. Du point de vue juridique, la création d'une nouvelle juridiction d'appel indépendante était encore plus convaincante, mais cette solution présentait les mêmes inconvénients que l'intégration de cette juridiction au TPF, notamment en ce qui concerne le faible nombre de cas. En outre, cette juridiction devrait assurer sa propre gestion.

2.1.3.3

Premier projet de loi de l'OFJ

Le 29 août 2014, l'OFJ a transmis au TPF un premier projet de loi ­ accompagné de commentaires ­ visant à créer une juridiction d'appel, et lui a laissé jusqu'au 15 septembre 2014 pour prendre position, notamment sur les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel. Le projet se fondait sur les propositions faites par le TF et le TPF dans le message du Conseil fédéral et sur le mémorandum du TF du 28 juin 2013. Il prévoyait que le TPF disposerait désormais d'une ou de plusieurs chambres d'appel, qui seraient chargées des appels et des révisions, mais aussi des tâches assumées jusqu'à présent par la Cour des plaintes. Il était prévu que les cours d'appel statuent à trois juges et que le Parlement élise les juges soit en première instance, soit en deuxième (Cour des affaires pénales ou cours d'appel).

Le 2 septembre 2014, le président du TPF a informé la Cour plénière, par courriel, de l'invitation de l'OFJ à prendre position. Il n'a pas joint le projet de l'OFJ du 29 août 2014, mais a souligné que ce dernier comportait de nombreuses erreurs et proposait des réglementations que le tribunal n'accepterait vraisemblablement pas telles quelles.

Il a indiqué qu'il essaierait donc d'organiser un entretien avec l'OFJ pour présenter oralement la position du TPF. Selon lui, une discussion au sein de la Cour plénière était impossible, mais il était possible de discuter de ce projet au sein de la CA-TPF ou au moins avec les membres de la CA-TPF intéressés, les membres de la Cour plénière intéressés étant eux aussi invités à prendre position. Il a proposé la date du 5 septembre 2014 pour tenir cette discussion et prié les personnes intéressées de se manifester; il leur ferait ensuite parvenir le projet.

Un membre de la Cour des plaintes a manifesté son intérêt en indiquant qu'il serait souhaitable que la Cour plénière puisse prendre connaissance du projet de l'OFJ. Peu après, le président du TPF a transmis le projet de l'OFJ à tous les membres de la Cour plénière.

Les discussions et décisions de la réunion du 5 septembre 2014 n'ont pas été consignées par écrit. Neuf juges ont participé à la réunion, à savoir cinq juges de la Cour des affaires pénales et quatre de la Cour des plaintes. D'après les souvenirs du président de l'époque, un argument de poids qui avait été mis en avant pour soutenir
la création d'une troisième cour en lieu et place d'un tribunal indépendant était la possibilité d'entraide entre les cours18. Un participant se souvient que la discussion avait avant tout porté sur le risque de perte d'autonomie pour le tribunal, car le projet 17 18

Document de travail de l'OFJ du 2 juillet 2014.

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 21 (non publié).

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prévoyait que les présidentes et les présidents des cours soient élus par le Parlement.

Sous la pression des délais, le groupe avait décidé de déléguer l'élaboration de la prise de position du TPF au président19.

Le président a fait parvenir le projet de prise de position à la Cour plénière le 11 septembre 2014. Il a également consulté le TF concernant ce projet. Le secrétaire général du TF lui a fait savoir, le 15 septembre, que le président du TF avait pris connaissance du projet en question et n'avait aucune objection à formuler.

2.1.3.4

Avis du président du TPF sur le premier projet de loi

Par lettre du 15 septembre 2014, le président du TPF a informé l'OFJ que, après une discussion interne, le tribunal avait conclu que le projet du 29 août 2014 était tout au moins discutable du point de vue juridique et que l'organisation prévue n'était pas réaliste. Il a souligné que le modèle proposé par l'OFJ prévoyait deux cours qui, tout en étant réunies sous le même toit, fonctionneraient comme deux tribunaux complètement distincts: la cour d'appel, qui serait chargée du traitement des appels et des plaintes et la cour des affaires pénales, qui, comme jusqu'alors, serait un tribunal spécialisé de première instance. Il a estimé qu'une cour des plaintes ainsi conçue entraînerait des problèmes de récusation insolubles. Le tribunal a donc exclu une fusion complète des juridictions compétentes pour les plaintes et pour les appels.

Par ailleurs, l'organisation et le mode d'élection proposés auraient pour conséquence, selon lui, que l'entraide, habituelle dans certains cas entre la Cour des affaires pénales et la Cour des plaintes, deviendrait impossible. Il a rappelé que, dans sa taille actuelle, la Cour des affaires pénales, trilingue, avait impérativement besoin de ce soutien.

De l'avis du tribunal, un modèle envisageable pourrait prévoir, outre les deux cours existantes, une troisième cour indépendante qui serait une cour d'appel. Il faudrait alors engager un ou deux juges ordinaires (au maximum) participant à toutes les procédures et pouvant s'appuyer sur un groupe de juges pénaux cantonaux expérimentés oeuvrant comme juges suppléants. Le tribunal estimait qu'il ne faudrait pas exclure la possibilité d'engager ponctuellement certains membres de la Cour des plaintes au sein de la cour d'appel, à condition que la Cour des plaintes soit toujours en mesure de soutenir la Cour des affaires pénales.

En ce qui concerne les ressources, le tribunal pensait que quatre équivalents plein temps (400 %) seraient nécessaires (ce qui correspondait à un quart des 16 postes de juristes que comptait alors la Cour des affaires pénales). Les 400 % se répartiraient de la manière suivante: 100 % pour la présidence, 200 % pour des postes de greffier ou greffière et 100 % pour des postes de juges suppléants. Des charges supplémentaires modestes représentant entre 1 poste et 1,5 poste viendraient s'ajouter dans les
domaines de l'informatique, de la logistique, de la sécurité et de la chancellerie. En outre, l'infrastructure disponible au tribunal serait suffisamment grande pour héberger la cour d'appel sans investissements supplémentaires.

19

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 17 (non publié).

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Les renseignements fournis par le président du TPF sur les ressources correspondaient environ aux premières réflexions qu'il avait exposées dans sa lettre du 12 février 2014 au président du TF.

Le président a fait parvenir la lettre concernée par courriel à la Cour plénière pour information.

2.1.3.5

Élaboration d'un deuxième projet de loi par l'Office fédéral de la justice

Le 10 octobre 2014, l'OFJ a écrit un courriel au président du TPF l'informant qu'il avait reçu et examiné l'avis du TPF du 15 septembre 2014. Dans ce courriel, il constatait que la proposition du TPF divergeait de celle du TF du 28 juin 2013, alors que le TPF avait approuvé cette dernière. L'OFJ expliquait qu'il avait mis en oeuvre uniquement la proposition du TF. En outre, il invitait le président du TPF à se rendre dans ses locaux pour examiner les différentes propositions et discuter des solutions possibles.

Le 23 octobre 2014, le président du TPF a informé la Cour plénière par courriel qu'il avait été invité par l'OFJ, dans de brefs délais, à participer à un échange le 20 octobre 2014. Il a indiqué qu'il informerait ses collègues de la teneur de cet échange à la prochaine séance plénière.

Les travaux qui ont suivi et auxquels le président du TPF a participé ont débouché sur le deuxième projet de loi de l'OFJ (du 31 octobre 2014). Ce dernier prévoyait, conformément à la lettre du président du TPF du 15 septembre 2014, la création d'une juridiction d'appel en tant que troisième cour, qui viendrait s'ajouter à la Cour des affaires pénales et à la Cour des plaintes du TPF. Les juges de la Cour des affaires pénales et de la Cour des plaintes seraient toujours tenus de s'entraider. Si nécessaire, les juges de la Cour des plaintes devraient soutenir ceux de la cour d'appel, sous réserve de leur devoir de récusation. Par ailleurs, les juges à la cour d'appel devraient être élus spécialement pour cette juridiction. L'ordonnance de l'Assemblée fédérale sur les postes de juge au Tribunal fédéral20 prévoyait un maximum de deux postes de juge ordinaire et de sept juges suppléants pour la Cour d'appel.

Le 4 novembre 2014, la Cour plénière du TPF a mené une discussion sur la possible création d'une cour d'appel. Au début de la discussion, le président a informé ses collègues qu'il était invité à la séance de la CAJ-E du 17 novembre 2014, et leur a demandé leur avis à propos de l'organisation d'une future juridiction d'appel, afin qu'il puisse le transmettre à la commission. Le procès-verbal ne contient aucune trace d'une éventuelle information du président concernant l'entretien qui a eu lieu à l'OFJ le 20 octobre 2014. La discussion a principalement porté sur les juges suppléants. La majorité des personnes
présentes ont exprimé leurs préoccupations quant au recrutement de ces juges et à leur disposition à travailler pour la juridiction d'appel à temps partiel. Un participant a conseillé de relancer le groupe de travail. Des voix se sont également élevées pour demander, entre autres, un nombre suffisant de juges 20

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal fédéral, RS 173.713.150.

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ordinaires afin de garantir le plurilinguisme et l'unité de la jurisprudence. D'autres participants estimaient que le tribunal n'avait pas besoin de se prononcer à ce stade.

Le président a indiqué que, sur la base de la discussion, il dirait à la commission que la juridiction devait compter au moins deux juges à plein temps (présidence et viceprésidence) et que d'autres juges devraient être engagés à temps partiel. Une certaine souplesse devrait être de mise21.

Le 4 novembre 2014, le secrétariat de la CAJ-E a transmis aux présidents du TF et du TPF le projet de l'OFJ du 31 octobre 2014 en vue de leur audition par la CAJ-E le 17 novembre 2014. Selon le cachet de réception, le TPF a reçu le document le 5 novembre 2014, soit le lendemain de la séance plénière, mais celui-ci n'a pas été transmis aux membres du tribunal à ce moment-là.

2.1.4

Renvoi du projet au Conseil fédéral en mai 2015

À sa séance du 17 novembre 2014, la CAJ-E s'est penchée sur le projet du Conseil fédéral du 4 septembre 2013, en présence des présidents du TF et du TPF, et a pris acte du deuxième projet de l'OFJ. Après être entrée en matière sur le projet du Conseil fédéral, elle a proposé à son conseil de le renvoyer à ce dernier, en le chargeant d'élaborer un projet d'acte prévoyant la création d'une cour d'appel au sein du TPF22.

À la séance de la CA-TPF du 25 novembre 2014, le président du TPF a évoqué son audition du 17 novembre 2014 par la CAJ-E. Le communiqué de presse de la CAJ-E a été distribué aux membres du tribunal23.

Le 10 décembre 2014, le Conseil des États s'est rallié à la proposition de sa commission et a renvoyé le projet au Conseil fédéral24. Au Conseil national, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), a indiqué que le projet fondé sur la motion Janiak n'était certes pas optimal, mais que la création d'une cour d'appel avait été rejetée lors de la consultation en raison du faible nombre de cas projeté. Le 5 mai 2015, le Conseil national a suivi l'avis du Conseil des États à une courte majorité (par 92 voix contre 91) et a renvoyé le projet au Conseil fédéral25.

2.1.5

Préparation du rapport additionnel du Conseil fédéral du 17 juin 2016

Le 12 août 2015, l'OFJ a remis au président du TPF le projet de loi du 31 octobre 2014 qu'il avait déjà reçu du secrétariat de la CAJ-E le 5 novembre 2014, l'invitant à prendre position jusqu'à la fin septembre 2015 et le remerciant pour sa participation

21 22 23 24 25

Procès-verbal de la séance plénière du TPF du 4 novembre 2014 (non publié).

Communiqué de presse de la CAJ-N du 18 novembre 2014.

Procès-verbal de la séance de la CA-TPF du 25 novembre 2014 (non publié).

BO 2014 E 1289 BO 2015 N 651

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à l'élaboration dudit projet. Le courriel correspondant n'a pas été retrouvé dans les archives centralisées du TPF.

Par courriel du 14 août 2015, le président a remis une première fois le projet à la Cour plénière, en expliquant que le Parlement avait renvoyé le projet «Janiak» au gouvernement et que l'OFJ avait élaboré un nouveau projet sur lequel le TPF pouvait prendre position d'ici la fin du mois de septembre. Il a demandé aux personnes intéressées à participer à la discussion et à l'élaboration de l'avis du TPF de faire part de leur souhait d'ici au 24 août 2015. Selon lui, il n'était pas nécessaire que la Cour plénière examine formellement cette question.

Aucun document précisant si ladite discussion a eu lieu et, le cas échéant, quelles questions y ont été abordées n'a été retrouvé dans les archives du TPF. On ne retrouve que la preuve qu'un membre de la Cour des plaintes avait fait part, par courriel, de son intérêt à participer à la discussion.

Le 10 septembre 2015, le président du TPF a demandé une prolongation de délai à l'OFJ, expliquant que la discussion sur les documents de l'OFJ concernant la procédure d'appel en matière pénale au niveau fédéral s'avérait plus compliquée que prévu et qu'il souhaitait inclure la Cour plénière dans ses réflexions, quand bien même celle-ci n'était formellement pas compétente. En effet, il a précisé que le TPF serait ensuite invité à une consultation, dont l'avis devrait être adopté par la Cour plénière; par conséquent, il ne serait pas judicieux d'émettre d'ores et déjà un avis si celui-ci était susceptible de changer. Le courriel correspondant n'a pas non plus été retrouvé dans les archives centralisées du TPF.

Il ressort du procès-verbal de la séance plénière du TPF du 29 septembre 2015 que l'OFJ n'examinait plus que deux options, qui seraient ensuite traitées par le Parlement: la création d'une cour d'appel sise au TPF et la solution esquissée dans la motion Janiak. Selon la Cour plénière, la première option serait la seule à être réalisable. À l'issue d'une discussion générale, le président a invité les autres juges à lui faire parvenir leurs éventuelles remarques jusqu'au 20 octobre 2015, de sorte qu'il puisse rédiger une prise de position26. Le procès-verbal ne fournit aucun détail concernant la discussion qui a eu lieu. Le projet de loi de
l'OFJ du 31 octobre 2014 n'a pas fait l'objet de la discussion et n'avait pas été remis à la Cour plénière en tant que document de séance.

Les membres du tribunal auditionnés ne se souvenaient plus de l'objet des discussions menées lors de cette séance plénière. Selon un membre du tribunal, la Cour plénière avait décidé relativement rapidement de déléguer au président l'élaboration d'une prise de position à l'intention de l'OFJ. Le président de l'époque a précisé que plus personne n'avait souhaité s'exprimer, car tout le monde en avait assez de ce dossier, d'où la brièveté du procès-verbal. Pour justifier le fait que la solution fondée sur la motion Janiak avait été débattue lors de cette séance plénière bien qu'elle eût déjà été rejetée par le Parlement, il a expliqué qu'il ne fallait pas sous-estimer l'incertitude qui régnait alors au sein du TPF. Il a indiqué que les membres du tribunal n'étaient pas

26

Procès-verbal de la séance plénière du TPF du 29 septembre 2015 (non publié).

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du tout sûrs que la proposition visant à créer une cour d'appel passerait la rampe du Parlement, précisant qu'un rejet aurait signifié un retour à la case départ27.

Dans l'avis du 6 novembre 2015 qu'il a remis à l'OFJ, le président du TPF a écrit que, sur la base de la discussion menée au sein de la Cour plénière, il était en mesure de lui indiquer que le TPF soutenait le projet. Le TPF ne remettait pas en question le modèle en tant que tel et ne revenait plus sur le sujet. S'agissant des juges exerçant à titre accessoire, le tribunal proposait d'augmenter de sept à dix le nombre maximal prévu dans l'ordonnance sur les juges.

Dans un courriel daté du 9 décembre 2015, l'OFJ a demandé l'avis du président du TPF concernant les conséquences sur les finances et l'état du personnel qui devaient être mentionnées dans le message additionnel. Sur la base de chiffres antérieurs, l'office estimait les valeurs suivantes: entre 1,3 et 1,6 poste à plein temps pour les juges ordinaires, l'équivalent d'un poste à plein temps au total pour les juges exerçant à titre accessoire; 2 postes à plein temps pour les greffiers et greffières et entre 1 et 1,5 poste à plein temps pour l'informatique, la logistique, la sécurité et les travaux de chancellerie.

Par courriel du 13 janvier 2016, le président du TPF a répondu que, si l'on considérait qu'il y avait lieu d'engager deux juges ordinaires à temps partiel, il fallait prévoir 1,6 poste à plein temps et que si l'on considérait qu'il fallait engager un juge ordinaire, il fallait prévoir 1 poste; soit entre 1 et 1,6 poste. S'agissant des juges exerçant à titre accessoire, le tribunal estimait qu'1 poste à plein temps constituait le maximum; concernant les greffiers et les greffières, le chiffre de 2 postes à plein temps lui semblait correct et, pour l'informatique, la logistique, la sécurité et les travaux de chancellerie, le chiffre de 1 à 1,5 poste à plein temps lui apparaissait plausible.

Selon les informations dont disposent les CdG, ni le premier projet de loi de l'OFJ du 29 août 2014 ni celui du 31 octobre 2014 n'ont fait l'objet de délibérations formelles au sein de la CA-TPF ou de la Cour plénière; et ces projets n'ont jamais figuré parmi les documents d'une séance de ces organes. Le TPF n'a finalement pas pris position formellement sur le projet, ce qui aurait
relevé de la compétence de la Cour plénière (art. 53, al. 2, let. h, LOAP), car le Conseil fédéral a renoncé à une consultation formelle sur le projet avant l'adoption de son message additionnel (cf. ch. 2.1.6), la question des recours contre les jugements de la Cour des affaires pénales du TPF ayant déjà fait l'objet de deux consultations.28

2.1.6

Message additionnel du Conseil fédéral du 17 juin 2016

Dans son message additionnel du 17 juin 2016 portant sur la création d'une cour d'appel29, le Conseil fédéral a répondu au mandat des Chambres fédérales (cf.

27 28 29

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 24 (non publié).

Message additionnel du 17 juin 2016 concernant la modification de la loi sur le TF (Création d'une cour d'appel au TPF), FF 2016 5983, en l'occurrence 5987.

Message additionnel du 17 juin 2016 concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (Création d'une cour d'appel au Tribunal pénal fédéral), FF 2016 5983.

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ch. 2.1.4) et a proposé de créer une cour d'appel au sein du TPF, sans toutefois la réunir avec l'instance de recours, comme l'avaient proposé le TF et le TPF dans le cadre du message du 4 septembre 2013. Le Conseil fédéral a continué d'estimer le nombre de procédures d'appel à onze par année en moyenne (avec environ le double de prévenus). Vu que les trois langues de procédure devaient être représentées, il a proposé de pourvoir la cour de deux juges ordinaires à temps partiel et de dix juges suppléants, avec la possibilité de recourir à environ trois juges de la Cour des plaintes30.

Le Conseil fédéral a toutefois précisé que cette solution présentait certains inconvénients. Selon lui, on pouvait émettre des doutes quant à l'indépendance des juges: les membres de la cour d'appel porteraient, dans leurs décisions, une appréciation sur la qualité du travail de leurs collègues de première instance et, partant, pourraient se voir influencés. En outre, la première et la deuxième instances seraient placées sous la même direction administrative et présidées par une seule et même personne, ce qui serait un cas unique en Suisse. Enfin, il n'était pas exclu que le recrutement de juges suppléants soit compliqué et qu'il soit long et difficile de parvenir à une jurisprudence uniforme31.

La CA-TF a pris acte du projet. À sa séance du 15 septembre 2016, elle a constaté avec satisfaction que la création d'une cour d'appel auprès du TPF répondait aux propositions communes du TF et du TPF. Elle a précisé que le règlement des détails n'incombait pas au TF, mais plutôt au TPF. S'agissant du TF, la gestion de ce dossier était du ressort de la CA-TF32.

Le 11 octobre 2016, le TF a pris position sur le message additionnel, à l'invitation de la CAJ-E. Dans sa lettre, il s'est félicité de la création d'une cour d'appel statuant sur les jugements de première instance du TPF. En ce qui concerne la planification en matière de personnel, il a estimé, sur la base des informations dont il disposait, que les détails du projet étaient judicieux, en particulier la composition de la cour33.

Le 25 octobre 2016, le président du TF et celui du TPF ont à nouveau pu prendre position sur le projet du Conseil fédéral à l'intention de la CAJ-E. Le procès-verbal de la séance concernée de la CAJ-E n'a pas été retrouvé dans les archives
centralisées du TPF.

Le 17 mars 2017, les Chambres fédérales ont adopté le projet présenté par le Conseil fédéral dans son message additionnel. La loi ayant permis de créer la cour d'appel qui existe actuellement au sein du TPF est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

Adoptée par le Parlement en même temps que le projet du Conseil fédéral, la modification34 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral35 prévoyait de doter la nouvelle cour d'appel d'un maximum de deux postes de juge ordinaire et de dix juges suppléants (art. 1, let. c et d).

30 31 32 33 34 35

Message additionnel du 17 juin 2016, FF 2016 5983, en l'occurrence 5985.

Message additionnel du 17 juin 2016, FF 2016 5983, en l'occurrence 5987.

Procès-verbal de la séance de la CA-TF du 15 septembre 2016 (non publié).

Lettre du TF à la CAJ-E du 11 octobre 2016 (non publiée).

RO 2018 1187 Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral (RS 173.713.150).

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Le projet présenté par le Conseil fédéral et la modification législative finalement adoptée par le Parlement correspondaient largement à l'avant-projet du 31 octobre 2014, que l'OFJ avait élaboré de concert avec le président du TPF (cf. ch. 2.1.3.3 à 2.1.3.5).

2.2

Mise en place de la Cour d'appel

2.2.1

Avant l'entrée en fonction de la Cour d'appel le 1er janvier 2019

Le 15 janvier 2018, la CA-TPF a recommandé à la Commission judiciaire (CJ) de répartir les 200 % de postes de juge de la Cour d'appel entre trois personnes, une pour chaque langue officielle (allemand, français, italien), et de mettre ainsi au concours trois postes à temps partiel. La CJ a suivi cette recommandation.

Le 13 juin 2018, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) a élu à la Cour d'appel deux juges ordinaires à temps partiel pour les langues allemande (80 %) et italienne (50 %) ainsi que neuf juges exerçant à titre accessoire36. Les deux juges ordinaires ont démarré leur activité à l'automne 2018, afin de préparer l'entrée en fonction de la Cour d'appel le 1er janvier 2019. Faute de candidature valable et malgré deux remises au concours successives, le poste de juge ordinaire de langue française n'a pas pu être pourvu pour le 1er janvier 201937.

2.2.1.1

Efforts déployés au sein du TPF afin d'augmenter les ressources

Après leur élection, les juges ont commencé à attirer l'attention de la direction du TPF sur des questions cruciales concernant les ressources en personnel ­ insuffisantes à leurs yeux ­ et la garantie de l'indépendance de la Cour d'appel. Une juge a notamment envoyé un courriel au tribunal le 14 juin 2018 déjà afin de lui proposer de demander une augmentation du nombre de juges ordinaires38. Selon les déclarations qu'elle a faites devant les sous-commissions, le vice-président du TPF de l'époque lui avait fait part de son inquiétude concernant la Cour d'appel, qui risquait de ne pas pouvoir fonctionner ainsi: selon lui, la Cour d'appel devait compter au moins la moitié du nombre de juges de la Cour des affaires pénales39.

La CA-TPF a décidé d'inviter les deux juges début septembre 2018 pour discuter des différents aspects organisationnels de la Cour d'appel40.

36 37 38 39 40

Rapport de la CJ du 30 mai 2018, 18.203 cr Tribunal pénal fédéral. Élection des membres de la nouvelle Cour d'appel; BO 2018 V 1201.

Rapport de la CJ du 6 mars 2019, 18.211 cr Tribunal pénal fédéral. Élection d'un membre de la nouvelle Cour d'appel.

Procès-verbal de la séance de la CA-TPF du 19 juin 2018 (non publié).

Procès-verbal de la séance des sous-commissions du 30 juin 2022, p. 15 (non publié).

Procès-verbal de la séance de la CA-TPF du 19 juin 2018 (non publié).

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Lors des travaux préparatoires de la Cour d'appel, la CA-TPF avait désigné trois greffières de la Cour des affaires pénales (une par langue) pour les affecter à la Cour d'appel (décision du 8 août et du 29 septembre 2018)41. À la séance du 3 octobre 2018, les deux juges nouvellement élues avaient critiqué cette décision, qui a été prise à leur insu. Elles ont fait état des risques posés par les problèmes de récusation et ont demandé que la cour puisse recruter elle-même suffisamment de greffiers et greffières neutres, pour pouvoir faire face à la charge de travail attendue. Invoquant un manque de ressources financières, la CA-TPF a toutefois rejeté cette demande, tout comme la requête portant sur l'achat d'ordinateurs portables disposant d'un système auquel les juges exerçant à titre accessoire auraient eu accès.

Après avoir pris acte du fait que les ressources allouées à la Cour d'appel faisaient partie du budget global du TPF, mais que ce dernier n'avait pas été augmenté lors des travaux préparatoires, une des deux juges élues a immédiatement demandé un crédit supplémentaire et un crédit additionnel pour financer les moyens nécessaires au fonctionnement de la cour et à l'engagement de six juges. La CA-TPF a rejeté cette demande; elle a également rejeté la requête des deux nouvelles juges de doter la Cour d'appel de son propre budget pour des raisons de transparence et d'indépendance.

Les personnes auditionnées ont déclaré que, d'un point de vue formel, la Cour d'appel constituait l'une des trois chambres du tribunal et qu'elle faisait donc partie du même budget que les autres chambres. S'agissant des crédits supplémentaire et additionnel, les membres présents de la CA-TPF ont appelé à la prudence sur ce point, considérant qu'il n'était pas opportun de prendre une telle mesure tant que la base juridique régissant le nombre de juges n'avait pas été adaptée. Et d'ajouter que des chiffres concrets devaient être fournis aux commissions parlementaires, raison pour laquelle il convenait d'attendre le moment où la Cour d'appel entrerait en fonction. Il serait en effet plus simple de soumettre des demandes dûment étayées au Parlement lorsque l'on disposerait de statistiques.

Enfin, la CA-TPF a décidé de faire part à la CJ de son inquiétude quant au manque de personnel de la Cour d'appel au 1er janvier
2019 et de lui proposer de relever le taux d'occupation de chacune des deux juges à 100 % dès le début de l'année, ce jusqu'à ce que le membre francophone de la Cour d'appel devant encore être élu prenne ses fonctions42.

2.2.1.2

La CA-TPF s'adresse aux commissions parlementaires

Dans une lettre du 8 novembre 2018 adressée à la CJ, avec copie aux commissions de surveillance et aux Commissions des affaires juridiques (CAJ), la CA-TPF a tiré la sonnette d'alarme sur plusieurs points. Sous l'angle de la structure et de l'efficience de la future Cour d'appel, la situation s'avérait, à ses yeux, déjà critique à court terme.

Elle relevait également que les chiffres retenus pour déterminer non seulement le 41 42

Procès-verbaux des séances de la CA-TPF du 8 août et 27 septembre 2018 (non publié).

Procès-verbal de la séance de la CA-TPF du 3 octobre 2018; note de discussion du 24 octobre 2018; procès-verbal de la séance de la CdF-N1 des 24 et 25 octobre 2018.

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nombre de juges mais également celui des collaboratrices et collaborateurs ainsi que l'infrastructure nécessaire n'étaient pas réalistes. Pour elle, il était illusoire de penser que la possibilité d'interjeter appel ne serait que peu utilisée, d'autant que la Cour d'appel est habilitée à procéder à un examen approfondi des jugements attaqués.

La CA-TPF a présenté les derniers chiffres et indiqué qu'il fallait partir du principe que le nombre d'appels correspondrait environ à la moitié des arrêts rendus par la Cour des affaires pénales. Or, selon les projections, le nombre de jugements pénaux prononcés à la fin de l'année 2018 se monterait à environ 70. Selon la CA-TPF, on pouvait donc s'attendre à environ 35 procédures d'appel par an et il fallait en outre partir du principe que certains recours formés contre des arrêts de la Cour d'appel seraient admis par le TF en tant que dernière instance et renvoyés pour réexamen, ce qui générerait une charge de travail supplémentaire. Par conséquent, la CA-TPF estimait que le nombre de juges qui paraissait le plus réaliste devait répondre à la formule 3-2-1: trois juges de langue allemande, deux de langue française et un ou une de langue italienne ­ des proportions qui correspondaient d'ailleurs à celles de la Cour des affaires pénales.

La CA-TPF a par ailleurs souligné qu'il pourrait s'avérer difficile de faire appel aux juges exerçant à titre accessoire, les clarifications menées auprès des intéressés quant à leurs disponibilités ayant révélé que nombre d'entre eux n'étaient pas disposés à exercer leur fonction au taux prévu au moment de la mise au concours de leur poste (moins de 10 % au lieu de 10-15 %). Selon la CA-TPF, nombreux étaient ceux qui indiquaient déjà ne pouvoir se libérer que rarement plusieurs jours d'affilée ou qui faisaient valoir que certains jours de la semaine étaient réservés à d'autres tâches. La CA-TPF doutait ainsi que le TPF et la Cour d'appel puissent garantir un déroulement efficace des procédures, même en déployant de gros efforts de persuasion auprès des juges exerçant à titre accessoire.

Enfin, la CA-TPF a relevé que le développement conséquent de la Cour d'appel auquel il fallait s'attendre aurait également une incidence sur le plan des locaux du TPF. Selon elle, les locaux disponibles dans le bâtiment du tribunal suffisaient
à peine à accueillir la Cour d'appel dans sa composition au 1er janvier 2019; un élargissement de la Cour d'appel impliquerait nécessairement que celle-ci soit installée à un autre endroit. La CA-TPF a indiqué à cet égard que les démarches entreprises auprès du canton du Tessin afin que celui-ci respecte ses obligations en matière de mise à disposition de locaux n'avaient jusque-là pas porté leurs fruits. Elle a ajouté que le bâtiment voisin de celui du TPF, dans lequel la Cour d'appel devait être hébergée conformément aux accords conclus, était vétuste et que rien ne laissait penser que les travaux de rénovation, qui dureraient plusieurs années, pourraient bientôt commencer.

Par conséquent, il fallait impérativement trouver une solution provisoire.

2.2.1.3

Efforts déployés dans les commissions et au Parlement pour accroître les ressources

Le 24 octobre 2018, une sous-commission de la Commission des finances du Conseil national (CdF-N) a auditionné les deux juges élues à la Cour d'appel. Ces dernières ont fait part, en s'appuyant sur leurs travaux préparatoires, de leur inquiétude en vue 23 / 48

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de l'entrée en fonction de la Cour d'appel. Selon elles, les effectifs prévus par le Parlement (200 % pour trois juges ordinaires à temps partiel et dix juges au plus exerçant à titre accessoire) n'étaient de loin pas suffisants. Elles estimaient en effet qu'il convenait de partir du principe qu'au moins la moitié ­ voire deux tiers ­ des arrêts de la Cour des affaires pénales ­ et non 11 seulement, comme on l'avait initialement pensé ­ feraient l'objet d'un appel; il fallait ainsi s'attendre à 40 à 50 appels par an. En outre, il apparaissait déjà que les disponibilités des juges exerçant à titre accessoire seraient limitées. C'est pourquoi six postes à temps plein au moins étaient nécessaires, soit environ la moitié des postes de juge de la Cour des affaires pénales. Les deux juges élues ont souligné que le président de la Cour des affaires pénales, de même que son prédécesseur, partageaient ce point de vue.

Par ailleurs, les deux juges ont attiré l'attention de la sous-commission sur le fait que la Cour d'appel devait disposer d'une plus grande indépendance sur les plans de l'organisation, du budget et des locaux. À leurs yeux, la CA-TPF les avait jusque-là trop peu associées aux travaux de mise en place de la Cour d'appel et leurs demandes formulées depuis le mois de juin 2018 d'intervenir auprès des commissions compétentes afin d'obtenir davantage de ressources n'étaient pas suffisamment entendues.

La différence entre le nombre d'affaires retenu lors de la planification et les chiffres présentés par les deux juges a suscité l'étonnement de la sous-commission de la CdF-N. Un membre de celle-ci a rappelé que, lors de l'élaboration de la base juridique relative à la Cour d'appel ainsi que lors de la préparation de l'élection des juges en 2018, les tribunaux avaient systématiquement indiqué qu'il fallait s'attendre à onze appels par an, douze tout au plus. Et d'ajouter qu'on aurait peut-être dû davantage écouter les spécialistes qui remettaient déjà en question ces chiffres à l'époque43.

À la suite de cette séance, les CdF ont décidé de prévoir une enveloppe budgétaire spécifique pour la Cour d'appel et d'augmenter le montant de celle-ci d'un million de francs pour 2019, afin de permettre une augmentation du nombre de juges à court terme.

En novembre 2018, la CJ a invité les CAJ à faire en
sorte que l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral soit modifiée sans délai, de sorte que l'on puisse élire un ou une juge supplémentaire à la session de printemps 2019. Eu égard aux délais de mise au concours, l'ordonnance devait être modifiée dès la session d'hiver 2018 pour que la nouvelle instance puisse fonctionner normalement, avec un ou une juge ordinaire de chacune des langues officielles, dès l'été 2019.

En réponse à cette demande, la CAJ-N a déposé une initiative parlementaire44.

Conformément au rapport de la commission du 29 novembre 2018, le président du TPF, au moment d'être auditionné par la CJ le 29 août 2018, avait jugé l'estimation initiale de 11 appels par an beaucoup trop optimiste d'après les chiffres de 2017 et tablé plutôt sur quelque 35 cas. À la session d'hiver 2018 déjà, les Chambres fédérales

43 44

Procès verbal de la séance des 24 et 25 octobre 2018 (non publié).

18.464 Iv. pa. CAJ-N Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral. Davantage de postes à plein temps.

24 / 48

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adoptaient le projet de modification de l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral45.

2.2.2

Depuis l'entrée en fonction de la Cour d'appel le 1er janvier 2019

2.2.2.1

Indépendance et locaux de la Cour d'appel

La Cour d'appel est entrée en fonction le 1er janvier 2019.

À l'issue des auditions de la présidente de la Cour d'appel de l'époque ainsi que des présidents du TPF et du TF de l'époque menées le 27 février 2019 par leurs souscommissions, les CdG ont constaté que la Cour d'appel était déjà très à l'étroit dans ses locaux et que la situation allait encore se détériorer, sachant que le Parlement venait d'approuver la création d'un poste de juge supplémentaire, ce qui impliquait aussi l'engagement de greffières et greffiers. Par ailleurs, elles étaient convaincues que la Cour d'appel devait impérativement disposer d'un site séparé, à même de garantir son indépendance en tant qu'instance de recours de la Cour des affaires pénales du TPF; il fallait en particulier éviter de donner aux parties des procédures pénales l'impression que la cour n'était pas indépendante. Selon les informations du président du TPF de l'époque, toutefois, la Cour d'appel ne pourrait vraisemblablement pas disposer de locaux externes avant le courant de l'année 2020.

Alors que la présidente de la Cour d'appel estimait que les questions et les problèmes en suspens étaient graves, le président du TF de l'époque, qui était également présent, a souligné que la mise en place d'un nouveau tribunal était un grand honneur et que les membres de la Cour d'appel étaient alors tenus d'accomplir ce travail46.

Par courrier du 2 avril 2019, les CdG ont indiqué au TPF qu'elles considéraient indispensable que la CA-TPF ­ en collaboration avec l'Office fédéral des constructions et de la logistique (OFCL), compétent en la matière ­ mette tout en oeuvre pour que la Cour d'appel dispose de locaux externes au plus tard à la fin de l'année.

S'agissant de l'indépendance structurelle et organisationnelle de la Cour d'appel, les CdG ont indiqué au TPF, par lettre du 13 mai 2019, qu'elles avaient conscience de la situation institutionnelle particulière du TPF, à savoir du fait que les première et deuxième instances sont placées sous une seule et même direction et que la CA-TPF prend des décisions concernant l'organisation du tribunal et dispose de pouvoirs en matière d'attribution des ressources, ce qui peut s'avérer problématique pour l'indépendance de la Cour d'appel. Les CdG ont fait savoir qu'elles suivraient de près l'évolution de la situation au
cours des prochaines années.

À l'automne 2019, les CdG ont appris que le TPF était en train de chercher, en collaboration avec l'OFCL et le canton du Tessin, une solution provisoire pour

45 46

FF 2019 363 Procès-verbal de la séance des sous-commissions du 27 février 2019, p. 17 (non publié).

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déplacer la Cour d'appel vers un site séparé, mais qu'une telle solution ne pourrait probablement pas être mise en oeuvre avant la fin de l'année47.

Par la suite, le TPF et la Cour d'appel, en collaboration avec l'OFCL, ont tenté à plusieurs reprises de trouver des locaux adéquats en vue d'un déplacement provisoire de la Cour d'appel, en attendant que celle-ci puisse s'installer définitivement dans le bâtiment «Pretorio», voisin du TPF. Les sous-commissions ont régulièrement demandé des renseignements sur l'avancée de cette démarche. La recherche de locaux s'avérait très difficile et chronophage, ce pour diverses raisons. Plusieurs solutions ont été examinées, mais aucun lieu adapté n'a pu être trouvé; et lorsque cela a été le cas, l'objet en question a dû être abandonné en raison des retards dans la planification.

C'est pourquoi la CA-TPF a décidé, le 5 juillet 2022, de ne plus chercher de solution provisoire en attendant que le bâtiment «Pretorio» du canton du Tessin soit prêt.

Comme l'a indiqué le président de la Cour d'appel aux sous-commissions lors de son audition du 30 juin 2022, la proximité géographique entre la Cour d'appel et la Cour des affaires pénales n'a pas donné lieu jusqu'ici à des plaintes de la part de parties des procédures et le tribunal a pris les mesures nécessaires pour garantir la séparation des deux cours sur les plans de l'informatique et de l'accès aux dossiers, notamment.

S'agissant de l'utilisation de la salle d'audience, le TPF a par ailleurs conclu un accord avec le TAF, à Saint-Gall, qui permet à la Cour d'appel de mener des audiences au TAF. Le président de la Cour d'appel a jugé très positives les premières expériences faites avec cette solution48. Désormais, la Cour d'appel mène à Saint-Gall en particulier des audiences en allemand. Toutefois, lorsque la procédure exige de prendre certaines mesures de sécurité, les audiences ont lieu exclusivement à Bellinzone.

2.2.2.2

Le Parlement approuve la création d'un quatrième poste de juge

À l'été 2020, la CA-TPF a soumis à la CJ une demande visant la création d'un quatrième poste de juge, de langue allemande, à la Cour d'appel49. À ce moment-là, la Cour d'appel comptait trois juges exerçant à titre principal (une personne à temps plein pour chacune des langues de procédure) et huit juges exerçant à titre accessoire à des taux d'occupation de 10 à 15 %. Selon la CA-TPF, le nombre d'affaires en suspens rendait urgente la création d'un quatrième poste. Pour elle, il convenait d'entamer immédiatement les travaux d'adaptation de l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral50, qui ne prévoyait que trois postes à temps plein, afin que le changement puisse être mis en oeuvre sans délai. La CA-TPF a par ailleurs fait référence à son courrier du 8 novembre 2018, dans lequel le président du TPF de l'époque avait estimé que, pour faire face à la charge de travail attendue et assurer son 47 48 49 50

Cf. rapport annuel 2019 des CdG et de la DélCdG du 28 janvier 2020, ch. 3.6.2 (FF 2020 2865, en l'occurrence 2901).

Procès-verbal de la séance des sous-commissions du 30 juin 2022, p. 20 (non publié).

Lettre de la CA-TPF du 17 juin 2020 à la CJ (non publiée).

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2013 sur les postes de juge au TPF (RS 173.713.150).

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fonctionnement, la Cour d'appel aurait besoin, à moyen terme, de six juges exerçant à titre principal (trois pour l'allemand, deux pour le français et un ou une pour l'italien); elle a rappelé que, au vu des expériences faites, ces estimations s'avéraient réalistes.

Compte tenu de ces prévisions à moyen terme et de la durée significative du processus législatif de modification de l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral, le TPF a demandé dans le même temps que l'ordonnance prévoie un plafond de six postes de juge à temps plein, afin qu'il soit possible, à l'avenir, de réagir adéquatement, de façon plus souple et sans retard inutile, à un éventuel besoin supplémentaire de juges.

Par lettre du 10 août 2020, le TPF a prié la CA-TF de soutenir, en tant qu'autorité de surveillance, la demande d'augmentation du nombre de postes de juge de la Cour d'appel auprès des commissions parlementaires compétentes. Le TPF a en particulier souligné que, dans les 18 premiers mois d'existence de la Cour d'appel (de début 2019 jusqu'au milieu de l'année 2020), 67 procédures avaient été ouvertes par la Cour d'appel et que ce chiffre était sans commune mesure avec celui des onze appels par année sur lequel s'appuyait la planification initiale. Pour le TPF, il s'agissait d'éviter que la situation ne puisse plus être corrigée et que la durée moyenne des procédures continue d'augmenter de façon excessive.

Dans l'échange de courriels subséquent51 entre le secrétaire général du TF et celui du TPF, le premier s'est dit surpris qu'on soit parti du principe, dans le cadre de la planification initiale, que seuls onze appels seraient interjetés et a demandé à son homologue d'où venait ce chiffre. D'après le TF, en effet, on était toujours parti de l'idée que le nombre de procédures de la Cour d'appel correspondrait à la moitié environ du nombre de procédures de la Cour des affaires pénales, sachant que cette dernière traite chaque année entre 70 et 80 affaires; leur nombre se montait d'ailleurs déjà à 55 en 2014. Dans sa réponse, le secrétaire général du TPF a fait référence au message additionnel du 17 juin 2016 (cf. ch. 2.1.6).

Dans une lettre du 31 août 2020 adressée à la CJ, la CA-TF a soutenu la création d'un quatrième poste de juge à la Cour d'appel au motif que le nombre d'affaires était bien plus
élevé qu'initialement prévu et qu'on pouvait partir de l'idée qu'au moins un poste supplémentaire de juge de langue allemande serait nécessaire à long terme. Par ailleurs, la CA-TF estimait que la question de savoir si le plafond figurant dans l'ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral devait être relevé à quatre ou six postes était politique52.

La CJ a transmis la demande de la CA-TPF et l'avis du TF aux CAJ.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a rejeté la demande à une courte majorité. La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E), quant à elle, a auditionné le président de la Cour d'appel, qui a fait état de 54 affaires enregistrées en 2020, dont la moitié pour la langue allemande. Compte tenu de ces informations, la CAJ-E a estimé que le besoin de ressources supplémentaires pour l'allemand était avéré. Elle a par conséquent décidé, à l'unanimité, de 51 52

Échange de courriels des 24 et 28 août 2020 (non publié).

Lettre de la CA-TF du 31 août 2020 à la CJ (non publiée).

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déposer une initiative parlementaire visant à faire passer de trois à quatre le nombre maximum de postes de juge ordinaire à temps plein pour la Cour d'appel53.

Le Conseil des États a adopté le projet à la session d'automne 2021, sans opposition.

Le Conseil national l'a suivi à la session d'hiver 2021, également sans opposition; à cette même session, l'Assemblée fédérale (Chambres réunies) a élu un juge ordinaire de langue italienne, à un taux d'occupation de 50 %, pour remplacer une juge qui ne s'était pas représentée. Le 16 mars 2022, elle a élu une juge ordinaire de langue allemande pour pourvoir le nouveau poste créé au sein de la Cour d'appel. À noter que le nouveau poste à temps partiel pour un ou une juge de langue française a dû être mis au concours trois fois, faute de candidature satisfaisante.

2.2.2.3

Évolution du nombre des nouvelles affaires introduites et des affaires en suspens, et de la durée des procédures, de 2019 à la fin juin 2022

Le nombre des affaires introduites devant la Cour d'appel depuis sa création a toujours été nettement supérieur aux onze appels par an en moyenne mentionnés dans les prévisions, considérant que les appels sont nettement plus chronophages que les révisions. Les révisions et les renvois par le TF n'avaient pas été pris en considération dans les prévisions d'origine.

53

21.401 Iv. pa. CAJ-E Adaptation des ressources du Tribunal pénal fédéral, rapport du 20 mai 2021.

28 / 48

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Évolution du nombre des affaires introduites, tranchées et en suspens au sein de la Cour d'appel, de 2019 à la fin juin 202254 2019

2020

2021

2022 (30.6)

Affaires liquidées par la Cour des affaires pénales

60

40

53

24

Appels introduits

35

23

27

18

Appels tranchés

16

22

18

12

Appels en suspens à la fin de l'année

19

20

29

35

Révisions introduites

11

30

25

4

Révisions tranchées

10

31

23

3

Révisions en suspens à la fin de l'année

1

­

2

3

Renvois du TF introduits

­

1

2

1

Renvois du TF tranchés

­

1

2

0

Renvois en suspens à la fin de l'année

­

­

Total des affaires introduites

46

54

54

22

Total des affaires tranchées

26

54

43

15

Total des affaires en suspens

20

20

31

38

1

Légende: de 2019 à la fin du mois de juin 2022, un peu plus de la moitié des arrêts de la Cour des affaires pénales ont fait l'objet d'appels devant la Cour d'appel. En 2020, moins de procédures ont pu être menées par la Cour des affaires pénales et la Cour d'appel, en raison de la pandémie; durant cette période, le nombre d'affaires en suspens a fortement augmenté, notamment les appels, qui constituent l'essentiel du travail de la Cour d'appel.

54

Sources: rapports de gestion 2019­2021 du TPF et, pour 2022, chiffres fournis par le TPF.

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Évolution de la durée des procédures au sein de la Cour d'appel de 2019 à la fin juin 202255 2019 (en jours)

2020 (en jours)

2021 (en jours)

2022 (30.6) (en jours)

50

251

301

207

Durée maximale parmi les appels reportés (à la fin de l'année)

108

434

633

814

Durée moyenne des révisions contre des arrêts de la Cour des affaires pénales

132

164

48

128

Durée moyenne des révisions contre des arrêts de la Cour des plaintes

16

47

62

49

Durée moyenne des renvois du TF, procédures d'appel

­

­

192

­

Durée moyenne des renvois du TF, procédures en révision

­

20

­

­

Durée moyenne des procédures d'appel

Légende: la durée des procédures augmente sensiblement, en particulier en ce qui concerne les appels.

Lors de son audition du 30 juin 2022 par les sous-commissions, le président de la Cour d'appel a fait état d'une explosion de la durée des procédures. Selon lui, les renvois d'affaires par le TF occasionnent eux aussi une charge de travail considérable, raison pour laquelle la Cour d'appel accorde une importance particulière à travailler avec soin; cette manière de faire a un coût, mais a également pour effet que le nombre d'affaires renvoyées par le TF reste comparativement peu élevé.

2.2.3

Rétrospective des tribunaux sur leur appréciation de l'époque

2.2.3.1

Rétrospective du président du TPF de l'époque

Le président du TPF en poste au moment de la création de la Cour d'appel a fait référence au contexte de l'époque et à la genèse du projet de création du TPF et d'unification du droit de la procédure pénale dans le CPP pour la Confédération et les cantons56. Il a déclaré que, depuis sa création en 2004, le TPF estimait qu'il fallait également créer une juridiction d'appel au niveau fédéral, en raison de l'unification

55 56

Sources: rapports de gestion 2019­2021 du TPF et, pour 2022, chiffres fournis par le TPF.

Procès-verbal de la séance des sous-commissions du 30 juin 2022, p. 10; avis du 5 juillet 2022 (non publiés).

30 / 48

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du droit de procédure57. Selon lui, le tribunal attendait en toute logique que, au plus tard à l'entrée en vigueur du CPP ­ qui prévoyait la possibilité d'interjeter appel contre tous les jugements pénaux de première instance ­ en 2011, une solution convenable sur les plans de l'organisation et la procédure serait trouvée en matière de procédures pénales au niveau fédéral.

Il a toutefois rappelé que, à mesure que la date d'entrée en vigueur du CPP approchait, ni le Conseil fédéral ni le Parlement ne semblaient disposés à créer une juridiction d'appel au niveau fédéral ­ ni même à se pencher sur la question ­, alors qu'une telle instance était prévue dans le CPP. Selon lui, on estimait que le problème était marginal, on ne souhaitait pas lancer un projet législatif et on s'opposait aux dépenses supplémentaires qu'impliquerait la mise en place d'une telle juridiction. Le TF semblait lui aussi peu enclin à examiner cette thématique.

Ce n'est qu'avec la motion Janiak qu'une opportunité s'est dessinée en 2013 et 2014.

Cependant, les tribunaux ont estimé de manière unanime que la proposition qu'elle contenait était totalement inadéquate. En outre, le TPF s'est vu conforté à plusieurs reprises dans son idée que le Parlement n'était pas disposé à créer une juridiction d'appel indépendante, et ne le serait jamais. Le président du TPF de l'époque a alors expliqué que, au vu des circonstances, le TPF et le TF avaient proposé de créer une cour d'appel au sein du TPF: ce faisant, ils préféraient une solution bancale sur le plan organisationnel à la solution bancale sur le plan procédural contenue dans la motion Janiak, l'essentiel étant de disposer d'une juridiction d'appel. Selon lui, le gouvernement et le Parlement n'avaient laissé d'autre choix à la justice que de trancher entre deux solutions imparfaites; une solution qui soit satisfaisante sur les deux plans n'avait jamais été soumise à la discussion. De façon informelle, les institutions politiques avaient édicté certains impératifs: pas d'organisation indépendante; pas de ressources superflues; mesures de construction minimales; fonctionnement dans les trois langues.

Le président du TPF de l'époque a conclu que, même si l'on sait aujourd'hui que l'un ou l'autre facteur n'avait pas été pris en considération et que le nombre de cas n'était finalement
pas celui que l'on avait prévu, il considérait toujours les prévisions de l'époque comme réalistes. Selon lui, les institutions se mettent en place de façon plus durable si elles commencent modestement et croissent petit à petit.

Lorsque les sous-commissions lui ont demandé pourquoi ses diverses prises de position n'avaient pas été formellement adoptées par la CA-TPF, mais par lui-même ou par des groupes ad hoc, le président du TPF de l'époque a expliqué qu'il était d'avis qu'il n'était pas nécessaire que des décisions formelles soient prises à ce sujet. Ainsi, il pouvait se charger de formuler la prise de position du 12 février 2014 en sa qualité de président, puisqu'il ne s'agissait que d'exprimer une opinion au président du TF.

Et de préciser que c'est ce qu'il avait communiqué à la CA et que personne n'avait émis d'objection; il s'était employé à conduire toute cette affaire selon une approche la plus participative possible, en associant toutes les juges et tous les juges. Bien qu'il ne puisse pas exclure des erreurs ponctuelles, il considérait avoir toujours informé

57

Le Conseil fédéral partageait cet avis: cf. message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, en l'occurrence 1101.

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toutes les personnes concernées des principales étapes, soit lors des séances plénières, soit par courriel.

S'agissant de la question des ressources, il a concédé qu'elle aurait peut-être pu être discutée encore une fois, tout en soulignant qu'aucun membre de la Cour plénière ou du groupe de travail n'était revenu sur le sujet, et ce bien que la suite qu'il était prévu de donner au dossier eût été présentée en toute transparence. Selon lui, le modèle d'organisation était destiné à être utilisé dans un premier temps. Son prédécesseur lui avait dit un jour que trois ou quatre ans plus tard le tribunal disposerait d'une cour d'appel complète dotée de cinq ou six juges ordinaires. Il n'était certes pas d'accord avec cette estimation, mais il lui paraissait évident qu'il pourrait y avoir trois ou quatre juges58.

2.2.3.2

Avis d'autres juges du TPF

Le vice-président du TPF de l'époque a expliqué aux sous-commissions que, en 2014, le président avait considéré le projet de création d'une cour d'appel comme son affaire personnelle, tout comme son prédécesseur, qui avait mené les premières discussions sur l'éventualité d'instituer une cour d'appel dans le cadre de sa relation personnelle avec le président du TF. Il a indiqué que la CA et la Cour plénière n'avaient pas été formellement invitées à discuter des projets de l'OFJ, tout en précisant qu'il ne croyait pas que les personnes concernées aient été mal intentionnées. Il s'agissait d'être efficace et de présenter le projet sous une forme la plus allégée et la moins coûteuse possible, afin de s'assurer qu'il serait accepté par le Parlement, mais aussi d'aller dans le sens du TF, qui ne voulait pas disposer d'un plein pouvoir d'examen. En ce qui le concerne, il ne lui était pas apparu clairement que les ressources prévues ne seraient pas suffisantes. Il avait d'ailleurs trouvé totalement faux que l'on cherche à économiser sur les postes de juge, alors même que le TPF rapportait plus à la Confédération grâce à ses saisies et à ses confiscations qu'il ne lui coûtait59.

Le membre de la Cour des plaintes qui avait dirigé le groupe de travail en 2014 (cf. ch. 2.1.2.2) a expliqué aux sous-commissions que l'on s'était rendu compte assez rapidement à l'époque que le projet de création d'un tribunal indépendant n'était pas réalisable sur le plan politique, principalement pour des raisons de coûts. Il a indiqué qu'on avait conclu que le risque de ne pas obtenir de juridiction d'appel était pire que le compromis qui avait été trouvé. Le groupe de travail s'était à l'époque davantage occupé de la structure organisationnelle. En ce qui concerne la question des ressources, il avait fait confiance à ses collègues de la Cour des affaires pénales.

Lorsque les sous-commissions ont abordé avec lui la réglementation en vigueur et les projets de réorganisation, le membre concerné a souligné que la Cour des plaintes devait à l'heure actuelle soutenir aussi bien la Cour des affaires pénales que la Cour d'appel, ce qui était un problème. Il a indiqué que, à l'avenir, dans les deux options actuellement envisagées («soft» et «clear cut», cf. ch. 2.2.4.1), la Cour des plaintes et

58 59

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 20­21 (non publié).

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 8 ss. (non publié).

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la Cour d'appel formeraient ensemble une instance de recours, ce qui permettrait de garantir une séparation claire avec la Cour des affaires pénales60.

Lors de son audition par les sous-commissions, un autre membre de la Cour des plaintes ne se rappelait pas pourquoi il n'avait pas été donné suite aux propositions du groupe de travail de 2014. Selon lui, il aurait été possible de suivre ces propositions.

Il a conclu que, dans tous les cas, l'idée de fusionner la Cour des plaintes avec la Cour d'appel avait maintenant été reprise et qu'elle avait obtenu l'appui de la majorité des juges61.

2.2.3.3

Rétrospective du TF

Lors de l'audition de la CA-TF par les sous-commissions, la présidente du TF a constaté rétrospectivement que le nombre de onze cas évoqué à l'époque était manifestement trop bas. Elle n'était pas mesure d'expliquer comment on en était arrivé à ces chiffres à l'époque. Elle a indiqué que, selon les estimations actuelles, la Cour d'appel reçoit quelque 55 dossiers par an. Selon elle, il aurait fallu compter avec environ 50 % des affaires de la Cour des affaires pénales. En 2016, il aurait donc plutôt fallu tabler sur 25 à 30 affaires. La présidente du TF a souligné à cet égard qu'il était bien entendu plus facile d'établir ces chiffres a posteriori. Elle a par ailleurs précisé que, depuis 2016, le nombre d'affaires portées devant la Cour des affaires pénales avait augmenté, ce qui a également eu des incidences sur la Cour d'appel.

Lorsque les sous-commissions lui ont demandé si ce dossier relevait de la responsabilité de la CA-TPF ou de celle de la CA-TF, la présidente du TF a répondu que la création d'une nouvelle cour était un événement qui ne s'était produit qu'une seule fois et que, par conséquent, personne n'avait déterminé qui devait faire quoi.

Elle a précisé que la surveillance d'organes exercée par la CA-TF sur les tribunaux de première instance était plutôt une surveillance exercée a posteriori et que, en d'autres termes, la CA-TF n'intervenait que si nécessaire et en veillant à respecter l'autonomie organisationelle des tribunaux de première instance62.

Le président du TF de l'époque a expliqué aux sous-commissions que lorsque la motion Janiak, qui visait à faire du TF l'instance d'appel, avait été déposée, le président du TPF et lui-même avaient cherché une meilleure solution, car la proposition contenue dans la motion Janiak aurait eu des répercussions négatives pour les deux tribunaux. Il a indiqué qu'ils avaient examiné différentes options, qui présentaient toutes l'inconvénient ­ selon le point de vue de l'époque ­ qu'une juridiction d'appel aurait été trop petite pour traiter les affaires de la Cour des affaires pénales. C'est dans ce contexte qu'il a été proposé d'intégrer la juridiction d'appel au TPF. À partir du moment où le Parlement a repris cette idée, le TF n'a été actif qu'à titre subsidiaire, car le projet concernait le TPF et son organisation. C'est pourquoi le TF a
laissé la responsabilité du dossier au TPF, lequel a discuté des détails avec l'OFJ.

Le TF a toutefois été informé de l'évolution du dossier et a pu prendre position à ce sujet. Selon le président du TF de l'époque, il n'aurait par ailleurs pas été bien vu que 60 61 62

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 12 ss. (non publié).

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 16 (non publié).

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 26 ff. (non publié).

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l'organe de surveillance donne des directives au TPF. La relation de surveillance a été difficile au début. C'est pourquoi l'organe de surveillance a essayé de respecter l'autonomie et les compétences des tribunaux de première instance et de ne pas intervenir si cela n'était pas nécessaire.

Le président du TF de l'époque a pris connaissance du rapport du groupe de travail (cf. ch. 2.1.2.2). Il n'a toutefois pas constaté de grandes différences par rapport aux propositions qui avaient été faites jusque-là par le TF et le TPF. Il a précisé que, comme la proposition précédente était déjà parvenue à Berne, on n'avait pas voulu proposer autre chose.

Il n'y a pas eu d'organisation de projet à proprement parler. Les échanges ont eu lieu essentiellement entre les présidents des deux tribunaux, à l'issue de discussions internes menées dans chaque institution63.

2.2.4

Plans pour le futur de la Cour d'appel

2.2.4.1

Besoins en ressources et projets de réorganisation

Une fois qu'un deuxième membre du tribunal de langue française aura été élu, dans le courant de l'année, et sera entré en fonction (cf. ch. 2.2.2.2), cinq juges se partageront 400 %: deux de langue allemande (170 %), deux de langue française (180 %) et un de langue italienne (50 %).

Lors de son audition du 30 juin 2022, le président de la Cour d'appel a estimé que la cour était encore sous-dotée: selon lui, l'idéal serait d'avoir six postes de juge à plein temps. S'agissant des juges exerçant à titre accessoire, il a dit comprendre qu'on les ait pris en considération lors de la planification, pour garantir la souplesse nécessaire; toutefois, il a estimé que, en pratique, il était souvent très difficile de trouver en temps voulu des dates d'audience qui leur conviennent, étant donné qu'ils ont déjà beaucoup de travail dans le cadre de leur activité principale.

L'expérience ayant montré qu'il fallait attendre parfois deux ans entre une modification de l'ordonnance idoine et le moment où des postes de juge sont créés et où les personnes élues entrent en fonction, le président de la Cour d'appel a expliqué qu'on engagerait provisoirement davantage de greffiers et greffières afin de liquider les affaires en suspens64.

Entre-temps, un groupe de travail chargé de se pencher sur la séparation des instances au sein du TPF et composé des présidents des trois cours ainsi que d'un greffier examine des façons de créer deux instances séparées en réorganisant les structures du TPF. Le groupe de travail a été créé conformément à une décision prise par la CA-TPF à sa séance du 7 juillet 2021. À la séance plénière du 25 janvier 2022, ce groupe de travail a présenté deux options, qu'il se propose d'approfondir:

63 64

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 27 ss. (non publié).

Procès-verbal de la séance des sous-commissions du 30 juin 2022, p. 17 ss. (non publié).

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1.

Option «clear cut» prévoyant deux tribunaux séparés et indépendants: un tribunal pénal de première instance et un tribunal de deuxième instance qui serait chargé à la fois des appels et des recours;

2.

Option «soft» prévoyant le maintien du TPF, qui serait composé de deux cours: une cour de première instance et une cour de deuxième instance, laquelle engloberait les deux cours actuelles de deuxième instance (Cour des plaintes et Cour d'appel).

Par 14 voix contre 1, le tribunal a pris la décision de principe de ne pas conserver le statu quo (à savoir trois cours: Cour des affaires pénales, Cour des plaintes et Cour d'appel) et de se réorganiser en séparant les deux instances. Le groupe de travail a été chargé d'approfondir les deux options65.

2.2.4.2

Projets de déménagement de la Cour d'appel dans le bâtiment «Pretorio»

En 2006 déjà, la Confédération a conclu une convention de principe avec le canton du Tessin, aux termes de laquelle elle pourrait louer des locaux pour le TPF à l'issue de la rénovation du bâtiment «Pretorio», qui appartient au canton du Tessin et se trouve à proximité immédiate du TPF66. Pour différentes raisons, le projet de rénovation et de transformation des bâtiments destinés à héberger l'administration tessinoise (police cantonale, Pretura et Tribunal de première instance) a toutefois subi des retards. En mai 2019, le canton du Tessin a décidé de ne finalement pas déplacer son tribunal de première instance de Lugano à Bellinzone, ce qui offrait à la Confédération la perspective de louer, le moment venu, un peu plus de locaux que ce qu'elle avait imaginé initialement67.

Depuis 2018, la CA-TPF partait du principe que la Cour d'appel serait transférée dans le bâtiment «Pretorio» à l'issue de la rénovation. Dans une lettre datée du 19 septembre 2018, la CJ avait signalé au canton du Tessin que la réunion des tribunaux de première et de deuxième instance du TPF sous un même toit n'était pas compatible avec le principe de l'indépendance des juges et ne pouvait par conséquent pas s'inscrire dans la durée. En outre, les CdG avaient insisté, dans leur lettre du 2 avril 2019, pour que la Cour d'appel dispose d'un site à part afin de préserver son indépendance (cf. ch. 2.2.2.1).

Le 21 septembre 2021, le Grand Conseil tessinois a approuvé la rénovation du «Pretorio» pour un montant de 43,5 millions de francs68. L'emménagement dans le «Pretorio» est prévu pour janvier 202669.

65 66 67 68 69

Procès-verbal de la séance plénière du TPF du 25 janvier 2022; procès-verbal de la séance des sous-commissions du 30 juin 2022, p. 21 (non publiés).

Convention de principe du 30 novembre 2006 entre la Confédération suisse et le canton du Tessin concernant le Tribunal pénal fédéral sis à Bellinzone.

Lettre de l'OFCL aux CdG du 10 août 2020 (non publiée).

Communication du canton du Tessin à l'OFCL le 21 septembre 2021; laRegione online, 21 septembre 2021.

Procès-verbal de la discussion qui a eu lieu le 28 mai 2021 entre l'OFCL et le TPF (non publié).

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Dans le cadre du groupe de travail mis en place à l'été 2021 pour étudier une réorganisation de la Cour d'appel (cf. ch. 2.2.4.1), on s'est demandé à l'interne s'il n'était pas plus judicieux de séparer physiquement les première et deuxième instances (donc la Cour des affaires pénales d'une part, et la Cour des plaintes et la Cour d'appel de l'autre) plutôt que, comme prévu jusqu'alors, d'avoir la Cour d'appel d'une part, et la Cour des affaires pénales et la Cour des plaintes de l'autre. Lors de la séance de surveillance du 21 septembre 2021, la CA-TF a pris connaissance de ces réflexions.

D'après le procès-verbal, la question du déménagement était encore ouverte au moment de la séance: le TPF était en train de repenser la chose; il envisageait de faire déménager la Cour des affaires pénales et de maintenir la Cour des plaintes et la Cour d'appel dans le bâtiment où elles se trouvaient70.

Dans le cadre de son audition du 12 août 2022, le président du TPF a indiqué aux sous-commissions qu'il était prévu que la Cour d'appel déménage dans le «Pretorio», car ce bâtiment n'offrait pas suffisamment de place pour une autre solution71.

3

Appréciation, conclusions et recommandations

3.1

Compétences des tribunaux

La planification des besoins et la mise en place de la Cour d'appel constituaient une tâche exceptionnelle des tribunaux, hors des affaires courantes. Sur le fond, cette tâche devait être rattachée au TPF, dans le domaine de l'administration du tribunal.

Conformément à l'art. 54, al. 4, LOAP, la Commission administrative est responsable de l'administration du tribunal. En plus des tâches figurant explicitement dans la loi, la CA-TPF doit traiter toutes les autres affaires administratives qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour plénière. De son côté, la Cour plénière est chargée de prendre position sur les projets d'actes normatifs (art. 53, al. 2, let. h, LOAP).

Conformément à l'art. 5, al. 3, du règlement sur l'organisation du TPF72, la CA-TPF peut confier le règlement de certaines affaires au président ou à la présidente ou au secrétariat général. D'après les procès-verbaux de la CA-TPF, un tel transfert de compétences au président du TPF n'a pas eu lieu.

En ce qui concerne les compétences du TF, celui-ci exerce la surveillance administrative sur la gestion du Tribunal pénal fédéral (art. 34, al. 1, LOAP). Au sein du TF, c'est la CA-TF qui est chargée d'exercer la surveillance sur le TPF (art. 17, al. 4, let. g, LTF). La surveillance exercée par le TF est une surveillance de l'organe, qui n'est réglée dans la loi que de manière très générale. La CA-TPF a pour habitude de faire preuve d'une grande retenue dans le cadre de sa surveillance et de respecter l'autonomie de l'organisation des tribunaux de première instance.

Le DFF met à la disposition du TPF les bâtiments utilisés par celui-ci, les gère et les entretient (art. 62, al. 1, LOAP). Au sein du département, c'est l'OFCL qui assume ces tâches.

70 71 72

Procès-verbal de la séance de surveillance du 21 septembre 2021 (non publié).

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 8 (non publié).

Règlement sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF, ROTPF), RS 173.713.161.

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3.2

Estimation erronée du personnel nécessaire

Lors de la planification de la Cour d'appel, les nombres d'affaires et de juges nécessaires ont d'emblée été nettement sous-estimés. L'estimation de onze appels par an en moyenne a été mentionnée pour la première fois dans le message du Conseil fédéral du 4 septembre 2013 (cf. ch. 2.1.1). Elle se fondait sur le nombre de recours introduits au TF depuis 2004 contre des arrêts de la Cour des affaires pénales du TPF.

Le message additionnel du Conseil fédéral du 17 juin 2016 a repris ce chiffre (cf.

ch. 2.1.5). Or, la statistique montre que, depuis 2006, il y a régulièrement eu plus de onze recours déposés devant le TF (la Cour des affaires pénales avait pris ses fonctions en 2004 et, depuis, se trouvait en phase de mise en place). En 2013, 22 recours avaient déjà été introduits au TF. Malgré tout, la planification en vue de la création de la Cour d'appel n'a pas été adaptée jusqu'en 2018. Lors de la préparation du message additionnel du 17 juin 2016, l'OFJ a pourtant demandé une nouvelle fois explicitement au TPF ­ l'autorité compétente en la matière ­ son estimation des besoins en ressources humaines (cf. ch. 2.1.5). Il est compréhensible que le Conseil fédéral et le Parlement se soient par la suite appuyés sur ces indications.

Les réflexions que le président du TPF de l'époque avait formulées dans un courrier qu'il a adressé au président du TF le 12 février 2014, selon lesquelles le nombre de juristes (juges et greffiers et greffières) nécessaires correspondait à un quart environ des effectifs de la Cour des affaires pénales, étaient erronées, car elles découlaient de la situation dans les cantons, qui connaissent de nombreuses affaires pénales mineures, alors qu'il fallait s'attendre à des cas importants et complexes au niveau fédéral. De même, ces réflexions ne tenaient pas compte du fait que des parties à la procédure disposeraient probablement de moyens financiers considérables et useraient toutes les possibilités de recours. Il aurait également fallu prendre en considération le fait que, en interjetant appel, les parties disposeraient d'une deuxième instance chargée de réexaminer les faits et, partant, que cela les motiverait davantage à recourir contre les décisions. Par ailleurs, l'hypothèse selon laquelle les affaires de la Cour d'appel seraient moins chronophages que celles de la Cour
des plaintes n'était pas non plus correcte. Enfin, l'estimation ne tenait pas du tout compte des demandes de révision et des affaires renvoyées par le TF.

Parallèlement, un groupe de travail a été institué au sein du TPF; dans son rapport du 10 mars 2014, ce groupe de travail estimait que le personnel nécessaire était au moins deux fois plus élevé que ce qu'avait prévu le président du tribunal. Son estimation de l'époque correspond grosso modo à l'effectif actuel. Pourtant, les conclusions du groupe de travail n'ont eu aucune suite et n'ont pas non plus été portées à la connaissance du Département fédéral de justice et police (DFJP), chargé d'élaborer le projet de loi, et des commissions parlementaires. Le président du TF de l'époque avait expressément fait cesser tous les autres travaux, car il estimait que toute autre proposition que celle que le TF et le TPF avaient formulée dans le cadre du message du 4 septembre 2013 réduirait à néant les chances de parvenir à une autre solution que celle esquissée dans la motion Janiak (cf. ch. 2.1.2.3).

Le président du TPF partageait cette opinion et a transmis la directive du président du TF aux juges du TPF, qu'il a instamment invités à ne pas transmettre d'informations, notamment à propos du rapport du groupe de travail (cf. ch. 2.1.2.2 et 2.1.2.3). En 37 / 48

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outre, il était persuadé que le Conseil fédéral et le Parlement n'approuveraient qu'une version minimaliste à moindre coût. Lors de sa collaboration subséquente avec l'OFJ visant à préparer le message additionnel du 17 juin 2016, le président du TPF s'est toujours efforcé de minimiser autant que possible les besoins en personnel. Ces prévisions modestes faisaient donc partie d'un système et relevaient d'un calcul politique: elles n'étaient pas simplement le résultat d'estimations erronées.

La mauvaise estimation du nombre de cas et l'évaluation trop faible du nombre de juges nécessaire ont eu des conséquences notables sur la planification de l'organisation de la juridiction d'appel ainsi que sur la planification des besoins en locaux. Depuis les premières réflexions sur la façon de mettre en place une instance d'appel au niveau fédéral conformément aux dispositions du CPP, le nombre modeste d'affaires qui était escompté constituait un obstacle, tant aux yeux du Conseil fédéral73 que pour le TF et le TPF74, à une solution impeccable sur le plan légal, à savoir la création d'un tribunal indépendant de deuxième instance qui serait chargé des appels ou à la fois des appels et des recours (cf. ch. 2.1.1 et 2.1.3.2). Par ailleurs, l'urgence d'acquérir des locaux supplémentaires n'a été identifiée qu'en 2018, lorsque la CA-TPF a réalisé que les besoins en ressources avaient été sous-estimés (cf. ch. 2.2.1).

Eu égard à ce qui précède, une question de principe se pose: comment attendre du Conseil fédéral et du Parlement qu'ils élaborent des lois viables et efficaces si les services compétents leur soumettent des bases de décision qu'ils n'ont pas élaborées avec le plus grand soin et qui ne sont pas le plus réalistes possible, ou qui sont influencées par des considérations politiques? Les CdG sont convaincues que l'on peut aussi attendre des administrations judiciaires qu'elles fournissent aux autorités décisionnelles des bases fiables et réalistes contenant des données conformes à la réalité et des chiffres récents, en laissant de côté tout calcul politique.

Recommandation 1:

Planification des ressources minutieuse de la part des administrations judiciaires

Lors de la planification des ressources en vue de la mise en place d'organisations judiciaires, les organes des tribunaux fédéraux responsables de leur administration s'assurent de fournir aux autorités décisionnelles des bases fiables et réalistes, en laissant de côté tout calcul politique.

3.3

Implication insuffisante des organes du TPF

Le président du TPF ne voulait pas convoquer la CA-TPF pour élaborer les premières réflexions sur la manière de créer une instance d'appel au sein du TPF, qu'il a transmises au président du TF à la demande de celui-ci le 12 février 2014. Finalement, le 5 février 2014, une discussion avec quatre des cinq membres de la CA-TPF a eu lieu. Aucun document ne fait état de ce qui a été discuté et arrêté à cette occasion. La

73 74

Cf. message du 10 septembre 2008 relatif au CPP et message additionnel du 17 juin 2016.

Cf. message du 4 septembre 2013.

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lettre du 12 février 2014 a certes été envoyée à tous les membres du tribunal, mais n'a jamais fait l'objet d'une discussion au sein d'un organe du TPF.

Le contenu du premier projet de loi de l'OFJ, du 29 août 2014, qui, s'agissant de l'organisation de la future instance, aurait correspondu aux premières propositions du TF et du TPF, n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de la CA-TPF et de la Cour plénière, ni discuté au sein de ces organes. À la place, il a été abordé le 5 septembre 2014 au sein d'un groupe ad hoc. Ce qui a été discuté et décidé à cette occasion ne figure dans aucun document.

Dans cet avis, signé uniquement par le président (pas de signature de la secrétaire générale), le président a proposé une nouvelle solution préconisant la création d'une troisième cour (en plus de la Cour des affaires pénales et de la Cour des plaintes).

Cette solution allait à l'encontre des deux options initialement proposées par le TF et le TPF dans le message du 4 septembre 2013 et des propositions organisationnelles du rapport du groupe de travail du 10 mars 2014. Toutes les réflexions s'étaient toujours basées sur la réunion de la Cour des plaintes et de la cour d'appel (cf. ch. 2.1.3.4, 2.1.1 et 2.1.2.2).

La Cour plénière est chargée de prendre position sur les projets d'actes normatifs (art. 53, al. 2, let. h, LOAP). Dans cette phase préparatoire à l'élaboration d'une loi, il semble qu'il n'y ait pas eu de consultation formelle. Le projet n'a jamais été traité par la CA-TPF, qui est chargée des affaires administratives du tribunal (art. 54 LOAP). Il s'agissait pourtant d'un projet ayant une importance fondamentale pour l'ensemble du tribunal. Une inscription formelle à l'ordre du jour et une discussion au sein du tribunal auraient ainsi été indiquées.

À la suite de l'avis, le président a été invité à l'OFJ. Cet entretien a donné lieu à un deuxième projet de loi élaboré par l'OFJ le 31 octobre 2014, qui a repris la nouvelle option organisationnelle. Le 5 novembre 2014, le TPF a reçu le projet, qui n'a pas été traité ni même transmis aux membres du tribunal jusqu'à août 2015. Ce n'est que lorsque l'OFJ a renvoyé le projet du 31 octobre 2014 au président du TPF, le 12 août 2015, en le priant de prendre position, que celui-ci l'a transmis aux membres du tribunal et a annoncé vouloir mettre cette
affaire à l'ordre du jour de la Cour plénière.

Toutefois, à la séance plénière du 29 septembre 2015, le projet de loi n'a pas été débattu; une discussion d'ordre général a eu lieu sur la création d'une cour d'appel comme alternative au projet du Conseil fédéral visant à mettre en oeuvre la motion Janiak, projet qui n'était à ce moment-là plus d'actualité. Le Parlement l'avait en effet déjà renvoyé au Conseil fédéral en mai 2015, en chargeant ce dernier de présenter un projet visant à créer une cour d'appel.

Sur la base des informations dont elles disposent, les CdG concluent que la lettre du président du 12 février 2014, le rapport du groupe de travail du 10 mars 2014, les deux projets de l'OFJ des 19 août 2014 et 31 octobre 2014 et l'avis du président du 15 septembre 2014 n'ont pas été inscrits à l'ordre du jour de la CA-TPF ni à celui de la Cour plénière ou discutés au sein de ces organes, alors que la CA-TPF était compétente en vertu de la loi. Comme le Conseil fédéral n'a plus mené de consultation formelle avant d'approuver le message additionnel du 17 juin 2016, le projet n'a finalement jamais été discuté au sein d'un organe du TPF.

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Les CdG concluent également que l'ancien président du TPF, même s'il s'est engagé personnellement en faveur de la création d'une Cour d'appel, n'a au minimum pas impliqué de manière suffisante le tribunal dans l'élaboration du projet et a laissé la CA-TPF à l'écart. Cet état de fait est d'autant plus gênant que les avis au sein du tribunal quant à l'organisation de la Cour d'appel divergeaient et que l'organisation actuelle ­ que le tribunal considère aujourd'hui presque unanimement comme insatisfaisante et à revoir ­ découle de cette façon de procéder problématique. En l'espèce, les compétences légales n'ont pas été clarifiées en temps voulu et n'ont pas été suffisamment respectées.

Recommandation 2:

Respect des compétences des organes du TPF

La direction du TPF s'assure que le tribunal est suffisamment impliqué en cas d'évolution de son organisation et que les compétences de ses organes (CA-TPF, Cour plénière) sont clarifiées en temps voulu et respectées.

La CA-TF en tant qu'autorité de surveillance et en particulier le président du TF ont contribué à cette évolution négative. Pour eux, il était surtout important de refuser l'extension du pouvoir d'examen du TF prévue par le projet visant à mettre en oeuvre la motion Janiak, qui aurait représenté une charge supplémentaire pour le tribunal. En bloquant le travail du groupe de travail de 2014, ils se sont accommodés du fait que les prévisions relatives au nombre de cas fournies au Conseil fédéral et au Parlement étaient trop basses. Une fois l'extension du pouvoir d'examen du TF balayée, ils ont laissé le TPF régler les autres détails, car il ne s'agissait désormais plus que de créer une cour d'appel au TPF et de définir son organisation. Eu égard à la retenue dont fait preuve le TF s'agissant de l'autonomie d'organisation des tribunaux de première instance, cela est compréhensible. Mais un soutien plus actif de la part de la surveillance aurait été indiqué par la suite, face à la surcharge qui s'annonçait, à la question de l'indépendance de la Cour d'appel et aux difficultés à trouver des locaux provisoires.

Vers la fin de la mise en oeuvre du projet de loi, à partir de 2018, la CA-TPF a régulièrement discuté de l'avancement des préparatifs, tant dans le domaine de la logistique, que dans ceux des ressources humaines et des locaux. En ce qui concerne les locaux, des discussions régulières, qui ont fait l'objet de procès-verbaux, ont eu lieu avec l'OFCL. Des groupes de travail ont été constitués pour préparer la mise en oeuvre dans les différents domaines.

Dans l'ensemble, une gestion de projet effective a fait défaut lors de la planification des besoins et de la mise en place de la Cour d'appel. Les CdG estiment qu'un tel projet doit suivre les règles de la gestion de projet, avec une répartition claire des tâches et des responsabilités. De plus, les tribunaux devraient recourir à l'expertise d'externes ­ selon la complexité du projet d'organisation concerné. Les CdG relèvent avec satisfaction que, en juillet 2021, la CA-TPF a institué un groupe de travail chargé de se pencher sur la réorganisation du tribunal (cf. ch. 2.2.4.1), que la CA-TPF

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actuelle mène cette réorganisation en tant que projet et que le président du TPF assume personnellement la responsabilité du projet75.

Recommandation 3:

Gestion de projets organisationnels

Les tribunaux appliquent la méthodologie de la gestion de projets à leurs grands projets organisationnels et recourent, si nécessaire, à l'expertise d'externes.

3.4

Gestion des dossiers lacunaire

Dans le cadre de leur enquête, les CdG ont constaté que certains documents relatifs à la mise en place de la Cour d'appel n'avaient pas été classés de manière centralisée ou étaient introuvables. Par conséquent, elles font remarquer au TPF que les affaires administratives ne portant pas sur l'activité principale du tribunal, c'est-à-dire la jurisprudence, doivent elles aussi être classées et archivées conformément à l'art. 1, al. 1, let. d, de la loi fédérale sur l'archivage76.

Recommandation 4:

Gestion des dossiers administratifs

Le Tribunal pénal fédéral s'assure que les documents relatifs aux affaires administratives sont classés et archivés et bonne et due forme.

Les CdG ont également constaté que les procès-verbaux des séances de la CA-TPF et de la Cour plénière étaient sommaires et ne permettaient pas de comprendre toutes les décisions qui ont été prises, du moins pendant la période allant de 2012 à 2015. Les CdG n'ont pas systématiquement examiné la tenue des procès-verbaux des séances; ce constat est donc dû au hasard.

Recommandation 5:

Tenue des procès-verbaux

Le Tribunal pénal fédéral s'assure que les débats des séances de la commission administrative et de la Cour plénière ainsi que les décisions qui y sont prises sont retranscrits au procès-verbal de manière suffisamment claire.

3.5

Développement de la Cour d'appel

Dans le présent chapitre, les CdG présentent leurs conclusions et formulent leurs recommandations et une proposition à l'intention des CAJ, qui sont les commissions thématiques compétentes en la matière, en vue du futur développement de la Cour d'appel. Comme les travaux législatifs dans le domaine discuté ne sont pas du ressort des CdG, elles focalisent leurs recommandations sur les éléments résultant des 75 76

Procès-verbal des sous-commissions du 12 août 2022, p. 6 (non publié).

Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage (LAr), RS 152.1.

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enseignements tirés de leur enquête et se limitent à esquisser les grandes lignes d'une future révision législative.

Par ailleurs, les CdG saluent les travaux de planification et de conception menés actuellement par le TPF (cf. ch. 2.2.4). Les commissions thématiques compétentes et, le cas échéant, le Conseil fédéral devront en tenir compte lors de leurs travaux.

3.5.1 1.

Dès le début, la Cour d'appel du TPF était sous-dotée en matière de personnel, ce qui a soumis les juges et les autres collaboratrices et collaborateurs à une pression importante. En outre, il faut mentionner le fait que des incompatibilités personnelles et des conflits ont aggravé la situation77. Toutefois, ces problèmes supplémentaires sont désormais considérés comme réglés. En outre, le TPF a généralement des difficultés à recruter des juges ayant les qualifications nécessaires, notamment pour le français.

2.

La situation des ressources en personnel au sein de la Cour d'appel reste précaire, même après que les 400 % supplémentaires pour les postes de juge ont été pourvus. Une nouvelle augmentation du nombre de postes semble inévitable à moyen terme. Comme ordre de grandeur, on pourrait prévoir un effectif de juges correspondant au moins à la moitié de celui de la Cour des affaires pénales (celle-ci emploie actuellement 11 juges, pour un total de 1010 %78).

3.

Le système actuel repose sur un grand nombre de juges exerçant à titre accessoire. Comme le craignaient certaines voix dès le départ, ce système n'est pas assez flexible et est trop lent, car les juges suppléants sont souvent peu disponibles. Par conséquent, il y aurait lieu de réduire leur nombre, au profit de juges ordinaires supplémentaires.

4.

La Cour d'appel souhaite engager provisoirement des greffiers et greffières supplémentaires afin de réduire le nombre d'affaires en suspens ou, du moins, de le stabiliser. Les CdG estiment que cette manière de faire constitue une solution provisoire réalisable.

3.5.2 5.

77 78

Situation en matière de personnel

Modèle d'organisation Après des années d'efforts ­ douloureux pour les personnes concernées ­ visant à créer la Cour d'appel et la mettre en position d'assumer, de façon professionnelle et en assurant des délais acceptables, son mandat institutionnel essentiel, il est temps de lui conférer une forme d'organisation qui soit irréprochable sur le plan légal et qui respecte les dispositions du CPP.

Avis des CdG du 24 juin 2020 concernant le rapport de surveillance du TF du 5 avril 2020, FF 2020 9125.

Courriel du secrétaire général du TPF du 4 août 2022.

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6.

Par conséquent, il faut avoir pour objectif de créer une instance indépendante qui serait chargée d'examiner les recours et les appels contre des arrêts du tribunal pénal de première instance de la Confédération. Cette deuxième instance pourrait faire partie de l'actuel TPF ou être un tribunal indépendant du TPF, le cas échéant sis à une certaine distance géographique.

7.

Les organes chargés d'effectuer les travaux préparatoires et les autorités décisionnelles compétentes devront peser soigneusement les avantages et les inconvénients. De l'avis des CdG, il ne devrait y avoir aucun tabou lors de la recherche de la meilleure solution.

8.

Une fois de plus, il s'est avéré difficile de trouver des juges ­ surtout francophones ­ disposant des qualifications nécessaires. Face au peu de juristes qualifiés disposés à se rendre à Bellinzone, un membre du tribunal auditionné s'est explicitement dit favorable au transfert de la Cour d'appel en Suisse alémanique. D'autres membres auditionnés ont rejeté cette possibilité, l'estimant politiquement inopportune. Il a également été proposé d'utiliser la rémunération comme levier pour inciter les juges à déménager à Bellinzone.

De l'avis des CdG, il y a lieu de se pencher sur ce problème.

9.

Concernant le déménagement d'une cour dans le «Pretorio», les CdG souhaiteraient que la séparation des deux instances prévues par l'actuelle réorganisation puisse également se traduire par une répartition judicieuse des locaux.

4

Proposition aux Commissions des affaires juridiques 1.

Les CdG proposent aux CAJ d'entamer une révision des bases légales régissant l'organisation du TPF dans le sens des recommandations précitées, dans le but de créer un tribunal indépendant chargé des appels ou à la fois des appels et des recours en tant que juridiction de deuxième instance. Il conviendra d'intégrer les travaux de planification et de conception du TPF.

2.

Parallèlement, le nombre de juges doit être adapté au modèle d'organisation et à l'évolution du nombre de cas.

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5

Suite de la procédure

Les CdG invitent le TF à prendre position sur le présent rapport et sur les recommandations qui y sont formulées d'ici au 31 décembre 2022, en associant à ses travaux le TPF et la Cour d'appel. Le Conseil fédéral est également invité à rendre un avis dans le même délai.

20 septembre 2022

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales La présidente de la CdG-N: Prisca Birrer-Heimo, conseillère nationale Le président de la CdG-E: Matthias Michel, conseiller aux États La présidente de la sous-commission Tribunaux/MPC-N: Manuela Weichelt-Picard, conseillère nationale Le président de la sous-commission Tribunaux/MPC-E: Hans Stöckli, conseiller aux États La secrétaire des Commissions de gestion: Ursina Jud Huwiler La secrétaire des sous-commissions Tribunaux/MPC: Irene Moser

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Liste des personnes auditionnées Bacher, Jean-Luc

Membre de la Cour pénale du TPF

Blum, Andrea

Membre de la CA-TPF et vice-présidente de la Cour d'appel du TPF

Bomio-Giovanscini, Giorgio

Membre de la Cour des plaintes du TPF

Borel, Marc-Antoine

Secrétaire général du TPF

Chaix, François

Juge fédéral, membre de la CA-TF

Contu Albrizio, Joséphine

Vice-présidente du TPF

Donzallaz, Yves

Vice-président du Tribunal fédéral

Fabbri, Alberto

Président du TPF

Garré, Roy

Président de la Cour des plaintes du TPF

Kipfer Fasciati, Daniel

Juge à la Cour des plaintes du TPF

Kolly, Gilbert

Ancien juge fédéral

Lüscher, Nicolas

Secrétaire général du TF

Niquille, Martha

Présidente du TF

Thormann, Olivier

Président de la Cour d'appel du TPF

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Noms et fonctions des personnes mentionnées Bacher, Jean-Luc

Vice-président du TPF de 2014 à 2015

Blum, Andrea

Vice-présidente de la Cour d'appel depuis 2019, membre de la CA-TPF du 1.4 au 31.12.2019 et en 2022

Borel, Marc-Antoine

Secrétaire général du TPF depuis 2021 (ad interim depuis mai 2020)

Fabbri, Alberto

Président du TPF et président de la CA-TPF depuis 2022

Garré, Roy

Président de la Cour des plaintes du TPF depuis 2020

Kipfer Fasciati, Daniel

Membre de la Cour des plaintes, président du TPF et président de la CA-TPF de 2014 à 2017

Kolly, Gilbert

Président du TF et président de la CA-TF de 2013 à 2016

Meyer, Ulrich

Président du TF et président de la CA-TF de 2017 à 2020

Muschietti, Giuseppe

Président de la Cour des affaires pénales de 2012 à 2017, vice-président du TPF en 2018

Ponti, Tito

Président du TPF de 2018 à 2019 (31.03)

Solcà, Claudia

Présidente de la Cour d'appel en 2019, membre de la Cour d'appel de 2020 à 2021

Stupf, Martin

Président de la Cour des affaires pénales du TPF depuis 2018

Thormann, Olivier

Président de la Cour d'appel du TPF depuis 2020 et membre de la CA-TPF de 2020 à 2021

Tschümperlin, Paul

Secrétaire général du TF jusqu'en 2021

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Liste des abréviations CAJ

Commissions des affaires juridiques des Chambres fédérales

CAJ-E

Commission des affaires juridiques du Conseil des États

CAJ-N

Commission des affaires juridiques du Conseil national

CA-TF

Commission administrative du Tribunal fédéral

CA-TPF

Commission administrative du Tribunal pénal fédéral

CdF

Commissions de finances des Chambres fédérales

CdF-N

Commission des finances du Conseil national

CdG

Commissions de gestion des Chambres fédérales

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des États

CdG-N

Commission de gestion du Conseil national

CEDH

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101

CJ

Commission judiciaire de l'Assemblée fédérale (Chambres réunies)

CPP

Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (code de procédure pénale), RS 312.0

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101

DFF

Département fédéral des finances

LAr

Loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'archivage, RS 152.1

LOAP

Loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (loi sur l'organisation des autorités pénales), RS 173.71

LTF

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110

OFCL

Office fédéral des constructions et de la logistique

ROTPF

Règlement du 31 août 2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF), RS 173.713.161

RTAF

Règlement du Tribunal administratif fédéral du 17 avril 2008, RS 173.320.1

RTF

Règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006, RS 173.110.131

TAF

Tribunal administratif fédéral

TF

Tribunal fédéral

TPF

Tribunal pénal fédéral

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