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22.045 Message concernant l'approbation de la convention no 190 de l'Organisation internationale du Travail concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail et Rapport sur la Déclaration du centenaire de l'Organisation internationale du Travail pour l'avenir du travail du 18 mai 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de la convention no 190 de l'Organisation internationale du Travail concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous soumettons également pour information le rapport sur la Déclaration du centenaire de l'Organisation internationale du Travail pour l'avenir du travail.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 mai 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé En 2019, à l'occasion de son centenaire, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté la convention no 190 sur l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Elle contient la première définition adoptée au niveau international de la violence et du harcèlement dans le monde du travail et constitue une étape significative pour l'avenir du travail. La même année, l'OIT a également adopté une Déclaration du centenaire importante.

Contexte La promotion d'un travail décent pour tous fait partie intégrante du mandat constitutionnel de OIT. La violence et le harcèlement dans le monde du travail sont inacceptables et incompatibles avec un travail décent. Ils peuvent constituer une violation des droits de l'homme ou une atteinte à ces droits et mettent en péril l'égalité des chances dans la vie active. Le phénomène est toujours largement répandu à l'échelle mondiale, indépendamment des secteurs, des professions et des rapports de travail.

En octobre 2016, l'OIT a organisé une réunion à laquelle ont participé de nombreux experts représentant les gouvernements, les employeurs et les employés. Ces spécialistes ont attiré l'attention sur les déficits de gouvernance en matière de lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, en particulier l'absence d'une définition reconnue sur le plan international. À la suite de cette réunion, le conseil d'administration de l'OIT a décidé d'inscrire l'élaboration d'une norme de travail internationale relative à l'élimination de la violence et du harcèlement au programme de la Conférence Internationale du Travail (CIT).

En Suisse aussi, la lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail est un thème important et d'actualité. La législation concrétise le droit à un travail sans violence ni harcèlement dans diverses lois et offre une protection élevée et efficace, aussi en comparaison internationale. Selon l'art. 19, par. 5, let. b, de la Constitution de l'OIT, le Conseil fédéral doit soumettre la convention au Parlement.

En adoptant la Déclaration du centenaire de l'OIT pour l'avenir du travail en 2019, l'OIT a voulu célébrer ses 100 ans d'existence tout en se préparant aux futurs défis du monde du travail. La Déclaration a été adoptée à l'unanimité lors de la 108e session, la session
du centenaire de la CIT.

Contenu du projet La convention no 190 adoptée par l'OIT en 2019 vise à protéger de la violence et du harcèlement tous les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail. La convention reconnaît le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement et oblige les États membres de l'OIT à respecter, à promouvoir et à réaliser ce droit. Ce traité international est le premier à créer un cadre commun pour la prévention et l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. La convention contient la première définition adoptée au niveau international de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, y compris de la violence et du harcèlement fondés sur le genre.

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La politique de ratification en vigueur en matière de normes de l'OIT permet à la Suisse de ratifier une convention de l'OIT dans la mesure où elle ne s'écarte pas de manière fondamentale de l'ordre juridique suisse. En principe, la pratique du Conseil fédéral vaut pour toutes les conventions internationales. Des différences minimes ne devraient pas empêcher une ratification. Par ailleurs, une convention qui ne correspond pas entièrement à l'ordre juridique suisse peut être ratifiée s'il ressort de son examen que les lacunes existantes peuvent être comblées par des dispositions de ladite convention applicables immédiatement ou par des mesures législatives.

Le Conseil fédéral est d'avis que la Suisse peut ratifier la convention no 190. La législation et la pratique établies en Suisse concrétisent le droit à un travail sans violence ni harcèlement et offrent une protection élevée et efficace, aussi en comparaison internationale. La ratification ne requiert ni d'adopter ni de modifier une loi ou une ordonnance.

Par la Déclaration du centenaire, l'OIT favorise une approche de l'avenir du travail centrée sur l'humain qui repose sur trois domaines d'action prioritaires, à savoir accroître l'investissement dans le potentiel humain, dans les institutions du travail et dans le travail décent et durable.

Cette déclaration centrale n'entraîne pas de nouveaux engagements pour les États membres, et elle ne fait pas partie des instruments à présenter au Parlement aux termes de l'art. 19, al. 5 et 6, de la Constitution de l'OIT. Le Conseil fédéral juge néanmoins opportun de donner au Parlement une information générale sur la déclaration, vu qu'il s'agit là d'une importante étape vers le renforcement du mandat et de l'action de l'OIT en matière de promotion du travail décent pour développer son approche de l'avenir du travail centrée sur l'humain. Dans ce domaine, l'OIT avait déjà adopté des déclarations relatives aux principes et aux droits fondamentaux au travail en 1998 et 2008, que le Conseil fédéral avait présenté dans ses messages et rapports sur les 85e, 86e, 87e et 97e sessions de la CIT.

Les présents message et rapport ont été soumis à la Commission tripartite pour les affaires de l'OIT, une commission extraparlementaire constituée de représentants de l'administration fédérale et des partenaires
sociaux en Suisse. La commission a pris connaissance du message et du rapport. Les représentants des travailleurs soutiennent la ratification de la convention no 190. Les représentants des organisations des employeurs acceptent la ratification de la convention.

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Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Déroulement et résultat des négociations 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

5 5 6

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

6

3

Présentation de la convention

4

Commentaire des dispositions de la convention

10

5

Conséquences de la convention

40

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.3 Forme de l'acte à adopter 6.4 Frein aux dépenses 6.5 Conformité à la loi sur les subventions

40 40 40 41 41 42

6 7

Rapport sur la Déclaration du centenaire de l'Organisation internationale du Travail pour l'avenir du travail

43

Arrêté fédéral portant approbation de la convention no 190 de l'Organisation internationale du Travail concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail (Projet)

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Convention no 190 concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

La convention no 190 du 21 juin 2019 concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail1 (ci-après «convention no 190») vise à protéger de la violence et du harcèlement tous les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail. La violence et le harcèlement dans le monde du travail peuvent constituer une violation des droits de l'homme ou une atteinte à ces droits et mettre en péril l'égalité des chances dans la vie active. La violence et le harcèlement dans le monde du travail sont inacceptables et incompatibles avec un travail décent. Le phénomène est toujours largement répandu à l'échelle internationale, indépendamment des secteurs, des professions et des rapports de travail. En Suisse aussi, la lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail est un thème important et d'actualité.

La législation suisse concrétise le droit à un travail sans violence ni harcèlement dans diverses lois et offre une protection élevée et efficace, aussi en comparaison internationale.

En outre, la convention no 190 permet une certaine flexibilité dans son application.

Les clauses de flexibilité telles que «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable» et «appropriées correspondant à leur degré de contrôle» (art. 9 et 10, let. f) laissent une certaine marge de manoeuvre à l'État membre. En ce sens, elles permettent à la Suisse de ratifier la convention no 190.

La Suisse doit s'engager de manière cohérente à l'échelle internationale dans la lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. La jurisprudence et la pratique suisses sont conformes à la convention no 190. Conformément à l'art. 19, al. 5 et 6, de la Constitution du 28 juin 1919 de l'Organisation internationale du Travail 2, le Conseil fédéral est par ailleurs tenu de soumettre la convention aux autorités nationales compétentes.

Selon l'art. 14, al. 2, de la convention, cette dernière entre en vigueur douze mois après que les ratifications de deux États membres ont été enregistrées par le Directeur général de l'Organisation internationale du Travail (OIT). Au moment de l'adoption du présent message, la convention no 190 avait été ratifiée par quatorze États3. Elle est entrée en vigueur le 25 juin 2021. Pour la Suisse, la convention entrerait en vigueur douze mois après le dépôt de l'instrument de ratification.

1 2 3

RS ...; FF 2022 1381 RS 0.820.1 Uruguay (12.6.2020); Fidji (25.6.2020), Namibie (9.12.2020), Argentine (23.2.2021), Somalie (8.3.2021), Équateur (19.5.2021), Maurice (1.7.2021), Grèce (30.8.2021), Italie (29.10.2021), Afrique du Sud (29.11.2021), Royaume-Uni (7.3.22), Saint-Marin (14.4.2022), Albanie (6.5.2022), Antigua-et-Barbuda (9.5.2022).

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1.2

Déroulement et résultat des négociations

En octobre 2016, l'OIT a organisé une réunion à laquelle ont participé de nombreux experts représentant les gouvernements, les employeurs et les employés. Ces spécialistes ont recommandé l'adoption urgente de mesures supplémentaires pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail et lutter contre ce phénomène, afin de protéger et indemniser les victimes. Ils ont attiré l'attention sur les déficits de gouvernance en matière de lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, en particulier l'absence d'une définition reconnue sur le plan international.

Afin de créer une compréhension commune de ce que représente exactement la violence et le harcèlement dans le monde du travail et de ce qu'il s'agit de combattre, les experts ont recommandé d'adopter une nouvelle norme de travail internationale.

À sa 108e session, la Conférence internationale du Travail (CIT) a adopté la convention no 190 le 21 juin 2019, en même temps que la recommandation no 206, avec le soutien de la Suisse.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est pas annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20234 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20235, la CIT n'ayant alors pas encore pris de décision quant à l'adoption de la convention no 190. Le message sur le programme de la législature 2019 à 2023 mentionne l'encouragement de la cohésion sociale et l'égalité entre les sexes (objectif 8). Pour réaliser cet objectif, le Conseil fédéral a adopté, le 28 avril 2021, une stratégie nationale en matière d'égalité. La lutte contre la discrimination et la violence de genre est au centre de deux des quatre champs d'action de cette stratégie.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

La convention no 190 est un traité international, qui contient des dispositions importantes qui fixent des règles de droit et qui sont donc sujettes au référendum (cf.

ch. 6.3).

Selon l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)6, le présent projet aurait en principe dû faire l'objet d'une procédure de consultation. Toutefois, en raison de la structure tripartite de l'organisation, les traités internationaux de l'OIT ont un caractère particulier, qui permet de renoncer à une consultation. Les partenaires sociaux ont participé à l'élaboration de la convention. On peut donc partir du 4 5 6

FF 2020 1709 FF 2020 8087 RS 172.061

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principe qu'une consultation n'aurait pas apporté d'éléments nouveaux, les positions des milieux intéressés étant déjà connues (art. 3a, al. 1, let. b, LCo), aussi n'a-t-on pas organisé de consultation. Les conventions de l'OIT sont discutées et adoptées dans le cadre de la discussion dite «double», lors de deux sessions consécutives de la CIT. La ratification elle-même ne peut avoir lieu qu'après avoir été approuvée par l'Assemblée fédérale.

Les présents message et rapport ont été soumis à la Commission tripartite pour les affaires de l'OIT (CTOIT), une commission extraparlementaire constituée de représentants de l'administration fédérale et des partenaires sociaux en Suisse. La commission a pris acte du message et du rapport. Les représentants des travailleurs soutiennent la ratification de la convention no 190. Les représentants des organisations des employeurs acceptent la ratification.

3

Présentation de la convention

La convention reconnaît le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre et oblige les États membres à respecter, à promouvoir et à réaliser ce droit. Il s'agit du premier traité international qui crée un cadre commun pour la prévention et l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, et qui offre la première définition adoptée au niveau international de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, y compris de la violence et du harcèlement fondés sur le genre.

La convention a pour but de protéger de la violence et du harcèlement tous les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail. Pour atteindre cet objectif, les mesures suivantes sont en particulier prévues: ­

interdire en droit la violence et le harcèlement;

­

prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, en particulier pour les groupes de population concernés par ce problème de manière disproportionnée;

­

garantir l'accès à des moyens de recours et de réparation pour les victimes de violence et de harcèlement sur leur lieu de travail et appliquer des sanctions le cas échéant.

La convention no 190 est un traité international nécessitant ratification. Tous les États membres de l'OIT qui ratifient la convention s'engagent à la respecter et à mettre en oeuvre les dispositions correspondantes. La convention no 190 compte 20 articles en tout. 12 articles sont des dispositions substantielles, alors que les art. 13 à 20 portent sur les dispositions finales usuelles, semblables à celles de toutes les conventions de l'OIT. Il n'est pas nécessaire d'expliquer le contenu de ces dernières.

Avant d'examiner le contenu de la convention, il est nécessaire de considérer les engagements de la Suisse en matière de droit international.

Le préambule de la convention no 190 réaffirme l'importance des instruments de l'OIT suivants: la Déclaration du 10 mai 1944 concernant les buts et objectifs de l'OIT, qui constitue une partie intégrante de la Constitution modifiée de l'OIT du 7 / 46

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28 juin 1919 et les 8 conventions fondamentales de l'OIT. Les conventions fondamentales définissent les principes et droits fondamentaux du travail et sont considérées comme des standards sociaux minimaux internationalement reconnus, que tous les États membres de l'OIT s'engagent à respecter, même s'ils n'ont pas ratifié chacune des 8 conventions. Sont considérées comme conventions fondamentales la convention no 29 du 28 juin 1930 concernant le travail forcé ou obligatoire7 et le protocole du 11 juin 2014 relatif à la convention sur le travail forcé8, 1930, la convention no 87 du 9 juillet 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical9, la convention no 98 du 1er juillet 1949 concernant l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective10, la convention no 100 du 29 juin 1951 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la maind'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale11, la convention no 105 du 25 juin 1957 concernant l'abolition du travail forcé12, la convention no 111 du 25 juin 1985 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession13, la convention no 138 du 26 juin 1973 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi14 et la convention no 182 du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination15. La Suisse a ratifié toutes ces conventions de l'OIT.

Le préambule fait également référence aux instruments du droit international pertinents suivants: la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques16, le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels17, la Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale18, la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes19, la Convention internationale du 18 décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées20.

La Suisse a ratifié tous ces instruments, à l'exception de la convention
internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

L'examen du contenu de la convention doit également tenir compte des lois et ordonnances en vigueur en Suisse, en particulier du code des obligations (CO)21, du code 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21

RS 0.822.713.9 RS 0.822.713.91 RS 0.822.719.7 RS 0.822.719.9 RS0.822.720.0 RS 0.822.720.5 RS 0.822.721.1 RS 0.822.723.8 RS 0.822.728.2 RS 0.103.2 RS 0.103.1 RS 0.104 RS 0.108 RS 0.109 RS 220

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pénal (CP)22, du code civil (CC)23, du code de procédure civile (CPC)24, du code de procédure pénale (CPP)25, de la loi du 23 mars 1964 sur le travail (LTr)26 et des ordonnances correspondantes, de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accident (LAA)27, de la loi du 17 décembre 1993 sur la participation28, de l'ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents (OPA)29, de la loi du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes (LAVI)30, de la loi du 24 mars 1995 sur l'égalité (LEg)31, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés (LHand)32, de la loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage (LACI)33, de la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (LDét)34, de la loi du 17 juin 2005 sur le travail au noir (LTN)35, de la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE)36, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI)37, de l'ordonnance du 20 octobre 2010 sur le contrat-type de travail pour les travailleurs de l'économie domestique (CTT économie domestique)38, de la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)39 et de la loi fédérale du 23 décembre 2011 sur la protection extraprocédurale des témoins (LTém)40.

En Suisse, les travailleurs sont protégés de la violence et du harcèlement par un système complet de plusieurs lois qui reconnaissent le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement, y compris de violence et de harcèlement fondés sur le genre.

L'égalité devant la loi et l'interdiction de la discrimination sont consacrées à l'art. 8 de la Constitution (Cst.)41. L'art. 8, al. 2, Cst. prévoit que nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique. La LEg concrétise cet article et a pour but de promouvoir, dans les faits, l'égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail.

Les art. 28 à 28c CC protègent la personnalité de toute personne contre des atteintes illicites. En matière de droit pénal, les lésions corporelles (art. 122 à 126 CP), la mise 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41

RS 311.0 RS 210 RS 272 RS 312.0 RS 822.11 RS 832.20 RS 822.14 RS 832.30 RS 312.5 RS 151.1 RS 151.3 RS 837.0 RS 823.20 RS 822.41 RS 82.311 RS 142.20 RS 221.215.329.4 RS 172.220.1 RS 312.2 RS 101

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en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), les délits contre l'honneur (art. 173 à 178 CP), la menace et la contrainte (art. 180 et 181 CP) ainsi que les infractions contre l'intégrité sexuelle (art. 187 à 194 CP) sont pertinents le cas échéant.

Le droit du travail est ancré dans différentes sources de droit. Le droit du contrat de travail privé est essentiellement réglé par le CO) aux art. 319 à 362. Aux termes de l'art. 328 CO, l'employeur prend, pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique, et adaptées aux conditions de l'exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l'exiger de lui.

Le droit de la protection des travailleurs fait partie du droit public du travail. Il comprend notamment la LTr ainsi que ses ordonnances, en particulier les ordonnances 3 et 4 du 18 août 1993 relatives à la loi sur le travail (OLT 342 et OLT 443), ainsi que la LAA et ses ordonnances, en particulier l'OPA. En matière de droit public, la protection de l'intégrité personnelle des travailleurs est inscrite à l'art. 6 LTr. Bien que son but premier soit la prévention, la loi prévoit aussi que les organes chargés de son application imposent les mesures nécessaires à l'employeur. L'art. 6 LTr oblige celui-ci à prendre toutes les mesures de protection des travailleurs dont l'expérience a démontré la nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui sont adaptées aux conditions d'exploitation de l'entreprise. L'art. 2 OLT 3 précise que l'employeur est tenu de donner toutes les directives et de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer et d'améliorer la protection de la santé physique et psychique des travailleurs.

La recommandation no 206 sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail complète la convention no 190. La CIT a adopté cette recommandation en même temps que la convention, avec le soutien de la Suisse.

La recommandation no 206 n'est pas un instrument contraignant et n'est pas soumise à ratification. Elle sert plutôt d'aide à l'orientation pour l'action politique. Elle contient des instructions concrètes pour la mise en oeuvre de mesures de prévention de la violence et du harcèlement dans le
monde du travail, pour garantir l'accès à des moyens de recours et de réparation ainsi qu'un soutien pour les victimes, et pour la mise en oeuvre d'instruments d'éducation et de sensibilisation concernant la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

La recommandation no 206 est présentée à l'Assemblée fédérale à titre d'information.

4

Commentaire des dispositions de la convention

Art. 1 L'art. 1, par. 1 définit les notions pertinentes utilisées dans le texte de la convention.

Aux fins de la présente convention: a) l'expression «violence et harcèlement» dans le 42 43

RS 822.113 RS 822.114

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monde du travail s'entend d'un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu'ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d'ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre; b) l'expression «violence et harcèlement fondés sur le genre» s'entend de la violence et du harcèlement visant une personne en raison de son sexe ou de son genre ou ayant un effet disproportionné sur les personnes d'un sexe ou d'un genre donné, et comprend le harcèlement sexuel.

La définition de la violence et du harcèlement dans le monde du travail (let. a) n'est pas uniforme dans la législation et la pratique en Suisse. Les comportements et pratiques que la convention définit comme de la violence et du harcèlement dans le monde du travail sont néanmoins réglés dans différentes lois suisses, qui les interdisent et les sanctionnent.

La définition de la violence et du harcèlement est traitée dans le droit civil suisse sous l'aspect de la protection de la personnalité et de la protection de la santé.

Aux termes de l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection. Une atteinte à la personnalité est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi. Par atteintes à l'intégrité personnelle, on entend l'ensemble des agressions dirigées contre une personne. Il s'agit de comportements qui transgressent les limites et s'en prennent à l'autre pour l'atteindre dans son estime de soi.

La protection de la personnalité des travailleurs est réglée à l'art. 328 CO. Font en particulier partie des biens de la personnalité protégés la vie et la santé, l'intégrité physique et morale, l'honneur personnel et professionnel, la position et la réputation dans l'entreprise ainsi que la sphère privée. En ce qui concerne la protection de l'intégrité physique et psychique, l'art. 6 LTr constitue le pendant de l'art. 328 CO dans le droit public du travail et a un contenu similaire.

Le harcèlement psychologique (mobbing) fait partie des comportements et pratiques inacceptables. Le
Tribunal fédéral définit le harcèlement psychologique comme un enchaînement de propos ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail (Arrêts du Tribunal fédéral (ATF) 4C_590/2020 du 8 juillet 2021 et 4A_439/2016 du 5 décembre 2016).

Les bases légales obligent les employeurs à protéger la santé physique et psychique des travailleurs. Dans la pratique de prévention suisse, la violence et le harcèlement sont considérés comme des risques psychosociaux, c'est-à-dire comme des atteintes potentielles à la santé psychique résultant d'influences dans l'environnement professionnel. Selon le commentaire du Secrétariat d'État à l'économie (SECO), le harcèlement psychologique, la discrimination et le harcèlement sexuel sont des exemples

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connus de comportements problématiques. Il ne s'agit cependant pas d'une liste exhaustive de comportements qui peuvent porter atteinte à l'intégrité personnelle44.

Les dispositions spécifiques à la violence et au harcèlement fondés sur le genre, harcèlement sexuel compris (let. b) se trouvent dans la LEg. L'art. 4 LEg concrétise l'art. 8 Cst. et interdit la discrimination des travailleurs par le harcèlement sexuel. Par comportement discriminatoire, on entend tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle.

L'art. 4 LEg rejoint l'approche fondée sur le genre de la convention. Cette disposition mentionne en effet l'atteinte à la dignité de la personne, et inclut les atteintes du fait de remarques sexistes fondées sur des stéréotypes de genre (ATF 126 III 385). De telles atteintes relèvent également des art. 328 CO et 6 LTr. Ces dispositions couvrent en outre aussi des atteintes en lien avec les caractéristiques sexuelles, le comportement sexuel ou l'orientation sexuelle45.

Le par. 2 laisse aux États membres la liberté d'énoncer les définitions de la convention dans leur législation nationale, dans un concept unique ou dans des concepts distincts.

Ils peuvent donc aussi définir quels comportements et quelles pratiques constituent des actes de violence et de harcèlement.

Le par. 2 laisse une certaine marge de manoeuvre aux États membres. Les éléments décisifs sont une prévention et une protection efficaces contre les comportements et les pratiques définis au par. 1. La législation suisse utilise cette marge de manoeuvre dans le sens où les définitions qui figurent dans les lois et les ordonnances déterminent des notions distinctes.

Les définitions selon le droit et la pratique suisse comprennent les comportements définis comme inacceptables dans la convention et permettent donc d'accepter l'art. 1 de la convention.

Art. 2 Aux termes de l'art. 2, par. 1, la convention protège les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail, y compris les
salariés tels que définis par les dispositions juridiques et la pratique en Suisse, ainsi que les personnes qui travaillent, quel que soit leur statut contractuel, les personnes en formation, y compris les stagiaires et les apprentis, les travailleurs licenciés, les personnes bénévoles, les personnes à la recherche d'un emploi, les candidats à un emploi et les individus exerçant l'autorité, les fonctions ou les responsabilités d'un employeur.

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www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Travail > Conditions de travail > Brochures et dépliants > Mobbing et autres formes de harcèlement ­ Protection de l'intégrité personnelle au travail www.seco.admin.ch > Travail > Conditions de travail > Loi sur le travail et Ordonnances > Commentaires relatifs à la loi sur le travail et ses ordonnances > Commentaire de l'OLT 3 > Annexe à l'article 2 OLT 3: Principe

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En Suisse, l'art. 328 CO protège l'intégrité personnelle de tous les travailleurs, à la condition de disposer d'un contrat de travail au sens des art. 319 à 362 CO. En font partie les contrats de durée illimitée ou limitée, les emplois rémunérés à l'heure et le travail sur appel. Sont également considérés comme travailleurs au sens du CO les travailleurs soumis à une convention collective de travail (CCT; art. 356 à 458 CO) ou à un contrat type de travail (CTT; art. 359 à 360 CO). Le droit suisse ne fait pas de distinction fondamentale entre les travailleurs placés et les autres. Comme les travailleurs placés méritent une protection particulière, l'art. 19 LSE prescrit cependant la conclusion d'un contrat de travail écrit. La protection de l'intégrité personnelle au sens de la protection de la santé prévue à l'art. 6 LTr est applicable à tous les travailleurs au bénéfice d'un contrat de travail conforme aux dispositions susmentionnées.

Au sens de l'art. 1 LTr, le champ d'application au niveau de l'entreprise et personnel est néanmoins plus large. Un contrat de travail ou des rapports de service de droit public ne sont pas une condition préalable. Les salariés au sens de la législation et de la pratique en Suisse sont alors protégés, quel que soit leur statut contractuel.

Les personnes en formation, y compris les stagiaires et les apprentis, ainsi que les personnes qui travaillent bénévolement, sont également protégées par le CO ou par la LTr. Conformément à l'art. 344 CO, les contrats d'apprentissage doivent être passés par écrit, de manière à garantir la protection particulière dont doivent jouir les apprentis. Comme mentionné précédemment, la définition du terme de travailleur est ainsi plus large dans la LTr que dans le droit du contrat de travail. La qualité de travailleur au sens de la LTr est applicable à toute personne que l'exercice de son activité intègre nécessairement dans une structure professionnelle étrangère à la sienne et soumet à un lien de subordination individuelle par rapport à son employeur, dont il est clairement tenu de suivre les instructions. La LTr n'exige pas le paiement d'un salaire à titre de contrepartie du travail. Elle s'applique donc aux personnes qui exercent une activité à titre bénévole, conformément au champ d'application de l'art. 1 LTr, par exemple dans le
cadre de leur formation ou à des fins de bienfaisance. Selon l'art. 1, al. 2, de l'ordonnance 1 du 10 mai 2000 relative à la loi sur le travail (OLT 1)46, sont également réputés travailleurs les apprentis, stagiaires, volontaires et autres personnes qui travaillent dans l'entreprise principalement à des fins de formation ou pour se préparer au choix d'une profession.

Conformément aux dispositions ci-dessus, l'art. 328 CO continue de s'appliquer aux travailleurs dont les rapports de travail ont été résiliés, tant que le délai de résiliation n'est pas échu. Les délais de résiliation sont réglés à l'art. 335 CO et, pour les engagements d'une durée indéterminée d'un emploi ininterrompu relevant de la location de services, à l'art. 19 LSE, respectivement dans les CCT et CTT correspondantes et, pour le personnel de la Confédération, à l'art. 12 LPers.

En Suisse, les demandeurs d'emploi ainsi que les personnes candidates à un poste ne sont pas considérés comme des travailleurs. Leur intégrité personnelle n'est donc pas protégée au sens du droit du travail public ou privé. En ce qui concerne les violations de l'intégrité physique et psychique, l'art. 28 CC protège la personnalité de manière générale. Lors d'un entretien d'embauche, les demandeurs d'emploi se trouvent dans une phase précontractuelle. Durant l'entretien, ils sont protégés par l'art. 28 CC. Dans 46

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la mesure où l'employeur pose des questions sans rapport avec le travail pour lequel le candidat se présente, l'employeur porte atteinte à l'intégrité personnelle du candidat. Selon un ATF, l'obligation d'assistance générale inscrite à l'art. 328 CO a déjà des effets anticipés sur la période de candidature en raison d'une application analogue (ATF 2C_103/2008 du 30 juin 2008). Les demandeurs d'emploi assurés aux termes de la LACI et qui ont résilié un contrat de travail ou qui ont refusé un emploi en raison d'une violation de l'art. 328 CO ne sont pas sanctionnés par la caisse de chômage, puisqu'il s'agit dans ce cas d'un travail qui n'est pas réputé convenable au sens de l'art. 16 LACI.

Les personnes physiques qui ont les pouvoirs, les devoirs et les responsabilités d'un employeur au sens d'une fonction dirigeante élevée sont aussi protégées par les dispositions sur la protection de la santé conformément à la LTr (art. 3a LTr).

En application de l'art. 3, al. 2, LEg, l'interdiction de discriminer les travailleurs à raison du sexe s'applique notamment à l'embauche, à l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail.

Toutes les personnes citées à l'art. 2 sont aussi protégées pénalement. Les lésions corporelles (art. 122 à 126 CP), la mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), les délits contre l'honneur (art. 173 à 178 CP), la menace et la contrainte (art. 180 et 181 CP) et les infractions contre l'intégrité sexuelle (art. 187 à 194 CP) sont pertinents.

Aux termes de l'art. 2, par. 2, la convention s'applique à tous les secteurs, publics ou privés, dans l'économie formelle ou informelle, en zone urbaine ou rurale.

La protection de la personnalité et de la santé face à la violence et au harcèlement est garantie par le CP, le CC, le CO et la LEg, indépendamment du secteur économique, de la nature formelle ou informelle de l'économie ou de la zone géographique concernée. La LTr s'applique aux entreprises et aux secteurs qui lui sont soumis. L'art. 2 LTr exclut certains types d'entreprises du champ d'application de la loi. Les dispositions de la LTr relatives à la protection de la santé (art. 6, 35 et 36a LTr) s'appliquent par contre aussi à certains
types d'entreprises exclus du champ d'application de la loi sur le travail (art. 3a LTr).

Dans ces conditions, l'art. 2 de la convention peut être accepté.

Art. 3 L'art. 3 définit le champ d'application de la convention.

De manière générale, la protection de toutes les personnes en Suisse face à la violence et au harcèlement, y compris les travailleurs, est garantie par le CC et le CP indépendamment du lieu. Les clauses de flexibilité à l'art. 9 s'appliquent en lien avec les exigences du CO et de la LTr à l'égard de l'employeur. En effet, l'art. 9 prévoit que tout État membre doit adopter «une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail», «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable». Ces clauses de flexibilité ont été introduites au cours des négociations et traduisent l'intention de la CIT de limiter la responsabilité des em-

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ployeurs, compte tenu du champ d'application étendu défini aux art. 2 et 3 de la convention. La représentation du gouvernement suisse a soutenu activement cette intention lors des négociations.

Compte tenu de l'importance de cette question, aussi bien dans le cadre des négociations qu'en vue d'une éventuelle ratification par la Suisse, le SECO a demandé un avis de droit informel sur ce sujet au Bureau international du Travail (BIT). Concernant les exigences envers les employeurs en regard du vaste champ d'application de la convention, le BIT a donné l'explication suivante: «Il convient aussi de noter que la responsabilité de l'employeur est indiscutable à la lecture combinée des art. 3 et 9, mais qu'elle est néanmoins nuancée à deux égards.

Les mesures prescrites doivent correspondre au «degré de contrôle» de l'employeur et être prises «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable».

Pour résumer et en regard des travaux préparatoires, on peut affirmer que le principe qui veut que les Etats membres devraient légiférer pour définir les devoirs et les responsabilités des employeurs afin qu'ils prennent des mesures pour prévenir et lutter contre la violence et le harcèlement n'a jamais été remis en question. Il est toutefois largement reconnu que l'on ne peut exiger des employeurs que des mesures raisonnablement réalisables.» L'obligation faite aux employeurs de prendre les mesures appropriées pour empêcher la violence et le harcèlement dans le monde du travail s'exerçant à l'occasion, en lien avec ou du fait du travail sur les lieux décrits aux let. a à f s'entend au sens des clauses de flexibilité et de l'avis de droit du BIT. Il en résulte clairement que l'employeur ne peut pas être responsable de situations, de circonstances ou de personnes qui échappent à son contrôle. Ainsi, malgré le champ d'application extensif de la convention, les exigences de celle-ci se recoupent avec les exigences de protection de l'intégrité physique et psychique des travailleurs selon les art. 328 CO et 6 LTr. Le droit suisse prévoit que les mesures à prendre par l'employeur doivent être commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique, et adaptées aux conditions de l'exploitation, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de
l'exiger de lui. L'employeur doit prouver, conformément à la législation en vigueur, qu'il a pris les mesures adéquates. Les exigences de la convention n'obligent pas l'employeur à contrôler les trajets entre le domicile et le lieu de travail ou les lieux de réunion externes pour détecter d'éventuels actes de violence ou de harcèlement.

Aux termes de l'art. 3, la convention s'applique à la violence et au harcèlement dans le monde du travail lorsqu'ils s'exercent à l'occasion, en lien avec ou du fait du travail.

Ce lien explicite entre le champ d'application et l'exécution du travail vaut pour toutes les lettres suivantes (a à f): let. a: sur le lieu de travail, y compris les espaces publics et les espaces privés lorsqu'ils servent de lieu de travail; Si les auteurs de violence et de harcèlement sont des supérieurs hiérarchiques ou des collègues de travail, l'art. 4 LEg inclut également dans la notion de lieu de travail les locaux externes dans lesquels sont organisées des rencontres avec des clients, des séminaires ou des repas pour le personnel.

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Selon l'art. 1, al. 1, LTr, les prescriptions relatives à la protection de la santé s'appliquent à toutes les entreprises publiques et privées, sous réserve des exceptions prévues aux art. 2 à 4 LTr. Aux termes de l'art. 1, al. 2, LTr, toute organisation du travail qui occupe un ou plusieurs travailleurs, de façon temporaire ou durable, constitue une entreprise. À l'exception des dispositions concernant les entreprises industrielles selon l'art. 5 LTr, des installations d'exploitation fixes ne sont pas une condition préalable. Comme mentionné au sujet de l'art. 2, la LTr ne prend en considération que le caractère effectif des rapports de travail, indépendamment de l'existence ou non d'un contrat de travail ou de rapports de travail régis par le droit public.

L'accomplissement du travail, entièrement ou partiellement, depuis le domicile (télétravail), n'est pas explicitement réglé dans la législation suisse. Cela ne délie toutefois pas l'employeur de son obligation d'assistance et de prendre les mesures nécessaires pour protéger l'intégrité personnelle des travailleurs, conformément à aux art. 6 LTr et 2, al. 2, OLT 3. En cas de télétravail, l'employeur ne peut cependant pas exercer de surveillance directe, raison pour laquelle il dépend de la participation active des travailleurs. Selon l'art. 3 de la convention, les actes de violence et de harcèlement commis par des personnes vivant sous le même toit que des travailleurs qui exercent leur activité à domicile ne sont pas inhérents au travail et échappent notamment au contrôle de l'employeur. Les clauses de flexibilité prévues à l'art. 9 de la convention signifient que l'employeur n'a aucun contrôle sur les situations purement privées.

La législation suisse ne définit pas de manière restrictive la notion de lieu de travail en ce qui concerne la violence et le harcèlement. La relation de travail est le critère décisif selon la législation suisse et la jurisprudence existante. Indépendamment du fait que le travailleur se trouve à la maison, dans le train ou lors d'un événement professionnel en dehors des bureaux, le droit suisse fait une distinction selon que la personne qui exerce la violence et le harcèlement est un supérieur hiérarchique, un collègue de travail ou un client, ou une personne ayant une relation privée avec l'éventuelle victime,
par exemple un conjoint, un membre de la famille ou un ami.

Concernant la protection de la sphère privée, voir les explications relatives à l'art. 10, let. c.

Le télétravail ne peut pas être comparé à des prestations fournies dans un ménage privé tiers. En Suisse, les travailleurs de l'économie domestique sont protégés de la même manière contre la violence et le harcèlement que les travailleurs au sens de l'art. 328 CO. Outre les dispositions du CO, les conditions de travail des travailleurs de l'économie domestique en Suisse sont réglées dans la CTT économie domestique ou dans les CTT s'appliquant au niveau cantonal. Les dispositions spécifiques concernant les employés de maison du personnel diplomatique figurent dans l'ordonnance du 6 juin 2011 sur les domestiques privés (ODPr)47. La Suisse a par ailleurs ratifié la convention no 189 de l'OIT du 16 juin 2011 concernant le travail décent des travailleuses et travailleurs domestiques48.

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let. b: sur les lieux où le travailleur est payé, prend ses pauses ou ses repas ou utilise des installations sanitaires, des salles d'eau ou des vestiaires; L'art, 3 de la convention exige expressément l'existence d'un lien entre l'exécution du travail et le champ d'application. On peut donc en conclure que l'art. 3, let. b, porte sur les locaux qui se trouvent sous le contrôle ou la sphère d'influence directs de l'employeur. L'OLT 3 règle les mesures que doivent prendre toutes les entreprises soumises à la loi sur le travail en vue de protéger la santé. Selon l'art. 29 OLT 3, les dispositions applicables à l'aménagement et à l'utilisation des locaux de travail le sont aussi, par analogie, aux vestiaires, aux douches, aux lavabos, aux toilettes, aux réfectoires, aux locaux de séjour et aux infirmeries. Il s'agit en premier lieu d'exigences et de mesures de nature organisationnelle et technique. La protection de la santé englobe cependant aussi l'intégrité physique et psychique des travailleurs et concerne ainsi également les mesures contre la violence et le harcèlement au travail. Les vestiaires, les lavabos, les douches et les toilettes utilisés en commun constituent un risque plus élevé de harcèlement, y compris de nature sexuelle. C'est pourquoi l'art. 29, al. 3, OLT 3 prévoit explicitement que des vestiaires, des lavabos, des douches et des toilettes doivent être aménagés séparément pour les hommes et pour les femmes. À tout le moins, une utilisation séparée de ces installations doit être prévue. Une exception existe par exemple dans les entreprises occupant simultanément un nombre restreint de travailleurs des deux sexes (jusqu'à 10 personnes) ou sur les petits chantiers avec des locaux sociaux en conteneurs.

let. c: à l'occasion de déplacements, de voyages, de formations, d'événements ou d'activités sociales liés au travail; Le harcèlement sur le trajet pour se rendre sur le lieu de travail, durant les loisirs ou en vacances relève de l'art. 4 LEg, dans la mesure où l'auteur de l'infraction est un supérieur hiérarchique ou un collègue de travail avec lequel la victime doit collaborer professionnellement. Des ATF récents suivent cet ordre d'interprétation. Sont concernés par exemple les apéritifs ou les fêtes de départ (ATF 4A_124/2017 du 31 janvier 2018 et 4A_18/2018 du 21 novembre 2018)
ou l'envoi de messages écrits à des employés en congé maladie et donc à la maison (ATF 4A_544/2018 du 29 août 2018).

La jurisprudence reconnaît toutefois bien certaines restrictions dues au fait qu'il ne s'agit pas de l'environnement professionnel au sens strict. Par exemple, le comportement dans l'environnement privé doit avoir un impact sur la capacité de la victime en ce qui concerne son activité professionnelle, ce qui peut à son tour nécessiter une collaboration directe de la victime avec des supérieurs directs ou des collègues.

Selon les termes des art. 328 CO et LTr, l'employeur a une obligation d'assistance à l'égard de ses travailleurs en ce qui concerne la protection de leur personnalité. Ce devoir d'assistance prévu dans la législation suisse est en accord avec l'art. 9 de la convention. Les obligations de l'employeur en droit suisse doivent être proportionnelles et correspondre à son degré de contrôle direct sur leur mise en oeuvre et leur respect. Ce principe de proportionnalité correspond à la clause de flexibilité prévue à l'art. 9 de la convention. Le degré de contrôle de l'employeur sur les activités en rapport avec le travail et qui se déroulent en dehors de l'entreprise est limité. Alors que cela ne dispense pas l'employeur de son devoir d'information sur les risques éventuels de violence et d'harcèlement définis dans le cadre de l'art. 5, al. 1, OLT 3, il n'est, conformément au principe de proportionnalité, pas en mesure de surveiller le respect 17 / 46

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des mesures correspondantes tel que le prévoit l'art. 5, al. 2, OLT 3. Par exemple, lors d'une formation ou d'un voyage organisé par l'entreprise, il suffit que l'employeur puisse prouver qu'il a mis en place un règlement ou des règles de conduite afin de prévenir tout acte de harcèlement.

Dans le cadre de l'obligation d'assistance générale, l'employeur est cependant tenu, en cas d'activités liées au travail se déroulant hors de l'entreprise, d'interdire la violence et le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, et d'intervenir en cas d'incidents concrets touchant des travailleurs. Il convient de rappeler que les exigences de la convention ne rendent pas les employeurs responsables de situations, de circonstances ou de personnes qui échappent à leur contrôle.

let. d: dans le cadre de communications liées au travail, y compris celles effectuées au moyen de technologies de l'information et de la communication; Les canaux de communication traditionnels et modernes peuvent être utilisés abusivement pour harceler certaines personnes sur leur lieu de travail. Le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel en font notamment partie. Lorsque la communication liée au travail constitue un harcèlement sexuel, ce sont les dispositions explicites des art. 328, al. 1, CO, 4 LEg et 198 CP qui s'appliquent.

Concernant les technologies de l'information et de la communication, on ajoutera qu'aux termes de l'art. 26, al. 1, OLT 3, il est interdit d'utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail. Comme les systèmes de surveillance peuvent être ressentis comme gênants, leur installation est admissible uniquement dans les circonstances suivantes: existence d'un intérêt nettement prépondérant autre que la surveillance du comportement des travailleurs, par exemple la sécurité du personnel ou de l'entreprise; proportionnalité entre l'intérêt de l'employeur à recourir à une surveillance et l'intérêt des travailleurs à ne pas être surveillés; participation des travailleurs à la planification, l'installation et l'emploi des systèmes de surveillance ou de contrôle et concernant la durée de conservation des données ainsi recueillies.

Le harcèlement sur Internet peut également être poursuivi pénalement. L'art 179septies CP
(utilisation abusive d'une installation de télécommunication pour inquiéter un tiers ou pour l'importuner) est aussi applicable au cyberharcèlement (cyberstalking), cette disposition n'englobant pas seulement les appels téléphoniques, mais aussi les courriels, les messages sous forme de texte ou d'images transmis par le réseau de téléphonie, les médias sociaux ou Internet. En raison du potentiel d'abus évident que présentent les nouveaux moyens de télécommunication, le Conseil fédéral prévoit de relever les sanctions pour cette infraction. D'autres infractions qui peuvent se révéler pertinentes dans les cas de cyberharcèlement s'y ajoutent: accès indu à un système informatique (art. 143bis CP, norme pénale relative au piratage), détérioration de données (art. 144bis CP) et usurpation d'identité, une nouvelle infraction que propose le Conseil fédéral dans le cadre de la révision totale de la loi sur la protection des données49.

Cette disposition s'applique par exemple lorsque l'auteur du harcèlement commande

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de la marchandise au nom de sa victime ou fait des déclarations compromettantes en son nom sur les réseaux sociaux50.

let. e: dans le logement fourni par l'employeur; Si le logement fait partie de l'entreprise, voir les explications concernant l'art. 3, let. b. Pour le reste, ce sont les dispositions générales du CO qui s'appliquent. Au sens de l'art. 328 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Conformément à l'art. 3 LDét, l'hébergement des travailleurs détachés doit répondre aux normes qui sont habituelles sur le lieu de la mission.

Les ménages privés sont exclus du champ d'application de la LTr (art. 2, al. 1, let. g, LTr). Selon l'art. 328a CO, lorsque le travailleur vit dans le ménage de l'employeur, celui-ci fournit une nourriture suffisante et un logement convenable. En d'autres termes, le logement doit être suffisamment grand, propre, ne pas mettre la santé du travailleur en danger et permettre la protection de sa sphère privée. Si les travailleurs de l'économie domestique sont employés par un bénéficiaire de privilèges, d'immunités et de facilités, c'est l'art. 30 ODPr qui règle les exigences relatives à l'hébergement. Ce groupe de travailleurs peu familier du droit fédéral est ainsi soumis à une législation spécifique.

Concernant les hébergements sur les chantiers, on rappellera qu'il existe des directives déclarées d'application générale, convenues entre les partenaires sociaux, quant à l'aménagement des hébergements et du règlement interne51.

let. f:

pendant les trajets entre le domicile et le lieu de travail.

Le harcèlement sur le trajet pour se rendre sur le lieu de travail, durant les loisirs ou en vacances relève de l'art. 4 LEg, dans la mesure où l'auteur de l'infraction est un supérieur hiérarchique ou un collègue de travail avec lequel la victime doit collaborer professionnellement.

La législation suisse ne définit pas le trajet pour se rendre sur le lieu de travail de manière détaillée. Selon l'art. 13, al 1, OLT 1, le trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir n'est pas considéré comme faisant partie de la durée du travail, pour autant que le travailleur ne doive pas se tenir à la disposition de l'employeur durant ce temps. Si le travailleur est à la disposition de l'employeur, le temps pendant lequel il se tient à sa disposition est considéré comme du temps de travail, indépendamment de l'endroit où il se trouve. Ainsi, le fait que le travailleur doive être à la disposition de l'employeur lorsqu'il se trouve dans l'entreprise, dans les transports publics ou ailleurs ne joue aucun rôle. Du point de vue du droit privé, le droit de l'employeur de donner des instructions au sens de l'art. 321d CO mais aussi l'obligation d'assistance au sens de l'art. 328 CO sont ainsi limités, à moins que l'employeur n'organise lui-même le transport du travailleur et qu'il conserve, de cette manière, le contrôle direct sur le trajet de celui-ci entre son domicile et son lieu de travail. Comme les clauses de flexibilité de l'art. 9 mentionnées plus haut permettent à la Suisse de ne pas imposer aux employeurs des mesures qui seraient inappropriées ou pratiquement 50

51

Question de la codification de l'infraction de «stalking», rapport du 12 avril 2019 de l'Office fédéral de la justice sur mandat de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N), Berne.

Convention nationale du secteur principal de la construction 2019­2022, annexe 6.

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impossibles à réaliser, le fait que l'art. 328 CO ne soit pas applicable sur le trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir ne constitue pas un obstacle à la ratification.

Dans son avis de droit, le BIT se prononce ainsi sur cette question: «Concernant la question spécifique de la violence et du harcèlement lors des trajets domicile-travail, il apparaît clairement qu'une série de mesures, notamment préventives, peuvent être prises pour atténuer ou éliminer les risques de violence et de harcèlement lors des déplacements domicile-travail, en fonction bien sûr d'un certain nombre de facteurs tels que la taille et la capacité financière de l'entreprise concernée ou encore les conditions locales. Des exemples à cet égard (fournis à titre indicatif uniquement) pourraient inclure l'organisation de quarts de travail garantissant la disponibilité des transports publics lorsque les travailleurs commencent ou quittent le travail ou le maintien de l'éclairage du parking jusqu'à ce que le personnel ait quitté les locaux.» De manière générale, aux termes de la LTr, toute atteinte à la santé des travailleurs doit être évitée. C'est en premier lieu à l'employeur qu'en revient la responsabilité, soumise au principe de proportionnalité. Si le trajet que le travailleur effectue pour se rendre à son travail présente un potentiel de danger supérieur à la moyenne en raison de l'organisation du travail prescrite par l'employeur, des mesures spécifiques peuvent être indiquées pour protéger les travailleurs concernés. Selon l'avis de droit informel du BIT, il incombe au gouvernement d'examiner soigneusement toutes les situations possibles et de déterminer le type de mesures à prendre par les employeurs.

De telles mesures peuvent, par exemple, inclure un éclairage adéquat des locaux de l'entreprise ou des places de stationnement pour les travailleurs. En outre, l'employeur peut aménager les horaires de travail de manière à éviter les heures creuses et à garantir une correspondance avec les transports publics, si cela permet de réduire les risques éventuels de violence et de harcèlement. La proportion entre l'effort nécessaire pour la mise en oeuvre de telles mesures et leur utilité doit cependant être raisonnable et économiquement supportable. Il convient de peser les intérêts entre le risque pour la santé
et le type, la taille et la capacité économique de l'entreprise. L'employeur doit démontrer qu'il a rempli ses obligations en matière de protection de l'intégrité physique et psychique conformément à la législation en vigueur. Or, selon les clauses de flexibilité de l'art. 9, il ressort que l'employeur n'a pas de contrôle direct sur les éventuels cas de violence et de harcèlement de ses employés par des tiers sur le chemin du travail dans les transports publics. Si, par exemple, un travailleur est harcelé dans les transports publics sur le chemin du travail, cet incident échappe au contrôle de l'employeur. Il doit cependant organiser le déroulement du travail de manière à éviter, dans la mesure du possible, toute mise en danger de la santé des travailleurs (art. 6, al. 2, LTr).

Aux termes de l'art. 17e LTr, et pour autant que les circonstances l'exigent, l'employeur qui occupe régulièrement des travailleurs la nuit doit prendre des mesures supplémentaires appropriées, destinées à leur protection, notamment en ce qui concerne la sécurité sur le chemin du travail et l'organisation des transports. Cette disposition tient compte des horaires de début et de fin du travail ainsi que des défis de nature organisationnelle. Dans ces conditions, l'employeur qui recourt régulièrement au travail de nuit s'engage à examiner des mesures supplémentaires pour protéger les travailleurs si cela s'avère nécessaire. Clarifier les besoins en la matière en fait partie.

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Dans ce cas, l'employeur est tenu de veiller à ce que le trajet pour se rendre au travail soit sans danger et de prendre les mesures appropriées pour les horaires qui ne permettent pas d'utiliser les transports publics. Il doit par exemple s'assurer que les travailleurs puissent effectuer le trajet avec leur propre moyen de transport ou en covoiturage. Les femmes ont droit à une protection particulière sur le chemin du travail. Il incombe par ailleurs à l'employeur de veiller à ce que tous les travailleurs occupés dans son entreprise, de même que ceux qui y sont affectés à une activité tout en étant occupés par une autre entreprise, bénéficient des informations et instructions adéquates concernant les mesures relatives au travail de nuit (art. 70 OLT 1).

Au vu de ce qui précède, l'art. 3 de la convention peut être accepté.

Art. 4 L'art. 4, par. 1 engage tout État qui ratifie la convention à respecter, promouvoir et réaliser le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement.

La protection de la personnalité par les dispositions du droit civil et du droit public en matière de protection des travailleurs respecte le droit de toute personne en Suisse à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement. La législation et la pratique en Suisse prévoient des mesures qui correspondent à cette perception globale dans les domaines de la prévention, de la protection, de l'application, de l'assistance juridique, de la formation et de la sensibilisation.

Aux termes de l'art. 4, par. 2, chaque État partie doit adopter, conformément à la législation et à la situation nationales et en consultation avec les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre, qui vise à prévenir et à éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Cette approche devrait prendre en compte la violence et le harcèlement impliquant des tiers, le cas échéant, et consiste notamment à: a) interdire en droit la violence et le harcèlement; b) garantir que des politiques pertinentes traitent de la violence et du harcèlement; c) adopter une stratégie globale afin de mettre en oeuvre des mesures pour prévenir et combattre la violence et le harcèlement; d) établir des mécanismes de contrôle de
l'application et de suivi ou renforcer les mécanismes existants; e) garantir l'accès à des moyens de recours et de réparation ainsi qu'à un soutien pour les victimes; f) prévoir des sanctions; g) élaborer des outils, des orientations et des activités d'éducation et de formation et sensibiliser, sous des formes accessibles selon le cas; h) garantir l'existence de moyens d'inspection et d'enquête efficaces pour les cas de violence et de harcèlement, y compris par le biais de l'inspection du travail ou d'autres organismes compétents.

Dans sa pratique et en accord avec la législation nationale, la Suisse suit une approche complète et inclusive, qui vise à protéger l'intégrité personnelle de tous les travailleurs. La protection de l'intégrité personnelle face à la violence et au harcèlement dans le monde du travail est concrétisée par une série de lois, de directives et de stratégies.

Cette approche est complétée par des dispositions explicites, spécifiques au genre, en particulier dans le cas du harcèlement sexuel (art. 328, al. 2, CO et 4, LEg).

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Selon l'art. 328 CO, l'employeur a aussi l'obligation de protéger ses travailleurs des agressions de tiers pendant le travail. La protection de l'intégrité physique et psychique des travailleurs conformément aux art. 6 LTr et 2 OLT 3 oblige également l'employeur à protéger ses travailleurs des collaborateurs et, le cas échéant, des clients.

Lorsque des lois sont révisées dans le cadre de la lutte contre la violence et le harcèlement, tous les milieux intéressés et associations faîtières sont consultés. Lors des consultations, le SECO assure la coordination avec les partenaires sociaux au travers de la CTOIT, conformément aux dispositions de la convention.

Let. a Dans le droit pénal suisse, la violence dans ses différentes manifestations, harcèlement sexuel compris, est punissable. Les dispositions qui interdisent la violence et le harcèlement sont décrites dans le commentaire relatif à l'art. 2, par. 1, de la convention.

Let. b La lutte contre la violence et le harcèlement est un thème récurrent dans la politique nationale suisse. Le SECO et les inspections cantonales du travail ont mené une action prioritaire consacrée aux risques psychosociaux avec le soutien des partenaires sociaux entre 2014 et 2018. Pour de plus amples informations sur les politiques menées en Suisse pour lutter contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, voir le commentaire relatif à l'art. 11, par. 1, let. a, et à l'art. 6 concernant les politiques qui garantissent le droit à l'égalité et à la non-discrimination en matière d'emploi et de profession.

Let. c Le 28 avril 2021, le Conseil fédéral a adopté la stratégie Égalité 2030, dans laquelle deux des quatre champs d'action mettent l'accent sur la lutte contre la discrimination et la violence de genre. Un projet de stratégie a été présenté aux partenaires sociaux pour consultation. La let. c n'exige pas l'adoption d'une stratégie spécifique, mais d'une approche globale, ce qui correspond à la législation et à la pratique en Suisse.

Let. d Les mécanismes d'exécution de la LTr et de ses ordonnances relèvent en premier lieu des cantons. Aux termes de l'art. 41, al. 1, LTr, ce sont les cantons qui désignent les autorités chargées de l'exécution, dans le cas présent les inspections cantonales du travail. De son côté, la Confédération exerce la haute
surveillance sur l'exécution et peut donner des instructions aux autorités cantonales d'exécution (art. 42 LTr). Pour de plus amples informations à ce sujet, voir le commentaire relatif à l'art. 10, par. 1, let. a.

Let. e La LAVI, le CPP et la LTém protègent les victimes et garantissent qu'elles ont accès aux mesures d'assistance et de soutien. La protection contre les mesures de représailles au sens du droit privé est garantie d'une part par la protection contre la résiliation abusive (art. 336 CO) et en général aussi par la protection de la personnalité en vertu de l'art. 328 CO. Pour de plus amples informations à ce sujet, voir le commentaire relatif à l'art. 10, par. 1, let. b.

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Let. f Les cas de violence et de harcèlement dans le monde du travail peuvent, en Suisse, avoir différentes conséquences relevant du droit privé, du droit public ou du droit pénal. Le CP, le CC, le CO, la LEg et la LTr prévoient des sanctions pour les cas de violence et de harcèlement. Pour de plus amples informations à ce sujet, voir commentaire relatif à l'art. 10, al. 1, let. d.

Let. g Concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG) et le SECO proposent du matériel d'information spécifique, du point de vue de l'employeur et de celui de l'employé. Le SECO propose également divers outils ainsi que du matériel d'information, d'aide et de sensibilisation dans le domaine de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Pour de plus amples informations à ce sujet, voir le commentaire relatif à l'art. 11, let. b.

Let. h Les inspections cantonales du travail ont pour mission de contrôler si l'employeur applique correctement les obligations découlant de la loi sur le travail. Il s'agit en règle générale de contrôles systémiques et non d'enquêtes portant sur des cas isolés concrets. Il ne revient donc pas, en premier lieu, aux inspecteurs du travail de mener des interrogatoires, par exemple pour évaluer si, dans un cas concret, il y a eu harcèlement sexuel ou violence. Leur mission consiste à vérifier si l'employeur a pris les mesures raisonnablement exigibles et si, par exemple, il existe une procédure au sein de l'entreprise pour annoncer ce type de problèmes. Concernant la mise en oeuvre et l'application de la législation nationale concernant la violence et le harcèlement dans le monde du travail ainsi que les systèmes de surveillance, voir les commentaires relatifs à l'art. 10, let. a et h.

L'art. 4, par. 3, oblige les États membres qui adoptent et mettent en oeuvre l'approche visée à l'art. 4, par. 2, à reconnaître les fonctions et rôles différents et complémentaires des gouvernements, et des employeurs et travailleurs et de leurs organisations respectives, en tenant compte de la nature et de l'étendue variables de leurs responsabilités respectives. Cet alinéa met en évidence que ce sont en premier lieu les États membres qui sont responsables de la mise en oeuvre de la convention, mais qu'ils reconnaissent le rôle
important des partenaires sociaux dans son application.

Ce principe reflète la responsabilité qualifiée de l'employeur telle qu'elle est décrite dans le commentaire et l'avis de droit du BIT cité relatifs à l'art. 9, qui contient les clauses de flexibilité correspondantes. Cette prescription correspond à la législation et à la pratique telles qu'on les connaît en Suisse.

L'expression «conformément à la législation et à la situation nationales» représente une clause de flexibilité autorisant une mise en oeuvre de l'engagement de la Suisse en accord avec sa législation actuelle. Pour les raisons exposées ci-dessus et en vertu de la flexibilité que permet l'art. 4, par. 2, l'art. 4 de la convention peut être accepté.

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Art. 5 Selon l'art. 5, en vue de prévenir et d'éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail, tout État partie doit respecter, promouvoir et réaliser les principes et droits fondamentaux au travail.

La Suisse a adopté la déclaration de l'OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail52. Ces droits fondamentaux au travail comprennent la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l'abolition effective du travail des enfants et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

La Suisse a ratifié les huit conventions fondamentales de l'OIT qui garantissent ces droits fondamentaux, valables sans exception pour tous les travailleurs. Ils sont inscrits dans la Cst. ainsi que dans diverses lois relevant du droit du travail et d'autres conventions de l'OIT ratifiées par la Suisse.

L'art. 5 de la convention peut donc être accepté.

Art. 6 L'art. 6 dispose que chaque État qui ratifie la convention doit adopter une législation et des politiques garantissant le droit à l'égalité et à la non-discrimination dans l'emploi et la profession. Ceci est notamment valable dans le cas des travailleuses et des autres personnes qui sont touchées de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

Le principe de l'égalité devant la loi et de l'interdiction de la discrimination est consacré à l'art. 8 de la Cst. Aux termes de l'art. 8, al. 3, Cst., l'homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

La LEg concrétise l'art. 8, al. 3, Cst. et interdit expressément toute discrimination des travailleurs à raison du sexe, qu'elle soit directe ou indirecte. Dans le programme de la législature 2019 à 2023, le Conseil fédéral a prévu des mesures concrètes pour encourager l'égalité des sexes, dont la stratégie Égalité 2030 est l'élément central. Les principaux champs d'action sont les suivants: vie professionnelle et publique, conciliation et famille, discrimination et violence de genre. L'objectif est de mettre en oeuvre l'égalité
de droit et de fait de l'homme et de la femme (art. 8, al. 3, Cst.).

Les personnes handicapées font partie d'un groupe de personnes particulièrement vulnérables, touchées de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement dans le monde du travail. La LHand a pour but de prévenir, de réduire ou d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées (art. 1, al. 1, LHand). Selon l'art. 1, al. 2, elle crée des conditions propres à faciliter aux personnes handicapées l'accomplissement d'une formation ou d'une formation continue et l'exercice d'une activité professionnelle. Alors que la LHand se limite aux rapports de service de droit publicprivé de la Confédération, les dispositions générales de protection s'appliquent conformément aux art. 28 CC et 328 CO. Dans son rapport du 9 mai 2018 sur la politique 52

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en faveur des personnes handicapées53, le Conseil fédéral a défini le programme Égalité et travail comme un thème prioritaire de la politique en faveur des personnes handicapées pour la période 2018 à 2021. L'amélioration du niveau de connaissance et la sensibilisation des acteurs pertinents étaient au coeur de ce programme, qui s'adressait à la Confédération et aux cantons, mais aussi en particulier aux entreprises ainsi qu'aux représentants du patronat et des salariés. Les partenaires sociaux étaient représentés au sein du groupe de suivi du programme.

En raison des dispositions et politiques nationales exposées ci-dessus, l'art. 6 de la convention peut être accepté.

Art. 7 L'art. 7 prévoit que tout État membre qui a ratifié la convention doit adopter une législation définissant et interdisant la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre.

Dans ce contexte, voir les explications relatives aux art. 1 à 3 en lien avec les définitions et le champ d'application. La protection complète et intégrée de la personnalité en général et des travailleurs en particulier dans la législation et la pratique suisses comprennent aussi une interdiction de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. La violence et le harcèlement dans le monde du travail, qu'ils soient ou non fondés sur le genre, sont définis et interdits en Suisse par différentes lois, conformément aux explications ci-dessus. Pour cette raison, le Conseil fédéral ne juge pas nécessaire de formuler une définition spécifique de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

En combinaison avec les textes de loi spécifiques à la violence et au harcèlement fondés sur le genre mentionnés à l'art. 1, l'art. 7 de la convention peut être accepté.

Art. 8 L'art. 8 dispose que tous les États parties qui ont ratifié la convention doivent prendre des mesures appropriées pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

Comme l'indique le Conseil fédéral dans son commentaire relatif à l'art. 4, par. 1, la Suisse suit une approche systématique dans le domaine de la prévention des risques psychosociaux au travail.

Avec le contrôle des exigences imposées aux entreprises en matière de protection de l'intégrité physique et psychique des travailleurs,
la prévention des risques psychosociaux fait partie des tâches centrales des organes d'exécution fédéraux et cantonaux.

Le SECO et les inspections cantonales du travail ont mené une action prioritaire consacrée aux risques psychosociaux avec le soutien des partenaires sociaux entre 2014 et 2018. Le but premier des mesures prises était de renforcer la prévention des risques psychosociaux sur le lieu de travail, dont font partie la violence et le harcèlement. La protection de l'intégrité personnelle était une priorité. Afin de soutenir les inspecteurs du travail, le SECO a organisé des formations continues et a élaboré un 53

www.edi.admin.ch > BFEH > Politique en faveur des personnes handicapées

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guide destiné à simplifier le traitement des risques psychosociaux dans le cadre de leur activité. Les inspecteurs ont abordé systématiquement les risques psychosociaux lors de leurs visites dans les entreprises et ont sensibilisé, informé et conseillé les employeurs au sujet de leur responsabilité au regard des dispositions en vigueur relatives à la protection de la santé. Du matériel d'information et différents outils ont en outre été mis à la disposition des employeurs, tels qu'ils sont prévus à l'art. 11, let. b de la convention.

L'art. 8, let. a demande de reconnaître le rôle important des pouvoirs publics en ce qui concerne les travailleurs de l'économie informelle.

Les dispositions nationales pertinentes en matière de prévention de la violence et du harcèlement s'appliquent à tous les travailleurs en Suisse. Les mêmes bases juridiques s'appliquent. Les personnes occupées dans l'économie informelle ont les mêmes droits en ce qui concerne la reconnaissance de leurs droits civils et peuvent aussi recourir à des prestations de conseil en ce qui concerne les questions touchant au droit du travail. Les dispositifs de surveillance du marché du travail prévus par la LTr, la LTN et la LDét s'appliquent à l'ensemble de l'économie. En ce sens, la Suisse ne prévoit pas de mesures spécifiques pour prévenir la violence et le harcèlement dans le secteur de l'économie informelle.

L'art. 8, let. b et c, exige en outre d'identifier, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs concernées et par d'autres moyens, les secteurs ou professions et les modalités de travail qui exposent davantage les travailleurs et autres personnes concernées à la violence et au harcèlement. Des mesures doivent être prises pour protéger ces personnes de manière efficace.

Conformément à son mandat, la CTOIT examine la ratification des conventions de l'OIT et est consultée sur les mesures visant à promouvoir la mise en oeuvre des conventions de l'OIT ratifiées. La CTOIT sera consultée à intervalles réguliers sur la mise en oeuvre de l'art. 8, let. b et c. Selon les besoins, d'autres commissions tripartites spécialisées de la Confédération et des spécialistes de l'administration fédérale seront impliqués dans les consultations.

Dans ces conditions, l'art. 8 de la convention peut être accepté.

Art. 9
L'art. 9 dispose que tout État membre qui ratifie la convention doit adopter une législation prescrivant aux employeurs de prendre des mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre.

Cet article contient les clauses de flexibilité «mesures appropriées correspondant à leur degré de contrôle» et «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable». Ces clauses de flexibilité laissent une certaine marge de manoeuvre aux États membres pour concrétiser cet article. Voir à nouveau l'avis de droit du BIT relatif aux exigences de la convention conformément à l'art. 9: «Les travaux préparatoires de la convention no 190, notamment l'historique de la négociation de la première phrase, ou chapeau, de l'art. 9 fournissent un certain nombre d'éclaircissements sur le sens et la portée des deux limites précitées, et en particulier 26 / 46

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sur l'intention de la Conférence de limiter la responsabilité des employeurs au regard du large champ d'application de la convention.

La notion de contrôle avait également été introduite dans cette convention afin de clarifier que l'on ne pouvait attendre des employeurs qu'ils soient tenus responsables d'endroits sur lesquels ils n'exerçaient aucun contrôle.

Le Bureau avait en outre précisé que ce segment de phrase portait «sur la nature des mesures à prendre». Indéniablement, ce qui est «raisonnable en termes d'efforts, de temps et de ressources» dépend en partie du degré de contrôle d'un employeur sur une situation particulière.

L'obligation découlant de l'art. 9 pour les Etats membres de prescrire aux employeurs de prendre des mesures «pour prévenir la violence et le harcèlement dans le monde du travail», s'applique, dans la mesure prévue par cet article, à toutes les occurrences possibles de violence et de harcèlement, tels que définis à l'art. 1, contre les personnes couvertes en vertu de l'art. 2 et dans tous les lieux ou situations prévus à l'art. 3.

Il convient de noter également que, si à la lumière d'une lecture combinée des art. 3 et 9, le principe de responsabilité des employeurs est indéniable, cette responsabilité n'en est pas moins qualifiée, et ce à deux égards. Les mesures prescrites doivent correspondre au «degré de contrôle» des employeurs et être prises «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable». Ces deux limites reflètent le principe général énoncé à l'art. 4(3) de la convention qui dispose que les États parties doivent «reconnaître les fonctions et rôles différents et complémentaires des gouvernements, et des employeurs et travailleurs et de leurs organisations respectives, en tenant compte de la nature et de l'étendue variables de leurs responsabilités respectives».

Le Bureau a clarifié que les employeurs, «bien qu'ils soient tenus de prendre ces mesures, peuvent les adapter en fonction de ce qu'ils considèrent raisonnable en termes d'efforts, de temps et de ressources au vu de leur situation particulière (taille de l'entreprise, activité, etc.)».

En conclusion, comme il ressort clairement des travaux préparatoires, même si le principe selon lequel les Etats membres doivent adopter une législation relative aux devoirs et obligations des employeurs
de prendre des mesures pour prévenir et maîtriser la violence et le harcèlement n'a jamais été remis en question, il a très largement été reconnu que les employeurs ne peuvent être tenus de prendre que des mesures qui soient raisonnablement réalisables.» L'art. 4 LEg précise l'obligation de prévention de l'employeur en lien avec le harcèlement sexuel au travail. Du point de vue du droit privé, l'employeur est tenu, selon l'art. 328 CO, de respecter et de protéger la personnalité du travailleur, et de protéger en particulier ce dernier du harcèlement sexuel. Il doit prendre les mesures nécessaires qui peuvent raisonnablement être exigées de lui pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle de ses employés.

Du point de vue du droit public, la LTr prévoit que toute atteinte à la santé doit être évitée. Cette responsabilité est en premier lieu celle de l'employeur. Les art. 6, al. 1, LTr et 2, OLT 3 obligent à prendre toutes les mesures nécessaires pour prévoir la protection de l'intégrité personnelle des travailleurs. Comme indiqué à de nombreuses

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reprises, cette responsabilité comprend aussi l'obligation de prendre des mesures contre le harcèlement psychologique, la violence et d'autres formes de harcèlement.

Pour autant qu'elles soient raisonnables et pratiquement réalisables, ces mesures engagent en particulier les employeurs à: let. a: adopter et mettre en oeuvre, en consultation avec les travailleurs et leurs représentants, une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement; Le droit suisse ne comprend pas d'obligations spécifiques en rapport avec une politique du lieu de travail relative à la violence et au harcèlement. Cette obligation relève néanmoins du devoir d'assistance général de l'employeur en vue de la protection de l'intégrité personnelle. L'employeur est tenu d'informer les travailleurs des mesures qui ont été prises dans le cadre du devoir d'assistance général dans le domaine de la santé (art. 5 OLT 3). Aux termes de l'art. 5, al. 2, OLT 3, l'employeur veille à ce que les travailleurs observent les mesures de protection de la santé. En font partie, outre des directives claires, la perception d'un rôle de modèle responsable et l'application systématique des mesures ordonnées. Les droits de participation particuliers des travailleurs dans les questions relatives à la protection des travailleurs conformément à l'art. 10 de la loi sur la participation sont concrétisés dans le droit suisse pour ce qui touche à la protection de la santé. Aux termes de des art. 48 LTr et 6, al. 2, OLT 3, les travailleurs ont un droit de participation sur toutes les questions concernant la protection de la santé. Ce droit à être informé et consulté comprend le droit d'être entendu et conseillé, ainsi que le droit d'obtenir la communication des motifs de la décision, conformément à l'art. 48, al. 2, LTr. Avant de prendre une décision, l'employeur doit entendre ses travailleurs et leur donner la possibilité de présenter leurs propositions.

Les informations et formations correspondantes ainsi que les droits et obligations des travailleurs sont détaillés dans les explications relatives à l'art. 9, let. d. Les mécanismes et procédures de signalement et de règlement des différends en matière de violence et de harcèlement dans le monde du travail sont commentés dans les explications relatives à l'art. 10, let. b.

let. b: tenir
compte de la violence et du harcèlement, et des risques psychosociaux qui y sont associés, dans la gestion de la sécurité et de la santé au travail; Une organisation ou un processus de travail déficient peut entraîner des problèmes psychosociaux et accroître le risque de violence et de harcèlement au travail. Conformément à l'art. 6, al. 2, LTr, l'employeur doit donc notamment régler la marche du travail de manière à préserver autant que possible les travailleurs des dangers menaçant leur santé. Dans l'OLT 3, la définition d'une organisation du travail appropriée est large. Les mesures à prendre sont donc en premier lieu de nature organisationnelle et doivent correspondre au principe de proportionnalité. Les aspects en lien avec les défauts dans l'organisation du travail, un climat de travail ou une culture au sein de l'entreprise favorisant les risques psychosociaux, mais aussi des horaires de travail irréguliers ou inadaptés en font partie. L'art. 3, al. 2, LEg précise que l'interdiction de tout comportement importun de caractère sexuel ou fondé sur l'appartenance sexuelle s'applique en particulier aussi à l'attribution des tâches et à l'aménagement des conditions de travail. Les explications relatives au thème prioritaire des risques psychosociaux pour la période de 2014 à 2018 figurent dans le commentaire relatif à l'art. 8.

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let. c: identifier les dangers et d'évaluer les risques de violence et de harcèlement, en y associant les travailleurs et leurs représentants, et de prendre des mesures destinées à prévenir et à maîtriser ces dangers et ces risques; Les droits de participation des travailleurs en ce qui concerne les mesures relatives à la violence et au harcèlement respectivement à la protection de l'intégrité personnelle en général, sont exposés à l'art. 9, let. a. Les directives que doit donner et les mesures que doit prendre l'employeur aux termes de l'art. 2 OLT 3 doivent être conformes à divers principes de bases relatifs à une organisation appropriée. En font partie l'évitement des risques, l'évaluation et la minimisation des risques inévitables ainsi que la lutte contre les risques à leur racine. Selon le principe de proportionnalité, les mesures de protection doivent être prises en fonction des dangers et du potentiel de dommages.

let. d: fournir aux travailleurs et autres personnes concernées, sous des formes accessibles selon le cas, des informations et une formation sur les dangers et les risques de violence et de harcèlement identifiés et sur les mesures de prévention et de protection correspondantes, y compris sur les droits et responsabilités des travailleurs et autres personnes concernées en lien avec la politique visée à l'alinéa a) du présent article.

Aux termes de l'art. 5, al. 1, OLT 3, l'employeur veille à ce que tous les travailleurs occupés dans son entreprise, y compris ceux provenant d'une entreprise tierce, soient informés de manière suffisante et appropriée des risques physiques et psychiques potentiels auxquels ils sont exposés dans l'exercice de leur activité et instruits des mesures de protection de la santé. Cette information et cette instruction doivent être dispensées lors de l'entrée en service ainsi qu'à chaque modification importante des conditions de travail; elles doivent être répétées si nécessaire. En ce qui concerne les risques d'atteinte à la personnalité en lien avec les collègues de travail (par ex. harcèlement psychologique ou sexuel), il faut désigner une personne de confiance neutre (ATF 2C_462/2011 E. 4.2 du 9 mai 2012). L'employeur doit indiquer aux travailleurs qu'ils sont tenus de suivre les mesures ordonnées, conformément à l'art. 10 OLT 3. Il ne peut pas se
contenter de leur remettre des consignes écrites. Il doit accorder une attention particulière à l'instruction des travailleurs de langue étrangère. Dans son commentaire de l'OLT 3, le SECO recommande par ailleurs «d'indiquer de manière explicite dans un règlement d'entreprise ces dispositions et la position du management» à l'égard des risques physiques et psychiques. Selon l'art. 5, al. 3, OLT 3, l'information et l'instruction des travailleurs sont à la charge de l'employeur. Elles doivent se dérouler pendant la durée officielle du travail et être pleinement rémunérées.

Vu la souplesse de la phrase introductive en ce qui concerne la responsabilité des employeurs, l'art. 9 de la convention est conforme à la jurisprudence et à la pratique établies en Suisse et peut être accepté.

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Art. 10 L'art. 10 prévoit que tout État membre ayant ratifié la convention doit prendre des mesures appropriées pour: let. a: suivre et faire appliquer la législation nationale relative à la violence et au harcèlement dans le monde du travail; L'exécution de la LTr de droit public et de ses ordonnances incombe en premier lieu aux cantons. Aux termes de l'art. 41, al. 1, LTr, ce sont les cantons qui désignent les autorités chargées de l'exécution, dans le cas présent les inspections cantonales du travail. De son côté, la Confédération exerce la haute surveillance sur l'exécution et peut donner des instructions aux autorités cantonales d'exécution (art. 42 LTr). L'Inspection fédérale du travail examine les dispositions relatives à la protection de la santé dans l'administration fédérale et les entreprises de la Confédération. Les autorités prennent en premier lieu des mesures préventives dans le domaine de l'information, du conseil et de la sensibilisation des entreprises pour protéger l'intégrité personnelle des travailleurs, mais elles sont aussi habilitées à intervenir en cas de problèmes. En raison du principe de proportionnalité, les infractions à la LTr sont dans un premier temps sanctionnées par un avertissement. Un délai approprié est accordé à l'entreprise pour y remédier. Si l'employeur contrevenant ne donne pas suite à cette intervention, l'autorité compétente prend la décision voulue, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (art. 51, al. 2, LTr). Aux termes de l'art. 54 LTr, l'autorité compétente est tenue d'examiner les dénonciations pour inobservation de la loi, d'une ordonnance ou d'une décision, et, lorsqu'une dénonciation se révèle fondée, de procéder conformément aux art. 51 à 53 LTr.

Ce sont en premier lieu les tribunaux cantonaux et les autorités administratives qui sont compétents pour faire appliquer l'interdiction de discrimination prévue par la LEg. Les dispositions pertinentes figurent dans les explications relatives à l'art. 10, let. b.

Dans le droit pénal suisse, la contrainte (art. 181 CP), les lésions corporelles graves (art. 122 CP) ainsi que la contrainte sexuelle et le viol (art. 189 et 190 CP) sont poursuivis d'office. Les autres infractions susmentionnées sont des infractions punies sur plainte, c'est-à-dire que la victime doit déposer plainte pour qu'une
procédure pénale soit ouverte.

let. b: garantir un accès aisé à des moyens de recours et de réparation appropriés et efficaces ainsi qu'à des mécanismes et procédures de signalement et de règlement des différends en matière de violence et de harcèlement dans le monde du travail, qui soient sûrs, équitables et efficaces; La législation suisse prévoit plusieurs voies d'accès aisées à des moyens de recours et de réparation appropriés et efficaces ainsi qu'à des mécanismes et procédures de signalement et de règlement des différends en matière de violence et de harcèlement dans le monde du travail, sûrs, équitables et efficaces. Les victimes de violence et de harcèlement peuvent s'adresser à un tribunal civil lorsqu'il a été porté atteinte à leur personnalité, en infraction aux dispositions du CC ou du CO et à un tribunal pénal lorsqu'elles sont confrontées à une infraction au CP. Dans la LTr et la LEg, des voies de recours et de procédures relevant du droit administratif sont en outre prévues en cas d'inobservation des dispositions pertinentes en matière de protection de la santé.

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Le droit suisse prévoit par ailleurs plusieurs possibilités d'accès à la médiation (art. 197 et 213 à 218 CPC).

L'accès mentionné à l'art. 10, let. b peut, par exemple, être mis en oeuvre par les mesures suivantes: i) des procédures de plainte et d'enquête et, s'il y a lieu, des mécanismes de règlement des différends au niveau du lieu de travail; Le droit suisse prévoit des procédures de plainte et d'enquête dans le droit civil, administratif et pénal.

L'art. 28 CC dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection. La victime de violence ou de harcèlement peut aussi entamer une action en justice devant un tribunal civil en cas de non-observation de l'art. 328 CO ou des art. 41 à 49 CO. La maxime des débats est applicable dans le cadre de la procédure civile. Les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55, al.1, CPC). La maxime inquisitoire est toutefois applicable dans les litiges relevant de la LEg et aux autres litiges relevant du droit du travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000 francs (art. 247, al. 2, CPC).

Les dénonciations pour inobservation des dispositions pertinentes en matière de protection de la santé définies dans la LTr peuvent être déposées auprès des inspections cantonales du travail (art. 54 LTr). Quiconque subit une discrimination au sens des art. 3 et 4 LEg peut requérir le tribunal ou l'autorité administrative (art. 5, al. 1, LEg).

La LEg est valable pour les rapports de travail au sens du CO et pour tous les rapports de travail auprès de la Confédération, des cantons et des communes (art. 2 LEg). Lorsque la victime potentielle de violence et de harcèlement travaille dans une administration publique, elle peut adresser sa plainte à un tribunal administratif.

Concernant les dispositions pertinentes du le droit pénal suisse, voir les explications relatives à l'art. 10, let. a. La maxime inquisitoire s'applique dans la procédure pénale. Les autorités pénales recherchent d'office tous les faits pertinents pour la qualification de l'acte et le jugement du prévenu. Elles instruisent avec un soin égal les circonstances qui peuvent être à la charge et à la décharge du prévenu (art. 6 CPP).

Concernant les mécanismes de règlement
des différends sur le lieu de travail, l'art. 10, let. a, de la convention contient une clause de flexibilité qui prévoit qu'un tel mécanisme devrait être prévu s'il y a lieu de le faire. La convention n'exige donc pas d'inscrire dans la législation un accès aux mécanismes de règlement des différends sur le lieu de travail. En raison de leur obligation d'assistance générale, les employeurs ont la responsabilité d'enquêter sur les violations de l'intégrité personnelle en lien avec la violence et le harcèlement dans leur entreprise. Dans la mesure où cela s'avère approprié et réalisable, la création d'un service de médiation indépendant chargé de régler les conflits sur le lieu de travail relève de cette responsabilité (ATF 2C_462/2011). Le SECO conseille aux employeurs de mettre en place un service interne de personnes de confiance chargé de traiter les incidents correspondants.

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ii)

des mécanismes de règlement des différends extérieurs au lieu de travail;

La procédure de droit civil pour les litiges sur le lieu de travail prévoit une procédure de conciliation préalable obligatoire avant de pouvoir saisir un tribunal. Cette procédure de conciliation est définie aux art. 197 à 212 CPC. Elle n'a en revanche pas lieu en cas d'action pour de la violence, des menaces ou du harcèlement au sens de l'art. 28b CC ou concernant une surveillance électronique selon l'art. 28c CC (art. 198 CPC). Aux termes de l'art. 113 CPC, la procédure de conciliation est gratuite dans les litiges relevant de la LEg et jusqu'à une valeur litigieuse de 30 000 francs, portant sur un contrat de travail ou relevant de la LSE. Une médiation est également possible (art. 213 à 218 CPC).

En cas de soupçon de violation de la LEg, la procédure de conciliation est applicable et gratuite. Une autorité spéciale de composition paritaire doit être mise en place par les cantons (art. 200, al. 2, CPC). Le demandeur a toutefois la possibilité de renoncer à la conciliation et de s'adresser directement au tribunal (art. 199, al. 2, let. c, CPC).

Si les deux parties ne parviennent pas à s'entendre, la partie plaignante dispose de trois mois pour actionner la justice (art 209, al. 3, CPC). L'autorité de conciliation se compose d'un président et d'une représentation paritaire d'employeurs et d'employés des secteurs privé et public, l'ensemble des représentants étant constitué d'un nombre égal d'hommes et de femmes (art. 200 CPC).

Les employés de l'administration fédérale peuvent, dans les cas de discrimination et de harcèlement sexuel ou psychologique liés au genre, s'adresser à la commission de conciliation pour le personnel de la Confédération, qui propose des procédures de conciliation sans frais (art. 13, al. 3, LEg).

Les tribunaux civils et pénaux ainsi que les autorités administratives dont les procédures de recours ont été décrites au point i), proposent également des mécanismes de règlement des différends hors de l'entreprise.

iii) des tribunaux et autres juridictions; En Suisse, l'accès aux tribunaux est garanti, à titre général, par l'art. 29, let. a, Cst.

Pour garantir un accès aisé aux tribunaux dans les cas de violence et de harcèlement dans le monde du travail, il n'est pas perçu de frais judiciaires dans la procédure au fond pour: les litiges relevant de la LEg; les litiges
portant sur un contrat de travail ou relevant de la LSE, lorsque la valeur litigieuse n'excède pas 30 000 francs, ou les litiges portant sur de la violence, des menaces ou du harcèlement au sens de l'art. 28b CC ou les décisions d'ordonner une surveillance électronique au sens de l'art. 28c CC (art. 114 CPC let a, c et f). Selon l'art. 243 CPC, la procédure simplifiée s'applique aux affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000 francs et quelle que soit la valeur litigieuse: a. aux litiges relevant de la LEg ou b. aux litiges portant sur de la violence, des menaces ou du harcèlement au sens de l'art. 28b CC ou aux décisions d'ordonner une surveillance électronique au sens de l'art. 28c CC.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'attribution des tâches, l'aménagement des conditions de travail, la rémunération, la formation et le perfectionnement professionnels, la promotion et le licenciement, la LEg prévoit un allégement du fardeau de la preuve (art. 6 LEg), ainsi que la possibilité, pour les organisations qui sont constituées depuis deux ans au moins et qui ont pour tâche, en vertu de leurs statuts, de promouvoir l'égalité

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entre femmes et hommes ou de défendre les intérêts des travailleurs, d'agir en leur propre nom en vue de faire constater une discrimination (art. 7 LEg).

Les victimes d'infractions peuvent également exiger, sur la base des dispositions spécifiques du CP, des indemnisations et des prestations de réparation morale devant un tribunal. Dans le cas d'infractions pénales en lien avec la violence et le harcèlement dans le monde du travail, toute personne a le droit de déposer une plainte pénale. Les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, les dispositions contraires du CPP sont réservées (art. 423 CPP).

iv) des mesures de protection des plaignants, des victimes, des témoins et des lanceurs d'alerte contre la victimisation et les représailles; Conformément à la LAVI et au CPP, les victimes d'infractions qui font une déposition en tant que témoins bénéficient de différents droits de protection des victimes et des témoins durant la procédure. La LTém dispose que les personnes qui ont collaboré dans le cadre de procédures pénales fédérales peuvent, si nécessaire, aussi être protégées en dehors ou après la clôture d'un acte de procédure. La protection contre les mesures de représailles au sens du droit privé est garantie d'une part par la protection contre la résiliation abusive (art. 336 et, 336a, 336b et 336c, CO) ou injustifiée (art. 337c CO) et en général aussi par la protection de la personnalité en vertu de l'art. 328 CO.

v) des mesures d'assistance juridique, sociale, médicale ou administrative pour les plaignants et les victimes; En Suisse, l'art. 1 LAVI dispose que toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit au soutien. Une infraction doit toutefois avoir été commise. Les prestations de l'aide aux victimes comprennent, pour l'essentiel, le droit à des conseils ainsi qu'à de l'aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique (art. 2 LAVI).

Concernant les mesures d'assistance juridique, voir les explications relatives à la remise des frais judiciaires dans la procédure de décision à l'art. 10, let. b. En font partie, dans le cas de l'assistance judiciaire gratuite, en particulier la commission d'un conseil juridique et sa rémunération
(art. 118 et 122 CPC). L'art. 156 CPCP permet en outre de protéger la sphère intime et privée des victimes de violence ou de harcèlement dans l'administration des preuves. Les tribunaux ont également la possibilité d'exclure totalement ou partiellement le public des procédures (art. 54, al. 3, CPC).

let. c: protéger la vie privée des personnes concernées et la confidentialité, dans la mesure du possible et selon qu'il convient, et veiller à ce que les exigences en la matière ne soient pas appliquées abusivement; L'art. 13 Cst. garantit à toute personne la protection de sa sphère privée et des données qui la concernent d'un emploi abusif. Une violation de la sphère privée d'un travailleur par l'employeur peut constituer une violation du devoir d'assistance conformément à l'art. 328 CO. Aux termes de l'art. 328b CO, l'employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail.

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Compte tenu des dispositions spécifiques à la protection de l'intégrité personnelle, les employeurs sont tenus d'intervenir lorsqu'ils ont connaissance d'un incident survenu dans leur entreprise. Tout signalement aux cadres ou au service du personnel peut par conséquent aboutir à un traitement formel ou à une plainte. Dans sa brochure «Mobbing et autres formes de harcèlement ­ Protection de l'intégrité personnelle au travail»54, le SECO recommande aux employeurs de mettre en place un service interne de personnes de confiance, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable. Ils peuvent également recourir à des offres de formation publiques ou s'adresser à des spécialistes externes. La Confédération tient une liste d'adresses de spécialistes externes accessible au public.

La confidentialité de l'identité des personnes appelées à donner des informations est aussi assurée par la LTr. Aux termes de l'art. 44 LTr, les personnes qui sont chargées de l'exécution de la LTr sont tenues de garder le secret à l'égard des tiers sur les faits qu'elles apprennent dans l'exercice de leur fonction.

let. d: prévoir des sanctions, s'il y a lieu, en cas de violence et de harcèlement dans le monde du travail; Les cas de violence et de harcèlement dans le monde du travail peuvent, en Suisse, avoir différentes conséquences relevant du droit privé, du droit public ou du droit pénal. En principe, conformément à l'art. 28 CPC, celui qui subit une atteinte à sa personnalité peut agir en justice, pour sa protection, contre toute personne qui y participe.

Les actions en dommages-intérêts peuvent, en ce sens, aussi être intentées contre des tiers et des collègues de travail (art. 41 à 49 CO et 28a CPC).

Lorsqu'un employeur ne respecte pas son obligation d'assistance générale en matière de protection de la personnalité de ses travailleurs au sens de l'art. 328 CO, les travailleurs ont aussi droit, après dénonciation, à des dommages-intérêts (art. 97 à 101 CO) et au refus de fournir des prestations (art. 324, al. 1, CO). Le droit à la réparation morale est réglé à l'art. 49 CO. Qu'il agisse intentionnellement ou par négligence, l'employeur qui enfreint les prescriptions sur la protection de la santé selon la LTr est également punissable, conformément à l'art. 59, al. 1, LTr. Il est passible d'une peine
pécuniaire de 180 jours-amendes au plus (art. 61, al. 1, LTr).

Si le travailleur contrevient à l'obligation d'observer les instructions qui lui sont données selon l'art. 321d CO et ne respecte pas les directives lui demandant de s'abstenir de tout comportement harcelant ou violent, l'employeur peut le réprimander ou lui adresser un avertissement. Si ces mesures restent sans effet, l'employeur peut recourir à des sanctions. Les peines disciplinaires sont autorisées pour autant qu'elles soient définies dans le règlement d'entreprise approuvé, conformément à l'art. 38, al. 1, LTr.

En présence de motifs sérieux qui anéantissent le climat de confiance dans les rapports de travail, un licenciement immédiat est possible (art. 337 CO; ATF 127 III 351 consid. 4, p. 353). Les infractions commises sur le lieu de travail et le comportement inadéquat vis-à-vis des clients et des collègues de travail en font notamment partie. Selon l'art. 60 LTr, est également punissable le travailleur qui enfreint intentionnellement les prescriptions sur la protection de la santé. L'infraction par négligence est également punissable si elle met gravement en danger d'autres personnes. On notera que 54

Cf. note de bas de page no 44.

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les autorités cantonales d'exécution de la LTr ne peuvent pas exécuter elles-mêmes les peines prévues aux art. 51 à 61 LTr. L'exécution incombe aux autorités cantonales de poursuite pénale (art. 62, al. 2, LTr).

Dans les cas graves de violence et de harcèlement, les dispositions spécifiques du CP sont réservées. Le CP sanctionne ces actes en fonction de leur gravité.

let. e: prévoir que les victimes de violence et de harcèlement fondés sur le genre dans le monde du travail auront effectivement accès à des mécanismes de plainte et de règlement des différends, à un soutien, à des services et à des moyens de recours et de réparation tenant compte des considérations de genre, sûrs et efficaces; Les dispositions commentées en relation avec l'art. 10, let. b, protègent les victimes de violence et de harcèlement fondés sur le genre dans le monde du travail. Selon l'art. 5, al. 3, LEg, le tribunal ou l'autorité administrative peuvent, lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, également condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l'employeur ne prouve qu'il a pris les mesures que l'expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l'on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin.

L'indemnité est fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire moyen suisse. Si le contrat des travailleurs est résilié à la suite d'une plainte en lien avec une discrimination relevant de la LEg, l'art. 10 LEg contient des dispositions plus strictes de la protection contre le congé. Le travailleur est protégé contre le congé durant toute la durée des démarches effectuées au sein de l'entreprise, durant la procédure de conciliation et durant toute la durée du procès, de même que pendant le semestre qui suit la clôture des démarches ou de la procédure.

let. f:

reconnaître les effets de la violence domestique et, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable, atténuer son impact dans le monde du travail;

L'art. 10, let. f, contient une clause de flexibilité selon laquelle les mesures destinées à atténuer l'impact des effets de la violence domestique dans le monde du travail doivent être prises «dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable».

Le Conseil fédéral accorde une grande importance à la lutte contre la violence domestique. En Suisse, la protection contre la violence en droit civil est concrétisée par l'art. 28b CC. Les mesures visant à protéger l'intégrité personnelle portent en premier lieu sur la sphère privée. Une interdiction de contact prononcée en ce sens par un tribunal peut cependant aussi s'étendre au lieu de travail, le tribunal ayant la possibilité d'informer l'employeur des mesures qui ont été prises. Les actes de violence figurent dans les dispositions spécifiques du CP. En Suisse, les dispositions nationales visant à éviter et à lutter contre la violence domestique ont été révisées en diverses occasions ces dernières années. La convention d'Istanbul55 est entrée en vigueur en pour la Suisse le 1er avril 2018. Conformément à la convention d'Istanbul, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance du 13 novembre 2019 contre la violence à l'égard des

55

Convention du Conseil de l'Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul), RS 0.311.35

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femmes et la violence domestique56, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2020 et qui a été dotée, dans le cadre du budget 2021, d'un crédit de 3 millions de francs. Ces ressources supplémentaires au soutien des mesures correspondantes permettent d'améliorer la prévention de la violence domestique. Il convient également de mentionner ici le plan d'action national pour la mise en oeuvre de la convention d'Istanbul (PAN CI), dont l'adoption par le Conseil fédéral est prévue pour le premier semestre 2022. La loi fédérale du 14 décembre 2018 sur l'amélioration de la protection des victimes de violence57 a par ailleurs été adoptée pour améliorer la protection face à la violence domestique du point de vue du droit civil et pénal. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Depuis le 1er janvier 2022, il est possible, conformément à l'art. 28c CC de soumettre l'auteur de l'atteinte à une surveillance électronique du respect des interdictions géographiques et de contact, ce qui peut également avoir des effets positifs sur la situation dans le monde du travail.

La lutte contre la violence domestique et l'amélioration de la protection des victimes de violence domestique forment des éléments importants de la stratégie Égalité 2030.

Le Conseil fédéral reconnaît les effets de la violence domestique sur le monde du travail. Une étude58 commandée par le BFEG en 2013 est parvenue à la conclusion que la violence domestique en Suisse entraînait des pertes de productivités annuelles de l'ordre de 40 millions de francs.

À certaines conditions, le CO accorde aux victimes de violence domestique un droit à la poursuite du versement de leur salaire. Si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, l'employeur lui verse temporairement son salaire pour, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de 3 mois ou ont été conclus pour plus de 3 mois (art. 324a, al. 1, CO). De plus, les travailleurs occupés chez un employeur au moins 8 heures par semaine sont automatiquement assurés contre les accidents non professionnels (art. 8 LAA et 13 OLAA). Cette disposition peut encore atténuer les effets de la violence domestique sur le monde du travail, mais elle ne doit pas être assimilée
à une caractérisation de la violence domestique comme conséquence d'un accident.

La violence domestique a toutefois des effets négatifs qui vont au-delà du monde du travail. Les acteurs centraux du marché du travail en Suisse ne sont pas directement responsables de les empêcher ou de les combattre. Le Conseil fédéral part du principe que l'engagement général de la Suisse dans le domaine de la violence domestique au niveau de la Confédération, des cantons et des communes a aussi pour effet d'en atténuer les conséquences sur le monde du travail et qu'il correspond aux mesures raisonnable et pratiquement réalisables prévues dans la clause de flexibilité.

56 57 58

RS 311.039.7 RO 2019 2273 www.ebg.admin.ch > Documentation > Publication > Publications Violences > Coûts de la violence dans les relations de couple

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let. g: garantir que tout travailleur a le droit de se retirer d'une situation de travail dont il a des motifs raisonnables de penser qu'elle présente un danger imminent et grave pour sa vie, sa santé ou sa sécurité, en raison de violence et de harcèlement, sans subir de représailles ni autres conséquences indues, et le devoir d'en informer la direction; Le droit des travailleurs d'interrompre leur travail en cas de danger imminent est inscrit dans le CO. L'art. 328 CO oblige l'employeur à protéger la personnalité des travailleurs. Quand les conditions de travail ne permettent pas le respect de la personnalité des travailleurs, ces derniers ont le droit de refuser d'exécuter leur travail.

La protection des travailleurs contre les conséquences injustifiées relève des dispositions du CO relatives à la protection contre les congés (art. 336 CO) lorsque les travailleurs font usage de leur droit de se mettre en sécurité lors d'un danger imminent.

La convention n'exige toutefois pas une protection absolue en matière de résiliation des rapports de travail.

Le devoir de fidélité (art. 321a CO) des travailleurs comprend par ailleurs l'obligation d'informer leur employeur, suivant les circonstances et leurs responsabilités, et de prendre des mesures appropriées pour éviter tout dommage ou pour en limiter les conséquences en cas de situation spéciale. Enfin, les art. 11, al. 2, OPA et 10, al. 2, OLT 3 disposent qu'un travailleur qui constate des défauts qui compromettent la sécurité au travail et la protection de la santé doit immédiatement les éliminer. S'il n'est pas en mesure de le faire ou s'il n'y est pas autorisé, il doit aviser l'employeur sans délai. Si la sécurité des travailleurs ne peut plus être assurée d'une autre manière, l'employeur doit faire interrompre le travail dans les bâtiments ou les locaux concernés, aux emplacements de travail ou aux installations touchés jusqu'à ce que le dommage ait été réparé ou le défaut supprimé, à moins que l'interruption du travail n'accroisse le danger (art. 4 OPA).

let. h: veiller à ce que l'inspection du travail et d'autres autorités compétentes, le cas échéant, soient habilitées à traiter la question de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, notamment en ordonnant des mesures immédiatement exécutoires ou l'arrêt du travail lorsqu'il
existe un danger imminent pour la vie, la santé ou la sécurité, sous réserve de tout droit de recours judiciaire ou administratif qui pourrait être prévu par la législation.

De manière générale, les inspections cantonales du travail sont responsables de l'exécution des prescriptions légales concernant la sécurité et la santé sur le lieu de travail, conformément à la LTr. Lorsque l'inobservation d'une décision d'une autorité d'exécution cantonale met sérieusement en danger la vie ou la santé de travailleurs, l'autorité cantonale peut, après sommation écrite, s'opposer à l'utilisation de locaux ou d'installations, et, dans les cas particulièrement graves, fermer l'entreprise pour une période déterminée (art. 52, al. 2, LTr). Il s'agit d'une mesure qui n'est prise qu'à titre exceptionnel et en dernier recours. Lorsqu'il s'agit d'écarter un danger pour la vie ou la santé des travailleurs ou de tiers, l'obligation de garder le silence peut être levée à titre exceptionnel aux termes de l'art. 44, al. 3, LTr. Les décisions de l'autorité désignée par le canton peuvent être attaquées, dans les 30 jours dès leur communication,

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devant l'autorité cantonale de recours (art. 56 LTr). Comme indiqué dans le commentaire relatif à l'art. 4, let. h, les contrôles des inspections du travail sont généralement des contrôles systémiques et non des enquêtes portant sur des cas isolés concrets.

Dans certains cas, la violence et le harcèlement dans le monde du travail peuvent dépasser les compétences des inspections cantonales du travail. Les autorités d'exécution des peines sont compétentes pour prendre des mesures lorsque de tels cas se présentent, dans la mesure où les dispositions pertinentes du CP sont concernées.

Avec le renvoi aux clauses de flexibilité existantes, l'art. 10 de la convention peut être accepté en raison des explications présentées ici.

Art. 11 L'art. 11 souligne les efforts que doivent faire les États parties en matière de consultation des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs pour veiller à ce que: let. a: la question de la violence et du harcèlement dans le monde du travail est traitée dans les politiques nationales pertinentes, comme celles relatives à la sécurité et à la santé au travail, à l'égalité et à la non-discrimination et aux migrations; En lien avec les politiques correspondantes dans le domaine de la protection au travail et les articles de la convention évoqués ci-dessus, voir les commentaires détaillés de la LTr. Les politiques correspondantes en matière d'égalité et de non-discrimination sont mentionnées dans les explications relatives à l'art. 6.

Eu égard à la migration, l'art. 22 LEI dispose que les étrangers ne peuvent être admis en Suisse en vue de l'exercice d'une activité lucrative que si les conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche sont respectées.

Les employeurs doivent garantir aux travailleurs détachés au moins les conditions de travail et de salaire prescrites par les dispositions nationales pertinentes.

Selon l'art. 2 LDét, en font aussi partie la protection de la santé au travail et la nondiscrimination, notamment l'égalité de traitement entre femmes et hommes. Aux termes de l'art. 7 LDét, ces dispositions sont contrôlées par les autorités cantonales compétentes, pour autant qu'elles soient réglées dans les lois fédérales. Les commissions paritaires, constituées de représentants des associations d'employeurs
et de travailleurs, sont responsable de l'application dans des branches au sein desquelles une convention collective de travail, déclarée de force obligatoire ou non, est en vigueur, let. b: des orientations, des ressources, des formations ou d'autres outils concernant la violence et le harcèlement dans le monde du travail, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre, sont mis à la disposition des employeurs et des travailleurs et de leurs organisations ainsi que des autorités compétentes, sous des formes accessibles selon le cas; Concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, le BFEG et le SECO proposent, sur leur site Internet respectif, du matériel d'information spécifique supplémentaire sur les rôles de l'employeur et du travailleur ainsi que sur la procédure en cas

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d'incidents concrets, de même que des exemples pratiques de règlements internes pour les entreprises.

Le SECO propose également sur son site Internet divers outils et du matériel d'information d'aide et de sensibilisation dans le domaine de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Des brochures consacrées à la protection de l'intégrité personnelle et à la prévention des risques psychosociaux en général en font partie. Ces documents informent des facteurs à prendre en compte dans l'organisation du travail, qui influencent positivement le climat au sein de l'entreprise et qui minimisent les risques, des mesures de prévention générales, du rôle particulier des cadres ainsi que du traitement des cas concrets dans l'entreprise. Ils renvoient également à des listes de contrôle destinées aux employeurs pour dresser un état des lieux des mesures de prévention dans leur entreprise ainsi qu'à des éléments de texte pour l'élaboration d'une directive relative à la position de l'entreprise en matière de protection de l'intégrité personnelle. Du matériel d'information spécifique contenant des informations pertinentes pour les employeurs est également disponible.

Dans le cadre de l'action prioritaire consacrée aux risques psychosociaux de 2014 à 2018, le SECO a organisé des formations continues pour les inspecteurs du travail et a conçu un guide pour l'inspection sur le thème des risques psychosociaux, qui tient compte de la protection de l'intégrité psychique et physique.

let. c: des initiatives sont prises en la matière, notamment des campagnes de sensibilisation.

Avec la réalisation de l'action prioritaire consacrée aux risques psychosociaux de 2014 à 2018, les autorités cantonales chargées de l'exécution de la LTr et les entreprises contrôlées ont été sensibilisées à la thématique et rendues attentives aux offres d'assistance et au matériel auxiliaire destiné à les soutenir. Grâce à l'instrument des aides financières prévues par la LEg, le BFEG soutient différents projets sur le thème du harcèlement sexuel sur le lieu de travail59.

L'art. 11 est conforme aux dispositions et à la pratique établies en Suisse. Il peut donc être accepté.

Art. 12 L'art. 12 prévoit que les dispositions de la convention doivent être appliquées par voie de législation nationale ainsi que par des conventions
collectives ou d'autres mesures conformes à la pratique nationale, y compris en étendant, ou en adaptant, les mesures existantes de sécurité et de santé au travail à la question de la violence et du harcèlement et en élaborant des mesures spécifiques si nécessaire.

Les commentaires relatifs aux dispositions de la convention montrent que les dispositions et la pratique établies en Suisse permettent sa mise en oeuvre conforme à l'art. 12.

59

www.projektsammlung.ch

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Art, 13 à 20 Les art. 13 à 20 comportent les dispositions finales habituelles et ne donnent pas matière à commentaire particulier.

Synthèse Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral estime que les conditions nécessaires à la ratification de la convention par la Suisse sont réunies.

5

Conséquences de la convention

En l'état actuel du droit, le présent traité international ne nécessite ni l'adoption de nouvelles dispositions, ni la modification de dispositions existantes. Par conséquent, la ratification de la convention n'aura pas de conséquences financières ou en matière de personnel pour la Confédération, les cantons ou les communes. Les dispositions de la convention concernent des domaines tels que la santé humaine et la sécurité individuelle dans le monde du travail, l'égalité effective entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, ainsi que la protection des personnes particulièrement exposées à la violence et au harcèlement dans le monde du travail, y compris les personnes handicapées. Le Conseil fédéral part toutefois du principe que ces dispositions sont déjà appliquées en Suisse.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, de Cst., qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst., confère à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, sauf si leur conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 24, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 [LParl]60 et 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]61).

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Ce sont en premier lieu les engagements internationaux de la Suisse mentionnés dans la convention qui doivent être pris en considération (cf. ch. 3).

60 61

RS 171.10 RS 172.010

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La lutte contre la violence et le harcèlement fondés sur le genre sur le lieu de travail correspond par ailleurs aux engagements internationaux pris par la Suisse lorsqu'elle a ratifié la convention d'Istanbul.

La lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail contribue aussi à réaliser différents objectifs de l'Agenda 2030 pour le développement durable. L'objectif 5 prévoit de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles, et notamment aussi d'éliminer de la vie publique et privée toutes les formes de violence qui leur sont faites et correspond ainsi à l'objectif de la convention no 190 concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Les mesures de la convention no 190 contribuent en outre au plein emploi productif, à garantir aux femmes et aux hommes un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale et à promouvoir la sécurité sur le lieu de travail conformément à l'objectif 8. Les prescriptions de la convention correspondent en outre à l'objectif 10, qui vise à réduire les inégalités dans les pays et d'un pays à l'autre ainsi qu'à l'objectif 3, qui est de permettre à tous de vivre en bonne santé et de promouvoir le bien-être de tous à tout âge.

6.3

Forme de l'acte à adopter

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., dispose qu'un traité international est sujet au référendum lorsqu'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. D'autre part, l'art. 22, al. 4, LParl dispose que sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Enfin, on entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

Compte tenu de la situation juridique actuelle, le présent traité de droit international ne nécessite ni l'adoption de nouvelles dispositions ni la modification de dispositions existantes. La convention contient toutefois des dispositions importantes qui fixent des règles de droit conformément à l'art. 164, al. 1, Cst., dans son préambule (cf. ch. 3 et 6.2), et en particulier aux art. 1 à 12 (cf. ch. 4).

L'arrêté fédéral portant approbation de la convention est par conséquent sujet au référendum.

6.4

Frein aux dépenses

Dans le but de freiner les dépenses, l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou des dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil.

La ratification de la convention n'a pas de conséquences financières ou en matière de personnel pour la Confédération. Par conséquent, aucune disposition ne doit être soumise au frein aux dépenses.

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6.5

Conformité à la loi sur les subventions

La ratification de la convention ne crée pas de nouvelles dispositions en matière de subventions. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de vérifier le respect des principes de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions62.

62

RS 616.1

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Rapport sur la Déclaration du centenaire de l'Organisation internationale du Travail pour l'avenir du travail 1

Genèse

Pour marquer le centenaire de l'OIT en 2019, le Conseil de l'OIT a décidé, en octobre / novembre 2018, d'inscrire à l'ordre du jour de la 108e session de la conférence un point visant à élaborer un document final qui serait soumis pour examen à la conférence de 2019 et adopté sous la forme de Déclaration.

Le monde du travail connaît des changements en profondeur, causés par les innovations technologiques, l'évolution démographique, le changement climatique et la mondialisation. Pour relever ces défis et commémorer les 100 ans écoulés depuis la création de l'OIT, une Déclaration du centenaire pour l'avenir du travail a été adoptée à la 108e session de la CIT le 21 juin 2019.

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Importance de la Déclaration

La Déclaration favorise une approche de l'avenir du travail centrée sur l'humain qui repose sur trois domaines d'action prioritaires, à savoir accroître l'investissement dans le potentiel humain, dans les institutions du travail et dans le travail décent et durable.

Ces priorités reflètent les recommandations figurant au rapport de la Commission mondiale sur l'avenir du travail, publié en janvier 2019, dont une brève présentation est faite dans les lignes qui suivent.

La Déclaration lance un appel à agir à tous les États Membres de l'OIT pour garantir à tous de tirer parti des possibilités offertes par un monde du travail en mutation, pour réaffirmer la pertinence de la relation de travail, pour assurer une protection adéquate à tous les travailleurs, et pour promouvoir une croissance économique soutenue, durable et partagée, le plein emploi productif et le travail décent.

La Déclaration fixe également les priorités pour les activités de l'OIT, et elle s'inspire des principes fondateurs de l'OIT pour rappeler l'impératif de justice sociale et pour redynamiser l'organisation afin de façonner un avenir du travail décent pour tous.

Le travail décent pour tous est un axe central de l'action de l'OIT dans la réalisation de son mandat de justice sociale dans le monde du travail. La Déclaration de l'OIT, adoptée par les 187 États membres, cherche à concilier la croissance durable et le travail décent. En appelant les acteurs tripartites de l'économie et du travail, cette Déclaration incite à élaborer des politiques macroéconomiques, commerciales, industrielles, sectorielles et d'investissement permettant aux entreprises de relever les défis liés à la transformation numérique du travail.

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Contenu et mise en oeuvre et de la Déclaration

La délégation gouvernementale suisse s'est engagée dans les négociations de cette Déclaration et a soutenu son adoption en plénière lors de la conférence le 21 juin 2019.

La délégation des employeurs suisses a également voté pour la Déclaration, tout comme la délégation des travailleurs suisses.

Engagement de la Suisse pour le suivi de la Déclaration au plan multilatéral La Suisse a participé activement au Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui s'est tenu au siège des Nations Unies à New York en juillet 2019.

Dans le cadre de ce forum, de nombreux dirigeants de la communauté internationale ont reconnu l'influence des changements du monde du travail sur la mise en oeuvre des objectifs du développement durable (ODD).

L'Agenda 2030 encadre le projet politique qui a pour but la mise en oeuvre des ODD au niveau mondial. Promouvoir une croissance économique soutenue, durable et partagée, le plein emploi productif et le travail décent pour tous (ODD 8) est un objectif central associant les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement durable.

Tout progrès - ou toute absence de progrès - dans la réalisation de l'ODD 8 conditionne la mise en oeuvre des autres ODD. Par exemple l'éradication de la pauvreté, la réduction des inégalités, la promotion de la paix et la réalisation de l'égalité des sexes.

La Déclaration du centenaire et l'ODD 8 sont donc complémentaires: tous deux poursuivent un but commun. Ils reconnaissent le rôle indispensable du travail dans le développement durable et inclusif pour mettre fin à la pauvreté. L'approche de l'avenir du travail y est centrée sur l'humain. Elle demeure fondée sur les droits et leviers indispensables pour que les changements technologique, démographique et climatique assurent la confiance dans la transition économique, environnementale, sociale et de l'emploi.

Enfin, la Déclaration du centenaire traduit une volonté politique de changement. Avec le soutien actif de la Suisse, l'Assemblée générale des Nations Unies a approuvé, le 16 septembre 2019, la Déclaration du centenaire pour l'avenir du travail. La résolution adoptée par l'Assemble générale de l'ONU offre au système onusien la possibilité de promouvoir une approche de l'avenir centrée sur l'humain, car elle appelle les organismes des Nations Unies à
étudier l'intégration des propositions politiques de la Déclaration dans leurs activités.

La Commission mondiale sur l'avenir du travail Comme indiqué plus haut, la Déclaration du centenaire se base sur le rapport de la Commission mondiale sur l'avenir du travail.

La création d'une Commission mondiale de l'OIT sur l'avenir du travail a précédé les négociations de la Déclaration du centenaire. Sa mission consistait à procéder à un examen approfondi de l'avenir du travail afin de fournir la base analytique nécessaire à la poursuite de la justice sociale au 21e siècle.

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La Commission sur l'avenir du travail a produit un rapport indépendant sur les mesures à prendre en vue d'un avenir du travail qui garantisse des emplois décents et durables pour tous. Ce rapport a été présenté à Genève le 22 janvier 2019, et il faisait partie intégrante des documents soumis à la 108e session de la CIT.

Les travaux de la commission ont été organisés autour des thèmes suivants: travail et société; emplois décents pour tous; organisation du travail et de la production; gouvernance au travail.

Cette commission indépendante était composée de 27 personnalités du monde des affaires, des syndicats, des groupes de réflexion, ainsi que des organisations gouvernementales et non gouvernementales, et elle était coprésidée par le Président de la République d'Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa et le Premier ministre suédois, Stefan Löfven.

Parmi les questions clés examinées par la commission figurent les nouvelles formes de travail, les ramifications institutionnelles de la nature changeante du travail, l'apprentissage tout au long de la vie, l'inclusion et l'égalité du genre, la mesure de l'emploi et du bien-être des êtres humains et le rôle de la protection sociale universelle dans un avenir de travail stable et équitable.

Le rapport de la commission mondiale: un programme centré sur l'humain pour garantir le travail décent Le rapport décrit les défis liés aux nouvelles technologies, au changement climatique et à la démographie et plaide pour une réponse collective à l'échelle mondiale face aux bouleversements qu'ils provoquent dans le monde du travail.

Une garantie universelle pour les travailleurs, une protection sociale de la naissance au troisième âge et un droit à l'apprentissage tout au long de la vie figurent parmi les dix recommandations formulées par la Commission mondiale de l'OIT sur l'avenir du travail dans son rapport publié le 22 janvier 2019.

Parmi les autres recommandations du rapport, on relève: ­

une garantie universelle pour les travailleurs intégrant les droits fondamentaux des travailleurs, un salaire assurant des conditions d'existence convenables, des limites à la durée du travail et des lieux de travail sûrs et sains;

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une gestion des changements technologiques qui favorise le travail décent, y compris un système de gouvernance internationale pour les plateformes de travail numérique;

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davantage d'investissements dans l'économie du soin, l'économie verte et l'économie rurale;

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un programme de transformation quantifiable en faveur de l'égalité hommesfemmes;

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une refonte des mesures d'incitation pour les entreprises afin d'encourager les investissements à long terme.

Il ressort de ce rapport que de nombreuses possibilités s'offrent aux États et aux partenaires sociaux pour améliorer la qualité de la vie professionnelle, élargir les choix,

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combler l'écart entre les sexes, réparer les effets dévastateurs des inégalités dans le monde.

L'intelligence artificielle, l'automatisation et la robotique pourraient provoquer des pertes d'emploi du fait de l'obsolescence des compétences. Cependant, ces mêmes avancées technologiques, ainsi que l'écologisation des économies, vont également permettre de créer de nouveaux emplois qualifiés et décents si l'on saisit ces nouvelles opportunités.

Le rapport rappelle aussi le rôle unique que l'OIT doit jouer dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme centré sur l'humain au sein du système international et demande à l'organisation de donner la priorité à la mise en oeuvre des recommandations du rapport.

Position de la Suisse sur le rapport de la commission mondiale Le SECO a soumis le rapport à une large consultation au sein de l'administration fédérale, et celui-ci a fait l'objet d'une discussion approfondie lors de la séance du 9 avril 2019 de la Commission tripartite pour les affaires de l'OIT. La Suisse soutient l'orientation générale du rapport, en particulier la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie, la flexibilisation des heures de travail et la protection sociale universelle. Le rapport ne contient pas d'obligations légales et ne crée pas de nouvelles obligations de droit international pour la Suisse. La Suisse soutient la promotion de l'apprentissage tout au long de la vie mais elle ne peut pas soutenir la mise en place d'une assurance-emploi pour financer la formation continue qui, elle, reste placée sous la responsabilité personnelle des employés. En ce qui concerne la protection sociale, la mise en place de systèmes pour tous est déjà un objectif stratégique de l'OIT et les questions abordées en la matière dans le rapport (couverture sociale adéquate des indépendants et des travailleurs de plateforme notamment, viabilité des régimes, intégration sur le marché du travail, etc.) correspondent aux préoccupations actuelles du Conseil fédéral.

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