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18.475 Initiative parlementaire Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 18 août 2022

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de modification du code des obligations. Par la même occasion, le Conseil fédéral est invité à donner son avis.

La commission propose d'approuver le projet ci-joint.

18 août 2022

Pour la commission: La présidente, Christa Markwalder

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Condensé L'initiative parlementaire «Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure» est mise en oeuvre en adaptant trois dispositions du code des obligations. Les modifications portent sur le changement de propriétaire en raison de l'aliénation de la chose, sur l'annulabilité du congé donné par le bailleur et sur le droit du locataire en matière de prolongation du bail. Elles font l'objet de l'un de trois projets distincts visant à adapter le droit du bail.

Contexte La Commission des affaires juridiques du Conseil national propose de mettre en oeuvre, sous la forme de trois projets d'acte distincts, les demandes de quatre initiatives parlementaires portant sur des questions spécifiques du droit du bail. Les trois projets d'acte prévoient des adaptations concernant la sous-location, les règles de forme à respecter par le bailleur lors de hausses de loyer et d'autres modifications unilatérales du contrat ainsi que la question de la résiliation du bail en raison du besoin du bailleur ou de ses proches.

Contenu du projet Le projet concerne la résiliation lorsque le bailleur fait valoir son besoin propre d'une chose louée. Il vise à assouplir les conditions en vigueur, selon lesquelles l'urgence du besoin allégué par le bailleur doit être à la fois temporelle et matérielle, afin de permettre au nouveau propriétaire de notifier et d'imposer plus facilement une résiliation du bail.

Une minorité de la commission propose de ne pas entrer en matière sur le projet de résiliation pour cause de besoin propre, estimant que les conditions d'invocation du besoin propre devraient être formulées de manière plus stricte. D'autres minorités proposent une autre formulation des trois articles à modifier.

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Rapport 1

Situation initiale et travaux préparatoires de la commission

1.1

Initiative parlementaire 18.475 (Merlini)

Le 12 décembre 2018, le conseiller national Giovanni Merlini (Groupe libéral-radical, PLR. Les Libéraux-Radicaux) a déposé l'initiative parlementaire «Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure». Après que l'auteur ne s'est pas représenté au Conseil national lors du renouvellement intégral du Parlement en automne 2019, la conseillère nationale Christa Markwalder (Groupe libéral-radical, PLR. Les Libéraux-Radicaux) a repris l'initiative parlementaire le 5 décembre 2019.

Le texte propose l'élaboration d'un projet de loi visant à modifier le code des obligations (CO)1 et/ou le code de procédure civile (CPC)2 afin que la durée moyenne des procédures civiles portant sur la résiliation du bail justifiée par le besoin du bailleur ou de ses proches, conformément aux art. 261, al. 2, let. a, 271a, al. 3, let. a, et 272, al. 2, let. b, CO, soit sensiblement réduite par rapport à la situation actuelle. Le projet doit, d'une part, assouplir les critères appliqués par la jurisprudence, afin que l'urgence du besoin au sens des dispositions susmentionnées du CO soit reconnue et, d'autre part, prévoir l'applicabilité de la procédure sommaire, avec des délais garantissant que les litiges civils soient réglés dans un laps de temps de quelques mois au plus, éventuellement en limitant les voies de droit.

L'auteur de l'initiative avance que le nouveau propriétaire d'une habitation ou d'un local commercial peut résilier le bail en observant le délai de congé légal (3 ou 6 mois) pour le prochain terme légal s'il fait valoir un besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés (art. 261, al. 2, let. a, CO), mais qu'en réalité, le droit matériel et procédural en vigueur l'empêche trop souvent d'entrer en possession de l'objet.

En effet, en cas de contestation du congé par le locataire, ce qui est généralement le cas, il s'ensuit une longue procédure civile qui oblige le bailleur à prouver l'urgence du besoin.

Par ailleurs, l'initiant explique que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le besoin du nouveau propriétaire est réputé urgent seulement si l'on ne peut pas, pour des raisons économiques ou pour d'autres raisons, exiger de lui qu'il renonce à utiliser l'habitation ou le local commercial (cf. p. ex. ATF 142 III 336 consid. 5.2.2 p. 340
et consid. 5.2.3 p. 341). Les dispositions en matière de protection contre le congé permettent donc au locataire de paralyser la procédure de résiliation du bail pendant des mois, voire des années, même si toutes les instances judiciaires (en tout, quatre) reconnaissent l'urgence du besoin, et par conséquent la légitimité du congé, et rejettent la prolongation du bail.

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RS 220 RS 272

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Il en découle que la durée de la procédure de contestation anéantit la notion même d'urgence et empêche de facto le nouveau propriétaire d'entrer rapidement en possession de la chose louée pour son propre besoin ou celui de ses proches. Celui-ci est donc souvent contraint de trouver une solution alternative et de supporter des frais supplémentaires.

Le 14 novembre 2019, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a donné suite à l'initiative parlementaire. La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) en a fait de même le 10 août 2020.

1.2

Contexte

L'initiative parlementaire 18.475 vise à modifier le CO et/ou le CPC afin de réduire sensiblement la durée des procédures civiles liées à une résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches en vertu des art. 261, al. 2, let. a, 271a, al. 3, let. a, et 272, al. 2, let. b, CO. Le projet doit, d'une part, assouplir les conditions applicables dans la jurisprudence afin que l'urgence du besoin au sens des dispositions du CO susmentionnées soit reconnue et, d'autre part, prévoir l'applicabilité d'une procédure sommaire, avec des délais garantissant le règlement des litiges civils dans un intervalle de quelques mois au plus.

L'existence d'un besoin propre urgent a pour conséquence de permettre une résiliation du bail pour le prochain terme légal et de restreindre la possibilité de contestation au sens de l'art. 271a CO. Le besoin propre et l'urgence sont des critères pertinents dans le cadre de la pesée des intérêts dans l'optique d'une prolongation du bail en vertu de l'art. 272 CO. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral3, l'urgence du besoin propre doit être non seulement temporelle, mais aussi matérielle. Ces conditions peuvent être assouplies en précisant, dans les dispositions du CO précitées, qu'un besoin propre jugé objectivement important et actuel suffit.

L'applicabilité d'une procédure plus rapide lors de la résiliation d'un bail pour besoin propre urgent nécessiterait d'adapter les dispositions procédurales pertinentes dans le CPC.

1.3

Travaux préparatoires de la commission

Lors de sa séance du 5 février 2021, la CAJ-N a entamé les travaux en vue de la mise en oeuvre des quatre initiatives parlementaires 15.455 Egloff «Empêcher les souslocations abusives», 16.458 Vogler «Majoration échelonnée de loyer. Non aux formulaires inutiles», 16.459 Feller «Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique» et 18.475 (Merlini) Markwalder «Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure». Elle a alors décidé de les regrouper en une seule procédure comportant plusieurs projets d'acte, en vue d'organiser une seule procédure de consultation pour trois avant-projets d'acte séparés.

Dans sa séance du 24 juin 2021, la CAJ-N a mis au net les trois avant-projets et s'est 3

ATF 142 III 336 consid. 5.2.3; 132 III 737 consid. 3.4.3; 118 II 50 consid. 3d.

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déterminée comme suit lors des votes sur l'ensemble: elle a approuvé le projet 1 (souslocation) par 12 voix contre 9 et 2 abstentions, le projet 2 (règles de forme) par 13 voix contre 2 et 8 abstentions et le projet 3 (résiliation pour besoin propre) par 13 voix contre 9. Le 20 août 2021, elle a donné son aval au rapport explicatif et décidé d'ouvrir la procédure de consultation.

La commission a été épaulée dans ses travaux par l'Office fédéral du logement (OFL).

2

Procédure de consultation

2.1

Introduction

Les avant-projets mis en consultation et le rapport explicatif portaient sur les quatre initiatives parlementaires suivantes: «Empêcher les sous-locations abusives», «Majoration échelonnée de loyer. Non aux formulaires inutiles», «Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique» et «Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure». Les trois premières initiatives prévoient une révision du droit du bail dans le CO, tandis que la dernière propose en plus une modification du CPC.

Le 6 septembre 2021, la CAJ-N a lancé la consultation relative aux avant-projets visant la mise en oeuvre des quatre initiatives parlementaires 15.455 n Iv. pa. Egloff «Empêcher les sous-locations abusives», 16.458 n Iv. pa. Vogler «Majoration échelonnée du loyer. Non aux formulaires inutiles», 16.459 n Iv. pa. Feller «Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique», 18.475 n Iv. pa. (Merlini) Markwalder «Résiliation du bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure». La consultation a pris fin le 6 décembre 2021 et a donné lieu à 64 avis, dont 60 argumentés.

2.2

Avant-projet mis en consultation

2.2.1

Proposition de non-entrée en matière

Jugeant que l'avant-projet avait une portée excessive, une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brélaz, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Marti Min Li, Schlatter, Suter) l'a rejeté dans la version arrêtée par cette dernière, ce qui équivaut à une proposition de non-entrée en matière au sens de l'art. 74, al. 5, de la loi sur le Parlement (LParl)4.

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RS 171.10

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2.2.2

Changement de propriétaire en raison de l'aliénation de la chose (art. 261, al. 2, let. a, CO)

Le droit du bail évoque le besoin propre dans trois dispositions. L'art. 261 CO, qui figure au chapitre I intitulé «Dispositions générales», se réfère au changement de propriétaire en cas d'aliénation de la chose. En vertu de l'actuel art. 261, al. 2, let. a, CO, le nouveau propriétaire peut, pour les habitations et les locaux commerciaux, résilier le bail en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s'il fait valoir un besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le besoin urgent existe notamment «lorsque, pour des motifs d'ordre économique, on ne peut exiger du bailleur qu'il renonce à la jouissance de l'appartement loué». La décision doit tenir compte de toutes les circonstances importantes du cas particulier. La notion d'urgence est non seulement temporelle, mais aussi matérielle5, en ce sens que les motifs invoqués doivent revêtir objectivement une certaine importance6.

Les auteurs de l'initiative parlementaire 18.475 et la majorité de la CAJ-N jugeant problématiques les conditions pour faire valoir le besoin propre urgent, l'avant-projet prévoyait une nouvelle formulation de l'art. 261, al. 2, let. a, CO, selon laquelle pour les habitations et les locaux commerciaux, le nouveau propriétaire pouvait résilier le bail en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s'il faisait valoir, sur la base d'une évaluation objective, un besoin important et actuel pour lui-même ou ses proches parents ou alliés.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brélaz, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Marti Min Li, Schlatter, Suter) a voulu formuler de manière plus stricte les critères permettant d'invoquer le besoin propre urgent. Elle a proposé une formulation autorisant le propriétaire à résilier le bail lorsqu'il est en mesure, sur la base d'une évaluation objective, d'invoquer un besoin propre concret, important et actuel.

2.2.3

Congé donné par le bailleur (art. 271a CO)

L'art. 271a CO régit l'annulabilité du congé donné par le bailleur et figure au chapitre III intitulé «Protection contre les congés concernant les baux d'habitations et de locaux commerciaux». Aux termes de l'art. 271a, al. 1, let. d et e, le congé est annulable notamment lorsqu'il est donné pendant une procédure de conciliation ou une procédure judiciaire en rapport avec le bail, à moins que le locataire ne procède au mépris des règles de la bonne foi, ainsi que dans les trois ans à compter de la fin d'une procédure de conciliation ou d'une procédure judiciaire au sujet du bail, si le bailleur a succombé dans une large mesure (let. e, ch. 1), a abandonné ou considérablement réduit ses prétentions ou conclusions (let. e, ch. 2), a renoncé à saisir le juge (let. e, ch. 3), a conclu une transaction ou s'est entendu de toute autre manière avec le locataire (let. e, ch. 4). Conformément à l'art. 271a, al. 3, let. a, CO, les let. d et e de l'al. 1 ne sont pas applicables lorsqu'un congé est donné en raison du besoin urgent 5 6

ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55; ATF 142 III 336 consid. 5.2.3 p. 341.

ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55.

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que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux. Le Tribunal fédéral admet le besoin propre urgent prévu à l'art. 271a, al. 3, let. a, CO, lorsque l'on ne peut pas, pour des raisons économiques ou autres, exiger du bailleur qu'il renonce à utiliser l'appartement ou la maison loués. Toutes les circonstances du cas doivent être évaluées dans le cadre de la prise de décision. La notion d'urgence est temporelle, mais aussi matérielle7, en ce sens que les motifs invoqués doivent revêtir objectivement une certaine importance8.

Les auteurs de l'initiative parlementaire 18.475 et la majorité de la CAJ-N jugeant trop stricts les critères permettant de fonder l'urgence du besoin propre au sens de l'art. 271a, al. 3, let. a, CO, l'avant-projet d'art. 271a, al. 3, let. a, devait tenir compte de cette position. Il disposait ainsi que l'al. 1, let. d et e, n'était pas applicable lorsqu'un congé est donné en raison du besoin important et actuel, établi sur la base d'une évaluation objective, que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brélaz, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Marti Min Li, Schlatter, Suter) a estimé que l'avant-projet d'art. 271a, al. 3, let. a, CO avait une portée excessive et demandé une formulation plus stricte, selon laquelle le besoin du bailleur devait être urgent, concret, actuel et important.

2.2.4

Prolongation du bail (art. 272 CO)

La prolongation du bail est réglée au chapitre III intitulé «Protection contre les congés concernant les baux d'habitations et de locaux commerciaux». En vertu de l'art. 272, al. 1, CO, le locataire peut demander une prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. L'art. 272, al. 2, let. d, CO prévoit que l'autorité compétente, lorsqu'elle procède à la pesée des intérêts, se fondera sur le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que sur l'urgence de ce besoin. Un congé motivé par un besoin propre urgent et notifié dans les règles n'exclut pas la possibilité d'une prolongation du bail. Lorsqu'il examine la prolongation, le juge procède à une nouvelle pesée des intérêts. L'urgence du besoin est l'un des éléments permettant de déterminer la durée de la prolongation. Le Tribunal fédéral estime que, de cette façon, les intérêts des locataires et des bailleurs peuvent être pris en compte de manière objective9. Le besoin propre et urgent du bailleur au sens de l'art. 272, al. 2, let. d, CO n'est qu'un des éléments à intégrer dans l'évaluation d'une prolongation10.

Suite aux critiques émises à l'encontre de la réglementation actuelle et de l'interprétation faite par la jurisprudence, un avant-projet d'art. 272, al. 2, let. d, CO, a été établi en vue de mieux prendre en compte le besoin propre du bailleur dans la pesée des 7 8 9 10

ATF 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745; ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55.

ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55.

ATF 118 II 50 consid. 4 p. 58.

Cf. art. 272, al. 2, CO; ATF 142 III 336 consid. 5.2.1 p. 339.

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intérêts. Il disposait que l'autorité compétente devait se fondre, dans la pesée des intérêts, sur le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés pouvaient avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que sur l'importance et l'actualité de ce besoin à évaluer de manière objective.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brélaz, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Marti Min Li, Schlatter, Suter) a jugé que la formulation de l'avantprojet avait une portée juridique excessive. Elle s'est prononcée en faveur d'une disposition plus stricte, selon laquelle l'autorité compétente doit, dans la pesée des intérêts, se fonder sur le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que sur l'urgence, l'actualité et l'importance de ce besoin à évaluer de manière objective.

2.2.5

Pas de modifications ponctuelles dans le droit procédural

Initialement, l'initiative parlementaire 18.475 demandait aussi des modifications du droit procédural pour les affaires liées à la résiliation d'un bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Le projet devait prévoir la possibilité d'appliquer une procédure sommaire, avec des délais garantissant le règlement des litiges civils dans un délai raisonnable (quelques mois au plus), éventuellement en limitant les voies de droit.

La durée de la procédure est un problème inhérent à la mise en oeuvre des droits comme le prévoit le droit matériel. Les questions qui se posent sur la résiliation en cas de besoin propre doivent être examinées dans le cadre général des procédures de droit du bail. Une application généralisée de la procédure sommaire pour la question de l'admissibilité du congé et celle de la prolongation du bail n'a pas été jugée pertinente.

Aussi la commission a-t-elle renoncé à procéder à des adaptations ponctuelles dans le droit procédural.

2.3

Résultats de la consultation

2.3.1

Avant-projet dans son ensemble

La procédure de consultation a donné lieu à plusieurs avis apportant des compléments et des propositions. Ses principaux résultats sont résumés dans les lignes qui suivent.

Le lecteur trouvera de plus amples informations concernant ces compléments et propositions dans le rapport de consultation du 8 avril 202211.

L'avant-projet relatif à la résiliation pour besoin propre a suscité au total 49 prises de position: seize participants à la consultation l'ont approuvé, 30 ont fait part de leur désaccord, et trois avis exprimaient une position neutre. Les avis négatifs ont été 11

Rapport sur les résultats de la consultation, www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Parl. > Procédure de consultation 2021/91 > Rapport de résultats (page consultée le 29 juillet 2022).

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diversement motivés: certains estimaient que l'avant-projet diminuait la protection des locataires, d'autres déploraient notamment l'absence de règles de procédure accélérée dans le CPC.

Au total, douze cantons (ZH, BE, AG, SH, FR, SO, GR, BS, NW, OW, VD, TI) se sont prononcés sur l'avant-projet dans son ensemble. Six cantons ont exprimé leur accord de principe (AG, SH, FR, ZH, NW, TI) et six autres leur désaccord (BE, BS, GR, OW, SO, VD); GR aurait souhaité l'introduction d'une procédure sommaire dans le CPC.

Deux partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale (Union démocratique du centre [UDC], Le Centre) étaient favorables à la proposition, tandis que trois autres (PLR, Parti socialiste [PSS], Parti écologiste [PES]) y étaient opposés. Le PLR a justifié son refus par l'absence d'une définition plus claire du besoin propre et a exigé l'introduction de règles de procédure dans le CPC.

Une association faîtière des communes, des villes et des régions de montagne oeuvrant au niveau national, l'Union des villes suisse (UVS), a fait part de l'avis défavorable de la majorité de ses membres. L'Association des communes suisses (ACS) n'a en revanche pas émis de recommandation.

Deux organisations faîtières de l'économie oeuvrant au niveau national, l'Union suisse des arts et métiers (USAM) et l'Union syndicale suisse (USS), se sont exprimées respectivement pour et contre l'avant-projet.

Quatre autres organisations intéressées, à savoir l'Union suisse des professionnels de l'immobilier (USPI), HabitatDurable, la Chambre genevoise immobilière (CGI) et la Fédération romande immobilière (FRI), ont fait part de leur accord. À l'inverse, sept autres organisations intéressées, soit l'Association suisse des propriétaires fonciers (HEV), l'Association suisse de l'économie immobilière (SVIT), l'Association Immobilier Suisse (AIS), l'Association suisse des locataires/Mieterinnen und Mieterverband Schweiz (ASLOCA/MV), l'Associazione Svizzera Inquilini ­ Sezione della Svizzera Italiana (ASI-SSI), la Mieterinnen- und Mieterverband Deutschschweiz (MVD) et l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire (ASM), se sont prononcées contre les modifications. HEV, SVIT et AIS ont certes approuvé l'objectif visé, à savoir l'accélération de la procédure, mais ont demandé entre autres des règles de procédure
dans le CPC en vue de la mise en oeuvre. À l'inverse, ASLOCA/MV, ASI-SSI et MVD ont salué expressément l'absence de dispositions dans le CPC, mais ont demandé des règles pour empêcher les abus de la part des bailleurs. Enfin, deux autres organisations intéressées, soit les Coopératives d'habitation Suisse ­ fédération des maîtres d'ouvrage d'utilité publique (WBG Schweiz) et la Conférence des administrateurs de fondations de placement (CAFP), ont renoncé expressément à se prononcer sur l'avant-projet.

Parmi les participants à la consultation qui n'ont pas été invités officiellement à s'exprimer, trois (Centre patronal [CP], Fédération suisse des bourgeoisies et corporations [SVBK], Fédération des entreprises romandes [FER]) ont approuvé l'avant-projet, alors que douze autres l'ont rejeté. La Vereinigung Zürcher Immobilienunternehmen (VZI) a certes approuvé l'objectif d'accélérer la procédure, mais a demandé, entre autres, des règles de procédure dans le CPC pour la mise en oeuvre. L'Association

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suisse des locataires, section de la Broye vaudoise (ASLOCA Broye vaudoise), l'Association suisse des locataires, section agglomération lausannoise (ASLOCA Lausanne), l'ASLOCA neuchâteloise, l'Association suisse des locataires, section vaudoise (ASLOCA Vaud), l'Association suisse des locataires, section Vevey, la Tourde-Peilz et environs (ASLOCA Vevey, la Tour-de-Peilz et environs), la Mieterinnenund Mieterverband Kanton Bern (MV BE), la Mieterinnen- und Mieterverband Deutschfreiburg (MVDF), la Mieterinnen- und Mieterverband Regionalgruppe Emmental-Oberaargau (MV RG Emmental-Oberaargau), la Mieterinnen- und Mieterverband Regionalgruppe Thun-Oberland (MV RG Thun-Oberland) et la Mieterinnenund Mieterverband Zürich (MV ZH) ont salué expressément le fait qu'aucune disposition ne soit prévue dans le CPC, mais ont demandé des règles visant à empêcher les abus de la part des bailleurs. L'avant-projet a également été rejeté par la Mieterinnenund Mieterverband Basel (MV BS).

2.3.2

Art. 261, al. 2, CO (changement de propriétaire en raison de l'aliénation de la chose) et proposition de la minorité

Au total, quinze avis ont été exprimés sur l'art. 261, al. 2, CO concernant le changement de propriétaire; douze participants se sont déclarés en faveur de l'avant-projet, tandis que trois s'y sont opposés. Douze participants ont pris position sur la proposition de la minorité relative à l'art. 261, al. 2, CO, dix contre et deux pour.

Sur les six avis exprimés par des cantons, quatre étaient en faveur de la disposition proposée (FR, TI, ZG, GE) et deux contre (LU, GR). Quatre cantons (LU, FR, TI, ZG) ont rejeté la proposition minoritaire, que GE a approuvée sur le fond.

Un parti politique représenté à l'Assemblée fédérale (PSS) s'est exprimé pour rejeter la proposition et soutenir en lieu et place la proposition de la minorité.

Plusieurs autres organisations intéressées (HEV, AIS, CGI, Camera ticinese dell'economia fondiaria [CATEF], SVIT) ont pris position. Elles ont toutes soutenu l'adaptation proposée, avec parfois des propositions de modification du texte. La HEV, la CGI et la SVIT ont en outre rejeté la proposition de la minorité.

Trois participants non invités officiellement à la consultation (SVBK, FER, VZI) ont approuvé l'avant-projet, avec parfois des propositions de modification, et refusé la proposition minoritaire.

2.3.3

Art. 271a, al. 3, let. a, CO (annulabilité du congé, congé donné par le bailleur) et proposition de la minorité

Au total, seize avis ont été exprimés concernant l'art. 271a, al. 3, let. a, CO. Douze participants se sont déclarés en faveur de l'avant-projet, tandis que quatre l'ont rejeté.

Douze participants se sont prononcés sur la proposition de la minorité relative à l'art. 271a, al. 3, let. a, CO, onze contre et un pour.

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Sur les sept avis exprimés par des cantons, quatre étaient en faveur de la disposition proposée (FR, TI, ZG, GE) et trois contre (BS, LU, GR). Quatre cantons ont pris position sur la proposition minoritaire (LU, FR, TI, ZG), et tous l'ont rejetée.

Un parti politique représenté à l'Assemblée fédérale (PSS) s'est exprimé pour rejeter la proposition et soutenir en lieu et place la proposition de la minorité.

Plusieurs autres organisations intéressées (HEV, AIS, CGI, CATEF, SVIT) ont pris position. Elles ont toutes soutenu l'adaptation proposée, avec parfois des propositions de modification du texte. HEV, CGI, CATEF et SVIT ont en outre rejeté la proposition de la minorité.

Trois participants non invités officiellement à la consultation (SVBK, FER, VZI) ont approuvé l'avant-projet, avec parfois des propositions de modification, et refusé la proposition minoritaire.

2.3.4

Art. 272, al. 2, let. d, CO (prolongation du bail, droit du locataire) et proposition de la minorité

En tout, 19 avis ont été exprimés concernant l'art. 272, al. 2, let. d, CO. Onze participants se sont déclarés en faveur de l'avant-projet, tandis que huit s'y sont opposés.

Treize participants se sont prononcés sur la proposition de la minorité relative à l'art. 272, al. 2, let. d, CO, douze contre et un pour.

Sur les sept avis exprimés par des cantons, trois étaient en faveur de la disposition proposée (FR, TI, GE) et quatre contre (LU, GR, OW, ZG). Quatre cantons ont pris position sur la proposition minoritaire (LU, FR, TI, ZG), et tous l'ont rejetée.

Un parti politique représenté à l'Assemblée fédérale (PSS) s'est exprimé pour rejeter la proposition et soutenir en lieu et place la proposition de la minorité.

Plusieurs autres organisations intéressées (HEV, AIS, CGI, CATEF, SVIT) ont pris position. Elles ont toutes soutenu l'adaptation proposée, avec parfois des propositions de modification du texte. Elles se sont en outre toutes prononcées contre la proposition de la minorité.

Trois participants non invités officiellement à la consultation (SVBK, FER, VZI) ont approuvé l'avant-projet, avec parfois des propositions de modification, et refusé la proposition minoritaire. En revanche, ASLOCA Lausanne, ASLOCA Vevey, la Tourde-Peilz et environs et ASLOCA Broye vaudoise ont rejeté la proposition.

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2.4

Décision de la CAJ-N sur la suite des travaux après la procédure de consultation

Lors de sa séance du 8 avril 2022, la CAJ-N a pris connaissance des résultats de la consultation12 et publié le rapport ad hoc13.

Elle a décidé par 15 voix contre 9 de s'en tenir à la manière de procéder, c'est-à-dire de réaliser la révision sous forme de trois projets pour les soumettre à son conseil.

Après la discussion par article relative aux art. 261, al. 2, let. a, 271a, al. 3, let. a, et 272, al. 2, let. d, CO, la CAJ-N a, lors du vote sur l'ensemble, adopté le projet sans modification par 14 voix contre 914.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) s'est prononcée en faveur d'une nonentrée en matière sur le projet.

3

Présentation du projet

3.1

Changement de propriétaire en raison de l'aliénation de la chose (art. 261, al. 2, let. a, CO)

Il y a changement de propriétaire si, après la conclusion du contrat, le bailleur aliène la chose louée ou si elle lui est enlevée dans le cadre d'une poursuite pour dettes ou d'une faillite; le bail passe à l'acquéreur avec la propriété de la chose (art. 261, al. 1, CO). En vertu de l'art. 261, al. 2, let. a, CO, le nouveau propriétaire peut, pour les habitations ou les locaux commerciaux, résilier le bail en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s'il fait valoir un besoin urgent pour lui-même ou ses proches parents ou alliés.

Le projet propose une adaptation de l'art. 261, al. 2, let. a, CO. Le nouveau propriétaire et bailleur pourra faire usage de son droit de mettre fin à la location en résiliant le bail, s'il peut faire valoir, sur la base d'une évaluation objective, un besoin propre important et actuel. Cette reformulation vise à simplifier l'invocation de ce motif de résiliation et à accélérer sa mise en oeuvre.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) souhaiterait lier l'invocation du motif du congé à un besoin concret, important et actuel du bailleur.

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13

14

CAJ-N, vendredi 8 avril 2022, 16 h 30, communiqué de presse «Pour une adoption plus simple de l'enfant du conjoint», www.parlament.ch > Organes > Les commissions thématiques > Commissions des affaires juridiques CAJ > Communiqués de presse > CAJ-N > Vendredi 8 avril 2022, communiqué de presse (page consultée le 29 juillet 2022).

Rapport sur les résultats de la consultation, www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Parl. > Procédure de consultation 2021/91 > Rapport de résultats (page consultée le 29 juillet 2022).

CAJ-N, vendredi 24 juin 2022, 16 heures, communiqué de presse «Exercice collectif des droits: trop de questions encore en suspens», www.parlament.ch > Organes > Les commissions thématiques > Commissions des affaires juridiques CAJ > Communiqués de presse > CAJ-N > Vendredi 24 juin 2022, communiqué de presse (page consultée le 29 juillet 2022).

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3.2

Congé donné par le bailleur (art. 271a CO)

L'art. 271a CO précise la protection contre les congés concernant les baux à loyer portant sur des habitations ou des locaux commerciaux: le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur pendant une procédure de conciliation ou une procédure judiciaire en rapport avec le bail, à moins que le locataire ne procède au mépris des règles de la bonne foi (al. 1, let. d). Le congé est aussi annulable s'il est donné par le bailleur dans les trois ans à compter de la fin d'une procédure de conciliation ou d'une procédure judiciaire au sujet du bail et si le bailleur a succombé dans une large mesure, a abandonné ou considérablement réduit ses prétentions ou conclusions, a renoncé à saisir le juge, ou a conclu une transaction ou s'est entendu de toute autre manière avec le locataire (al. 1, let. e). L'al. 3, let. a, précise que ces deux motifs d'annulation ne s'appliquent pas lorsqu'un congé est donné en raison du besoin urgent du bailleur ou de ses proches parents ou alliés d'utiliser eux-mêmes les locaux.

Le projet propose une adaptation de l'art. 271a, al. 3, let. a, CO. Les motifs d'annulation mentionnés à l'al. 1, let. d et e, ne seront pas applicables si le bailleur fait valoir un besoin propre important et actuel, établi sur la base d'une évaluation objective.

Cette reformulation vise à limiter la possibilité d'invoquer les motifs d'annulation du congé fondé sur le besoin propre du bailleur afin de faciliter la mise en oeuvre de celui-ci.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) souhaiterait n'exclure les motifs d'annulation mentionnés à l'al. 1, let. d et e, que si le besoin du bailleur est urgent, concret, actuel et important.

3.3

Prolongation du bail (art. 272 CO)

L'art. 272, al. 2, CO contient une liste non exhaustive de critères à prendre en considération par l'autorité compétente lors de l'évaluation d'une demande de prolongation. L'énumération inclut le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l'urgence de ce besoin sur les plans temporel et matériel (let. d).

Le projet propose une adaptation de l'art. 272, al. 2, let. d, CO. Dans la pesée des intérêts, il convient de tenir compte de l'importance et de l'actualité objectives du besoin propre à évaluer. La nouvelle formulation a pour effet de réduire les exigences relatives à l'urgence, afin de donner plus de poids au besoin propre dans cette mise en balance.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) demande que des critères plus stricts soient pris en considération dans la pesée des intérêts, à savoir l'urgence, l'actualité et l'importance objectives du besoin propre.

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3.4

Pas de modification dans le CPC

Initialement, l'initiative parlementaire 18.475 demandait aussi des modifications du droit procédural pour les affaires liées à la résiliation d'un bail en cas de besoin du bailleur ou de ses proches. Le projet devait prévoir la possibilité d'appliquer une procédure sommaire, avec des délais garantissant le règlement des litiges civils dans un délai raisonnable (quelques mois au plus), éventuellement en limitant les voies de droit.

Même si la longueur des procédures dans les litiges liés à la résiliation du bail pour besoin propre est parfois critiquée avec raison parce qu'elle complique la résiliation rapide du bail prévue par la loi, il s'agit d'un problème inhérent à l'application des droits comme le prévoit le droit matériel. Ce problème est particulièrement marqué dans le cas de figure qui nous intéresse, dans la mesure où le congé peut être annulé et, parallèlement, le bail prolongé. Le droit procédural doit garantir la réalisation effective de ces droits. Il y a lieu de préciser que, dans la pratique, la majorité des cas peuvent être réglés par une conciliation15. L'art. 198, let. a, CPC16 dispose que la procédure de conciliation n'a pas lieu dans la procédure sommaire. Or l'absence de procédure de conciliation, qui présente un taux élevé d'arrangements à l'amiable, pourrait entraîner une prolongation des litiges. En tout état de cause, les questions qui se posent dans ce contexte doivent être examinées dans le cadre général des procédures de droit du bail et non pas isolément, sous l'angle des seuls litiges liés à la résiliation du bail pour besoin propre.

Comme la question de l'admissibilité du congé et celle de la prolongation du bail nécessitent un examen approfondi des arguments de fait et de droit ainsi que la possibilité d'une administration des preuves ­ puisque le litige va finalement faire l'objet d'une décision exécutoire ­, une application généralisée de la procédure sommaire ne semble pas pertinente pour régler ce genre de litiges. Le législateur y a renoncé délibérément lorsqu'il a adopté le CPC; au chapitre consacré aux cas clairs évoqués à l'art. 257 CPC, il a déjà prévu une procédure sommaire, mais applicable seulement aux conditions suivantes: l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé, et la situation juridique est claire. Ainsi,
dans ces cas, une procédure sommaire est déjà appliquée aujourd'hui, si bien que la demande de l'initiative est déjà satisfaite. Dans les autres cas, il n'est pas certain qu'une procédure sommaire soit judicieuse et efficace.

De même, limiter les voies de recours dans des situations où ce n'est pas le cas aujourd'hui ne saurait être envisagé que dans une mesure très réduite et dans un contexte général: dans le droit actuel, les possibilités de recours sont déjà restreintes en cas de procédure sommaire et réduites par la valeur litigieuse minimale. Au demeurant, les adaptations de ce type ne devraient pas être examinées isolément pour les litiges liés 15

16

Se référer aux statistiques des autorités de conciliation en matière de baux à loyer et de baux à ferme (aperçu des demandes pendantes et des cas liquidés; détail des chiffres relatifs aux cas dont l'objet du litige est la résiliation ordinaire, la résiliation extraordinaire ou la prolongation du bail), cf. www.ofl.admin.ch > Droit du bail > Procédure de conciliation > Statistiques des procédures de conciliation (page consultée le 29 juillet 2022).

En l'état actuel de la révision du CPC, une procédure de conciliation n'est pas prévue en cas de procédure sommaire; cf. 20.026 Objet du Conseil fédéral «Code de procédure civile. Modification».

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à la résiliation du bail pour besoin propre, mais être envisagées et mises en oeuvre dans le contexte plus large des procédures de droit du bail.

Dans ces circonstances, la commission renonce à procéder à des adaptations ponctuelles du droit procédural applicable aux litiges liés à la résiliation du bail pour besoin propre. Elle voit plutôt la nécessité, dans un premier temps, de modifier le droit matériel. L'opportunité d'une modification du droit procédural en vue d'accélérer les procédures ne saurait être examinée sous l'angle des seuls litiges liés à la résiliation du bail pour besoin propre; elle doit être envisagée dans un contexte plus large, celui de l'ensemble des litiges en matière de bail à loyer et de bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux; il s'agirait aussi d'étudier la question des ressources nécessaires à une accélération des procédures. Ces travaux pourraient se faire, par exemple, dans le cadre du projet de modification en cours du CPC (objet 20.026), des propositions ayant d'ailleurs été formulées à cet égard.

4

Commentaire des articles du projet

4.1

Art. 261 CO (changement de propriétaire en raison de l'aliénation de la chose)

La version actuelle de l'art. 261, al. 2, let. a, CO est en vigueur depuis le 1er juillet 1990. La version antérieure de la loi n'évoquait pas la notion de besoin propre en lien avec la résiliation du bail. Dans le cadre des débats parlementaires concernant les art. 261, al. 2, let. a, et 271a, al. 3, CO alors en vigueur, le besoin propre a été inscrit dans le texte de loi17. La modification apportée à l'art. 261, al. 2, let. a, permet au nouveau propriétaire, pour les habitations ou les locaux commerciaux, de résilier le bail en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal s'il fait valoir, sur la base d'une évaluation objective, un besoin important et actuel pour lui-même ou ses proches parents ou alliés. Dans le droit en vigueur, il faut généralement que ce besoin propre soit urgent. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'urgence doit être à la fois temporelle et matérielle18. La nouvelle formulation réduit les exigences relatives à l'urgence. Il sera ainsi plus facile pour un nouveau propriétaire de résilier le bail en invoquant son besoin propre et en observant le délai de congé légal pour le prochain terme légal, si bien qu'il pourra ne pas tenir compte des délais plus longs et des termes postérieurs éventuellement convenus dans le contrat.

Comme actuellement, il incombera au bailleur précédent de répondre de tous les dommages causés au locataire par le fait que le nouveau propriétaire résilie le contrat plus tôt que ne le permettrait le bail (al. 3). Les dispositions relatives à l'expropriation restent également réservées (al. 4).

La modification de l'al. 2, let. a, n'a pas non plus d'incidence sur les effets de l'annotation d'un bail au registre foncier (art. 261b, al. 1, CO). L'annotation oblige tout nouveau propriétaire à laisser au locataire l'usage de l'immeuble en conformité du bail

17 18

Cf. ATF 118 II 50 consid. 3b et c p. 53 s., et les références.

ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55; ATF 142 III 336 consid. 5.2.3 p. 341; arrêt du TF 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 5.3.2.

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(art. 261b, al. 2, CO). Dans ce cas, il n'est pas possible d'invoquer le besoin propre pour résilier le bail plus tôt que ne le permettrait le contrat existant.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) s'est exprimée contre l'assouplissement des exigences relatives à l'urgence du besoin propre, estimant que les critères permettant au nouveau propriétaire de résilier le bail d'une habitation ou d'un local commercial en se fondant sur l'art. 261, al. 2, let. a, CO devraient être formulés de manière plus stricte. Elle ne veut pas que la protection contre les congés de représailles soit limitée, raison pour laquelle elle propose que le congé puisse être donné s'il existe un besoin propre concret, important et actuel, établi de manière objective.

4.2

Art. 271a CO (annulabilité du congé)

La version actuelle de l'art. 271a, al. 3, let. a, CO est en vigueur depuis le 1er juillet 1990. La version antérieure de la loi n'évoquait pas la notion de besoin propre en lien avec la résiliation du bail. Dans le cadre des débats parlementaires concernant les art. 261, al. 2, let. a, et 271a, al. 3, CO alors en vigueur, le besoin propre a été inscrit dans le texte de loi19. Dans le projet, l'art. 271a, al. 3, let. a, CO est modifié de façon que le congé ne soit pas annulable au sens de l'al. 1, let. d et e, lorsqu'il est donné en raison d'un besoin important et actuel, établi sur la base d'une évaluation objective, que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux. Dans le droit en vigueur, le congé ne peut être contesté lorsqu'il est donné en raison du caractère urgent du besoin propre. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'urgence doit être à la fois temporelle et matérielle20. La nouvelle formulation réduit les exigences relatives à l'existence de l'urgence. Il sera ainsi plus difficile pour le locataire de contester le congé en invoquant l'absence d'un besoin propre urgent.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) s'est prononcée contre la possibilité de rendre plus difficile l'annulation des congés justifiés par un besoin propre urgent.

La protection des locataires contre les congés de représailles ne doit pas être limitée.

Aussi proposition est-elle faite que l'al. 1, let. d et e, ne s'applique pas aux congés donnés en raison d'un besoin propre urgent, concret, actuel et important, établi sur la base d'une évaluation objective.

4.3

Art. 272 CO (prolongation du bail)

La version actuelle de l'art. 272, al. 2, CO est en vigueur depuis le 1er juillet 1990. La notion de besoin propre urgent ne figurait pas dans le droit antérieur. Néanmoins, l'art. 267c, let. c, aCO mentionnait le besoin propre du bailleur en lien avec la prolongation du bail. Dans l'ancien droit, le besoin du logement par le bailleur pour son 19 20

Cf. ATF 118 II 50 consid. 3b et c p. 53 s., et les références.

ATF 118 II 50 consid. 3d p. 55; ATF 132 III 737 consid. 3.4.3 p. 745; ATF 142 III 336 consid. 5.2.3 p. 341.

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propre usage constituait un motif d'exclusion de la prolongation21. L'avant-projet considérait le besoin propre et son caractère urgent comme l'un des éléments à prendre en considération dans la pesée des intérêts22. Dans le projet, l'art. 272, al. 2, let. d, est modifié afin que l'autorité compétente, lorsqu'elle procède à la pesée des intérêts concernant la prolongation du bail, tienne compte non seulement du besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux, mais aussi de l'importance et de l'actualité de ce besoin à évaluer de manière objective.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'urgence doit être à la fois temporelle et matérielle23. La nouvelle formulation réduit les exigences relatives à l'urgence. Par conséquent, le besoin propre se voit accorder un poids plus important dans la pesée des intérêts.

Une minorité de la commission (Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder) s'oppose à la modification de la pesée des intérêts que propose le projet, estimant que l'urgence, l'actualité et l'importance du besoin propre doivent être prises en considération dans la pesée des intérêts.

5

Mise en oeuvre

Le projet de nouvel art. 261, al. 2, let. a, CO modifie pour le nouveau propriétaire les exigences en matière de résiliation du bail pour les habitations et les locaux commerciaux. Mis en relation avec le nouvel art. 271a, al. 3, let. a, CO, il vise à rendre plus difficile l'annulation d'un congé communiqué par le bailleur. L'adaptation de l'art. 272, al. 2, let. d, CO a pour effet de formuler différemment les critères applicables à la pesée des intérêts en cas de prolongation du bail. Les trois dispositions précitées portent sur la résiliation d'un contrat conclu entre des sujets de droit privé.

L'appréciation et la décision relatives à l'existence ou non d'un besoin propre au sens de la nouvelle réglementation sont, en ce qui concerne les art. 261, al. 2, let. a et 271a, al. 3, let. a, CO, du ressort des autorités de conciliation en matière de baux à loyer et de baux à ferme et des tribunaux. L'art. 272, al. 2, let. d, CO contient une précision à l'intention de l'autorité compétente. L'initiative parlementaire, qui doit être mise en oeuvre par les trois dispositions touchant au besoin propre, entraînera des modifications dans l'application du droit. Les juges auront par conséquent un rôle majeur à jouer dans l'exécution de ces nouvelles dispositions.

La CAJ-N estime qu'il n'est pas nécessaire que le Conseil fédéral fasse usage de la compétence que lui confère l'art. 253a, al. 3, CO d'édicter des dispositions d'exécution. Les commentaires relatifs aux modifications législatives visées suffisent à la réalisation des objectifs de l'initiative parlementaire, laquelle ne demande d'ailleurs pas

21 22

23

Cf. ATF 118 II 50 consid. 3b et c p. 53 s., et les références.

Cf. ATF 118 II 50 consid. 3b p. 53 s., et les références; cf. aussi le message du 27 mars 1985 concernant l'initiative populaire «pour la protection des locataires», la révision du droit du bail à loyer et du bail à ferme dans le code des obligations et la loi fédérale instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif, FF 1985 I 1369, ici 1494.

ATF 142 III 336 consid. 5.2.3 p. 341; arrêt du TF 4A 195/2016 du 9 septembre 2016 consid. 3.1.3; arrêt du TF 4A 52/2015 du 9 juin 2015 consid. 2.3.

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non plus d'adaptation de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)24.

6

Relation avec le droit européen

Au sein de l'Union européenne (UE), le droit du bail est l'affaire des différents États membres. La législation en la matière résulte d'une évolution historique propre à chaque pays. Par ailleurs, les comparaisons sont rendues difficiles du fait de l'importance du marché du logement locatif, de la part des logements subventionnés et des mesures appliquées en vue d'encourager la construction de logements, trois éléments qui diffèrent d'un pays à l'autre.

Le 21 janvier 2021, les députés européens ont voté une résolution appelant l'UE à reconnaître l'accès à un logement décent et abordable comme un droit fondamental25.

7

Conséquences

7.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a pas d'incidence particulière pour la Confédération. Il n'entraîne notamment pas d'effets sur l'état du personnel et les finances.

7.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a pas d'incidence particulière pour les cantons, les communes, les centres urbains, les agglomérations ou les régions de montagne.

7.3

Conséquences économiques

Les modifications proposées n'ont pas de conséquences sur l'économie.

7.4

Conséquences sociales

Les modifications concernant la résiliation pour besoin propre ont des effets sur la position juridique des bailleurs, qui se trouve raffermie en comparaison du droit en vigueur.

24 25

RS 221.213.11 Cf. communiqué de presse du 21 janvier 2021 intitulé «L'accès à un logement décent devrait être un droit fondamental européen, selon les députés», sur www.europarl.europa.eu > Actualité > Salle de presse (page consultée le 29 juillet 2022).

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7.5

Conséquences environnementales

Les adaptations proposées n'ont aucune incidence sur l'environnement.

8

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202326, ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202327.

9

Aspects juridiques

9.1

Constitutionnalité

Le projet vise à modifier et à compléter les art. 261, 271a et 272 CO. Il se fonde sur l'art. 122, al. 1, de la Constitution (Cst.)28, qui confère à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile. Une partie des modifications proposées repose sur l'art. 109, al. 1, Cst., selon lequel la Confédération légifère afin de lutter contre les abus en matière de bail à loyer, notamment les loyers abusifs, ainsi que sur l'annulabilité des congés abusifs et la prolongation du bail pour une durée déterminée.

9.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les adaptations du CO visant à mettre en oeuvre l'initiative parlementaire sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

9.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet prévoit de modifier et de compléter des articles en vigueur inscrits au niveau légal. Les adaptations portent sur les art. 261, 271a et 272 CO, dans la partie consacrée au bail à loyer. En vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

Les modifications envisagées étant importantes, elles doivent revêtir la forme d'une loi fédérale. L'art. 163, al. 1, Cst. fonde la compétence de l'Assemblée fédérale d'édicter la présente loi. L'acte est sujet au référendum (art. 141, al. 1, let. a, Cst.).

26 27 28

FF 2020 1709 FF 2020 8087 RS 101

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9.4

Frein aux dépenses

L'art. 159, al. 3, let. b, Cst. prévoit que les dispositions relatives aux subventions, ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs. Le projet ne prévoit ni nouvelles subventions ni nouveaux crédits d'engagement ou plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

9.5

Délégation de compétences législatives

Le projet n'entraîne pas la nécessité d'investir le Conseil fédéral ou une unité administrative d'une quelconque compétence législative; une délégation est déjà prévue par l'art. 253a, al. 3, CO, qui charge le Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution.

9.6

Protection des données

Le projet n'a aucune incidence en matière de protection des données.

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