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22.036 Message concernant l'arrêté fédéral sur une imposition particulière des grands groupes d'entreprises (Mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique) du 22 juin 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral sur une imposition particulière des grands groupes d'entreprises (mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2022

P

21.3664

Impôt minimum sur les sociétés. Une stratégie pour maintenir l'attractivité de la Suisse (N 01.03.2022, Nantermod)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 juin 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-2009

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Condensé Le projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique place la Suisse devant des défis considérables. Le Conseil fédéral entend introduire les nouvelles règles d'imposition prévues, même si la Suisse n'y est tenue ni juridiquement ni politiquement. Une modification de la Constitution permettra de créer les bases pour la législation d'application. Jusqu'à ce que celle-ci entre en vigueur et compte tenu des délais très serrés, l'imposition minimale sera assurée au moyen d'une ordonnance provisoire. Les recettes fiscales supplémentaires seront ainsi perçues ici et non à l'étranger. Ce projet vise à préserver la compétitivité de la Suisse et à créer les conditions nécessaires pour maintenir les emplois et les recettes fiscales sur son territoire. La mise en oeuvre devra ménager les différents acteurs de l'économie. Les petites et moyennes entreprises ne seront pas touchées par les nouvelles règles et le fédéralisme fiscal sera préservé.

Contexte La politique économique de la Suisse a été couronnée de succès durant les dernières décennies et a contribué à la prospérité du pays. La compétitivité du cadre fiscal a joué un rôle primordial sur ce point. Beaucoup d'entreprises actives au niveau international se sont notamment implantées en Suisse. Ces entreprises ont créé de nombreux emplois directs, et en ont indirectement généré d'autres chez leurs fournisseurs.

Elles alimentent également généreusement les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes ainsi que les cotisations sociales.

La concurrence internationale intense contraint régulièrement la Suisse à mener des réformes pour préserver sa compétitivité. Dans le domaine fiscal, le Parlement a ainsi dernièrement adopté la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l'AVS (RFFA), qui est entrée en vigueur en 2020. Grâce à cette réforme, la Suisse a abrogé les régimes fiscaux spéciaux prévus pour les sociétés holding et pour d'autres formes de sociétés, qui n'étaient plus acceptés au niveau international. En contrepartie, de nombreux cantons ont réduit leurs taux d'imposition des bénéfices. Cette réforme a ainsi permis de préserver les intérêts économiques et fiscaux de la Suisse. Or, aux yeux du Conseil fédéral, le nouveau projet de l'OCDE et du G20 nécessite d'adapter à
nouveau le droit fiscal suisse. Ce projet conjoint de l'OCDE et du G20, lancé initialement dans le but d'imposer fiscalement l'économie numérique, repose sur deux piliers: ­

le pilier 1 vise à permettre aux États du marché d'imposer une part plus importante du bénéfice des grands groupes d'entreprises;

­

le pilier 2 vise à introduire une imposition minimale pour les grands groupes d'entreprises.

Contenu du projet Les travaux relatifs au pilier 1 ont pris du retard au sein de l'OCDE et du G20. Le Conseil fédéral décidera de la mise en oeuvre des mesures en temps utile.

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Quant au pilier 2, les travaux correspondants sont déjà bien avancés. Il est prévu que la Suisse garantisse l'imposition minimale des groupes d'entreprises concernés à l'aide d'un impôt complémentaire. Elle pourra recourir à cet impôt lorsqu'un groupe d'entreprises actif sur son territoire n'atteint pas l'imposition minimale en Suisse ou à l'étranger. De cette façon, les recettes fiscales supplémentaires reviendront à la Suisse et les entreprises qui y sont établies seront à l'abri de procédures fiscales supplémentaires à l'étranger. Il est absolument crucial à cet égard que le dispositif mis en place par la Suisse corresponde aux dispositions modèles de l'OCDE et du G20.

Dans le cas contraire, en effet, les entreprises risqueraient d'être soumises à une double imposition, et en Suisse et à l'étranger.

Cet impôt complémentaire revêtira la forme d'un impôt direct. Son champ d'application est limité aux grands groupes d'entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires mondial d'au moins 750 millions d'euros et dont l'imposition est inférieure à l'impôt minimal au taux de 15 %. Il sera conçu comme un impôt fédéral dont la mise en oeuvre incombera aux cantons. L'actuel impôt sur le bénéfice perçu par la Confédération et les cantons sera maintenu tel quel pour toutes les entreprises.

Selon le projet, le produit brut de l'impôt complémentaire reviendra à raison de 75 % aux cantons, qui devront tenir compte des communes de manière appropriée. Les 25 % restants reviendront à la Confédération, qui utilisera ces ressources financières supplémentaires pour promouvoir la place économique suisse.

Avec cette mise en oeuvre fédéraliste, les cantons resteront incités à proposer une fiscalité compétitive. Par ailleurs, les recettes fiscales supplémentaires des cantons seront prises en compte dans le cadre de la péréquation financière et de la compensation des charges.

Il n'est pas possible d'estimer précisément à ce jour les conséquences financières de la réforme. Les données sont en effet insuffisantes et certains éléments de la réforme sont impossibles à chiffrer. Pour la Confédération et les cantons, on table à court terme sur 1 à 2,5 milliards de francs de recettes annuelles supplémentaires provenant de l'impôt complémentaire prélevé en cas de sous-imposition par rapport à l'imposition minimale en Suisse. La
réforme n'aura pas d'incidences sur les finances de la Confédération, puisque que les recettes tirées de l'impôt complémentaire, déduction faite des dépenses supplémentaires liées à la péréquation financière et à la compensation des charges, seront utilisées dans le cadre d'un financement spécial de mesures supplémentaires de promotion économique. Concernant les recettes susceptibles d'être encaissées si l'imposition minimale n'est pas atteinte à l'étranger, tout porte à croire que la plupart des autres États mettront en oeuvre l'imposition minimale sur leur propre territoire, ce qui limitera fortement le potentiel de recettes pour la Suisse.

Des recettes significatives resteront néanmoins possibles dans certains cas.

La réforme entraînera une diminution de l'attrait fiscal de la place économique suisse. Les stratégies d'adaptation qu'adopteront les entreprises auront un impact négatif sur les recettes de presque tous les impôts ainsi que sur celles provenant des contributions sociales. Cependant, et cela vaut pour l'ensemble des échelons de l'État, des augmentations de recettes restent probables même après adaptation des comportements par les entreprises. En raison du calendrier serré et des nombreuses incertitudes qui subsistent, le Conseil fédéral juge indiqué de procéder par étapes.

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Dans un premier temps, une nouvelle norme constitutionnelle donnera à la Confédération la compétence de mettre en oeuvre le projet conjoint de l'OCDE et du G20. À cet égard, le législateur se verra conférer la compétence de déroger, si nécessaire, à certains principes constitutionnels. Des dispositions transitoires habiliteront ensuite le Conseil fédéral à mettre en oeuvre temporairement l'imposition minimale par voie d'ordonnance, ce qui rendra possible une entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Ces dispositions transitoires définiront les principes dont le Conseil fédéral devra tenir compte dans l'ordonnance provisoire. Enfin, celle-ci sera abrogée par une loi fédérale.

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Table des matières Condensé

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1 Contexte 1.1 Objectifs du projet conjoint de l'OCDE et du G20 et nécessité d'agir en Suisse 1.1.1 Pilier 1: imposition par l'État du marché 1.1.2 Pilier 2: imposition minimale 1.2 Lien avec le programme de la législature et le plan financier ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.3 Classement d'interventions parlementaires

7

14 14

2 Procédure de consultation et résultats

14

3 Comparaison avec le droit étranger, notamment avec le droit européen 3.1 Imposition dans l'État du marché 3.2 Imposition minimale

18 18 18

4 Présentation du projet 4.1 Nouvelle réglementation proposée 4.1.1 Imposition dans l'État du marché 4.1.2 Imposition minimale 4.2 Mesures de promotion de la place économique 4.3 Mise en oeuvre

19 19 19 20 23 29

5 Commentaire des dispositions 5.1 Norme de base 5.2 Dispositions transitoires 5.2.1 Principe technique de base de l'OCDE et du G20 5.2.2 Mise en oeuvre fédérale en Suisse 5.2.3 Péréquation financière et compensation des charges

30 30 32 33 40 45

6 Conséquences 6.1 Aperçu des conséquences financières de l'imposition minimale pour la Confédération (avant adaptation des comportements) 6.2 Conséquences financières de l'impôt complémentaire pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements) 6.2.1 Hypothèses et base de données 6.2.2 Recettes provenant de l'impôt complémentaire suisse 6.2.3 Différences d'assiette fiscale 6.2.4 Différences régionales 6.3 Conséquences financières de l'impôt RIR pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements) 6.4 Conséquences financières de l'impôt RPII pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements)

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7 8 9

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6.5 Conséquences possibles liées à l'imposition dans l'État du marché et interaction avec le pilier 2 6.6 Conséquences financières de l'imposition minimale pour la Confédération, les cantons et les communes (après adaptation des comportements) 6.6.1 Conséquences sur les recettes provenant de l'imposition des entreprises 6.6.2 Conséquences sur les assurances sociales et sur d'autres impôts 6.6.3 Conséquences sur les recettes de l'ensemble des échelons de l'État 6.6.4 Conséquences sur les recettes par échelon de l'État 6.7 Conséquences économiques de l'imposition minimale 6.7.1 Objectif d'efficacité 6.7.2 Attrait de la place économique sur le plan fiscal 6.7.3 Effets de la déduction fondée sur des critères de substance sur la concurrence fiscale 6.7.4 Charge administrative 7 Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte législatif 7.4 Frein aux dépenses

55 55 57 58 59 60 62 62 63 63 64 64 64 65 66 66

Arrêté fédéral sur une imposition particulière des grands groupes d'entreprises (Mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique) (Projet) FF 2022 1701

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Message 1

Contexte

Le débat autour de la fiscalité internationale des entreprises s'est intensifié ces dernières années. L'une des priorités déclarées des États membres du groupe des vingt principaux pays industrialisés et émergents (G20) consiste à réduire les possibilités de planification fiscale dont disposent les entreprises ainsi que la concurrence fiscale internationale. En réponse, de nombreux États, dont la Suisse, ont adapté leur droit fiscal. La loi fédérale du 28 septembre 2018 relative à la réforme de la fiscalité et au financement de l'AVS (RFFA)1, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, a abrogé les régimes spéciaux prévus jusque-là par les cantons pour les sociétés holding et pour d'autres formes de sociétés. Soucieux de préserver leur compétitivité, de nombreux cantons ont réagi à la nouvelle situation en baissant leurs taux d'imposition des bénéfices. Même s'il est encore trop tôt pour juger de cette réforme, des indices laissent entrevoir que la Suisse a su préserver sa compétitivité fiscale et garantir les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes.

La Suisse continue de faire partie des places économiques les plus florissantes au monde et figure souvent en tête des classements internationaux. Les raisons en sont nombreuses, à commencer par sa situation géographique, sa stabilité politique, sa main-d'oeuvre hautement qualifiée, sa forte capacité d'innovation, mais aussi la compétitivité de son cadre fiscal. Les entreprises qui y sont implantées créent des emplois et apportent une contribution essentielle au financement des tâches de la Confédération, des cantons et des communes.

Plusieurs États appellent de leurs voeux de nouvelles adaptations des règles fiscales internationales, et des changements majeurs s'annoncent. Pour la Confédération, les cantons et les communes, la compétitivité, les emplois ainsi que les recettes fiscales sont donc une nouvelle fois mis en jeu. Le Conseil fédéral entend garantir que la Suisse prend à nouveau des mesures appropriées pour défendre ses intérêts.

Le présent message énonce les principes du projet conjoint de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G20, lancé initialement dans le but d'imposer l'économie numérique (ci-après projet conjoint de l'OCDE et du G20), ainsi que sa mise en oeuvre prévue au niveau national. Les réglementations de l'OCDE sont très complexes et détaillées. Cet aspect est notamment abordé plus en détail au ch. 5.

1.1

Objectifs du projet conjoint de l'OCDE et du G20 et nécessité d'agir en Suisse

Depuis bientôt dix ans, l'OCDE et le G20 se penchent sur les défis fiscaux qui découlent de la numérisation de l'économie. Il en est résulté le projet conjoint de l'OCDE 1

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et du G20, qui constitue le principal projet actuel en matière de politique fiscale internationale.

Dans le cadre du projet conjoint de l'OCDE et du G20, le Cadre inclusif sur le BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l'OCDE, qui compte à ce jour 141 États membres, a adopté le 8 octobre 2021 la Déclaration sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie2.

Cette déclaration portant sur l'imposition à venir des grands groupes d'entreprises actifs à l'international a été acceptée par 137 États membres, dont tous les pays de l'OCDE, du G20 et de l'Union européenne (UE). Le premier pilier prévoit un transfert des droits d'imposition vers les États du marché (cf. ch. 1.1.1) et le deuxième des règles relatives à l'imposition minimale (cf. ch. 1.1.2).

1.1.1

Pilier 1: imposition par l'État du marché

Projet conjoint de l'OCDE et du G20 Le pilier 1 vise à accroître, ou selon le cas à rendre possible, la participation des États du marché aux bénéfices imposables des grands groupes d'entreprises très rentables.

Par État du marché, on entend les États où les marchandises ou prestations sont fournies. Une présence physique n'est pas nécessaire pour cela. En contrepartie, les mesures unilatérales d'imposition des services numériques (cf. ch. 3.1) devront être abandonnées.

Le champ d'application du pilier 1 comprend les grands groupes d'entreprises dont le chiffre d'affaires annuel dépasse 20 milliards d'euros et dont la marge bénéficiaire est supérieure à 10 %, ce qui revient à inclure, selon les indications de l'OCDE et du G20, les quelque 100 plus grands groupes d'entreprises les plus rentables du monde. L'extraction de matières premières et les services financiers réglementés sont exclus du pilier 1.

Concrètement, les États du marché dans lesquels un groupe d'entreprises génère au moins un million d'euros de chiffre d'affaires seront en droit d'imposer une partie de leurs bénéfices. Un seuil de chiffre d'affaires plus bas est prévu pour les petits pays.

La part du bénéfice qui sera désormais à répartir entre les États du marché ainsi définis équivaudra à 25 % de ce qui dépasse une marge bénéficiaire de 10 % (montant A).

Afin que les bénéfices attribués aux États du marché pour imposition ne soient pas soumis à une double imposition, tous les États dans lesquels réside une entité constitutive d'un groupe dont les rendements sont supérieurs à la moyenne devront accorder un allégement correspondant. Dans l'optique de préserver la sécurité juridique des groupes d'entreprises concernés, le projet prévoit une procédure particulière de prévention des différends. En outre, ces groupes d'entreprises pourront bénéficier d'une procédure particulière de règlement des différends, y compris pour les états de fait qui n'ont qu'un lien indirect avec le montant A.

2

Document disponible sous: www.ocde.org > Thèmes > Fiscalité > Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices > Déclaration sur une solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie ­ 8 octobre 2021.

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Pour la mise en oeuvre du pilier 1, une convention multilatérale est prévue, qui devra être signée par les États participants. Selon la déclaration de l'OCDE et du G20 du 8 octobre 2021, cette convention devait être ouverte à la signature à la mi-2022. Ce calendrier ne pourra pas être respecté, compte tenu de l'avancement insuffisant des travaux.

Schéma du fonctionnement de l'imposition dans l'État du marché

La suppression des mesures unilatérales d'imposition des services numériques aura des conséquences positives pour les groupes d'entreprises concernés. Ces mesures unilatérales d'imposition sont des impôts perçus sur les revenus tirés de services numériques spécifiques, calculés en fonction des revenus générés dans un État du marché et prélevés sur les revenus bruts, afin d'éviter que ne s'applique la protection garantie par les conventions contre les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu (CDI). De telles règles peuvent augmenter la charge administrative et ajouter à la complexité du droit fiscal. Il reste néanmoins à déterminer le surcroît de travail administratif qu'entraînera la mise en oeuvre du pilier 1.

Conséquences pour la Suisse La faible charge fiscale proposée par la Suisse en matière d'imposition des bénéfices en comparaison internationale ne devrait plus peser autant qu'aujourd'hui dans les décisions d'implantation des très grands groupes d'entreprises. En effet, une partie accrue du bénéfice du groupe sera à l'avenir imposée dans les États du marché.

1.1.2

Pilier 2: imposition minimale

Projet conjoint de l'OCDE et du G20 Le pilier 2 vise à introduire une imposition minimale. Les règles GloBE (Global antiBase Erosion) prévoient pour les groupes d'entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires annuel d'au moins 750 millions d'euros un taux d'imposition minimal de 15 %,

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fondé sur une norme comptable internationale reconnue. Ce taux devra être atteint dans chaque État. Les revenus générés par les activités liées au trafic maritime international sont exclus de l'imposition minimale au sens du pilier 2.

Selon l'OCDE et le G20, les calculs de la charge fiscale peuvent s'appuyer sur les impôts sur le bénéfice et le capital ainsi que sur d'autres impôts basés sur le bénéfice.

La base de calcul unifiée sera établie à l'aide de normes comptables reconnues, avec quelques corrections. Si, dans un État, la charge fiscale agrégée (blending par États) n'atteint pas la charge fiscale minimale de 15 % fixée par l'OCDE et le G20, la différence sera soumise à une imposition complémentaire. Le groupe d'entreprises pourra toutefois faire valoir, dans chaque État, une déduction sur les actifs corporels et les charges salariales (carve-out ou déduction fondée sur des critères de substance). Ainsi, les bénéfices générés par certaines activités impliquant une substance économique importante continueront à pouvoir être imposés à un taux inférieur à 15 %.

L'imposition supplémentaire interviendra dans l'État où se trouve la société mère la plus élevée ou une société intermédiaire du groupe d'entreprises concerné (règle d'inclusion du revenu, RIR; angl.: Income Inclusion Rule, IIR). Si cet État n'a pas introduit la RIR, l'imposition sera garantie à titre subsidiaire dans les États où se trouvent des filiales du groupe d'entreprises, par l'intermédiaire d'un refus de déductions ou d'ajustements équivalents (règle secondaire relative aux paiements insuffisamment imposés, RPII, dite undertaxed payments rule). L'OCDE et le G20 autorisent toutefois aussi l'État dans lequel l'imposition minimale n'est pas atteinte à compenser luimême la différence par rapport à l'imposition minimale au moyen d'un impôt complémentaire national (qualified domestic minimum top-up tax). Un tel impôt complémentaire national prime sur la RIR et sur la RPII.

Par conséquent, l'ordre hiérarchique suivant s'applique selon le projet conjoint de l'OCDE et du G20:

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(1) Dans la mesure où un État perçoit un impôt complémentaire national, aucun autre État ne peut percevoir un impôt RIR ou un impôt RPII correspondant à ce montant.

Tout impôt complémentaire national doit être compatible avec les règles types de l'OCDE et du G203 pour être accepté par les autres États. Pour cela, le calcul du bénéfice excédentaire déterminant doit correspondre aux prescriptions de l'OCDE et du G20. En outre, la charge fiscale nationale liée au bénéfice excédentaire doit être augmentée pour atteindre l'imposition minimale.

Enfin, l'État concerné ne peut accorder aucun avantage en lien avec l'impôt complémentaire.

(2) S'il subsiste un montant résiduel, celui-ci est soumis en priorité à l'impôt RIR.

Pour l'impôt RIR, le droit primaire d'imposition revient à l'État dans lequel est située la société mère la plus élevée du groupe. Si cet État n'a pas introduit l'impôt RIR, les règles types prévoient que ce dernier peut être perçu auprès de la deuxième société intermédiaire la plus élevée du groupe. L'OCDE et le G20 règlent l'ordre hiérarchique de manière détaillée et les règles types prévoient des réglementations particulières pour les entités constitutives du groupe ayant plusieurs sociétés mères.

(3) Si la RIR n'est pas applicable, c'est la RPII qui s'applique.

L'impôt RPII peut être appliqué dans tous les États où sont situées une ou plusieurs entités du groupe. La répartition entre ces États s'effectue en fonction de la substance de chaque entité constitutive du groupe. L'impôt RPII peut être prélevé sous la forme d'un refus de déduction ou d'un impôt supplémentaire.

Le pilier 2 n'est qu'une approche commune et ne représente pas une norme minimale.

Autrement dit, les États ne sont ni politiquement ni juridiquement tenus de reprendre les règles relatives à l'imposition minimale. Toutefois, s'ils décident de les transposer dans leur droit national, ils doivent alors, selon la déclaration du 8 octobre 2021, se fonder sur les règles types et les orientations de l'OCDE et du G20. Même si un État n'applique pas les règles, le fait de s'entendre sur une approche commune signifie que l'État en question accepte que d'autres États appliquent ces règles aux entités constitutives concernées qui sont actives sur son territoire.

Le calendrier établi par l'OCDE et le G20 pour l'imposition
minimale prévoit que la RIR pourra être appliquée dès 2023 et la RPII dès 2024. Dans ce contexte, des règles types ont été publiées en décembre 2021 et un commentaire explicatif, en mars 20224.

Le cadre de mise en oeuvre (Implementation Framework), qui facilitera la coordination des règles relatives à l'imposition minimale entre les États concernés, doit être

3

4

Disponibles (en anglais uniquement pour l'instant) sous: www.oecd.org > Topics > Tax > Base erosion and profit shifting > Tax Challenges Arising from the Digitalisation of the Economy > Global Anti-Base Erosion Model Rules (Pillar Two).

Règles types et commentaire (disponibles en anglais uniquement pour l'instant): www.oecd.org > Topics > Tax > Base erosion and profit shifting > Tax Challenges Arising from the Digitalisation of the Economy > Global Anti-Base Erosion Model Rules (Pillar Two).

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élaboré avant la fin de l'année 2022. Cela signifie que plusieurs points importants pour la mise en oeuvre resteront encore ouverts au moins jusqu'à la fin de cette année.

Le pilier 2 de l'OCDE et du G20 comprend en outre une règle d'assujettissement à l'impôt (subject to tax rule), qui sera inscrite dans les CDI conclues avec les pays en développement. Ces derniers pourront à l'avenir prélever un impôt à la source limité sur les intérêts, les licences et certains paiements prédéfinis, si les paiements en question sont soumis, dans l'autre État, à un droit d'imposition dont le taux nominal est inférieur à 9 %. Il est prévu que les CDI correspondantes soient adaptées puis ratifiées de manière bilatérale ou sur la base d'une convention multilatérale.

Schéma du fonctionnement de l'imposition minimale (hypothèse: la Suisse n'a pas introduit l'imposition minimale)

Conséquences pour la Suisse Le Conseil fédéral suppose que de nombreux États, notamment ceux de l'UE (cf. ch. 3.2), intégreront dans leur droit national les règles relatives à l'imposition minimale. Ainsi, ces États pourront à l'avenir imposer davantage les entités constitutives d'un groupe situées sur leur territoire si le groupe auquel elles appartiennent n'atteint pas l'imposition minimale dans un autre État (p. ex. en Suisse). Ces groupes d'entreprises enregistreront une hausse à la fois de leur charge fiscale et de leur charge administrative.

De telles mesures affecteront aussi la Suisse en tant que place économique. Elle perdra de son attrait par rapport aux États où la charge fiscale est plus élevée, puisque l'écart dans ce domaine s'atténuera. Un groupe d'entreprises ayant son siège dans un pays à fiscalité élevée sera d'autant moins tenté d'implanter des activités en Suisse et d'y

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investir. En revanche, les États affichant aujourd'hui des taux d'imposition moins élevés que la Suisse perdront leur avantage actuel, ce qui améliorera la position de celleci face à la concurrence fiscale internationale. On peut cependant s'attendre à ce que les États concernés s'efforcent de compenser le risque de déclassement de leur place économique par des mesures adéquates. La concurrence internationale pour accueillir les groupes d'entreprises ne devrait donc pas faiblir, mais il est probable que l'imposition des entreprises devienne un critère moins important qu'aujourd'hui.

Les nouvelles règles d'imposition auront un impact direct sur la plupart des cantons.

L'imposition minimale ne sera pas forcément atteinte même dans les cantons dont les taux d'imposition légaux dépassent 15 %. Cela peut arriver, d'une part, lorsque l'entité constitutive d'un groupe bénéficie de réglementations spéciales, par exemple de l'imposition réduite du bénéfice provenant d'un brevet ou d'un droit comparable (patent box)5, ce qui se traduit dans certains cas par une imposition fiscale effective d'environ 10 à 12 %. Et d'autre part, du fait que le mode de calcul du bénéfice imposable selon le pilier 2 diffère sensiblement des règles prévues en la matière dans le droit suisse de l'impôt sur le bénéfice. Dans certains cas, cela peut aboutir à ce qu'une entité constitutive d'un groupe affiche une charge fiscale de moins de 10 % selon les modalités de calcul de l'OCDE et du G20.

Le projet de l'OCDE et du G20 est conçu de telle sorte que la Suisse ne pourra pas éviter que certains groupes d'entreprises actifs sur son sol soient soumis à l'avenir à une charge fiscale plus lourde. Elle peut néanmoins préserver ses intérêts économiques et fiscaux, en adaptant son système fiscal aux nouvelles réalités (cf. ch. 4.1).

Pour ce faire, elle doit garantir l'imposition minimale des groupes d'entreprises concernés sur son territoire. En outre, elle doit faire usage des nouveaux droits d'imposition lorsqu'un groupe d'entreprises actif en Suisse n'atteint pas l'imposition minimale à l'étranger. De cette façon, les recettes fiscales supplémentaires restent en Suisse au lieu d'être perçues à l'étranger. Dans le cas contraire, la Suisse se priverait de recettes fiscales sans pour autant gagner en compétitivité. Sans mise en oeuvre
de l'imposition minimale, il faudrait donc s'attendre à d'importantes diminutions de recettes pour tous les échelons de l'État. C'est pourquoi la transposition dans le droit national s'impose, car elle permet d'élargir considérablement la marge de manoeuvre financière, qui peut alors être utilisée pour des mesures visant à préserver l'attrait de la place économique.

Dans ce cadre, il est essentiel que le dispositif mis en place en Suisse corresponde aux règles types de l'OCDE et du G20, faute de quoi il pourrait en résulter une double imposition, en ce sens qu'en plus de l'impôt complémentaire suisse, les entreprises concernées seraient soumises à une imposition supplémentaire à l'étranger.

5

Cf. ordonnance du 13 novembre 2019 relative à la patent box (RS 642.142.1).

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1.2

Lien avec le programme de la législature et le plan financier ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20236 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20237.

Conformément à ses objectifs annuels, le Conseil fédéral déterminera au premier semestre 2022 si la Suisse doit mettre en oeuvre les nouvelles règles d'imposition de l'économie numérique issues du projet correspondant de l'OCDE et du G20 et, le cas échéant, comment.

1.3

Classement d'interventions parlementaires

Le postulat 21.3664 «Impôt minimum sur les sociétés. Une stratégie pour maintenir l'attrait de la Suisse» a été adopté par le Conseil national le 1er mars 2022. Il invite le Conseil fédéral à proposer une stratégie de mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20, et demande notamment au Conseil fédéral d'examiner toutes les options possibles afin que toute adaptation de l'impôt sur le bénéfice soit fiscalement neutre pour les entreprises, au moyen par exemple d'une réduction dans des proportions comparables d'autres impôts et taxes tels que les cotisations sociales.

Dans le cadre du présent message, le Conseil fédéral a examiné l'objectif visé par ce postulat (cf. ch. 4.2). Une augmentation de la charge fiscale pour les groupes d'entreprises concernés en Suisse ne peut être évitée. Pour contrer cette perte d'attractivité fiscale, des mesures de promotion de la place économique sont prévues (cf. ch. 4.2).

Le Conseil fédéral estime que le postulat peut être classé.

2

Procédure de consultation et résultats

Le Conseil fédéral a mené une consultation du 11 mars au 20 avril 2022. Au total, 74 prises de position ont été reçues, provenant des 26 cantons, de sept partis et de 41 organisations.

Les principaux résultats de la consultation sont exposés ci-dessous. Toutes les prises de position ainsi que le rapport sur les résultats de la consultation sont accessibles en ligne8.

­

6 7 8

Nécessité d'agir: Il existe un large consensus sur le fait que la Suisse ne peut pas rester inactive face aux développements internationaux. Les participants à la consultation reconnaissent la nécessité de mettre en oeuvre l'imposition minimale à l'échelle nationale.

FF 2020 1709 FF 2020 8087 Disponible sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2022 > DFF.

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Procédure: Les participants à la consultation soutiennent la procédure proposée par le Conseil fédéral, consistant en une modification de la Constitution et l'adoption de dispositions transitoires pour une ordonnance du Conseil fédéral valable jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation d'application.

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Portée de la norme constitutionnelle de base: Pour de nombreux participants à la consultation, la norme de base va trop loin, qu'il s'agisse d'éventuelles restrictions au fédéralisme fiscal ou d'une possible dérogation à d'autres principes constitutionnels en matière d'imposition (émettent un avis dans ce sens: 17 cantons ainsi que la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances [CDF], quatre partis [PES, PLR, PVL, UDC] et dix organisations).

De nombreux participants exigent que la part cantonale aux recettes générées par l'impôt complémentaire soit inscrite dans la norme de base (18 cantons ainsi que la CDF, l'UDC et treize organisations).

Le Conseil fédéral est conscient de la portée politique de la norme constitutionnelle de base. À la lumière des résultats de la consultation, il propose d'en restreindre le champ d'application à la mise en oeuvre nationale du projet conjoint de l'OCDE et du G20. En outre, la règle constitutionnelle actuelle, selon laquelle la part des cantons aux impôts fédéraux directs s'élève à au moins 17 %, ne sera pas modifiée, et s'appliquera également pour la mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20. Le législateur peut prévoir une part cantonale plus élevée.

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Mise en oeuvre fédérale de l'imposition minimale: Une grande partie des participants à la consultation s'accorde sur le fait que l'imposition minimale devra être mise en oeuvre par les cantons (avis notamment des cantons et de la CDF, de la majorité des partis ainsi que de la plupart des associations économiques); le PVL ainsi que trois organisations, notamment, demandent expressément une mise en oeuvre par la Confédération.

­

Procédure: De nombreux participants à la consultation suggèrent un examen approfondi du concept de «premier canton»; d'autres réclament ou suggèrent une mise en oeuvre qui n'entraînera pas de charge de travail supplémentaire pour les groupes d'entreprises (onze cantons ainsi que la CDF, l'UDC et diverses organisations).

Le choix des modalités procédurales pour la mise en oeuvre de l'imposition minimale joue également un rôle important dans l'attrait de la place économique; des clarifications techniques approfondies vont être effectuées dans le cadre de l'élaboration de l'ordonnance du Conseil fédéral (cf. ch. 4.1.2).

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Répartition des recettes générées par l'impôt complémentaire entre les trois échelons de l'Etat: Lors de la procédure de consultation, le Conseil fédéral avait proposé que les recettes générées par l'impôt complémentaire soient intégralement versées aux cantons et avait explicitement demandé aux participants de prendre position à ce sujet.

­ Sept cantons, deux partis (PLR et UDC), ainsi que quelques associations économiques (p. ex. economiesuisse et SwissHoldings) sont d'accord avec la répartition proposée.

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La majorité des cantons et des partis réclament une participation de la Confédération aux recettes supplémentaires. Douze cantons ainsi que la CDF proposent une part cantonale de 75 %. Cinq cantons proposent une part cantonale inférieure et un canton propose une part cantonale supérieure; quelques-uns n'ont pas répondu explicitement à la question.

Parmi les partis et les autres organisations, tous les avis sont représentés.

Quatre participants demandent une participation des communes.

Au vu de ces résultats, le Conseil fédéral propose la répartition suivante: part cantonale de 75 %, avec prise en compte appropriée des communes par les cantons; part fédérale de 25 %.

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Acceptation internationale: Une grande partie des participants à la consultation partagent le point de vue du Conseil fédéral, à savoir que la réglementation suisse doit être reconnue à l'échelle internationale.

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Mise en oeuvre ciblée de l'imposition minimale: La majorité des participants à la consultation se prononcent en faveur d'une mise en oeuvre de l'imposition minimale uniquement pour les entreprises concernées. Les petits groupes d'entreprises et les groupes actifs sur le marché intérieur uniquement ne doivent pas être concernés par l'imposition minimale. Trois organisations et deux partis (PES, PS) demandent que le taux d'imposition minimal de 15 % s'applique à toutes les entreprises.

Soucieux de préserver l'attrait fiscal de la place économique suisse, le Conseil fédéral s'oppose à une augmentation de l'imposition allant au-delà de l'imposition minimale fixée par l'OCDE et le G20.

­

Mesures de promotion de la place économique: La majorité des participants à la consultation ont pris position concernant les mesures de promotion de la place économique, et appellent à ce que les recettes supplémentaires soient utilisées pour des mesures préservant l'attrait de la place économique. Une minorité (notamment Le Centre, le PES, le PS et l'Union syndicale suisse) exige toutefois que ces recettes supplémentaires soient utilisées à des fins sociales ou pour des mesures de politique climatique. Comme justification à leur demande, les auteurs de cette proposition avancent notamment que cela accroîtrait la capacité de ce projet à réunir une majorité dans les urnes.

Parmi les domaines pouvant bénéficier de mesures cantonales de promotion de la place économique, les cantons citent notamment la formation, la recherche et l'innovation, les crédits d'impôt, le numérique, l'environnement, la promotion des start-up et l'accueil extrafamilial des enfants. À cet égard, certains cantons souhaitent que la Confédération élabore un cadre pour les mesures cantonales de promotion de la place économique ou encore un catalogue de mesures. Le PLR et l'UDC se prononcent en faveur d'une utilisation des ressources financières uniquement au bénéfice de mesures ciblées visant à promouvoir la place économique. Les associations économiques considèrent elles aussi qu'il est primordial que ces ressources soient affectées à des mesures cantonales ciblées en vue de préserver l'attrait économique du pays.

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Il ressort de la consultation que la majorité des cantons souhaitent un engagement renforcé de la Confédération en vue de maintenir l'attrait de la place économique suisse dans son ensemble. En ce qui concerne les mesures de promotion de la place économique au niveau fédéral, la plupart des cantons proposent des axes stratégiques pouvant déployer à moyen et long terme des effets positifs au niveau national. On peut citer à cet égard un financement accru des hautes écoles ou encore des mesures visant à soutenir les efforts de recherche et de développement des différents acteurs de l'économie et à renforcer la force d'innovation et la compétitivité des entreprises. Les axes stratégiques doivent principalement concerner les domaines de la formation, de la recherche et de l'innovation ainsi que celui de la lutte contre la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Il n'y a pas consensus entre les partis concernant l'utilisation des recettes au niveau fédéral. Ceux qui peuvent admettre une participation de la Confédération aux recettes se prononcent en faveur de mesures destinées à préserver l'attrait de la place économique, mais demandent aussi pour certains d'entre eux une distribution partielle ou totale du surplus des recettes à la population. Le PS souhaite ainsi que la population soit le bénéficiaire unique des recettes issues de l'impôt complémentaire, qui doivent être intégralement perçues par la Confédération, cet objectif pouvant être atteint par l'intermédiaire d'un allégement des primes de l'assurance-maladie obligatoire.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral propose d'utiliser sa part aux recettes pour renforcer l'attrait de la place économique suisse dans le cadre d'une affectation obligatoire, après déduction de ses dépenses supplémentaires liées à la péréquation des ressources (cf. ch. 5.2.3).

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Péréquation financière et compensation des charges: Les cantons se rangent en grande majorité derrière la position du Conseil fédéral selon laquelle la péréquation financière et la compensation des charges ne doit pas être adaptée (cf. ch. 5.2.3 en ce qui concerne la proposition du canton de Zurich rejetée par le Conseil fédéral). Certains cantons expriment toutefois des craintes quant au fait que l'impôt complémentaire puisse accroître les disparités entre les cantons. C'est pourquoi la CDF et de nombreux cantons réclament que les conséquences de la réforme sur la péréquation financière et la compensation des charges soient analysées de manière approfondie dans le rapport 2026­2029 sur l'évaluation de l'efficacité, sur la base de données fiscales actuelles.

Le Conseil fédéral approuve cette proposition. Le rapport 2026­2029 sur l'évaluation de l'efficacité examinera cette question et, le cas échéant, proposera des mesures si la réforme devait, contre toute attente, modifier les versements liés à la péréquation des ressources de telle sorte que la charge fiscale de certains cantons augmente sensiblement ou que leurs recettes diminuent de manière significative.

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Simplification des dispositions transitoires: De nombreux participants à la consultation demandent de simplifier et de raccourcir la formulation des dispositions transitoires.

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Le Conseil fédéral rejette l'idée d'une simplification et d'un raccourcissement. D'un point de vue politique et juridique, les principes énoncés dans les dispositions transitoires constituent les bases pour l'ordonnance provisoire du Conseil fédéral. Le législateur doit définir des lignes directrices aussi claires que possible et ne doit pas laisser une marge de manoeuvre trop importante au Conseil fédéral. Par ailleurs, l'ordonnance doit pouvoir soutenir, le cas échéant, un examen juridique visant à déterminer si elle est conforme à la Constitution.

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment avec le droit européen

3.1

Imposition dans l'État du marché

Ces dernières années, plusieurs États ont introduit des mesures unilatérales d'imposition des services numériques pour certains types de chiffre d'affaires, afin d'augmenter ou de protéger leur substrat fiscal. L'UE prévoyait elle aussi d'introduire une taxe numérique. Elle a toutefois renoncé à ses plans, en raison du projet conjoint de l'OCDE et du G20, qui exige d'abandonner toute mesure unilatérale dans le champ d'application du pilier 1.

Au cours des dernières années, des organisations internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international se sont de plus en plus engagées en faveur d'une imposition généralisée par l'État du marché pour les bénéfices des grands groupes d'entreprises. Dans le cadre de l'élaboration de leur réforme fiscale en 2017, les États-Unis ont eux aussi envisagé de faire évoluer leur système fiscal vers une imposition par l'État du marché, avant de finalement renoncer à cette idée.

3.2

Imposition minimale

Sur la base des règles types de l'OCDE et du G20, la Commission européenne a publié une proposition de directive. Cette dernière reprend les règles types de l'OCDE et du G20 et comporte quelques modifications en lien avec les libertés fondamentales au sein de l'UE. Elle a été discutée une première fois en janvier 2022 au sein du Conseil de l'UE compétent (ECOFIN). Certains États membres ayant émis des réserves, diverses adaptations ont par la suite été effectuées. L'entrée en vigueur des réglementations dans les États membres de l'UE doit notamment être reportée de facto d'une année, c'est-à-dire jusqu'en 20249. Une fois la directive adoptée par l'UE, les États membres sont tenus de transposer son contenu dans leur droit national.

Aujourd'hui déjà, il existe dans différents États des règles d'imposition comparables à la RIR. Les règles applicables aux sociétés étrangères contrôlées (règles SEC) permettent d'imposer auprès de la société mère les bénéfices de filiales étrangères dont 9

Cf. projet de directive du Conseil relative à la mise en place d'un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes multinationaux dans l'Union, état actuel du projet de directive (proposition de compromis: pdf [europa.eu]).

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le taux d'imposition est trop bas. Or, à la différence des règles de l'OCDE et du G20, les règles SEC déterminent en général le taux d'imposition des bénéfices de la filiale sur la base des prescriptions de l'État du siège de la société mère. En outre, les règles SEC ne s'appliquent souvent que pour certaines formes de paiements (en particulier ceux relatifs aux intérêts et aux licences). Enfin, selon les règles SEC, les bénéfices sont généralement imposés au taux d'imposition en vigueur dans l'État du siège de la société mère. Les règles SEC pourront continuer de coexister avec les nouvelles règles de l'OCDE et du G20, sur lesquelles elles primeront.

La RIR présente également des similitudes avec le régime d'imposition américain GILTI (Global Intangible Low-Taxed Income). Le GILTI est lui aussi conçu comme un droit prépondérant à l'imposition jusqu'à concurrence d'un taux d'imposition donné. Autre point commun, tous les bénéfices réalisés à l'étranger sont en principe imposables et une déduction est accordée pour les actifs corporels situés à l'étranger.

Une grande différence entre le GILTI et la RIR réside dans la compensation des charges fiscales de différents sites. Dans le régime GILTI, tous les impôts sur le bénéfice dus à l'étranger et tous les bénéfices réalisés par les filiales et établissements étrangers sont additionnés pour le calcul du taux d'imposition effectif. Les États-Unis se basent donc à ce jour sur une agrégation mondiale (global blending), alors que dans le pilier 2, l'imposition minimale doit être atteinte dans chaque État séparément. Le gouvernement américain prévoit d'apporter des modifications au GILTI, en passant notamment au calcul du taux minimal pays par pays. Les États-Unis jugent leurs règles GILTI équivalentes aux nouvelles règles de l'OCDE et du G20. Cette question est toutefois encore en suspens au niveau de l'OCDE et du G20.

4

Présentation du projet

4.1

Nouvelle réglementation proposée

4.1.1

Imposition dans l'État du marché

Une fois que la convention multilatérale sera disponible, le Conseil fédéral décidera s'il la signe ou non. Le cas échéant, le Parlement se prononcera sur l'approbation.

Une mise en oeuvre du pilier 1 pourrait entrer partiellement en conflit avec certains principes en vigueur inscrits dans la Constitution (Cst.)10, notamment avec le principe de l'égalité de traitement. En effet, les règles du pilier 1 ne s'appliqueront qu'aux grands groupes d'entreprises. Dans ces conditions, la modification constitutionnelle proposée doit conférer au Parlement la compétence d'introduire le pilier 1, mais sans préjuger de sa décision concernant une éventuelle mise en oeuvre. Afin d'accorder une marge de manoeuvre suffisante au législateur, ce dernier doit pouvoir, le cas échéant, également déroger à d'autres principes constitutionnels. La question se posera notamment de savoir s'il est judicieux d'un point de vue administratif que ce soient les cantons qui procèdent à l'exécution de l'imposition par l'État du marché (exécution décentralisée).

10

RS 101

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4.1.2

Imposition minimale

Le Conseil fédéral suppose que de nombreux États, notamment ceux de l'UE, introduiront les nouvelles règles d'imposition, et il souhaite s'assurer que la Suisse pourra préserver ses intérêts dans cette situation nouvelle. La Suisse doit par conséquent garantir elle aussi l'imposition minimale des grands groupes d'entreprises concernés sur son territoire. En outre, elle doit faire usage des nouveaux droits d'imposition lorsqu'un groupe d'entreprises actif en Suisse n'atteint pas l'imposition minimale à l'étranger. De cette façon, les recettes fiscales supplémentaires restent en Suisse au lieu d'être perçues à l'étranger. En procédant de la sorte, la Suisse élargit sa marge de manoeuvre budgétaire, ce qu'elle peut notamment mettre à profit pour adopter des mesures visant à conserver l'attrait de la place économique. Simultanément, les groupes d'entreprises établis en Suisse échapperont ainsi à des procédures fiscales supplémentaires à l'étranger ainsi qu'à la charge administrative correspondante, et bénéficieront de la meilleure sécurité juridique possible.

Schéma du fonctionnement de l'imposition minimale (hypothèse: la Suisse a introduit l'imposition minimale; cf. aussi ch. 1.1.2)

Les explications ci-dessous se focalisent sur la mise en oeuvre dans le cadre de l'ordonnance provisoire du Conseil fédéral (cf. à cet égard et pour la suite ch. 4.3). Dans le cadre de la procédure législative en aval, le législateur pourra revenir sur les principes exposés ici et y apporter, si nécessaire, des modifications.

Garantir l'imposition minimale Si la Suisse devait renoncer à garantir une imposition minimale des groupes d'entreprises actifs sur son territoire, d'autres États ne manqueraient pas de faire valoir des 20 / 66

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droits fondés sur la RIR ou la RPII. Les groupes d'entreprises concernés verraient ainsi dans la plupart des cas leur charge fiscale augmenter malgré tout, seulement les recettes fiscales seraient perçues à l'étranger et non en Suisse. Autrement dit, la Suisse se priverait de recettes fiscales tout en perdant en compétitivité. En outre, les groupes d'entreprises actifs en Suisse seraient confrontés à l'étranger à des procédures fiscales supplémentaires, ce qui se traduirait par une charge administrative et une insécurité juridique plus élevées que si ces procédures étaient introduites en Suisse.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral souhaite introduire l'imposition minimale en Suisse. D'un point de vue technique, celle-ci est obtenue par la mise en place d'un impôt complémentaire regroupant la qualified domestic minimum top-up tax (impôt complémentaire suisse), la RIR et la RPII. Concrètement, l'impôt RIR ou l'impôt RPII seraient perçus sous réserve des droits d'imposition prioritaires des autres États (cf.

ch. 1.1.2).

Le dispositif mis en place par la Suisse doit être accepté au niveau international. Il importe d'éviter autant que possible qu'une autorités fiscale étrangère ne se sente obligée de vérifier dans le cas particulier qu'un groupe d'entreprises atteint réellement l'imposition minimale en Suisse, eu égard au surcroît de travail administratif que cela entraînerait. La surveillance exercée par la Confédération (Administration fédérale des contributions [AFC]) sur l'exécution par les cantons (cf. ch. 5.2.25.2.2) représente donc un élément important à cet égard. Si le dispositif élaboré par la Suisse n'est pas reconnu par les États étrangers, il en résultera non seulement une charge supplémentaire pour les groupes d'entreprise concernés, mais aussi une double imposition, car les États étrangers procéderont également à une imposition supplémentaire s'ajoutant à l'impôt complémentaire suisse.

Mise en oeuvre ciblée Les modifications apportées au système fiscal suisse doivent rester aussi limitées que possible. Il est exclu pour le Conseil fédéral de procéder à une hausse générale des taux d'imposition pour toutes les entreprises. Le champ d'application de l'impôt complémentaire se limitera aux groupes d'entreprises qui entrent dans le champ d'application de l'imposition minimale instaurée
par l'OCDE et le G20. Il ne concernera pas les autres entreprises, et notamment les petites et moyennes entreprises (PME), les petits groupes d'entreprises et les groupes actifs sur le marché intérieur uniquement.

De même, l'imposition supplémentaire en Suisse doit se limiter au strict nécessaire.

Ainsi, le Conseil fédéral rejette une augmentation de l'imposition allant au-delà de l'imposition minimale fixée par l'OCDE et le G20.

Préserver le fédéralisme Les modalités techniques fixées par l'OCDE et le G20 entrent partiellement en conflit avec le système fiscal fédéraliste de la Suisse. Cela vaut notamment pour la règle du blending par État, c'est-à-dire l'approche consistant à agréger toutes les entités d'un groupe situées dans un même État. Un canton n'est en effet pas à même de dire, seulement à partir de la situation fiscale des entités constitutives d'un groupe établies sur son territoire, si le groupe en question atteint l'imposition minimale en Suisse.

Cependant, une exécution centralisée par l'AFC a déjà été clairement rejetée préalablement à la consultation par la CDF ainsi que par les milieux économiques concernés.

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Les participants à la consultation (cf. ch. 2) sont favorables à l'exécution décentralisée par les cantons et invoquent notamment les expériences positives faites avec les procédures fiscales existantes devant les autorités cantonales.

Une mise en oeuvre autonome par les cantons ne permettrait pas d'atteindre le but visé.

Le dispositif élaboré par la Confédération doit garantir la mise en oeuvre de l'imposition minimale par les cantons. Plus précisément, la Confédération doit régler de manière contraignante pour les cantons quelles entités du groupe doivent verser l'impôt complémentaire et quel canton est habilité à procéder à l'exécution. Cet impôt est prévu pour être fédéral et non cantonal, ce qui pourrait être un avantage sous l'angle de l'acceptation internationale.

Une part correspondant à 75 % du produit brut de l'impôt complémentaire sera versée aux cantons. Ces derniers continueront ainsi d'être incités à offrir une charge fiscale compétitive. Les cantons à fiscalité élevée gagneront en attrait fiscal pour les groupes d'entreprises par rapport aux cantons fiscalement avantageux, car les différences en matière de charge fiscale entre les cantons à forte et à faible fiscalité seront amenées à se réduire. Le projet conjoint de l'OCDE et du G20 touche principalement les cantons les plus attractifs sur le plan fiscal, bien qu'avec l'application de mesures spéciales de la RFFA, le risque pour les groupes de se voir soumis à l'imposition minimale de l'OCDE et du G20 existe dans tous les cantons. Ces mesures particulières pourraient éventuellement être rééquilibrées. Le pilier 2 a aussi un impact indirect sur la concurrence fiscale intercantonale. Cet effet est cependant légèrement plus faible ici qu'à l'échelle internationale. Tout d'abord, le blending par État permet de «compenser» une charge fiscale très faible dans un canton par une charge fiscale plus élevée dans un autre canton. Les cantons fiscalement attractifs demeurent donc incités à proposer des charges fiscales inférieures à l'imposition minimale. La mise en oeuvre nationale veille en outre à maintenir la compatibilité du système fédéral avec les mesures incitatives. Plus la part cantonale aux recettes supplémentaires est faible, plus les cantons sont incités à rehausser leurs taux d'imposition. Ainsi, les recettes supplémentaires
leur reviendraient. Toutefois, l'attrait fiscal de la Suisse en souffrirait.

Grâce à l'impôt complémentaire suisse, les cantons à faible fiscalité, notamment, recevront des fonds qu'ils pourront utiliser pour contrecarrer leur perte d'attractivité (cf. ch. 4.2). Les cantons décideront en toute autonomie de l'affectation des recettes fiscales provenant de l'impôt complémentaire (cf. ch. 4.2).

Afin d'obtenir l'effet escompté, les recettes de l'impôt complémentaire suisse revenant aux cantons seront versées aux cantons auxquels l'entité constitutive trop faiblement imposée est rattachée fiscalement. Dans la pratique, il arrivera probablement souvent qu'un groupe d'entreprises dispose de plusieurs entités constitutives en Suisse. Si tel est le cas, il conviendra de répartir les recettes cantonales générées par l'impôt complémentaire au prorata entre tous les cantons dans lesquels sont situées les entités constitutives trop faiblement imposées.

La réglementation proposée par le Conseil fédéral respecte le fédéralisme fiscal, préserve la concurrence fiscale intercantonale et donne aux cantons la plus grande marge de manoeuvre possible pour prendre des mesures de promotion de leur place économique.

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Les recettes des cantons seront prises en compte à titre de recettes fiscales supplémentaires dans le cadre de la péréquation financière nationale (RPT). Les règles de la RPT ne seront pas modifiées (cf. ch. 5.2.3).

Part de la Confédération Une part correspondant à 25 % des recettes provenant de l'impôt complémentaire sera versée à la Confédération. Elle sera utilisée en priorité pour couvrir les dépenses supplémentaires liées à la RPT (cf. ch. 5.2.3), le solde devant si possible être affecté à la promotion de l'attrait de la place économique. La présente modification de la Cst. ne donnera donc pas lieu à de nouvelles compétences en matière de dépenses.

Procédure La procédure devra être réglée dans le cadre de l'ordonnance provisoire du Conseil fédéral. Actuellement, il n'est pas encore possible d'évaluer définitivement la forme que prendra la procédure. Certaines questions se posent, notamment dans le cas de groupes d'entreprises disposant d'entités constitutives dans plusieurs cantons. Dans le cadre de la consultation, de nombreux cantons ont suggéré l'examen approfondi d'un modèle avec un «premier canton» pouvant soit assumer un rôle de coordination, soit se voir donner la compétence de percevoir l'ensemble de l'impôt complémentaire suisse et de verser la part correspondante aux autres cantons concernés. Suivant le rôle attribué à un éventuel «premier canton», il pourrait se révéler adéquat de l'indemniser pour ses frais administratifs.

L'analyse technique de ce point doit encore être approfondie. La procédure doit être conçue de manière à offrir au dispositif suisse les meilleures garanties en ce qui concerne la compatibilité et la reconnaissance internationales. Parallèlement, la charge administrative doit être maintenue à un niveau aussi faible que possible pour les groupes d'entreprises concernés et les autorités fiscales.

4.2

Mesures de promotion de la place économique

Champs d'action fiscaux L'impôt minimal réduit l'importance que revêtent les impôts sur le bénéfice et sur le capital dans la concurrence fiscale internationale. D'autres impôts, qui ne sont pas déterminants pour le calcul de l'impôt minimal, pèseront en revanche plus lourd dans la balance. Or, sur ce point, la Suisse fait moins bien que la concurrence dans certains domaines. À cet égard, les projets suivants, menés au niveau fédéral, méritent d'être signalés: ­

11

suppression du droit de timbre d'émission: En 2021, le Parlement a décidé de la suppression du droit de timbre d'émission. En février 2022, le projet a été rejeté par le peuple11.

Documentation disponible sous: www.dff.admin.ch > Le DFF > Votations > Suppression du droit de timbre d'émission.

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­

réforme de l'impôt anticipé: Le Parlement a adopté fin 2021 une réforme de l'impôt anticipé. Toutes les entreprises, y compris les grands groupes d'entreprises, pourront bénéficier d'un cadre compétitif afin d'émettre des obligations depuis la Suisse. L'exonération de l'impôt anticipé accordée pour les revenus d'intérêts n'aura que peu d'incidence sur le dépassement ou non de l'imposition minimale fixée par l'OCDE et le G20 (cf. ch. 5). L'impulsion positive à l'économie suisse liée à la réforme de l'impôt anticipé ne sera donc pas freinée. Le référendum a cependant été demandé contre la réforme. La votation populaire aura lieu le 25 septembre 202212.

­

introduction d'une taxe sur le tonnage: La taxe sur le tonnage est largement acceptée au niveau international et très répandue, notamment dans l'UE. Elle constitue un moyen ciblé de rivaliser à armes égales avec la concurrence internationale pour attirer les entreprises de navigation maritime qui, par nature, sont extrêmement mobiles. Comme les revenus correspondants sont exclus de l'imposition minimale instaurée par l'OCDE et le G20, une telle mesure peut dans tous les cas être mise en oeuvre avec des effets positifs sur la place économique suisse. Le message du Conseil fédéral a été adopté le 4 mai 202213.

Champs d'action économiques généraux Le Conseil fédéral a adopté le 16 février 2022 la vue d'ensemble «Renforcement de la place économique suisse»14. Il y présente au total douze projets qui seront prioritaires en 2022 pour renforcer la place économique suisse. Parmi eux se trouvent par exemple les messages relatifs à la loi sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises, à la loi sur les finances de la Confédération (réduction de l'endettement liée au coronavirus) et à la révision partielle de la loi sur les cartels, ou encore le projet de révision de la loi du 23 décembre 2011 sur le CO2.

Plusieurs projets portent également sur la transformation numérique. Le Conseil fédéral entend ainsi mettre en consultation, en 2022, les projets de loi relatifs à une identité électronique reconnue par l'État (e-ID) et à la simplification de la vente par correspondance des médicaments non soumis à ordonnance. Dans ce contexte, il accorde également une grande importance au programme de transformation DaziT, qui vise la dématérialisation et la simplification des processus douaniers. La vue d'ensemble précitée présente encore d'autres questions sur lesquelles l'administration fédérale doit se pencher pour aider la place économique suisse à relever les défis actuels, tels que l'évolution démographique, la forme que prendront à l'avenir les relations avec l'UE ou encore la mise en oeuvre d'une politique climatique efficiente sur le plan financier.

Dans le cadre de la consultation, les cantons ont jugé que des mesures axées sur le marché du travail et sur la pénurie de main-d'oeuvre qui se dessine à moyen terme étaient elles aussi importantes pour préserver l'attrait de la place économique. Outre

12 13 14

Dossier disponible sur Curia Vista, sous: 21.024.

FF 2022 1252; dossier disponible sur Curia Vista sous: 22.035.

Disponible sous: www.news.admin.ch > Documentation > Communiqués > Communiqués du Conseil fédéral > 16 février 2022.

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le maintien des accords bilatéraux avec l'UE, ils souhaitent des adaptations supplémentaires des contingents réservés aux ressortissants d'États tiers et le renforcement de la Suisse en tant que lieu de formation et d'études dans l'optique d'accroître le potentiel de main-d'oeuvre qualifiée. Le Conseil fédéral cherche à renforcer le potentiel de main-d'oeuvre qualifiée dans le cadre de la politique universitaire et de la politique en matière de personnel qualifié visant à promouvoir et à exploiter au maximum le potentiel national de main-d'oeuvre qualifiée. Dans différents domaines, le Conseil fédéral encourage les mesures des cantons et des communes visant à améliorer la formation continue et le niveau de qualification15 ainsi que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle16, et à créer de bonnes conditions pour l'emploi jusqu'à l'âge de la retraite et au-delà17. Il ouvre en outre à la main-d'oeuvre étrangère qualifiée l'accès aux domaines où les besoins en main-d'oeuvre qualifiée sont accrus18.

En ce qui concerne la recherche suisse, les cantons soulignent également l'importance d'une association pleine et entière de la Suisse au programme de recherche européen Horizon Europe. Le Conseil fédéral continue de s'engager en faveur d'une telle association à part entière. À titre de mesure transitoire, il a décidé, le 4 mars 2022, d'encourager désormais directement, au moyen d'une offre spécifique, les activités de recherche et de développement (activités R&D) des start-up innovantes par l'intermédiaire de contributions d'Innosuisse. En outre, il a adopté d'autres mesures d'envergure visant à favoriser la transition: par exemple, des chercheurs suisses impliqués dans des projets européens seront directement financés par la Confédération. De plus, des solutions transitoires seront proposées pour les appels à projets qui ne sont pas accessibles19. Les cantons estiment par ailleurs qu'il faut également agir pour alléger la charge administrative des entreprises20. Toutes les entreprises devraient a priori tirer profit des mesures proposées, qui visent à améliorer le cadre économique en général.

15

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18

19

20

La Confédération renforce notamment l'offre de conseil et de formation continue pour les adultes afin qu'ils puissent en permanence se développer professionnellement.

Cf. www.seco.admin.ch > Travail > Politique en matière de personnel qualifié > Formation continue et rehaussement du niveau de qualification.

Le Conseil fédéral encourage le développement de l'accueil extra-familial pour enfants, les subventions des cantons et des communes pour les places d'accueil ainsi que les projets visant à mieux adapter l'offre d'accueil extra-familial aux besoins des parents.

Cf. www.bsv.admin.ch > Aides financières > Accueil extra-familial pour enfants.

Pour les années 2020 à 2024, la Confédération a notamment mis à la disposition de l'AC des moyens supplémentaires permettant de soutenir davantage les demandeurs d'emploi âgés et les demandeurs d'emploi dont la réinsertion sur le marché du travail est difficile.

Cf. www.seco.admin.ch > Travail > Politique en matière de personnel qualifié > Activité professionnelle jusqu'à l'âge de la retraite et au-delà.

Le 4 mars 2022, dans le cadre du rapport en réponse au postulat Nantermod (19.3151), le Conseil fédéral a adopté des mesures dont le but est d'optimiser l'admission de personnes actives qualifiées issues d'États tiers. En application de la motion Dobler (17.3067), le Conseil fédéral présentera en outre un message sur la simplification de l'accès des diplômés étrangers issus de domaines où la pénurie de personnel qualifié est avérée.

Le 4 mai 2022, le Conseil fédéral a adopté des mesures supplémentaires relatives au programme «Horizon Europe» et renforcé la coopération internationale en matière de navigation spatiale.

En 2022, le Conseil fédéral présentera un message relatif à une loi sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises.

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Mesures cantonales de promotion de la place économique L'imposition minimale place tout particulièrement les cantons devant de nouveaux défis. Les cantons à faible imposition perdront en partie l'avantage dont ils bénéficiaient jusqu'à présent. Les recettes de l'impôt complémentaire pourront toutefois leur donner une certaine marge de manoeuvre financière pour contrer ces effets négatifs.

Cependant, les incertitudes concernant le montant des recettes issues de l'impôt complémentaire sont grandes (cf. ch. 6). Les cantons décideront en toute souveraineté s'ils prendront des mesures de promotion de la place économique et, le cas échéant, lesquelles.

Le Département fédéral des finances (DFF) encourage, en collaboration avec d'autres départements, les échanges techniques entre les cantons et conseille ces derniers, sur demande, dans la conception et l'évaluation de mesures de promotion de la place économique permettant d'assurer la compatibilité avec les prescriptions du pilier 2 et avec les obligations du droit international, ainsi que dans l'optique d'une mise en oeuvre qui tient également compte du droit européen en matière d'aides d'État.

Exigences en matière de mesures de promotion de la place économique: les mesures de promotion de la place économique doivent 1) être compatibles avec les prescriptions internationales, 2) être accessibles à tous et être également efficaces pour les groupes d'entreprises concernés par la réforme fiscale de l'OCDE et du G20 et 3) être judicieuses d'un point de vue macroéconomique. En principe, selon les prescriptions de l'OCDE et du G20, les mesures possibles ou admises doivent être accessibles à tous et ne pas dépendre du bénéfice. Ces deux critères limitent les possibilités d'adapter les mesures aux groupes d'entreprises concernés par le pilier 2. En outre, il convient de prendre en compte d'autres obligations internationales ainsi que la compatibilité avec le droit européen en matière d'aides d'État. Pour ce dernier, le critère de la «non-sélection», c'est-à-dire de l'accessibilité de tous, sans discrimination, à des mesures de promotion de la place économique, revêt une importance cruciale. Au vu de ces exigences élevées, il est indiqué de procéder à un contrôle au cas par cas des mesures proposées concrètement.

Développements dans les places économiques
concurrentes: le Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) a commandé étude externe21 qui, dans le cadre du projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique, donne un aperçu des derniers développements en date, c'est-à-dire des mesures prévues ou récemment prises par les pays concurrents en vue de renforcer l'attrait de leur site d'implantation pour les activités de R&D ainsi que d'autres mesures permettant de promouvoir l'attrait de la place économique. Les résultats de l'étude montrent que seuls quelques rares pays concurrents se trouvent dans une situation similaire et, par conséquent, que seuls ces pays connaissent une pression comparable pour adapter leur politique économique. Il s'agit notamment des Pays-Bas, de l'Irlande, du Royaume-Uni et de Singapour. Actuellement, il n'est pas encore clair si ces pays prendront des mesures et lesquelles. Toutefois, il est souvent fait mention de l'introduction ou de l'extension de crédits d'impôt pour les activités de R&D, qui 21

Disponible sous: www.sbfi.admin.ch > Publications et Services > Publications > Base de données des publications. L'étude est basée sur celle intitulée «Incitation fiscales à la R&D en Suisse», publiée en allemand par KPMG en 2021.

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seraient compatibles avec les normes de l'OCDE et du G20. Les discussions dans ces pays ne sont toutefois pas encore terminées, notamment en ce qui concerne la question des mesures supplémentaires d'encouragement.

Mesures fédérales en matière de promotion de la place économique Il est prévu que la Confédération investisse sa part dans des mesures nationales visant à renforcer l'attrait de la place économique suisse dans son ensemble, après déduction des dépenses supplémentaires liées à l'impôt complémentaire qui lui incombent au titre de la péréquation financière et de la compensation des charges (cf. ch. 5.2.3 et 6.1). Une participation de la Confédération aux recettes de l'impôt complémentaire réduit par ailleurs le risque d'une augmentation des disparités cantonales. Afin de tenir compte de l'incertitude liée au montant des recettes et de garantir la transparence sur l'utilisation des ressources financières, le Conseil fédéral propose d'affecter la part de la Confédération à un usage précis (cf. ch. 5.2.2). Les secteurs dans lesquels les ressources financières supplémentaires pourraient être investies pour renforcer l'attrait de la place économique sont en discussion. Le cadre juridique de l'affectation des ressources financières pourra être précisée en temps utile, ce qui permettra aussi de garantir que la Confédération ne dépense pas plus que ce dont elle dispose compte tenu du montant de la part fédérale. Cette solution permettrait en outre de présenter l'utilisation des ressources financières de manière transparente.

Les mesures prises au niveau fédéral doivent apporter une plus-value économique s'ajoutant à celle des mesures cantonales de promotion de la place économique et obéir au principe de subsidiarité. Le DFF a discuté des axes possibles avec les cantons.

État de la discussion sur les plans cantonal et fédéral Mesures cantonales de promotion de la place économique: actuellement, une multitude de propositions de mesures sont en discussion sur le plan cantonal. Les discussions et clarifications sur le plan cantonal, notamment avec les entreprises concernées, viennent toutefois seulement de commencer.

Au centre de la discussion figurent en premier lieu des mesures ayant des effets directs pour les entreprises, notamment des contributions d'encouragement compatibles avec les normes
de l'OCDE et du G20 ou des crédits d'impôt pour la R&D ainsi que l'innovation. De telles mesures visent à préserver des emplois qualifiés et générant une forte valeur ajoutée. Elles peuvent être liées à des effets économiques positifs et être conçues de manière à être compatibles avec d'autres exigences internationales. Toutefois, la discussion a également montré qu'il est bien plus difficile de prendre des mesures ciblées de promotion de la place économique pour les entreprises dont les activités sont moins fortement axées sur la recherche et le développement. C'est pourquoi les cantons discutent aussi de mesures ayant des effets indirects pour les entreprises, notamment des mesures dans le domaine de l'imposition des personnes physiques, par exemple une baisse de l'impôt sur la fortune ou de l'impôt sur le revenu.

Certes, de telles baisses d'impôt convaincraient aussi les décideurs des entreprises actives à l'échelle mondiale, mais elles pourraient entraîner d'importantes pertes de recettes fiscales pour certains cantons.

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Globalement, les cantons mettent l'accent sur les mesures qui permettent de garantir l'attrait de la place économique. Ces mesures font toutefois l'objet de procédures démocratiques qui prennent du temps et dans lesquelles il convient également de prendre en compte les intérêts des communes.

Axes matériels pour les mesures fédérales: les axes qui suivent illustrent l'état de la discussion avec les cantons et doivent encore être examinés plus en détail. Les mesures envisagées devraient alors être coordonnées avec les projets et le cadre existants dans les domaines politiques concernés.

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Un axe possible concerne la formation, la recherche et l'innovation. Une promotion renforcée, que cela soit dans les domaines de la formation professionnelle ou continue, des hautes écoles ou de la recherche et de l'innovation peut avoir des effets positifs importants sur l'attrait de la place économique et peut accroître le potentiel de personnel qualifié pour toute la Suisse.

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Un autre axe possible dans le domaine de l'innovation pourrait être l'utilisation d'une partie des ressources financières de la Confédération pour le financement de start-ups, éventuellement en lien avec une priorité accordée à la décarbonation et à la transformation numérique. La promotion de l'innovation pourrait aussi se faire en renforçant l'interface entre les entreprises et la recherche appliquée dans les universités et les hautes écoles spécialisées, en particulier dans le contexte de la non-association au programme européen Horizon.

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La promotion de projets dans le cadre de la numérisation de l'administration, qui se déroule en coordination avec les cantons et les communes, serait une bonne approche pour alléger la charge administrative des entreprises.

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Dans le cadre de la consultation, des mesures de politique sociale ont parfois aussi été proposées comme axe sur le plan fédéral afin d'accroître l'acceptation politique du projet. Les mesures mentionnées dans la discussion portent par exemple sur une hausse des réductions de primes, des contributions au financement de l'AVS ou des contributions visant à développer les possibilités de garde des enfants. Toutefois, les mesures de politique sociale contribuent peu au maintien de l'attrait de la place économique, notamment pour les entreprises concernées par la réforme fiscale de l'OCDE et du G20. Ainsi, par exemple, une réduction plus élevée des primes a pour but d'alléger la charge des ménages à faible revenu. Cependant, au vu du caractère limité et incertain des recettes provenant de l'impôt complémentaire suisse par rapport à la croissance moyenne des primes, l'effet d'allégement ne pèserait probablement pas lourd dans la balance. Une telle mesure ne contribuerait pas à renforcer l'attrait de la place économique du point de vue des entreprises. En revanche, un soutien financier accru au développement de possibilités de garde des enfants pourrait être judicieux d'un point de vue économique, étant donné qu'il pourrait avoir un effet positif sur la participation au marché du travail en permettant notamment de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle et en contribuant ainsi à l'attrait de la place économique suisse.

Définition des priorités: s'agissant de l'évaluation des mesures de promotion de la place économique et de leur ancrage sur le plan cantonal ou fédéral, il convient une 28 / 66

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nouvelle fois de mentionner les incertitudes liées au montant des recettes supplémentaires à court terme. Ces dernières seront vraisemblablement plutôt faibles par rapport au budget global des pouvoirs publics. C'est pourquoi, en tenant également compte de l'adaptations des comportements des entreprises (cf. ch. 6.6), il semble logique de prévoir des mesures de promotion économique peu nombreuses, mais d'autant plus efficaces.

4.3

Mise en oeuvre

En ce qui concerne la mise en oeuvre concrète du projet conjoint de l'OCDE et du G20, de nombreuses questions restent encore ouvertes. D'une part, selon le calendrier prévu, les travaux techniques menés au sein de l'OCDE ne devraient pas être achevés avant la fin de l'année 2022. D'autre part, il est encore trop tôt pour savoir comment d'autres États mettront en oeuvre le projet. Sur de nombreux points, les directives de l'OCDE et du G20 sont sujettes à interprétation. Seule l'application concrète des nouvelles règles montrera quelles sont les pratiques destinées à s'imposer.

Compte tenu de ce contexte, le Conseil fédéral estime qu'il convient de procéder par étapes. La transposition de l'imposition minimale dans le droit national nécessitera en premier lieu de modifier la Constitution. Cette modification doit permettre au législateur d'introduire dans la législation les deux piliers du projet conjoint de l'OCDE et du G20, en dérogeant si nécessaire à certains principes constitutionnels. Il s'agit notamment d'admettre une différence de traitement entre les grands et les petits groupes d'entreprises, telle qu'elle est prévue dans ledit projet.

La révision de la Constitution devra également comprendre des dispositions transitoires habilitant le Conseil fédéral à régler par voie d'ordonnance les modalités de l'imposition minimale. L'ordonnance en question ne sera valable que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi ordinaire. Les dispositions transitoires contiendront une série de principes contraignants que le Conseil fédéral devra respecter en édictant son ordonnance. Une grande partie de ces principes s'appuient sur les réglementations de l'OCDE et du G20, qui sont reprises. Cependant, ces principes règlent aussi la mise en oeuvre des mesures au niveau fédéral (cf. ch. 5.2.2).

Dans le cadre de la procédure législative, le législateur sera toutefois lié non par les principes mentionnés dans les dispositions transitoires (en ce qui concerne notamment la mise en oeuvre des mesures au niveau fédéral), mais exclusivement par la norme constitutionnelle de base.

Parallèlement à ce projet, le Conseil fédéral élaborera l'ordonnance provisoire sur la mise en oeuvre nationale du pilier 2. Afin que les règles types du projet conjoint de l'OCDE et du G20 puissent être reprises telles quelles, elles seront,
dans la mesure du possible, déclarées applicables par renvoi. La procédure de consultation sur le premier projet d'ordonnance devrait être ouverte en août 2022. Il est prévu que certaines dispositions, et notamment celles concernant la procédure, seront envoyées en consultation à une date ultérieure. L'ordonnance du Conseil fédéral définira la mise en oeuvre technique de l'imposition minimale de manière exhaustive, de sorte que les cantons n'auront pas à adapter leur propre droit dans le domaine correspondant.

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Le Conseil fédéral prévoit une entrée en vigueur du dispositif national au 1er janvier 2024. Avant cette date, les groupes d'entreprises suisses ne devraient pas encore être soumis à une imposition supplémentaire à l'étranger s'ils n'atteignent pas l'imposition minimale en Suisse. Selon l'OCDE et le G20, en effet, la RPII ne devrait être appliquée qu'à partir de 2024. Il ressort de la consultation que même les entreprises concernées ne souhaitent pas que le dispositif national entre en vigueur avec effet rétroactif: aussi le Conseil fédéral renonce-t-il à cette option, comme il l'a précisé dans le projet envoyé en consultation.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Norme de base

Art. 129a

Imposition particulière des grands groupes d'entreprises

La norme constitue la base pour la mise en oeuvre des deux piliers du projet conjoint de l'OCDE et du G20 dans le droit national. Parallèlement, l'art. 129a constitue la base des dispositions transitoires et de la future ordonnance correspondante du Conseil fédéral sur l'imposition minimale.

Le Conseil fédéral considère que l'imposition dans l'État du marché et l'imposition minimale sont des impôts directs. Ils peuvent prendre la forme d'un impôt fédéral ou d'un impôt cantonal. Cette décision sera laissée à l'appréciation du législateur. Dans la disposition transitoire, le Conseil fédéral propose d'en faire un impôt fédéral (cf. ch. 5.2).

L'art. 129a attribue de nouvelles compétences à la Confédération, mais ne produit pas encore d'effets juridiques directs. L'introduction de l'impôt dans l'État du marché et de l'imposition minimale nécessite une loi fédérale qui sera sujette au référendum. En raison du calendrier serré, l'imposition minimale sera toutefois introduite jusqu'à l'adoption de la loi fédérale correspondante, par l'intermédiaire de dispositions transitoires dans la Constitution fédérale et de l'ordonnance correspondante du Conseil fédéral.

Al. 1 Le champ d'application de l'al. 1 et du titre de la norme se limite aux «grands» groupes d'entreprises. Le terme «grand» indique que le champ d'application ne s'étend pas aux PME. Il laisse en même temps une certaine marge d'interprétation.

Cela est nécessaire dans le cadre du projet conjoint de l'OCDE et du G20. Ainsi, les groupes d'entreprises dont le chiffre d'affaires mondial atteint au moins 20 milliards d'euros doivent entrer dans le champ d'application de l'imposition dans l'État du marché. Pour le pilier 2, la limite du chiffre d'affaires est en principe fixée à 750 millions d'euros. Les États de résidence de sociétés mères les plus élevées de groupes d'entreprises peuvent toutefois déclarer l'imposition minimale applicable à leurs groupes d'entreprises à partir d'un seuil de chiffre d'affaires inférieur (cf. ch. 5.2.1).

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L'imposition dans l'État du marché ne requiert pas la présence physique du groupe d'entreprises dans l'État du marché pour que ce dernier puisse exercer ses droits d'imposition. L'imposition minimale nécessite quant à elle une présence physique de l'entreprise dans l'État concerné.

La Confédération peut insérer des dispositions au sens de l'art 129a Cst. dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)22, mais aussi dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)23. Mais elle peut aussi établir les règles concernées dans un acte législatif distinct, comme le prévoient les dispositions transitoires relatives à l'introduction de l'imposition minimale (cf. ch. 5.2 et 7.3).

Al. 2 En matière de législation, la Confédération doit tenir compte des normes et règles types internationales. Il s'agit en premier lieu de la convention multilatérale (pilier 1) et des règles types de l'OCDE et du G20 (pilier 2). Néanmoins, les modalités de mise en oeuvre dans d'autres États, notamment au sein de l'UE et aux États-Unis (cf. ch. 3), peuvent également être prises en compte.

Al. 3 Les prescriptions de la Confédération doivent préserver les «intérêts de l'économie nationale». Il s'agit d'une notion déjà présente dans la Cst. (art. 94, al. 2).

La sauvegarde des intérêts suisses peut exiger de déroger à des principes constitutionnels existants.

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Universalité, égalité de traitement et capacité économique (art. 127, al. 2, Cst.): une imposition différente des groupes d'entreprises et de leurs entités en fonction de l'importance de leur chiffre d'affaires et de leur rentabilité est inhérente au projet conjoint de l'OCDE et du G20.

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Charge fiscale maximale, exécution (art. 128, al. 1 et 4, 1re phrase, Cst.): l'art. 128 Cst. règle l'impôt fédéral direct (IFD). Le taux d'imposition maximal est fixé à 11,5 % pour les personnes physiques et à 8,5 % pour les personnes morales. En outre, en vertu de la Constitution, l'exécution de l'IFD incombe aux cantons.

Le législateur fédéral doit là aussi bénéficier à l'avenir d'une certaine flexibilité. Dans le cadre de l'imposition dans l'État du marché, la Suisse aurait la possibilité d'imposer certains groupes d'entreprises étrangers, même s'ils n'ont pas de présence physique sur son sol. Il semble douteux qu'une telle imposition puisse être mise en oeuvre par les cantons sans que cela ne se traduise pour eux par une charge administrative disproportionnée. Des dispositions dérogeant à l'art. 128, al. 1 ou 4, 1re phrase, Cst., pourraient donc s'avérer nécessaires. Dans l'hypothèse où l'imposition minimale prendrait la forme

22 23

RS 642.11 RS 642.14

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d'un impôt fédéral (ce que le Conseil fédéral propose dans le cadre des dispositions transitoires, cf. ch. 5.2), il faudra concrètement que l'impôt fédéral puisse dépasser les taux maximaux prévus par la Constitution; là encore, il pourra donc s'avérer nécessaire de déroger aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Étant donné que le dispositif de l'OCDE et du G20 pourrait aussi concerner des sociétés de personnes, il faudra également prévoir une dérogation au taux maximal applicable aux personnes physiques.

­

Exceptions aux règles de l'harmonisation fiscale (art. 129, al. 2, Cst.): la compétence de la Confédération en matière d'harmonisation fiscale ne s'étend pas, notamment, aux barèmes et aux taux d'imposition. Si législateur fédéral choisit de faire de l'imposition minimale un impôt cantonal, il devra avoir la possibilité d'intervenir dans la souveraineté tarifaire des cantons.

L'al. 3 ne prévoit en revanche pas de possibilité pour la Confédération de déroger à l'art. 128, al. 4, phrases 2 et 3, Cst. En conséquence, au moins 17 % du produit brut d'un impôt fondé sur l'article 129a Cst. doit revenir aux cantons, le législateur pouvant fixer une part cantonale plus importante. Pour l'impôt complémentaire, le Conseil fédéral propose, dans le cadre des dispositions transitoires, une part cantonale de 75 %.

5.2

Dispositions transitoires

Dispositions transitoires relatives à l'art. 129a (Imposition particulière des grands groupes d'entreprises) Les dispositions transitoires relatives à l'art. 129a Cst. confèrent au Conseil fédéral la compétence d'introduire, temporairement et par voie d'ordonnance, l'imposition minimale visée à l'art. 129a Cst. Les dispositions transitoires contiennent des paramètres juridiquement contraignants, que le Conseil fédéral doit respecter dans le cadre de son ordonnance. Dès que la loi fédérale correspondante entrera en vigueur, les dispositions transitoires et l'ordonnance correspondante du Conseil fédéral deviendront caduques.

Les règles types contenues dans le projet conjoint de l'OCDE et du G20 sont formulées de manière très détaillée et concrète dans de nombreux domaines (p. ex. concernant la base d'imposition). La Suisse dispose donc, sur ces points, d'une marge de manoeuvre très limitée s elle veut que sa réglementation soit compatible avec les normes internationales. Par conséquent, le Conseil fédéral s'en tiendra ici aux règles types de l'OCDE et du G20, y compris celles du commentaire et des autres réglementations connexes.

La marge de manoeuvre décisionnelle est surtout liée à l'intégration des règles dans le système fiscal fédéraliste de la Suisse. Un groupe d'entreprises concerné par le pilier 2 peut très bien disposer de plusieurs entités constitutives dans différents cantons. Il convient de régler, pour ce type de cas, les compétences des cantons impliqués.

Sur le plan linguistique, le Conseil fédéral propose de reprendre largement les termes techniques utilisés par l'UE dans son projet de directive. La mise en oeuvre pratique des règles ne pourra que s'en trouver facilitée.

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L'al. 1 habilite le Conseil fédéral à régler, par voie d'ordonnance, la question de l'imposition minimale des grands groupes d'entreprises. Ce faisant, il tiendra compte du fait que les autres États mettent ou non en oeuvre l'imposition minimale et, le cas échéant, de leur calendrier de mise en oeuvre. À cet effet, tous les instruments de l'OCDE et du G20 ­ concernant la qualified domestic minimum top-up tax (impôt complémentaire suisse), la RIR et la RPII ­ doivent être mis en oeuvre (cf. ch. 1.1.2 et 4.1.2). «Impôt complémentaire» est le terme générique utilisé ci-après pour désigner l'impôt complémentaire suisse, la RIR et la RPII. Le Conseil fédéral considère qu'il s'agit là d'un impôt direct (cf. ch. 5.1, art. 129a, al. 2).

Les dispositions transitoires sont structurées comme suit: ­

L'al. 2 fixe les principes applicables aux nouvelles règles d'imposition. Ces principes sont basés sur les règles types de l'OCDE et du G20. La question de la mise en oeuvre fédérale en Suisse ­ c'est-à-dire quelle part des recettes de l'impôt complémentaire revient à quelle entité et dans quel canton ­ est également réglée ici.

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L'al. 3 contient une norme de délégation. Celle-ci charge le Conseil fédéral d'édicter une ordonnance contenant les dispositions complémentaires nécessaires. Ces prescriptions se réfèrent d'une part aux principes contenus dans l'al. 2 et d'autre part à des domaines de réglementation qui ne sont pas abordés dans l'al. 2, mais qui nécessitent une délégation expresse de compétence.

­

L'al. 4 permet au Conseil fédéral de déroger aux principes énoncés à l'al. 2 lors de la mise en oeuvre de l'imposition minimale, si cela s'avère nécessaire, notamment en raison des règles types. Le Conseil fédéral pourra si nécessaire transférer cette compétence au DFF.

­

L'al. 5 dispose que les cantons exécutent les dispositions régissant l'imposition minimale. Dans ce cadre, le Conseil fédéral peut prévoir une indemnisation afin de couvrir les charges administratives qui y sont liées. Dans le même temps, l'alinéa prévoit une fonction de surveillance pour l'AFC.

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L'al. 6 règle la répartition du produit brut de l'impôt complémentaire entre la Confédération, les cantons et les communes.

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L'al. 7 traite de la question de la part cantonale dans le cadre de la péréquation financière et de la compensation des charges à l'échelle nationale.

­

L'al. 8 prévoit une affectation de la part fédérale au produit brut de l'impôt complémentaire.

5.2.1

Principe technique de base de l'OCDE et du G20

Al. 2, let. a à h, en rel. avec les al. 3 et 4 Les dispositions mentionnées reprennent le principe technique de base reposant sur le pilier 2, qui doit être transposé tel quel dans le droit national. L'OCDE et le G20 définissent de nombreux termes dans leurs règles types (ch. 10). La Suisse doit elle aussi se tenir à ces définitions pour que sa propre réglementation soit compatible avec le droit international.

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À des fins de transparence, les principales dispositions complémentaires (al. 3) et les principales dérogations possibles en vertu des règles types (al. 4) sont toujours indiquées à l'endroit adéquat. Une liste plus détaillée figure à la fin du ch. 5.2.1.

Le mécanisme de base prévu par l'OCDE et le G20 pour calculer l'impôt complémentaire peut être divisé en quatre étapes:

Lorsqu'il est fait mention d'un «État» dans le commentaire, ce terme englobe aussi les juridictions fiscales qui ne correspondent pas au territoire de cet État.

La détermination des paramètres déterminants repose sur l'une des normes comptables reconnues par les règles types (cf. art. 10.1 des règles types, concernant la notion d'acceptable financial accounting standard). En principe, toutes les entités constitutives d'un groupe d'entreprises doivent appliquer la même norme comptable. Ces normes comptables reconnues comprennent notamment les normes internationales d'information financière (IFRS) ainsi que les normes Swiss GAAP RPC. Elles excluent toutefois la présentation des comptes selon le droit des obligations (CO)24, laquelle est soumise au principe de prudence (principe d'imparité et principe de la valeur la plus basse). Dans ce cadre, les pertes prévues sont d'emblée prises en compte alors que les bénéfices le sont uniquement s'ils ont été effectivement réalisés. Les normes comptables reconnues visent en revanche à traduire les rapports économiques effectifs d'un groupe d'entreprises (idée exacte et fidèle; true and fair view). Dès qu'il y a une augmentation de la valeur, les bénéfices sont déjà comptabilisés avant leur réalisation effective, alors que les pertes ne sont indiquées que lorsqu'elles ont une forte probabilité de se produire.

Étape 1: vérifier si le grand groupe d'entreprises entre dans le champ d'application (let. a) Le champ d'application de l'imposition minimale comprend les groupes d'entreprises qui atteignent un chiffre d'affaires annuel consolidé de 750 millions d'euros (let. a).

Le seuil du chiffre d'affaires doit être atteint pour au moins deux des quatre exercices précédents. Si les exercices comptables durent moins ou plus qu'une année, la prise en compte est proportionnelle. Les règles correspondantes se trouvent notamment dans le ch. 1 des règles types.

Selon l'OCDE et le G20, l'État dans lequel est située la société mère la plus élevée d'un groupe peut prévoir un seuil de chiffre d'affaires plus bas pour l'application de 24

RS 220

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la RIR. Cela peut aussi valoir pour les groupes d'entreprises étrangers qui disposent d'entités constitutives en Suisse. Le Conseil fédéral peut tenir compte de ces seuils de chiffre d'affaires plus bas dans le cadre de son ordonnance, et soumettre les entités du groupe concernées à l'impôt complémentaire suisse également (al. 4).

La notion de groupe d'entreprises doit être comprise au sens des règles types (art. 1.2 des règles types). Un groupe d'entreprises comprend plusieurs entités constitutives, lesquelles sont souvent des personnes morales autonomes, mais qui peuvent aussi être des établissements stables d'entités constitutives étrangères. En conséquence, une société ne disposant que d'un seul établissement stable à l'étranger est elle aussi considérée comme un groupe d'entreprises. Peuvent cependant aussi être considérées comme entités constitutives d'un groupe des sociétés de personnes ou un trust (art. 1.3 et art. 10.1 des règles types, concernant la notion d'entity).

Les établissements stables ou les immeubles de sociétés suisses n'entrent donc pas dans la définition de l'entité constitutive au sens des règles types. Aux fins de l'imposition minimale, leurs résultats sont inclus dans ceux de l'entité constitutive dont ils relèvent.

Étape 2: vérifier si l'imposition minimale n'a pas été atteinte pour le groupe d'entreprises (let. b) Les groupes d'entreprises qui entrent dans le champ d'application selon l'étape 1 sont soumis à l'impôt complémentaire si le total des impôts déterminants des entités constitutives situées en Suisse ou dans un autre État est inférieur au taux minimal de 15 % des bénéfices déterminants. Pour ce faire, les groupes d'entreprises doivent déterminer leur taux d'imposition effectif dans chaque État où ils disposent d'entités constitutives (let. e).

Selon les règles types (ch. 5 des règles types), le taux d'imposition effectif est calculé à l'aide de la formule suivante (let. e):

Les bénéfices déterminants sont réglés à la let. d, et détaillés au ch. 3 des règles types de l'OCDE et du G20.

Le bénéfice déterminant d'une entité constitutive correspond au bénéfice ou à la perte déterminé dans le compte de résultat en vue du compte annuel consolidé du groupe, et établi selon une norme comptable reconnue, avant l'élimination des transactions entre les entités constitutives. Les transactions internes au groupe sont ainsi traitées de la même manière que les transactions externes. La nécessité d'établir des comptes selon une norme comptable reconnue implique un changement pour les groupes d'entreprises qui n'établissent pas de tels comptes aujourd'hui. Les règles types prévoient une correction du bénéfice net ou de la perte nette ainsi calculés, en particulier concernant les éléments suivants (art. 3.2 s. des règles types): ­

charge fiscale: la charge fiscale n'est pas prise en compte;

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­

participations (art. 10.1 des règles types, concernant la notion d'excluded dividends): ne font pas partie du bénéfice déterminant les rendements provenant de participations qualifiées (soit, en règle générale, celles avec un taux de participation de 10 % au moins ou une durée de détention d'une année au moins).

Les bénéfices et les pertes provenant de participations qualifiées (c.-à-d., en règle générale, celles avec un taux de participation de 10 % au moins) ne font pas non plus partie du bénéfice déterminant. S'ajoutent à cela les corrections de valeur et réévaluations sur participations;

­

certains bénéfices et pertes réalisés sur une réévaluation;

­

certains bénéfices et pertes réalisés sur le transfert de valeurs patrimoniales et d'engagements en lien avec des restructurations;

­

les bénéfices et les pertes asymétriques en monnaies étrangères, les dépenses non reconnues ainsi que les charges de pension accumulées;

­

les bénéfices et pertes des activités de transport maritime international.

Les bénéfices par entité constitutive du groupe calculés en tenant compte de ces corrections sont comptabilisés par État.

Ces corrections peuvent conduire à des différences entre le montant du bénéfice déterminant calculé selon le modèle de l'OCDE et du G20 et celui calculé selon le droit fiscal suisse. Une différence réside par exemple dans la déductibilité des impôts prévue par le droit suisse en matière d'impôt sur le bénéfice. Des différences existent également concernant les participations et les rendements de participation. Ainsi, selon le droit fiscal suisse, une valeur vénale minimale peut être utilisée au lieu d'un taux. L'évaluation des participations peut aussi aboutir à des résultats différents. Par exemple, le régime suisse admet des corrections de valeur et réévaluations sur participations ayant une incidence sur le compte de résultat, ce qui est exclu par les règles types.

Les règles types précisent en détail les principes susmentionnés et prévoient également d'autres réglementations et droits d'options.

Les art. 3.4 et 3.5 des règles types portent sur la répartition des gains et pertes entre les différentes entités constitutives du groupe.

La let. c définit ce qui fait partie des impôts déterminants. Les règles types traitent ce point au ch. 4. Selon elles, cette notion englobe: ­

les impôts sur le bénéfice ainsi que les impôts perçus en lieu et place d'un impôt sur le bénéfice généralement applicable. En font partie en Suisse notamment les impôts sur le bénéfice, l'impôt sur les gains immobiliers et, en partie, l'impôt anticipé en tant qu'impôt à la source.

Principes à respecter en matière d'imputation des impôts à la source: les impôts à la source sont en principe imputés à chaque entité constitutive du groupe qui réalise les revenus concernés. Si, par exemple, une entité étrangère verse à une entité suisse des redevances de licence, l'impôt à la source perçu sur ce versement est imputé à l'entité suisse du groupe. En termes de montant, l'imputation se limite à l'impôt à la source non récupérable (= impôt résiduel) ou à l'impôt non imputable. Il en va de même si l'entité étrangère distribue

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des rendements de participation. En revanche, pour les revenus provenant de participations déterminantes (généralement dès 10 %), l'impôt résiduel est imputé à l'entité constitutive du groupe qui verse le rendement de participation.

­

les impôts sur les bénéfices distribués, sur les distributions de bénéfices fictives ainsi que les impôts sur certaines dépenses étrangères à l'exploitation; cela est pertinent en présence de systèmes particuliers d'imposition des distributions inconnus en Suisse. Les systèmes d'imposition des distributions acceptés par l'OCDE et le G20 sont répertoriés à l'art. 10.1 des règles types (eligible distribution tax system). L'art. 7.3 précise le mode de fonctionnement des règles pour ce type de systèmes d'imposition.

­

les impôts sur les bénéfices retenus, sur les réserves ainsi que sur le capital.

Pour la Suisse, l'impôt cantonal sur le capital est ainsi concerné.

En fin de compte, les impôts déterminants correspondent donc principalement aux impôts sur le bénéfice et le capital. Sont toutefois aussi importants à prendre en compte les impôts à la source ­ donc, pour la Suisse, également l'impôt anticipé.

Les impôts complémentaires ne font en revanche pas partie des impôts déterminants.

Les impôts déterminants mentionnés ci-dessus doivent en principe être comptabilisés dans le compte de résultat de l'entité constitutive du groupe concernée. Le ch. 4 des règles types comprend à cet égard une série de prescriptions détaillées.

Étape 3: calculer le pourcentage de l'impôt complémentaire (let. h) Si les étapes 1 et 2 ont montré qu'un impôt complémentaire est dû, l'étape 3 permet de calculer le pourcentage de l'impôt complémentaire applicable au groupe concerné dans chaque État (art. 5.2 des règles types):

Étape 4: calculer le montant de l'impôt complémentaire (let. f et g) Le montant de l'impôt complémentaire est déterminé sur la base de la somme des bénéfices excédentaires par État:

Le bénéfice excédentaire (let. g) est, quant à lui, calculé sur la base du bénéfice déterminant: la différence entre les deux indicateurs réside dans la déduction des actifs

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corporels et des charges salariales (déduction fondée sur des critères de substance), qui débouche sur le bénéfice excédentaire.

Cette déduction fondée sur des critères de substance est traitée en détail à l'art. 5.3 des règles types, qui stipulent que 5 % des charges salariales dans un État et 5 % des actifs corporels peuvent être déduits des bénéfices déterminants. En vertu d'une réglementation transitoire (art. 9.2 des règles types), le montant de la déduction sera progressivement ramené, durant les premières années suivant l'entrée en vigueur du système, de 10 % (charges salariales) et de 8 % (actifs corporels) à 5 %.

Réglementation complémentaire et dérogations dans le domaine de compétence du Conseil fédéral (al. 3 et 4) ­

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Concernant l'étape 1 (vérifier si le grand groupe d'entreprises entre dans le champ d'application): ­ Le ch. 6 des règles types contient des prescriptions précises sur les restructurations, qui sont en partie déterminantes pour le champ d'application ou le bénéfice déterminant (étape 2), à savoir: ­ restructuration au cours des exercices précédents ou au cours de l'exercice contrôlé (art. 6.1 des règles types); ­ entrée ou sortie d'une entité du groupe durant l'exercice (art. 6.2 des règles types); ­ transfert de valeurs patrimoniales et d'engagements (art. 6.3 des règles types).

­ En outre, l'art. 6.5 des règles types s'applique aux groupes d'entreprises comprenant plusieurs sociétés mères pour lesquelles le seuil de chiffre d'affaires est calculé globalement.

­ Sont exclues du champ d'application de l'imposition minimale certaines institutions gouvernementales, les organisations internationales et les organisations sans but lucratif. Il en va de même pour certaines institutions de prévoyance professionnelle (fonds de pension) ainsi que des fonds d'investissement et des fonds d'investissements immobiliers dans la mesure où ils incarnent la société mère la plus élevée du groupe. Ces entités sont toutefois prises en compte pour établir si le seuil de chiffre d'affaires est atteint. Les entités exclues ne sont pas prises en compte même lorsqu'elles font partie d'un groupe soumis à l'imposition minimale. À certaines conditions sont aussi exclues du champ d'application les entités d'un groupe dont les parts de valeur sont détenues à 85 % ou 95 % par des entités du groupe exclues du champ d'application (cf. art. 1.5.2 des règles types). En outre, l'art. 1.5.3 des règles types prévoit le droit pour un groupe d'entreprises de décider, malgré tout, de soumettre à l'imposition minimale des entités en principe exclues du champ d'application.

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Concernant l'étape 2 (vérifier si l'imposition minimale n'a pas été atteinte pour le groupe d'entreprises): ­ Les impôts déterminants doivent en principe être attribués à l'entité du groupe dans laquelle ils sont comptabilisés. En conséquence, ils sont pris en compte dans l'État du siège correspondant pour calculer le taux d'imposition effectif. Toutefois, les règles types de l'OCDE et du G20 prévoient aussi à cet égard diverses prescriptions spéciales et détaillées (p. ex. pour des entités fiscalement transparentes d'un groupe telles que certains fonds ou trusts, des impôts perçus selon les règles SEC et des impôts sur les rendements de participation; cf. notamment art. 4.3 des règles types).

­ Le ch. 4 des règles types contient aussi des prescriptions pour le traitement des différences dites temporaires. Celles-ci surviennent lorsque des postes de revenus et de dépenses sont saisis dans des années différentes pour la présentation des comptes et l'imposition. Selon les règles types, les règles à cet égard s'appuient en principe sur la méthode dite de l'impôt différé (deferred tax accounting). La comptabilité par exercice dans les comptes annuels sert alors de base. Le fait qu'un poste donné en lien avec les impôts puisse figurer dans une autre période est pris en compte par le fait que les impôts effectifs pour cette période sont corrigés à hauteur des impôts dus plus tard (impôt différé). Par analogie, il en va de même pour le cas inverse (c.-à-d. en cas d'avoir fiscal différé). Cette norme a pour but d'éviter qu'un impôt complémentaire soit dû uniquement en raison d'une différence temporaire. Néanmoins, certaines adaptations sont apportées aux comptes existants pour des impôts différés.

Ainsi, l'imputation des engagements fiscaux différés est par exemple limitée aux impôts déterminants et la charge fiscale différée doit au besoin être recalculée eu égard à l'imposition minimale. En outre, une compensation de certains impôts différés comptabilisés est elle aussi prévue dans la mesure où ceux-ci ne sont pas payés au cours des cinq années fiscales suivantes.

­

Concernant l'étape 3 (calculer le pourcentage de l'impôt complémentaire): ­ Dans certains cas particuliers, le taux d'imposition n'est pas calculé par État, mais par sous-groupe dans un État ou par entité constitutive du groupe. Le taux d'imposition est calculé par entité en particulier pour les entités de groupe qui ne sont pas rattachées à un État ainsi que pour certaines entités de groupe dans lesquelles la société mère la plus élevée détient directement ou indirectement une participation de 30 % au maximum (art. 5.1.1 et art. 5.6.2 des règles types). En outre, dans certaines configurations, le taux d'imposition est calculé séparément par État pour certains sous-groupes ou certaines entités constitutives ou autres entités (cf. notamment art. 5.1.3 et art. 7.4 des règles types concernant les sociétés d'investissement, art. 5.6.1 concernant les entités dans lesquelles la société mère la plus élevée détient directement ou indirectement une par-

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ticipation de 30 % au maximum, art. 6.4.1 (a) concernant certaines entités dont la définition correspond à la notion de coentreprise au sens des règles types).

­

5.2.2

Concernant l'étape 4 (calculer le montant de l'impôt complémentaire): ­ Concernant les charges salariales, ce sont en principe les coûts effectifs pour les collaborateurs du groupe d'entreprises travaillant dans un État qui sont déterminants. Dans le cas des actifs corporels, c'est en principe la valeur comptable des actifs corporels situés dans le même État conformément à la norme comptable reconnue. Ne sont notamment pas qualifiés pour la déduction basée sur des critères de substance les charges salariales en lien avec le trafic maritime international ainsi que certains immeubles.

­ Le groupe d'entreprises dispose du droit de ne pas appliquer la déduction fondée sur des critères de substance (art. 5.3.1 des règles types). En outre, les règles types prévoient ici aussi d'autres réglementations détaillées (art. 5.3).

­ Au besoin, l'impôt complémentaire par État doit être adapté en cas de corrections dans les années précédentes (art. 5.4 des règles types).

­ L'OCDE et le G20 prévoient une règle de minimis (art. 5.5 des règles types), selon laquelle l'impôt complémentaire peut être supprimé pour un État si certaines valeurs seuils ne sont pas atteintes.

­ Enfin, l'art. 6.4 des règles types contient des prescriptions relatives à des entités qui sont considérées comme des coentreprises au sens des règles types (al. 3, let. a).

­ D'autres réglementations détaillées sont également disponibles concernant les restructurations et les structures de holding (ch. 6), les régimes fiscaux spéciaux (ch. 7), les dispositions transitoires (ch. 9; al. 3, let. d), les normes comptables reconnues (art. 10.1) ainsi que la situation des entités constitutives d'un groupe (art. 10.3).

Mise en oeuvre fédérale en Suisse

Al. 2, let. i à k, en rel. avec les al. 3 et 4 et les al. 5 et 6 Les étapes 1 à 4 ont permis de définir le montant de l'impôt complémentaire que peut percevoir la Suisse (objet de l'impôt et base d'imposition).

Ci-après est exposée la mise en oeuvre fédérale en Suisse. Ce domaine de droit interne est peu concerné par les règles types.

Les réglementations complémentaires du Conseil fédéral dans le cadre de l'ordonnance provisoire (al. 3) ainsi que les dérogations possibles de l'al. 2 (al. 4) sont présentées plus loin.

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Répartition du rendement brut de l'impôt complémentaire entre les trois échelons de l'État (al. 6) Le produit brut de l'impôt complémentaire est réparti entre les trois échelons de l'État.

Ce produit brut se compose de montants d'impôt, d'amendes et d'intérêts.

­

Confédération: 25 % du produit brut de l'impôt complémentaire revient à la Confédération.

­

Cantons: 75 % du produit brut revient aux cantons.

­

Communes: Les cantons tiennent compte des communes de manière appropriée. La disposition transitoire ne fournit pas de clé spécifique à ce sujet et respecte ainsi l'autonomie cantonale. On pourrait par exemple envisager une répartition analogue à celle des recettes de l'impôt sur le bénéfice, pour lesquelles les réglementations cantonales varient fortement.

L'al. 6 prévoit une répartition différente du produit brut de l'impôt complémentaire pour les établissements et les autres institutions de la Confédération, des cantons et des communes qui exercent des activités exonérées de l'impôt sur le bénéfice. Le produit brut de l'impôt généré par ces institutions reviendra en intégralité à l'échelon étatique dont il relève. En général, ces institutions ne devraient pas entrer dans le champ d'application de l'imposition minimale (art. 1.5.1, en rel. avec l'art. 10.1 des règles types, notion de governmental entity). Tel est le cas lorsqu'elles accomplissent des missions de service public sans exercer la moindre activité commerciale. Si l'exception prévue par le projet conjoint de l'OCDE et du G20 ne peut s'appliquer, l'institution est redevable d'un impôt complémentaire lorsqu'elle dépasse le seuil de chiffre d'affaires, qu'elle dispose d'une présence physique à l'étranger et que l'imposition minimale n'est pas atteinte.

Utilisation de la part attribuée aux cantons (al. 7) Les cantons décideront de manière autonome de l'utilisation de leur part au produit brut de l'impôt complémentaire (cf. ch. 4.2). La part doit cependant être assimilée à des recettes fiscales supplémentaires dans le cadre de la péréquation financière et de la compensation des charges.

Utilisation de la part attribuée à la Confédération (al. 8) L'al. 8 instaure une affectation de la part de la Confédération au produit brut de l'impôt complémentaire. Après déduction, dans le cadre de la péréquation financière et de la compensation des charges, des dépenses supplémentaires engendrées par la perception de l'impôt complémentaire, la Confédération utilisera sa part pour promouvoir la place économique suisse.

Les domaines qui pourraient contribuer à renforcer la promotion de la place économique suisse sont abordés au ch. 4.2. Les mesures de promotion peuvent s'appuyer sur des bases légales existantes. Toutefois, on ne peut exclure qu'il soit éventuellement nécessaire de créer d'autres bases juridiques pour renforcer l'attrait de la place économique suisse au moyen de mesures supplémentaires. Le Conseil fédéral précisera en temps utile dans son ordonnance quels seront l'utilisation des fonds et le calendrier de ces mesures. Le Parlement décidera de l'utilisation exacte de la part de la Confédération dans le cadre du processus budgétaire.

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Pour ces raisons, le Conseil fédéral a l'intention de comptabiliser ces fonds à titre de capitaux de tiers dans le cadre d'un financement spécial au sens de l'art. 53 de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances25.

Imputation aux entités constitutives et les cantons (al. 2, let. i et j, en rel. avec les l'al. 3, let. b) L'impôt complémentaire est perçu si le total des impôts des entités constitutives dus en Suisse est inférieur à l'imposition minimale (let. a à h). L'imputation aux entités constitutives situées, le cas échéant, dans différents cantons varie selon le type d'impôt complémentaire:

25

­

Principe de causalité dans le cadre de l'impôt complémentaire suisse (al. 2, let. i, en rel. avec l'al. 3, let. b): Si un groupe d'entreprises comprend plusieurs entités en Suisse, l'impôt complémentaire est imputé entre elles au prorata de leur responsabilité respective dans le fait que l'imposition minimale n'a pas été atteinte. Les entités qui atteignent le montant de l'imposition minimale ne doivent donc pas verser de part et les cantons dans lesquels elles sont domiciliées ne participent pas aux recettes de l'impôt complémentaire.

Le Conseil fédéral précisera l'application de ce principe, de même que la procédure, dans son ordonnance (cf. ch. 4.1). En ce qui concerne les établissements stables et les immeubles appartenant à des entités constitutives suisses, l'obtention des informations nécessaires engendrerait une charge de travail disproportionnée pour les groupes d'entreprises concernés. C'est pourquoi il semble adéquat d'utiliser une clé de répartition simplifiée pour l'imputation.

Il en résulte une dérogation plus ou moins importante au principe de causalité.

Il n'est donc pas exclu que des cantons disposant d'établissements stables ou d'immeubles participent au produit brut de l'impôt complémentaire, bien que les entités mentionnées atteignent l'imposition minimale.

­

L'impôt RIR tel que prévu par les règles types (al. 2, let. j, en rel. avec l'al. 3, let. b): Dans le cadre de l'impôt RIR, l'imposition s'applique à la société mère (art. 2.1.1 des règles types). Les autres entités du groupe présentes en Suisse n'ont aucun lien avec la sous-imposition à l'étranger. Selon la disposition transitoire, la part cantonale revient uniquement au canton du siège de la société mère.

­

L'impôt RPII reste en suspens (al. 2, let. j, en rel. avec l'al. 3, let. b): Selon l'OCDE et le G20, l'impôt RPII peut être prélevé sous la forme d'un impôt supplémentaire ou d'un refus de déduction. La disposition transitoire opte pour la solution de l'impôt complémentaire. En général, l'impôt RPII s'applique si la Suisse n'accueille pas de société mère ou de société intermédiaire, mais une ou plusieurs des autres entités du groupe. La clé de répartition entre ces entités sera fixée par le Conseil fédéral. Elle pourrait s'aligner sur la clé de répartition des règles types: le montant de l'impôt RPII attribué pour imposition à la Suisse serait ainsi réparti entre les entités du groupe proportionnellement aux actifs corporels et aux charges salariales.

RS 611.0

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Calcul et répartition de l'impôt complémentaire suisse: représentation schématique

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Procédure et exécution des dispositions relatives à l'impôt complémentaire (al. 3, let. b, al. 5) Le ch. 8 des règles types prévoit une procédure fondée sur une approche internationale coordonnée, avec notamment un formulaire standard pour la déclaration des groupes d'entreprises. En 2022, un cadre de mise en oeuvre (Implementation Framework) doit encore venir préciser et compléter ces règles.

La déclaration présentera la situation fiscale du groupe d'entreprises par pays, ce qui permettra d'établir si le groupe atteint l'imposition minimale dans un pays donné ou, si cela n'est pas le cas, à combien s'élève la différence.

En Suisse, l'exécution sera assurée par les cantons. Dans le cadre de l'ordonnance, le Conseil fédéral décidera d'instaurer pour l'impôt complémentaire soit une procédure de taxation mixte soit une procédure d'autotaxation. Dans le cas d'une taxation mixte (p. ex. pour l'impôt sur le bénéfice), l'entité du groupe dépose une déclaration fiscale qui sera contrôlée par les autorités fiscales. Ces dernières rendent une décision qui fixe le montant de la dette fiscale. Dans le cas de l'autotaxation (p. ex. pour la TVA), l'entité concernée détermine elle-même sa dette fiscale, et les autorités fiscales vérifient ensuite la déclaration dans le cadre de contrôles aléatoires.

Dans le cadre de l'ordonnance du Conseil fédéral, il conviendra de déterminer quelles entités constitutives sont imposées, et par quels cantons (cf. ch. 4.1.2).

Quant à la forme que prendra la procédure de taxation, la priorité sera de garantir la compatibilité de la réglementation suisse avec les réglementations internationales, ainsi que son acceptation à l'échelle mondiale. Dans ce cadre, la perception de l'impôt devra engendrer une charge administrative aussi faible que possible pour les entreprises et les autorités.

Surveillance de la Confédération (al. 5) La surveillance de l'AFC sur l'exécution par les cantons vise à garantir une application cohérente du droit. Une telle surveillance contribuera aussi à l'acceptation de la réglementation suisse à l'échelle internationale. En tant qu'autorité de surveillance, l'AFC sera habilitée à préciser l'ordonnance en définissant la pratique de manière contraignante pour les cantons, ce qui renforcera la sécurité juridique. Les modalités concrètes du système de
surveillance seront précisées dans l'ordonnance.

Dans le cadre de l'aménagement du droit de procédure (al. 3, let. b), le Conseil fédéral peut prévoir une indemnisation pour charges administratives en faveur des cantons qui exécutent les dispositions relatives à l'imposition minimale.

Traitement de l'impôt complémentaire dans le cadre d'autres impôts (al. 2, let. k, al. 3 et 4) L'impôt complémentaire ne peut pas être déduit à titre de charges pour les impôts sur le bénéfice perçus par la Confédération et les cantons. En effet, une déduction augmenterait la sous-imposition dans le cadre de l'impôt complémentaire suisse. Par ailleurs, soucieux de ne pas compromettre l'acceptation de la réglementation suisse à l'échelle internationale, le Conseil fédéral juge inopportun d'accorder une déduction au titre des impôts RIR et RPII.

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5.2.3

Péréquation financière et compensation des charges

Al. 7 Les recettes des cantons et des communes provenant de l'impôt complémentaire doivent figurer dans la péréquation financière nationale et la compensation des charges à titre de recettes fiscales supplémentaires.

Le principal instrument de gestion de la péréquation des ressources est l'indice des ressources, qui mesure la capacité financière d'un canton. L'indice des ressources d'un canton s'obtient en rapportant son potentiel de ressources par habitant à la moyenne suisse. Les bénéfices d'une entreprise étant fiscalement moins exploités que les revenus, leur pondération dans le potentiel de ressources est moins élevée. Les recettes liées au pilier 2 indiquent une exploitation fiscale plus importante des bénéfices des entreprises, ce qui augmente leur pondération dans le potentiel des ressources.

La péréquation des ressources garantit au canton le plus faible en ressources une dotation minimale en moyens financiers de 86,5 % de la moyenne suisse. Le calcul de cette dotation minimale se fonde sur le total des recettes fiscales des cantons et des communes par habitant. Les recettes supplémentaires liées au pilier 2 entraînent une augmentation des recettes fiscales et, partant, également de la dotation minimale à atteindre en francs. Une dotation plus élevée de la péréquation des ressources est donc nécessaire. Compte tenu de l'augmentation attendue des disparités entre les cantons, il faut s'attendre à ce que la dotation de la péréquation des ressources augmente encore davantage. La dotation de la péréquation des ressources est financée à hauteur de 60 % par la Confédération et de 40 % par les cantons à fort potentiel de ressources. La hausse de la contribution de la Confédération à la péréquation des ressources devrait se monter à quelques centaines de millions de francs. En vertu de la clé de répartition fixée dans la loi, la hausse des charges des cantons à port potentiel de ressources est égale aux deux tiers de la hausse des charges de la Confédération.

En raison de la dotation plus élevée, les cantons à faible potentiel de ressources recevront donc davantage de moyens financiers.

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Tableau 1 Simulation des répercussions sur la péréquation des ressources d'une hausse des recettes cantonales et communales de 1,5 milliard de francs

Bien que le montant de la hausse des recettes à court terme soit très incertain, un effort a été fait pour en quantifier les répercussions sur la péréquation des ressources. Le calcul part de l'hypothèse que les recettes provenant de l'impôt complémentaire des cantons et des communes s'élèveront à 1,5 milliard de francs par an. Étant donné que les recettes de la Confédération (provenant de la participation de 25 % de la Confédération au produit brut de l'impôt complémentaire, déduction faite des dépenses accrues pour la péréquation financière et la compensation des charges) ne jouent aucun rôle dans la péréquation des ressources, elles n'ont pas été prises en compte. La péréquation des ressources est calculée à partir de la moyenne obtenue pour trois années fiscales de calcul, datant de 4 à 6 ans. Le tableau 1 montre les répercussions des recettes de l'impôt complémentaire si ces recettes avaient été perçues lors de ces trois années de calcul. En réalité, les répercussions s'étaleront sur trois années. Dans la mesure où les chiffres actuels de la péréquation des ressources n'incluent pas encore les effets de la RFFA, nous avons utilisé, pour notre hypothèse de départ, une projection de chiffres reflétant les effets de la RFFA. Par conséquent, les chiffres qui sont 46 / 66

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présentés ici concernant les répercussions de l'impôt complémentaire montrent les effets de ce seul impôt et ne reflètent pas les effets de l'introduction de la RFFA. Autre postulat important pour cette simulation: les bénéfices des personnes morales ont été répartis en bénéfices soumis à l'imposition ordinaire et en bénéfices éligibles à la patent box. Or, comme aucune donnée fiscale réelle n'est encore disponible à ce sujet, la même répartition a été utilisée que dans le message concernant la RFFA. La simulation est purement statique: les effets dynamiques liés à d'éventuelles adaptations de comportement (ch. 6.6) ne sont pas pris en compte.

Les résultats de la simulation montrent que la plus forte pondération des bénéfices (facteur zêta-1) augmente l'indice des ressources des cantons dont la part des bénéfices rapportée au potentiel de ressources est supérieure à la moyenne. C'est le cas notamment dans les cantons de Zoug, de Schaffhouse, de Vaud, de Bâle-Ville et de Genève, qui sont donc mis à contribution. Selon la simulation, la contribution de la Confédération à la péréquation des ressources augmente de 165 millions de francs, ce qui représente un tiers de sa participation de 500 millions de francs. En outre, le tableau 1 essaye de comparer l'ampleur des changements des paiements liés à l'introduction de l'impôt complémentaire aux fluctuations historiques des paiements compensatoires. L'écart-type des paiements compensatoires de la période allant de 2008 à 2022 peut être considéré comme une fluctuation annuelle moyenne, avec laquelle l'incidence de la réforme peut être comparée. Il ressort de cette comparaison que, dans aucun des cantons subissant des répercussions négatives, l'effet de la réforme fiscale n'est plus important que la fluctuation annuelle de leur paiement compensatoire.

Que les recettes de l'impôt complémentaire soient plus ou moins élevées, la simulation réagit de façon à peu près linéaire. Ainsi dans l'hypothèse où les recettes cantonales et communales ne seraient que de 750 millions de francs, les répercussions sur la péréquation des ressources diminueraient environ de moitié.

Les résultats montrent qu'il faut s'attendre à des transferts dans les versements liés à la péréquation des ressources. Toutefois, il semble peu probable qu'il en résulte des distorsions. À l'heure
actuelle, il n'apparaît donc pas nécessaire de modifier le système de la péréquation des ressources. En outre, il convient de noter que, comme mentionné précédemment, ces conséquences se manifesteront avec un décalage de 4 à 6 ans. Cela concerne plus précisément les répercussions de la dotation nominale la plus élevée. Pour ce qui est de l'augmentation des disparités découlant de la pondération plus importante des bénéfices d'entreprises dans le potentiel de ressources, le décalage des effets dans le temps est encore plus important.

Lors de la consultation, le canton de Zurich, notamment, a proposé que les recettes de l'impôt complémentaire soient expressément prises en compte dans le potentiel de ressources, ce qui nécessiterait d'adapter la loi. Cela signifierait que les recettes des différents cantons alimenteraient directement leur potentiel de ressources. Les cantons qui affichent de faibles taux d'imposition cantonaux auraient tendance à engranger davantage de recettes grâce à l'impôt complémentaire, et vice versa. Si l'impôt complémentaire était directement intégré dans le potentiel de ressources, la politique fiscale d'un canton aurait une incidence directe sur son potentiel de ressources. Ainsi, un canton à faible imposition pourrait décider d'augmenter le taux de son impôt sur le bénéfice, ce qui aurait pour effet de diminuer ses recettes provenant de l'impôt complémentaire. En cas de prise en compte directe de l'impôt complémentaire dans 47 / 66

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le potentiel de ressources, le potentiel de ressources de ce canton diminuerait également, alors que sa capacité financière ne se serait pas réduite. Cette situation ne serait pas compatible avec la conception actuelle de la péréquation des ressources, selon laquelle la politique fiscale d'un canton ne doit pas influencer son potentiel de ressources. Ce serait une régression, un retour à l'ancien système de péréquation financière, qui a été aboli en 2008. La proposition de prendre en compte dans le potentiel de ressources le coût des mesures prises par les cantons pour promouvoir leur place économique, en appliquant une sorte de rabais, est elle aussi incompatible. Par ces mesures, les cantons pourraient en effet influencer leur potentiel de ressources. Le canton de Zurich reconnaît que ces mesures iraient à l'encontre du système de péréquation des ressources RPT.

6

Conséquences

Les explications ci-après concernant les conséquences financières et économiques se limitent principalement au pilier 2 et à sa transposition dans le droit national. En raison des nombreuses incertitudes et du faible nombre de données disponibles, les estimations à cet égard ne peuvent être qu'approximatives. Avant adaptation des comportements, l'impôt complémentaire suisse pourrait générer des recettes s'élevant à environ 1 à 2,5 milliards de francs pour l'ensemble des échelons de l'État. Les recettes provenant de l'impôt RIR dépendent du nombre d'États qui choisissent aussi d'appliquer un impôt complémentaire sur leur territoire, ce qui devrait être le cas pour la grande majorité d'entre eux. Les recettes potentielles provenant de l'impôt RPII ne peuvent pas être chiffrées, mais elles devraient tendre vers zéro. Il est néanmoins possible que l'impôt RIR et l'impôt RPII génèrent, dans certains cas isolés, des recettes considérables.

La place économique suisse devrait perdre de son attrait, puisqu'en fin de compte, la charge fiscale devrait augmenter par rapport à l'étranger. Cette perte d'attractivité fiscale modifiera le comportement des entreprises, ce qui aura des conséquences négatives sur presque tous les types d'impôt. L'adaptation des comportements peut entraîner aussi bien une hausse qu'une baisse de recettes par rapport à la situation actuelle.

Une hausse est cependant bien plus probable, notamment si la Confédération et les cantons parviennent à mettre en oeuvre des mesures ciblées pour renforcer la place économique suisse.

Les estimations suivantes concernant les conséquences financières avant adaptation des comportements ont été vérifiées en amont de la consultation par un expert, le professeur Kurt Schmidheiny26. Ses remarques ont été prises en compte dans les estimations présentées. L'expert souligne le faible nombre de données disponibles.

26

Mandat de vérification des estimations de l'AFC concernant la réforme de l'OCDE et du G20 sur l'imposition des entreprises et complément du 13 février 2022du professeur Kurt Schmidheiny, disponibles (en allemand uniquement) sous: www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports et documents de travail.

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6.1

Aperçu des conséquences financières de l'imposition minimale pour la Confédération (avant adaptation des comportements)

Toutes les estimations présentées aux ch. 6.1 à 6.5 ne tiennent pas compte de l'adaptation des comportements des sujets économiques. Ces mesures d'adaptation des comportements sont exposés au ch. 6.5.

La mise en oeuvre du pilier 2 génère des recettes grâce à l'impôt complémentaire. La Confédération perçoit 25 % du produit brut de cet impôt. Avant l'adaptation des comportements, le potentiel de recettes issues de l'impôt complémentaire suisse devrait être compris dans une fourchette allant de 250 à 650 millions de francs. Le potentiel théorique des recettes liées à l'impôt RIR, estimé à environ 750 millions de francs, ne peut être réalisé que si les pays étrangers n'appliquent pas l'imposition minimale sur leur territoire. Les recettes provenant de l'impôt RPII ne sont pas quantifiables, mais devraient tendre vers zéro. Les estimations sont très incertaines (cf. ch. 6.2).

La réforme aura indirectement des répercussions négatives pour la Confédération dans le cadre de la RPT. D'une part, l'accroissement des disparités entre les cantons devrait faire augmenter le niveau de dotation de la péréquation des ressources. D'autre part, la moyenne des recettes fiscales par habitant augmente, ce qui entraîne également une hausse du niveau de dotation de la péréquation des ressources nécessaire pour la dotation minimale en moyens financiers de 86,5 % de la moyenne suisse. La dotation de la péréquation des ressources est financée à hauteur de 60 % par la Confédération; les 40 % restants sont financés par les cantons à fort potentiel de ressources. Pour la Confédération, il faut donc compter sur une hausse de charges de l'ordre de quelques centaines de millions de francs. Toutefois, cette hausse des charges de la Confédération résultant de la RPT ne se manifestera qu'au bout de quelques années.

Du fait de sa fonction d'autorité de surveillance, l'AFC verra ses besoins en personnel et ses charges liées à l'informatique augmenter.

Les recettes de l'impôt complémentaire, déduction faite des charges supplémentaires liées à la péréquation financière, seront utilisées dans le cadre d'un financement spécial consacré à de nouvelles mesures de promotion de la place économique. C'est pourquoi la réforme n'aura finalement pas d'incidence sur le budget de la Confédération.

6.2

Conséquences financières de l'impôt complémentaire pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements)

Les cantons perçoivent 75 % du produit brut de l'impôt complémentaire. En raison des nombreuses incertitudes et du faible nombre de données disponibles, les conséquences financières pour les cantons et les communes ne peuvent être estimées que de manière approximative. À court terme, les recettes pourraient s'élever à environ 800 millions jusqu'à près de 2 milliards de francs au total pour les cantons et les communes.

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6.2.1

Hypothèses et base de données

L'estimation des effets de la réforme sur les recettes s'appuie en premier lieu sur les statistiques de l'impôt fédéral direct (IFD)27. Les groupes d'entreprises concernés ne peuvent pas être identifiés directement à partir de la statistique de l'IFD. Il convient donc d'estimer l'assiette fiscale agrégée des groupes d'entreprises concernés par la réforme. Cette estimation repose sur des hypothèses28. L'assiette fiscale agrégée a été déterminée à l'aide des statistiques de l'IFD. Seules ont été prises en compte les entreprises qui réalisent un bénéfice net de plus de 5 millions, de plus de 10 millions ou de plus 20 millions de francs («limite d'intervalle»). L'assiette fiscale a également été estimée en s'appuyant sur les données de la déclaration pays par pays (Country-byCountry-Reporting, CbCR) (procédure II). Les estimations se fondent également sur l'assiette fiscale suisse avant charge fiscale. Selon la procédure et la limite d'intervalle utilisées, on obtient, avant charge fiscale et après déduction de substance, une assiette fiscale agrégée comprise entre environ 80 et 105 milliards de francs.

Les effets sur les recettes liés à l'impôt complémentaire suisse tiennent au fait que l'écart entre l'imposition minimale et la charge fiscale effective est perçu sur l'assiette fiscale agrégée avant charge fiscale. Les différences entre l'assiette fiscale cantonale liées à l'utilisation d'une patent box et l'assiette fiscale de l'IFD sont prises en compte dans le calcul de la charge fiscale effective. Pour déterminer la charge fiscale déterminante, trois niveaux de charge fiscale différents ont été utilisés afin de calculer une moyenne. Le niveau de la charge fiscale a été notamment obtenu à partir d'informations sur les différences cantonales entre les barèmes de l'impôt sur le capital et de l'impôt sur le bénéfice ainsi que sur les recours potentiels à la patent box. Dans la spécification de base, les estimations reposent sur une charge fiscale de 13,25 % pour toute la Suisse. Des analyses de sensibilité ont été effectuées pour les charges fiscales qui s'éloignent de 0,5 % de la charge fiscale de base29.

27

28

29

À défaut, des données issues des déclarations pays par pays (Country-by-CountryReporting, CbCR, ou statistiques CbCR) peuvent également être utilisées. Une note de l'AFC sur l'estimation des effets sur les recettes du projet de réforme fiscale de l'OCDE et du G20 dresse un comparatif entre les bases de données: «Schätzung der Aufkommenseffekte des OECD/G20-Steuerreformprojekts: Ein Vergleich der Datengrundlagen», disponible (en allemand uniquement) sous: www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports et documents de travail.

Une description détaillée de la méthodologie et des hypothèses utilisées afin d'estimer l'assiette fiscale effective figure dans une note de l'AFC sur la détermination de la charge fiscale et de l'assiette fiscale effectives pour le projet de réforme fiscale de l'OCDE et du G20: «Ermittlung der effektiven Steuerbelastung und der effektiven Bemessungsgrundlage für das OECD/G20-Steuerreformprojekt: Annahmen und Vorgehen», disponible (en allemand uniquement) sous: www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports et documents de travail.

Une description détaillée de la méthodologie et des hypothèses utilisées afin de calculer les charges fiscales effectives figure dans une note de l'AFC sur la détermination de la charge fiscale et de l'assiette fiscale effectives pour le projet de réforme fiscale de l'OCDE et du G20: «Ermittlung der effektiven Steuerbelastung und der effektiven Bemessungsgrundlage für das OECD/G20-Steuerreformprojekt: Annahmen und Vorgehen», disponible (en allemand uniquement) sous: www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports et documents de travail.

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L'estimation porte toutefois uniquement sur la différence entre la charge fiscale actuelle en Suisse et la charge fiscale minimale (effet dit du taux d'imposition), et ne tient pas compte des différences entre l'assiette fiscale suisse et l'assiette fiscale de l'OCDE et du G20 (effet dit de l'assiette fiscale; cf. ch. 6.2.3).

6.2.2

Recettes provenant de l'impôt complémentaire suisse

L'estimation, qui se fonde sur des données relatives aux années 2017 et 2018, a été extrapolée à l'année 2022. L'extrapolation est basée sur la hausse de recettes de l'IFD calculée d'après les valeurs budgétées pour 2022 et les recettes de l'année 2018.

Tableau 2 Recettes estimées d'un impôt complémentaire suisse pour les cantons et les communes (en milliards de francs)30 Bénéfice net

Charge fiscale 12,75 %

13,25 %

13,75 %

> 20 millions*

1,7

1,3

0,9

> 10 millions*

1,8

1,4

1,0

> 5 millions*

1,9

1,5

1,1

Procédure II (CbCR)

1,4

1,1

0,8

* Limite d'intervalle en millions de francs.

Le tableau 2 rend compte des recettes estimées de l'impôt complémentaire pour les cantons et les communes. Le point de vue transcantonal est pris en considération puisque tous les cantons ont été pris en compte pour le calcul de la charge fiscale effective, aussi bien ceux où l'imposition est élevée que les autres. Selon le mode de définition de l'assiette fiscale ou de la limite d'intervalle utilisé et selon la charge 30

L'estimation du potentiel de recettes peut se faire au moyen d'une agrégation des charges fiscales entre les cantons et entre les formes de revenus (imposition ordinaire vs mesures spéciales) ou en utilisant une approche désagrégée. La première approche est illustrée dans le tableau 2. Les deux procédures ne conduisent pas aux mêmes résultats. En général, les résultats de la procédure agrégée et de la procédure désagrégée sont néanmoins très semblables lorsque la charge fiscale imputée est de 13 % ou moins. Néanmoins, plus la charge fiscale moyenne utilisée se rapproche de l'imposition minimale, plus l'écart entre les deux approches est grand. Cela s'explique par le fait que la procédure agrégée suppose implicitement que les entreprises sont actives dans les 26 cantons, tandis que la procédure désagrégée tient compte des entreprises qui sont toujours actives uniquement dans un seul canton. La procédure désagrégée ignore ainsi le point de vue transcantonal lors du calcul de la charge fiscale. Elle sous-estime donc généralement les recettes supplémentaires et peut ­ sur la base des hypothèses sous-jacentes à l'estimation ­ être interprétée comme une limite supérieure maximale. Dans la procédure agrégée en revanche, aucune règle générale ne peut être établie concernant une éventuelle surestimation ou sous-estimation. Pour cette raison, les résultats de l'approche agrégée sont illustrés dans le tableau 2.

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fiscale moyenne choisie, cette approche d'estimation conclut à une augmentation à court terme des recettes comprise entre 0,8 milliard et près de 2 milliards de francs.

6.2.3

Différences d'assiette fiscale

Les estimations présentées ci-dessus font abstraction des différences éventuelles pouvant résulter de la comparaison entre l'assiette fiscale avant charge fiscale et après déduction de substance qui existe dans le droit suisse, et l'assiette fiscale définie par l'OCDE et le G20 (cf. ch. 6.2.1). L'analyse technique réalisée par les experts de la Confédération, des cantons et des milieux scientifiques ne permet pas d'affirmer que, de manière générale, l'assiette fiscale de l'OCDE et du G20 est plus étroite ou plus large que l'assiette fiscale suisse. En outre, les échanges que l'AFC a pu avoir avec des représentants des milieux économiques ont montré qu'il n'est pas possible d'affiner les estimations grâce aux données des entreprises, car les représentants de ces dernières ne sont pas en mesure pour l'instant de quantifier l'effet d'assiettes de calcul différentes. Par conséquent, même une estimation qualitative de la largeur de l'assiette fiscale est actuellement impossible. C'est pourquoi, en vue d'une analyse de sensibilité, des scénarios symétriques sont présentés ci-dessous, pour lesquels les différences effectives entre les assiettes fiscales peuvent être plus ou moins grandes.

Le tableau 3 présente différents scénarios pour une charge fiscale de base de 13,25 %, si l'assiette fiscale de l'OCDE est plus large ou plus étroite de 2,5 %, 5 %, 7,5 % et 10 % par rapport à l'assiette fiscale suisse.

Tableau 3 Conséquences de différents scénarios pour une assiette fiscale de l'OCDE et du G20 plus étroite ou plus large que l'assiette fiscale suisse sur la hausse des recettes fiscales cantonales et communales provenant d'un impôt complémentaire (avant adaptation des comportements, en milliards de francs)31 Assiette de l'OCDE et du G20 plus étroite de ...

Charge fiscale OCDE/G20 20 millions* 10 millions* 5 millions* Procédure II

10 %

7,5 %

5%

2,5 %

14,73 % 0,2 0,2 0,2 0,2

14,33 % 0,5 0,5 0,5 0,4

13,95 % 0,8 0,8 0,9 0,6

13,59 % 1,0 1,1 1,2 0,9

Assiette de l'OCDE et du G20 plus large de ...

13,25 % 1,3 1,4 1,5 1,1

2,5 %

5%

7,5 %

10 %

12,93 % 1,6 1,7 1,8 1,4

12,62 % 1,9 2,0 2,1 1,6

12,33 % 2,2 2,3 2,5 1,8

12,05 % 2,5 2,6 2,8 2,1

* Limite d'intervalle en millions de francs.

31

Les différences portent sur l'assiette fiscale avant charge fiscale et après déduction de substance.

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Comme le montre le tableau, des variations même modestes de la largeur de l'assiette fiscale ont déjà de profondes répercussions sur les recettes de l'impôt complémentaire suisse. Par exemple, une assiette fiscale plus étroite (ou plus large) de 10 % entraîne une réduction d'environ 80 % (ou une augmentation de 100 %) des recettes de l'impôt. Une modification de l'assiette fiscale produit deux effets: ­

premièrement, un effet direct amenant l'impôt complémentaire suisse à être prélevé sur une assiette fiscale plus étroite ou plus large;

­

deuxièmement ­ et cet effet a une influence bien plus importante sur les résultats: une assiette fiscale plus étroite ou plus large a des répercussions sur la charge fiscale effective. Par exemple, pour une charge fiscale de 13,25 % calculée en application du droit suisse, une assiette fiscale de l'OCDE et du G20 plus large (ou plus étroite) de 10 % conduit à une réduction (ou à une augmentation) de la charge fiscale effective de l'OCDE et du G20 à 12,05 % (ou 14,73 %)32.

6.2.4

Différences régionales

L'augmentation estimée des recettes cantonales à court terme ne se répartit pas de manière égale entre les cantons et les communes. Si un groupe d'entreprises est actif dans plusieurs cantons, seuls les cantons qui offrent une charge fiscale inférieure à l'imposition minimale bénéficieront de recettes provenant de l'impôt complémentaire suisse. Il en résulte que les cantons fiscalement attractifs peuvent davantage escompter de recettes que les cantons qui offrent une charge fiscale supérieure à l'imposition minimale. Cependant, la réforme de l'OCDE et du G20 a surtout un impact négatif sur les cantons fiscalement attractifs.

Les cantons fiscalement attractifs sont aussi souvent des cantons avec un potentiel de ressources élevé. Ce potentiel s'en trouverait encore augmenté. Les cantons à imposition élevée profiteraient toutefois aussi indirectement de l'impôt complémentaire suisse, du moins ceux qui disposent d'un potentiel de ressources inférieur à la moyenne. Comme déjà mentionné au ch. 6.1, la dotation de la péréquation des ressources devrait augmenter, ce qui signifie davantage de fonds en faveur des cantons à faible potentiel de ressources. Les cantons à faibles ressources avec une part de bénéfices d'entreprise dans le potentiel des ressources inférieure à la moyenne sont particulièrement favorisés, puisqu'une augmentation du poids de ces bénéfices dans le potentiel des ressources conduit à un recul de l'indice des ressources de ces cantons.

32

Pour une assiette fiscale de 100 selon le droit suisse, la charge fiscale est de 13,25 % si le paiement de l'impôt s'élève à 13,25 francs. Si l'assiette fiscale de l'OCDE est plus large de 10 %, la charge fiscale calculée selon les règles GloBE se monte à 12,05 % (13,25 / 110), car l'impôt est prélevé sur une assiette fiscale qui est 10 % plus large (110 au lieu de 100).

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6.3

Conséquences financières de l'impôt RIR pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements)

L'introduction de l'impôt RIR peut générer des recettes. L'estimation du potentiel de recettes théorique est établie à l'aide des statistiques CbCR (de l'année 2018) pour les entreprises suisses33. Cependant, le résultat ne montre que l'effet sur le taux d'imposition et non pas celui sur l'assiette fiscale. La charge fiscale moyenne à l'étranger était de 25 %. Selon les statistiques CbCR, les entités étrangères de groupes suisses qui entrent dans le champ d'application du pilier 2 ont réalisé en 2018 des bénéfices à hauteur de 75 milliards de francs. Sur cette assiette fiscale, diminuée encore de la déduction de substance, la différence est calculée à partir des 15 % définis et de la charge fiscale plus basse à l'étranger. Dans l'ensemble, le potentiel théorique de recettes supplémentaires d'un impôt RIR (avant adaptation des comportements) est estimé à environ 3 milliards de francs.

Concernant l'estimation du potentiel, deux points relativisant les résultats doivent néanmoins être soulignés. D'une part, la qualité limitée des données CbCR mène souvent à une certaine surestimation de l'effet sur les recettes provenant de l'impôt RIR34.

D'autre part, d'autres États pourraient (pour la majorité d'entre eux) adapter leur système fiscal de sorte que l'augmentation des recettes leur profite à eux et non pas à la Suisse.

En ce qui concerne la part cantonale, les recettes provenant de l'impôt RIR reviennent aux cantons dans lesquels la société mère du groupe a établi son siège. Dès lors qu'il y a perception de recettes provenant d'un impôt RIR, on peut partir du principe que ces recettes ne sont pas réparties de manière égale entre les cantons. Néanmoins, étant donné qu'un grand nombre de sociétés mères ont également établi leur siège dans des cantons à plus forte imposition, il ne faut pas nécessairement s'attendre ­ comme cela est le cas pour l'impôt complémentaire suisse ­ à une concentration importante dans les cantons fiscalement attractifs.

6.4

Conséquences financières de l'impôt RPII pour les cantons et les communes (avant adaptation des comportements)

Concernant l'impôt RPII, il est impossible de réaliser une estimation des recettes faute de données désagrégées suffisantes. Le potentiel de recettes devrait toutefois être négligeable, étant donné que l'impôt RPII ne s'applique que si les États renoncent à un impôt complémentaire ou à un impôt RIR sur leur territoire.

33

34

Une estimation basée sur les données de l'IFD n'est pas possible dans la mesure où cet impôt ne reflète que la situation au niveau du pays alors que l'impôt RIR accorde à la Suisse un droit d'imposition pour les bénéfices faiblement imposés à l'étranger.

Cf. les explications figurant dans une note de l'AFC sur l'estimation des effets sur les recettes du projet de réforme fiscale de l'OCDE et du G20: «Schätzung der Aufkommenseffekte des OECD/G20-Steuerreformprojekts: Ein Vergleich der Datengrundlagen», disponibles (en allemand uniquement) sous: www.estv.admin.ch > L'AFC > Politique fiscale > Conseil en politique fiscale, rapports et documents de travail.

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6.5

Conséquences possibles liées à l'imposition dans l'État du marché et interaction avec le pilier 2

L'introduction de l'imposition dans l'État du marché (pilier 1) peut entraîner, pour un État, une augmentation ou une diminution de ses recettes, selon qu'il génère plus ou moins de recettes en qualité d'État du marché qu'il ne doit en reverser en tant qu'État devant renoncer à l'imposition. Pour les pays émergents ou en développement, la situation est claire: en tant qu'États du marché, ils peuvent compter désormais sur des recettes plus élevées. Parallèlement, en tant qu'États devant renoncer à l'imposition, ils subiront peu de pertes de recettes. La situation est différente pour des États comme la Suisse. En comparaison internationale, la Suisse abrite en effet un très grand nombre d'entités constitutives d'un groupe ­ que ces groupes soient suisses ou étrangers ­ dont les rendements sont supérieurs à la moyenne par rapport à leurs actifs corporels et à leurs charges salariales. Dans l'ensemble, le pilier 1 risque donc d'entraîner une diminution de recettes pour la Suisse.

Le pilier 1 a aussi des répercussions sur le potentiel de recettes lié à l'imposition minimale (pilier 2). La nouvelle répartition des droits d'imposition conformément au pilier 1 profite davantage aux États du marché, qui perçoivent généralement des impôts sur le bénéfice plus élevés que la Suisse. Les impôts liés au pilier 1 versés à l'étranger par des groupes d'entreprises suisses sont considérés, aux fins de l'application du pilier 2, comme des impôts déterminants pour l'entité constitutive suisse. Étant donné que les impôts déterminants de la Suisse ont ainsi tendance à augmenter, les recettes provenant de l'impôt complémentaire suisse baissent en conséquence. La coordination entre les deux piliers doit encore être détaillée par l'OCDE et le G20.

L'impact du pilier 1 sera présenté plus en détail dans le cadre de la mise en oeuvre concrète.

6.6

Conséquences financières de l'imposition minimale pour la Confédération, les cantons et les communes (après adaptation des comportements)

Si les conséquences financières de la réforme avant l'adaptation des comportements ne sont que très approximativement quantifiables ­ à l'exception de l'effet de l'assiette fiscale (cf. ch. 6.2.3) ­, l'incertitude est encore plus grande concernant les effets de la réforme après l'adaptation des comportements. Par adaptation des comportements, on entend la réponse des sujets économiques en réaction à une modification du cadre économique. La réforme de l'OCDE et du G20 induit principalement une adaptation des comportements chez les groupes d'entreprises. Ces adaptations peuvent toutefois ensuite se répercuter sur les travailleurs et les consommateurs. D'autre part, le terme «adaptation des comportements» inclut également les réactions des autres États.

Ici aussi, les incertitudes sont nombreuses. Il est impossible de s'appuyer sur des valeurs empiriques, car une réforme de cette ampleur, qui implique quelque 140 pays, est inédite. Enfin, le terme comprend aussi les mesures prises par la Confédération, les cantons et les communes pour préserver l'attrait de la place économique.

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Eu égard aux répercussions provoquées par l'adaptation des comportements, quatre éléments revêtent une importance particulière: ­

les effets sur les recettes avant adaptation des comportements doivent être connus;

­

l'évolution de la charge fiscale suisse par rapport à l'étranger doit avoir été déterminée. Dans le scénario de base, une charge fiscale de 13,25 % a été utilisée pour les estimations avant adaptation des comportements. Avec la réforme, la charge fiscale augmentera pour atteindre 15 %. Néanmoins, cela ne signifie pas nécessairement que l'attractivité fiscale de la Suisse diminuera de 1,75 %. Même si la charge fiscale est portée à 15 %, en effet, d'autres pays fiscalement attractifs connaîtront eux aussi une augmentation de leur imposition. Si l'on suppose que les charges fiscales restent plus ou moins identiques dans les pays à fiscalité élevée et que les États fiscalement attractifs adaptent leurs charges fiscales pour mieux respecter l'imposition minimale de l'OCDE et du G20, l'augmentation effective de la charge fiscale par rapport à l'étranger devrait être inférieure à 1,75 %. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'impôt RIR et de l'impôt RPII, on peut s'attendre à ce que tous les pays qui ont l'intention de modifier leur système fiscal l'aient fait dès 2024.

­

il convient de savoir quelles recettes de l'État sont concernées par la réforme.

Sont directement concernées les recettes provenant de l'impôt sur le bénéfice, de l'impôt sur le capital et de l'impôt complémentaire, de même que les recettes éventuelles provenant d'un impôt RIR et d'un impôt RPII versés par les entreprises concernées par le pilier 2. En outre, des PME ou des petits groupes multinationaux pourraient eux aussi être indirectement concernés si le départ des grands groupes d'entreprises concernés entraîne une baisse de leurs commandes, et ce même si leur situation fiscale ne change pas. La réforme de l'OCDE et du G20 aura en principe une influence sur la quasi-totalité des types d'impôts en Suisse. Les recettes provenant des cotisations aux assurances sociales seront également concernées.

­

enfin, la sensibilité fiscale (ou semi-élasticité) des entreprises est un paramètre déterminant pour évaluer si la mise en oeuvre du pilier 2 entraînera une hausse des recettes même après adaptation des comportements. La sensibilité fiscale est mesurée par la variation en pourcentage de l'assiette fiscale d'un impôt lorsque la charge fiscale des entreprises varie de 1 %. Cet indicateur inclut toutes les réactions comportementales des entreprises. La baisse en pourcentage de l'assiette fiscale et de la charge fiscale appliquée à cette assiette exprime la perte de recettes liée à la modification des comportements.

S'il en résulte une augmentation de la charge fiscale par rapport à l'étranger, l'adaptation des comportements des entreprises a un effet négatif sur les recettes. On peut cependant aussi imaginer une adaptation des comportements qui n'entraîne pas de diminution des recettes, mais affecte le rapport entre les recettes cantonales et les recettes de l'impôt complémentaire suisse. Si, par exemple, une entreprise située dans un canton fiscalement attractif renonce volontairement à l'encouragement en amont de la R&D après la mise en oeuvre de la réforme, sa charge fiscale liée à l'impôt sur

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le bénéfice augmente. Cette renonciation volontaire a pour conséquence que les recettes potentielles de l'impôt complémentaire sont inférieures aux prévisions, mais qu'en contrepartie, les recettes cantonales liées à l'impôt sur le bénéfice augmentent.

La somme de ces deux sources de recettes resterait inchangée suite à cette adaptation des comportements, mais le rapport entre les recettes de la Confédération et celles des cantons changerait en faveur de ces derniers.

Les réactions d'adaptation des pays fiscalement attractifs auront elles aussi un effet négatif sur les recettes. Si ces pays modifient leur système fiscal, le potentiel de recettes d'un impôt RIR ou d'un impôt RPII sera limité. Toutefois, si les ressources provenant de l'imposition minimale sont utilisées pour des mesures de préservation de l'attractivité de la place économique, les effets négatifs sur les recettes fiscales mentionnés précédemment peuvent être limités.

Eu égard à l'adaptation des comportements des entreprises, que la Suisse mette en oeuvre ou non la réforme ne joue qu'un rôle secondaire. Si l'on part du principe que les autres États introduiront un impôt RIR ou un impôt RPII, alors la charge fiscale de 15 % de l'OCDE et du G20 s'appliquera aux groupes d'entreprises concernés indépendamment du fait que la Suisse mette en oeuvre ou non la réforme. La situation est cependant très différente concernant les effets sur les recettes. En effet, en cas de nontransposition dans le droit national, la Suisse abandonnerait à l'étranger des recettes provenant de l'imposition minimale. Par conséquent, la non-transposition dans le droit national entraînerait toujours des pertes de recettes pour l'État dans son ensemble en raison de l'adaptation des comportements des sujets économiques.

6.6.1

Conséquences sur les recettes provenant de l'imposition des entreprises

Sont directement concernés par la réforme les groupes d'entreprises suisses et étrangers qui affichent une taille et une rentabilité suffisantes, qui présentent un lien avec la Suisse et dont les impôts déterminants ne permettent pas d'atteindre l'imposition minimale. En réaction, ces groupes d'entreprises peuvent modifier leur comportement par les décisions suivantes: ­

choix du lieu d'implantation: l'entreprise quitte la Suisse;

­

décision d'investissement: l'entreprise reste en Suisse, mais renonce à l'avenir à entreprendre des investissements de remplacement;

­

décision relative à l'imposition des bénéfices: l'entreprise reste en Suisse.

Toutefois, elle adapte ses décisions en matière de planification fiscale, et concernant notamment le futur lieu d'imposition de ses bénéfices.

Ces trois décisions ont des effets à la fois positifs et négatifs sur la Suisse. Sur le plan fiscal, cette dernière gagne en compétitivité par rapport aux États fiscalement très attractifs. Cependant, ces pays devraient généralement accueillir moins d'activités impliquant une substance économique importante, de sorte que la Suisse peut espérer percevoir des recettes supplémentaires par rapport à ces pays à la faveur des décisions des entreprises relatives à l'imposition des bénéfices.

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Par rapport aux États à fiscalité élevée, toutes les mesures précitées d'adaptation des comportements adoptées par les entreprises qui opèrent en Suisse ont des effets négatifs sur les recettes fiscales. Il reste à établir si les groupes d'entreprises nationaux et étrangers adaptent leur comportement par l'intermédiaire des mêmes canaux et si la sensibilité fiscale varie entre ces deux groupes. On peut toutefois supposer que les groupes d'entreprises nationaux feront preuve d'une sensibilité fiscale moins importante que les groupes étrangers, car, à tout le moins, la question du lieu d'implantation ne devrait pas se poser pour eux à court et à moyen terme. Un indice peut aider à évaluer la pertinence de cette supposition: la déduction de substance est plus faible (d'environ 15 %) pour les groupes d'entreprises étrangers implantés en Suisse que pour les groupes nationaux. Cela signifie que, dans l'ensemble, les groupes étrangers exercent probablement des activités de plus faible substance et qu'ils sont par conséquent aussi plus mobiles que les groupes nationaux.

L'attractivité fiscale de la Suisse étant supérieure à la moyenne, il en découle dans l'ensemble une augmentation effective de la charge fiscale par rapport aux autres États. L'adaptation des comportements des entreprises a un effet globalement négatif sur les recettes de l'impôt sur le bénéfice, de l'impôt sur le capital et de l'impôt complémentaire. Par conséquent, les recettes générées par ces impôts diminueront après l'adaptation des comportements. Les recettes provenant de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt sur le capital (mais pas celles générées par l'impôt complémentaire) subiront en outre les effets indirects de la réforme puisque la baisse de la demande émanant des entreprises concernées par le pilier 2 fera aussi fléchir la création de valeur chez les fournisseurs de prestations préalables qui n'entrent pas dans le champ d'application du pilier 2.

Face à cette diminution des recettes, un impôt RIR ou RPII pourrait potentiellement générer des recettes supplémentaires. L'augmentation de recettes provenant d'un impôt RPII devrait toutefois être négligeable, tandis que le potentiel de recettes d'un impôt RIR n'a que peu de chance de se réaliser: tout laisse en effet à penser qu'un grand nombre de pays fiscalement attractifs modifieront leur système fiscal.

6.6.2

Conséquences sur les assurances sociales et sur d'autres impôts

Des effets négatifs sont aussi attendus sur les recettes provenant des cotisations de sécurité sociale et celles générées par d'autres impôts (l'impôt sur le revenu et la TVA, notamment). Concernant le facteur travail, les changements suivants pourraient avoir des répercussions négatives sur les recettes: ­

départ: l'employé quitte la Suisse (avec son entreprise);

­

chômage: l'employé perd son emploi à la suite de l'adaptation des comportements des entreprises;

­

baisse de rémunération: l'employé change d'emploi. Son nouvel emploi est rémunéré par un salaire inférieur.

Toutes ces situations font reculer la masse salariale brute de la population active en Suisse. Or une baisse de la masse salariale brute implique une diminution des recettes 58 / 66

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des assurances sociales. Les cotisations sociales des salariés comme celles des employeurs sont concernées. Le recul de la masse salariale a aussi des conséquences négatives sur les recettes provenant de l'impôt sur le revenu. En cas de diminution des recettes provenant de l'impôt sur le revenu, les charges fiscales marginales (en cas de baisse de salaire) comme les charges fiscales moyennes (lorsque les employés quittent la Suisse) peuvent être pertinentes. Comparativement aux réactions des entreprises multinationales face aux différentes charges fiscales liées à l'impôt sur le bénéfice, les résultats empiriques sont plus rares dans ce domaine. Les incertitudes concernant les effets d'un changement de la charge fiscale liée à l'impôt sur le bénéfice sur les salaires ou sur l'emploi, et donc sur les recettes des assurances sociales et de l'impôt sur le revenu, sont ainsi plus grandes qu'en ce qui concerne l'imposition des entreprises.

La réforme a également des répercussions sur d'autres types d'impôt, à l'image de la TVA, pour laquelle certains effets devraient se faire sentir. En l'absence d'incidences sur les décisions de consommation et d'épargne des ménages privés, autrement dit si le taux de consommation et le taux d'épargne restent constants, la baisse du revenu disponible des ménages privés entraînera mécaniquement des baisses de recettes du côté de la TVA. Enfin, la réforme pourrait aussi conduire à des baisses de recettes pour d'autres impôts (impôt sur la fortune, impôt sur les gains immobiliers ou impôt anticipé, entre autres).

L'adaptation des comportements a aussi une incidence à la fois positive et négative sur les dépenses de l'État. Dans l'ensemble, c'est toutefois l'effet de baisse qui prédomine (sur le long terme). Le départ d'entreprises et de salariés entraîne des réductions des dépenses, qui peuvent se matérialiser rapidement (p. ex. la demande de structures publiques de garde d'enfants) ou plus tardivement (p. ex. le versement des rentes). Les dépenses supplémentaires (p. ex. en raison d'une hausse du chômage), quant à elles, interviennent de façon plus immédiate.

6.6.3

Conséquences sur les recettes de l'ensemble des échelons de l'État

La réforme génère des recettes provenant de l'impôt complémentaire national ainsi que de l'impôt RIR et de l'impôt RPII. Les indicateurs suivants déterminent l'ampleur de l'effet sur les recettes après l'adaptation des comportements: ­

l'augmentation effective de la charge fiscale des entreprises par rapport à l'étranger, en tenant compte des éventuelles adaptations fiscales à l'étranger;

­

la sensibilité fiscale des groupes d'entreprises nationaux et étrangers concernés par l'imposition minimale;

­

la sensibilité de l'assiette fiscale de l'impôt sur le bénéfice qui n'est pas directement concernée par cette réforme;

­

les répercussions sur la masse salariale;

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­

le niveau de la pression fiscale exercée sur les employés, la charge effective de la TVA, ainsi que la charge engendrée par l'impôt sur le capital, l'impôt sur le bénéfice et d'autres impôts déterminants.

En ce qui concerne l'effet sur les recettes de l'ensemble des échelons de l'État, on peut tirer les conclusions suivantes: ­

Des hausses des recettes sont probables à tous les échelons de l'État: L'adaptation des comportements devrait avoir une incidence négative du fait de l'augmentation effective de l'impôt; autrement dit, si l'on tient compte de l'adaptation des comportements des entreprises, les recettes supplémentaires sont inférieures aux estimations sans cette adaptation . Si la sensibilité fiscale des entreprises est très élevée et si un grand nombre d'employés quittent la place économique ou sont remerciés, la réforme pourrait même conduire, dans le pire des cas, à des baisses de recettes. Cela dit, il est bien plus probable qu'il en résulte, pour l'ensemble des échelons de l'État, des hausses de recettes même après l'adaptation des comportements.

­

La réforme a des répercussions sur un grand nombre d'impôts et de taxes: L'adaptation des comportements n'a pas une incidence négative uniquement sur les recettes provenant de l'impôt sur le bénéfice, de l'impôt sur le capital et de l'impôt complémentaire. La réforme a aussi des répercussions négatives sur les recettes provenant des cotisations aux assurances sociales, sur les recettes de l'impôt sur le revenu et (dans une moindre mesure) sur d'autres recettes fiscales. Bien que la réforme concerne l'imposition des entreprises, elle engendre aussi des baisses de recettes pour les impôts et les taxes frappant les salariés.

­

L'impôt RIR et l'impôt RPII ont un faible rendement: D'autres États fiscalement attractifs vont probablement augmenter eux aussi leurs impôts pour les groupes d'entreprises concernés. Le potentiel de recettes d'un impôt RIR ou d'un impôt RPII devrait par conséquent être limité.

­

L'impôt complémentaire national a un rendement élevé: Même après adaptation des comportements, le potentiel de recettes provenant d'un impôt complémentaire reste quant à lui proche des estimations avant adaptation. Cela tient au fait que les stratégies d'adaptation des comportements ont une incidence sur un grand nombre d'autres types d'impôt et que les effets indirects de la réforme qui entravent la création de valeur chez les bénéficiaires de prestations préalables n'ont aucune influence sur le potentiel de recettes de l'impôt complémentaire.

6.6.4

Conséquences sur les recettes par échelon de l'État

Les conséquences négatives de l'adaptation des comportements ont une incidence sur les recettes de l'ensemble des échelons de l'État. Bien que les effets sur les recettes de ces différents échelons après l'adaptation des comportements puissent engendrer

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aussi bien des hausses de recettes (cas le plus probable) que des baisses (si la sensibilité fiscale des entreprises est très élevée), on peut tirer les conclusions suivantes pour les différents échelons de l'État: ­

la réforme entraîne une baisse de recettes pour les assurances sociales;

­

pour la Confédération, il peut en résulter aussi bien des baisses que des hausses de recettes;

­

quant aux cantons et aux communes, ils devraient percevoir des recettes supplémentaires.

Le recul des recettes provenant des cotisations sociales engendre des effets négatifs perceptibles pour les assurances sociales. Comme elles ne participent pas aux recettes de l'imposition minimale, l'effet sur les recettes est négatif.

La Confédération participe à hauteur de 25 % au produit brut de l'impôt complémentaire. Il en résulte, avant adaptation des comportements, un potentiel de recettes de l'impôt complémentaire suisse compris entre 250 et 650 millions de francs. Si la majorité des autres États modifient leur système fiscal, le potentiel de recettes d'un impôt RIR ou d'un impôt RPII serait sans doute négligeable. La Confédération doit en outre supporter des baisses de recettes, car l'adaptation des comportements des entreprises a une incidence négative sur les recettes provenant de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur le bénéfice, ainsi que sur les recettes générées par d'autres impôts. Pour la Confédération, il faut encore ajouter à cela que ses paiements au titre de la péréquation financière et de la compensation des charges vont augmenter de plusieurs centaines de millions de francs d'ici quelques années. Ces dépenses supplémentaires seront couvertes grâce à la part de la Confédération aux recettes de l'impôt complémentaire. Le solde de la part de la Confédération sera affecté à des mesures de promotion de la place économique. Ces mesures doivent permettre de compenser la perte d'attractivité de la place économique et les diminutions de recettes qui en résultent.

Ainsi, rien ne permet de savoir si la Confédération réalisera des hausses ou des baisses de recettes après l'adaptation des comportements et compte tenu des mesures prises de promotion de la place économique.

Pour les cantons et les communes, des hausses de recettes devraient résulter de la réforme même après adaptation des comportements. Cela tient au fait que les effets négatifs induits par l'adaptation des comportements ont une incidence sur les budgets de la Confédération, des cantons, des communes et des assurances sociales, tandis que les cantons perçoivent une part importante des recettes générées par l'impôt minimal.

Ces recettes supplémentaires peuvent servir à préserver l'attrait de la place économique.

Bien que, dans l'ensemble, les cantons et les communes bénéficient de recettes supplémentaires qu'ils
peuvent aussi utiliser pour des mesures de promotion de la place économique, cela ne signifie pas que chaque canton (ou commune) puisse tabler sur des recettes supplémentaires. Un canton dont le niveau de l'impôt sur le bénéfice est un peu supérieur à la moyenne, qui accueille un faible nombre de groupes d'entreprises multinationaux, mais dans lequel habitent un grand nombre d'employés concernés peut lui aussi être lésé par la réforme de l'OCDE et du G20. Il pourrait donc également y avoir des «perdants de la réforme» à l'échelon des cantons et des communes qui, après adaptation des comportements, devront s'attendre à des baisses de 61 / 66

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recettes. Ces dernières pourraient toutefois être compensées par la péréquation financière et la compensation des charges.

6.7

Conséquences économiques de l'imposition minimale

En termes d'objectifs d'efficacité et de compétitivité, l'imposition minimale aura des conséquences économiques, qu'elle soit transposée ou non en droit national (cf. ch. 6.7.2 et 6.7.3). La transposition en droit national est importante pour les conséquences sur la compétitivité intercantonale (cf. ch. 4.1.2). La charge administrative (notamment pour les groupes d'entreprises concernés) augmente, que l'imposition minimale soit transposée ou non dans le droit national (cf. ch. 6.7.4).

6.7.1

Objectif d'efficacité

L'objectif d'efficacité postule qu'un système fiscal doit être conçu de manière aussi neutre que possible sur le plan décisionnel, c'est-à-dire qu'il doit offrir le moins de raisons possible de prendre des mesures d'évitement (hormis l'internalisation des effets externes).

Le pilier 2 instaure une imposition minimale mondiale, de sorte que les charges fiscales inférieures à ce seuil ne sont généralement plus avantageuses (exceptions: cf. ch. 6.7.3). Eu égard à l'objectif d'efficacité, les répercussions découlant de la mise en oeuvre du pilier 2 sont incertaines. D'une manière générale, la réforme devrait entraîner une baisse des investissements et donc porter atteinte au développement économique à long terme.

Les appréciations tendent à être plutôt négatives, en ce qui concerne aussi bien l'encouragement fiscal des activités de R&D que la neutralité concurrentielle du système fiscal. La mise en oeuvre du projet conjoint de l'OCDE et du G20 a diverses conséquences sur le plan fiscal: le statu quo fiscal peut être maintenu pour les groupes qui ne sont pas concernés par la réforme de l'OCDE et du G20, tandis que les règles de l'OCDE et du G20 doivent être mises en application pour les grands groupes d'entreprises. L'OCDE et le G20 justifient cette «double» focalisation par le fait que les groupes d'entreprises internationaux disposent de bien davantage d'options en matière d'optimisation de la charge fiscale et que, pour cette raison, leur charge fiscale est systématiquement plus faible que celle des PME. Bien que certains éléments empiriques montrent que les groupes d'entreprises multinationaux présentent en effet une charge fiscale quelque peu inférieure à celle des groupes actifs au niveau national uniquement, il n'est pas clair si ce constat résulte en définitive de pratiques d'optimisation fiscale ou s'il trouve ses fondements ailleurs (p. ex. recours plus important des groupes d'entreprises multinationaux concernés aux incitations fiscales R&D). Il n'est donc pas garanti que le projet conjoint de l'OCDE et du G20 exerce une action correctrice quant à la neutralité concurrentielle du système fiscal. Il est en tout cas certain que le pilier 2 entraîne une inégalité de traitement entre les groupes d'entreprises concernés et ceux qui ne le sont pas. En tout état de cause, la neutralité concurrentielle n'est pas affectée lorsque le seuil minimal est atteint. En outre, une fois ce seuil atteint, 62 / 66

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les incitations permettant aux États de promouvoir les activités de R&D par l'intermédiaire du système fiscal et aux entreprises de s'implanter dans des pays offrant un cadre favorable en la matière demeurent.

6.7.2

Attrait de la place économique sur le plan fiscal

Eu égard à l'attrait de la place économique sur le plan fiscal, les effets suivants se produisent: ­

la position de la Suisse se dégrade par rapport aux États dont la charge fiscale est supérieure à l'imposition minimale, étant donné que les charges fiscales s'équilibreront;

­

la position de la Suisse s'améliore par rapport aux États présentant des taux d'imposition plus faibles qu'elle.

Il est fort probable que la grande majorité des autres États fiscalement attractifs adapteront leur politique fiscale. Il est également vraisemblable que ces pays décideront de prendre des mesures non fiscales visant à maintenir l'attrait de leur place économique.

Il est cependant difficile d'anticiper la manière dont les pays à fiscalité élevée répondront à cette réforme. À ce titre, tant des baisses d'impôt visant à se rapprocher de l'imposition minimale que des hausses d'impôt sont envisageables, étant donné que l'imposition minimale a pour effet de réduire la pression de la concurrence. En supposant le maintien du statu quo fiscal dans ces pays, l'avantage concurrentiel fiscal de la Suisse sur ceux-ci diminuera.

Dans l'ensemble, en matière de concurrence fiscale, la réforme tend à favoriser les pays bénéficiant d'une place économique attractive et dont l'impôt sur le bénéfice est élevé. En tant que pays attractif sur le plan fiscal, la Suisse perdra de sa compétitivité face à ce groupe de pays du fait de la réforme.

6.7.3

Effets de la déduction fondée sur des critères de substance sur la concurrence fiscale

La mise en oeuvre du pilier 2 aura des répercussions tant sur la concurrence fiscale pour les bénéfices mobiles des entreprises que sur la concurrence pour le capital productif. L'objectif principal de la réforme de l'OCDE et du G20 est d'endiguer cette première forme de concurrence sans empêcher la concurrence fiscale portant sur les sites de production. La déduction fondée sur des critères de substance devrait permettre de faire une distinction entre ces deux formes de concurrence. Son application permettra à un pays de continuer à imposer plus faiblement les bénéfices des entreprises concernées si celles-ci disposent de suffisamment de substance.

Grâce à l'octroi de la déduction fondée sur des critères de substance, la concurrence pour le capital productif sera moins affectée que la concurrence pour les bénéfices mobiles des entreprises. Cette déduction permettra d'inciter les entreprises à implanter le plus de substance possible dans les pays fiscalement attractifs.

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6.7.4

Charge administrative

Le pilier 2 entraîne également un surcroît de charges sur le plan administratif. Le Conseil fédéral s'attend à ce que la réforme touche un peu plus de cent groupes d'entreprises suisses ainsi que les entités d'un peu plus de mille groupes étrangers. Le nombre de groupes d'entreprises étrangers concernés pourrait encore augmenter si d'autres États appliquent un seuil de chiffre d'affaires inférieur à 750 millions d'euros pour l'impôt RIR.

Étant donné que l'assiette fiscale suisse diverge de celle de l'OCDE et du G20, les groupes doivent tenir une «comptabilité témoin», ce qui signifie qu'il ne suffit pas d'examiner si la charge fiscale est inférieure ou supérieure à 15 % selon les dispositions en vigueur en matière de calcul du bénéfice. Il est donc possible que même des groupes présentant une charge fiscale supérieure à 15 % soient soumis à un impôt complémentaire suisse, tandis qu'inversement, des entreprises présentant une charge fiscale inférieure à 15 % pourraient ne pas être concernées dans la mesure où l'assiette fiscale suisse s'avérerait plus large que celle de l'OCDE et du G20. Étant donné que le projet conjoint de l'OCDE et du G20 repose sur une approche pays par pays, les chiffres-clés calculés au niveau des sociétés individuelles devront être agrégés. Le groupe devra calculer sa charge fiscale en Suisse d'après les dispositions de l'OCDE et du G20 et transmettre les informations à l'ensemble des pays concernés.

L'augmentation de la charge administrative des groupes nationaux soumis à un impôt RIR s'étendra en outre à leurs sociétés étrangères, étant donné qu'il conviendra là aussi de vérifier si la charge fiscale étrangère est inférieure à l'imposition minimale.

Pour les groupes étrangers dont l'État du siège n'introduit pas l'impôt RIR, une charge administrative résultera de l'application de l'impôt RPII.

Les autorités verront également leur charge administrative augmenter. Sur le plan des effectifs, il faut s'attendre à une augmentation des charges, au niveau aussi bien fédéral que cantonal. Les dépenses augmenteront elles aussi en raison de la mise en place de l'infrastructure informatique nécessaire.

Dans l'ensemble, le projet conjoint de l'OCDE et du G20 alourdira la charge administrative des entreprises, et la transposition en droit national celle de la Confédération et des cantons.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

En vertu du principe fédéraliste (art. 3 Cst., Souveraineté des cantons), la Cst. définit les impôts que la Confédération est habilitée à percevoir et les principes applicables à cet égard. Dans le cadre du présent projet, le Conseil fédéral propose l'ajout d'un nouvel article constitutionnel (art. 129a Cst.) assorti d'une disposition transitoire (art. 197, ch. 15, Cst.).

Le projet conjoint de l'OCDE et du G20 prévoit des règles d'imposition particulières pour certains grands groupes d'entreprises. Le dispositif mis en place en Suisse doit 64 / 66

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lui aussi reposer sur ce champ d'application restreint. En ce qui concerne l'imposition dans l'État du marché, les conventions bilatérales contre les doubles impositions, qu'il faudra modifier, accorderont de nouveaux droits d'imposition se rapportant uniquement à ces entreprises. Quant à l'imposition minimale, la Suisse aurait tout intérêt à restreindre le champ d'application aux grands groupes d'entreprises pour des raisons économiques. En effet, un élargissement du champ d'application à l'ensemble des entreprises aurait non seulement des conséquences négatives sur la place économique suisse, mais confronterait en outre les PME à une augmentation considérable de leur charge administrative. De l'avis du Conseil fédéral, la différence de traitement entre les grandes entreprises et les plus petites pourrait toutefois aller à l'encontre des principes constitutionnels de l'égalité de traitement et de la capacité économique. Le législateur doit donc être habilité à déroger à ces principes s'il y va de l'intérêt économique de la Suisse.

Comme le Conseil fédéral considère que l'impôt dans l'État du marché et l'imposition minimale sont des impôts directs, cette qualification pourrait aussi entraîner des conflits avec d'autres principes constitutionnels. La Cst. en vigueur contient, aux art. 127 s., plusieurs principes que le législateur doit respecter eu égard aux impôts directs, notamment en lien avec le fédéralisme. Le législateur doit pouvoir déroger là aussi si nécessaire à ces principes d'imposition constitutionnels, à l'exception de ce qui touche à la part cantonale (cf. ch. 5.1).

À l'extérieur du champ d'application de l'art. 129a Cst., les principes d'imposition constitutionnels actuels restent inchangés.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse a conclu des CDI avec plus de 100 États partenaires. Ces CDI reposent sur le Modèle de convention fiscale de l'OCDE.

Il découle de l'application de l'impôt RIR et de l'impôt RPII que les bénéfices d'entités étrangères du groupe sont imposés auprès d'entités du groupe établies en Suisse.

La question se pose donc de savoir si l'application de ces règles constitue une violation des CDI, notamment des articles correspondants à l'art. 7 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE. L'art. 7 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE prévoit que les bénéfices d'une entité de groupe établie dans un État donné sont uniquement imposables dans cet État, dans la mesure où ses bénéfices ne relèvent pas d'établissements stables situés dans un autre État.

Toutefois, aux fins des CDI, s'applique le principe qui veut que ces dispositions ne doivent en aucun cas être interprétées comme restreignant le droit d'un État contractant d'imposer les personnes établies dans cet État. L'État de domicile d'une personne ne se voit donc limité par une telle CDI que si l'une de ses dispositions le prévoit expressément. Ce principe s'applique également à l'art. 7 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE et garantit l'absence de toute violation, selon l'OCDE et le G20, de la CDI lorsqu'un État applique le pilier 2.

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Depuis la dernière mise à jour du Modèle de convention fiscale de l'OCDE, le principe précité y est fixé à l'art. 1, al. 3. Cette nouvelle disposition a été introduite à des fins de clarification35. Toutefois, le principe en lui-même s'applique indépendamment de la présence ou non de cette disposition dans la CDI. L'introduction et l'application du pilier 2 en Suisse n'entraînent donc en principe aucune violation des CDI suisses pour les entités suisses de groupes à l'égard des entités étrangères de groupes.

Un obstacle se présente néanmoins dans les cas où des impôts sont prélevés selon la règle RIR auprès d'une entité suisse de groupe sur les bénéfices d'un établissement stable étranger. Le cas échéant, les CDI suisses obligent en effet la Suisse à renoncer, en sa qualité d'État de domicile, à imposer de tels bénéfices. Par conséquent, la Suisse ne peut pas imposer ces bénéfices. Il est cependant possible de contourner cet obstacle en introduisant dans les CDI en question la règle dite de substitution (switch-over rule [SoR]), qui permet, dans de telles situations, de remplacer la méthode de l'exemption par la méthode de l'imputation.

L'imposition par l'État du marché conformément au pilier 1 sera introduite au moyen d'une convention multilatérale (cf. ch. 1.1.1), qui assurera ainsi la compatibilité avec les engagements internationaux.

7.3

Forme de l'acte législatif

Une révision partielle de la Constitution habilitera le Conseil fédéral à édicter les dispositions d'exécution du pilier 2 par voie d'ordonnance provisoire, dont les grandes lignes sont contenues dans les dispositions transitoires de la Cst. Cette ordonnance sera remplacée ultérieurement par une loi. L'introduction de la TVA en 1995 a constitué à cet égard un précédent.

7.4

Frein aux dépenses

Le présent projet ne prévoyant ni subventions nouvelles, ni crédits d'engagement ou plafonds de dépenses, il n'est pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

35

Cf. ch. 18 du commentaire ad art. 1 du Modèle de convention fiscale de l'OCDE.

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