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Opportunité et efficacité de l'approvisionnement économique durant la pandémie de Covid-19 Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 9 septembre 2022

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L'essentiel en bref La pandémie de COVID-19 a représenté un défi en terme d'approvisionnement économique. Bon nombre de produits nécessaires n'étaient plus disponible en suffisance en Suisse, mais également à l'étranger. Dans ce rapport, la CdG-N analyse en particulier le rôle de l'approvisionnement économique du pays (AEP) avant et durant la crise, les bases légales pertinentes et la manière dont les tâches ont été réparties avec d'autres unité administratives en début de crise. Elle a choisi de se focaliser en particulier sur la question de l'approvisionnement en biens médicaux.

Bases légales et révision prévue Sur la question des bases légales, la CdG-N a pris connaissance avec satisfaction du fait que des réflexions ont été lancées par le Conseil fédéral, afin que les conclusions tirées de la gestion de la pandémie de COVID-19 y soient intégrées. L'articulation entre la loi sur l'approvisionnement économique du pays, la loi sur les épidémies et le plan de pandémie sera notamment étudiée. La CdG-N estime important, dans ce cadre, que les compétences soient définies sans ambiguïtés et que le champ d'application des bases légales soient délimitées de la manière la plus claire possible. Estimant qu'il n'était pas adéquat que l'art. 44 LEp ne soit applicable que pour l'approvisionnement en produits thérapeutiques et non pour le matériel de protection, la CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier l'opportunité d'élargir la portée de cette disposition afin de couvrir l'approvisionnement de l'ensemble des biens médicaux nécessaires en cas d'épidémie.

Stocks de biens médicaux La CdG-N salue le fait qu'un examen du stockage de biens médicaux soit prévu. La CdG-N a pris connaissance des raisons qui ont amené le Conseil fédéral à ne pas soumettre les institutions de la santé à des réserves minimales par le passé et pour lesquelles les directives du plan de pandémie n'avaient pas été déclarées contraignantes. Elle regrette cependant cette décision de l'époque et estime que plus d'importance aurait dû être accordée aux considérations de santé publique face aux oppositions face à ces mesures. Elle prend néanmoins note avec satisfaction du fait que l'OFAE estime actuellement que certaines prescriptions du nouveau plan de pandémie devraient être déclarées contraignantes et que la mise en oeuvre des recommandations
devrait être contrôlée.

En ce qui concerne les médicaments nécessaires dans le cas de maladies contagieuses, la CdG-N estime, tout comme l'OFAE, qu'une réflexion devra être menée sur les produits qui devront être stockés à l'avenir. Elle considère que le Conseil fédéral devra apprécier l'opportunité de revoir l'éventail des produits thérapeutiques concernés et, le cas échéant, d'étoffer cette liste. La CdG-N salue le réexamen global prévu du stockage obligatoire et s'informera en temps utile à ce sujet.

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Coordination et collaboration entre unités administratives La CdG-N a également constaté que la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie, responsable de conseiller l'administration fédérale dans la préparation à des pandémies, n'est composée d'aucun expert de l'approvisionnement en matière de produits thérapeutiques. La CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier si des spécialistes de ce domaine devraient être directement représentés au sein de la CFP ou d'autres organes.

Au début de la pandémie, le DEFR et le DFI ont dû définir la répartition des responsabilités relatives à la gestion du matériel, ce qui montre, du point de vue de la CdGN, que le champ de compétence respectif des différentes unités administratives n'était auparavant pas défini suffisamment clairement. Elle estime surtout que la responsabilité de la direction des opérations doit être définie sans ambiguïté, avant que les situations de crise ne surviennent. Pour cela, elle invite le Conseil fédéral à examiner s'il y a lieu de clarifier ou de redéfinir les compétences des différentes unités administratives concernant la gestion du matériel ­ en particulier en cas de crise ­ et définir quelle unité administrative est responsable de la direction des opérations dans quel cas.

Provisions domestiques Enfin, la commission estime que les denrées et biens à stocker dans le cadre des recommandations faites aux particuliers devraient également être réévalués suite à la crise, car la constitution de réserves domestiques pourrait être une bonne solution de stockage notamment pour les masques d'hygiènes où un stockage centralisé est plus difficile à mettre en oeuvre.

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

La pandémie de COVID-19 a représenté un défi en terme d'approvisionnement économique. De nombreux produits nécessaires n'étaient plus disponibles en suffisance en Suisse, mais également à l'étranger. Au niveau agroalimentaire, la pandémie a généré d'importantes turbulences sur les marchés aussi bien en Suisse qu'à l'étranger.

La demande de produits de longue conservation a tendanciellement augmenté, tandis que les besoins du secteur de l'hôtellerie-restauration ont diminué. L'approvisionnement de la Suisse en denrées alimentaires et moyens de production vitaux a cependant pu être assuré en tout temps1. L'Approvisionnement économique du pays (AEP) a constaté une brusque hausse de la demande mondiale de certains médicaments dans le sillage de la pandémie de coronavirus. Le traitement du COVID-19 a requis un grand nombre de principes actifs et de médicaments qui n'étaient, avant la pandémie, pas soumis au stockage obligatoire. Dans le domaine de l'approvisionnement énergétique, de l'industrie et de la logistique, des perturbations ont également été constatées2.

D'après l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE)3, les pandémies ne constituent ainsi pas un problème «classique» du marché où la consommation normale d'un bien vital (il s'agit en général d'un bien de consommation) ne peut plus être couverte pendant une durée limitée. Les pandémies et les épidémies engendrent au contraire un «choc de la demande», qui ne peut pratiquement pas être corrigé au moyen des instruments prévus par la LAP, définis en fonction des circonstances économiques et des acteurs du marché en temps normal.

1.2

Lancement de l'inspection

Le 18 mai 2020, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé de mener une inspection sur les mesures prises par le Conseil fédéral et l'administration fédérale pour faire face à la pandémie de COVID-19. Afin de tenir compte des circonstances particulières, de l'évolution de la situation et de l'ampleur de l'objet examiné, les CdG ont décidé de déléguer la définition des points essentiels de l'enquête et la réalisation de l'inspection à leurs sous-commissions.

1

2 3

Rapport sur l'approvisionnement économique du pays de 2017 à 2020, p. 43, www.ofae.admin.ch > Documents > Documents de référence (consulté le 29 avril 2022); Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Rapport sur l'approvisionnement économique du pays de 2017 à 2020, p. 43-46, www.ofae.admin.ch > Documents > Documents de référence (consulté le 29 avril 2022).

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 4.

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La sous-commission DFF/DEFR de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé d'examiner le sujet de l'approvisionnement économique du pays (AEP) durant la pandémie de COVID-19.

1.3

Objet de l'enquête

Dans ce rapport, la CdG-N analyse en particulier le rôle de l'Approvisionnement économique du pays (AEP) avant et durant la crise, les bases légales pertinentes et la manière dont les tâches ont été réparties avec d'autres unités administratives en début de crise. Elle a choisi de se focaliser en particulier sur la question de l'approvisionnement en biens médicaux.

Dans ce rapport, elle aborde en premier lieu les bases légales et les principes de l'approvisionnement économique (ch. 2). Elle étudie ensuite la préparation concrète des autorités fédérales à une pandémie (ch. 3) avant d'aborder les mesures concrètes prises entre janvier et juin 2020 en particulier (ch. 4). Le rapport se conclut sur les leçons tirées de la pandémie de COVID-19 par les autorités fédérales ainsi que les appréciations de la CdG-N à ce sujet (ch. 5).

La sous-commission DFF/DEFR a coordonné ses travaux avec les autres sous-commissions de la CdG-N qui ont abordé la question plus générale de la gestion du matériel en lien avec la pandémie. Sur ce thème, la CdG-N a d'ores et déjà publié des rapports sur les contacts entre les autorités fédérales et les entreprises Lonza et Moderna concernant la production et l'acquisition de vaccins contre le COVID-194 ainsi que sur l'acquisition de masques de protection par la Confédération5.

La question de l'organisation de l'AEP ne fait pas l'objet du présent rapport étant donné que cet aspect est actuellement abordé par le groupe de travail «cautionnement des navires de haute mer». Dans le cadre de leur inspection sur le cautionnement des navires de haute mer6, les CdG ont notamment abordé la gestion des cautionnements de navires de haute mer par l'OFAE et ont formulé dans ce cadre une recommandation7 invitant le Conseil fédéral à examiner la structure organisationnelle de l'OFAE, sa structure de milice, la répartition des responsabilités au sein de l'office et avec le département, de même que l'opportunité d'une intégration de l'OFAE dans un autre office. Une enquête administrative a été menée8 et le Conseil fédéral a pris à ce sujet

4

5 6 7 8

Contacts entre les autorités fédérales et les entreprises Lonza et Moderna concernant la production et l'acquisition de vaccins contre le Covid-19. Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 16 novembre 2021 (FF 2022 450).

Pandémie de Covid-19: acquisition de masques de protection, Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 18 février 2022 (FF 2022 490) Cautionnements de navires de haute mer. Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26 juin 2018 (FF 2018 6235).

Cautionnements de navires de haute mer. Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26 juin 2018 (FF 2018 6235 6287).

Enquête administrative sur l'Approvisionnement économique du pays: les structures de direction et d'organisation, la conformité et la gouvernance doivent faire l'objet d'un réexamen, communiqué de presse du Conseil fédéral du 18 novembre 2020.

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des décisions de principe le 30 mars 20229. Les CdG continueront de suivre de près les évolutions concernant l'organisation, la direction, la structure et les ressources de l'AEP, mais étant donné que les mesures de réorganisation prises ne sont pas encore mises en oeuvre, la CdG-N ne porte pas d'appréciation à ce sujet dans le présent rapport.

2

Bases légales en matière d'approvisionnement économique du pays

Ce chapitre présente les différentes bases légales et principes relatifs à l'approvisionnement économique, de même que les instruments ordinaires ou en préparation à une pandémie.

La Confédération est responsable d'assurer, d'après l'art. 102 de la Constitution fédérale (Cst.), l'approvisionnement du pays en biens et services de première nécessité afin de pouvoir faire face à une menace de guerre, à une autre manifestation de force ou à une grave pénurie à laquelle l'économie n'est pas en mesure de remédier par ses propres moyens. On entend par biens et services de première nécessité les denrées alimentaires, les médicaments et les autres biens indispensables pour couvrir les besoins journaliers, ainsi que les matières premières et auxiliaires destinées à l'agriculture, à l'industrie et à l'artisanat, les sources d'énergie et tous les moyens nécessaires à leur production, les services de transports et de télécommunication, les installations d'entreposage et de stockage10.

Ces tâches sont de la responsabilité du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR). Au sein du DEFR, l'approvisionnement économique du pays est organisée en une unité administrative, l'OFAE, et une organisation de milice11 provenant de l'économie privée, composée d'environ 250 personnes exerçant cette tâche à titre accessoire. Un délégué à l'approvisionnement économique du pays issu des milieux économiques12 dirige cette organisation.

2.1

Principes et bases légales

La loi sur l'approvisionnement économique du pays (LAP)13 permet au Conseil fédéral la mise en oeuvre de mesures visant à garantir l'approvisionnement, lorsque l'économie n'est plus en mesure de le faire. L'approvisionnement économique du pays fonctionne d'après le principe de subsidiarité, ancré à l'art. 102 Cst. et l'art. 3 LAP.

9 10 11

12 13

Le Conseil fédéral rend des décisions de principe en vue d'améliorer la sécurité de l'approvisionnement, communiqué de presse du Conseil fédéral du 30 mars 2022.

Biaggini, G., Lienhard, A., Schott, M., & Uhlmann, F. (2016). Wirtschaftsverwaltungsrecht des Bundes. Helbing Lichtenhahn, chap. 18 Landesversorgungspolitik, p. 136.

Organisation des cadres de milice du secteur privé, www.ofae.admin.ch > Approvisionnement économique du pays > Organisation et structure de l'Approvisionnement économique du pays (consulté le 4 avril 2022).

Art. 58, al. 2, LAP Loi fédérale du 17 juin 2016 sur l'approvisionnement économique du pays (Loi sur l'approvisionnement du pays, LAP; RS 531).

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Cela signifie d'une part que la Confédération prend, par le biais de l'AEP, les mesures d'intervention économique appropriées pour permettre aux acteurs économiques d'accomplir de manière autonome leur mandat d'approvisionnement et prendra des mesures supplémentaires seulement si les milieux économiques ne peuvent garantir l'approvisionnement économique du pays en cas de pénurie grave. D'autre part, cela signifie également que la LAP n'est pas l'instrument prioritaire si une pénurie peut être éliminée par des moyens relevant d'autres domaines d'activité de la Confédération. Selon l'art 5, al. 3, LAP, le Conseil fédéral veille à la coordination entre les départements. Il peut également rendre obligatoire le stockage de certains biens vitaux selon l'art. 7 LAP.

2.2

Instruments de l'approvisionnement économique

2.2.1

Phase préparatoire

Les instruments préventifs prévus au chapitre 2 LAP ont pour but de renforcer le système d'approvisionnement du pays, d'augmenter la résilience de l'économie face aux pénuries ainsi que de préserver aussi longtemps que possible ou de rétablir rapidement le bon fonctionnement de l'économie.

Le stockage stratégique est l'un de ces instruments. On distingue entre réserves obligatoires et réserves complémentaires facultatives. Dans le premier cas, le Conseil fédéral impose par ordonnance à tous les importateurs et toutes les entreprises commercialisant un bien en premier de constituer des réserves. L'OFAE conclut avec les entreprises concernées un contrat de stockage obligatoire. Par ces contrats, les entreprises s'engagent à détenir, à un certain endroit, une marchandise donnée ­ quantité et qualité étant fixées. Le financement des réserves obligatoires doit être assuré par les entreprises elles-mêmes, ce qui explique le fait que les quantités pouvant être stockées soient limitées, d'après l'OFAE14. Les marchandises ainsi stockées connaissent une rotation régulière et sont vendues par les canaux usuels de distribution. Il incombe à l'OFAE ou à l'autorité de contrôle qu'il a mandatée d'inspecter périodiquement les stocks15.

Dans le cas des réserves complémentaires facultatives, les entreprises ne sont pas soumises à l'obligation de contracter. En vertu de l'art. 14 LAP, l'OFAE passe des contrats de stockage avec les entreprises qui se portent volontaires; celles-ci déterminent quels biens peuvent être stockés, en quelle quantité et dans quelle qualité. Cela concerne en règle générale les biens vitaux qui ne génèrent habituellement qu'une faible demande ou qui sont fabriqués par une poignée d'acteurs sur le marché. À titre d'exemple, on peut mentionner certains dispositifs médicaux comme des kits pour don du sang et des masques de protection respiratoire, des ingrédients servant à la

14 15

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Tout sur le stockage stratégique, www.ofae.admin.ch > Thèmes > Stockage stratégique (consulté le 10 mars 2022).

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production de levure ou encore des barres d'uranium16. Les réserves complémentaires représentent moins de 10 % des réserves stratégiques17.

Dans les cas où de plus grandes quantités de biens sont nécessaires, le Conseil fédéral peut imposer des réserves minimales aux secteurs concernés18, par exemple aux services de santé, aux hôpitaux et aux établissements médico-sociaux (EMS). En vertu de l'art. 5, al. 4, LAP, le Conseil fédéral peut également obliger les entreprises qui ont une importance particulière pour l'approvisionnement économique du pays à prendre des dispositions pour assurer leurs capacités de production, de transformation et de livraison.

La Confédération peut également créer des incitations financières19 ­ tant lors de la phase préparatoire que durant une pénurie grave ­ afin d'amener des entités privées à prendre certaines mesures. La LAP autorise enfin la Confédération à constituer ses propres réserves20 si les entreprises ne sont pas en mesure de constituer des réserves de biens vitaux ou ne le sont que partiellement.

2.2.2

Pénurie imminente ou déclarée

Dans le cas d'une pénurie imminente ou déclarée au sens de l'art. 2, let. b, LAP, le Conseil fédéral peut orienter la production, promouvoir les importations, restreindre les exportations et orienter l'offre21 en se basant sur l'art. 31 LAP.

Concernant la mise en oeuvre concrète des instruments de l'approvisionnement économique en cas de pénurie imminente ou déclarée, l'OFAE a expliqué à la CdG-N que l'orientation de la production peut toutefois nécessiter une longue phase de préparation en fonction du secteur économique concerné. C'est notamment le cas de la fabrication de médicaments, qui constitue un processus complexe. D'après l'OFAE, il n'est ainsi pas possible, en cas de crise, de mettre en place dans un délai raisonnable les processus de travail nécessaires à la fabrication d'un bien sans capacités de production préexistantes. Les prescriptions concernant l'adaptation de la production conviennent donc plutôt pour des crises durables ou pour corriger des problèmes d'approvisionnement structurels et moins pour une intervention à court ou à moyen terme.

Étant donné que les décisions à cet égard constituent des mesures de politique structurelle, elles ne relèvent a priori pas de la compétence de l'AEP (voir ch. 2.3). D'après l'OFAE, l'objectif de l'AEP n'est pas de mener une telle politique structurelle au motif de vouloir se préparer à une éventuelle situation d'urgence. L'AEP doit donc

16 17 18 19 20 21

Rapport sur l'approvisionnement économique du pays de 2017 à 2020, p. 52, www.ofae.admin.ch > Documents > Documents de référence (consulté le 29 avril 2022).

Tout sur le stockage stratégique, www.ofae.admin.ch > Thèmes > Stockage stratégique (consulté le 10 mars 2022).

Lettre de l'OFAE du 1er octobre 2021, p. 3.

Art. 35 LAP Art. 15 LAP Note de l'OFAE du 24 mars 2021.

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faire preuve d'une certaine retenue quant à la définition des conditions-cadre de politiques sectorielles qui tombent dans le champ de compétence d'autres unités administratives22.

Enfin, en cas de pénurie grave, le Conseil fédéral a également la possibilité d'intervenir sur le marché afin de rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande, par exemple au moyen de mesures de contingentement voire de rationnement. Du fait des limites fixées par le principe de subsidiarité (art. 102 Cst.), de telles ingérences se justifient uniquement en cas de pénurie grave à laquelle l'économie n'est pas en mesure de remédier par ses propres moyens.

2.3

Approvisionnement économique en cas de pandémie

L'OFAE a expliqué ne pas disposer de disposition légale explicite pour les cas de pandémie dans la LAP. Dans le cas d'une épidémie ou d'une pandémie, comme celle du COVID-19, la loi qui s'applique à titre subsidiaire est en effet la LEp, étant donné qu'elle est prévue pour réagir spécifiquement à la situation. Les mesures de l'AEP lorsqu'une pandémie survient se fondent ainsi sur le plan de pandémie de la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP) et de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP)23.

Jusqu'à présent, le plan de pandémie se concentrait sur le virus de la grippe, raison pour laquelle divers biens nécessaires pendant la crise du COVID-19 ne faisaient pas l'objet de stocks.

Si la palette d'instruments de la LEp ne suffit pas, le Conseil fédéral dispose des mesures supplémentaires prévues par la LAP. Contrairement aux instruments de la LEp, ceux de la LAP ne sont pas spécifiquement conçus pour affronter une pandémie.

D'après l'OFAE24, la base légale à appliquer doit donc être examinée au cas par cas: si une mesure est possible en vertu de la loi spéciale, il convient d'appliquer cette dernière. Si, par contre, ni les mesures prises par l'économie ni les instruments prévus par la loi spéciale ne suffisent à garantir l'approvisionnement en biens vitaux, des mesures complémentaires peuvent être prises subsidiairement sur la base de la LAP.

L'OFAE a cependant expliqué à la CdG-N que la constitution de réserves obligatoires n'est pas adaptée à une situation d'urgence doublée d'une explosion des ventes (choc de la demande) ou si un médicament spécifique nécessaire n'est pas encore commercialisé en Suisse25. Dans ce cas-là, c'est la LEp qui s'applique. Le libellé de l'art. 44 LEp ne mentionne cependant que les produits thérapeutiques. La Confédération n'a donc pas pu se fonder sur la LEp pour l'achat de matériel de protection par exemple et elle a donc recouru à la LAP pour ce type de biens.

22 23 24 25

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 2.

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 4.

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 4.

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 4.

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Lors de la dernière révision de la LEp26, le législateur a ainsi tenu compte du fait que les pandémies ne constituent pas un problème «classique» du marché (voir ch. 1.1).

La LAP offre en revanche la possibilité, grâce aux préparatifs comme la constitution de réserves en période normale, d'apporter une contribution au renforcement de la résilience de l'approvisionnement. L'OFAE et l'OFSP ont expliqué que c'est la raison pour laquelle l'art. 44, al. 1, LEp prévoit de manière générale qu'il faut tout d'abord avoir recours aux instruments économiques préventifs de la LAP (voir ch. 2.2.1). Cette contribution est cependant elle aussi souvent limitée, surtout en cas de pandémie.

D'après l'OFAE27, il n'est pas forcément possible de prévoir la crise concrète et d'identifier à l'avance les biens qui feront l'objet d'un choc de la demande (médicaments spécifiques). De plus, il n'est peut-être pas judicieux ­ ni d'un point de vue qualitatif ni d'un point de vue économique ­ d'avoir recours à une mesure préparatoire qui n'est pas défendable en temps normal au vu de l'impossibilité d'assurer le tournus des produits stockés dans des réserves obligatoires par exemple.

Selon la loi appliquée, la responsabilité de la mesure spécifique sera auprès de l'OFSP ou de l'AEP. Ces organes se coordonnent de manière continue.

2.4

Révision de la législation

L'OFAE estime que, du point de vue actuel, la formulation de l'art. 44, al. 1, LEp peut donner lieu à des malentendus concernant les possibilités à disposition de l'AEP28.

L'objectif à l'époque a été, en prévision d'une pandémie de grippe qui se répandrait relativement lentement, de constituer en période normale des réserves de produits thérapeutiques appropriés afin de garantir une «première ligne de défense». Des réserves obligatoires ont surtout été constituées pour des médicaments (Tamiflu, p. ex.). Les réserves obligatoires ­ qui constituent une solution extrêmement avantageuse pour la Confédération au niveau des coûts ­ sont toutefois axées principalement sur les biens (de consommation) dont la rotation peut être assurée et en quantités permettant de couvrir une consommation normale. Par conséquent, l'OFAE considère que des réserves obligatoires spécifiques aux cas de pandémie ne peuvent être constituées que dans une relativement faible mesure dans le cadre du régime de stockage actuel.

L'OFSP a déclaré à la CdG-N qu'une révision de la planification de la gestion de pandémies est prévue ­ tant en ce qui concerne la loi sur les épidémies qu'en ce qui concerne le plan suisse de pandémie. Les premiers travaux ont été lancés et un projet devrait être présenté au Parlement au plus tôt fin 202329. L'OFAE a déclaré qu'il participera activement à l'élaboration des nouvelles normes et plans, en collaboration avec les cantons.

26 27 28 29

Voir le message du Conseil fédéral du 3 décembre 2010 concernant la révision de la loi sur les épidémies (FF 2011 291 376).

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 4.

Note de l'OFAE du 24 mars 2021, p. 5.

BO 2021 E 1165

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3

Préparation concrète des autorités fédérales à une pandémie

Ce chapitre présente les mesures préparatoires générales ou spécifiques de l'approvisionnement économique à une pandémie. Les sous-chapitres suivants abordent en particulier la question des réserves de biens médicaux ­ celles de masques notamment ­ et d'éthanol, car ce sont ces aspects où les plus grands manquements ont été constatés par la CdG-N.

3.1

Réserves obligatoires

L'AEP évalue constamment la pertinence des réserves obligatoires et leur adéquation aux besoins. Ainsi, l'ordonnance sur le stockage obligatoire de médicaments a été mise à jour et complétée en 2016 et en 2020. Des vaccins, des seringues préremplies d'adrénaline et certains produits de contraste ont notamment été soumis à l'obligation de stockage. L'accent a cependant été mis avant tout sur la manière de surmonter la pénurie en cours et non sur la pandémie. En ce qui concerne les biens à stocker en prévision d'une pandémie et leur quantité, les prescriptions de la CFP dans le plan de pandémie s'appliquent.

3.2

Réserves de biens médicaux

Si les médicaments essentiels sont soumis au stockage obligatoire, comme les antibiotiques, les vaccins et les analgésiques forts, ce ne peut être le cas de tous les médicaments pertinents dans le cadre d'une pandémie, d'après l'OFAE30, car en l'occurrence, l'agent pathogène responsable de la pandémie de COVID-19 était alors inconnu et les médicaments nécessaires ne pouvaient être définis comme critiques avant la flambée.

3.3

Réserves de masques

Les masques d'hygiène ordinaires ne sont pas soumis au stockage obligatoire ou à une autre forme de stockage. Dans le cas d'une pandémie, l'OFAE estime que la constitution de telles réserves n'est pas adéquate; la quantité nécessaire est tellement grande qu'un renouvellement suffisant ne peut se faire en temps normal et que de grandes quantités de masques risquent alors de devoir être jetés après leur péremption. Pour cette raison, la Confédération a prévu, dans le cadre du plan de pandémie, de constituer ses propres réserves31. En 2004, la Confédération a constitué un stock initial de 30 millions de masques. La moitié de ces réserves a été distribuée aux cantons lors de 30 31

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

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la pandémie de grippe de 2009 et par la suite, la CFP a décidé de ne pas reconstituer ce stock32.

L'OFAE a déclaré33 que la demande supplémentaire massive de masques en temps de pandémie ne permet pas un stockage par le seul secteur de la santé. En effet, vu le renouvellement nécessaire des stocks, ce dernier ne serait pas en mesure de couvrir l'augmentation des besoins des institutions et de la population qui n'utilisent pas de masques en temps normal. Les quantités proposées dans le plan de pandémie étaient donc basées sur des besoins normaux moyens (quatre mois et demi de consommation moyenne). La rotation de telles quantités pourrait ainsi être assurée sans problème, de sorte que des réserves de marchandises récentes seraient toujours disponibles. Les institutions ayant une surface de stockage insuffisante peuvent aussi faire appel à des tiers ou conclure des accords à ce sujet avec les fournisseurs, la seule condition étant que ce stock soit situé en Suisse. La date de péremption ne joue guère de rôle lorsque la marchandise est stockée pour couvrir une consommation normale allant jusqu'à une année, étant donné que les dates de péremption sont généralement d'environ cinq ans.

L'OFAE a également recensé, en 2016, les réserves de masques et de gants d'examen dans les hôpitaux et les EMS des 26 cantons. Il est alors apparu que les réserves cumulées de masques d'hygiène qui auraient dû être faites selon les recommandations du plan de pandémie étaient dépassées (>160 %), tandis que celles des masques de protection respiratoire (FFP2 et FFP3) n'étaient pas atteintes (65 %)34.

L'OFAE a informé la CdG-N35 que lors de l'établissement du plan suisse de pandémie Influenza, l'AEP avait examiné en détail les différentes possibilités de stockage de masques à l'intention de la CFP. En raison de la complexité du marché (importations par les fabricants, les distributeurs, les coopératives d'achat, les hôpitaux), confier le stockage obligatoire aux importateurs ou à ceux qui mettent en premier le produit en circulation s'est révélé irréalisable. Dans le cadre de l'évaluation des options possibles, le stockage par les utilisateurs a été discuté avec les associations du secteur de la santé et les cantons. Certains cantons n'ont pas cru nécessaire d'accroitre encore leurs stocks de masques d'hygiène et, selon eux,
il fallait plutôt trouver des solutions de répartition homogène dans les cantons et de stockage au niveau de la Confédération. Les cantons se sont opposés à l'introduction de stocks obligatoires en évoquant également la question des coûts. Les discussions avec les institutions de la santé ont clairement montré que les milieux concernés ne soutiendraient pas un stockage obligatoire, mais qu'ils étaient favorables à des recommandations. C'est pourquoi les directives du plan suisse de pandémie Influenza ont été exprimées sous forme de recommandations concrètes sur le stockage individuel des masques et des gants d'examen.

Les institutions de la santé ont été informées des quantités proposées par l'intermédiaire de la correspondance de l'OFAE adressée aux associations concernées. Elles

32 33 34 35

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Lettre de l'OFAE à l'attention de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 1er octobre 2021, p. 1-2.

Note de l'OFSP du 7 juin 2021, partie 3, p. 2.

Lettre de l'OFAE à l'attention de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 1er octobre 2021, p. 1.

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ont été invitées à se préparer en conséquence à une pandémie à l'aide des listes de contrôle figurant dans le plan de pandémie.

L'OFSP a informé la CdG-N36 qu'un contrôle régulier de la conformité de la mise en oeuvre des recommandations par les destinataires n'était pas prévu. L'OFAE avait prévu de vérifier ponctuellement l'application de ces recommandations dans le cadre de la révision du plan de pandémie en 2020. Il devait également se prononcer à cette occasion au sujet de la reconstitution des stocks de la Confédération. Cela n'a toutefois pas été possible en raison de la pandémie de COVID-19.

3.4

Réserves d'éthanol

La presse a mentionné à plusieurs reprises la suppression récente des réserves d'éthanol de la Confédération. Jusqu'à fin 2018, Alcosuisse détenait des réserves d'éthanol sur mandat de la Régie fédérale des alcools. Ces réserves (entre 8 000 et 10 000 tonnes) permettaient de couvrir les besoins courants du pays pendant environ trois mois. En raison de la libéralisation du marché de l'éthanol37, Alcosuisse a été vendue à une entreprise privée au 1er juillet 2018. Dans son message de 201238, le Conseil fédéral jugeait en effet le monopole d'importation de la Confédération dépassé et la sécurité de l'approvisionnement garantie. Une étude sur la suppression du monopole étatique de l'alcool réalisée par KPMG en 200939 estimait que la probabilité de voir apparaître un monopole privé après la libéralisation du marché était très faible, voire négligeable40. La libéralisation a été largement soutenue dans le cadre de la consultation et adoptée à l'unanimité par les Chambres fédérales41.

Début 2019, le marché de l'éthanol a été entièrement libéralisé. L'obligation de stocker, sur mandat de la Confédération, une quantité minimale d'éthanol a ainsi été abolie. Dans ce nouveau contexte, l'AEP a analysé la situation en ce qui concerne l'éthanol en 2019. L'industrie chimique arrivait alors à la conclusion que la gestion de la continuité de l'exploitation (Business Continuity Management) permettait de garantir la disponibilité de l'éthanol nécessaire à la production de ses principaux produits42.

36 37 38 39

40 41 42

Note de l'OFSP du 7 juin 2021, partie 3, p. 2.

Modification du 30 septembre 2016 (RO 2017 777) de la loi fédérale du 21 juin 1932 sur l'alcool (LAlc; RS 680).

Message du 25 janvier 2012 concernant la révision totale de la loi sur l'alcool (Loi sur l'imposition des spiritueux et loi sur le commerce de l'alcool) (FF 2012 1111).

Thomas, M. & Harsch, I. (KPMG). (2009). Ethanolmarkt - Aufhebung des Schweizer Alkoholmonopols. Analyse des derzeitigen Marktumfeldes und des erwarteten Einflusses einer Liberalisierung.

Marché de l'éthanol - suppression du monopole suisse de l'alcool, p. 31 (disponible uniquement en allemand.

BO 2016 N 1048, BO 2016 E 709 Rapport 2019 sur le stockage stratégique, p. 48, www.ofae.admin.ch > Documents > Documents de référence (consulté le 29 avril 2022).

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L'OFAE a expliqué43 que, les milieux économiques étant les premiers responsables de l'approvisionnement en biens et services de première nécessité, l'idée était de laisser au marché le temps de se reconstruire. Toutefois, en 2020, Alcosuisse disposait d'environ 80 à 87 % des parts de marché44.

En ce qui concerne les désinfectants, il y a eu une pénurie à court terme en début de pandémie, d'une part en raison de l'augmentation de la demande et, d'autre part, en raison de l'arrivée de nouveaux producteurs sur le marché. L'organe de réception des notifications de produits chimiques (organe commun de l'Office fédéral de l'environnement [OFEV], de l'OFSP et du Secrétariat d'État à l'économie [SECO] pour les notifications et les homologations des produits chimiques) a en effet émis une dérogation permettant aussi aux pharmacies, par exemple, de produire des désinfectants, ce qui a entraîné une pénurie d'éthanol. L'OFAE a rappelé à cet égard que les clients traditionnels d'Alcosuisse n'ont pas été touchés par la pénurie, qui a concerné uniquement les producteurs nouvellement arrivés sur le marché.

Les enseignements tirés de la pandémie de COVID-19 ont confirmé l'importance de disposer d'éthanol en quantité suffisante. Le Conseil fédéral a donc décidé d'une solution transitoire visant à garantir des réserves d'éthanol suffisantes à court terme.

À la session d'automne 2020, le Parlement a voté les crédits nécessaires.

Parallèlement, depuis 2020, se déroulent les premiers travaux préparatoires concernant le stockage obligatoire de l'éthanol, donnant suite à l'adoption par le Parlement de la motion 20.344845. Il s'agissait d'élaborer une ordonnance du Conseil fédéral basée sur la loi sur l'approvisionnement du pays (LAP). Au vu des réactions négatives relatives à l'introduction d'un stockage obligatoire lors de la consultation, le Conseil fédéral renonce à cette solution et demandera au Parlement, compte tenu de la structure particulière du marché de l'éthanol, un crédit d'engagement pour un contrat de garantie avec Alcosuisse AG pour les années 2023 à 2027 en vue de poursuivre le stockage de 6000 tonnes d'éthanol46.

4

Mesures d'approvisionnement économique durant la pandémie de COVID-19

Sur la base des mesures préparatoires basées sur la LAP et le plan suisse de pandémie (voir ch. 3), l'AEP a pris un certain nombre de décisions au printemps 2020. Le présent chapitre aborde ces mesures, et plus particulièrement l'organisation de crise de l'AEP (4.1), la répartition des responsabilités entre unités administratives (4.2) et les mesures relatives à l'approvisionnement (4.3­4.6). Concernant ces derniers points, la

43 44 45 46

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 oc-tobre 2020 (audition de l'OFAE).

Mo. Conseil national (Michaud Gigon). «Pour une reconstitution des réserves obligatoires d'éthanol en Suisse» (20.3448).

Réserves d'éthanol en Suisse: le Conseil fédéral en faveur d'un contrat de cinq ans avec Alcosuisse, communiqué de presse du Conseil fédéral du 11 mars 2022.

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CdG-N s'est fait informer largement sur les mesures prises par l'AEP et a par la suite choisi de se concentrer sur la question des biens médicaux.

4.1

Organisation de crise relative à l'AEP

Du point de vue de l'OFAE47, l'AEP est une organisation de crise, qui est donc toujours prête à faire face à des situations d'urgence. À l'étonnement de la CdG-N, l'OFAE a néanmoins déclaré que cela ne valait pas pour des évènements ayant l'ampleur de la crise actuelle.

L'AEP a convoqué son état-major de crise à partir de février 2020. Ce dernier a procédé quotidiennement, puis à une cadence plus espacée, à des évaluations de la situation tout en impliquant l'organisation de milice de l'AEP concernée. Lors de la première vague, les réunions ont eu lieu presque tous les jours, week-end y compris. Plus tard durant la crise, les échanges de l'état-major ont eu lieu à un rythme hebdomadaire.

Cet état-major de crise est resté actif jusqu'à aujourd'hui.

L'état-major de crise de l'AEP est dirigé par un collaborateur de l'OFAE. Ses membres étaient à l'origine seulement la cheffe et les chefs des secrétariats qui s'occupent des six domaines de l'AEP48. Désormais, les responsables de domaines siègent eux aussi dans l'état-major de crise. En dehors de cet organe de crise, le délégué s'entretient également toutes les semaines avec les six chefs de domaine de l'AEP afin de permettre une évaluation de la situation.

Par ailleurs, l'OFAE siège au sein des groupes de travail de la Confédération consacrés à l'achat de matériel de protection et de médicaments contre le COVID-19. Après la première vague, le groupe de travail interdépartemental concernant les biens médicaux a été créé et un collaborateur de l'OFAE y siégeait49.

Suite à l'activation de l'État-major fédéral Protection de la population50, l'OFAE y a été représenté par le directeur adjoint de manière permanente au sein de la conférence des directeurs. Lors de la première vague en particulier, des informations ont été communiquées régulièrement sur la situation en matière d'approvisionnement. L'OFAE a été également impliqué dans les rapports ayant trait à la gestion de la crise. L'OFAE estime avoir pu profiter de l'échange d'information dans le cadre de cet organe.

L'OFAE n'était pas directement représenté au sein de l'État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus (EMCC), mais son département de tutelle, le DEFR y siégeait.

47 48

49 50

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 24 mars 2021 (audition de l'OFAE).

Ces six domaines ont à leur tête des responsables AEP issus des milieux économiques, qui procèdent à l'évaluation de la situation et transmettent leurs conclusions à l'organisation de crise par le biais de la cheffe et des chefs de secrétariat. Ces conclusions sont alors réunies et analysées. Si des mesures s'avèrent nécessaires, les décisions sont prises à l'échelon concerné, au niveau du domaine ou au niveau de l'AEP ou sont proposées au chef de département ou au Conseil fédéral.

Art. 12 de l'ordonnance 3 du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 3 COVID-19; RS 818.101.24).

Ordonnance du 2 mars 2018 sur l'État-major fédéral Protection de la population (OEMFP; RS 520.17).

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4.2

Décision relative à la répartition des responsabilités entre unités administratives

Du point de vue de l'OFAE51, les compétences concernant l'achat de médicaments et de matériel de protection sont clairement et adéquatement réglées dans la LEp. Des dispositions plus spécifiques ont été édictées en complément et selon les besoins spécifiques de la situation, dans la loi COVID-1952.

La répartition concrète des compétences pour la gestion du matériel durant la crise a en revanche été discutée au niveau des départements, entre le DFI et le DEFR.

L'OFSP a expliqué53 que, comme les bases pour les achats nécessaires en cas d'urgence figuraient plutôt dans la LEp que dans la LAP, il a été décidé au niveau des secrétariats généraux de confier au DFI la direction des opérations. De plus, l'OFAE ne disposant pas de licence pour le commerce de gros et au vu de la taille limitée de l'unité administrative, il ne lui était pas possible de prendre ce rôle. Il était également important que les achats et la distribution puissent être coordonnés avec les besoins sanitaires et que l'organe compétent dispose directement des informations correspondantes. Pour cette raison, il a été décidé que le DFI serait responsable de la gestion, l'OFAE du monitorage et l'OFSP des achats. L'OFSP s'est vu attribuer les compétences correspondantes dans l'ordonnance 2 COVID-19 en date du 3 avril 202054.

Il a également été décidé d'activer la Gestion fédérale des ressources (ResMaB)55, rattachée à l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP). Cet organe était chargé de la coordination.

4.3

Médicaments

Dès le début de la crise du COVID-19, la Confédération a assuré la coordination et soutenu les cantons de manière subsidiaire dans l'achat de médicaments et d'équipements de protection personnels. À titre d'exemple, le domaine de l'AEP «Produits thérapeutiques» a recommandé aux cantons d'évaluer leurs stocks de masques en janvier 2020 déjà. Le rôle de coordination de la Confédération a été renforcé par l'ordonnance 3 COVID-19 du 19 juin 202056. Cette dernière contient notamment la liste des médicaments et dispositifs médicaux importants, dont le stock en Suisse doit faire 51 52 53 54 55

56

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 24 mars 2021 (audition de l'OFAE).

Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (Loi COVID-19; RS 818.102) Lettre de l'OFSP du 4 février 2021.

Modification de l'ordonnance du 3 avril 2020 (Approvisionnement en biens médicaux importants), en vigueur du 4 avr. 2020 au 22 juin 2020 (RO 2020 1155).

La ResMaB coordonne en situation extraordinaire l'engagement des ressources disponibles en mettant en relation demandes et offres d'aide. L'organisation travaille en partenariat avec les états-majors de conduite cantonaux, des services fédéraux, les exploitants d'infrastructures critiques, des entreprises privées, des gouvernements étrangers ainsi que des organisations internationales; www.babs.admin.ch > Autres domaines d'activités > Gestion fédérale des ressources (consulté le 3 mars 2022).

Art. 16 de l'ordonnance 3 du 19 juin 2020 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) (Ordonnance 3 COVID-19; RS 818.101.24).

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l'objet d'un suivi ainsi que ceux qui doivent être acquis et gérés de manière coordonnée et, si nécessaire, livrés aux cantons. Un groupe de travail «GT Médicaments de la taskforce OFSP COVID-19» a été constitué à cette fin, réunissant des délégations de l'OFAE, de Swissmedic, de la Pharmacie de l'armée, parfois des pharmaciens cantonaux et de l'OFSP, qui en assume la direction57.

L'OFSP et l'OFAE ont assuré cet approvisionnement durant le printemps 2020 en collaboration avec Swissmedic, l'industrie, l'Association suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux (GSASA) ainsi que 1'Association des pharmaciens cantonaux (APC). Pour ce faire, différentes mesures ont été prises58. Un système de déclaration de surveillance numérique des stocks a été développé en collaboration avec une société de conseil, dans lequel les fournisseurs, tout comme les hôpitaux, doivent déclarer leurs stocks chaque semaine. Le Conseil fédéral prévoit de continuer la réflexion visant à numériser cette surveillance des stocks. L'OFSP a également défini les besoins pour la disponibilité des médicaments, en collaboration avec les sociétés médicales. Pour les produits thérapeutiques dont l'approvisionnement ne pouvait pas être assuré par l'économie, l'OFSP a parfois conclu des accords avec les fabricants, que ce soit pour définir des garanties d'achat, pour augmenter les capacités de production ou pour les stocker en conséquence et a parfois acquis des médicaments directement lui-même en collaboration avec la Pharmacie de l'armée.

4.4

Matériel de protection

Le Conseil fédéral n'avait, comme précisé plus haut (ch. 2.3), pas soumis le matériel de protection au stockage obligatoire. En raison de l'évolution de la situation en Italie, des informations ont été envoyées aux hôpitaux et aux cantons à la mi-février 2020 concernant l'obligation de constituer des stocks selon le plan suisse de pandémie Influenza. L'OFAE a rappelé aux hôpitaux et aux autres institutions du système de santé que les biens mentionnés dans les recommandations du plan de pandémie59 devraient faire l'objet de réserves.

S'agissant des masques de protection respiratoire, l'OFAE avait conclu des contrats avec trois fournisseurs afin de constituer des réserves complémentaires pour un total de 170 000 exemplaires avant la pandémie. Ces réserves complémentaires de masques FFP2 et FFP3 ont été libérées, d'entente avec les entreprises concernées, et ont été vendues à la Pharmacie de l'armée, puis délivrées aux cantons via la Gestion fédérale des ressources. Cela avait pour but de couvrir leurs besoins immédiats. Il s'agissait d'une solution complémentaire aux réserves des hôpitaux, des EMS et autres institutions médicales, telles que recommandées par la Confédération (voir ch. 3.2). Cette réserve avait été prévue pour le personnel de soin et non pour assurer un approvisionnement plus large.

57

58 59

Lettre du Conseil fédéral à l'attention de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) du 14 octobre 2020; Communiqué de presse de la CSSS-E du 4 septembre 2020, www.parlement.ch > Services > Actualités (consulté le 8 avril 2022).

Note de l'OFSP du 7 juin 2021, partie 3, p. 3-4.

Plan suisse de pandémie Influenza, p. 59-60.

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L'explosion de la demande en désinfectant pour les mains, matériel de protection, matériel médical et médicaments n'était pas prévisible dans cette ampleur, selon l'OFAE, et s'explique entre autres par les stocks insuffisants détenus par les institutions et la ruée sur les produits qui s'en est ensuivie.

L'OFAE a informé la CdG-N60 que la Confédération a reconstitué des réserves de masques au cours de l'année 2020, afin de couvrir les besoins pour 40 jours en cas d'une nouvelle vague de COVID-19. Les cantons étaient également tenus de constituer des stocks pour quarante jours.

4.5

Approvisionnement en médicaments et restrictions à la remise

Depuis septembre 2015, les pénuries de médicaments touchant des principes actifs vitaux doivent être notifiées au Bureau de notification des produits thérapeutiques61, dirigé par l'AEP, qui analyse les déclarations reçues concernant des pénuries et des ruptures de stock. Cette mesure permet à la Confédération de surveiller l'état de l'approvisionnement. L'OFAE procède également régulièrement à des sondages sur les stocks auprès des titulaires d'autorisations. En l'occurrence, ce monitorage a été élargi aux médicaments pertinents contre le COVID-1962, ce qui a permis de les distribuer aux hôpitaux selon le besoin.

Mi-mars 2020, l'ordonnance sur la restriction à la remise de médicaments a été adoptée par le Conseil fédéral63 afin d'assurer une distribution équitable de la population.

Dans le domaine des médicaments à usage humain, le marché a été approvisionné pour environ vingt produits par des libérations de réserves obligatoires.

4.6

Mesures dans le domaine alimentaire et logistique

Le domaine de l'AEP «Alimentation» a analysé la situation sur la base de données provenant des cadres de milice du secteur privé et d'autres unités administratives.

L'OFAE a informé la CdG-N que l'approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité est resté garanti tout au long de la crise. Les étals qui se trouvaient parfois vides dans certains magasins en début de crise étaient le fait d'une demande anormalement forte, momentanée, en raison de la crainte de consommateurs de manquer de produits de première nécessité. Des mesures dans le domaine de l'approvisionnement en denrées alimentaires, comme la libération de réserves obligatoires et la réduction des quantités vendues, ont été préparées, mais n'ont pas été nécessaires.

60 61 62 63

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Voir l'ordonnance du 12 août 2015 sur le bureau de notification pour les médicaments vitaux à usage humain (RS 531.215.32).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

Ordonnance du 18 mars 2020 sur la restriction à la remise de médicaments ([RS 531.215.33] RO 2020 833), abrogée avec effet au 19 septembre 2020.

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L'OFAE n'a pas identifié, au fil de la crise, de problème particulier d'approvisionnement que ce soit en lien avec la production, l'importation ou la transformation des denrées alimentaires. Il n'a d'ailleurs pas été nécessaire de prendre des mesures particulières dans le secteur alimentaire.

Les hausses de la demande à court terme ont néanmoins provoqué des difficultés logistiques en début de crise, raison pour laquelle l'Office fédéral des routes (OFROU) a décidé64, en collaboration avec l'OFAE et les délégués cantonaux de l'AEP, de lever provisoirement l'interdiction de circuler le dimanche et de nuit pour les véhicules motorisés lourds destinés au transport des marchandises65, 66. L'OFAE a fourni des attestations s'appuyant sur la décision de l'OFROU.

5

Leçons tirées de la pandémie de COVID-19 pour l'approvisionnement économique et appréciation de la CdG-N

Dans ce chapitre, la CdG-N présente d'une part les leçons que les autorités fédérales tirent elles-mêmes de la pandémie de COVID-19 pour l'approvisionnement économique. Par la suite, la CdG-N évalue les différentes mesures présentées dans les précédents chapitres.

5.1

Bases légales et révision prévue

La CdG-N a pris connaissance avec satisfaction du fait que des réflexions concernant les bases légales relatives à l'approvisionnement économique du pays en cas de pandémie, la LEp et le plan de pandémie aient été lancées par le Conseil fédéral, afin que les conclusions tirées de la gestion de la pandémie de COVID-19 y soient intégrées.

La CdG-N estime important, dans ce cadre, que les compétences soient définies sans ambiguïté et que le champ d'application des bases légales soit délimité de la manière la plus claire possible. Dans ce cadre, des prescriptions plus contraignantes pour le plan de pandémie devront être formulées67, 68.

La CdG-N estime que l'articulation de la LAP et la LEp en phase de préparation de pandémie et en cas effectif de pandémie est complexe. Elle se demande néanmoins si certains points pourraient être clarifiés. La CdG-N estime par exemple qu'il n'est pas adéquat que l'art. 44 LEp ne soit applicable que pour l'approvisionnement en produits thérapeutiques et non pour le matériel de protection.

64 65 66 67 68

Décision de l'OFROU du 20 mars 2020.

Art. 2, al. 2, de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01).

Art. 91, al. 1 à 3, de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 24 mars 2021 (audition de l'OFAE).

Rapport de l'OFAE du 19 mai 2021 sur l'approvisionnement économique du pays de 2017 à 2020, p. 20.

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Recommandation 1

Élargir la portée de l'art. 44 de la loi sur les épidémies

La CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier l'opportunité d'élargir la portée de l'art. 44 de la loi sur les épidémies (RS 818.101) afin que cette disposition couvre l'approvisionnement de l'ensemble des biens médicaux nécessaires en cas d'épidémie.

5.2

Stockage obligatoire

5.2.1

Stockage obligatoire en général

Du point de vue de l'OFAE, la pandémie de COVID-19 appelle un nouvel examen du stockage stratégique des biens de première nécessité. Fin 2020, le Parlement a d'ailleurs adopté la motion 20.319769 demandant un réexamen du système des réserves obligatoires. L'OFAE a expliqué qu'il convient d'examiner si des mesures sont nécessaires dans les domaines des dispositifs médicaux, des équipements de protection et des désinfectants. Les quantités qui peuvent être stockées sont cependant limitées par le système lui-même, étant donné que les réserves obligatoires doivent régulièrement être renouvelées.

Des réserves couvrant plus que les besoins courants ne peuvent être constituées uniquement sur la base du stockage obligatoire. D'autres instruments existent à cette fin, comme la conclusion de contrats de stockage avec des entreprises sur une base volontaire, l'obligation pour certaines entreprises de constituer des stocks minimaux, la constitution de réserves par la Confédération ou le développement de capacités de production domestiques.

La CdG-N salue le réexamen prévu du stockage obligatoire et s'informera en temps utile à ce sujet.

5.2.2

Stocks de biens médicaux

L'OFAE a déclaré70 qu'il procédera à une mise à jour de la gestion des stocks de biens médicaux sur la base de la révision du plan de pandémie, dans la mesure où la LAP le permet. Cette mise à jour devra avoir lieu en collaboration entre le DEFR, le DFI et le DDPS.

Afin de garantir à l'avenir l'approvisionnement nécessaire en cas de pandémie tout en maintenant les coûts à un niveau aussi bas que possible, l'AEP estime qu'elle devra également évaluer avec la CFP à quels niveaux le stockage pourra avoir lieu (Confédération, cantons, organisations de la santé). L'OFAE a reconnu que, du point de vue d'aujourd'hui, certaines faiblesses des arguments de l'époque apparaissent toutefois 69 70

Mo. Conseil national (Burgherr) «Réexamen du système des réserves obligatoires» (20.3197).

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 5 octobre 2020 (audition de l'OFAE).

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aux yeux des parties concernées. A posteriori, l'OFAE estime également que les réserves constituées par les institutions de la santé étaient en grande partie insuffisantes71 et que le manque de préparation n'est devenu visible qu'à l'arrivée de la pandémie de COVID-19. L'OFSP a expliqué avoir plaidé déjà à l'époque en faveur de prescriptions obligatoires72.

L'OFAE a cependant relevé que même si les réserves étaient considérablement augmentées, elles ne permettraient pas de couvrir la totalité des besoins pendant une longue pandémie, car il ne serait pas possible d'assurer la rotation de grandes quantités, et leur stockage occasionnerait des coûts récurrents élevés. Les recommandations générales concernant les masques ne se sont d'ailleurs jamais basées sur l'hypothèse du port du masque généralisé, mais seulement pour les personnes symptomatiques. À la lumière de la crise, l'OFAE réexaminera, avec les associations et les institutions de la santé, les possibilités d'introduire des réserves minimales pour ces dernières.

En revanche, l'OFAE estime qu'il serait possible de constituer des réserves de sorte à pouvoir garantir l'approvisionnement lors d'une première vague épidémique et, parallèlement, acquérir au besoin des marchandises supplémentaires. Ce type de mesures seront évaluées dans le cadre de la révision du plan de pandémie (voir ch.

2.4).

En résumé, il y a lieu de constater, d'après l'OFAE73, que les cantons et les hôpitaux n'ont pas mis en oeuvre correctement les recommandations de la CFP concernant le matériel de protection. L'OFAE en conclut que le plan de pandémie doit être adapté et surtout devenir contraignant. La mise en oeuvre des recommandations devrait également être contrôlée. L'OFAE estime également, en ce qui concerne les produits nécessaires en cas de maladies infectieuses, que la CFP devra se demander quels produits doivent faire l'objet de réserves. L'OFAE clarifiera ensuite de quelle manière ces réserves peuvent être constituées.

La CdG-N salue le fait qu'un examen du stockage de biens médicaux soit prévu. La CdG-N a pris connaissance des raisons qui ont amené le Conseil fédéral à ne pas soumettre les institutions de la santé à des réserves minimales par le passé et pour lesquelles les directives du plan de pandémie n'avaient pas été déclarées contraignantes.

Elle regrette
cependant cette décision de l'époque alors même que l'OFSP s'était prononcé en faveur de prescriptions obligatoires. Elle considère en effet que plus d'importance aurait dû être accordée par l'AEP aux considérations de santé publique face aux oppositions des associations du secteur de la santé et des cantons74. Elle prend

71 72 73 74

Lettre de l'OFAE à l'attention de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 1er octobre 2021, p. 2.

Note de l'OFSP du 7 juin 2021, partie 3, p. 1.

Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFF/DEFR de la CdG-N du 24 mars 2021 (audition de l'OFAE).

Voir aussi Évaluation de la gestion de la crise COVID-19 jusqu'à l'été 2021, rapport final d'Interface du 4 février 2022 remis à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), www.ofsp.admin.ch > Maladies > Maladies infectieuses: flambées, épidémies, pandémies > Flambées et épidémies actuelles > Coronavirus > Situation en Suisse > Gestion de crise (consulté le 3 juin 2022); Évaluation de la gestion de la crise du COVID-19: recommandations à l'Office fédéral de la santé publique, communiqué de presse du Conseil fédéral du 26 avril 2022.

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néanmoins note avec satisfaction du fait que l'OFAE estime actuellement que certaines prescriptions du nouveau plan de pandémie devraient être déclarées contraignantes et que la mise en oeuvre des recommandations devrait être contrôlée.

Recommandation 2

Caractère contraignant des prescriptions du futur plan de pandémie

La CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier dans quelle mesure les prescriptions du futur plan de pandémie devraient être déclarées contraignantes. Dans ce cadre, il s'agira de donner plus de poids que par le passé aux considérations relatives à la santé publique.

Recommandation 3

Mise en oeuvre adéquate des prescriptions et recommandations du plan de pandémie et contrôle de la mise en oeuvre

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'assurer, dans le futur, que les prescriptions et recommandations du plan de pandémie soient mises en oeuvre de manière adéquate et contrôlées en conséquence. Si les recommandations ne sont pas mises en oeuvre, le Conseil fédéral devra envisager des mesures plus contraignantes ou d'autres types de mesures.

En ce qui concerne les médicaments nécessaires dans le cas de maladies contagieuses, la CdG-N estime, tout comme l'OFAE, qu'une réflexion devra être menée sur les produits qui devront être stockés à l'avenir. Elle considère que le Conseil fédéral devra apprécier l'opportunité de revoir l'éventail des produits thérapeutiques concernés et, le cas échéant, étoffer cette liste. Pour la commission, il n'est par exemple pas compréhensible que les analgésiques et antiinflammatoires n'aient pas fait l'objet d'une forme de stockage obligatoire ou de réserves minimales et que le Conseil fédéral ait dû, au printemps 2020, restreindre leur remise, alors même qu'on peut raisonnablement penser qu'ils sont utiles dans le cadre de n'importe quelle pandémie.

Recommandation 4

Adéquation du stockage actuel de produits thérapeutiques

La CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier l'adéquation de l'éventail des produits thérapeutiques qui devront être stockés à l'avenir et s'il faudrait y intégrer d'autres produits thérapeutiques d'usage général utiles en cas de pandémie.

La CdG-N a également constaté que la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie, responsable de conseiller l'administration fédérale dans la préparation à des pandémies, est composée d'experts issus des domaines de l'épidémiologie, des sciences naturelles, de la médecine, de la communication et d'autres disciplines importantes pour la préparation et la gestion en cas de pandémie, mais d'aucun expert de l'approvisionnement en matière de produits thérapeutiques.

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La CdG-N a été informée que le rôle de la CFP en cas de pandémie doit être redéfini75 et salue le fait que ces réflexions soient lancées. La CdG-N se demande s'il serait utile, dans le cadre de cette analyse, d'étudier si des spécialistes de l'approvisionnement en matière de produits thérapeutiques devraient directement être représentés au sein de la CFP ou d'autres organes.

Recommandation 5

Composition de la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP)

La CdG-N invite le Conseil fédéral à étudier ­ dans le cadre des travaux menés sur le rôle que cette commission devrait avoir à l'avenir dans la préparation et la gestion en cas de pandémie ­ si la composition de la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP) devrait être élargie afin d'intégrer des spécialistes disposant d'autres compétences importantes en cas de pandémie, tels que des spécialistes de l'approvisionnement économique.

5.3

Coordination et collaboration entre unités administratives

Au début de la pandémie, le DEFR et le DFI ont dû définir la répartition des responsabilités relatives à la gestion du matériel, ce qui montre, du point de vue de la CdGN, que le champ de compétence respectif des différentes unités administratives n'était auparavant pas défini suffisamment clairement.

Du point de vue de la CdG-N, si la répartition des compétences entre l'OFAE, l'OFSP et la CFP pourrait être plus clairement définie s'agissant par exemple du stockage de masques, elle estime surtout que la responsabilité de la direction des opérations doit être définie sans ambiguïté, avant que les situations de crise ne surviennent.

Des divergences de point de vue entre la Confédération et les cantons ont également pu rendre la coordination et la formulation de recommandations claires plus difficile.

La CdG-N estime ainsi d'autant plus important que la direction des opérations et le pilotage soit consolidés au niveau de la Confédération afin que la position vis-à-vis des cantons et d'autres institutions soit claire.

La CdG-N estime qu'il serait important que le Conseil fédéral examine s'il y a lieu de redéfinir ou de clarifier les compétences des différents offices concernant la gestion du matériel, en particulier en cas de crise. La CdG-N estime important, dans un tel cas, d'éviter une trop grande dilution des responsabilités, afin d'assurer un pilotage conséquent et efficace.

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Procès-verbal de la séance de la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-N du 28 septembre 2020 (audition de l'OFSP).

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Recommandation 6

Redéfinir ou clarifier les compétences des unités administratives concernant la gestion du matériel

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner s'il y a lieu de clarifier ou de redéfinir les compétences des différentes unités administratives concernant la gestion du matériel ­ en particulier en cas de crise ­ et définir quelle unité administrative est responsable de la direction des opérations dans quel cas.

5.4

Provisions domestiques

La CdG-N a été informée du fait que l'approvisionnement de certains biens n'est que difficilement réalisable par le biais de stockage obligatoire. À titre d'exemple, la quantité nécessaire de masques d'hygiène en cas de port généralisé est tellement grande qu'un renouvellement suffisant ne peut se faire en temps normal et que de grandes quantités de masques risquent alors de devoir être jetées après leur péremption.

L'OFAE recommande aux particuliers la constitution de réserves domestiques pour certains produits76 et parmi ceux-ci figurent notamment 50 masques d'hygiène par personne et du désinfectant. Dans une étude de 2018 menée par Agroscope77, il s'avère que près d'un tiers de la population n'atteint pas la durée recommandée de 7 jours minimum en provision. L'étude n'aborde pas la question des masques, mais il serait utile, du point de vue de la CdG-N, de renforcer cette mesure dans l'optique de la préparation à une pandémie. D'après une étude de 2021 menée également par Agroscope78, 32% seulement des personnes interrogées connaissaient les recommandations de l'OFAE avant la pandémie. Si la pandémie semble avoir sensibilisé en partie la population aux recommandations (16,9 % des personnes interrogées), plus de la moitié des personnes ne les connait toujours pas après la pandémie.

Pour ces raisons, la CdG-N estime qu'il serait nécessaire que la communication relative à ces recommandations soit plus offensive. Elle estime en effet important de sensibiliser activement la population à ce sujet, d'autant plus que suite à la pandémie, la population est probablement plus ouverte à cette problématique. Dans ce cadre, la commission estime que les denrées et biens à stocker devraient également être réévalués.

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78

Des provisions... providentielles, brochure de l'OFAE, www.ofae.admin.ch > Thèmes > Provisions domestiques (consulté le 8 avril 2022).

Zimmermann, A. & Pescia, G. (2018). Notvorrat: aktuelle Situation und Einflusskriterien.

Agroscope Science Nr. 71, Ettenhausen. www.ofae.admin.ch > Thèmes > Provisions domestiques (consulté le 8 avril 2022).

Ritzel, C. (2021). Der Notvorrat der Schweizer Bevölkerung vor, während und nach der Covid-19-Pandemie. Agroscope Science Nr. 116, Ettenhausen, www.ofae.admin.ch > Thèmes > Provisions domestiques (consulté le 8 avril 2022).

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Recommandation 7

Améliorer la communication sur les recommandations relatives aux provisions domestiques

La CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre des mesures adéquates ­ en matière de communication par exemple ­ afin d'améliorer la manière dont les recommandations relatives aux provisions domestiques sont suivies au sein de la population.

Dans ce cadre, le Conseil fédéral étudiera également si les recommandations relatives aux provisions domestiques doivent être adaptées.

6

Suite des travaux

La CdG-N invite le Conseil fédéral à prendre position sur le présent rapport d'ici au 9 décembre 2022. Elle le prie également d'indiquer au moyen de quelles mesures et dans quels délais il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

9 septembre 2022

Pour la Commission de gestion du Conseil national: La présidente, Prisca Birrer-Heimo La secrétaire, Ursina Jud Huwiler La présidente de la sous-commission DFF/DEFR, Yvonne Feri Le secrétaire de la sous-commission DFF/DEFR, Pierre-Alain Jaquet

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Abréviations AEP APC CdG CdG-N CFP

Approvisionnement économique du pays Association des pharmaciens cantonaux Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil national Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie Ch.

Chiffre COVID-19 Coronavirus disease 2019; maladie à coronavirus 2019 CSSS-E Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101) DDPS Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports DEFR Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DFF Département fédéral des finances DFI Département fédéral de l'intérieur ElCom Eidgenössischen Elektrizitätskommission; Commission fédérale de l'électricité EMCC État-major du Conseil fédéral chargé de gérer la crise du coronavirus EMS Établissement médico-social FF Feuille fédérale FFP2/FFP3 Filtering Face Piece (le chiffre correspond à la classe de protection) GSASA Association suisse des pharmaciens de l'administration et des hôpitaux LAP Loi fédérale du 17 juin 2016 sur l'approvisionnement économique du pays (Loi sur l'approvisionnement du pays; RS 531) LEp Loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme (Loi sur les épidémies; RS 818.101) OAEP Ordonnance du 10 mai 2017 sur l'approvisionnement économique du pays (RS 531.11) OEMFP Ordonnance du 2 mars 2018 sur l'État-major fédéral Protection de la population (RS 520.17) OFAE Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays OFPP Office fédéral de la protection de la population OFROU Office fédéral des routes OFSP Office fédéral de la santé publique PITF Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances ResMaB Ressourcenmanagement Bund, Gestion fédérale des ressources RO Recueil officiel du droit fédéral RS Recueil systématique du droit fédéral suisse 26 / 28

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SECO Secrétariat d'État à l'économie Swissmedic Institut suisse des produits thérapeutiques OCR Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (RS 741.11)

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