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ad 15.455 Initiative parlementaire Éviter les sous-locations abusives Rapport du 18 août 2022 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national Avis du Conseil fédéral du 19 octobre 2022

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 18 août 2022 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant l'initiative parlementaire 15.455 «Éviter les sous-locations abusives»1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 octobre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

Le 18 juin 2015, l'ancien conseiller national Hans Egloff a déposé l'initiative parlementaire 15.455 «Empêcher les sous-locations abusives» dans le but de modifier et de compléter l'art. 262 du code des obligations (CO)2. Il est prévu que le locataire ne puisse plus sous-louer tout ou partie de l'objet loué sans le consentement écrit du bailleur. En outre, le locataire est appelé à remettre au bailleur une demande écrite de sous-location dont le contenu est précisé par la loi, à moins que les parties ne soient convenues par écrit de dispositions différentes. Pour ce qui a trait à des changements intervenant pendant la durée de la sous-location, le locataire garde un devoir d'information vis-à-vis du bailleur. L'énumération des motifs autorisant le bailleur à refuser son accord ne doit plus être exhaustive mais revêtir un caractère indicatif. En outre, le bailleur doit pouvoir refuser de donner son accord à une sous-location dont la durée prévue est supérieure à deux ans. Enfin, l'art. 262 CO doit prévoir un droit extraordinaire de résiliation reconnu au bailleur après une protestation écrite demeurée sans effet.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a décidé le 12 mai 2016 de donner suite à l'initiative parlementaire par 15 voix contre 10. Pour sa part, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a refusé le 30 août 2016, par 5 voix contre 4 et 1 abstention, de se rallier à son homologue. Le Conseil national a décidé, le 13 mars 2017, par 109 voix contre 77 et 2 abstentions, de donner suite à l'initiative parlementaire, la CAJ-E se prononçant dans le même sens le 25 avril 2017, par 6 voix contre 3 et 1 abstention. Dès lors, la CAJ-N a été chargée d'élaborer un projet dans un délai de deux ans. Le 22 mars 2019, le Conseil national a prolongé le délai de traitement du dossier jusqu'à la session de printemps 2021. Ce délai a été prolongé de deux années supplémentaires le 19 mars 2021.

La CAJ-N a entamé les travaux de mise en oeuvre de cette initiative parlementaire ainsi que de trois autres initiatives parlementaires (16.458 Vogler «Majoration échelonnée de loyer. Non aux formulaires inutiles», 16.459 Feller «Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique») et 18.475 [Merlini] Markwalder «Résiliation du bail en cas de besoin
du bailleur ou de ses proches. Simplifier la procédure») lors de sa séance du 5 février 2021. Elle a alors décidé de regrouper ces quatre initiatives parlementaires en une seule procédure comportant trois projets d'acte. L'avant-projet relatif à la sous-location a porté également sur la réglementation de la location dans le cadre du bail à ferme selon l'art. 291 CO (sous-affermage). Les avant-projets relatifs à la résiliation du bail pour besoin propre et à la sous-location ont fait l'objet de plusieurs propositions de minorité.

Dès lors, les bases étaient jetées pour mener une procédure de consultation sur trois avant-projets distincts. Ouverte par la CAJ-N le 6 septembre 2021, la consultation relative aux avant-projets visant la mise en oeuvre des quatre initiatives parlementaires a pris fin le 6 décembre 2021. Elle a donné lieu à 64 avis, dont 60 argumentés.

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Les participants à la consultation ont pu s'exprimer sur les avant-projets relatifs à deux articles de loi comptant chacun six alinéas, ainsi que sur une proposition de minorité recommandant de ne pas entrer en matière et sept autres propositions de minorité se rapportant à ces articles de loi. De nombreux avis formulent des propositions, remarques et ajouts, qui sont détaillés dans le rapport sur les résultats de la consultation.

En résumé, il s'en dégage le tableau suivant, qui ne reprend pas ces propositions, remarques et ajouts, mais mentionne le nombre global des avis transmis sur chaque alinéa: ­

Art. 262, al. 1, AP-CO (consentement écrit du bailleur): au total, 28 avis ont été exprimés; 19 participants approuvent cet alinéa, 1 participant est prêt à l'accepter, le cas échéant.

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Art. 262, al. 2, AP-CO (demande écrite de sous-location du locataire): au total, 21 avis ont été exprimés sur cette disposition; 19 participants approuvent le texte proposé, 1 participant porte sur lui un regard critique et 1 autre déclare pouvoir l'accepter à la rigueur.

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Art. 262, al. 3, AP-CO (devoir d'information du locataire): au total, 11 avis ont été exprimés; 9 sont sont favorables, 1 émet des critiques et 1 est éventuellement prêt à accepter cet alinéa.

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Art. 262, al. 4, AP-CO (motifs de refus du bailleur): au total, 47 prises de position traitent de cet alinéa. Si 7 avis saluent l'énumération non exhaustive des motifs de refus, 12 la considèrent d'un oeil critique; 15 participants sont favorables à une limitation de la sous-location dans le temps. Enfin, 23 participants émettent des réserves à l'endroit de ce changement.

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Art. 262, al. 4, AP-CO ­ minorité I (énumération exhaustive; pas de limitation de durée à deux ans; logement): au total, 38 prises de position ont été exprimées; 19 participants approuvent cette proposition de la minorité I, tandis que 17 la rejettent.

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Art. 262, al. 4, AP-CO ­ minorité II (suppression des motifs de refus): la proposition de la minorité II a suscité 17 réponses; 2 participants à la consultation l'approuvent et 14 autres se montrent critique à son égard.

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Art. 262, al. 5, AP-CO (correspond à l'art. 262, al. 3, CO en vigueur): au total, 4 participants se sont prononcés sur cet alinéa; 1 se montre critique, tandis que 1 autre pourrait éventuellement l'accepter.

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Art. 262, al. 6, AP-CO (droit de résiliation extraordinaire du bailleur): au total, 34 prises de position portent sur cet alinéa; 7 participants approuvent expressément la réglementation proposée, tandis que 21 autres formulent des critiques explicites.

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Art. 262, al. 6, AP-CO ­ minorité III (lien établi avec la violation de conditions de fond): sur les 17 avis se rapportant à la proposition de la minorité III, 3 la soutiennent et 13 la rejettent.

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Art. 291, al. 1, AP-CO (consentement écrit du bailleur): cet alinéa est mentionné dans 4 prises de position, toutes favorables.

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Art. 291, al. 2, AP-CO (demande écrite de sous-location par le fermier): l'adaptation est approuvée dans les 4 prises de position reçues.

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Art. 291, al. 3, AP-CO (devoir d'information du fermier): la modification est saluée dans les 3 prises de position reçues.

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Art. 291, al. 4, AP-CO (motifs de refus du bailleur): 6 avis ont été exprimés à propos de cet alinéa; 2 participants rejettent le caractère non exhaustif de l'énumération des motifs de refus. La fixation d'une limite de durée pour le sous-affermage est saluée dans 2 prises de position, tandis que des considérations critiques sont émises dans 3 autres.

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Art. 291, al. 4, AP-CO ­ minorité I (énumération exhaustive; biffer le nouveau motif de refus): au total, 7 avis portent sur la proposition de la minorité I; 1 la soutient, 1 autre, en partie seulement, tandis que 4 la rejettent.

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Art. 291, al. 4, AP-CO ­ minorité II (suppression des motifs de refus): sur les 7 prises de position reçues, 2 approuvent la proposition de la minorité II et 4 la rejettent.

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Art. 291, al. 6, AP-CO (droit de résiliation extraordinaire du bailleur): sur les 3 avis reçus, 1 se déclare favorable et 1 émet des appréciations critiques.

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Art. 291, al. 6, AP-CO ­ minorité III (lien établi avec la violation de conditions de fond): sur les 6 avis exprimés, 5 rejettent la proposition de la minorité III.

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Art. 291 AP-CO ­ minorité IV (suppression de la modification et ajout): au total, 6 prises de position reçues abordent cette proposition de la minorité IV; 1 contient des appréciations positives et 5 la rejettent.

Lors de sa séance du 8 avril 2022, la CAJ-N a pris connaissance des résultats de la consultation et publié le rapport ad hoc3. Après l'examen de détail des art. 262 et 291 P-CO en date du 23 juin 2022, la commission a adopté le projet de mise en oeuvre de l'initiative parlementaire sans modification, par 13 voix contre 9, à l'intention de son conseil. Une minorité4 des membres a proposé de refuser l'entrée en matière. La minorité I5 s'est prononcée à propos de l'art. 262, al. 4, let. d, P-CO en faveur d'une énumération exhaustive des motifs de refus et d'une limitation de ceux-ci à la souslocation du logement dans son ensemble. La minorité II6 propose la suppression, à l'art. 262, al. 4, let. d, P-CO, du nouveau motif de refus fondé sur une durée limitée de la sous-location. À l'art. 262, al. 6, P-CO, la minorité III7 entend lier la résiliation à caractère extraordinaire à la violation de conditions de fond. Pour ce qui est de 3

4 5 6 7

Le rapport du 8 avril 2022 sur les résultats de la consultation peut être consulté à l'adresse suivante: www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > Consultation 2021/91 > Rapport de résultats.

Brenzikofer, Arslan, Bellaiche, Dandrès, Fehlmann Rielle, Flach, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

Brenzikofer, Arslan, Bellaiche, Dandrès, Fehlmann Rielle, Flach, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

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l'art. 291, al. 4, P-CO, la minorité I8 est favorable à une énumération exhaustive des motifs de refus et à ce que le nouveau motif de refus fondé sur une durée limitée de la sous-location soit biffé. À l'art. 291, al. 6, P-CO, la minorité II9 entend lier la résiliation extraordinaire du bail à une violation des conditions de fond. Enfin, la minorité III10 s'oppose à ce que l'art. 291 CO soit adapté et complété.

Lors de sa séance du 18 août 2022, la CAJ-N a ensuite adopté le projet d'acte et le rapport correspondants11. Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement12, ces deux documents ont été transmis au Conseil fédéral pour avis.

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Avis du Conseil fédéral

L'initiative parlementaire 15.455 met le doigt sur le problème qu'engendre la souslocation à des prix dépassant considérablement le montant du loyer acquitté par le locataire. De l'avis de son auteur, le locataire ne se donne pas souvent la peine de demander le consentement du bailleur. Il convient dès lors de remédier à cette situation par la possibilité d'une sanction et par une formulation claire des critères légaux applicables à la sous-location. Le Conseil fédéral discerne la cause de cette problématique dans le fait que toutes les parties contractuelles ne respectent pas les dispositions de l'art. 262 CO. Le droit en vigueur prévoit d'ores et déjà que le consentement du bailleur doit être obtenu et qu'il peut être refusé sous certaines conditions précisées dans la loi. La législation actuelle permet de procéder à une résiliation ordinaire ou extraordinaire du bail. Le Conseil fédéral est d'avis qu'une intervention législative ne se justifie pas et qu'elle serait disproportionnée. La CAJ-N a aussi considéré dans son rapport du 2 février 201713, par lequel elle proposait, par 12 voix contre 12, 1 abstention et la voix prépondérante du président, de ne pas donner suite à l'initiative, que le droit en vigueur prévoit déjà des dispositions adéquates. Porter atteinte à la liberté contractuelle au profit des bailleurs ne paraît pas non plus justifié compte tenu du contexte global du droit du bail; il convient d'épuiser d'abord les possibilités offertes par le droit existant. Au cours de la procédure de consultation, l'avant-projet, qui était basé sur le texte de l'initiative parlementaire déposée, a suscité la controverse. Si certains alinéas jouissent d'un soutien majoritaire, il n'en va pas de même d'autres nouveautés14. De ce fait, la nécessité d'agir au niveau législatif n'est pas clairement établie, également du côté des participants à la consultation.

La forme écrite imposée pour le consentement du bailleur et la même exigence formelle requise ­ sauf autre accord écrit ­ pour la demande de sous-location avec son 8 9 10 11 12 13 14

Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Marti Min Li, Walder.

Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

Dandrès, Arslan, Brenzikofer, Fehlmann Rielle, Funiciello, Hurni, Mahaim, Marti Min Li, Walder.

FF 2022 2081 RS 171.10 www.parlament.ch > Travail parlementaire > Curia Vista Recherche avancée > 15.455 > Rapports de commission Cf. rapport sur les résultats de la consultation, p. 11 ss.

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contenu prédéfini par la loi accroissent les obligations à satisfaire et alourdissent les tâches administratives tant pour les locataires que pour les bailleurs. Vu que la conclusion d'un bail en tant qu'acte juridique bilatéral n'est soumise à aucune règle de forme et que le droit du bail ne prévoit d'exigences en la matière que pour des modifications contractuelles unilatérales telles qu'une hausse de loyer ou une résiliation, le Conseil fédéral considère d'un oeil critique le changement proposé. Cette réticence se justifie d'autant plus que, si l'autorisation envisagée de la signature reproduite par un moyen mécanique pour la notification d'une augmentation de loyer ou de toute autre modification unilatérale du contrat ainsi que le recours à la forme écrite pour la communication des majorations échelonnées du loyer15 vont dans le sens de simplifications en faveur du bailleur par rapport au droit en vigueur, la réglementation proposée en matière de sous-location irait dans la direction opposée.

Ni l'initiative parlementaire ni le projet d'acte ne précisent à quel moment il convient de demander le consentement écrit du bailleur. La possibilité d'un refus et le droit de résiliation extraordinaire prévus dans le projet laissent sous-entendre que l'accord écrit doit être sollicité au préalable. Sinon, le risque existe que la sous-location doive être interrompue de manière anticipée. Selon l'art. 262, al. 2, let. a, P-CO, la demande de sous-location écrite adressée au bailleur par le locataire doit contenir les noms des sous-locataires. Or les plateformes de location prévoient un certain temps de réaction, par exemple 24 heures, pour répondre à des demandes de réservation et ce n'est qu'à compter de la réception de ces dernières que le locataire sera en mesure d'indiquer le nom du sous-locataire. Incontestablement, rédiger une demande écrite et obtenir le consentement écrit du bailleur dans un délai de 24 heures ne sauraient aller sans problème. Au final, l'utilisation de plateformes deviendrait beaucoup plus difficile, voire impossible, du fait de la nouvelle réglementation. À cela s'ajoute que plusieurs cantons et communes ont édicté des règles de droit public portant sur la mise à disposition de logements pour une brève durée contre paiement. Par ailleurs, des conventions ont été passées dans
certains cas avec Airbnb concernant le versement de taxes de séjour.

À cet égard, le Conseil fédéral s'est déjà exprimé le 8 mars 2019 contre la possibilité d'un consentement général pour des sous-locations de courte durée répétées à intervalles réguliers16 sur la base des résultats de la procédure de consultation concernant l'introduction d'un art. 8a dans l'ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)17. Le Conseil fédéral est d'avis que la base légale en vigueur règle de façon suffisante les conditions fixées en matière de sous-location et que l'on ne devrait les rendre ni plus faciles ni plus difficiles. La nouvelle réglementation entend en outre étendre également à la sous-location des devoirs qui correspondaient aux buts originels visés par l'art. 262 CO actuel, à

15

16

17

Cf. rapport du 18 août 2022 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant les initiatives parlementaires 16.458 «Majoration échelonnée du loyer. Non aux formulaires inutiles» et 16.459 «Droit du bail. Autoriser la signature reproduite par un moyen mécanique», FF 2022 2100.

Cf. communiqué de presse «Locations en ligne: le Conseil fédéral renonce à une adaptation de l'ordonnance sur le bail à loyer», www.ofl.admin.ch > Communiqués de presse > 08.03.2019 Locations en ligne: le Conseil fédéral renonce à une adaptation de l'ordonnance sur le bail à loyer (consulté le 31 août 2022).

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savoir une sous-location liée à un séjour de durée limitée à l'étranger ou envisagée lorsque le logement est trop grand18.

L'exigence, à l'art. 262, al. 6, P-CO, d'une protestation demeurée sans effet avant la signification de la résiliation du bail permet en soi aux locataires de rétablir une situation conforme au droit. Mais même avec la forme écrite requise pour le consentement et en l'absence d'un autre arrangement écrit pour la demande de sous-location, rien n'exclut tout risque de manoeuvres de contournement. Dès lors, on se retrouve dans la même situation de départ que selon le droit actuel, à savoir que tous les justiciables ne se conforment pas aux règles en vigueur.

Le caractère non exhaustif des motifs de refus introduit par l'expression «notamment» ouvre certes à la jurisprudence la possibilité d'entrer en matière sur de nouveaux développements. D'un autre côté, cela engendre aussi une insécurité du droit que ne manque pas de souligner une partie des avis exprimés lors de la consultation19. Bailleurs et locataires sont moins au clair sur le point de savoir si un refus de consentement a des effets de droit ou non. En outre, on irait à l'encontre du but formulé dans l'initiative parlementaire, à savoir fixer clairement les conditions auxquelles le consentement à la sous-location doit être accordé. Le Conseil fédéral estime que, en cas de nouveaux développements, les services compétents devront revoir globalement le besoin de légiférer, à l'instar de ce qui s'est fait, par exemple, à la suite de l'avènement des plateformes de réservation en ligne20.

Le projet d'acte garantit au bailleur le droit de refuser son consentement à une souslocation lorsque celle-ci est prévue pour une durée de plus de deux ans. Ainsi, il est prévu de régler dans la loi, par une limite temporelle, une question qui, actuellement, est tranchée par la jurisprudence. Au moment de l'élaboration de l'art. 262 CO actuel, on est parti de l'idée que, pour se distinguer du cas de transfert de bail, le locataire entend revendiquer pour lui l'usage de la chose et souhaite pouvoir disposer d'un droit de l'utiliser21. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, on ne saurait justifier une sous-location en invoquant une vague possibilité d'user à nouveau soi-même de la chose louée, le cas échéant22. Face à cette toile de fond,
le Conseil fédéral juge non seulement superflu, mais encore inapproprié, de fixer une durée limite dans la loi. La jurisprudence est à même de tenir compte des circonstances propres à un cas donné.

En ce qui concerne les locaux commerciaux, une sous-location dépasse fréquemment deux ans. Les sous-locataires consentent des investissements pour les installations dont ils ont besoin et qu'ils ne seraient pas en mesure d'amortir dans ce délai. En ce 18 19 20

21

22

Cf. ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 63.

Cf. rapport sur les résultats de la consultation, p. 31 ss.

Cf. La réglementation dans le secteur de l'hébergement, rapport du Conseil fédéral du 15 novembre 2017 donnant suite au postulat 16.3625 de la CER-E du 18 août 2016 et au mandat d'examen du 11 janvier 2017 concernant le droit du bail, www.ofl.admin.ch > Communiqués de presse > 15.11.2017 > Pas de nouvelles réglementations pour les prestations d'hébergement en ligne (consulté le 31 août 2022).

Message du 27 mars 1985 concernant l'initiative populaire «pour la protection des locataires», la révision du droit du bail à loyer et du bail à ferme dans le code des obligations et la loi fédérale instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (message concernant la révision du droit du bail à loyer et du bail à ferme), FF 1985 I 1389 p. 1442.

ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 63.

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qui concerne les locaux d'habitation, le bailleur peut aussi opter pour un contrat de location générale (Generalmietvertrag) portant sur tous les logements d'un immeuble et laisser au locataire le soin de conclure des contrats de sous-location avec les personnes occupant les divers logements, ce qui lui permet de réduire sa charge administrative. Une autre formule de sous-location envisageable consiste à mettre à disposition tout ou partie d'un logement pour un loyer bon marché en échange d'un soutien: une personne ayant besoin d'aide fournit à un tiers un endroit où loger contre une indemnité et des services. La mise en oeuvre de ces deux solutions serait beaucoup plus difficile si des exigences de forme écrite et une limitation de la durée de la souslocation à deux ans étaient imposées. De plus, dans le second cas, la sous-location s'inscrit dans un objectif social fondamental. La minorité I Dandrès exige pour sa part une énumération exhaustive et fait une distinction selon l'objet loué.

Le droit en vigueur permet au bailleur de mettre fin à un bail en invoquant un motif de résiliation ordinaire ou extraordinaire. Ainsi, une résiliation peut intervenir sur la base de l'art. 257f, al. 3, CO si les conditions prévues sont remplies23. Le Conseil fédéral ne juge pas nécessaire d'accorder une protection supplémentaire au bailleur par le biais d'un motif de résiliation extraordinaire prévu spécifiquement pour le cas de la sous-location. De plus, le seuil fixé pour la résiliation extraordinaire paraît bas.

Le Conseil fédéral partage l'appréciation de la CAJ-N selon laquelle une adaptation ou un ajout apporté à l'art. 262 CO appellerait une modification des règles relatives à la location dans le cadre d'un bail à ferme régi par l'art. 291 CO. Les réserves émises à propos de l'art. 262 P-CO valent également pour la location dans le cadre d'un bail à ferme.

En conclusion, le Conseil fédéral estime qu'aucune modification légale n'est nécessaire et que les adaptations prévues ne permettraient pas d'atteindre l'objectif visé.

Dans son développement, l'auteur de l'initiative parlementaire 15.455 «Éviter les sous-locations abusives» fait valoir notamment la situation régnant dans les villes. La loi fédérale du 23 juin 1995 sur les contrats-cadres de baux à loyer et leur déclaration de force obligatoire
générale24 (ci-après «loi sur les contrats-cadres de baux à loyer») fournirait aux associations respectives de locataires et de bailleurs la base sur laquelle conclure un contrat-cadre de baux à loyer, c'est-à-dire une convention contenant des dispositions modèles élaborées de concert par les associations de bailleurs et de locataires. Un tel contrat-cadre peut aussi être conclu pour des régions comptant au moins 30 000 logements ou plus de 10 000 locaux commerciaux (art. 1, al. 3, let. c, de la loi sur les contrats-cadres de baux à loyer). Par ailleurs, en vertu de l'art. 3, al. 1, de la loi, le Conseil fédéral peut autoriser qu'il soit dérogé à des dispositions impératives du droit du bail à certaines conditions. Ainsi, dans le cas du contrat-cadre de baux à loyer pour le canton de Vaud, il a avalisé le 24 juin 2020 une dérogation par rapport aux normes obligatoires s'agissant notamment de la sous-location25.

23 24 25

Cf. p. ex. arrêt du Tribunal fédéral 4A_140/2019 du 26 septembre 2019 consid. 4, avec renvoi à l'ATF 134 III 300 consid. 3.1.

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Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose de ne pas entrer en matière sur le projet de la CAJ-N.

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