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22.066 Message concernant la modification du code des obligations (Défauts de construction) du 19 octobre 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification du code des obligations (défauts de construction), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2002

M 02.3532

Dispositions du CO relatives au bâtiment. Protection du maître de l'ouvrage (N 13.12.2002, Fässler-Osterwalder)

2011

M 09.3392

Renforcer les droits du maître d'ouvrage en matière de réparation des vices de construction (N 02.03.2011, Fässler-Osterwalder; E 20.09.2011)

2018

M 17.4079

Application de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Concrétisation de la possibilité qu'a le propriétaire de fournir des sûretés suffisantes (N 16.03.2018, Burkart; E 19.09.2018)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 octobre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Par le présent message, le Conseil fédéral soumet au législateur des améliorations ciblées de la position des maîtres d'ouvrage et des acquéreurs d'immeubles comportant de nouveaux logements. Le projet a pour but de renforcer les droits des particuliers qui possèdent une maison ou une part de propriété par étages et des maîtres d'ouvrage professionnels, sans que les entrepreneurs et les artisans de la construction n'aient à en subir d'inconvénients notables. Il donne suite à différentes interventions parlementaires.

Contexte Les contrats du domaine de la construction relèvent des dispositions sur le contrat d'entreprise, sur le contrat de vente d'immeubles et, le cas échéant, sur le droit du mandat. Ce sont donc les règles de garantie spécifiques à chaque type de contrat qui s'appliquent en cas de défauts. De nature dispositive, elles sont cependant souvent modifiées et complétées par contrat.

Diverses interventions parlementaires exigent l'examen et l'adaptation des règles de responsabilité en cas de défauts de construction. De l'avis du Conseil fédéral, les dispositions relatives à l'avis des défauts sont particulièrement problématiques pour les maîtres d'ouvrage, qui doivent aviser l'entrepreneur «sans délai», c'est-à-dire dans les quelques jours qui suivent la découverte des défauts, au risque de voir leurs droits de garantie périmés. Les délais courts et les conséquences de leur non-respect posent des problèmes en pratique pour les maîtres d'ouvrage, qu'ils soient des particuliers ou des professionnels, et ne se justifient pas matériellement.

Les clauses contractuelles exemptant entièrement le vendeur ou l'entreprise générale de sa responsabilité en cas de défauts et prévoyant la cession à l'acheteur des droits de garantie de l'entrepreneur vis-à-vis de ses sous-traitants posent elles aussi de nombreux problèmes. Très courantes dans les contrats conclus avec les particuliers qui achètent ou font construire leur logement, elles leurs sont particulièrement défavorables, souvent sans qu'ils s'en rendent compte au moment de conclure le contrat tant il est difficile de déterminer clairement à quel point elles sont contraignantes et quelle est leur portée juridique.

Une autre difficulté réside dans les sûretés à fournir pour éviter l'inscription d'une hypothèque légale au registre
foncier. Selon la jurisprudence, ces sûretés doivent couvrir les intérêts moratoires pour une durée illimitée, si bien que les garanties réelles sont en général insuffisantes et qu'il est difficile pour le propriétaire de l'immeuble d'obtenir des garanties bancaires équivalentes. Dans la pratique, les maîtres d'ouvrage ne peuvent donc guère fournir de sûretés pour éviter l'inscription d'une hypothèque légale ou en remplacement de celle-ci si l'inscription a déjà eu lieu.

Contenu du projet Le projet comporte de nouvelles règles sur l'avis des défauts, sur l'exclusion du droit à la réfection et sur les exigences relatives aux sûretés pouvant remplacer l'hypothèque légale.

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Il fixe un délai de 60 jours pour signaler les défauts de l'ouvrage immobilier, que les défauts soient apparents ou cachés. Ce nouveau délai s'appliquera aux contrats d'entreprise comme aux contrats de vente d'immeubles. Les règles prévues sont dispositives, si bien que les parties pourront y déroger par contrat.

Le projet introduit une obligation de réparer les défauts découverts sur les bâtiments que le maître d'ouvrage ou l'acheteur destine à son usage personnel ou à l'usage de sa famille. Un tel droit à la réfection s'appliquera également aux contrats de vente d'immeubles comprenant des constructions neuves. On pourra de la sorte endiguer la pratique des clauses d'exclusion de la responsabilité et de cession des droits de garantie défavorables aux détenteurs de maisons et de propriétés par étages.

Le projet prévoit enfin que les sûretés fournies pour éviter l'inscription d'une hypothèque légale au registre foncier devront couvrir les intérêts moratoires pour une durée de dix ans et non plus pour une durée illimitée comme actuellement. Les propriétaires d'immeubles pourront de la sorte fournir plus facilement des garanties réelles, et surtout des garanties bancaires, au lieu de devoir inscrire une hypothèque légale au registre foncier.

Ces propositions donnent suite à plusieurs interventions parlementaires.

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Table des matières Condensé

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1

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2

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.1.1 Cadre juridique actuel 1.1.1.1 Contrat d'édification d'un ouvrage 1.1.1.2 Qualification du contrat en cas d'acquisition d'un immeuble en sus de l'édification d'un ouvrage 1.1.1.3 Contrat d'acquisition d'une propriété par étages 1.1.1.4 Le droit de la construction en pratique 1.1.2 Interventions parlementaires 1.1.2.1 Motion 02.3532 1.1.2.2 Motion 09.3392 1.1.2.3 Initiative parlementaire 12.502 1.1.2.4 Initiative parlementaire 14.453 1.1.2.5 Motion 17.4079 1.1.3 Évaluation de la situation actuelle 1.1.4 Points problématiques 1.1.4.1 Délai d'avis 1.1.4.2 Exclusion de la responsabilité et cession des droits de garantie 1.1.4.3 Autres difficultés 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.2.1 Révision ciblée plutôt que totale des dispositions sur le contrat d'entreprise 1.2.2 Pas d'adaptation de la péremption et de la prescription des prétentions en garantie 1.2.3 Invocation des prétentions en garantie en cas de défauts concernant les parties communes de propriétés par étages: pas de réglementation légale 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

7 8 9 9 10 10 10 11 11 12 13 13 15 18 19 19 20 20 21 21

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Avant-projet 2.2 Aperçu et appréciation des résultats de la procédure de consultation 2.3 Suite des travaux

21 21

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

23

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée

25 25

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22 23

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4.1.1 4.1.2

4.2 4.3

Prolongation du délai d'avis Droit à la réfection pour les maîtres d'ouvrage et les personnes acquérant un logement neuf pour leur usage personnel 4.1.2.1 Dans le contrat d'entreprise 4.1.2.2 En cas de vente d'immeubles 4.1.3 Droit à la constitution de sûretés en lieu et place de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs Droit transitoire Mise en oeuvre

25 26 26 27 28 29 29

5

Commentaire des dispositions 5.1 Code des obligations 5.2 Code civil

29 29 36

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences sociales 6.5 Conséquences environnementales

37 37

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Délégation de compétences législatives 7.6 Protection des données

38 38 39 39 39 39 39

7

Bibliographie Code des obligations (Défauts de construction) (Projet)

37 37 38 38

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Rapport explicatif 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.1.1

Cadre juridique actuel

Le domaine de la construction se caractérise par sa complexité et sa technicité. Une construction met en général en présence de nombreux acteurs. Certains d'entre eux sont parties à plusieurs relations contractuelles en même temps. On a généralement affaire à toute une chaîne ou tout un réseau d'entreprises, de sous-traitants, de fournisseurs, d'architectes et de bureaux d'étude. Ces fournisseurs ou artisans de la construction sont souvent à la fois prestataires et destinataires de prestations. La plupart du temps, un investisseur professionnel assume la maîtrise d'ouvrage dans l'intention d'aliéner l'immeuble et la construction à l'utilisateur après, voire pendant, la réalisation. Après l'aliénation, le maître d'ouvrage initial devient vendeur ou entrepreneur.

L'autre partie au contrat est un particulier qui n'agit pas à titre professionnel comme acheteur ou comme nouveau maître d'ouvrage. Les relations contractuelles entre les parties sont régies par les règles applicables au type de contrat concerné.

1.1.1.1

Contrat d'édification d'un ouvrage

Le maître d'ouvrage et l'entrepreneur concluent en règle générale un contrat ayant pour objet l'exécution ou la modification d'un ouvrage, c'est-à-dire d'un bâtiment entier ou de parties d'un bâtiment, par exemple d'installations électriques. Il peut aussi s'agir de travaux de génie civil, par exemple de travaux d'excavation, etc.1. Un tel contrat requiert toujours un résultat sous la forme d'un ouvrage («Werk» en allemand) et est qualifié de contrat d'entreprise («Werkvertrag» en allemand) au sens des art. 363 ss du code des obligations (CO)2,3. Les parties en présence sont le maître d'ouvrage et l'entrepreneur. Ce dernier peut exécuter les travaux lui-même ou, en qualité d'entrepreneur principal, déléguer tout ou partie des travaux et ne plus s'acquitter que des tâches de coordination. Dans ce cas, il reste néanmoins redevable au maître pour la réalisation de l'ouvrage. Les entrepreneurs qui délèguent des travaux à des sous-traitants sont à leur égard des maîtres d'ouvrage. Dans une telle configuration, les parties concluent souvent en pratique un contrat d'entreprise générale, qui est une forme spéciale de contrat de construction et donc un contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO4. Dans ce type de contrat, l'entrepreneur général s'engage vis-à-vis du maître à réaliser ou à faire réaliser un ouvrage de construction (obligation d'exécuter). Il peut 1 2 3

4

À propos de l'objet du contrat de construction, voir GAUCH, Werkvertrag, no 205 s.; TERCIER/BIERI/CARRON, no 3565.

RS 220 GAUCH, Werkvertrag, no 205; TERCIER/BIERI/CARRON, no 3508, 3527 ss; pour un résumé concernant la notion d'ouvrage («Werk»), voir GAUCH, Werkvertrag, no 14 ss et TERCIER/BIERI/CARRON, no 3510 ss.

Voir l'ATF 114 II 53, consid. 2b.

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faire réaliser les travaux par son propre personnel ou les confier en tout ou en partie à des sous-traitants. Dans le cas du contrat d'entreprise totale, l'entrepreneur s'engage à effectuer les travaux d'étude de projet en plus de réaliser l'ouvrage. Il s'agit également d'un contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO5.

1.1.1.2

Qualification du contrat en cas d'acquisition d'un immeuble en sus de l'édification d'un ouvrage

Il est courant en pratique que le contrat doive régler à la fois l'édification de l'ouvrage et l'acquisition de l'immeuble sur lequel il se trouve(ra).

Le cas le plus simple est l'acquisition d'un immeuble sur lequel se trouve déjà une construction. Le principe de l'accession implique qu'une personne ne peut être propriétaire d'une construction que si elle est propriétaire de l'immeuble sur lequel elle est implantée (le droit de superficie au sens des art. 779 ss du code civil [CC]6 fait exception)7. Le contrat d'acquisition de l'immeuble sur lequel une construction est déjà implantée au moment de la conclusion du contrat fait l'objet d'un contrat de vente d'immeubles au sens des art. 216 ss CO. Le fait qu'il s'agisse d'une construction neuve ou plus ancienne n'a pas d'incidence notable sur la qualification de l'acte juridique. Cependant, les questions qui se posent sont différentes lorsqu'il s'agit d'une construction neuve qui n'a jamais été utilisée selon sa finalité. Il n'est pas rare qu'elle présente des défauts qui n'étaient pas encore apparents au moment de la conclusion du contrat ou de l'acquisition de l'immeuble. Il peut par exemple s'écouler plusieurs mois ou plusieurs années jusqu'à ce qu'un mur mal étanché ou un toit plat mal conçu présente un degré d'humidité tel que les défauts deviennent apparents. Lorsqu'une construction est utilisée de longue date, les défauts graves ont déjà été éliminés ou, du moins, sont déjà devenus apparents. Le souci de l'acheteur est alors de pouvoir déterminer de manière fiable la valeur résiduelle du bâtiment. Bien que le contrat soit qualifié de contrat de vente d'immeubles, l'acheteur d'une construction neuve se trouve dans une situation similaire à celle du maître d'ouvrage lorsqu'il conclut un contrat de construction, similitude renforcée par le fait que le vendeur, à l'instar de l'entrepreneur, a souvent érigé ou fait ériger la construction lui-même et a pu suivre de relativement près le processus de fabrication.

La situation juridique est plus complexe lorsqu'il s'agit d'acquérir un immeuble sur lequel une construction est projetée, mais encore inexistante au moment de la conclusion du contrat. Trois possibilités s'offrent alors aux parties8: elles peuvent conclure deux contrats distincts, c'est-à-dire un contrat d'entreprise (art. 363 ss CO)
et un contrat de vente d'immeubles (art. 216 ss CO), conclure un contrat mixte portant à la fois sur l'obligation du vendeur de livrer la chose vendue à l'acheteur et de lui en transférer la propriété, moyennant un prix que l'acheteur s'engage à payer, et sur l'obligation de

5 6 7 8

ATF 117 II 273, consid. 3a.

RS 210 Le principe de l'accession est énoncé à l'art. 667, al. 2, CC.

Voir pour le principe l'ATF 117 II 259, consid. 2b.

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réaliser l'ouvrage (contrat de vente d'immeuble avec obligation d'exécuter9) ou encore concevoir la transaction comme la vente d'une chose future.

L'arrangement que les parties ont voulu conclure se présume à l'interprétation du contrat en fonction des obligations qu'il statue s'agissant des prestations. Si le contrat prévoit que l'aliénation doit avoir lieu immédiatement après la conclusion du contrat, les prestations restant à fournir en matière de construction ne peuvent plus être l'objet que d'un contrat d'entreprise, car l'acquisition de la propriété n'est plus nécessaire en vertu du principe de l'accession et qu'il n'est plus possible de conclure un contrat de vente d'immeubles10. Par contre, si l'aliénation est repoussée dans le temps, on est en présence soit d'un contrat mixte si une obligation d'exécuter a été convenue (la possibilité pour l'acquéreur d'influencer le processus de construction par ex. en approuvant et modifiant les plans en est un indice), soit d'un contrat de vente d'immeuble si l'acquéreur n'a pas cette influence et que le vendeur aurait de toute manière réalisé et aliéné la construction sous cette forme11. Il s'avère parfois difficile de qualifier l'acte juridique selon ces critères. Le résultat peut être aléatoire, sans compter que les parties peuvent influencer sciemment la qualification du contrat selon les arrangements conclus.

1.1.1.3

Contrat d'acquisition d'une propriété par étages

Les parts de copropriété d'un immeuble peuvent être constituées en propriété par étages, de manière à ce que chaque copropriétaire ait le droit exclusif d'utiliser et d'aménager intérieurement des parties déterminées d'un bâtiment (art. 712a, al. 1, CC). Ces parts sont également immeubles au sens de la loi (voir l'art. 655, al. 2, ch. 4, CC), et l'acquisition de la propriété par étages constitue donc un achat d'immeuble12.

La propriété par étages est constituée par inscription au registre foncier (art. 712d, al. 1, CC). Bien que la propriété par étages requière en principe l'existence d'un bâtiment constitué en locaux pouvant être l'objet du droit exclusif (voir l'art. 712b, al. 1, CC), il est possible à certaines conditions de constituer une propriété par étages avant même que le bâtiment soit érigé. Il faut pour ce faire joindre à la réquisition d'inscription de la propriété par étages au registre foncier le plan de répartition qui indique quelles parties du futur bâtiment seront l'objet du droit exclusif (art. 69, al. 1, de l'ordonnance du 23 septembre 2011 sur le registre foncier [ORF]13). Le transfert de la propriété par étages avant la construction du bâtiment, c'est-à-dire l'acquisition d'une propriété par étages sur plans, est également possible. La qualification du contrat dépend pour l'essentiel des mêmes critères que lors de l'acquisition d'un immeuble sur

9 10 11 12 13

Voir pour plus de détails GAUCH, Werkvertrag, no 347 ss.

Voir STÖCKLI, Stockwerkeigentum, p. 8.

Concernant l'obligation d'exécuter, voir GAUCH, Werkvertrag, no 127 et les références citées; STÖCKLI, Stockwerkeigentum, p. 7; TERCIER/BIERI/CARRON, no 3538.

Voir également KRAUSKOPF, p. 119; KRAUSKOPF/MÄRKI, p. 57.

RS 211.432.1

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lequel une construction neuve est projetée (voir le ch. 1.1.1.2)14. Si l'aliénation a lieu directement après la conclusion du contrat et avant que l'essentiel du bâtiment ait été construit, l'immeuble et les parties du bâtiment déjà érigées feront l'objet d'un contrat de vente d'immeuble, tandis que les parties restant à construire feront l'objet d'un contrat d'entreprise. Si la propriété par étages n'est transférée à l'acquéreur qu'une fois les travaux essentiels réalisés, on peut être en présence d'un contrat mixte combinant des éléments du contrat de vente et du contrat d'entreprise ou d'un pur contrat de vente. Là aussi, ce qui permet d'en décider, c'est l'existence ou non d'une obligation d'exécuter.

1.1.1.4

Le droit de la construction en pratique

Conformément à ce qui précède, la position juridique des parties impliquées dans l'édification ou l'acquisition d'une construction neuve se définit à l'aune des dispositions sur le contrat d'entreprise (art. 363 ss CO) ou sur le contrat de vente d'immeuble (art. 216 ss CO). Les dispositions générales du CO (art. 1 ss) sont en outre applicables, de même que les dispositions du CC relatives à la propriété foncière (art. 655 ss CC) s'agissant de l'immeuble. Les règles du CO sont essentiellement dispositives, ce qui laisse aux parties une grande latitude contractuelle. Les parties en font régulièrement usage, du fait que la densité normative des normes est proportionnellement faible alors qu'elles ont besoin de règles spécifiques et concrètes du fait de la portée et de la complexité de l'acte.

Elles ont souvent recours à des modèles de contrats. Typiquement, ces modèles s'appuient sur les normes de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA), et notamment sur la norme SIA 118, qui comporte des règles relatives au contrat de construction. Ils sont en règle générale à qualifier de conditions générales et ne s'appliquent que pour autant que les parties aient reconnu leur validité15. Lorsque le contrat porte également sur l'acquisition d'un immeuble, les parties emploient souvent les modèles de contrats des notaires. Dans le cas des propriétés par étages ou des maisons familiales contigües, il n'est pas rare que les notaires établissent les documents pour toutes les parties à la demande de l'entrepreneur ou du vendeur. Selon la doctrine, les modèles de contrats des notaires peuvent valoir comme conditions générales16.

1.1.2

Interventions parlementaires

Les modifications proposées font suite à une série d'interventions parlementaires concernant les relations juridiques entre les acteurs du domaine de la construction et, en particulier, la position juridique des maîtres d'ouvrage et des acquéreurs de logements 14

15 16

Voir l'arrêt du TF 4C.301/2002 du 22 janvier 2003, consid. 2; pour une vue d'ensemble, voir aussi KRAUSKOPF/MÄRKI, pp. 58 ss; KRAUSKOPF, pp. 118 ss; STÖCKLI, Stockwerkeigentum, pp. 11 ss.

ATF 118 II 295, consid. 2a.

Voir ERICH RÜEGG, in: Grundstückkauf, no 139; SCHMID, pp. 56 ss; STÖCKLI/AESCHIMANN, pp. 84 ss et 93.

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bâtis à neuf. Outre les motions évoquées ci-dessous, le Parlement a donné suite à deux initiatives parlementaires qui ont des liens matériels étroits avec la question et qui pourront également être mises en oeuvre par le biais de la révision.

1.1.2.1

Motion 02.353217

La motion 02.3532 charge le Conseil fédéral de regrouper sous un seul et même titre du CO toutes les dispositions concernant les prestations fournies dans les domaines de la construction et de l'architecture, de reformuler ces dispositions pour les rendre plus modernes et de les compléter en introduisant dans la loi des délais de réclamation et de garantie précis, en obligeant le mandataire à apporter la preuve de ses garanties bancaires ou garanties d'assurance dans le but de protéger les droits de garantie du mandant ainsi que son droit d'invoquer la responsabilité du mandataire, en réglant dans la loi le contrat d'entreprise générale, en obligeant le prestataire à éliminer les défauts après la fin des travaux et en prévoyant une responsabilité causale pour les prestations des architectes de la même façon que les prestations fournies dans le cadre d'un contrat d'entreprise. Le 13 décembre 2002, le Conseil national a transmis la motion sous forme de postulat, comme le proposait le Conseil fédéral.

1.1.2.2

Motion 09.339218

La motion 09.3392 charge le Conseil fédéral d'étudier de manière approfondie comment améliorer la protection des maîtres d'ouvrage s'agissant de la réparation des vices de construction liés aux prestations de l'architecte ou du constructeur et, sur la base des résultats de cette étude, de soumettre au Parlement une proposition cohérente pour résoudre les problèmes décelés. Selon la motion, l'étude doit porter notamment sur la mise en place de contrats spécifiques pour l'architecture et la construction, de même que sur l'inclusion de toutes les prestations d'architecte dans la responsabilité causale. La motion exige de plus que les dispositions en vigueur concernant les délais de réclamation et de garantie et la responsabilité de l'entrepreneur pour les défauts cachés soient réexaminées.

1.1.2.3

Initiative parlementaire 12.50219

L'initiative parlementaire 12.502 vise une modification du droit du contrat d'entreprise à l'art. 370, al. 3, CO obligeant le maître d'ouvrage à signaler les défauts cachés à l'entrepreneur dans les 60 jours qui suivent le moment où il en a connaissance. Son auteur mentionne que l'obligation de signaler aussitôt les défauts est particulièrement 17 18 19

Motion Fässler-Osterwalder 02.3532 du 2 octobre 2002 («Dispositions du CO relatives au bâtiment. Protection du maître de l'ouvrage»).

Motion Fässler-Osterwalder 09.3392 du 29 avril 2009 («Renforcer les droits du maître d'ouvrage en matière de réparation des vices de construction»).

Initiative parlementaire Hutter 12.502 du 14 décembre 2012 («Droit du contrat d'entreprise. Pour des délais de réclamation équitables»).

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problématique lorsque le maître d'ouvrage est un particulier, mais qu'elle s'avère parfois même difficile à appliquer pour les professionnels du bâtiment; ils ne parviennent pas à respecter le délai d'avis et perdent tous leurs droits de garantie. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a donné suite à l'initiative parlementaire le 25 octobre 2013. La commission homologue du Conseil des États a adhéré à cette décision le 3 juillet 2014.

1.1.2.4

Initiative parlementaire 14.45320

L'initiative parlementaire 14.453 vise une modification du droit du contrat de vente d'immeubles: selon ses termes, un nouvel art. 219, al. 4, CO devrait donner le droit inaliénable à l'acheteur d'une part de copropriété d'un immeuble qui comporte une construction dont la partie prépondérante a moins d'un an d'obliger le vendeur à remédier à ses frais aux défauts de la construction s'il est possible de le faire sans dépenses excessives. L'acheteur devrait alors signaler les défauts au vendeur dans les 60 jours qui suivent leur découverte. Les contrats d'acquisition d'appartements construits à neuf contiennent souvent une clause excluant la responsabilité du vendeur, qui cède en contrepartie à l'acheteur les droits qu'il détient envers l'entrepreneur en cas de défauts. Or l'acheteur en supporte souvent les inconvénients. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a donné suite à l'initiative parlementaire le 12 novembre 2015. La commission homologue du Conseil des États a adhéré à cette décision le 2 février 2016.

1.1.2.5

Motion 17.407921

La motion 17.4079 charge le Conseil fédéral de préciser les dispositions sur l'hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs dans le cadre de la révision du droit contractuel de la construction afin que l'application du droit qu'a le propriétaire de fournir des sûretés suffisantes corresponde à nouveau à la volonté du législateur. Si les intérêts moratoires sont dus de manière illimitée dans le temps, il est impossible de déterminer à l'avance le montant des sûretés et difficile dans la pratique de recourir à des garanties bancaires ou réelles. Le Conseil national et le Conseil des États ont respectivement adopté la motion le 16 mars et le 19 septembre 2018.

20 21

Initiative parlementaire Gössi 14.453 du 25 septembre 2014 («Achat de nouveaux logements. Pour des règles contraignantes en matière de responsabilité»).

Motion Burkart 17.4079 du 13 décembre 2017 («Application de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Concrétisation de la possibilité qu'a le propriétaire de fournir des sûretés suffisantes»).

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1.1.3

Évaluation de la situation actuelle

Lors des travaux d'élaboration du projet, on a examiné les problèmes qui se posent en pratique, comme le demandaient les motions 02.353222 et 09.339223. Le Conseil fédéral considère le droit en vigueur comme adapté et comme réglant la matière de manière appropriée. De nature essentiellement dispositives, les normes en vigueur laissent une grande latitude aux parties sur le plan contractuel. Le Conseil fédéral perçoit par ailleurs le droit en vigueur comme équilibré et loin de désavantager systématiquement les maîtres d'ouvrage. En particulier, les dispositions sur les droits de garantie (art. 367 s. CO) leur sont relativement favorables. Les droits prévus à l'art. 368 CO (droit à la résolution du contrat, à la réduction du prix ou à la réfection de l'ouvrage), d'une grande portée pratique, sont conçus de manière claire, d'un exercice relativement simple et ne nécessitant pas l'intervention d'un juge. Contrairement à l'obligation initiale d'exécuter l'ouvrage, ils ne font l'objet d'aucune restriction et leur exercice n'est pas subordonné à une faute de l'entrepreneur. Les droits de garantie sont relativement favorables au maître d'ouvrage. Le même constat s'applique au contrat de vente d'immeuble et à la garantie en raison des défauts de la chose (art. 197 ss et 219 CO).

Ces conclusions ne signifient pas pour autant que le droit en vigueur ne recèle pas des problèmes voire qu'il ne conduit pas à des situations insatisfaisantes. Comme cela a déjà été évoqué, il n'existe pas en droit suisse de «contrat de construction» proprement dit. Il n'y a que quelques rares dispositions sur les constructions et ouvrages immobiliers (art. 371, al. 1 et 2, et 375, al. 2, CO). Le contrat de vente d'immeuble, s'il constitue un type de contrat spécifique, est réglé de manière relativement rudimentaire et ne distingue pas la vente d'un immeuble comportant une construction plus ou moins ancienne de celle d'un immeuble comportant une construction neuve. Il arrive ponctuellement que cette absence de différenciation soit problématique en pratique, sans compter que les arrangements contractuels jouent un rôle important dans le secteur de la construction (voir le ch. 1.1.1.4). Là où le bât blesse, c'est que, dans le segment de prix inférieur, l'entrepreneur ou le vendeur sont souvent dans une position de force vis-à-vis du
maître d'ouvrage ou de l'acheteur. Le maître qui fait construire son logement ou l'acheteur qui acquiert son bien immobilier ont souvent un budget limité et n'ont pas de connaissances techniques et juridiques assez poussées. L'entrepreneur ou le vendeur intervient quant à lui dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale et dispose par conséquent d'une expérience et de moyens financiers plus importants. Des clauses problématiques ont vu le jour en pratique, qui désavantagent grandement les maîtres d'ouvrage et les acheteurs.

22 23

Voir le ch. 1.1.1.1.

Voir le ch. 1.1.1.2.

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1.1.4

Points problématiques

1.1.4.1

Délai d'avis

Pour pouvoir exercer ses droits de garantie, l'acheteur doit vérifier la chose et aviser le vendeur des défauts découverts (art. 201, al. 1, CO). Le maître doit en faire de même avec l'ouvrage en avisant l'entrepreneur (art. 367, al. 1, CO). Les défauts apparents doivent être signalés aussitôt la vérification terminée, ceux qui ne l'étaient pas lors de la vérification (défauts cachés), aussitôt après leur découverte (avis sans délai).

Le principe de l'avis sans délai figure expressément dans les dispositions du CO sur la vente mobilière (voir l'art. 201, al. 1 et 3) et dans les dispositions sur le contrat d'entreprise, mais seulement pour les défauts cachés (art. 370, al. 3). Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il s'applique également aux défauts manifestes24.

Pour déterminer si l'avis a été établi à temps, il faut tenir compte des circonstances du cas d'espèce et en particulier du type de défauts. Le Tribunal fédéral considère que l'avis sans délai doit intervenir dans les sept jours et même dans un délai plus court si les défauts sont tels qu'ils pourraient occasionner un dommage plus important en cas d'attente25. Le délai commence à courir à la découverte du défaut. Un défaut est considéré comme découvert lorsque le maître en a une connaissance telle qu'il peut établir un avis suffisamment étayé26. Outre la désignation précise de chaque défaut, il faut aussi que le maître exprime qu'il ne reconnaît pas l'ouvrage livré comme conforme au contrat et qu'il veut engager la responsabilité de l'entrepreneur27. Il porte le fardeau de la preuve s'agissant du respect du délai d'avis, tout comme l'acheteur28.

Sans avis des défauts, l'ouvrage ou la chose sont tenus pour acceptés et le maître ou l'acheteur perdent tous leurs droits de garantie (voir les art. 201, al. 2, et 370, al. 1 et 2, CO).

Aujourd'hui, l'avis des défauts est source de problèmes majeurs en pratique. Pour les particuliers sans expérience préalable, le droit positif est presque impossible à maîtriser et par conséquent insatisfaisant29; cependant, il cause aussi souvent des incertitudes et des surprises aux maîtres d'ouvrage professionnels30. Les problèmes résultent principalement de la conjonction du délai d'avis très bref et de la péremption de tous les droits de garantie si l'avis des défauts est omis, tardif ou
insuffisamment motivé.

Le cas échéant, le maître d'ouvrage doit payer l'intégralité du prix et supporte luimême les coûts de l'élimination des défauts, indépendamment de leur étendue. En 24

25

26 27 28 29 30

Voir par ex. les arrêts du TF 4A_251/2018 du 11 septembre 2018, consid. 3.1; 4A_231/2016 du 12 juillet 2016, consid. 2.2; 4A_53/2012 du 31 juillet 2012, consid. 5.1; et GAUCH, Werkvertrag, no 2141 ss.

Voir les ATF 118 II 142, consid. 3b; 107 II 172, consid. 1a et b et les arrêts du TF 4A_53/2012 du 31 juillet 2012, consid. 6.2; 4A_82/2008 du 29 avril 2009, consid. 7.1; 4C.82/2004 du 3 mai 2004, consid. 2.3, et plus récemment 4A_399/2018 du 8 février 2019, consid. 3.2.

ATF 131 III 145, consid. 7.2; arrêts du TF 4A_293/2017 du 13 février 2018, consid. 2.2.3, et 4C.205/2003 du 17 novembre 2003, consid. 3.2.

ATF 107 II 172, consid. 1a; plus récemment, par ex. arrêts du TF 4A 261/2020 du 10 décembre 2020, consid. 7.2.1, et 4A_293/2017 du 13 février 2018, consid. 2.2.2.

ATF 118 II 142, consid. 3a; 107 II 172, consid. 1a.

STÖCKLI, avis de droit, no 36, considère que le régime juridique actuel est véritablement choquant («geradezu stossend»).

Voir à ce propos les arrêts du TF 4A_53/2012 et 4A_55/2012 du 31 juillet 2012.

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pratique, de nombreux maîtres d'ouvrage sont dépassés par ce délai très bref, car ils ne sont souvent pas en mesure de reconnaître la portée juridique d'un défaut lorsqu'il apparaît et de procéder à un avis des défauts dont le contenu satisfait aux exigences en la matière Cette problématique concerne aussi bien les défauts apparents que les défauts cachés.

En cas de défaut apparent, la brièveté du délai d'avis heurte le sentiment de justice, car l'entrepreneur ou le vendeur, en tant que spécialiste ou constructeur de l'immeuble, connaît en général mieux l'état de l'immeuble que le maître. Les défauts cachés posent un problème supplémentaire, car ils apparaissent insidieusement, au fil des semaines ou des mois, et doivent subitement être signalés en l'espace de quelques jours. Les profanes ne sont souvent pas en mesure de reconnaître l'étendue et la portée juridique de la première manifestation des défauts. Lorsqu'ils apparaissent insidieusement, il est de plus souvent objectivement impossible de déterminer assez précisément le moment où ils deviennent identifiables pour que la brièveté du délai d'avis apparaisse proportionnée.

L'urgence extrême qui entoure l'avis des défauts heurte le sentiment de justice. Le fait que le moment où le délai d'avis commence à courir soit relativement imprécis et la brièveté de ce délai incitent aux différends juridiques, et ce même si les défauts et la responsabilité de l'entreprise sont manifestes. Pour les particuliers qui font construire leur logement, tout cela peut prendre des proportions dramatiques, voire les conduire à la ruine. Aucun motif impérieux ne justifie une réglementation aussi stricte pour les contrats de construction. Les règles topiques du contrat d'entreprise ont été reprises du droit de la vente. Elles étaient à l'origine conçues pour la vente à distance commerciale, mais ont été érigées en règles générales par le législateur31. Le Tribunal fédéral et la doctrine ont par la suite fourni diverses justifications à cette réglementation: la sécurité juridique impose de clarifier rapidement les circonstances factuelles et juridiques, raison pour laquelle le vendeur doit acquérir dès que possible la certitude que la marchandise a été acceptée32. Le vendeur doit être informé des réclamations suffisamment tôt pour vérifier de lui-même le bien-fondé
de l'avis des défauts et apprécier s'il doit répondre de ceux-ci33. Le délai d'avis bref doit aussi empêcher l'acheteur d'exploiter de rapides changements dans la conjoncture aux dépens du vendeur, en attendant la chute des prix après l'achat et en exigeant ensuite la résolution de la vente afin de se procurer la chose ailleurs à moindre prix34. Ces arguments ne sont pas convaincants s'agissant de contrats immobiliers et ils peuvent aussi difficilement justifier un devoir d'avis sans délai pour les contrats d'entreprise en général. Dans les contrats d'entreprise, l'objet du contrat est un ouvrage réalisé spécialement pour le maître d'ouvrage et non une marchandise générique. La revente à un tiers à bref délai n'entre en général pas en ligne de compte. Occasionnellement, on avance que l'entrepreneur ou le vendeur doit être prémuni contre l'obligation de répondre des dommages causés par un défaut qui s'aggrave, qui auraient pu être évités si l'avis était intervenu 31 32 33 34

Dans ce sens, THEODOR BÜHLER, no 3 ss ad art. 367 CO.

ATF 91 II 216; 88 II 365 consid. 2; voir par ex. aussi les arrêts du TF 4A_53/2012 du 31 juillet 2017 consid. 6.2 et 4C.159/1999 du 28 juillet 2000, consid. 1b/bb.

BECKER, no 1 ad art. 201 CO.

ATF 88 II 365; BECKER, no 1 ad art. 201 CO; OSER/SCHÖNENBERGER, no 3 et 22 ad art. 201 CO.

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plus tôt. Les moyens techniques actuels permettent toutefois de constater mieux qu'autrefois quels dommages ont été causés par une attente inutile. Le devoir de minimiser le dommage oblige de toute manière le maître d'ouvrage à signaler immédiatement les défauts qui causent un dommage dont l'ampleur s'aggrave en cas d'attente35. Il n'est donc ni nécessaire, ni approprié de protéger l'entrepreneur par le biais d'un avis sans délai, dont le non-respect cause la péremption de tous les droits de garantie du maître d'ouvrage36. Dans plusieurs arrêts récents, le Tribunal fédéral a fait siennes les critiques relatives à la brièveté du délai d'avis et souligné à quel point le délai de réflexion dont dispose le maître ou l'acheteur était court. Il a relevé que le délai de sept jours était indicatif et ne répondait nullement à une règle stricte37. Il a en outre précisé que les défauts cachés apparaissant insidieusement n'étaient pas réputés découverts dès les premiers signes, mais seulement une fois qu'il était possible de déterminer leur portée et leur étendue38. Cette jurisprudence ne change rien toutefois au principe de l'avis sans délai inscrit dans la loi.

1.1.4.2

Exclusion de la responsabilité et cession des droits de garantie

Dans les contrats d'achat d'immeubles comportant des constructions neuves, il arrive souvent que le vendeur ou l'entrepreneur s'exempte de sa responsabilité ou la restreigne en échange de la cession des droits de garantie à l'égard de son ou ses soustraitants à l'acheteur ou au maître39. Ces clauses font que l'acheteur, en cas de défauts de construction, ne pourra pas se retourner contre le vendeur ou l'entrepreneur, mais seulement contre les sous-traitants, alors même qu'il appartiendrait au vendeur ou à l'entrepreneur de le faire. Elles apparaissent aussi dans les contrats d'entreprises générales et sont particulièrement répandues dans les contrats d'acquisition de propriétés par étages ou de maisons plurifamiliales, notamment dans le segment de prix inférieur.

Il y a des restrictions aux effets juridiques que produisent ce genre de clauses. Les limites générales des clauses excluant ou restreignant la responsabilité ou la garantie fixées aux art. 100 et 199 CO s'appliquent: de telles clauses sont nulles en cas de dol ou de faute grave ou encore de dissimulation frauduleuse des défauts de la chose. Il

35 36

37 38 39

À propos du devoir de diminuer le dommage en particulier, voir le commentaire de l'art. 219a P-CO au ch. 3.1.

Voir également la critique détaillée de cette règle par THEODOR BÜHLER, no 62 ss ad art. 367 CO; d'après STÖCKLI, avis de droit, no 36, aucun intérêt digne de protection de l'entrepreneur ne justifie de faire supporter au maître d'ouvrage la charge que représente le devoir d'avis.

Voir à ce sujet les arrêts du TF 4A_399/2018 du 8 février 2019, consid. 3.2; 4A_261/2020 du 10 décembre 2020, consid. 7.2.1; 4A_205/2020 du 13 juillet 2021, consid. 3.1.1.

ATF 131 III 145, consid. 7.2; arrêt du TF 4A_261/2020 du 10 décembre 2020, consid. 7.2.1.

Concernant cette pratique, voir KRAUSKOPF/MÄRKI, pp. 69 s. et 79 ss et les références citées.

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est par contre possible d'exclure totalement la responsabilité dérivant du fait des auxiliaires, soit par exemple des sous-traitants (art. 101, al. 2, CO)40. La cession des prétentions en garantie entraîne elle aussi la nullité, à l'exception du droit à la réfection; seules les prétentions résultant du droit de garantie exercé peuvent être cédées41. On tient compte en pratique des lacunes manifestes de telles clauses en indiquant par exemple que la cession ne porte que sur le droit à la réfection, tandis que la cession des autres droits est exclue. Il arrive aussi que le vendeur ou l'entrepreneur donne procuration à l'acheteur ou au maître d'ouvrage afin qu'il puisse exercer à sa place les droits de garantie dont il disposait vis-à-vis de son ou ses sous-traitants et profiter par exemple d'une réduction de prix au lieu de faire valoir ses propres droits de garantie.

Outre la question de l'admissibilité de telles clauses se pose celle des principes applicables aux conditions générales, notamment de leur acceptation, de la règle de l'interprétation des clauses ambigües ou inhabituelles et de l'applicabilité de l'art. 8 de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD)42. La question de savoir si les maîtres qui font construire une maison ou achètent un immeuble à des fins privées sont des consommateurs au sens de l'art. 8 LCD n'est pas tranchée; une telle interprétation est toutefois envisageable et défendue par certains auteurs de doctrine. La notion de consommateur au sens de l'art. 8 LCD doit être interprétée de manière autonome à l'appui de l'art. 3, par. 1, de la directive 93/13/CEE43, mais pas en tenant compte notamment de l'art. 32, al. 2, du code de procédure civile (CPC) 44 ou de l'art. 7, al. 1, let. e, de la loi fédérale du 23 mars 2001 sur le crédit à la consommation45, si bien que peut également être désigné comme consommateur une personne qui conclut un contrat portant sur une prestation qui n'est pas de consommation courante46. Toutefois, cette disposition de protection des consommateurs est soumise à des exigences relativement strictes, elle est formulée de manière très ouverte et aucun tribunal ne s'est encore penché sur les questions essentielles qu'elle pose, si bien qu'elle n'offre pas de protection efficace. Bien que l'admissibilité de telles clauses
au regard du droit civil ne fasse pas l'unanimité et doive faire l'objet d'un examen au cas par cas, elles sont régulièrement instrumentées et figurent dans les modèles de contrats de nombreux notaires47.

40 41

42 43 44 45 46

47

S'agissant de l'exclusion de la responsabilité en rapport avec ces clauses contractuelles, voir KRAUSKOPF/MÄRKI, pp. 70 ss; STÖCKLI, Stockwerkeigentum, p. 14.

ATF 114 II 239, consid. 5c/aa, bb, avec un renvoi à GAUCH, Werkvertrag, 3e édition, no 1781 ss; voir également KRAUSKOPF/MÄRKI, pp. 79 ss et STÖCKLI, Stockwerkeigentum, p. 17.

RS 241 Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, JO L 95 du 21.4.1993, p. 29.

RS 272 RS 221.214.1 Voir PROBST avec des renvois aux documents préparatoires, no 285 s. ad art. 8; MARTENET/PICHONNAZ, no 124 ss (notamment le no 131). En faveur d'une telle interprétation, avec des renvois aux avis d'auteurs de doctrine, STÖCKLI/AESCHIMANN, pp. 92 s.

La question est controversée dans la doctrine.

Voir KRAUSKOPF/MÄRKI, nbp 96 et 114; STÖCKLI, Stockwerkeigentum, pp. 11 s.

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À première vue, ces dispositions contractuelles ne semblent pas particulièrement défavorables, mais en réalité, elles affaiblissent fortement la position du maître d'ouvrage pour des raisons diverses, d'où les critiques exprimées48. Si le contrat prévoit que l'entrepreneur général ou le vendeur cède ses droits de garantie au maître ou à l'acheteur et non qu'il lui donne procuration, ladite cession ne peut porter que sur le droit à la réfection et le cas échéant sur la prétention à la réparation du dommage consécutif au défaut. Le maître ou l'acheteur non seulement perd la possibilité de résilier la vente ou de voir réduire le prix, mais il est de plus tributaire d'un avis des défauts effectué à temps par l'entrepreneur. S'agissant d'une propriété par étages, tous les droits cessibles vont au premier acquéreur de la part de copropriété; l'entrepreneur ne peut céder les droits de garantie à aucun autre acquéreur. Dans la pratique, les entrepreneurs essaient de ce fait de céder les droits de garantie relatifs aux défauts des parties communes au pro rata à chaque acquéreur. Un tel procédé soulève également des questions juridiques et s'avère désavantageux pour les acquéreurs. Il faut noter par ailleurs que les prétentions de l'entrepreneur ou du vendeur vis-à-vis de ses soustraitants ne correspondent pas forcément à celles du maître ou de l'acheteur vis-à-vis de l'entrepreneur ou du vendeur. Contrairement à l'acheteur ou au maître, l'entrepreneur n'a en général pas à subir de dommages consécutifs au défaut qu'il pourrait céder au maître ou à l'acheteur. Les dommages consécutifs au défaut qu'il pourrait subir sont justement les prétentions du maître ou de l'acheteur à son encontre, mais il s'en est affranchi en s'exemptant de toute responsabilité. Le maître ou l'acheteur ne peuvent donc plus faire valoir de dommages consécutifs au défaut. Il n'est pas non plus garanti que les termes du contrat entre l'entrepreneur et ses sous-traitants soient les mêmes que ceux du contrat entre l'entrepreneur et le maître ou l'acheteur, ce qui a des répercussions sur la définition de la notion de défaut. Il est par exemple possible que l'entrepreneur ne se soit pas fait garantir expressément par ses sous-traitants certaines caractéristiques qui figurent dans le contrat avec le maître ou l'acheteur; les prétentions
correspondantes du maître ou de l'acheteur seront dès lors sans objet. Quoi qu'il en soit, le problème majeur dans ce cadre est en général purement pratique: très souvent, le maître d'ouvrage ne peut pas déterminer quel sous-traitant répond du défaut, faute de connaissances spécifiques. Il a reçu une liste des sous-traitants de la part de l'entrepreneur général en même temps que celui-ci lui a cédé ses droits de garantie, et il est ensuite censé déterminer quel sous-traitant est responsable du défaut. Pour les défauts complexes en particulier, comme les infiltrations, les maîtres d'ouvrage sans connaissances techniques ne sont souvent pas en mesure de déterminer à quel soustraitant ils doivent s'adresser sans faire réaliser au préalable une expertise à leurs frais.

Les dispositions évoquées sont donc fortement défavorables au maître d'ouvrage, voire dysfonctionnelles: la cession des prétentions en garantie en cas de défauts ne reflète pas les positions et les fonctions respectives de l'entrepreneur général et du maître d'ouvrage dans cette «chaîne contractuelle». En soi, ce n'est pas la limitation des droits de garantie du maître d'ouvrage ou le fait que celui-ci doive se tourner vers les sous-traitants pour exercer la garantie qui rend ce régime inéquitable; c'est plutôt le fait que le maître d'ouvrage ne reconnaisse pas les conséquences de ces accords au moment de les conclure et qu'il y consentira dans l'idée fausse qu'il devra s'adresser 48

Voir en détail à ce ce propos STÖCKLI, avis de droit, no 24 ss; KRAUSKOPF/MÄRKI, p. 69 s. et 79 ss et les références à d'autres auteurs critiques dans la nbp 95 de cette publication.

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aux sous-traitants au lieu de s'adresser à l'entrepreneur général mais que ses droits restent les mêmes. En particulier, le maître ne se rend pas compte du fait que l'entrepreneur général se défausse ainsi de sa responsabilité caractéristique, qu'il ne sera pas en mesure de faire valoir la garantie pour les défauts faute de connaissances techniques et que, selon les circonstances, les prétentions cédées constituent des droits moindres ou autres que ceux qui découlent du droit dispositif. Comme les conséquences de cette pratique contractuelle ne sont pas reconnaissables pour un profane en matière juridique, la libre formation de la volonté n'est pas garantie au moment de la conclusion du contrat. Les clauses concernées ont souvent pour conséquence que le maître d'ouvrage se retrouve à supporter lui-même les défauts de construction. Ces clauses sont par conséquent inéquitables et abusives. Comme indiqué en introduction, ces clauses peuvent, dans le cas d'espèce, s'avérer abusives au sens de l'art. 8 LCD.

Il s'impose de régler clairement ce point dans le CO étant donné l'insécurité qui règne dans l'application de cette disposition.

1.1.4.3

Autres difficultés

Délai de prescription des défauts de construction Les défauts de construction se prescrivent par cinq ans. Le délai commence à courir à la livraison de l'ouvrage (art. 371, al. 1, CO). Le délai est le même pour les défauts d'un bâtiment; il commence à courir au moment du transfert de propriété (art. 219, al. 3, CO). Pour les défauts cachés, les délais commencent à courir au même moment (voir l'art. 210, al. 1, CO s'agissant du contrat de vente et le renvoi à cet article figurant à l'art. 371, al. 3, CO s'agissant du contrat d'entreprise). Les droits de garantie peuvent donc être prescrits avant même que les défauts aient été découverts. Les prétentions en dommages-intérêts se prescrivent également selon les délais de ces dispositions49. Vu les moyens techniques existants pour mettre en évidence les défauts et les dommages consécutifs, il est permis de remettre en question le délai de prescription pour les défauts de construction, beaucoup plus court que le délai de prescription général de dix ans (art. 127 CO)50.

Invocation de droits de garantie en cas de défauts frappant les parties communes d'une propriété par étages L'ancienne jurisprudence relative aux prétentions en garantie du fait de défauts des parties communes de la propriété par étages était très défavorable aux propriétaires individuels: d'une part, la communauté des propriétaires d'étages n'a pas de droits de garantie propres, car elle n'est pas partie aux contrats de vente correspondants et le Tribunal fédéral a explicitement exclu une cession légale des droits de garantie à celleci51. D'autre part, le droit du propriétaire d'étage individuel à la réfection était limité à sa quote-part, de sorte qu'il devait indemniser le vendeur pour la part des coûts de

49 50 51

Concernant le contrat d'entreprise, voir les ATF 113 II 264, consid. 2c; 77 II 243, consid. 3.

STÖCKLI, avis de droit, pp. 20 ss.

Voir l'ATF 114 II 239, consid. 3 et 4.

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réfection qui dépassaient sa quote-part52. Ceci rendait l'exercice du droit à la réfection nettement plus difficile pour le propriétaire d'étage individuel.

Le Tribunal fédéral a modifié récemment cette jurisprudence, fortement critiquée par la doctrine, et a abandonné le principe du droit à la réfection en fonction de la quotepart53. Depuis, chaque propriétaire peut demander l'élimination de l'intégralité des défauts sans devoir s'acquitter d'une partie des frais auprès de l'entrepreneur. Le propriétaire qui requiert des travaux de réfection des parties communes doit cependant, comme précédemment, recueillir l'assentiment de la communauté des propriétaires d'étages conformément aux règles de la copropriété applicables aux travaux de construction (art. 712g, al. 1, en relation avec les art. 647c ss CC). Cet arrêt du Tribunal fédéral élimine le plus gros obstacle auquel sont confrontés les acheteurs de propriétés par étages, même si certaines questions n'ont pas été réglées: par exemple, que se passe-t-il si un propriétaire d'étage a déjà obtenu une réduction du prix pour des défauts aux parties communes et qu'un autre propriétaire d'étage demande ultérieurement la réfection54? Ce problème est considérablement limité dans les cas où les parties s'entendent sur l'application de la norme SIA 118, dont l'art. 169 prévoit la primauté du droit à la réfection. Une autre question qui n'est pas résolue est de savoir ce qui se passe lorsque les droits de garantie contractuels des propriétaires d'étages ne sont pas identiques parce qu'ils ont conclu des contrats aux contenus différents avec le vendeur. Le Tribunal fédéral considère qu'il faudra coordonner la mise en oeuvre du droit à la réfection fondé sur le contrat d'entreprise, invoqué par certains acquéreurs de propriétés par étages, avec les règles sur la prise de décision de la communauté des propriétaires d'étage55; dans le cadre de la propriété par étages, cette coordination doit de toute façon avoir lieu en vertu des règles de la copropriété en matière de travaux de construction (art. 712g, al. 1, en relation avec les art. 647c ss CC).

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

1.2.1

Révision ciblée plutôt que totale des dispositions sur le contrat d'entreprise

Le Conseil fédéral propose une révision ciblée, qui se concentre sur les dispositions relatives au contrat d'entreprise (art. 363 ss CO), au contrat de vente d'immeuble (art. 216 ss CO) et à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 ss CC), et qui permet d'éliminer les lacunes mises en évidence par les interventions parlementaires. Il renonce à procéder à une révision totale des dispositions sur le contrat d'entreprise ou à créer un nouveau type de contrat (contrat de construction). Le droit en vigueur étant dans l'ensemble approprié et équilibré (voir le ch. 1.1.3), des modifications aussi poussées ne semblent pas nécessaires. De plus, dans la pratique, les parties souhaitent adopter des clauses contractuelles adaptées à la situation. Il est permis de douter qu'un nouveau type de contrat favoriserait grandement les particuliers qui font bâtir leur logement. Le droit de la construction, au vu de la complexité de la matière, 52 53 54 55

Voir les arrêts de principe à ce sujet: ATF 114 II 239 et 111 II 458.

Voir l'ATF 145 III 8, consid. 3.5.

Voir à ce propos notamment PICCININ, no 327.

ATF 145 III 8, consid. 3.5.

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demeurerait l'apanage des spécialistes, sans compter qu'une nouvelle réglementation serait source de nouvelles incertitudes juridiques. Les premiers à en pâtir seraient les particuliers qui, sous la menace de procédures judiciaires, n'essaieraient même pas de faire valoir leurs droits. Une révision ciblée semble plus à même de remédier aux principaux inconvénients que subissent les maîtres d'ouvrage (voir la présentation approfondie fournie aux ch. 4 et 5).

Il s'agit d'améliorer la situation au regard du délai d'avis des défauts et de l'exclusion de la responsabilité combinée à la cession des prétentions en garantie des défauts. Il s'agit par ailleurs de mettre en oeuvre la motion 17.4079 (voir le ch. 1.1.2.5) et de permettre la fourniture de sûretés pour éviter l'inscription d'une hypothèque légale.

Ces points faisaient déjà l'objet de l'avant-projet envoyé en consultation (voir le ch. 2).

1.2.2

Pas d'adaptation de la péremption et de la prescription des prétentions en garantie

On renonce à procéder à d'autres adaptations ciblées, même si certains problèmes demeurent. On maintient d'une part la péremption des droits de garantie qui intervient lorsque l'avis des défauts n'est pas effectué ou qu'il l'est tardivement. Certains participants à la consultation avaient demandé sa suppression. La prolongation du délai d'avis des défauts atténue considérablement la rigidité de la péremption et permet de résoudre de nombreux problèmes sans remettre en question en profondeur la systématique de la loi. Elle permet en outre de conserver la cohérence avec le droit du contrat de vente, où la péremption se justifie davantage. On renonce d'autre part à prolonger le délai de prescription. C'est l'option qui avait été choisie lors de la révision du droit de la prescription entrée en vigueur le 1er janvier 202056. Une prolongation de ce délai aurait peu de chances de réunir une majorité.

1.2.3

Invocation des prétentions en garantie en cas de défauts concernant les parties communes de propriétés par étages: pas de réglementation légale

On renonce par ailleurs à régler dans la loi l'invocation des prétentions en garantie en cas de défauts relatifs à une propriété par étages. Le Conseil fédéral estime que la résolution des incertitudes restantes peut être laissée à la jurisprudence. En particulier, la cession légale des droits de garantie des propriétaires à la communauté, proposée par une partie de la doctrine, manquerait sa cible. Même si cela permettait de régler plus clairement la compétence pour faire valoir des prétentions en garantie et assurer la coordination des différentes prétentions, la cession légale serait source d'aléas et constituerait une restriction sévère des droits des propriétaires d'étage.

56

RO 2018 5343

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1.3

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 juin 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202357 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202358.

Les modifications proposées sont toutefois indiquées pour assurer la mise en oeuvre des interventions parlementaires mentionnées au ch. 1.1.2.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose le classement des interventions parlementaires ci-après: 2002

M 02.3532

Dispositions du CO relatives au bâtiment. Protection du maître de l'ouvrage (N 13.12.2002, Fässler-Osterwalder)

2011

M 09.3392

Renforcer les droits du maître d'ouvrage en matière de réparation des vices de construction (N 02.03.2011, Fässler-Osterwalder; E 20.09.2011)

2018

M 17.4079

Application de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Concrétisation de la possibilité qu'a le propriétaire de fournir des sûretés suffisantes (N 16.03.2018, Burkart; E 19.09.2018)

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Avant-projet

Le 19 août 2020, le Conseil fédéral a ouvert la consultation sur un avant-projet59 conçu selon trois blocs thématiques: prolongation du délai d'avis des défauts, restriction de la possibilité d'exclure le droit à la réfection et concrétisation des exigences relatives à la fourniture de sûretés en lieu et place de l'inscription d'une hypothèque légale au registre foncier. La procédure de consultation a par ailleurs constitué l'occasion d'interroger les milieux intéressés sur la nécessité de réviser l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs en considération du risque que le maître doive payer deux fois les prestations.

L'avant-projet fixait à 60 jours le délai d'avis des défauts d'un ouvrage immobilier, tant pour les défauts manifestes que pour les défauts cachés. Pour ces derniers, le délai 57 58 59

FF 2020 1709 FF 2020 8087 L'avant-projet de révision du code des obligations (défauts de construction) du 19 août 2020 et son rapport explicatif sont disponibles à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP > Procédure de consultation 2020/46.

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devait commencer à courir à partir de la découverte des défauts. Il s'appliquait tant aux contrats d'entreprise qu'aux contrats de vente d'immeubles. Cette règle était de nature dispositive, afin que les parties puissent y déroger par contrat. S'agissant des constructions prévues pour un usage personnel ou familial, il était prévu qu'il soit impossible de déroger par contrat au droit à la réfection sans frais, droit qui devait exister également pour les contrats de vente d'immeubles comprenant des constructions neuves. L'idée était d'encadrer la pratique des entreprises, défavorable aux propriétaires de maisons et aux propriétaires par étages, consistant à combiner l'exclusion de la responsabilité et la cession des droits de garantie. Enfin, les sûretés à fournir pour éviter l'inscription d'une hypothèque légale au registre foncier devaient couvrir les intérêts moratoires pour une durée de dix ans et non plus pour une durée illimitée comme c'est le cas actuellement.

La procédure de consultation a pris fin le 30 novembre 2020. 24 cantons, 4 partis politiques et 42 organisations et autres participants se sont exprimés, soit 70 participants en tout60.

2.2

Aperçu et appréciation des résultats de la procédure de consultation

Une grande majorité des participants se sont montrés favorables aux objectifs de l'avant-projet ou du moins les ont acceptés: 23 cantons, 4 partis politiques et 16 organisations ont approuvé l'avant-projet soit dans son ensemble, soit dans ses grandes lignes. Aucun participant n'a refusé l'avant-projet sur le principe; 5 organisations ont émis des critiques. De nombreux participants se sont félicités que les modifications ne concernent que quelques points de détail et que l'on n'ait pas choisi de procéder à une révision totale des dispositions relatives au contrat d'entreprise, voire de mettre en place un nouveau type de contrat. Les participants ont par ailleurs perçu positivement le fait que l'avant-projet autorise les clauses contractuelles divergentes, en particulier celles fondées sur la norme SIA 118.

Les participants se sont montrés divisés en ce qui concerne le détail de l'avant-projet, notamment à propos de la prolongation du délai d'avis. Si nombre d'entre eux sont apparus favorables à la proposition de l'avant-projet (10 cantons, 2 partis et 26 organisations), une part non négligeable a exigé un délai plus long (2 cantons, 2 partis et 5 organisations), un délai semi-impératif (3 cantons, 2 partis et 11 organisations) ou la suppression de la péremption des droits de garantie (1 canton, 1 parti et 8 organisations). D'autres au contraire ont préféré un délai plus court (1 canton et 9 organisations) ou ont témoigné leur attachement à la nature dispositive du délai (1 canton et 5 organisations). S'agissant du droit à la réfection sans frais, c'est en particulier la limitation à l'usage personnel ou familial qui a fait débat et suscité des critiques; d'aucuns ont évoqué la question de la difficulté de procéder à des délimitations. La propo-

60

Synthèse des résultats de la procédure de consultation du 19 octobre 2022, p. 3, disponible à l'adresse www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP > Procédure de consultation 2020/46.

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sition visant à concrétiser les exigences relatives aux sûretés fournies en remplacement de l'hypothèque des artisans et entrepreneurs a quant à elle rencontré un large soutien (9 cantons, 4 partis et 35 organisations).

Les participants ont émis des avis très divers sur la question du risque pour le maître de payer les prestations deux fois. Aucune solution ne s'est dégagée qui pourrait réunir une majorité ni même qui serait soutenue par un groupe conséquent de participants, et ce d'autant que tous ne perçoivent pas la nécessité de légiférer.

L'avant-projet constitue aux yeux du Conseil fédéral un compromis susceptible de réunir une majorité, puisque tant son orientation générale que sa structure et les propositions de mise en oeuvre ont obtenu le soutien d'un nombre prépondérant de cantons, de partis politiques et d'organisations. L'aspect compromis est souligné par le fait que les participants considèrent soit que les propositions ne vont pas assez loin, soit qu'elles vont trop loin. La procédure de consultation a de plus mis en évidence le fait qu'aucune autre proposition n'était susceptible de réunir une majorité.

2.3

Suite des travaux

Vu les résultats de la consultation et leur appréciation, on a procédé à un examen critique de l'avant-projet pour parvenir au plus grand dénominateur commun entre les désidératas exprimés. Le projet correspond pour l'essentiel à l'avant-projet, compromis équilibré et largement accepté. On a tenu compte dans le commentaire des dispositions des critiques et propositions exprimées et tâché de répondre aux questions en suspens. Les experts externes suivants ont apporté leur soutien à l'administration: ­

Hubert Stöckli, MCL, avocat, docteur en droit, professeur ordinaire de droit civil et de droit commercial à l'université de Fribourg, co-directeur de l'Institut pour le droit suisse et international de la construction;

­

Thomas Siegenthaler, avocat spécialiste FSA en droit de la construction et de l'immobilier, docteur en droit, chargé de cours à l'université de Fribourg.

Aucune solution susceptible de rallier une majorité ne se dégage des avis nombreux et hétérogènes exprimés à propos du risque pour le maître de payer les prestations deux fois du fait de l'hypothèque légale souscrite par les sous-traitants. Les questions posées dans le cadre de la consultation seront traitées séparément lors des travaux relatifs au postulat 19.4638 Caroni «Pour une hypothèque des artisans et entrepreneurs plus juste».

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

La position juridique du maître d'ouvrage est fonction de dispositions relatives à différents types de contrats, mais dépend aussi fortement des principes généraux du droit des obligations et des droits réels. La matière (notamment les caractéristiques des différents types de contrats) est réglée de manières très diverses dans les législations d'autres pays. Il s'avère par conséquent difficile de faire une comparaison exhaustive 23 / 42

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avec le droit étranger; elle ne serait d'ailleurs pas très conclusive. Les interventions parlementaires et l'évaluation du droit en vigueur ne commandant pas une révision profonde de la systématique de la loi (voir les ch. 1.1.2 et 1.2), l'exposé de droit comparé pourra se limiter aux points suivants: ­

Avis des défauts: Les pays voisins de la Suisse appliquent une réglementation moins stricte. Le droit italien prévoit, comme le projet (voir le ch. 4.1.1), un délai d'avis de 60 jours (art. 1667, al. 2, du code civil italien [Codice civile]), qui ne s'applique pas si l'entrepreneur a reconnu les irrégularités du contrat ou les défauts ou qu'il les a cachés. Un délai d'un an s'applique en cas de défauts graves de l'ouvrage (art. 1669 du Codice civile). Les législations allemande, autrichienne et française ne prévoient aucun délai d'avis pour les défauts qui apparaissent avant l'échéance du délai de prescription61. Le droit allemand ne prévoit un avis des défauts que pour les contrats liant des entreprises; l'ouvrage est réputé accepté si le maître ne procède pas à l'avis (§ 377 du code du commerce allemand [Handelsgesetzbuch]). Il faut noter qu'en droit allemand, il peut également y avoir acceptation lorsque le maître réceptionne en toute connaissance de cause un ouvrage comportant des défauts (voir le § 640, al. 3, du code civil allemand [Bürgerliches Gesetzbuch, BGB]).

­

Droit à la réfection: En droit allemand, le maître peut à certaines conditions demander la réparation des défauts de l'ouvrage, éliminer lui-même les défauts et demander à être indemnisé pour ses dépenses, dénoncer le contrat ou réduire le prix et demander des dommages-intérêts ou une indemnisation pour les dépenses vaines (voir le § 639 du BGB). L'entrepreneur ne peut pas renvoyer à une convention excluant ou restreignant les droits du maître en cas de défauts s'il les a tus frauduleusement ou s'il s'est engagé à garantir les caractéristiques de l'ouvrage (§ 639 du BGB). S'il s'agit d'une vente d'immeuble comportant une nouvelle maison ou un nouvel ouvrage ou encore une maison ou un ouvrage modifiés (contrat dit Bauträgervertrag), ce sont les dispositions du BGB sur le contrat d'entreprise qui s'appliquent à la construction ou à la transformation (§ 650u du BGB). En droit français, la responsabilité de l'entrepreneur est réglée aux art. 1792 ss du code civil. La loi prévoit trois types de garanties dans le cadre desquelles le maître dispose d'un droit à la réfection. Il y a premièrement la garantie de parfait achèvement au sens de l'art. 1792-6, valable un an, par laquelle l'entrepreneur s'engage à réparer tous les désordres signalés par le maître, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception des travaux, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception des travaux. Il y a deuxièmement la garantie de bon fonctionnement au sens de l'art. 1792-3, d'une durée de deux ans, applicable aux éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage. Et il y a troisièmement la garantie décennale au sens de l'art. 1792, qui couvre les dommages

61

Voir ZINDEL/PULVER/SCHOTT, no 36 ad art. 367, avec des renvois à ALFRED BÜHLER, p. 331, et TRACHSEL, no 149 et no 156 ss.

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qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination. Aux termes de l'art. 1792-5, toute clause d'un contrat qui a pour objet d'exclure les garanties prévues ou d'en limiter la portée est nulle.

L'art. L111-18 du code de la construction et de l'habitation consacre lui aussi la nullité de toute clause d'un contrat qui a pour objet d'exclure les garanties légales ou d'en limiter la portée. Conformément à l'art. 1646-1 du code civil français, les art. 1792 à 1792-3 du même code s'appliquent également au vendeur d'un immeuble à construire. Selon le droit italien du contrat d'entreprise, le maître peut exiger que les défauts soient éliminés aux frais de l'entrepreneur ou que le prix soit réduit en proportion, sous réserve de dommages-intérêts dus pour faute par l'entrepreneur. Si l'ouvrage est si défectueux qu'il est inapproprié à l'usage prévu, le maître peut demander la dissolution du contrat (art. 1668 du Codice civile). Les limitations de responsabilité figurent à l'art. 1229 du Codice civile. L'al. 1 déclare nulle toute limitation de responsabilité inscrite dans les conditions générales en cas de faute intentionnelle ou de négligence grave. L'art. 1342, al. 2, demande que toute limitation de responsabilité figurant dans les conditions générales soit confirmée par écrit.

Le code italien de la consommation (Codice del consumo) précise de plus à son art. 36, al. 2, que les clauses de contrats de consommation qui ont pour but d'exclure ou de limiter les prétentions de ceux-ci en cas de non-exécution ou de mauvaise exécution sont nulles.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Le Conseil fédéral propose une révision ciblée portant sur les éléments particulièrement défavorables aux maîtres d'ouvrage (voir le ch. 1.2). L'idée est de présenter une solution aussi directe et efficace que possible, compréhensible pour les maîtres d'ouvrage et les acheteurs et ne présentant pas d'inconvénients ou de restrictions notables pour les entrepreneurs et les vendeurs. Il s'agit de permettre dans toute la mesure du possible les clauses contractuelles divergentes fondées notamment sur les normes SIA. Au vu des résultats de la procédure de consultation, le projet correspond pour l'essentiel à l'avant-projet (voir le ch. 2, et en particulier le ch. 2.3).

4.1.1

Prolongation du délai d'avis

L'avis sans délai requis par la loi en vigueur en cas de défauts portant sur des ouvrages étant d'une rigidité disproportionnée (voir le ch. 1.1.4.1), le Conseil fédéral propose, tout en le conservant sur le principe, de l'étendre. Il propose un délai d'avis de 60 jours pour les défauts portant sur des ouvrages immobiliers (art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO), de même qu'en cas d'achat d'immeuble (art. 219a, al. 1, P-CO). Le délai de 60 jours s'appliquera également aux défauts cachés; il commencera à courir au moment où ceux-ci sont découverts (art. 219a, al. 1, et 370, al. 3, 2e phrase, P-CO).

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Une majorité des participants à la consultation se sont ralliés au principe de la prolongation du délai d'avis62. Cette mesure améliorera considérablement la situation des maîtres d'ouvrage et permettra d'éviter de nombreux litiges inutiles. En même temps, la situation des entrepreneurs ne se dégradera pas grandement par rapport au droit en vigueur; en particulier, leur responsabilité ne sera pas étendue. Le fait que la norme SIA 118 contienne un délai de deux ans à son art. 172, al. 1, soit un délai encore plus long que ce que prévoit le projet, démontre qu'il n'y a pas de quoi défavoriser injustement les entrepreneurs. Le nouveau délai sera par ailleurs de nature dispositive (conformément au régime légal actuel). Certains participants à la consultation ont demandé un délai minimal impératif. Or il n'est pas nécessaire ni proportionné de créer du droit impératif, car cette modification de la loi ne vise pas à corriger une pratique contractuelle abusive, mais plutôt à remanier une disposition légale qui paraît aujourd'hui inéquitable (voir le ch. 5, commentaire de l'art. 219a, al. 1, 1re phrase, P-CO).

4.1.2

Droit à la réfection pour les maîtres d'ouvrage et les personnes acquérant un logement neuf pour leur usage personnel

4.1.2.1

Dans le contrat d'entreprise

Le Conseil fédéral entend limiter les conséquences néfastes de la pratique consistant à inscrire dans les contrats des clauses juridiquement douteuses et opaques consistant à combiner exclusion de la responsabilité et cession des droits de garantie de l'entrepreneur à l'égard de ses sous-traitants (voir le ch. 1.1.4.2). Il propose à cet effet qu'à l'avenir, le droit du maître d'ouvrage à la réfection sans frais soit indérogeable en cas de défauts concernant une construction que le maître ou l'acheteur destine à son usage personnel ou à l'usage de sa famille. Ce type de clauses figurent essentiellement dans les contrats qualifiés juridiquement de contrats de vente d'immeubles, mais une réglementation s'impose aussi dans le domaine du contrat d'entreprise, d'une part parce qu'on retrouve également ces clauses dans les contrats d'entreprises générales, et d'autre part parce qu'il faut empêcher toute possibilité de contourner les dispositions relatives au contrat de vente par le biais de la conclusion d'un contrat d'entreprise63.

Cette règle ne s'appliquera pas aux constructions acquises dans un but professionnel ou commercial, ni aux autres ouvrages mobiliers ou immobiliers. Le droit à la réfection figurant dans le contrat d'entreprise demeurera donc de nature dispositive. S'agissant des maîtres d'ouvrage qui font construire des immeubles dans le cadre d'une activité commerciale, il est permis de présumer qu'ils disposent des connaissances techniques nécessaires ou qu'ils peuvent aisément se faire conseiller. Pour des motifs de proportionnalité, on renonce donc à déclarer impératifs les droits à la résolution du contrat et à la réduction du prix. Pour le maître d'ouvrage, la réfection sans frais est souvent plus utile en pratique que les autres droits formateurs, et pour l'entrepreneur, il s'agit souvent de la variante la plus avantageuse et donc la moins contraignante, 62 63

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), pp. 5 s.

Voir le ch. 1.1.1.2 s'agissant des possibilités dont disposent les parties pour influencer la qualification du contrat.

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comme l'indique le fait que ce droit figure à l'art. 169 de la norme SIA 118. De très nombreux participants ont soutenu le principe d'un droit indérogeable à la réfection dans le contrat de vente et dans le contrat d'entreprise64.

4.1.2.2

En cas de vente d'immeubles

Comme cela a été décrit au ch. 1.1.1.2, la qualification du contrat de vente d'immeubles comprenant une construction neuve, notamment une propriété par étages neuve, en contrat de vente, en contrat d'entreprise ou en une forme mixte de ces deux types de contrats relève en partie du hasard et peut dans une certaine mesure être influencée par les parties. Or les conséquences pratiques de cette qualification sont grandes. Bien que certains auteurs de doctrine postulent un tel droit, il n'existe pas dans les dispositions en vigueur, et plus précisément celles sur le contrat de vente, de droit à la réfection65. À l'heure actuelle, sauf s'il a conclu une convention en ce sens avec l'entrepreneur, l'acheteur ne peut pas exiger la réparation des défauts. De plus, la pratique consistant à exclure les droits de garantie du maître d'ouvrage envers l'entrepreneur général en échange de la cession des droits de garantie du vendeur ou de l'entrepreneur envers ses sous-traitants est très présente dans les actes qualifiés juridiquement de contrats de vente. De ce fait, et également pour éviter toute possibilité de contourner la loi, le Conseil fédéral propose d'étendre aux contrats de vente d'immeubles le droit dispositif à la réfection sans frais. Ce droit sera indérogeable, tant dans le contrat de vente que dans le contrat d'entreprise, si les défauts concernent une construction neuve ou restant à ériger destinée à l'usage personnel de l'acheteur ou à l'usage de sa famille. Ce cas de figure est en effet le seul dans lequel il se justifie de mettre sur un pied d'égalité le contrat de vente et le contrat d'entreprise, puisque la qualification du contrat peut alors être fortuite ou dépendre de l'influence exercée par les parties. Par nature, le problème de l'exclusion de la responsabilité combinée à la cession des droits de garantie ne peut de plus se manifester que dans le cas de constructions neuves. Il n'y a pas lieu de prévoir un droit général à la réfection sans frais pour les contrats de vente ni de restreindre l'admissibilité de l'exclusion de la responsabilité; imposer un tel droit à une personne qui vend un immeuble comportant une construction ancienne ne serait guère acceptable, sans compter que les conséquences d'une exclusion de la responsabilité peuvent dans ce cas être comprises même par les acheteurs
qui n'ont pas de connaissances juridiques. Il s'impose de trouver un critère adéquat pour les acheteurs, puisqu'il n'est pas garanti par définition, contrairement au contrat d'entreprise, qu'il s'agit d'un ouvrage neuf. Le projet institue de ce fait une limite temporelle: le droit à la réfection ne vaudra que pour les logements qui ont été érigés moins d'un an avant l'acquisition ou qui doivent encore être érigés. Cela permettra de délimiter de manière fiable l'état de fait considéré de l'acquisition définitive par un particulier. En pratique, les nouveaux logements sont généralement vendus nettement moins d'un an après la construction. Dans l'ensemble, cette limite temporelle apparaît donc comme appropriée.

64 65

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), pp. 11 s.

ATF 95 II 119, consid. 6; arrêt du TF 4C.307/2000 du 22 février 2001, consid. 6.

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4.1.3

Droit à la constitution de sûretés en lieu et place de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

Le projet présente une proposition visant à concrétiser les exigences des sûretés constituées en lieu et place de l'hypothèque légale en exécution de la motion 17.4079 (voir le ch. 1.1.2.5) Selon le droit en vigueur, les artisans et entrepreneurs qui participent à l'édification d'une construction ou d'un autre ouvrage peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni du travail ou des matériaux (art. 837, al. 1, ch. 3, CC). Toutefois, la loi prévoit que le propriétaire peut éviter l'inscription de l'hypothèque légale au registre foncier s'il «fournit des sûretés suffisantes» pour couvrir la créance (art. 839, al. 3, CC). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les sûretés sont «suffisantes» lorsqu'elles offrent la même couverture que l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs du point de vue quantitatif et qualitatif66. Le Tribunal fédéral a en outre noté que les intérêts moratoires n'étaient pas limités dans le temps (art. 104 CO) et que, par conséquent, les sûretés fournies en lieu et place de l'hypothèque légale devaient offrir une couverture illimitée dans le temps ou du point de vue du montant67. Une garantie bancaire couvrant le capital, mais pas les intérêts moratoires pour une durée illimitée ne répond donc pas aux exigences fixées68. Cette jurisprudence empêche de déterminer à l'avance le montant des sûretés du fait de la durée en théorie infinie pendant laquelle les intérêts moratoires sont dus. Par conséquent, il est quasiment impossible, en pratique, de substituer une garantie bancaire ou des sûretés réelles à l'hypothèque légale.

Pour redonner une portée pratique à la disposition et améliorer la situation des propriétaires fonciers concernés, il suffira pour remplacer le droit de gage par des sûretés que celles-ci couvrent, outre la somme due, les intérêts moratoires pour une durée de dix ans. Cela rend déterminable le montant des sûretés de substitution et permet donc de chiffrer concrètement le montant d'une garantie bancaire ou la valeur que doivent avoir les sûretés réelles. À l'inverse, cette modification aurait peu d'incidences sur les intérêts des artisans et entrepreneurs: il est rare que les intérêts moratoires courent sur une durée plus longue que dix ans, car en règle générale, cette durée sera suffisante pour liquider
les éventuelles procédures judiciaires portant sur les sûretés. Il faut aussi garder à l'esprit que l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné a été rendu en lien avec l'équivalence «quantitative», donc le montant des sûretés. Il ne dit rien sur la qualité économique des sûretés. En pratique, la question de l'équivalence «qualitative» est souvent nettement plus importante que celle de savoir si les sûretés peuvent être exigées pour couvrir les intérêts moratoires pour une durée de plus de dix ans. Économiquement parlant, la garantie bancaire sera souvent plus attrayante. Par ailleurs, il est en règle générale plus simple et plus rapide d'accéder à une garantie bancaire que de faire réaliser un gage immobilier, ce qui donne un avantage pratique important au créancier. Faciliter l'obtention d'une garantie bancaire profite donc en définitive aussi aux créanciers.

66 67 68

ATF 142 III 738, consid. 4.4.2; 121 III 445, consid. 5a; 110 II 34, consid. 1b.

ATF 142 III 738, consid. 4.4.2 et 121 III 445, consid. 5a.

ATF 142 III 738, consid. 4.4.3.

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4.2

Droit transitoire

En l'absence de règle transitoire spéciale, ce sont les art. 1 à 4, tit. fin., CC qui s'appliquent en droit privé. L'art. 1, tit. fin., CC consacre le principe de la non-rétroactivité d'une modification de la loi. Cette règle protège la confiance dans les droits créés par un acte juridique conformément à la loi69. Les conventions contractuelles, expresses ou tacites, de même que toutes les autres clauses contractuelles conclues sous l'ancien droit, notamment relatives à l'obligation de garantie70, sont appréciées à la lumière de l'ancien droit, qu'elles soient de nature dispositive ou impérative71. Les art. 2 et 3, tit.

fin., CC indiquent dans quels cas une loi doit rétroagir par exception à la règle de base; cela vaut en particulier pour les règles édictées dans l'intérêt de l'ordre public et des bonnes moeurs (art. 2, al. 1, tit. fin., CC). La rétroactivité suppose donc que la norme appartienne aux principes fondamentaux de l'ordre juridique actuel, en d'autres termes qu'elle incarne des conceptions sociopolitiques ou éthiques fondamentales72.

Par leur caractère impératif, les art. 219a, al. 2, et 368, al. 2bis, P-CO visent à empêcher une pratique contractuelle qui est aujourd'hui considérée comme choquante et abusive. Toutefois, les clauses visant à exclure la responsabilité de l'entrepreneur ne violent pas manifestement les principes fondamentaux de l'ordre juridique. Dès lors, il n'y a pas d'intérêt public justifiant un effet rétroactif73. Par conséquent, une exclusion de responsabilité conclue sous l'ancien droit sera aussi valable selon le nouveau droit.

De même, les personnes qui ont acheté un immeuble sous l'ancien droit n'auront pas de droit à la réfection au sens de l'art. 219a, al. 2, P-CO, même si la responsabilité de l'entrepreneur n'avait pas été exclue. Conformément à l'art. 1, al. 1 et 2, tit. fin., CC, le délai d'avis se détermine selon l'ancien droit s'agissant des contrats conclus avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. Pour ces contrats, l'avis des défauts devra être fait sans délai même après l'entrée en vigueur du nouveau droit, ce qui aura notamment son importance pour les défauts cachés (voir l'art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO).

4.3

Mise en oeuvre

Les modifications proposées ne requièrent pas de mise en oeuvre au niveau de l'ordonnance ni de modification du droit cantonal.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Code des obligations

Art. 219, titre marginal et al. 3

69 70 71 72 73

ATF 140 III 406 et 138 III 662.

MUTZNER, no 65 ad art. 1.

MUTZNER, no 64 ad art. 1.

ATF 133 III 105, consid. 2.1.3; 119 II 46, consid. 1a; 100 II 105, consid. 2 Un intérêt public suffisant serait nécessaire également du point de vue du droit constitutionnel; voir VISCHER, no 3 ad art. 2, tit. fin., CC.

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L'al. 3 de la disposition, qui prévoit actuellement le délai de prescription pour les droits de garantie de l'acheteur d'immeuble, est déplacé dans un nouvel art. 219a.

Celui-ci règlera à la fois la prescription des prétentions en garantie (art. 219a, al. 3, PCO), l'avis des défauts et le droit à la réfection dont dispose l'acheteur.

À l'avenir, l'art. 219 P-CO ne règlera plus que la thématique de la garantie pour la contenance, ce qui se reflétera dans le titre marginal; pour le reste, la disposition existante n'est pas modifiée.

Art. 219a L'objet de cette nouvelle disposition est la garantie en cas de vente d'immeuble. Elle règle l'avis des défauts (al. 1), le droit de l'acheteur à la réfection (al. 2) et la prescription des droits de garantie (al. 3). Elle correspond à la version de l'avant-projet.

L'al. 1, 1re phrase, prévoit un délai de 60 jours pour l'avis des défauts dans le cadre de la vente d'immeuble. Cette règle vise à atténuer l'«avis sans délai», particulièrement strict, qui figure dans le droit du contrat d'entreprise et du contrat de vente, pour les personnes qui acquièrent un immeuble et celles qui font construire leur logement (voir à ce propos le ch. 1.1.4.1 ainsi que la règle parallèle dans le droit du contrat d'entreprise, art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO). Elle concerne les contrats de vente portant sur des immeubles avec des constructions nouvelles, anciennes ou pas de constructions du tout, le délai d'avis posant également problème dans ces deux derniers cas.

Le délai d'avis de 60 jours vaudra aussi bien pour les défauts apparents que pour les défauts cachés. Il s'agit d'un délai de péremption74, qui ne peut en principe être ni interrompu ni suspendu75. Le délai d'avis commence à courir dès la fin du délai de vérification pour les défauts apparents. En ce qui concerne la vente d'immeubles, le délai de vérification commence quant à lui à courir au moment du transfert de propriété du vendeur à l'acheteur76. De fait, il n'existe pas en général de durée uniforme pour l'ensemble de l'immeuble77. Par conséquent, le moment où le délai d'avis commence à courir ne peut pas être fixe. Le délai d'avis pour les défauts cachés commence lui à courir à la découverte du défaut (al. 1, 2e phrase)78.

Compte tenu de l'allongement des délais, les acheteurs devront en particulier être
attentifs à leur devoir de diminuer le dommage, qui peut, dans certaines circonstances, imposer un avis des défauts à plus bref délai. Il s'agit d'un principe juridique qui concrétise le devoir général selon lequel un droit doit être exercé avec ménagement (art. 2, al. 1, CC) et qui impose de prendre en compte la faute du lésé dans le calcul du dommage (voir l'art. 44, al. 1, CO, qui s'applique aussi à la responsabilité contractuelle en 74 75 76 77

78

ATF 61 II 148, consid. 5c.

ALFRED KOLLER, in: GUHL/KOLLER/ SCHNYDER/DRUEY, § 38 no 51.

ATF 131 III 145, consid. 7.1.

Voir ERICH RÜEGG, in: Grundstückkauf, no 232, qui cite l'exemple de l'isolation thermique et du chauffage, pour lesquels le délai de vérification englobe une partie de la saison hivernale.

S'agissant de la notion de découverte, nous renvoyons aux principes établis dans la jurisprudence pour le contrat d'entreprise (art. 370, al. 3, CO). Voir également le commentaire de l'art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO.

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raison du renvoi à l'art. 99, al. 3, CO)79. Selon ce principe, le lésé doit supporter le dommage dans la mesure où il l'a causé lui-même par sa faute, de sorte qu'en cas de violation de ce principe, seul est réparable le dommage qui serait survenu même si le lésé avait respecté son incombance de diminuer le dommage80. Conformément à ce principe, l'acteur devra toujours procéder dans les meilleurs délais, conformément au principe de la bonne foi, à l'avis des défauts qui causent des dommages qui vont en s'aggravant ou pour lesquels il est reconnaissable qu'il sera plus difficile ou plus coûteux de les réparer plus tard. Si l'acheteur ne se plie pas à cette incombance, il ne perdra plus tous ses droits de garantie, mais seulement le droit à la réparation du dommage qui ne serait pas survenu si l'avis des défauts était intervenu plus rapidement.

Le principe de la diminution du dommage est incontesté dans la doctrine et la jurisprudence. On renonce donc à l'inscrire dans la loi, contrairement aux exigences de certains participants à la consultation81. Une règle en ce sens paraîtrait singulière au vu de la validité générale de ce principe en droit contractuel et extracontractuel et pourrait soulever de nouvelles questions.

Comme les règles en vigueur, cette nouvelle réglementation est de nature dispositive, ce qui signifie que les nouveaux délais d'avis pourront être modifiés par contrat. Certains participants à la consultation ont demandé un délai d'avis semi-impératif, arguant du risque de le voir raccourci par contrat82. Or il n'est pas nécessaire ni proportionné de créer du droit impératif, car cette modification de la loi ne vise pas à corriger une pratique contractuelle abusive, mais plutôt à remanier une disposition légale inéquitable (voir le ch. 1.1.4.1). Le fait qu'on institue un droit impératif à la réfection à l'art. 368, al. 2bis, P-CO, de même qu'à l'art. 219a, al. 2, P-CO en relation avec l'art. 368, al. 2bis, P-CO, devrait rendre nulle toute convention portant sur un délai d'avis plus court en rapport avec ce droit à la réfection (voir le commentaire de l'art. 368, al. 2bis), ce qui relativise les craintes exprimées. Concernant tous les autres aspects, la situation juridique restera la même, en particulier s'agissant de la péremption des droits lorsque l'avis des défauts est tardif ou
omis (art. 201, al 2 et 3, CO).

L'al. 2 dispose que l'acheteur d'un immeuble pourra bénéficier à certaines conditions du même droit à la réfection que le maître. La qualification en contrat d'entreprise ou de vente pour les constructions récemment érigées ou devant encore l'être dépend souvent de circonstances plus ou moins fortuites et peut être orientée sciemment par les parties (voir le ch. 1.1.1.2). Il s'impose donc d'instaurer des règles parallèles pour les contrats d'entreprise et pour les contrats de vente, bien que le droit à la réfection semble constituer un corps étranger dans les dispositions sur le contrat de vente et qu'il ne soit jusqu'à présent pas prévu dans la loi (voir le ch. 4.1.2.2). Pourtant, le droit à la réfection sera souvent l'instrument le plus satisfaisant pour l'acheteur, sans qu'il pèse excessivement sur le vendeur. S'agissant de constructions neuves, il peut en principe être exigé des vendeurs qu'ils se soumettent à une telle obligation étrangère au contrat, car l'édification fait en général intervenir à la fois des bureaux d'étude, 79 80 81 82

ATF 130 III 182, consid. 5.5.1 et les références citées; voir également l'arrêt du TF 4C_37/2011 du 27 avril 2011, consid. 4.2; OFTINGER/STARK, § 6 no 42 et § 7 no 16.

Arrêts du TF 4C_37/2011 du 27 avril 2011, consid. 4.2 et 4C.83/2006 du 26 juin 2006, consid. 4.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), p. 9.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), pp. 9 s.

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des entreprises générales et des sous-traitants, ce qui signifie que l'exécution du devoir de réfection ne dépend pas des connaissances personnelles ni des moyens de la personne tenue de réparer. De plus, les contrats d'entreprise, mais encore davantage les contrats de vente portant sur des propriétés par étages ou des maisons mitoyennes, contiennent souvent une exclusion de la responsabilité du vendeur assortie d'une cession à l'acheteur des droits de garantie du vendeur envers ses sous-traitants. Face à cette pratique contractuelle problématique, l'acheteur mérite une protection comparable à celle dont bénéficie le maître dans le cadre du contrat d'entreprise.

Dans le cas d'un achat d'immeuble, le droit à la réfection ne pourra exister qu'à deux conditions.

83 84

­

Premièrement, l'objet du contrat doit être un immeuble avec une construction.

La notion d'immeuble découle de l'art. 655 CC. Elle désigne les biens-fonds (al. 2, ch. 1), les droits distincts et permanents immatriculés au registre foncier (al. 2, ch. 2) et les parts de copropriété d'un immeuble (al. 2, ch. 4).

L'art. 655 CC couvre par conséquent l'achat d'une construction avec un droit de superficie, pour autant que ce droit de superficie soit inscrit au registre foncier en tant que droit distinct et permanent (art. 779, al. 3, CC). La propriété par étages (art. 712a, al. 1, CC) tombe également sous le coup de l'art. 219a, al. 2, P-CO. En application de l'art. 667, al. 2, CC, est réputée construction toute infrastructure ancrée au sol de manière fixe et durable. Les constructions mobilières (art. 677 CC) ne correspondent pas à cette définition, pas plus que les travaux de terrassement83. Contrairement à ce qu'ont exigé certains participants à la consultation84, on n'utilise pas la notion d'«ouvrage immobilier», propre aux dispositions relatives au contrat d'entreprise et étrangères à celles relatives au contrat de vente. Il faudrait introduire une nouvelle notion, qui ne manquerait pas de donner lieu à de nouveaux problèmes de délimitation.

­

Deuxièmement, le droit à la réfection ne doit s'appliquer qu'aux immeubles sur lesquels une construction a été érigée moins d'un an avant la vente ou sur lequel une construction doit encore être érigée. Cela permettra de garantir que seule l'acquisition d'une construction neuve est visée par cette réglementation et qu'il n'y a pas de droit à la réfection pour les constructions plus anciennes.

Seuls les personnes qui acquièrent une construction nouvelle peuvent être traitées comme des maîtres d'ouvrage. Pour les ouvrages existant depuis plus longtemps, il n'y a pas en règle générale d'exclusion de la responsabilité du vendeur en échange des droits de garantie contre ses sous-traitants et, si exclusion de la responsabilité relativement étendue il y a, elle ne sera pas à elle seule aussi trompeuse pour l'acquéreur. Le délai d'un an commencera à courir lorsque les travaux seront terminés et que l'ouvrage sera pour l'essentiel en l'état promis dans le contrat de vente. Les travaux mineurs ou accessoires ainsi que les éventuels travaux de réfection n'influencent pas en principe le moment de la fin des travaux. Si l'état requis n'est pas encore atteint, les conditions d'application de la disposition seront en tous les cas réunies puisque le logement devra «encore être érigé». Il s'agira alors soit d'un contrat mixte, soit Voir l'ATF 98 II 191, consid. 2.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), p. 14.

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d'un contrat portant sur la vente d'une chose future (voir à ce propos le ch. 1.1.1.2). Dans les deux cas, le projet prévoit un droit à la réfection en ce qui concerne les parties de la construction qui doivent encore être réalisées.

Le droit à la réfection ne doit pas être exercé dans le délai d'un an.

Conformément à l'al. 2, 2e phrase, les dispositions sur le contrat d'entreprise s'appliqueront par analogie au droit à la réfection applicable au contrat de vente. Son exercice sera donc soumis aux mêmes conditions que pour le contrat d'entreprise (c'est-à-dire que l'élimination des défauts devra être objectivement possible et que les coûts de réfection ne devront pas être excessifs)85. La notion de défauts sera quant à elle celle propre au contrat de vente. L'obligation de réfection portera donc sur le fait de mettre la construction dans l'état voulu. Le vendeur, de la même manière que l'entrepreneur dans la même situation, devra supporter les frais de préparation et de remise en état86.

Si le vendeur ne dispose pas des connaissances ni des compétences nécessaires pour mettre la construction dans l'état prescrit par contrat, il devra associer un tiers aux travaux87. Le droit à la réfection applicable au contrat de vente ne sera de nature impérative qu'aux conditions de l'art. 368, al. 2bis, P-CO.

L'al. 3 correspond à l'actuel al. 3 de l'art. 219 CO. Le nouvel emplacement de la disposition relative à la prescription des prétentions en garantie est lié à des motifs de systématique. Le libellé de cet alinéa a par ailleurs été calqué sur la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l'art. 219, al. 3, CO sur la prescription est applicable à tous les défauts et pas seulement aux défauts des bâtiments88.

Art. 367, al. 1, 2e phrase La disposition proposée correspond à la version de l'avant-projet. Elle comporte une nouvelle règle expresse concernant le délai d'avis pour les défauts apparents. Conformément au droit en vigueur, le délai d'avis pour les défauts cachés est réglé à l'art. 370, al. 3, P-CO. La règle relative aux défauts apparents ne concerne que les «ouvrages immobiliers». Cette notion figure déjà dans le droit en vigueur, notamment aux art. 371, al. 1 et 2, CO et 210, al. 2, CO. Elle suppose un ancrage fixe au sol89.

Elle recouvre dès lors les ouvrages de construction ancrés de
manière fixe au sol, les travaux dans un tel ouvrage, les installations ancrées de manière fixe au sol ou encore les travaux touchant le sol lui-même90. Contrairement à l'art. 368, al. 2bis, P-CO, on n'emploie pas la notion de «construction», moins étendue, d'une part parce qu'un délai d'avis plus long pour les ouvrages immobiliers se justifie ne serait-ce que sur le principe, d'autre part parce que des délais d'avis différents s'appliqueraient selon les circonstances aux différents éléments d'un seul et même ouvrage immobilier qui comporte une construction.

85 86 87 88 89 90

Voir en détail à propos des conditions du droit à la réfection GAUCH, Werkvertrag, no 1745 ss.

Voir GAUCH, Werkvertrag, no 1720.

Voir GAUCH, Werkvertrag, no 1715.

ATF 104 II 265, consid. 3.

Voir GAUCH, Werkvertrag, no 2239.

Voir GAUCH, Werkvertrag, no 2244 ss.

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L'obligation de vérification déjà contenue à l'al. 1 demeurera inchangée. Comme sous le droit actuel, la vérification devra intervenir aussitôt que possible d'après la marche habituelle des affaires. Le délai d'avis passera à 60 jours. Les défauts apparents sont réputés découverts dès la vérification terminée, ceux qui sont très manifestes le cas échéant même avant. Le délai commence donc à courir dès que la vérification est terminée. En raison du devoir de diminuer le dommage, un avis des défauts pourra s'imposer, dans le cas d'espèce, dans un délai plus bref (voir à ce propos les explications relatives à l'art. 219a, al. 1, P-CO). La conséquence juridique qui survient lorsque l'avis est tardif ou qu'il est omis reste réglée à l'art. 370, al. 2, CO.

La disposition demeurera de nature dispositive, si bien que la modification du délai d'avis sera possible par contrat (voir le commentaire de l'art. 219a, al. 1, 1re phrase, P-CO).

Art. 368, al. 2bis L'art. 368 règle les droits de garantie du maître dans le cas d'un contrat d'entreprise.

Un nouvel al. 2bis déclare nulle toute clause tendant à limiter ou à exclure d'avance le droit à ce que l'entrepreneur ou le vendeur répare à ses frais les défauts découverts si ceux-ci concernent une construction que le maître destine à un usage personnel ou familial. Cette disposition correspond à la version de l'avant-projet et permettra d'endiguer la pratique consistant à exclure dans leur ensemble les droits de garantie du maître vis-à-vis de l'entreprise générale (voir le ch. 1.1.4.2). Elle ne se limite pas aux contrats d'entreprises générales, si bien qu'elle évite les tentatives de contourner la loi et qu'elle est source de clarté sur le plan juridique. En effet, pour les travaux partiels (par ex. la rénovation d'une salle de bains ou d'une cuisine), il est souvent difficile de distinguer un contrat d'entreprise générale d'un contrat d'entreprise. L'exclusion des droits de garantie que sont le droit à la résolution, à la réduction du prix ou à des dommages-intérêts restera admissible dans le cadre des limites générales. Le caractère indérogeable de tous les droits de garantie demandé par certains participants à la consultation91 ne se justifie pas au vu de l'effet important que produira le droit indérogeable à la réfection.

L'al. 2bis porte d'une part sur
le droit à la réfection applicable au contrat d'entreprise au sens de l'al. 2 et d'autre part, par renvoi, sur celui, construit par analogie, applicable au contrat de vente d'immeubles au sens de l'art. 219a, al. 2, P-CO. L'al. 2bis s'appliquera aussi dans les cas visés à l'art. 368, al. 3, CO, disposition qui restreint la possibilité du maître de choisir entre différents droits de garantie, en excluant la résiliation de la vente dans certains cas. L'al. 2bis règle toutefois la nature impérative du droit à la réfection, droit que l'art. 368, al. 3, CO n'exclut nullement.

Le droit à la réfection ne sera toutefois impératif qu'à certaines conditions. Il le sera d'une part si les défauts sont découverts sur une construction, et pas sur un immeuble ou un ouvrage immobilier en général (s'agissant de la notion de construction, voir le commentaire de l'art. 219a, al. 2, P-CO), contrairement à ce qu'ont demandé certains participants à la consultation92. Cette distinction a son importance surtout pour les 91 92

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), pp. 12 s.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), p. 14.

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contrats de vente, mais n'est pas négligeable non plus pour les contrats d'entreprise, par exemple lorsque des travaux de terrassement s'imposent. Le but protégé par la norme ne semble pas nécessiter qu'on l'étende aux ouvrages immobiliers qui ne comportent pas de construction. Les dispositions sur le contrat de vente ne peuvent de plus porter que sur une construction et pas sur un ouvrage immobilier (voir le commentaire de l'art. 219a, al. 2, P-CO). On assure un certain parallélisme en recourant également à la notion de construction dans les dispositions sur le contrat d'entreprise. Il faudra d'autre part que le maître destine la construction à un usage personnel ou à l'usage de sa famille. Cette formulation correspond à celles utilisées aux art. 40a et 210 CO et à l'art. 32, al. 2, CPC93. Elle permet de ne viser que les constructions qui servent directement des buts privés94. La disposition ne sera pas applicable si la construction ou l'acquisition d'un bâtiment intervient dans un but de revente ou de location commerciale. Le but de l'acquisition peut être déduit de la déclaration expresse ou tacite de l'acquéreur ou du maître et, à défaut, de l'usage auquel on peut habituellement ou raisonnablement s'attendre en application du principe de la bonne foi95. De manière générale, l'entrepreneur ou le vendeur pourra déterminer le but de l'acquisition en fonction des circonstances d'ensemble, et notamment de la finalité du bâtiment et de la personne de l'acquéreur. En cas d'usage à la fois privé et professionnel ou commercial (usage mixte), il suffira, en vertu de la doctrine qui semble actuellement dominante concernant l'art. 40a CO, que l'usage privé n'ait pas une importance mineure (en d'autres termes, il ne faudra pas que l'usage professionnel ou commercial prévu prime)96. En cas d'application de la norme SIA 118, les problèmes de délimitation évoqués par un nombre relativement élevé de participants à la consultation97 ne revêtiront de toute façon qu'une importance secondaire, vu que cette norme accorde la primauté au droit à la réfection à son art. 169.

Conformément au libellé de la disposition, toute limitation ou exclusion du droit à la réfection est nulle. Même une exclusion partielle sera considérée comme telle. L'entrepreneur ne pourra pas prévoir par contrat que la réfection n'aura lieu
que jusqu'à un certain montant (des frais de réfection ou de la moins-value) ou jusqu'à une certaine proportion (en fonction de la quote-part de la propriété par étages). La conséquence juridique d'une exclusion du droit à la réfection sera la nullité de l'accord correspondant. La règle concernant le droit à la réfection s'appliquera à la place de la clause d'exclusion frappée de nullité. Conformément au principe du maintien partiel du contrat98, celui-ci demeurera valable à l'exception de la clause viciée. Il en sera ainsi même si une partie objecte qu'elle n'aurait pas conclu le contrat en l'absence de cette clause99. Au demeurant, ces clauses ne seront entachées de nullité que si elles ont été conclues à l'avance. Une partie pourra renoncer à ses prétentions si son droit

93 94 95 96 97 98 99

Le CPC utilise les termes de «besoins personnels ou familiaux».

KOLLER-TUMLER, no 3 ad art. 40a.

Voir KUT, no 31 ad art. 40a à 40g, et les références citées.

KUT, no 31 ad art. 40a à 40g; DORNIER, no 160 ss; KOLLER-TUMLER, OFK, no 8 ad art. 40a; STAUDER, no 15 ad art. 40a.

Synthèse des résultats de la procédure de consultation (nbp 58), pp. 12 et 15 s.

Voir les ATF 134 III 438, consid. 2.3; 131 III 467, consid. 1.3; 123 III 292, consid. 2e/aa.

ATF 123 III 292, consid. 2e/aa, arrêt du TF 4A_404/2008 du 18 décembre 2008, consid. 5.6.2 et GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, no 708 ss et notamment no 712a et les références citées.

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à la réfection est déjà né. Les litiges relatifs à la réfection pourront être réglés par voie transactionnelle comme c'est le cas actuellement.

Selon la règle générale figurant à l'art. 8 CC, c'est au maître qu'incombe le fardeau de la preuve s'agissant des conditions d'application du droit à la réfection, à savoir que ce sera à lui de prouver que la construction est bien prévue pour un usage personnel ou familial100. Cette règle aura elle aussi pour effet de relativiser les problèmes de délimitation en cas d'usage mixte.

La disposition est compatible avec la norme SIA 118, dont l'art. 169 consacre la primauté du droit à la réfection pendant les deux premières années. Si, comme l'entend une partie de la doctrine, un raccourcissement du (nouveau) délai d'avis a pour but de modifier indirectement les conditions de responsabilité, modification qui est soumise aux mêmes limites que l'exclusion de la responsabilité101, tout accord de ce type concernant le droit à la réfection sera nul et non avenu, et l'art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO primera sur la norme SIA 118, et notamment sur ses art. 179, al. 2, et 178, al. 1 et 2, de la troisième à la cinquième année après la réception des travaux (si les défauts ont été identifiés moins de 60 jours avant la fin de la deuxième année). Le nouveau délai d'avis de 60 jours s'appliquera.

Art. 370, al. 3, 2e phrase Cette disposition porte sur le délai d'avis applicable en cas de défauts cachés d'un ouvrage immobilier. Il sera de 60 jours, comme pour les défauts apparents (art. 367, al. 1, 2e phrase, P-CO). La nouvelle disposition correspond à la version de l'avantprojet. S'agissant du moment où le délai commence à courir, il faut noter qu'il n'existe pas d'obligation de vérification en ce qui concerne les défauts cachés102; dès lors, le délai d'avis ne commence pas à courir du seul fait que le défaut est objectivement reconnaissable. La constatation effective de premières traces de défauts ne suffit pas plus à faire démarrer le délai, dans la mesure où le maître est en droit de croire, en toute bonne foi, qu'il s'agit de manifestations habituelles et non de violations du contrat. Un défaut n'est réputé découvert qu'une fois qu'il a été indubitablement constaté103. Ce moment peut être retenu seulement lorsque le sérieux de la situation est manifeste et que le maître d'ouvrage peut comprendre l'importance et la portée du défaut104, ce qui implique parfois aussi un délai d'observation approprié105.

5.2

Code civil

Art. 893, al. 3 100

101 102 103 104 105

Voir KOLLER-TUMLER, remarque précédant les art. 40a à 40f, no 11, s'agissant de la répartition du fardeau de la preuve en rapport avec le droit de révocation réglé à l'art. 40a CO.

Voir GAUCH/SCHLUEP/SCHMID/EMMENEGGER, no 3081 et nbp 164.

À propos de la vente d'immeubles, voir l'arrêt du TF 4C.152/2003 du 29 août 2003, consid. 3.1.

ATF 117 II 425, consid. 2, et 107 II 172, consid. 1a.

ATF 118 II 142, consid. 3b, et 131 III 145, consid. 7.2.

Voir l'arrêt du TF 4C.159/1999 du 28 juillet 2000, consid. 1b.bb.

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La modification proposée correspond à la version de l'avant-projet et définit d'un point de vue quantitatif les exigences auxquelles doivent répondre les sûretés fournies pour être considérées comme suffisantes. À la différence de la situation juridique actuelle, la sûreté ne devra plus garantir les intérêts moratoires pour une durée indéterminée, mais seulement pour dix ans, ce qui est déjà conséquent (voir également à ce propos le ch. 4.1.3). À cet effet, le libellé actuel est complété par la précision «intérêts moratoires pour une durée de dix ans compris». Cette règle ne vaudra que pour autant que des intérêts moratoires soient effectivement dus dans le cas concret pour cette période; le montant des intérêts moratoires est déterminé d'après le taux applicable, qui peut résulter de la loi (art. 104, al. 1, CO) ou du contrat (voir l'art. 104, al. 2, CO).

Comme jusqu'à présent, il faudra également tenir compte des autres exigences qualitatives et quantitatives pour déterminer si des sûretés sont «suffisantes», cette question restant soumise aux mêmes règles que dans le droit en vigueur. Par conséquent, les sûretés fournies en lieu et place de l'hypothèque légale doivent avoir au moins la qualité économique d'un gage immobilier et, le cas échéant, couvrir également les frais de poursuite et les intérêts contractuels (voir l'art. 818, al. 1, ch. 2 et 3, CC)106.

6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a pas de conséquences pour la Confédération, ni en termes de finances ni en termes de personnel.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a pas de conséquences particulières pour les cantons et les communes.

S'agissant de leurs marchés publics de construction, on pourra se référer aux explications données à propos des conséquences pour la Confédération (voir le ch. 6.1).

6.3

Conséquences économiques

Les modifications proposées ne devraient pas avoir de conséquences économiques significatives. La probabilité d'être mis en cause en cas de défauts augmentera légèrement surtout pour les vendeurs de biens immobiliers et les entrepreneurs qui recourent aujourd'hui à des clauses contractuelles inéquitables combinant une exclusion de la responsabilité et la cession des droits de garantie. C'est justement là le but du projet.

Il n'y aura pas de conséquences notables pour les autres vendeurs et entrepreneurs, en particulier ceux qui appliquent régulièrement la norme SIA 118. Il n'y a pas non plus 106

À propos des exigences qualitatives et quantitatives auxquelles doivent répondre les sûretés, voir en détail les ATF 142 III 738, consid. 4.4.2, et 121 III 445, consid. 5a.

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à craindre de hausse tangible des prix sur le marché immobilier. Le projet est largement compatible avec la norme SIA 118. La seule question qui reste en suspens consiste à savoir si l'exigence de l'avis sans délai au sens de l'art. 179, al. 2, de la norme SIA 118 demeure effective de la troisième à la cinquième année suivant la réception des travaux et, en cas de défauts identifiables moins de 60 jours avant la fin de la deuxième année, si le droit à la réfection se périme à l'issue du délai d'avis de deux ans conformément à l'art. 178, al. 1 et 2, de la norme107.

Rien ne changera s'agissant de la vente d'immeubles comportant des constructions anciennes, puisque le projet ne prévoit pas de droit à la réfection dans ce cas. Les restrictions des prétentions en garantie existant par exemple en cas de «vente en l'état» demeureront admissibles dans les limites définies.

6.4

Conséquences sociales

Les modifications proposées auront des conséquences sociales positives. Elles permettront d'éviter que des maîtres d'ouvrage soient confrontés à des difficultés financières en raison de défauts de construction restant à leur charge. Il faut noter aussi que la révision permettra de ne plus prendre à la lettre, sans que cela soit matériellement justifié, la disposition légale qui exige que l'avis des défauts intervienne sans délai.

Elle mettra fin à la pratique contractuelle qui consiste, en toute opacité, à combiner exclusion de la responsabilité et cession des droits de garantie. Le projet clarifie donc la situation, la rend plus équitable et, partant, renforce la confiance dans le système juridique.

6.5

Conséquences environnementales

Le projet n'a de conséquences particulières sur l'environnement.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 122, al. 1, de la Constitution (Cst.)108, lequel attribue à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile.

107 108

Voir au ch. 5.1 le commentaire de l'art. 368, al. 2bis.

RS 101

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7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'a aucune obligation internationale qui pourrait restreindre sa marge de manoeuvre dans le domaine de la construction. Le projet est conforme aux normes de droit international liant la Suisse, notamment aux obligations résultant de sa participation à des organisations internationales ou à des traités bilatéraux ou multilatéraux.

7.3

Forme de l'acte à adopter

La modification du CO et du CC, lesquels comportent des dispositions fondamentales relatives aux droits et aux obligations des personnes, doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale (art. 164, al. 1, let. c, Cst.).

7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne comporte pas de nouvelles dispositions relatives aux subventions, ni ne porte sur de nouveaux crédits d'engagements ou plafonds de dépenses qui entraîneraient des dépenses supérieures à l'un des seuils fixés.

7.5

Délégation de compétences législatives

Le projet ne délègue pas de nouvelles compétences législatives au Conseil fédéral.

7.6

Protection des données

Le projet n'a pas d'incidences sur la protection des données.

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