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22.071 Message sur la modification du code pénal et du droit pénal des mineurs (Train de mesures. Exécution des sanctions) du 2 novembre 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de modification du code pénal et du droit pénal des mineurs (Train de mesures. Exécution des sanctions), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2016

M 11.3767

Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées (N 23.09.13, Rickli; E 14.06.16)

2016

M 16.3002

Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux (N 03.03.16, Commission des affaires juridiques du CN; E 29.09.16)

2016

M 16.3142

Droit pénal des mineurs. Combler une lacune en matière de sécurité (E 02.06.16, Caroni; N 27.09.16)

2018

M 17.3572

Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs (N 29.09.17, Guhl; E 28.02.18)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

2 novembre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Le train de mesures Exécution des sanctions apporte une série de modifications au code pénal et au droit pénal des mineurs.

1. Modification du code pénal Cette partie du projet met en oeuvre les motions 11.3767 Rickli, «Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées», 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, «Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux» et 17.3572 Guhl Bernhard, «Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs».

Contexte La motion 11.3767, modifiée par le Conseil des États, demande l'interdiction des congés non accompagnés pour les personnes internées. Les congés ne peuvent actuellement être accordés que si le comportement de la personne condamnée ne s'y oppose pas et qu'il n'y a pas de risque qu'elle prenne la fuite ou commette d'autres infractions.

La motion 16.3002 invite le Conseil fédéral à définir des critères et des standards minimaux pour régler de manière unifiée l'exécution des peines des condamnés dangereux, en collaboration avec les cantons et les concordats. L'exécution des peines est une tâche cantonale et le législateur fédéral se limite à donner des lignes directrices. C'est pourquoi, dans ce domaine, il y a de nombreux échanges entre la Confédération, les cantons et les concordats.

La motion 17.3572 charge le Conseil fédéral de modifier le code pénal pour que l'autorité compétente n'examine une libération conditionnelle qu'après trois ans ou sur demande fondée si l'examen en vue d'une libération conditionnelle d'un délinquant interné a donné lieu trois fois de suite un résultat négatif.

Contenu du projet La proposition du Conseil fédéral qui met en oeuvre la motion 11.3767 assurera qu'aucun congé non accompagné ne sera accordé à des délinquants qui subissent un internement ou une peine privative de liberté en milieu fermé.

En vue de la réalisation de la motion 16.3002, l'Office fédéral de la justice, en collaboration avec les cantons, a établi un rapport qui évalue la situation et la nécessité d'agir. Sur la base de ce rapport, le Conseil fédéral a mis en consultation une série de propositions. Celles-ci ont reçu un accueil majoritairement négatif. Les entretiens menés ensuite avec les cantons et les concordats ont permis de constater que la marge de manoeuvre
s'agissant du renforcement de l'assistance de probation et des règles de conduite était faible. Etant donné que, depuis l'avant-projet, le Tribunal fédéral a clarifié certaines questions ouvertes concernant les délais et du fait que les cantons peuvent, en grande partie, régler eux-mêmes les questions d'organisation (compétences des autorités d'exécution ou des tribunaux cantonaux), des doutes existent quant à la nécessité d'une action du législateur fédéral. C'est pourquoi le Conseil 2 / 76

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fédéral se limite à adapter la composition de la commission d'évaluation de la dangerosité et à modifier la définition de la dangerosité. Il prévoit aussi un droit de recours de l'autorité d'exécution dans les procédures cantonales et devant le Tribunal fédéral. Enfin, les autres modifications portent sur l'isolement des personnes internées et le secret de fonction des personnes actives dans le domaine de l'assistance de probation.

La mise en oeuvre de la motion 17.3572 vise à réduire la charge administrative induite par l'examen annuel de l'internement: cet examen n'interviendra d'office que tous les trois ans si la libération conditionnelle a été refusée trois fois de suite.

2. Modification du droit pénal des mineurs Cette partie du projet met oeuvre la motion 16.3142 Caroni «Droit pénal des mineurs.

Combler une lacune en matière de sécurité».

Contexte Les jeunes délinquants qui ne peuvent pas ou plus être pris en charge éducativement ou bénéficier d'un traitement doivent actuellement être libérés de l'exécution d'une mesure de protection - le cas échéant après avoir purgé le reste de la peine - alors même qu'ils présentent un danger pour les tiers. Le DPMin ne prévoit aucune mesure spécifique destinée à protéger les tiers. Le placement à des fins d'assistance prévu par le code civil, qui peut être demandé au terme d'une mesure de protection prononcée en vertu du DPMin et qui vise les personnes réfractaires à une action éducative ou à un traitement qui représentent une menace grave pour autrui, ne constitue pas une mesure de sécurité.

Contenu du projet Il est rare qu'un jeune délinquant passe entre les mailles de tous les filets de sécurité mis en place par le DPMin et doive être libéré d'une sanction alors qu'il est un «délinquant dangereux». Il n'y a donc pas lieu de modifier le DPMin dans sa substance, mais simplement de combler certaines lacunes. La portée de la réglementation proposée est très limitée afin de ne pas remettre en question les principes généraux du DPMin.

La réglementation proposée, après analyse des différentes solutions possibles, permet d'ordonner un internement pour des personnes de 18 ans révolus contre lesquelles une sanction a été prononcée en application du DPMin. Rédigées très restrictivement en raison des réserves exprimées par les milieux professionnels lors
de la consultation, ces dispositions ne trouveront application qu'à l'encontre de délinquants qui ont commis un assassinat après l'âge de 16 ans et qui, à l'expiration de la sanction prononcée en application du DPMin, risquent sérieusement de commettre à nouveau une infraction de ce type.

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Table des matières Condensé

2

1

7 7 7

Contexte 1.1 Modification du CP 1.1.1 Nécessité de légiférer et objectifs 1.1.1.1 Motion 11.3767 Rickli Natalie. Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées 1.1.1.2 Motion 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N). Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux 1.1.1.3 Motion 17.3572 Guhl. Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs 1.1.2 Droit applicable 1.1.2.1 Régime des sanctions du CP et exécution des sanctions pénales en Suisse 1.1.2.1 Congé pour les personnes internées 1.1.2.2 Examen de l'internement 1.1.2.3 Points clés du rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 1.1.3 Solutions étudiées et solution retenue 1.1.3.1 Motion 11.3767 Rickli Natalie. Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées 1.1.3.2 Motion 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N). Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux 1.1.3.3 Motion 17.3572 Guhl. Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs 1.2 Modification du DPMin 1.2.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2.1.1 Motion 16.3142 Caroni 1.2.1.2 Droit en vigueur 1.2.1.3 Lacune législative 1.2.1.4 Mineurs ayant commis des infractions très graves 1.2.1.5 Consultation d'experts 1.2.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.2.2.1 Extension du champ d'application du placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC 1.2.2.2 Nouvelle mesure de droit policier 1.2.2.3 Introduction d'une mesure de sécurité relevant du droit pénal des mineurs

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7 7 8 8 8 11 12 12 14 14 14 21 22 22 22 23 26 28 29 30 30 30 32

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1.2.2.4

1.3 1.4 2

3

Mesure de droit pénal des adultes succédant à la sanction de droit pénal des mineurs Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral Classement d'interventions parlementaires

33 35 35

Procédure de consultation 2.1 Modifications du CP 2.1.1 Résultats de la procédure de consultation 2.1.2 Concertation au sujet de la mise en oeuvre de la motion 16.3002 2.2 Modification du DPMin 2.2.1 Avant-projet 2.2.2 Résultats de la procédure de consultation

35 36 36

Présentation du projet 3.1 Modification du CP 3.1.1 Réglementation proposée 3.1.1.1 Interdiction des congés non accompagnés pour les délinquants internés dans un établissement fermé 3.1.1.2 Modification de la fréquence de réexamen de l'internement 3.1.1.3 Composition de la Commission d'évaluation de la dangerosité; définition de la dangerosité 3.1.1.4 Droit de recours des autorités dans le domaine de l'exécution des peines et mesures 3.1.1.5 Autres modifications 3.2 Modification du DPMin 3.2.1 Réglementation proposée 3.2.1.1 Résumé 3.2.1.2 Infractions susceptibles de mener à une mesure du CP 3.2.1.3 Internement comme seule mesure consécutive 3.2.1.4 Internement à l'issue du placement en établissement fermé 3.2.1.5 Internement à l'issue de la privation de liberté 3.2.1.6 Pronostic négatif au moment de requérir et de prononcer l'internement 3.2.1.7 Limite minimale de 16 ans 3.2.1.8 Compétence pour ordonner l'internement 3.2.1.9 Placement à des fins d'assistance 3.2.1.10 Exécution de la mesure 3.2.1.11 Droit de la procédure 3.2.1.12 Droit du casier judiciaire 3.2.1.13 Autres modifications

39 39 39

37 38 38 38

40 40 41 42 42 42 42 43 43 44 45 46 47 47 48 48 49 49 50 50 5 / 76

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3.2.2 4

Justification et appréciation de la solution proposée

51

Commentaire des dispositions 4.1 Modification du CP 4.1.1 Interdiction des congés non accompagnés pour les délinquants internés dans un établissement fermé 4.1.2 Modification de la fréquence de réexamen de l'internement 4.1.3 Commission d'évaluation de la dangerosité 4.1.4 Droit de recours des autorités dans le domaine de l'exécution 4.1.5 Autres modifications 4.2 Modification du DPMin

52 52

5

Conséquences 5.1 Conséquences pour la Confédération 5.1.1 Modification du CP 5.1.2 Modification du DPMin 5.2 Conséquences pour les cantons 5.2.1 Modification du CP 5.2.2 Modification du DPMin

69 69 69 69 69 69 69

6

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.1.1 Compétence législative 6.1.2 Modification du CP 6.1.3 Modification du DPMin 6.1.3.1 Conformité aux droits fondamentaux 6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 6.2.1 Modification du CP 6.2.2 Modification du DPMin 6.2.2.1 CEDH et Convention relative aux droits de l'enfant 6.2.2.2 Art. 5 CEDH: droit à la liberté et à la sûreté 6.2.2.3 Art. 6 CEDH: droit à un procès équitable 6.2.2.4 Art. 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant

70 70 70 70 71 71 72 72 73

52 52 53 58 58 60

73 73 75 75

Code pénal suisse (Train de mesures. Exécution des sanctions) (Projet)

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Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (Droit pénal des mineurs, DPMin) (Train de mesures.

Exécution des sanctions) (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Modification du CP

1.1.1

Nécessité de légiférer et objectifs

1.1.1.1

Motion 11.3767 Rickli Natalie. Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées

La motion 11.3767 Rickli visait à exclure de manière générale les «congés et [...]

sorties pour les personnes internées». Elle a été modifiée par le Conseil des États le 15 décembre 2015 de manière à exclure les congés non accompagnés. Le Conseil national a adopté la nouvelle version le 14 juin 2016.

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement une modification du code pénal (CP)1 en ce sens.

1.1.1.2

Motion 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N). Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux

Le Conseil national et le Conseil des États ont adopté la motion 16.3002 respectivement le 3 mars et le 29 septembre 2016.

Cette motion invite le Conseil fédéral à définir, en collaboration avec les cantons et en impliquant les concordats, des critères et des standards minimaux pour régler de manière unifiée l'exécution des peines des condamnés dangereux.

Pour la mise en oeuvre de la motion, l'Office fédéral de la justice (OFJ), en collaboration avec une délégation de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) composée de représentants des concordats sur l'exécution des sanctions pénales et des autorités cantonales d'exécution des peines et mesures, a établi un rapport2 publié le 20 novembre 2018.

Le rapport de l'OFJ ébauche la possible création d'un instrument destiné à assister et à contrôler les délinquants dangereux à l'issue de la sanction, simplifier la procédure en ce qui concerne le partage des compétences entre les autorités administratives et judiciaires, régler clairement la durée des mesures et fixer la composition et la saisine de la commission spécialisée chargée de se prononcer sur la dangerosité des délinquants.

1 2

RS 311.0 Rapport de l'OFJ du 20 novembre 2018 relatif à la motion 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 22 janvier 2016 «Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux» (ci-après: rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002), www.ejpd.admin.ch/dam/data/bj/aktuell/news/2018/2018-11-20/ber-straftaeter-f.pdf (état au: 23 mai 2022).

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1.1.1.3

Motion 17.3572 Guhl. Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs

La motion 17.3572 a été adoptée par le Parlement le 28 février 2018.

Le Conseil fédéral est chargé de modifier l'art. 64b CP pour que l'autorité compétente n'examine une libération conditionnelle qu'après trois ans ou sur demande fondée si l'examen de la libération conditionnelle d'un délinquant interné a donné lieu trois fois de suite à une décision négative.

1.1.2

Droit applicable

1.1.2.1

Régime des sanctions du CP et exécution des sanctions pénales en Suisse

Le CP suisse distingue les peines des mesures. Le régime des sanctions est dualiste et vicariant. Cela signifie que les autorités qui appliquent le droit peuvent ou doivent prononcer conjointement des peines et des mesures3, mais qu'elles doivent imputer la durée de la privation de liberté subie dans le cadre de l'exécution d'une mesure à la peine privative de liberté qu'il reste à purger4. L'exécution de la mesure prime celle de la peine (art. 57, al. 2, CP).

Depuis qu'il a été révisé en 2007, le régime des sanctions se distingue par sa grande flexibilité5. Il est possible d'ordonner ultérieurement une mesure thérapeutique institutionnelle ou ambulatoire à l'encontre d'un auteur pendant l'exécution d'une peine privative de liberté (art. 65, al. 1, CP)6. Le droit des mesures permet en outre d'ordonner ultérieurement un internement, par exemple lorsqu'une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP) est restée sans effet (art. 62c, al. 4, CP)7.

Lorsqu'un auteur exécutant une peine privative de liberté ne remplit pas les conditions nécessaires d'une mesure thérapeutique institutionnelle, il est possible d'ordonner ultérieurement un internement en vertu de l'art. 65, al. 2, CP. Cette disposition a été discutée de manière approfondie et introduite lors de la révision de la partie générale du CP (correctifs en matière de sanctions et casier judiciaire) de 20058. Étant donné qu'un tel prononcé correspond à une modification du jugement de condamnation, il est seulement possible de le faire en respectant les règles strictes de la révision («révision en la défaveur de la personne condamnée»). Du point de vue juridique, il 3 4 5 6

7 8

Dualisme, art. 57, al. 1, CP.

Vicariance, art. 57, al. 3, 62b, al. 3 et 63b, al. 1 CP.

A ce sujet, ATF 145 IV 167 consid. 1.7.

Au sujet de la mesure ambulatoire ultérieure, cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_82/2019 du 1er juillet 2019, consid. 2.3.5 et 2.3.8. Au sujet de la mesure thérapeutique institutionnelle ultérieure prévue à l'art. 65, al. 1, CP, cf. Cour EDH Kadusic c. Suisse, arrêt du 9 janvier 2018, no 43977/13 et arrêt du Tribunal fédéral 6F_8/2018 du 22 mai 2018, consid. 2.2.3.

Cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_81/2011 du 16 mai 2011, consid. 4; en tenant compte de la conformité à la CEDH ATF 145 IV 167, consid. 1.7 s.

Résumé des débats disponible sur le site https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/ suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20050060#/tab-panel-acc-9.

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n'existe pas de marge de manoeuvre pour ne pas appliquer strictement les conditions nécessaires de l'art. 65, al. 2, CP, d'autant plus que la réglementation en vigueur est presque unanimement critiquée par la doctrine9. La Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) avait déclaré que la réglementation allemande au sujet de la détention de sûreté (Sicherungsverwahrung) violait la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)10. Dans une affaire impliquant la Suisse et portant sur un internement ultérieur prononcé en application de l'art. 65, al. 2, CP, la Cour EDH a constaté une violation de la CEDH11.

En conclusion, il faut retenir que le régime des sanctions en vigueur est flexible et relativement étanche, ce qui permet de réinsérer les délinquants dangereux ou, si cela s'avère impossible, de les maintenir à l'écart de la société tant que cela est nécessaire pour empêcher la commission de nouvelles infractions graves.

9 10 11

Cf. HEER MARIANNE, in: Niggli Marcel A./ Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar zum Strafgesetzbuch und Jugendstrafgesetz, tome I, 4e éd., Bâle 2019, ad art. 65 no 58 ss.

Cour EDH, M. c. Allemagne, arrêt du 17 décembre 2009, no 19359/04.

Cour EDH, W. A. c. Suisse, arrêt du 2 novembre 2021, no 38958/16 (C'est l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_896/2014 du 16 décembre 2015 qui est contesté).

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Schéma Possibilités de modifier la sanction prévues dans le CP12

12

Le schéma ne contient pas les possibilités d'ordonner une mesure ambulatoire ou l'exécution progressive dans le cadre de la libération conditionnelle (prononcé d'une assistance de probation et de règles de conduite, réintégration).

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L'exécution des peines et des mesures est du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi (art. 123, al. 2, de la Constitution [Cst.]13 et art. 372 CP). Ils doivent mettre à disposition les moyens nécessaires, à savoir les autorités d'exécution, l'assistance de probation et les établissements de privation de liberté.

En vue d'accomplir ensemble leurs tâches, les cantons se sont regroupés en trois concordats régionaux sur l'exécution des sanctions pénales. Ces derniers contribuent essentiellement à l'harmonisation des pratiques en matière d'exécution et à une planification efficace des établissements pénitentiaires. La CCDJP a pris des mesures importantes en vue de l'harmonisation de l'exécution des peines et des mesures en adoptant des bases communes pour l'exécution des sanctions en Suisse ainsi qu'en fondant le Centre suisse de compétences en matière d'exécution des sanctions pénales (CSCSP).

Dans son rapport en réponse au postulat Amherd 11.4072 sur le contrôle de l'exécution des peines et des mesures en Suisse, le Conseil fédéral a décrit les tâches relevant de l'exécution des sanctions pénales en détail. De ce fait, nous ne présentons ici qu'un résumé de la situation.

Les tâches des autorités et des établissements d'exécution des sanctions pénales sont vastes. Elles vont de l'exécution de la détention avant une condamnation définitive jusqu'à la mise en oeuvre de l'assistance de probation après la libération conditionnelle. Les points centraux de l'action des autorités sont systématiquement la protection de la sécurité publique et la resocialisation des auteurs d'actes punissables.

Les autorités d'exécution ont pour mandat légal de poursuivre un double objectif: la resocialisation et la prévention de la récidive. Conformément à l'art. 75, al. 1, CP, l'exécution des peines vise à améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Les récidives d'actes criminels doivent être évitées afin de protéger la société. Selon le principe de la prévention spéciale positive, le but de l'exécution des sanctions pénales est de soutenir durablement la réintégration des délinquants et, ce faisant, de fortement contribuer à la protection de la sécurité publique.

Pour remplir ces tâches, les autorités cantonales d'exécution disposent
d'établissements spécialisés, par exemple d'établissements pénitentiaires ouverts ou fermés, d'établissements d'exécution des mesures, d'établissements de détention pour femmes et d'institutions pour jeunes adultes.

1.1.2.2

Congé pour les personnes internées

Le droit en vigueur exclut sans exception tout allégement dans l'exécution de la peine (art. 123a, al. 1, Cst., art. 84, al. 6bis, et 90, al. 4ter, CP) pour les personnes internées à vie (art. 64, al. 1bis, CP).

Pour celles condamnées à un internement ordinaire (art. 64, al. 1, CP), un allégement dans l'exécution ­ sous forme de congé accompagné ou non accompagné ­ n'est pas 13

RS 101

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exclu (art. 84, al. 6, en rel. avec l'art. 90, al. 2bis et 4, CP). Des congés peuvent être accordés pour autant que le comportement de la personne ne s'y oppose pas et qu'il n'y a pas lieu de craindre qu'elle ne s'enfuie ou ne commette d'autres infractions.

Pour décider de l'octroi d'un allégement dans l'exécution à un délinquant qui a été condamné selon l'art. 64, al. 1, CP, il faut examiner si les conditions relatives au caractère dangereux pour la collectivité énoncées à l'art. 75a, al. 3, CP sont remplies.

Selon ce qui figure dans la motion 11.3767, le CP doit être modifié afin d'exclure, de manière générale, tout congé et toute sortie non accompagnés pour les personnes internées.

1.1.2.3

Examen de l'internement

D'après l'art. 64b, al. 1, let. a, CP, l'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, au moins une fois par an et pour la première fois après une période de deux ans, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'internement.

L'examen annuel en vue de la libération conditionnelle occasionne une charge administrative considérable. Pendant ce laps de temps d'un an, le risque de récidive chez les délinquants internés ne diminue pas dans une mesure telle qu'elle permettrait d'envisager un allégement dans l'exécution. La fréquence de l'examen doit donc être revue.

1.1.2.4

Points clés du rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002

L'OFJ a examiné les aspects suivants dans son rapport relatif à la motion 16.3002:

14 15 16

­

Calcul de la durée des mesures thérapeutiques privatives de liberté: le droit en vigueur ne contient aucune disposition sur le calcul de la durée des mesures thérapeutiques. Entre-temps, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs arrêts sur cette question14.

­

Compétences pour lever, modifier ou prolonger une mesure thérapeutique: le droit pénal en vigueur attribue à deux autorités distinctes les compétences pour lever une mesure existante et en prononcer une nouvelle: tandis que la levée relève de la compétence de l'autorité d'exécution, la modification ou la prolongation ressortissent au juge. En raison du lien étroit existant entre ces deux types de décisions, les cantons peuvent aussi attribuer au juge la compétence pour lever une mesure15. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral16, l'autorité d'exécution compétente en vertu du droit cantonal doit avoir préalablement levé la mesure avant que le juge n'ordonne une autre mesure en Ch. 1.1.3.2> Calcul de la durée des mesures thérapeutiques privatives de liberté.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1098/2018 du 21 mars 2019, consid. 1.5, publication prévue.

ATF 134 IV 246, consid. 3.4; 141 IV 49, consid. 2.4 s.

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rendant une décision ultérieure indépendante selon les art. 363 ss du code de procédure pénale (CPP)17. Une réflexion sur une répartition différente des compétences ainsi que sur la possibilité de donner à l'autorité d'exécution la possibilité de recourir au Tribunal fédéral a été menée.

17 18

19

­

Commission d'évaluation de la dangerosité: la commission pluridisciplinaire prévue à l'art. 62d, al. 2, CP a pour rôle d'évaluer la dangerosité et de fournir un préavis à l'autorité d'exécution lorsque celle-ci statue sur des allégements dans l'exécution. Plusieurs dispositions règlent la saisine de la commission d'évaluation de la dangerosité (art. 62d, al. 2, art. 64b, al. 2, let. c, art. 75a, al. 1, en lien avec l'art. 90, al. 4bis, CP). L'art. 62d, al. 2, CP règle la composition de la commission spécialisée dans les grandes lignes. En pratique, les cantons ont réglé l'organisation, le fonctionnement et la composition des commissions d'évaluation de dangerosité de manière différente18. Le droit actuel règle les cas de saisine de la commission spécialisée et sa composition de manière peu détaillée, ce qui entraîne des réalités pratiques différentes entre les cantons.

­

Assistance de probation et règles de conduite: Le droit actuel prévoit que l'assistance de probation et les règles de conduite au sens des art. 93 et 94 CP19 sont ordonnées en cas de sursis ou de sursis partiel (art. 44, al. 2, CP), durant le délai d'épreuve assortissant la libération conditionnelle (art. 62, al. 3, art. 64a, al. 1, art. 87, al. 2), lors de l'exécution de certaines mesures (art. 63, al. 2, art. 67, al. 6, art. 67b, al. 4, art. 67c, al. 7bis). Il est possible de prolonger le délai d'épreuve (et, de ce fait, la possibilité d'ordonner une assistance de probation et d'imposer des règles de conduite) pour les auteurs internés qui se trouvent en liberté conditionnelle aussi longtemps que cela paraît nécessaire (art. 64a, al. 2, CP). Il en va de même pour les auteurs qui ont commis une infraction au sens de l'art. 64, al. 1, mais qui n'ont pas été internés (art. 87, al. 3, CP). Cela étant, il n'existe pas dans le droit en vigueur de possibilité de prolonger indéfiniment l'assistance de probation et les règles de conduite.

L'actuel régime des sanctions du CP est très flexible et relativement étanche en ce sens qu'il laisse peu de portes de sortie pour les délinquants condamnés pour des infractions graves. Pour ce qui est des infractions moins graves, il existe également des possibilités. Le Tribunal fédéral a, par exemple, reconnu qu'il était possible d'ordonner une mesure ambulatoire, une assistance de probation et des règles de conduite lorsque la mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP) avait été levée pour cause d'échec, que la peine privative de liberté intégralement purgée et qu'il apparaissait opportun de ne pas relâcher purement et simplement l'auteur mais de continuer à le soumettre à une prise RS 312.0 ZERMATTEN AIMÉE H. / FREYTAG THOMAS, Commission de dangerosité, in: Brägger Benjamin F./ Vuille Joëlle (éd.), Lexique pénitentiaire suisse ­ De l'arrestation provisoire à la libération conditionnelle, Bâle 2016, p. 84 ss; rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 (note 2), ch. 5.3.3.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la révision de la partie générale du CP en 2007, le CP prévoyait des mesures de contrôle et d'accompagnement sous le titre «patronage», cf. art. 47, aCP. Cf. à ce sujet HAFTER ERNST, Lehrbuch des Schweizerischen Strafrechts ­ Allgemeiner Teil, Berne 1946, p. 290 s.

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en charge20. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a justement rappelé qu'il était nécessaire que le droit des mesures soit flexible. En outre, comme pour tout individu qui présenterait un danger pour lui-même ou pour autrui, le recours à des mesures du droit civil ou de police n'est pas exclu.

1.1.3

Solutions étudiées et solution retenue

1.1.3.1

Motion 11.3767 Rickli Natalie. Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées

Aucune autre solution n'a été étudiée. La motion est mise en oeuvre dans sa version modifiée par le Conseil des États.

1.1.3.2

Motion 16.3002 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N). Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux

Les solutions suivantes ont été envisagées dans le cadre de la réponse à la motion 16.3002: Étendre l'internement Si un délinquant n'est pas amendable et que les conditions relatives à la dangerosité pour un internement ne sont pas réunies, on pourrait à première vue simplement étendre le champ d'application de l'internement. Cette mesure toucherait également les auteurs dont la dangerosité se situe en dessous du seuil que le droit actuel fixe pour l'internement. Le Conseil fédéral a toutefois déjà renoncé à cette idée dans l'avantprojet pour les motifs détaillés ci-dessous.

L'internement, en tant que privation de liberté de durée indéterminée constitue ­ avec la peine privative de liberté à vie (si elle est effectuée dans son entier) ­ la sanction la plus lourde du CP. Il s'agit donc là d'un moyen ultime («ultima ratio», cf. art. 56, al.

2, et l'art. 56a, al. 1, CP)21.

Selon l'objectif poursuivi par le législateur dans la nouvelle réglementation sur l'internement dans la révision de partie générale du CP de 2002, une infraction qui porte uniquement atteinte au patrimoine ne peut plus avoir comme conséquence juridique un internement. Les actes qui lèsent les biens juridiques individuels énumérés à l'art. 64, al. 1, CP et qui constituent une atteinte grave sont passibles d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins. Dans certains cas, l'internement peut être à vie.

Pour des motifs de proportionnalité, il convient de ne pas étendre cette mesure privative de liberté aux atteintes de peu de gravité à des biens juridiques individuels ni aux infractions contre le patrimoine. Cela équivaudrait à remettre en vigueur l'ancienne réglementation relative à l'internement des délinquants d'habitude.

20 21

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_82/2019 du 1er juillet 2019, consid. 2.3.5 et 2.3.8.

ATF 139 IV 57, consid. 1.3.3.

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L'extension de l'internement aux atteintes à des biens juridiques collectifs comme le bien juridique indistinct que constitue la sécurité publique irait trop loin. Dans ce cas, l'internement remplacerait, sans en porter le nom, la détention préventive. La détention préventive relève toutefois de prescriptions de police et n'est autorisée que dans des limites matérielles et temporelles strictes, notamment pour prévenir un danger concret et imminent. Dans un État de droit libéral, de tels instruments ne doivent être utilisés qu'avec une grande retenue.

De plus, en abaissant le seuil de l'internement, on accroîtrait le nombre de personnes internées, ce qui nécessiterait la création de places supplémentaires appropriées.

Si les conditions pour ordonner l'internement devaient devenir moins sévères, il faudrait aussi assouplir celles pour la libération de l'internement. Or la pratique actuelle, généralement stricte, en matière de libération de l'internement ­ pratiquement plus aucun délinquant n'est libéré conditionnellement22 ­ serait difficilement compatible avec une multiplication des profils de délinquants.

Aucun participant à la procédure de consultation n'a demandé une extension de l'internement.

Nouvelle mesure de surveillance Le rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 soumet à discussion une nouvelle mesure de surveillance23. Le Conseil fédéral y renonce toutefois pour les motifs exposés ci-dessous.

Une telle mesure ne s'articulerait pas comme une sanction privative de liberté mais comme une mesure restreignant la liberté. Comme elle interviendrait au terme de l'exécution d'une sanction, elle présente, tant du point de vue formel que temporel, des liens étroits avec l'assistance de probation et les règles de conduite des art. 93 s.

CP.

La création d'une nouvelle mesure autonome serait difficile à concilier avec la réglementation actuelle sur l'assistance de probation et les règles de conduite: il faudrait à tout le moins éviter les dépenses occasionnées par une double procédure et une organisation parallèle. L'application du droit des mesures serait encore plus fastidieuse.

Les différences d'ordre matériel et organisationnel entre la sanction déjà exécutée et la nouvelle mesure soulèveraient de nouveaux problèmes de sécurité lors du passage de l'une à l'autre.

Les adaptations
compliquées du casier judiciaire (VOSTRA) qu'exigerait la nouvelle mesure engendreraient des frais supplémentaires.

Aucune nouvelle mesure de surveillance n'a été demandée lors de la consultation.

22

23

Cf. FREYTAG THOMAS/ ZERMATTEN AIMÉE H,, Bedingte Entlassung aus dem Strafversus Massnahmenvollzug: Sind die Praktiken gleich?, in: Fink et al (éd.), Kriminalität, Strafrecht und Föderalismus, Berne 2019, p. 219 ss, 234 s.

Par ex. sur le modèle de la «Führungsaufsicht» du droit pénal allemand (§ 68 ss D-StGB), cf. rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 (note 2), ch. 7.1.1.

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Durcissement de la sanction pour non-respect de l'assistance de probation ou des règles de conduite Quiconque se soustrait à l'assistance de probation ordonnée ou viole les règles de conduite imposées peut être puni de l'amende en vertu de l'art. 295 CP. Certains se sont demandé si le durcissement de la peine encourue était nécessaire pour contraindre le délinquant libéré à respecter l'assistance de probation ordonnée ou les règles de conduite imposées. Le Conseil fédéral y renonce pour les raisons suivantes: L'art. 295 CP a été introduit ­ en même temps que la modification de l'art. 294 CP (infraction à l'interdiction d'exercer une activité, à l'interdiction de contact ou à l'interdiction géographique) ­ dans le cadre du contre-projet indirect à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants»24, et est entré en vigueur en 2015. Le message justifie la nécessité de cette disposition pour des situations où tout particulièrement la réintégration dans l'exécution d'une peine ou d'une mesure s'avère impossible et où une éventuelle violation des obligations reste sans conséquences significatives: l'art. 295 CP est censé combler cette lacune25.

Fournir des données statistiques sur l'application de l'art. 295 CP n'est pas possible, car les condamnations qui résultent de sa violation ne sont en principe pas inscrites au casier judiciaire informatisé (VOSTRA). S'agissant de l'art. 294 CP, il appert qu'aucun jugement n'a été rendu entre 200626 et 2014 pour infraction à l'interdiction d'exercer une profession27. Entre 2015 et 2018, on dénombre 13 condamnations28 pour quelque 200 interdictions d'exercer une profession ou une activité, interdictions de contact ou interdictions géographiques, prononcées depuis 200729.

Un durcissement de l'art. 295 CP ne paraît pas souhaitable pour les motifs exposés cidessous: ­

24

25 26 27

28

29

Premièrement, l'art. 295 CP sanctionne uniquement le non-respect de conditions et de règles de conduite dont le contenu va de la simple obligation de communiquer jusqu'au devoir de se soumettre à un traitement médical ordonné par le juge, en passant par l'obligation de suivre une formation spécifique. Tout comme l'art. 292 CP (insoumission à une décision de l'autorité),

Cf. à ce sujet message du Conseil fédéral du 10 octobre 2012 relatif à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec les enfants» et à la loi fédérale sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique (modification du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs) en tant que contre-projet indirect, FF 2012 8151.

Message (note 24), FF 2012 8151 p. 8199.

Avant la révision de la PG-CP, les infractions au sens de l'art. 294 aCP étaient érigées en contraventions et n'étaient pas inscrites au casier judiciaire.

Office fédéral de la statistique (OFS), statistique des condamnations pénales, tableau «Adultes: Condamnations pour un délit ou un crime au sens des articles du code pénal (CP)», état au: 20 mai 2019.

OFS, statistique des condamnations pénales, tableau «Adultes et mineurs: Condamnations et personnes condamnées pour un délit ou un crime au sens des articles du code pénal (CP)», état au: 20 mai 2019.

OFS, statistique des condamnations pénales, tableau «Adultes: Condamnations pour un délit ou un crime avec une interdiction d'exercer une activité et/ou interdiction de contact ou géographique», état au: 20 mai 2019.

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l'art. 295 CP est une norme pénale qui ne précise pas le contenu de l'obligation violée (Blankettstrafnorm) et qui ne se matérialise que par le prononcé.

La punissabilité ne repose pas nécessairement sur l'atteinte ou la mise en danger (même indirecte) d'un droit individuel juridiquement protégé. Cette norme se différencie en ce sens de la disposition pénale plus spécifique de l'art. 294 CP (infraction à l'interdiction d'exercer une activité, à l'interdiction de contact ou à l'interdiction géographique). De telles sanctions disciplinaires de droit pénal ne protègent en aucun cas des droits individuels.

L'argumentation selon laquelle la dangerosité de l'auteur requiert une privation de liberté assortie d'une sanction mélange la violation de l'obligation de se conformer à une règle (obligation de communiquer, etc.) avec l'infraction elle-même (infraction sexuelle ou infraction avec violence). Or la dangerosité du délinquant ne doit se mesurer qu'à l'aune de l'infraction commise. Dans cette optique, s'il y a lieu de craindre un acte de violence grave, il est possible d'ordonner, suivant les cas, une détention pour motifs de sûreté selon les règles du CPP ou une garde à vue prolongée conformément aux dispositions cantonales de police. En tous les cas, on ne saurait conclure à la légère à la dangerosité de l'auteur parce qu'il a violé une règle de conduite (ou autre). La condamnation à une peine privative de liberté ferme pour une simple insoumission prête à la critique car elle poursuivrait des objectifs cachés: l'auteur n'écoperait pas d'une peine privative de liberté à titre principal pour avoir violé une obligation de communiquer (ou une autre règle de conduite). Cette violation constituerait bien plus l'acte qui, de manière détournée, servirait à l'empêcher de commettre de nouveaux actes délictueux (aussi indéterminés soient-ils) puisqu'elle serait le motif de la privation de liberté. Cela reviendrait à ordonner une détention préventive en érigeant en infraction une simple insoumission à une décision de l'autorité, et ce en toute inadéquation avec le principe de la faute. Ce procédé serait difficilement compatible avec les conditions strictes qui sont posées par l'art. 221, al. 1, let. c, CPP pour ordonner une détention pour des motifs de sûreté. D'après le CPP, il faut notamment que le prévenu
soit fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit30 et qu'il compromette la sécurité de tiers par des crimes ou des délits graves31. On pourrait se demander si les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)32 sur la

30

31

32

D'après ce qui est prévu dans le CPP révisé, l'exigence d'infractions préalables pourrait être exceptionnellement levée en cas de danger sérieux, cf. projet I du CPP révisé, FF 2022 1560 et message du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États «Adaptation du code de procédure pénale»), FF 2019 6351 p. 6371 et 6393 ss (commentaires relatifs à l'art. 221 P-CPP).

Pour des précisions sur la détention préventive, la détention pour des motifs de sûreté et le cautionnement préventif fondés au moins en partie par des prescriptions de police dans le droit pénal fédéral, cf. Donatsch Andreas, Umgang mit gefährlichen Personen.

Mögliche gesetzgeberische Lösungen auf Stufe Bund und Kantone, avis de droit du 4 avril 2019 rédigé à l'intention de la CCDJP et du Département fédéral de justice et police [DFJP]), no 8 ss (consultable sur le site internet de la CCDJP, état au: 8 octobre 2019).

RS 0.101

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détention préventive33 ne seraient pas contournées sous couvert d'une disposition pénale relative, dans les faits, à des questions disciplinaires (et violant le principe de la faute).

Le Conseil fédéral considère la détention préventive comme un instrument adapté seulement dans des situations particulièrement graves et dans des limites clairement définies. Dans un récent projet de loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, il a renoncé à proposer au Parlement l'introduction d'une détention préventive sous forme de placement sécurisé34.

­

Deuxièmement, on peut s'interroger sur l'efficacité réelle d'un durcissement de l'art. 295 CP. Eu égard à la nature disciplinaire de cette disposition et au bien juridique qu'elle protège, il serait difficilement imaginable de prononcer presque systématiquement une (courte) peine privative de liberté en application de l'art. 41 CP. De même, il serait inéquitable de prononcer systématiquement une peine privative de liberté ferme en vertu de l'art. 42, al. 2, CP.

­

Troisièmement, la punissabilité du non-respect d'une obligation découlant de l'assistance de probation et des règles de conduite se trouve en contradiction avec le traitement privilégié dont jouit une personne qui entrave l'action pénale pour elle-même. Il est illogique de punir la transgression d'une règle alors que celui qui s'évade (cf. art. 310 CP) ou se soustrait par la fuite à l'exécution d'une peine ou d'une mesure (cf. art. 305 CP) n'est pas punissable.

Aucun participant à la procédure de consultation n'a demandé un renforcement de l'art. 295 CP.

Calcul de la durée des mesures thérapeutiques privatives de liberté L'avant-projet comportait une réglementation relative au calcul de la durée des mesures thérapeutiques privatives de liberté.

La consultation a montré que les changements législatifs envisagés étaient accueillis de manière positive. Entre-temps, le Tribunal fédéral a rendu plusieurs décisions sur le sujet et une codification ne ferait qu'entériner sa jurisprudence. En effet, il a déterminé dans l'ATF 142 IV 105 comment la date de début du délai de cinq ans d'une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59, al. 4, CP) doit être fixée selon deux cas de figure35. Lorsqu'une personne contre laquelle une mesure a été ordonnée se trouve en détention, le délai de cinq ans commence à courir à partir de la date d'entrée en force du jugement. Lorsque la personne est en liberté avant d'entamer une mesure, le délai de cinq ans commence à la date de son entrée dans l'établissement d'exécution des mesures.

Cette jurisprudence correspond à la réglementation qui avait été proposée dans l'avant-projet. Par conséquent, il n'apparaît pas nécessaire de légiférer sur ce sujet.

33

34 35

Au sujet de la proportionnalité du prononcé de la détention sur ordre de la police pour des raisons de sécurité après l'exécution de la peine ou de la mesure et au sujet de la conformité à la CEDH cf. DONATSCH (note 31), no 31 ss (en particulier 45 et 47 s.) et 76 ss.

Message du 22 mai 2019 concernant la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, FF 2019 4541 p. 4558 ss.

ATF 142 IV 105, consid. 5.6 et 5.9. De manière analogue: ATF 145 IV 65, consid. 2.7.1.; 147 IV 205, consid. 2.4.2.

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Compétences pour lever, modifier ou prolonger une mesure thérapeutique L'avant-projet réglait les compétences pour lever, modifier ou prolonger une mesure thérapeutique.

En confiant à une autorité judiciaire certaines compétences ressortissant actuellement à une autorité administrative dans une majorité de cantons, la Confédération empiéterait ponctuellement sur l'organisation judiciaire dans les cantons. Quatre cantons (GE, TI, VD, VS) ont déjà mis en place des autorités judiciaires compétentes pour statuer sur l'exécution des sanctions pénales, dont les attributions sont en partie aménagées comme le proposait l'avant-projet. Ces cantons ont émis des craintes par rapport à une possible insécurité juridique (concernant la question de l'autorité compétente et de la qualité pour recourir) en cas d'intervention du législateur fédéral sur certains points.

En outre, la proposition formulée dans l'avant-projet est, en partie, contestée notamment au motif qu'elle entraînerait des procédures plus longues, plus lourdes et plus onéreuses. Pour ces raisons, il apparaît justifié d'abandonner le transfert de certaines compétences des autorités d'exécution au profit des tribunaux mais de créer, dans la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral36 et dans le CP, une disposition conférant la qualité pour recourir en matière pénale à l'autorité d'exécution (voir ch. 3.1.1.4).

Renforcement de l'assistance de probation et des règles de conduite L'avant-projet comprenait une réglementation relative au renforcement de l'assistance de probation et des règles de conduite.

Le projet de renforcer l'assistance de probation (art. 93 CP) et les règles de conduite (art. 94 CP) a rencontré de vives critiques lors de la procédure de consultation. Il souhaitait éviter que des délinquants, présentant encore un risque de récidive, ne se retrouvent en liberté sans accompagnement vers la réinsertion ni surveillance au terme de l'exécution de leur sanction, parce que le droit pénal ne permettait pas le prononcé ultérieur d'une sanction (par exemple parce que le traitement institutionnel des troubles mentaux selon l'art. 59 CP devait être levé pour cause d'échec, qu'il n'y avait plus de solde de peine à exécuter et que les conditions du prononcé d'un internement n'étaient pas remplies). De manière générale, l'absence de moyens de
réaction ou d'intervention efficaces en cas de non-respect des règles de conduite et de l'assistance de probation est fortement désapprouvée. Les objectifs poursuivis par les nouveaux instruments prévus sont jugés irréalistes, ces derniers ne procurant qu'une sécurité de façade. Ordonner une assistance de probation et des règles de conduite au terme de l'exécution de la sanction est jugé comme une atteinte inacceptable aux libertés personnelles de la personne concernée et va à l'encontre du but de resocialisation. Les changements proposés sur le contenu des articles existants (art. 93 et surtout art. 94 CP), notamment la reformulation de l'art. 93, al. 1, CP; une nouvelle règle de conduite portant sur un lieu de séjour approprié aux besoins de l'auteur (art. 94, al. 2, let. a, AP-CP) ainsi que la nécessité d'une expertise psychiatrique dans certains cas (art. 94, al. 3, AP-CP) n'ont pas été bien accueillis non plus. Force est de constater que quasiment la totalité des cantons a rejeté la proposition de l'avant-projet lors de la consultation, ce qui rend sa mise en oeuvre inenvisageable. En effet, les cantons sont responsables de l'exécution des sanctions pénales (art. 123, al. 2, Cst.). Par ailleurs, ni lors 36

RS 173.110

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de la consultation, ni lors des échanges qui ont eu lieu avec les cantons37, une nouvelle proposition pouvant valablement remplacer celle de l'avant-projet, consistant à étendre l'assistance de probation et les règles de conduite, n'a été émise.

Harmonisation terminologique L'avant-projet contenait des propositions d'harmonisation terminologique.

Les modifications envisagées dans l'avant-projet relatives aux questions de compétences étant abandonnées (voir ci-dessus), il n'est plus pertinent de procéder à une harmonisation terminologique des termes «autorité compétente» et «autorité d'exécution». Ce d'autant plus que l'utilisation d'«autorité d'exécution» au lieu d'«autorité compétente» pourrait porter à confusion dans les cantons (GE, TI, VD, VS) où l'autorité compétente est justement un tribunal ou un juge d'exécution des sanctions pénales (autorité judiciaire) et non une autorité d'exécution (autorité administrative).

Conclusion relative à la mise en oeuvre de la motion 16.3002 La motion 16.3002 demande que le Conseil fédéral définisse, en collaboration avec les cantons et les concordats, des critères et des standards minimaux pour régler de manière unifiée l'exécution des peines des délinquants dangereux. Les motionnaires font valoir que le rapport présenté, en mars 2014, en réponse au postulat 11.4072 Amherd «Contrôle de l'exécution des peines et des mesures en Suisse»38, a mis en évidence certaines lacunes et des pratiques très différentes au sein des cantons et des concordats sur l'exécution des sanctions pénales, en particulier en ce qui concerne la gestion des risques des criminels dangereux.

Au moment des débats au Parlement39, en 2016, il est ressorti qu'il existait des lacunes dans plusieurs domaines, notamment le fait que le concept «Exécution des sanctions orientée vers les risques» n'ait pas été introduit dans tous les cantons ou qu'il existe trop de commissions pour l'évaluation de la dangerosité40. Il semblait alors important d'avoir une certaine harmonisation entre les pratiques cantonales et concordataires.

Depuis 2016, des améliorations importantes en matière d'harmonisation et de coopération ont eu lieu. Premièrement, le Processus latin d'exécution des sanctions orientées vers le risque et les ressources (PLESORR), qui se conçoit comme un concept similaire à celui de ROS
(Risikoorientierter Sanktionenvollzug), devrait être implémenté dans les cantons latins. Deuxièmement, la création du Centre suisse de compétences en matière d'exécution des sanctions pénales (CSCSP) a permis la publication de plusieurs documents visant à une meilleure harmonisation des pratiques, notamment dans le domaine de la santé41. Le CSCSP travaille par ailleurs actuellement à l'établissement d'un état des lieux concernant les «congés pénitentiaires», lequel analyse les dispositions réglementaires ainsi que les pratiques en vigueur dans les diffé-

37 38

39 40 41

Cf. ch. 2.1.2.

OFJ, Rapport relatif au postulat 11.4072 Amherd du 15 décembre 2011; Contrôle de l'exécution des peines et des mesures en Suisse, Berne 2014, https://www.bj.admin.ch/ dam/bj/fr/data/sicherheit/smv/dokumentation/ber-po-amherd-f.pdf (état au 23 mai 2022).

BO 2016 N 152 s.; BO 2016 E 864 ss.

Pour le détail de ces points: Bericht des BJ zur Motion 16.3002 (note 2), chiffre 2.

Voir notamment https://www.skjv.ch/fr/nos-services/publications (état au 23 mai 2022).

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rents cantons. Troisièmement, les deux concordats suisses alémaniques sur l'exécution des sanctions pénales ont récemment lancé le projet Horizont, lequel vise également une collaboration plus étroite entre eux mais aussi avec le Concordat latin et le CSCSP42. Enfin, le présent projet propose des améliorations ponctuelles, notamment en ce qui concerne les congés des personnes internées et la commission d'évaluation de la dangerosité.

Lors de la consultation, de nombreuses propositions de l'avant-projet, surtout celles relatives à l'extension de l'assistance de probation et des règles de conduite et à la saisine de la commission d'évaluation de la dangerosité, n'ont pas été jugées favorablement notamment par les cantons, qui auraient été chargés de leur mise en oeuvre.

Les participants à la consultation ont mis en avant la professionnalisation du domaine de l'exécution des sanctions pénales pour ce qui est de l'évaluation et de la gestion du risque. De plus, ils n'ont pas présenté d'alternative aux propositions critiquées de l'avant-projet, en particulier concernant l'extension de l'assistance de probation et des règles de conduite. S'agissant de la répartition des compétences et des différences cantonales en la matière, il sied de rappeler que les cantons peuvent s'organiser librement pour ce qui est de donner certaines compétences (par exemple, l'examen de la libération conditionnelle) à une autorité administrative ou judiciaire. Enfin, par rapport à la question du calcul de la durée des mesures thérapeutiques institutionnelles traitée dans l'avant-projet, le Tribunal fédéral a contribué à améliorer la sécurité du droit puisqu'il a rendu plusieurs décisions récentes sur ce sujet43.

Par conséquent, plusieurs propositions de l'avant-projet concernant la motion 16.3002 n'ont pas été poursuivies dans le présent projet. Celui se concentre sur les points suivants issus de la motion 16.3002: ­

Commission d'évaluation de dangerosité (y compris définition de la dangerosité);

­

Droit de recours des autorités d'exécution.

1.1.3.3

Motion 17.3572 Guhl. Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs

La motion Guhl était appliquée à la lettre dans l'avant-projet. Au cours de la consultation, de nombreux participants ont suggéré de réexaminer un changement de l'internement en une mesure institutionnelle (art. 65, al. 1) à la même cadence qu'on le fait pour une libération conditionnelle de l'internement. Cela semble judicieux.

42 43

https://www.konkordate.ch/projekt-horizont; https://www.osk-web.ch/projekt-horizont/ (état au 23 mai 2022).

Voir ci-dessus et les références citées à la note de bas de page 35.

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1.2

Modification du DPMin

1.2.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.2.1.1

Motion 16.3142 Caroni

La motion 16.3142 Caroni «Droit pénal des mineurs. Combler une lacune en matière de sécurité» a été adoptée par le Conseil des États le 2 juin 2016 et par le Conseil national le 27 septembre 2016. Sa teneur est la suivante: «Le Conseil fédéral est chargé de proposer des modifications législatives afin que l'autorité compétente puisse ordonner les mesures nécessaires ou la poursuite des mesures nécessaires à l'encontre de jeunes qui compromettent gravement la sécurité de tiers lorsque des mesures de protection relevant du droit pénal des mineurs (DPMin)44 ordonnées à leur encontre prennent fin parce qu'ils ont atteint l'âge limite fixé par la loi (art. 19 al. 2 DPMin).» Elle est développée comme suit: «Les mesures de protection relevant du DPMin (art. 12 ss) comportent une dangereuse lacune lorsque les jeunes à l'encontre desquels des mesures ont été ordonnées représentent une grave menace pour la sécurité de tiers: Parmi les mesures de protection prévues par le DPMin, l'autorité peut ordonner le placement en établissement fermé «si la protection personnelle ou le traitement du trouble psychique» le requiert (art. 15, al. 2, let. a) ou si le mineur «représente une grave menace pour des tiers et que cette mesure est nécessaire pour les protéger» (art. 15, al. 2, let. b).

Cependant, dès que la personne condamnée en vertu du DPMin atteint l'âge de 22 ans (ou 25 ans selon le nouveau droit), toutes les mesures prennent fin (art. 19, al. 2, DPMin).

L'autorité d'exécution peut certes requérir «les mesures tutélaires appropriées» si la menace subsiste (art. 19, al. 3, DPMin), mais ces mesures tutélaires ne sont conçues que pour les cas où le jeune a lui-même besoin de protection en raison de troubles psychiques, de déficience mentale ou de grave état d'abandon (art. 426 CC). Dès lors, si les mesures ordonnées en vertu de l'art. 15, al. 2, let. a, DPMin (mise en danger de sa propre personne ou trouble psychique) peuvent être prolongées, celles ordonnées notamment en vertu de l'art. 15, al. 2, let. b, DPMin (pure mise en danger de tiers, pas de trouble psychique) doivent impérativement prendre fin.

Selon le Tribunal fédéral, on peut aussi voir un besoin de protection personnelle au sens de l'art. 426 CC dans le simple fait de mettre un tiers en danger45. Cette jurisprudence a cependant été vivement critiquée
par la doctrine, sans compter que, dans l'affaire en question, le jeune souffrait d'un trouble psychique.

Pour protéger correctement les tiers gravement menacés lorsque le jeune ne souffre pas de trouble psychique ou ne met pas sa propre personne en danger, il faut introduire

44 45

RS 311.1 Cf. ATF 138 III 593, consid. 5.2.

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la possibilité d'ordonner ou de poursuivre les mesures nécessaires même si les mesures ordonnées en vertu du DPMin doivent prendre fin parce que le jeune a atteint l'âge limite prévu par la loi.

Ce système n'est pas nouveau: il est appliqué pour l'interdiction de prendre contact avec des personnes et l'interdiction géographique (art. 16a DPMin) depuis le 1er janvier 2015 (cf. art. 19, al. 4, DPMin). Il est d'autant plus nécessaire lorsque la menace à l'encontre de tiers est encore plus grave.»

1.2.1.2

Droit en vigueur

Placement en établissement fermé au sens de l'art. 15, al. 2, DPMin Le placement dans un établissement fermé sert avant tout à l'éducation ou au traitement du mineur. Un placement est ordonné si les conditions de l'art. 15, al. 1, sont réunies et que la protection personnelle ou le traitement du trouble psychique du mineur l'exigent impérativement (let. a) ou si l'état du mineur représente une grave menace pour les tiers et que le placement est nécessaire pour les protéger (let. b). Les conditions de l'al. 2, let. b, sont remplies lorsqu'au vu de la situation personnelle du mineur et des infractions qu'il a commises, il est à craindre qu'il ne commette à nouveau des infractions graves telles qu'un assassinat ou un viol, par exemple s'il s'échappait de l'institution.

Si le mineur a 17 ans, le placement peut être exécuté ou poursuivi dans un établissement pour jeunes adultes (art. 61 CP) (art. 16, al. 3, DPMin). Cette possibilité rend la séparation entre les auteurs mineurs et les auteurs majeurs moins stricte.

L'autorité compétente peut dans tous les cas ordonner, ultérieurement, un changement de mesure (art. 18 DPMin).

Les mesures de protection prennent fin au plus tard lorsque la personne a atteint l'âge de 25 ans46. L'autorité d'exécution doit examiner chaque année si et quand la mesure peut être levée. Cette dernière est levée si son objectif est atteint ou s'il est établi qu'elle n'a plus d'effet éducatif ou thérapeutique (art. 19, al. 1, DPMin).

Si, dans un tel cas, le solde de la privation de liberté ne peut pas être exécuté, la personne doit être libérée même si elle est encore dangereuse. Elle doit par ailleurs être libérée même si elle présente encore un danger à l'issue de l'exécution du solde de sa privation de liberté. Les jeunes délinquants profitent parfois de cette règle. Ils résistent à la prise en charge éducative ou thérapeutique afin d'être libérés (après avoir éventuellement subi une courte privation de liberté)47, ce qui accroît encore le danger qu'ils représentent pour la sécurité publique.

Actuellement, la seule possibilité qui s'offre aux autorités est de prononcer une mesure de droit civil. Si la fin d'une mesure de protection expose l'intéressé à des inconvénients majeurs ou compromet gravement la sécurité d'autrui et qu'il ne peut être 46 47

Avant le 30 juin 2016, cet âge était fixé à 22 ans.

HUG CHRISTOPH / SCHLÄFLI PATRICIA / VALÄR MARTINA, in: Niggli Marcel A. / Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar zum Strafgesetzbuch und Jugendstrafgesetz, tome II, 4e éd., Bâle 2019, remarque précédant le commentaire de l'art. 1 DPMin, no 35.

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paré d'une autre manière à ces risques, l'autorité d'exécution peut requérir en temps utile les mesures tutélaires appropriées (art. 19, al. 3, DPMin).

L'autorité pénale des mineurs peut demander à l'autorité civile d'ordonner une mesure appropriée quand la privation de liberté est sur le point de prendre fin (art. 20, al. 1, let. a, DPMin).

Placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC Une personne peut être placée à des fins d'assistance si elle est en état de faiblesse et qu'elle a besoin d'être protégée. Une personne est en état de faiblesse lorsqu'elle souffre de troubles psychiques, d'une déficience mentale ou d'un grave état d'abandon. On considère qu'il existe un besoin de protection particulier lorsqu'une assistance ou un traitement, qui ne peuvent pas être fournis d'une autre manière que par une privation de liberté, sont nécessaires en raison de cet état de faiblesse48.

Le placement à des fins d'assistance garantit que la personne concernée bénéficie d'une assistance personnelle et de soins. La prise en charge doit, dans la mesure du possible, permettre à la personne de sortir de l'institution dans un délai raisonnable.

Aujourd'hui, le placement à des fins d'assistance sert principalement à protéger la personne concernée et non son entourage. La mise en danger d'autrui n'est donc une condition ni nécessaire ni suffisante pour ordonner un placement. Dans le message sur la révision du droit de la tutelle49, il est écrit: «La protection des tiers est un facteur qui doit lui aussi être pris en compte lors de l'appréciation de la situation, même s'il n'est pas déterminant à lui seul. Empêcher une personne n'ayant plus tous ses esprits de commettre un crime grave fait partie du mandat qu'a l'autorité de protéger la personne concernée.» Dans un arrêt prononcé sous l'ancien droit de la tutelle, le Tribunal fédéral a autorisé le prononcé d'une privation de liberté à des fins d'assistance (selon l'ancien droit) après une mesure du droit pénal des mineurs50. Il s'agissait d'un délinquant souffrant de troubles psychiques (sadisme sexuel et trouble de la personnalité de type antisocial), qui remplissait donc en principe la première condition d'un placement à des fins d'assistance: l'état de faiblesse. Le Tribunal fédéral devait déterminer à quel point il était nécessaire de traiter
ces troubles psychiques dans un établissement fermé (c'està-dire, s'il y avait un besoin de protection). Il a pris en compte la mise en danger de tiers comme critère supplémentaire pour justifier l'existence du besoin de protection.

Il a considéré que du fait qu'un malade mental pourrait mettre en danger autrui, il résultait presque nécessairement un besoin d'aide et d'assistance. En effet, celui qui menace la sécurité d'autrui a besoin d'une assistance personnelle. Il ne résultait en principe rien d'autre de l'art. 426 nCC, qui énonce les conditions d'un placement à des fins d'assistance en vigueur à partir du 1er janvier 2013. Cette disposition ne reconnaît pas non plus la mise en danger d'autrui comme un motif de placement. La 48 49 50

Geiser Thomas / Etzensberger Mario, in: Geiser Thomas / Fountoulakis Christiana (éd.), Basler Kommentar zum Zivilgesetzbuch, tome I, 6e éd., Bâle 2018, ad. art. 426 no 7.

Message du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation), FF 2006 6635 ch. 2.2.11.

ATF 138 III 593; confirmé et approfondi dans les arrêts du Tribunal fédéral 5A_614/2013 du 22 novembre 2013; 5A_500/2014 du 8 juillet 2014; 5A_692/2015 du 11 novembre 2015 et 5A_617/2016 du 9 novembre 2016.

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protection de tiers devait néanmoins être prise en compte dans l'appréciation, d'autant plus que le mandat de protection comprend aussi le soin d'empêcher une personne malade ou qui n'a plus tous ses esprits de commettre un crime grave51. Le Tribunal fédéral a ainsi conclu qu'il fallait retenir que le recourant souffrait d'une maladie mentale et présentait un état de faiblesse au sens de l'art. 397a, al. 1, CC, alors en vigueur.

Le recourant avait en outre besoin de soins sous la forme d'un traitement de sa maladie qui ne pouvait être exécuté que dans un établissement en raison de la situation à risque concrète52.

Cet arrêt est vivement critiqué en doctrine. Ses opposants considèrent que la seule mise en danger de tiers a suffi comme motif au Tribunal fédéral pour prononcer une privation de liberté à des fins d'assistance (ou, comme on l'appelle actuellement, un placement à des fins d'assistance). Ils mettent en garde contre un amalgame dangereux entre l'assistance (personnelle) et la protection de tiers53. Ils considèrent que la privation de liberté à des fins d'assistance (ou placement à des fins d'assistance) a été détournée de sa fonction. Dans ces circonstances, elle équivaut à un traitement institutionnel relevant du droit pénal des adultes ou à un internement. On ne vise donc plus un objectif de droit civil mais des objectifs de droit pénal ou de droit policier. Si la personne concernée était majeure, elle aurait été internée conformément à l'art. 64 CP.

Dans son arrêt T.B. c. Suisse54, la Cour EDH conclut que dans le cas susmentionné, la personne concernée a été détenue dans un établissement pénitentiaire sans base légale et à titre purement préventif55. La Cour EDH rappelle que d'après sa propre jurisprudence concernant l'art. 5, ch. 1, let. e, de la CEDH, la détention d'une personne souffrant de troubles mentaux en vertu de l'art. 5, ch. 1, CEDH, peut s'imposer non seulement lorsqu'elle a besoin d'une thérapie, mais également lorsqu'il s'avère nécessaire de la surveiller pour l'empêcher, par exemple, de se faire du mal ou de faire du mal à autrui56. Dans le cas étudié, il a été médicalement établi que la personne concernée présente des troubles psychiques, et qu'elle remplit en l'espèce la première condition nécessaire à un placement à des fins d'assistance (état de faiblesse)57. En ce 51 52

53

54 55 56 57

ATF 138 III 593, consid. 5.2.

ATF 138 III 593, consid. 9; la jurisprudence du Tribunal fédéral n'autorise donc pas de placer à des fins d'assistance une personne en raison du danger qu'elle représente pour des tiers (uniquement sur la base de l'art. 426, al. 2, CC, sans état de faiblesse et sans qu'un traitement ne soit nécessaire).

Cf. GEISER / ETZENSBERGER (note 47), ad. art. 426 no 43a; MEYER LÖHRER BEDA, «Im Ergebnis eine rein polizeilich motivierte Fürsorge», Plaidoyer 6/2012, 20 ss; RÜTSCHE BERNHARD, Verwahrung aus Fürsorge, Revue Suisse de Criminologie (RSC) 1/2013, 30 ss.

Certains avis étaient toutefois positifs: AEBI-MÜLLER REGINA, Aktuelle Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Familienrecht, Jusletter du 6 mai 2013 2013, 43 s.; WOLF STEFAN / THUT DANIEL / SCHMUCKI DEBORAH, Die privatrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2012, Revue de la société des juristes bernois (ZBJV) 2013, 670 ss; HÄBERLI THOMAS / MEIER PHILIPPE, Übersicht zur Rechtsprechung im Kindesund Vormundschaftsrecht (Juli bis Oktober 2012), Revue de la protection des mineurs et des adultes (RMA) 2012, 486 ss, 513.

Cour EDH, T.B. c. Suisse, arrêt du 30 avril 2019, no 1760/15.

L'objet de la décision de la Cour EDH est l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_500/2014 du 8 juillet 2014.

Cour EDH, T.B. c. Suisse (note 53), ch. 54.

Cour EDH, T.B. c. Suisse, ch. 59.

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qui concerne la deuxième condition (le besoin de protection), la Cour EDH considère en revanche que les considérations relatives à l'assistance personnelle et à la sécurité sont entremêlées dans l'art. 426, al. 2, CC. Renvoyant au message du Conseil fédéral sur la révision du droit de la tutelle58 et à l'arrêt de principe du Tribunal fédéral59, la Cour EDH fait observer que la protection de tiers peut constituer un élément supplémentaire dans l'appréciation de la situation mais qu'elle n'est pas déterminante à elle seule. Elle ajoute que l'art. 426, al. 2, CC ne saurait justifier, en tant que base légale, la détention de la personne concernée60 et conclut sur la base de ces éléments que la personne concernée a été détenue sans base légale.

Dans un arrêt de 2019, le Tribunal fédéral a confirmé que l'art. 426 CC n'était pas une base légale suffisante pour ordonner un placement à des fins d'assistance au seul motif de la mise en danger de tiers61.

En conclusion, conformément au message du Conseil fédéral sur la révision du droit de la tutelle et à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le placement à des fins d'assistance peut être ordonné en vertu de l'art. 426, al. 1, CC, si la personne concernée souffre de troubles psychiques et que sa maladie nécessite une assistance sous forme d'un traitement qui ne peut être exécuté que dans un établissement approprié en raison de la situation à risque concrète (art. 426, al. 2, CC).

La CEDH permet la privation de liberté également en d'autres circonstances: selon la jurisprudence de la Cour EDH, en vertu de l'art. 5, ch. 1, let. e, CEDH, il est possible de détenir une personne souffrant de troubles mentaux non seulement lorsqu'elle a besoin d'un traitement clinique, mais également lorsqu'il s'avère nécessaire de la surveiller pour l'empêcher, par exemple, de se faire du mal ou de faire du mal à autrui.

Dans tous les cas62, le seul besoin de protéger les tiers ne permet pas de justifier un placement à des fins d'assistance.

1.2.1.3

Lacune législative

Les jeunes délinquants, dont la prise en charge éducative ou thérapeutique n'a pas porté ses fruits, peuvent être libérés de l'exécution d'une mesure de protection (éventuellement après avoir purgé le solde de la peine), même s'ils présentent un risque pour les tiers. Le DPMin ne prévoit pas de mesures purement sécuritaires destinées à assurer la protection de tiers.

Le placement à des fins d'assistance prévu par le CC, qui peut être demandé à la fin d'une mesure de protection relevant du droit pénal des mineurs, n'a pas été conçu pour faire office de mesure de sécurité pour les personnes qui n'ont pas pu être prises en charge éducativement ou traitées et qui constituent un grave danger pour les tiers.

58 59 60 61 62

FF 2006 6635 ch. 2.2.11.

ATF 138 III 593, consid. 5.2.

Cour EDH, T.B. c. Suisse (note 53), ch. 60­63.

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_407/2019 du 28 octobre 2019, consid. 8.

Aussi bien conformément au message du Conseil fédéral sur la révision du droit de la tutelle et la jurisprudence du Tribunal fédéral que conformément à l'arrêt de la Cour EDH, T.B. c. Suisse.

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D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour EDH, le placement à des fins d'assistance ne peut pas remplir cette fonction.

Le texte de la motion Caroni englobe toutes les personnes considérées comme dangereuses une fois qu'elles ont atteint l'âge limite de 25 ans. Il ressort néanmoins du développement du texte de la motion qu'il s'agit en premier lieu des personnes dangereuses ne remplissant pas les conditions nécessaires pour que l'autorité ordonne un placement à des fins d'assistance de droit civil selon la doctrine majoritaire.

La motion part en outre du principe qu'un jeune délinquant dangereux sera placé en établissement fermé en vertu de l'art. 15, al. 2, let. b, DPMin, jusqu'à ses 25 ans dans tous les cas. En pratique, on doit s'efforcer d'y garder les délinquants dangereux aussi longtemps que possible (si possible jusqu'à l'âge limite). Conformément à l'art. 19, al. 1, DPMin, l'autorité doit libérer le jeune délinquant de la mesure s'il est établi qu'elle n'a plus d'effet éducatif ou thérapeutique. C'est-à-dire que selon les circonstances, il faut libérer le délinquant avant ses 25 ans et ce même lorsqu'il représente un danger pour les tiers à ce moment-là. Cet aspect doit aussi être pris en compte dans la mise en oeuvre de la motion.

Enfin, une mesure de sécurité peut aussi se révéler nécessaire à l'issue d'une privation de liberté. Les personnes concernées sont d'une part les jeunes qui ont été libérés du placement en établissement fermé parce qu'ils ne pouvaient pas y être pris en charge éducativement ou traités et qui ont subi le reste de la peine sous la forme d'une privation de liberté et d'autre part les jeunes qui ne souffrent pas de troubles psychiques, ne peuvent pas être pris en charge éducativement et ne sont pas amendables au moment du jugement et à l'encontre desquels aucun placement relevant du droit pénal des mineurs n'a été ordonné mais qui ont seulement été condamnés à une peine.

Il existe donc une lacune législative en ce qui concerne les personnes condamnées au sens du DPMin qui remplissant les critères suivants: ­

elles ont commis une infraction très grave alors qu'elles étaient mineures;

­

elles sont sur le point d'être libérées d'une mesure de protection ou d'une peine prévue par le droit pénal des mineurs;

­

elles constituent une grave menace pour les tiers (c'est-à-dire qu'il y a un risque important qu'elles commettent à nouveau des infractions très graves qui mettent en grand danger la vie et l'intégrité corporelle de tiers ou y portent atteinte);

­

elles ne remplissent pas les conditions nécessaires à un placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC (elles ne sont pas en état de faiblesse [elles ne souffrent pas de troubles psychiques ou d'une déficience mentale] ou elles sont en état de faiblesse mais n'ont pas besoin d'assistance personnelle au sens du CC).

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1.2.1.4

Mineurs ayant commis des infractions très graves

Il n'est pas rare que des mineurs soient condamnés pour des infractions très graves63, mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils doivent tous être considérés comme dangereux.

Entre 2010 et 2020, en cas de condamnation pour meurtre (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP), lésions corporelles graves (art. 122 CP), brigandage qualifié (art. 140, ch. 3 et 4 CP), contrainte sexuelle qualifiée (art. 189, al. 3, CP), viol qualifié (art. 190, al. 3, CP) ou incendie intentionnel qualifié (art. 221, al. 2, CP), dans la majorité des cas un placement en établissement ouvert ou une mesure d'assistance personnelle, le cas échéant assortie d'une privation de liberté, ont été prononcés.

Durant cette période, les peines des jeunes ayant commis un assassinat (12 cas) ont été assorties des sanctions suivantes: ­

dans 4 cas, un placement en établissement ouvert (parfois assorti d'un traitement ambulatoire et d'une privation de liberté, dans deux cas assortis d'une privation de liberté de 4 ans);

­

dans 2 cas, une mesure d'assistance personnelle et une mesure de surveillance assortie d'une privation de liberté de 3 ans;

­

dans un cas, un traitement ambulatoire assorti d'une privation de liberté de 180 jours;

­

dans un cas un placement en établissement ouvert (sans privation de liberté);

­

dans 4 cas uniquement une privation de liberté de 3 à 4 ans (sans mesure de protection)64.

Les sanctions du droit pénal des mineurs prononcées semblent être efficaces, tant et si bien que la majorité de ces délinquants sont peu susceptibles de commettre d'autres infractions après leur libération. Dans des cas isolés, à l'issue de l'exécution de la sanction prononcée en vertu du droit pénal des mineurs, un placement à des fins d'assistance selon l'art. 426 CC a dû être prononcé et exécuté dans un établissement d'exécution des peines et des mesures pour des raisons de sécurité.

63

64

Voici le décompte du nombre de mineurs ayant commis de telles infractions entre 2010 et 2020: meurtre (art. 111 CP): 44; assassinat (art. 112 CP): 12; toutes les lésions corporelles graves (art. 122 CP): 431; brigandage qualifié (art. 140, ch. 3 et 4, CP): 200; contrainte sexuelle qualifiée (art. 189, al. 2, CP): 3; viol qualifié (art. 190, al. 3, CP): 1; incendies intentionnels qualifiés (art. 221, al. 2, CP): 6 (Source: OFS).

Source: OFS.

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1.2.1.5

Consultation d'experts

Un débat d'experts au sujet de la mise en oeuvre de la motion Caroni, organisé par l'OFJ, a eu lieu le 13 novembre 201765.

Il en est ressorti qu'en Suisse, il n'y a actuellement qu'un très petit nombre de délinquants mineurs (5 à 7) qui attendent d'être libérés de l'exécution d'une mesure ou d'une peine de droit pénal des mineurs et à l'encontre desquels il est nécessaire de prendre une mesure de sécurité ultérieure. Ce nombre comprend les personnes condamnées selon le DPMin qui ont été placées à des fins d'assistance après avoir été libérées de leur peine.

Les avis des participants divergent toutefois quant à la nécessité de légiférer et quant au type de mesure de sécurité à prévoir.

Certains experts sont en faveur d'un internement au sens du droit pénal applicable aux adultes prononcé à l'issue du placement au sens du droit pénal applicable aux mineurs, qui prend fin quand la personne placée atteint l'âge de 25 ans. La plupart rejettent l'internement avant l'âge de 25 ans. D'autres sont d'avis qu'il faudrait déjà réserver l'internement dans le jugement de condamnation basé sur le droit des mineurs.

Des experts en psychiatrie légale ont signalé qu'il était pratiquement impossible d'émettre un pronostic quant à la dangerosité d'un mineur. Ils ont ajouté que le cerveau des hommes finit seulement de se développer aux alentours de 23 ou 24 ans, et que cela se produit en principe plus tôt pour les femmes (environ 21 ans). Pour les délinquants mineurs, il faudrait donc effectuer des expertises de suivi.

D'autres experts ont proposé que la seule infraction qui puisse donner lieu à un internement a posteriori (c'est-à-dire, dans la nouvelle terminologie, un internement réservé) soit l'assassinat (art. 112 CP).

Enfin, certains experts ont proposé qu'il soit aussi possible de prévoir une mesure au sens des art. 59 CP (traitement des troubles mentaux) et 61 CP (mesures applicables aux jeunes adultes) pour les auteurs souffrant d'une maladie psychique et pouvant être traités (mais qui ne remplissent toutefois pas les conditions nécessaires pour être placés à des fins d'assistance).

65

Participants: Marcel Riesen-Kupper, responsable et premier procureur des mineurs, canton de Zurich; Fabienne Proz Jeanneret, juge des mineurs, canton de Genève; Hans Melliger, responsable du ministère public des mineurs, canton d'Argovie; Gregor Tönnissen, directeur du centre d'exécution des mesures d'Uitikon; Alexandre Comby, directeur du centre éducatif de Pramont; Dr. Christian Perler, médecin chef en psychiatrie légale juvénile, Clinique universitaire psychiatrique de Bâle; Dr. Steffen Lau, chef du centre de psychiatrie légale institutionnelle, directeur adjoint de la clinique de psychiatrie légale / médecin chef, Rheinau; Dr. Oliver Bilke-Hentsch, médecin chef et directeur adjoint de la Modellstation SOMOSA, centre socio-pédagogique résidentiel et clinique psychiatrique juvénile, Winterthour; Diana Wider, professeure à l'institut de travail social et de droit, Haute école de Lucerne, secrétaire générale de la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes COPMA; Christof Riedo, professeur à l'Université de Fribourg, chaire de droit pénal et de droit de la procédure pénale.

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1.2.2

Solutions étudiées et solution retenue

1.2.2.1

Extension du champ d'application du placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC

Une première solution sur le plan législatif consisterait à étendre le champ d'application du placement à des fins d'assistance selon l'art. 426 CC avant tout aux personnes qui présentent un besoin de protection parce qu'elles constituent un danger pour les tiers, indépendamment du fait qu'elles souffrent ou non d'un état de faiblesse.

Le fait que les autorités pénales des mineurs travaillent en étroite collaboration avec les autorités de protection de l'adulte et de l'enfant (APEA) pendant que la personne concernée exécute une peine ou une mesure du DPMin plaide en faveur de cette solution. Le droit pénal des mineurs, axé sur l'éducation et le traitement, présente de grandes similitudes avec le droit de la protection de l'enfant et de l'adulte. De ce fait, l'extension du champ d'application du placement à des fins d'assistance est considérée comme une mesure appropriée dans la doctrine relative au droit pénal des mineurs et par certains professionnels. Ce sont plus particulièrement les auteurs et professionnels qui refusent que l'internement soit instauré dans le DPMin66 qui soutiennent cette solution.

Le placement à des fins d'assistance sert actuellement surtout à protéger la personne concernée mais pas son entourage. La mise en danger d'autres personnes n'est donc une condition ni nécessaire ni suffisante pour ordonner un placement. La jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière a été vivement critiquée par la doctrine67 et certains auteurs ont mis en garde contre un amalgame dangereux entre l'assistance et la protection de tiers68.

Il faut par ailleurs se demander si prononcer une mesure de droit civil contre des délinquants dangereux est vraiment la suite logique à une mesure de droit pénal des mineurs. Cela peut s'avérer approprié pour les personnes qui ont avant tout besoin d'être traitées. En revanche, placer à des fins d'assistance des délinquants dangereux qui ne sont pas amendables équivaudrait à un internement, donc à une mesure pénale.

Si l'on offrait la possibilité d'ordonner un placement à des fins d'assistance pour toutes les personnes considérées comme un danger pour les tiers sans qu'elles n'aient été condamnées pour une infraction grave, alors on dépasserait largement le cadre des demandes formulées dans la motion.

1.2.2.2

Nouvelle mesure de droit policier

Une mesure de sécurité pour les délinquants dangereux qui doivent être libérés d'une peine ou d'une mesure de droit pénal des mineurs servirait à la prévention. De ce fait, cette mesure aurait aussi un caractère policier. Serait-il possible d'ancrer cette mesure dans le «droit policier» fédéral?

66 67 68

Cf. ch. 1.2.2.3.

Cf. ch.1.2.1.2.

Cf. GEISER / ETZENSBERGER (note 47), ad art. 426 no 43a; MEYER LÖHRER (note 52), 20 ss; RÜTSCHE (note 52), 30 ss.

30 / 76

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Dans son rapport en réponse au postulat 10.3045 Malama «Sécurité intérieure. Clarification des compétences»69, le Conseil fédéral répond notamment à la question de savoir quelles sont les compétences législatives que la Cst. attribue à la Confédération en matière de sécurité intérieure.

Le droit fédéral n'octroie pas à la Confédération la compétence d'édicter des mesures de sécurité d'ordre purement policier concernant les personnes qui doivent être libérées d'une peine ou d'une mesure de droit pénal des mineurs, qui représentent un danger pour les tiers et qui ne remplissent pas les conditions nécessaires à un placement à des fins d'assistance.

Les mesures de sécurité policières, qui sont liées à une privation de liberté, représentent d'ordinaire des interventions à relativement court terme. Elles sont prises quand une personne expose les tiers à un danger futur. Si elles sont prises après qu'une infraction a été commise, elles font alors office de solutions transitoires jusqu'à ce que le jugement soit rendu.

Le CPP contient une mesure de sécurité: la détention préventive peut notamment être ordonnée en cas de risque de récidive (art. 221, al. 1, CPP). Elle sert toutefois surtout à la protection de la procédure et n'est qu'une solution transitoire jusqu'au jugement (dans la mesure où elle sert à prévenir les infractions).

Le CPP contient en outre une mesure de sécurité policière permettant de placer une personne en détention lorsqu'il y a un risque qu'elle commette un crime grave après avoir menacé de le faire (art. 221, al. 2, CPP). Selon la doctrine70, cette mesure de sécurité du CPP ne repose toutefois sur aucune base constitutionnelle. Il s'agit là typiquement d'une mesure de sécurité en matière de police qui relève de la compétence des cantons.

Une mesure de sécurité policière71 concernerait les personnes exclusivement qualifiées de dangereuses en raison de leur comportement, sans qu'elles n'aient commis d'infraction concrète. Une mesure de ce type dépasserait donc elle aussi largement le cadre des demandes formulées dans la motion. Il manque en outre la base constitutionnelle nécessaire pour pouvoir édicter une telle norme au niveau fédéral.

Il ne faut toutefois pas attribuer aux cantons la tâche de mettre sur pied une mesure de sécurité au sens de la motion Caroni. D'une part, il faut
considérer que les cantons élaboreraient tous des solutions très différentes. D'autre part, même si elle est édictée au niveau cantonal, une privation de liberté issue du droit policier n'est pas prévue pour durer dans le temps. La longue durée de la mesure est pourtant une condition nécessaire pour mettre en oeuvre la motion Caroni.

69 70 71

Rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite au postulat 10.3045 Malama du 3 mars 2010, FF 2012 4161.

RUCKSTUHL NIKLAUS/ DITTMANN VOLKER/ ARNOLD JÖRG, Strafprozessrecht, Zurich 2011, no 680.

C'est-à-dire en l'absence d'infraction concrète (ce qui est déterminant pour ordonner une mesure du DPMin ou du CP) et en l'absence d'état de faiblesse et de besoin de protection de la personne concernée (critères exigés pour le placement à des fins d'assistance selon le CC).

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1.2.2.3

Introduction d'une mesure de sécurité relevant du droit pénal des mineurs

Il y a dix ans déjà, on parlait d'instaurer l'internement pour les mineurs, entre autres mesures de sécurité. Les avis en la matière divergeaient considérablement72.

Dans la pratique et dans la doctrine, on a plutôt tendance à refuser cette idée. S'agissant de l'internement, les principaux arguments avancés sont les suivants:

72

73

74

75 76 77 78 79

­

L'internement pour les mineurs va à l'encontre des principes d'éducation et de protection du droit pénal des mineurs73.

­

Établir un pronostic fiable pose d'importants problèmes74.

­

Élever la limite d'âge de 22 à 25 ans est suffisant. Cela permet de tenir suffisamment compte des besoins du détenu et de la nécessité de protéger le public sans que le droit pénal des mineurs ne se mue en droit pénal axé sur l'auteur de façon indue75.

­

Le temps consacré à l'éducation par le DPMin est long en comparaison avec le droit pénal applicable aux adultes. Il est suffisant pour préparer les jeunes à réintégrer la société. Il est toutefois nécessaire de créer des institutions qui soient en mesure d'empêcher que les jeunes ne s'évadent, et de gérer les jeunes violents ou récalcitrants76.

­

Si, à l'âge de 25 ans, la personne condamnée en vertu du DPMin représente encore un danger, la privation de liberté à des fins d'assistance est une mesure adaptée77. Il serait préférable de recourir au droit civil plutôt que d'instaurer éventuellement l'internement. À cet effet, il faudrait envisager d'ajouter la «dangerosité» à la liste des conditions permettant d'ordonner un placement à des fins d'assistance78.

­

Si des personnes placées en établissement fermé en vertu du DPMin commettent une nouvelle infraction qui justifierait un internement, elles sont en général majeures à ce moment-là, et donc soumises au droit pénal des adultes pour cette infraction. Un internement pourrait dès lors être ordonné dans le cadre de la nouvelle procédure79.

Cf. notamment Der Bund du 18 août 2009, «Verwahrung auch für Jugendliche». Le procureur en chef du ministère public des mineurs du canton de Bâle-Ville était l'un des rares praticiens à vouloir ajouter l'internement dans le droit des mineurs; cf. BURKHARD BEAT, Gewalttätige Jugendliche «verwahren» ­ ein Tabu?, RSC 1/2010, 28 ss.

Déclaration faite à l'occasion du débat d'experts; cf. ch. 1.2.1.5. Cf. aussi HOLDEREGGER NICOLE, Die Schutzmassnahmen des Jugendstrafgesetzes unter besonderer Berücksichtigung der Praxis in den Kantonen Schaffhausen und Zürich, Zurich 2009, no 859.

Déclaration faite à l'occasion du débat d'experts; cf. ch. 1.2.1.5. Cf. notamment aussi BURKHARD CHRISTOPH, Verwahrung ­ eine Option im Jugendstrafrecht?, RSC 1/2010, 33 ss.

HOLDEREGGER (note 73), no 859.

BURKHARD (note 74), 33 ss.

HOLDEREGGER (note 73), no 859.

STUDER MICHAEL, Jugendliche Intensivtäter in der Schweiz, Zurich 2013, 271 ss.

BURKHARD (note 74), 33 ss.

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­

Il est judicieux que le droit en vigueur ne prévoie pas d'internement pour les jeunes délinquants. Il existe toutefois des cas où la libération d'une personne de 22 ans condamnée en vertu du DPMin (à l'époque) a semblé prématurée.

Une application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui a permis dans ces cas d'ordonner un placement à des fins d'assistance parce que le jeune représentait un danger pour les tiers, sans qu'il n'y ait de besoin de protection, n'équivaut à rien d'autre qu'au prononcé d'un internement sans infraction préalable80.

Une mesure de sécurité dans le DPMin, pourrait par exemple prendre la forme d'un maintien de la personne en établissement fermé en vertu de l'art. 15, al. 2, DPMin, tant que cette personne reste considérée comme dangereuse. Toutefois, cette mesure de sécurité basée sur le DPMin devrait elle aussi, un jour, prendre fin (par ex. quand le détenu atteint l'âge de 25 ou 30 ans). Si nécessaire, une nouvelle mesure de sécurité doit lui succéder.

1.2.2.4

Mesure de droit pénal des adultes succédant à la sanction de droit pénal des mineurs

Recourir à une mesure issue du droit pénal applicable aux adultes (par ex. un internement a posteriori) suite à une sanction du droit pénal des mineurs entre en conflit avec les principes du droit pénal des mineurs, ce qui serait susceptible d'avoir des conséquences négatives en pratique. Par exemple, la motivation des jeunes délinquants d'oeuvrer à leur progrès et à leur guérison pourrait en souffrir, l'internement faisant office d'épée de Damoclès. La possibilité de réserver une mesure du droit pénal des adultes ôterait la pression exercée sur les autorités d'exécution de devoir (re)sociabiliser un jeune délinquant pendant le court laps de temps qu'elles ont actuellement à disposition.

La difficulté que représente la solution consistant à recourir à des mesures de droit pénal des adultes repose sur le fait que, pour un très petit nombre d'exceptions, il faut édicter une réglementation n'ayant si possible pas de conséquences négatives sur le droit pénal des mineurs. Un autre problème subsiste: l'infraction sur laquelle on fonde l'internement a posteriori d'une personne adulte a été commise par cette même personne alors qu'elle était mineure, et donc, quand son cerveau n'était pas encore entièrement développé.

Les motifs suivants montrent toutefois pourquoi un recours à des mesures du droit pénal des adultes est une solution qui semble viable et appropriée: a. Les personnes concernées sont majeures Les délinquants pour lesquels il faudrait prévoir une mesure de sécurité ont commis une infraction quand ils étaient mineurs et ils ont été sanctionnés en vertu du droit pénal des mineurs. Ces mesures ne peuvent toutefois pas écarter la possibilité qu'ils restent dangereux. Étant donné que le jeune délinquant devient majeur dans l'intervalle, il paraît cohérent de recourir à des mesures applicables aux délinquants majeurs.

80

RIEDO CHRISTOF, Jugendstrafrecht und Jugendstrafprozessrecht, Bâle 2013, 118 s.

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b. Les mesures du CP succédant aux mesures du DPMin ne sont pas nécessairement contre-productives On peut avancer qu'une mesure du CP succédant à la sanction du droit pénal des mineurs ferait disparaître la pression qu'ont les autorités d'exécution de (re)sociabiliser les jeunes délinquants dans le délai qui leur est imparti. On pourrait toutefois se faire la même réflexion à propos de toutes les mesures susceptibles d'être ordonnées à l'issue d'une sanction du droit pénal des mineurs. On dirait alors, par exemple, que le placement à des fins d'assistance, qui peut être prononcé suite à une sanction de droit pénal des mineurs si les conditions de l'art. 426 CC sont réunies (qui, lui, peut être ordonné après une sanction de droit pénal des mineurs), est contre-productif, ce qui n'est manifestement pas le cas.

c. Le placement en établissement fermé en vertu du DPMin sert déjà en partie à la sécurité La protection et l'éducation du mineur sont déterminantes dans l'application du DPMin (art. 2, al. 1, DPMin). Le DPMin contribue aussi, aujourd'hui déjà, à la sécurité des tiers. Ainsi, le placement en vertu de l'art. 15, al. 2, let. b, DPMin, qui est ordonné si la personne représente une grave menace pour des tiers, ne vise pas seulement la protection et l'éducation mais aussi clairement des buts de prévention spéciale. En outre, il faut relativiser les buts de protection et d'éducation qui sous-tendent le DPMin: le DPMin ne prévoit pas uniquement des mesures de protection mais aussi des peines, bien qu'elles soient légères en comparaison aux peines du CP.

d. Les jeunes délinquants peuvent être placés dans un établissement pour jeunes adultes En application de l'art. 16, al. 3, DPMin, il est possible de faire exécuter ou poursuivre le placement dans un établissement pour jeunes adultes (art. 61 CP) si le mineur a 17 ans. Il existe par conséquent déjà une certaine perméabilité entre le droit pénal (et d'exécution des peines) des mineurs et des adultes.

e. Les délinquants dangereux peuvent être placés à des fins d'assistance dans des établissements pour adultes Aujourd'hui déjà, les délinquants dangereux qui doivent être placés à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC à l'issue d'un placement en vertu de l'art. 15 DPMin, sont envoyés dans des établissements d'exécution des peines et mesures pour
adultes quand aucune autre institution n'est adaptée. Ils se trouvent donc dans les mêmes établissements que ceux où ils se trouveraient si une mesure de droit pénal des adultes avait pu être prononcée à leur encontre.

f. L'internement au sens de l'art. 64 CP est déjà une mesure de sécurité vis-à-vis des délinquants dangereux Il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle mesure de sécurité en dehors du CP.

L'internement au sens de l'art. 64 CP est, en soi, une mesure de sécurité à caractère préventif, qui sert à empêcher des infractions graves, comme les mesures relevant du droit policier. On ne peut pas ordonner un internement sur la seule base d'un mauvais pronostic mais uniquement pour les personnes qui ont déjà commis une infraction 34 / 76

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grave. L'internement permettrait donc de remplir les exigences de la motion sans trop élargir le cercle des personnes concernées.

g. Coûts Les coûts d'une mesure pénale sont pris en charge par les cantons. Si l'on optait pour une solution de droit civil, les coûts du placement à des fins d'assistance seraient principalement à la charge des communes.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet a été annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2021 à 202381 et dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature82. Selon les objectifs annuels 2022 du Conseil fédéral, il est prévu que le présent message soit adopté d'ici au 31 décembre 202283.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Les motions suivantes seront mises en oeuvre dans le cadre des modifications du CP et du DPMin: 2016

M 11.3767

Halte aux congés et aux sorties pour les personnes internées (CN 23.09.13, Rickli; E 14.06.16)

2016

M 16.3002

Unifier l'exécution des peines des criminels dangereux (CN 03.03.16, Commission des affaires juridiques CN; CE 29.09.16)

2016

M 16.3142

Droit pénal des mineurs. Combler une lacune en matière de sécurité (CE 02.06.16, Caroni; CN 27.09.16)

2018

M 17.3572

Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs (CN 29.09.17, Guhl; CE 28.02.18)

Le Conseil fédéral propose le classement de ces motions.

2

Procédure de consultation

Le 6 mars 2020, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police (DFJP) de lancer une procédure de consultation sur l'avant-projet de modification du code pénal et du droit pénal des mineurs (Train de mesures. Exécution des sanctions).

81 82 83

FF 2020 1709 p. 1829.

FF 2020 8087 www.chf.admin.ch > Documentation > Aide à la conduite stratégique > Les Objectifs > Objectifs du Conseil fédéral 2022 (annexe, objectif 14, p. 46)

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Les modifications ont été élaborées dans deux avant-projets distincts. L'avant-projet 1 concernait les modifications du CP et l'avant-projet 2 les modifications du DPMin.

La consultation, prolongée en raison du COVID, a pris fin le 30 septembre 2020.

63 prises de position ont été rendues.

Les résultats de la procédure de consultation sont détaillés dans le rapport du 2 novembre 202284. Les prochains chapitres présentent un court aperçu des résultats; pour plus de détails, prière de consulter le rapport.

L'OFJ a discuté en détail des résultats de la procédure de consultation et des conséquences probables des modifications avec la CCDJP et des spécialistes des domaines concernés. Les conclusions qui ont pu en être tirées sont prises en compte dans la nouvelle réglementation proposée.

2.1

Modifications du CP

2.1.1

Résultats de la procédure de consultation

Les différentes propositions thématiques abordées dans l'AP-CP ont reçu un accueil contrasté lors de la procédure de consultation: ­

Interdiction des congés non accompagnés pour les délinquants internés dans un établissement fermé: 32 participants (20 cantons, 4 partis politiques, 8 autres) approuvent la proposition, mais certains demandent des adaptations. 14 participants (4 cantons, 1 parti politique, 9 autres) rejettent la proposition.

­

Modification de la fréquence de réexamen de l'internement: 36 participants (22 cantons, 4 partis politiques, 10 autres) approuvent la proposition, mais certains demandent des adaptations. 6 participants (2 cantons, 4 autres) rejettent la proposition.

­

Calcul de la durée des mesures thérapeutiques privatives de liberté: 30 participants (21 cantons, 2 partis politiques, 7 autres) saluent la proposition, mais certains demandent des adaptations.

­

Compétences pour lever, modifier ou prolonger une mesure thérapeutique: 29 participants (13 cantons, 3 partis politiques, 13 autres) sont favorables au principe de la proposition, mais certains demandent des adaptations (parfois importantes). 10 participants (8 cantons, 2 autres) rejettent expressément ou implicitement la proposition.

­

84

Composition de la commission d'évaluation de la dangerosité et saisine de cette commission:

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminée > 2020 > DFJP

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De manière générale, une majorité de participants rejette le fait que la commission soit saisie plus systématiquement qu'aujourd'hui. Ainsi, 25 participants (19 cantons, 6 autres) rejettent l'augmentation des saisines de la commission avant le placement dans un établissement ouvert et avant l'octroi d'allégements dans l'exécution de mesures institutionnelles. 8 participants (6 cantons, 2 autres) soutiennent une telle saisine avant un allègement dans l'exécution pour les délinquants internés. 12 participants (9 cantons, 3 autres) s'opposent à ce que la commission se prononce sur les modalités d'exécution.

15 participants (10 cantons, 2 partis politiques, 3 autres) approuvent la proposition de régler plus précisément la composition de la commission. 13 participants (8 cantons, 1 parti politique, 4 autres) se félicitent de l'extension du devoir de récusation alors que 2 cantons n'y sont pas favorables et qu'un autre souhaite une précision. Pour 5 participants (1 canton, 4 autres), davantage de catégories professionnelles devraient pouvoir siéger au sein de la commission.

6 participants (4 cantons, 1 parti politique, 1 autre) se prononcent positivement sur la définition de la dangerosité, plusieurs modifications ou ajouts sont toutefois proposés.

­

Renforcement de l'assistance de probation et des règles de conduite: La proposition de renforcer l'assistance de probation et les règles de conduite est rejetée sous cette forme par la grande majorité des participants (47, dont 25 cantons, 3 partis politiques et 19 autres). À cet égard, certains participants estiment que la réglementation va trop loin principalement pour des raisons liées aux droits fondamentaux. D'autres (notamment les cantons) rejettent la réglementation, car on manquerait d'instruments efficaces pour imposer le respect des décisions dans le cas de délinquants récalcitrants. 7 participants (1 canton, 2 partis politiques, 4 autres) soutiennent la proposition en ce sens figurant dans l'avant-projet mais certains demandent des adaptations.

­

Harmonisation terminologique: 4 participants soutiennent la proposition visant à harmoniser la terminologie.

Un canton se montre plutôt sceptique.

2.1.2

Concertation au sujet de la mise en oeuvre de la motion 16.3002

En raison des retours critiques en ce qui concerne la mise en oeuvre de la motion 16.3002, notamment de la part des cantons, l'OFJ a repris contact avec différents organismes dans l'optique de trouver des solutions.

Les discussions avec la CCDJP et la Conférence de coordination des affaires pénitentiaires (CoCAP) ont permis de relever que des instruments dissuasifs (griffig) engendrent des coûts élevés et qu'ils restreignent les droits fondamentaux d'une façon inadaptée. Pour ces motifs, il a été décidé d'y renoncer.

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2.2

Modification du DPMin

2.2.1

Avant-projet

L'avant-projet prévoyait de faire succéder aux sanctions du droit pénal des mineurs une mesure institutionnelle du droit pénal des adultes.

Pour un mineur ayant commis une infraction très grave, on devait pouvoir réserver une mesure prévue aux art. 59 à 61 et 64, al. 1, CP dans le jugement de condamnation en vertu du DPMin, si l'on estimait au moment du jugement qu'il y avait un sérieux risque de récidive.

Les infractions très graves qui pouvaient entraîner une réserve étaient les actes énoncés à l'art. 25, al. 2, DPMin par le biais desquels le mineur a porté atteinte ou cherché à porter atteinte à la vie et l'intégrité corporelle d'une tierce personne. Il s'agit concrètement du meurtre (art. 111 CP), de l'assassinat (art. 112 CP), du brigandage qualifié (art. 140, ch. 4, CP), de la prise d'otage qualifiée (art. 185, ch. 2, CP), de la contrainte sexuelle qualifiée (art. 189, al. 3, CP) ou de l'incendie intentionnel qualifié (art. 221, al. 2, CP). Les infractions de génocide et crimes contre l'humanité ainsi que différents crimes de guerre sont aussi inclus dans cette liste.

Il était uniquement possible de réserver une mesure lorsqu'un placement en établissement fermé ou une privation de liberté d'au moins trois ans avait été prononcé pour l'un des actes cités au paragraphe précédent.

En principe, il devait être possible d'émettre une réserve pour tous les jeunes ayant l'âge minimum de la responsabilité pénale, c'est-à-dire à partir de l'âge de 10 ans (à partir de 16 ans, lorsque le jeune a uniquement été sanctionné d'une privation de liberté sans placement en établissement fermé).

Tant une mesure thérapeutique institutionnelle au sens des art. 59 à 61 CP qu'un internement au sens de l'art. 64, al. 1, CP devaient pouvoir être réservés.

Il était prévu que la mesure institutionnelle du CP soit ordonnée par le tribunal pour adultes à la demande de l'autorité d'exécution une fois que la personne concernée était majeure et s'il y avait un risque sérieux qu'elle ne commette à nouveau une infraction très grave à la fin de la peine ou mesure prononcée en vertu du droit pénal des mineurs.

2.2.2

Résultats de la procédure de consultation

L'avant-projet de modification du DPMin a dans son ensemble été globalement approuvé (avec quelques réserves sur certains points précis) par 15 cantons, les partis politiques, une association faîtière et 6 autres organisations ayant pris part à la procédure de consultation. Selon ces participants, il permet de combler une lacune en matière de sécurité dans la loi et contribue à la protection de la société.

L'avant-projet a été rejeté par 9 cantons et 13 organisations au motif qu'ils le considèrent comme superflu, contre-productif, impossible à appliquer et notamment contraire aux principes du droit pénal des mineurs.

Un canton, le Tribunal fédéral et 9 organisations ont soumis une prise de position dans laquelle ils ne s'expriment pas sur les modifications du DPMin.

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Les principales critiques à l'encontre de la modification du DPMin concerneraient des questions de fond: ­

Pour de nombreux participants, les mesures de sécurité proposées ne sont pas compatibles avec les principes du droit pénal des mineurs (protection et éducation).

­

D'aucuns signalent que les changements proposés ne sont pas justifiés au vu du nombre extrêmement faible de cas d'application potentiels (non démontrés) et des conséquences négatives. L'existence d'une lacune en matière de sécurité est remise en question et, dans le cas où elle serait avérée, elle pourrait être comblée par une adaptation des mesures du droit civil.

­

Plusieurs participants craignent un effet d'étiquetage en raison de la réserve formulée dans le jugement de condamnation, c'est-à-dire une stigmatisation de la personne mineure.

­

De nombreux participants font valoir qu'il serait impossible dans la pratique d'établir le pronostic durable demandé pour la réserve concernant la dangerosité de la personne mineure, notamment parce que celle-ci est encore en développement.

­

Plusieurs participants estiment que la réglementation proposée est contraire à la CEDH et/ou à la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE85). Certains voient dans les dispositions envisagées un problème en rapport avec le principe ne bis in idem (interdiction de la double peine).

­

Enfin, il est plusieurs fois souligné qu'en raison de la multiplication des mesures ordonnées et du manque de places, l'exécution des mesures pose déjà des problèmes qui seraient renforcés par les modifications proposées. En outre, celles-ci seraient susceptibles d'entraîner une augmentation des charges personnelles et financières. Cette hausse des charges doit selon certains participants être mise dans la balance par rapport à l'avantage potentiel attendu pour la société.

3

Présentation du projet

3.1

Modification du CP

3.1.1

Réglementation proposée

Dans le cadre de la mise en oeuvre de la motion 16.3002, on renonce à mettre en oeuvre de nombreux points prévus dans l'avant-projet en raison notamment des retours critiques reçus suite à la consultation, du fait que le Tribunal fédéral a depuis lors tranché des questions essentielles concernant le calcul des délais, et enfin parce que les cantons peuvent régler les questions d'organisation pour ce qui ressort de leurs compétences.

85

RS 0.107

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Les paragraphes suivants décrivent les propositions de modification du CP en vue de leur adoption.

3.1.1.1

Interdiction des congés non accompagnés pour les délinquants internés dans un établissement fermé

Art. 84, al. 6bis et 6ter, et 90, al. 4ter et 4quater, P-CP L'interdiction de «sorties» non accompagnées est mise en oeuvre par le biais d'une modification des art. 84 et 90 CP. Le terme correspondant utilisé par le CP pour l'allégement de l'exécution est celui de «congé» (art. 84, al. 6, CP)86.

Attendu que, d'après l'art. 64, al. 2, CP, l'exécution d'une peine privative de liberté précède l'internement, les délinquants qui ont été condamnés à une peine privative de liberté et à un internement ne devraient pas pouvoir se voir octroyer un congé non accompagné durant l'exécution de la peine lorsque la peine privative de liberté est exécutée dans un établissement fermé.

Le critère de l'«exécution dans un établissement fermé» tient compte du fait que certains délinquants internés ne sont plus dangereux: des personnes internées peuvent, dans le cadre du régime progressif d'exécution, passer d'un établissement fermé à un établissement ouvert si elles ne sont plus dangereuses. Le régime de travail et logement externes est en principe également possible (art. 90, al. 2bis, CP). Cela vaut aussi pour l'exécution de la peine précédant l'internement. Interdire des congés non accompagnés dans de telles situations ne serait pas pertinent.

Afin de préparer les délinquants internés à ne pas récidiver après leur libération, il convient de leur donner la possibilité de faire leurs preuves pendant les allégements dans l'exécution (notamment lors de sorties non accompagnées), si les autorités compétentes ne les considèrent plus comme dangereux et s'ils se trouvent en milieu ouvert. Pour établir un pronostic complet, les autorités et les experts doivent également pouvoir s'appuyer sur les expériences lors d'allégements dans l'exécution. L'octroi d'un congé non accompagné assorti d'un moyen de contrôle juste avant une éventuelle libération conditionnelle se révèle utile pour l'établissement d'un pronostic et, dès lors, pour la sécurité.

3.1.1.2

Modification de la fréquence de réexamen de l'internement

Art. 64b, al. 3, P-CP D'après la motion 17.3572 Guhl, l'autorité d'exécution ne devrait examiner une libération conditionnelle qu'après trois ans ou sur demande fondée de la personne détenue si l'expertise annuelle en vue d'une libération conditionnelle de l'internement a donné trois fois de suite un résultat négatif.

86

Voir à ce sujet arrêts du Tribunal fédéral 6B_664/2013 du 16 décembre 2013 consid. 2.3.3 et 6B_619/2015 du 18 décembre 2015 c. 2.4.

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Ce n'est pas le fait que l'expertise ait été négative trois fois de suite qui est déterminant, mais la décision qui en résulte: lorsqu'elle doit se déterminer sur la libération conditionnelle, l'autorité d'exécution peut se référer à une expertise antérieure si les conditions n'ont pas changé depuis lors87. En revanche, une nouvelle expertise est indispensable si l'écoulement du temps et une modification des circonstances ont rendu la précédente caduque88.

Il importe donc avant tout que l'autorité compétente ait rendu trois fois de suite une décision négative entrée en force sur la libération conditionnelle. L'art. 64b, al. 3, PCP pose la condition suivante: si l'autorité compétente a refusé trois fois de suite la libération conditionnelle, elle ne la réexaminera d'office qu'après trois ans.

L'examen sur requête de la personne intéressée n'est pas touché par la modification proposée. Ainsi, la nouvelle réglementation est conforme aux droits fondamentaux.

Comme demandé suite à la consultation, pour des raisons d'efficience, la modification de l'internement en une mesure institutionnelle (art. 65, al. 1, CP) devrait être réexaminée à la même fréquence que la libération conditionnelle de l'internement.

3.1.1.3

Composition de la Commission d'évaluation de la dangerosité; définition de la dangerosité

Art. 62c, titre marginal, 62d, al. 2, 64a, titre marginal, 64b, al. 2, let. c, 75a, al. 1 et 3, 91a, 91b P-CP, art. 28, al. 3, P-DPMin L'extension des situations pour lesquelles il serait nécessaire de saisir la commission d'évaluation de la dangerosité est rejetée par la majorité des participants à la consultation (augmentation de la charge de travail et des coûts, etc.). En revanche, d'autres modifications jugées de manière favorable pourraient être mises en oeuvre:

87 88

­

Composition de la commission de dangerosité: d'une part d'autres spécialistes que ceux expressément mentionnés aujourd'hui (en particulier les psychologues légaux) devraient pouvoir siéger au sein de la commission; d'autre part, il convient d'étendre la récusation, prévue actuellement uniquement pour les psychiatres à l'ensemble des membres de la commission. De manière générale, l'autorité compétente consulte la commission si elle envisage un allégement dans l'exécution et si elle a un doute sur la dangerosité de l'auteur.

­

Modification de la définition de la dangerosité (art. 75a, al. 3, CP): abandon de la notion de «dangerosité pour la collectivité» (la dangerosité peut menacer une seule personne) ainsi que du critère de fuite comme facteur de la dangerosité.

ATF 128 IV 241, consid. 3.4.

ATF 134 IV 246, consid. 4.3.

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3.1.1.4

Droit de recours des autorités dans le domaine de l'exécution des peines et mesures

Art. 65a P-CP; art. 81, al. 1, let. b, ch. 8, P-LTF La proposition de confier la qualité pour recourir à l'autorité d'exécution lors de décisions judiciaires ultérieures indépendantes a été largement soutenue lors de la consultation. En tenant compte des prises de position de la consultation, la qualité pour recourir pourrait s'étendre à toutes les décisions judiciaires ultérieures indépendantes et non seulement celles relatives aux mesures thérapeutiques institutionnelles.

3.1.1.5

Autres modifications

Art. 90, al. 1 et 1bis, 93 al. 2 P-CP Les deux modifications proposées ci-dessous devraient pouvoir être mises en oeuvre car elles permettent de préciser, respectivement d'adapter les dispositions légales à la situation actuelle: ­

Isolement pour les personnes internées et internées à vie (art. 90, al. 1 et 1bis, P-CP): le droit actuel ne prévoit pas les personnes internées et internées à vie dans la liste des personnes pouvant être soumises à un isolement ininterrompu pour divers motifs (par ex. pour leur protection ou celle de tiers). Il convient d'y remédier et d'adapter l'art. 90, al. 1 et 1bis, en conséquence.

­

Le secret de fonction des agents de probation (art. 93, al. 2, P-CP): eu égard à l'existence de l'art. 320 CP et de la fusion dans de nombreux cantons entre autorité d'exécution et service de probation, une réglementation spécifique pour les agents de probation ne se justifie plus.

3.2

Modification du DPMin

3.2.1

Réglementation proposée

En raison des retours critiques reçus dans le contexte de la consultation, une nouvelle réglementation, plus restreinte, a été élaborée avant d'être à nouveau soumise aux experts pour consultation89.

Les paragraphes suivants décrivent les modifications du DPMin que l'on propose d'adopter.

89

Société suisse de droit pénal des mineurs (SSDPM), Société Suisse de Psychiatrie Forensique (SSPF), Vereinigung deutschschweizer Jugendheimleitungen (JHL), deutschschweizerische Arbeitsgruppe der Leitungen der Institutionen für weibliche Jugendliche (LIwJ) et la Commission latine éducation sociale (CLES).

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3.2.1.1

Résumé

Il est rare qu'un jeune délinquant passe à travers toutes les mailles du filet du droit pénal des mineurs et qu'il soit considéré comme un «délinquant dangereux» au moment où il doit être libéré d'une sanction du DPMin. Le droit pénal des mineurs en vigueur ne subira pas de modifications fondamentales: il s'agit uniquement de combler des lacunes liées à des cas très rares d'une extrême gravité. Le champ d'application de la réglementation proposée sera plus étroit que celui prévu dans l'avant-projet en raison des avis émis lors de la consultation. L'objectif est de faire en sorte que la nouvelle réglementation ne compromette si possible pas les principes du droit pénal des mineurs et de limiter autant que possible les inconvénients décrits à l'issue de la consultation.

Voici un résumé de la réglementation proposée: Si un mineur, qui a plus de 16 ans, a été condamné pour assassinat (art. 112 CP), le tribunal pour adultes pourra ordonner, à la demande de l'autorité d'exécution, un internement au sens de l'art. 64, al. 1, CP si le jeune devient majeur et qu'il existe un risque sérieux qu'il ne commette à nouveau un assassinat à la fin de la peine ou mesure prononcée en vertu du DPMin.

Pour qu'un internement puisse être ordonné, il faudra que la personne ait été condamnée à une peine ou une mesure du DPMin. Le jugement de condamnation constitue la base de la décision ultérieure relative à la réserve et est un élément central pour prouver le lien de causalité, exigé par la CEDH, entre la condamnation pour une infraction et la privation de liberté.

Pour les mineurs ayant été placés dans un établissement fermé, le prononcé d'une telle mesure correspond à un changement de sanction comme le prévoient le CP (art. 62c, al. 4 et 6) et le DPMin (art. 19, al. 4), sans réserve aucune dans le jugement de condamnation. Pour les mineurs qui ont été condamnés à une privation de liberté (sans, en parallèle, une mesure de placement), une réserve dans le jugement de condamnation est nécessaire pour que l'internement puisse être ordonné à l'issue de la privation de liberté. Cette réserve correspond en somme à la réglementation du droit pénal applicable aux adultes d'après lequel un internement ordonné en plus d'une peine privative de liberté ne peut être exécuté que si les conditions sont remplies au moment de la libération de la peine privative de liberté.

3.2.1.2

Infractions susceptibles de mener à une mesure du CP

Il serait en principe envisageable de s'inspirer de la liste des infractions susceptibles d'être sanctionnées par un internement au sens de l'art. 64, al. 1, CP. Elle comprend tous les crimes réprimés par une peine privative de liberté de cinq ans ou plus et qui visent l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une personne Cette liste est trop vaste car elle concernerait chaque année bien plus d'une centaine de jeunes délinquants. De l'avis de plusieurs participants au débat d'experts sur la

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mise en oeuvre de la motion Caroni90, la liste des infractions devrait être bien plus courte: ils proposent que seul l'assassinat (art. 112 CP) soit considéré comme une infraction permettant d'ordonner un internement a posteriori (après qu'il a été réservé dans le jugement).

Dans le projet soumis à la consultation, cette infraction paraissait ne pas suffire. En plus de l'assassinat, d'autres actes de violence les plus graves à l'encontre d'êtres humains devraient pouvoir permettre d'ordonner une mesure préalablement réservée.

Ainsi, la liste des infractions susceptibles de mener à une mesure du CP comportait aussi le meurtre (art. 111 CP), le brigandage qualifié (art. 140, ch. 4, CP), la prise d'otage qualifiée (art. 185, ch. 2, CP), la contrainte sexuelle qualifiée (art. 189, al. 3, CP), le viol qualifié (art. 190, al. 3, CP) et l'incendie intentionnel qualifié (art. 221, al. 2, CP). Ces actes correspondent, pour l'essentiel, aux infractions sur lesquelles porte la clause générale de l'art. 25, al. 2, let. a, DPMin.

Celle-ci couvre aussi le génocide, les crimes contre l'humanité et différents crimes de guerre. Ces infractions ne sont pas considérées comme prioritaires pour la mise en oeuvre de la motion Caroni. Toutefois, elles doivent aussi figurer sur la liste des infractions susceptibles de permettre le prononcé d'une mesure réservée parce qu'il s'agit des actes de violence les plus graves contre des personnes et qu'elles sont punies par une peine privative de liberté minimale de trois ans.

Les infractions au sens de l'art. 25, al. 2, let. b, DPMin, c'est-à-dire les lésions corporelles graves (art. 122 CP), le brigandage qualifié (art. 140, ch. 3, CP) et la séquestration et l'enlèvement qualifiés (art. 184 CP) devaient, selon l'avant-projet, ne justifier une réserve que si le jeune avait commis un acte d'une extrême violence contre une ou des personnes, en plus d'avoir agi avec une absence particulière de scrupules.

En raison des avis critiques émis lors de la consultation, en particulier concernant les conséquences négatives des mesures réservées, la liste des infractions a été réduite à l'assassinat, comme proposé suite aux débats d'experts91. L'assassinat était l'infraction la plus grave pour laquelle des mineurs ont été condamnés au cours des 20 dernières années92.

3.2.1.3

Internement comme seule mesure consécutive

À l'issue d'un placement en établissement fermé ou d'une privation de liberté, il sera uniquement possible d'ordonner un internement parmi toutes les mesures du CP.

Selon l'avant-projet, toutes les mesures institutionnelles du CP seraient en principe adéquates pour faire suite à un placement en établissement fermé en vertu du droit pénal des mineurs Certains participants à la consultation ont relevé qu'il était difficile de comprendre quelle pourrait être l'utilité d'une mesure thérapeutique institutionnelle au sens des 90 91 92

Cf. ch. 1.2.1.5.

Cf. ch. 1.2.1.5.

Les statistiques de l'OFS ne recensent aucune condamnation de mineurs pour génocide (art. 246 CP), crimes contre l'humanité (art. 264a CP) ou crimes de guerre (art. 264c CP).

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art. 59 à 61 CP si, jusqu'à ses 25 ans, la thérapie du jeune n'a pas porté ses fruits93.

C'est pourquoi le projet se limite à proposer l'internement comme seule mesure consécutive.

Pour interner des personnes atteintes de troubles mentaux, il faut qu'une mesure au sens de l'art. 59 CP semble vouée à l'échec (art. 64, al. 1, let. b, CP). On ne peut pas exclure qu'une personne condamnée en vertu du droit pénal des mineurs ait encore besoin d'un suivi thérapeutique après ses 25 ans alors même qu'elle ne remplit pas tous les critères permettant d'ordonner un placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC. Dans ce cas, il ne devrait pas être possible d'ordonner un placement à des fins d'assistance ou un internement, même si la personne pose un danger pour les tiers.

En revanche, si durant l'exécution de l'internement, on constatait que les conditions permettant d'ordonner une mesure thérapeutique au sens des art. 59 à 61 CP étaient réunies, alors il serait possible d'en ordonner une, sur la base de l'art. 65, al. 1, CP.

Si, bien qu'elle ait commis un assassinat, la personne n'a pas besoin de traitement ou ne peut pas être traitée et qu'elle a été condamnée à une privation de liberté en raison de sa culpabilité, d'emblée, il est uniquement possible d'envisager un internement comme mesure consécutive.

3.2.1.4

Internement à l'issue du placement en établissement fermé

Il sera possible de prononcer un internement à l'issue d'un placement en établissement fermé au sens de l'art. 15, al. 2, DPMin, lorsque ce dernier prend fin parce que la personne concernée a atteint l'âge limite de 25 ans (point principal de la motion Caroni). En dehors de cela, il sera aussi possible prononcer un internement dès que la personne condamnée en vertu du DPMin devient majeure mais avant ses 25 ans, si le placement en établissement fermé est levé, parce qu'il n'a pas l'effet souhaité ou par manque de place. Elle doit toutefois effectivement être majeure.

Les personnes condamnées placées en établissement ouvert en vertu de l'art. 15, al. 1, DPMin, ne sont pas dangereuses pour le public au point qu'il soit nécessaire faire succéder un internement au placement lorsque ce dernier prend fin. Il en va de même pour les personnes condamnées à d'autres mesures de protection du droit pénal des mineurs.

Contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet, on renonce au principe de la réserve dans le jugement de condamnation. Ordonner un internement constitue une modification de la sanction, une possibilité déjà offerte dans le droit pénal applicable aux adultes (art. 62c, al. 4 et 6, CP) et le droit pénal des mineurs (art. 19, al. 4, DPMin), sans réserve dans le jugement de condamnation.

Une autre différence avec l'avant-projet repose sur le fait que l'on présuppose qu'un placement dans un établissement fermé a été ordonné parce que le mineur représente 93

Cette remarque contredit quelque peu l'opinion selon laquelle il est judicieux de mener une thérapie dans le cadre d'un placement à des fins d'assistance après l'âge de 25 ans.

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une grande menace pour des tiers. Ce principe permet de renforcer le lien logique avec l'internement consécutif. C'est uniquement si un jeune a été placé dans un établissement fermé pour des motifs sécuritaires qu'il doit pouvoir être possible d'ordonner un internement pour ces mêmes motifs.

3.2.1.5

Internement à l'issue de la privation de liberté

Principe À condition que la personne condamnée soit majeure, on pourra prononcer un internement à l'issue d'une privation de liberté au sens de l'art. 25, al. 2, DPMin.

Dans certains cas, les délinquants mineurs qui ont commis une infraction très grave quand ils avaient 16 ou 17 ans, qui ne peuvent pas être pris en charge sur le plan éducatif et ne sont pas amendables, ne sont pas condamnés à un placement en vertu du DPMin. On ne prononce à leur encontre qu'une peine adaptée à la gravité de l'acte; en règle générale, il s'agit d'une privation de liberté. Il est toutefois possible que ces personnes représentent un grave danger pour les tiers à la fin de la privation de liberté.

Il faut donc pouvoir prévenir ce danger en ordonnant un internement.

Afin que les internements soient uniquement prononcés dans les cas les plus graves, la privation de liberté devra avoir duré au moins trois ans (sur un maximum de quatre ans; voir art. 25, al. 2, DPMin).

Réserve de la mesure dans le jugement de condamnation L'internement à l'issue d'une privation de liberté (contrairement à l'internement à l'issue d'une mesure de protection) constitue une sanction supplémentaire qui doit être réservée dans le jugement de condamnation.

La privation de liberté liée à l'internement répond ainsi aux exigences de la CEDH94.

La décision de prononcer l'internement devra être prise par un tribunal pour adultes à la fin de la privation de liberté selon le droit pénal des mineurs, comme dans le cas d'un internement à l'issue d'un placement en établissement fermé.

Pronostic négatif au moment du jugement La réserve repose sur un pronostic de dangerosité. Selon l'art. 91b P-CP, la dangerosité de l'auteur est admise s'il y a lieu de craindre qu'il ne commette une nouvelle infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. La notion de «dangerosité» est relative et ne peut pas être définie de façon absolue. Dans un cas concret, la valeur du bien juridique menacé, la gravité de l'atteinte à ce bien juridique et le degré de probabilité que cette atteinte ait effectivement lieu dans un délai donné permettent de déterminer la dangerosité (voir explications relatives à l'art. 91b P-CP).

94

Voir les explications au ch. 6.2.2.2.

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Lorsqu'il s'agit de délinquants mineurs, il est très difficile, voire impossible d'établir un pronostic à moyen ou long terme, parce que le développement de leur cerveau et de leur personnalité ne sont pas encore achevés95.

On peut toutefois poser des premiers pronostics sur la base de la personnalité, des antécédents et des infractions (en particulier, pour les jeunes qui ont déjà une «carrière» criminelle). Ainsi, le droit en vigueur permet d'ordonner un placement en établissement fermé (art. 15, al. 1, let. b, DPMin) si cela est nécessaire pour protéger des tiers contre un danger grave que représente le mineur. Pour examiner si cette condition est remplie, il est nécessaire qu'une expertise incluant un pronostic ait été menée.

Le pronostic nécessaire pour la réserve est par conséquent le même que celui exigé pour prononcer un placement dans un établissement fermé au sens de l'art. 15, al. 2, let. b, DPMin: la personne doit représenter une grave menace pour des tiers.

Puisqu'il ne peut s'agir que d'un pronostic à relativement court terme, la réserve devra être réexaminée chaque année.

Le pronostic déterminant pour qu'un internement puisse être ordonné ne sera toutefois établi qu'à la fin de la peine du droit pénal des mineurs.

À ce moment-là, les jeunes délinquants seront devenus majeurs. Il devrait par conséquent être moins difficile d'établir un pronostic, d'autant plus qu'il est exigé pour ordonner des mesures au sens des art. 59 à 61 et 64 CP à des jeunes adultes dont le cerveau n'a pas nécessairement encore achevé son développement.

3.2.1.6

Pronostic négatif au moment de requérir et de prononcer l'internement

Pour qu'il soit possible de requérir et de prononcer un internement, il faut qu'au moment de la libération du placement ou de la privation de liberté, il soit sérieusement à craindre que la personne condamnée en vertu du droit pénal des mineurs ne commette un autre assassinat l'avenir. Comme le prévoit l'art. 64, al. 1, CP, il faut qu'il soit sérieusement à craindre que la personne récidive. Le risque de récidive déterminant pour un internement se limite à l'assassinat.

3.2.1.7

Limite minimale de 16 ans

Pour qu'un internement puisse être prononcé à l'issue d'une privation de liberté, il faut que la personne ait été condamnée à une privation de liberté d'au moins trois ans parce qu'elle a commis un assassinat. Or, il est uniquement possible de prononcer une privation de liberté de cette durée à l'encontre de jeunes qui ont plus de seize ans au

95

Voir les explications relatives aux résultats de la procédure de consultation, ch. 2.2.2 et notamment HUSSMANN MARCUS, Diagnose und Individualprognose als Kernproblem des Umgangs mit Jugendkriminalität, in: Dollinger Bernd/ Schmidt-Semisch Henning (éd.), Handbuch der Jugendkriminalität, Kriminologie und Sozialpädagogik im Dialog, 2 e éd., 335 ss.

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moment de l'infraction (art. 25, al. 2, DPMin). Cette limite d'âge devra aussi s'appliquer (contrairement à ce qui était prévu dans l'avant-projet) aux jeunes délinquants condamnés à un placement en établissement fermé suite à un assassinat.

Entre 2010 et 2020, seul un mineur ayant été condamné pour assassinat avait moins de seize ans au moment de l'infraction.

3.2.1.8

Compétence pour ordonner l'internement

Il revient à un tribunal pour adultes de prononcer l'internement à la requête de l'autorité d'exécution.

Toutes les conditions figurant aux art. 56 ss CP devront être réunies pour qu'il soit possible d'ordonner un internement. Il faut en particulier citer la nécessité de disposer d'une expertise établie par un expert indépendant (art. 56, al. 3 et 4, CP). Il va de soi que l'expert doit être compétent pour rédiger une expertise concernant des mineurs ou des jeunes adultes.

Le principe de la proportionnalité (art. 56, al. 2, CP) devra aussi être respecté et les pronostics requis quant à la dangerosité et l'amendabilité devront être disponibles.

3.2.1.9

Placement à des fins d'assistance

La réglementation prévue ne restreint pas la possibilité de recourir au droit de la protection de l'enfant et de l'adulte.

Il sera encore possible d'ordonner un placement à des fins d'assistance au sens de l'art. 426 CC contre une personne considérée comme dangereuse à la fin d'une sanction du droit pénal des mineurs lorsque toutes les conditions nécessaires sont remplies (état de faiblesse et besoin de protection).

D'après l'art. 19, al. 3, DPMin, une mesure de protection de l'enfant et de l'adulte appropriée peut être requise lorsque la fin d'une mesure expose l'intéressé à des inconvénients majeurs ou compromet gravement la sécurité d'autrui.

Il reste bien évidemment possible d'ordonner un placement à des fins d'assistance en vertu du CC si la mise en danger de tiers n'est pas le seul critère rempli96. Le fait que la personne compromette la sécurité d'autrui, tel que mentionné à l'art. 19, al. 3, DPMin, n'est qu'une condition pour pouvoir requérir une mesure de protection de l'adulte appropriée97. Cela signifie que cette mesure ne peut être ordonnée au seul motif de la protection de tiers. Tel qu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 19, al. 3, DPMin, ne fournit aucun critère supplémentaire permettant d'ordonner un placement à des fins d'assistance; les conditions nécessaires sont exclusivement réglées à l'art. 426 CC98.

96 97 98

Cf. ch. 1.2.1.2.

HUG / SCHLÄFLI / VALÄR (note 46), ad. art. 19 JStG no 18a.

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_228/2016 du 11 juillet 2016, consid. 4.3.1.

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Il n'est pas nécessaire de modifier l'art. 19, al. 3, DPMin, sur la base du jugement de la Cour EDH T.B. c. Suisse, car il ne concerne pas uniquement le placement à des fins d'assistance99.

En revanche, il convient de préciser qu'il n'est possible d'ordonner une mesure du CP réservée que si aucune mesure de protection des adultes appropriée ne peut être envisagée100.

3.2.1.10

Exécution de la mesure

L'internement doit être exécuté et se terminer conformément aux dispositions du CP.

Les autorités d'exécution pour adultes sont compétentes.

L'internement est examiné d'office une fois par an (après la deuxième année) et la personne concernée peut déposer une demande de libération en tout temps (art. 64b CP). Si les conditions sont remplies, l'internement peut en outre être converti en une mesure thérapeutique institutionnelle au sens des art. 59 à 61 CP (art. 65, al. 1, CP).

3.2.1.11

Droit de la procédure

Procédure pénale applicable aux mineurs (PPmin) En vertu de l'art. 24, let. a, de la loi fédérale du 20 mars 2019 sur la procédure pénale applicable aux mineurs (PPmin)101, le prévenu mineur doit avoir un défenseur dans le cas où il est passible d'une privation de liberté de plus d'un mois ou d'un placement.

Cela permet de garantir que le prévenu soit assisté d'un défenseur si l'on envisage de le placer en établissement fermé (éventuellement suivi d'un internement) pour assassinat ou de le condamner à une privation de liberté d'au moins trois ans (avec un internement réservé) dans le jugement de condamnation en vertu du DPMin.

CPP Le prononcé d'une mesure réservée est une décision indépendante ultérieure prise par le tribunal pour adultes. Selon les art. 19b, al. 1, 19c, al. 1, et 27a, al. 1, P-DPMin, le juge du domicile du jeune délinquant, devenu majeur, est compétent. Les art. 364 à 365 CPP, s'appliquent à la procédure et à la décision.

Selon l'art. 130, let. b, CPP, le prévenu doit notamment avoir un défenseur lorsqu'il encourt une mesure privative de liberté. La procédure consistant à prononcer un internement a posteriori, prévue dans le projet, vient à la suite de la procédure devant le tribunal des mineurs ou la complète. La décision que doit prendre le tribunal en ce qui concerne l'internement est directement liée à l'infraction qui a fait l'objet de la procédure principale. Étant donné qu'avec l'internement, il se peut qu'une mesure privative de liberté soit ordonnée, la personne concernée devrait avoir la garantie qu'elle 99 100 101

Cour EDH, T.B. c. Suisse (note 53).

Cf. l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_564/2018 du 2 août 2018, consid. 2.5.2.

RS 312.1

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bénéficiera également de la défense nécessaire dans le cadre de la procédure tendant à rendre une décision ultérieure (art. 364 CPP) (comme c'est le cas dans le cadre de la procédure principale). Le droit à une défense peut également découler de l'art. 130, al. 1, let. c, CPP102.

3.2.1.12

Droit du casier judiciaire

La proposition de réserver une mesure au sens de l'art. 64, al. 1, CP dans le jugement de condamnation et de la prononcer dans une décision ultérieure ne nécessite pas d'adapter la législation en vigueur sur le casier judiciaire et la nouvelle loi du 17 juin 2016 (LCJ)103. La nouvelle ordonnance sur le casier judiciaire (OCJ)104 devra toutefois être complétée par les dispositions nécessaires.

3.2.1.13

Autres modifications

Dans l'avant-projet, l'art. 14, al. 2, DPMin était modifié de manière à cumuler le traitement ambulatoire et une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique. Les participants à la consultation ont demandé une réglementation analogue pour toutes les mesures, en particulier les interdictions d'exercer une activité, interdictions de contact ou interdictions géographiques, mais cela n'est pas nécessaire. Selon l'art. 10 DPMin, l'autorité de jugement ordonne «les mesures de protection exigées par les circonstances»: d'après le libellé de cette disposition, elle peut ordonner plusieurs mesures de protection. Toutes les combinaisons sont possibles, tant qu'elles remplissent les conditions prévues. La phrase supplémentaire qui sera ajoutée à l'art. 10 P-DPMin vient clarifier ce point, et l'art. 14, al. 2, DPMin peut donc être biffé.

L'art. 19, al. 4, DPMin prévoit que l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact ou l'interdiction géographique au sens de l'art. 16a DPMin puissent être poursuivies sous la forme de l'interdiction équivalente au sens du droit pénal applicable aux adultes. Cette réglementation soulève un certain nombre de questions en doctrine. Les peines auxquelles une personne doit avoir été condamnée pour que l'art. 67, al. 1, 3 et 4 CP s'applique en particulier sont sans commune mesure avec les peines prévues dans le DPMin105. Ainsi, l'avant-projet et le projet proposent des modifications visant à lever les ambiguïtés en ce qui concerne le prononcé, la durée et l'exécution d'une interdiction d'exercer une activité au sens du CP.

102

Cf. HEER MARIANNE, in: Marcel Alexander Niggli/Marianne Heer/Hans Wiprächtiger (éd.) Basler Kommentar Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, ad art. 364 no 16.

103 FF 2016 4703. La loi sur le casier judiciaire devrait entrer en vigueur début 2023.

104 Cf. la documentation relative à la révision du droit du casier judiciaire sous: www.ofj.admin.ch > Sécurité > Droit du casier judiciaire.

105 HUG / SCHLÄFLI / VALÄR (note 47), ad. art. 19 DPMin no 18d s.

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Afin de respecter la terminologie de la modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)106, des modifications d'ordre rédactionnel ont été apportées aux art. 4, 12, al. 2 et 4, 13, al. 3 et 4, 15, al. 4, 19a, al. 1 (art. 19, al. 3, DPMin en vigueur) ainsi que 45, al. 2, P-DPMin.

3.2.2

Justification et appréciation de la solution proposée

Dans le contexte de la consultation, une large majorité des cantons ainsi que tous les partis politiques se sont accordés sur le fait que le droit pénal des mineurs présente une lacune en matière de sécurité que les règles de droit pénal proposées pourraient combler.

Une question subsiste: faut-il poursuivre la révision du DPMin, alors que les propositions ont été rejetées par neuf cantons, mais aussi 13 organisations spécialisées, pour des raisons ayant trait au domaine médical, au droit pénal des mineurs, au droit international et au droit constitutionnel107?

Pour se déterminer sur cette question, il y a lieu de considérer le risque en matière de sécurité ­ statistiquement très faible ­ en relation avec les effets potentiels sur les perspectives d'avenir et les possibilités de resocialisation des mineurs concernés.

L'évaluation des différentes options (en considérant leurs potentiels avantages et inconvénients, leur poids, et la probabilité qu'ils se produisent) montre que le fait de ne pas combler la lacune présente beaucoup d'avantages sous l'angle de l'atteinte des objectifs du droit pénal des mineurs. La possibilité d'une modification limitée (par ex. ne permettre de réserver un internement qu'en cas d'assassinat) arrive en deuxième place. En dernier lieu, on pourrait procéder à une modification globale du DPMin, telle que proposée dans l'avant-projet.

Par le passé, les praticiens et les tribunaux ont imaginé des solutions en trouvant le moyen d'ordonner une mesure du CC adaptée à l'endroit des jeunes présentant un grave danger. La Cour EDH a toutefois conclu, dans l'arrêt T.B. c. Suisse 108, que la personne concernée avait été enfermée dans un établissement pénitentiaire sans qu'il n'y ait de base légale à cet effet et uniquement à des fins préventives109. Depuis cette décision, les placements à des fins d'assistance ayant pour but de prévenir la mise en danger d'autrui, au sens entendu par l'ATF 138 II 593, ne sont plus autorisés. Cela revient à dire, a posteriori, qu'il aurait fallu que cette lacune soit comblée, tout du moins dans ce cas précis (si l'on considère que la personne représentait un danger pour des tiers).

Pour finir, l'importance du bien juridique lésé par le comportement en question permet également de justifier l'élimination du risque statistiquement très faible en
matière de sécurité considéré. Lorsqu'il s'agit d'éviter des infractions très graves et prévisibles, en particulier lorsque des vies humaines sont en jeu, le nombre de victimes potentielles ne joue aucun rôle.

106 107 108 109

RO 2011 725 Voir, ch. 2.2.

Cour EDH, T.B. c. Suisse, arrêt du 30 avril 2019, no 1760/15.

L'arrêt de la Cour EDH est l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_500/2014 du 8 juillet 2014.

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En conclusion, la lacune juridique doit être comblée car il est question de limiter le risque pour les biens juridiques de haute valeur, même ce risque est statistiquement très faible.

La réglementation prévue dans le projet sera toutefois considérablement moins étendue que celle de l'avant-projet, compte tenu des remarques soulevées lors de la consultation. Elle se limite aux jeunes délinquants qui ont été condamnés pour assassinat et représentent un grave danger pour des tiers au moment où leur jugement est prononcé et qui pourraient très vraisemblablement commettre un nouvel assassinat à la fin de l'exécution de leur sanction de droit pénal des mineurs. Cette solution permet de tenir compte des cas les plus graves tout en réduisant au maximum les effets négatifs sur les personnes concernées.

4

Commentaire des dispositions

4.1

Modification du CP

4.1.1

Interdiction des congés non accompagnés pour les délinquants internés dans un établissement fermé

Art. 84, al. 6bis et 6ter; art. 90, al. 4ter et 4quater P-CP En interdisant toute sortie non accompagnée à des délinquants internés qui purgent une peine ou une mesure en milieu fermé, la réglementation proposée vise à accroître la sécurité. Elle clarifie le fait que les délinquants dangereux doivent être accompagnés par des personnes expertes en matière de sécurité (policiers ou personnel pénitentiaire formé à cet effet). L'accompagnement par des thérapeutes n'est pas suffisant car ils doivent eux aussi être protégés de tout danger110.

Les art. 84, al. 6ter et 90, al. 4quater P-CP correspondent aux actuels art. 86, al. 6bis et 90, al. 4ter CP. Ces dispositions ont été déplacées parce que l'exclusion des congés non accompagnés pour les personnes ordinairement internées devraient systématiquement venir avant l'exclusion en cas d'internement à vie (aujourd'hui déjà en vigueur).

4.1.2

Modification de la fréquence de réexamen de l'internement

Art. 64b, al. 3, P-CP En vertu de l'art. 64b, al. 3, P-CP, la libération conditionnelle de l'internement (art. 64a, al. 1, CP) ne sera examinée d'office que tous les trois ans si l'autorité compétente a rendu au moins trois fois de suite une décision de refus entrée en force.

Comme demandé lors de la consultation, il doit en être de même pour l'examen du changement de l'internement en une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 65, al. 1, CP). L'intervalle de trois ans s'appliquera à tous les réexamens d'office de l'internement après que la libération conditionnelle a été refusée trois fois.

110

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_254/2019 du 12 juin 2019, consid. 1.4.

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L'examen sur demande de la personne concernée n'est pas touché par la modification.

Le dépôt d'une demande de mise en liberté est un droit strictement personnel au sens de l'art. 407 CC et qui est garanti à l'art. 5, ch. 4, CEDH111. Si l'autorité compétente rejette la demande de la personne concernée, un nouveau délai de réexamen de trois ans commence à courir d'office à l'entrée en force de cette décision.

Les règles du droit de la protection de l'adulte des art. 388 ss CC sont applicables aux personnes détenues incapables de discernement. Elles garantissent aux personnes qui ont besoin d'aide dans le cadre de l'exécution un soutien ou une assistance appropriés pour faire valoir leurs droits.

4.1.3

Commission d'évaluation de la dangerosité

Art. 62c, titre marginal, P-CP L'actuel titre marginal de l'art. 62c CP mentionne uniquement la levée de la mesure thérapeutique institutionnelle. Si l'al. 1 traite de la levée de la mesure, les autres alinéas concernent les conséquences de cette levée, notamment le changement de la mesure thérapeutique institutionnelle en une autre sanction. Par conséquent, il convient de donner un titre marginal plus clair (Levée et changement de la mesure) à cette disposition.

Art. 62d, al. 2, P-CP L'art. 62d CP doit être rédigé de façon plus claire. Pour ce faire, on déplace la disposition portant sur la commission d'évaluation de la dangerosité des délinquants dangereux dans un autre article (art. 91a P-CP), auquel on renvoie.

S'agissant de la composition de la commission d'évaluation de la dangerosité, une disposition générale valable pour les peines et les mesures doit être créée (voir art. 91a P-CP).

À l'instar de la réglementation de l'art. 75a, al. 1, P-CP, la commission ne doit être consultée que si l'on envisage de lever la mesure ou de prononcer une libération conditionnelle et si un doute existe s'agissant de la dangerosité de l'auteur. En effet, lors de la consultation, de nombreux participants se sont opposés à conférer des compétences d'évaluation plus large à la commission spécialisée jugeant que le domaine de l'exécution des sanctions pénales, en particulier l'évaluation de la dangerosité, s'était nettement professionnalisé (introduction du concept de l'exécution des sanctions orientées vers le risque, formations du personnel, etc.) ces dernières années. La nouvelle formulation permet, en outre, d'harmoniser les pratiques en matière de saisine de la commission112. Cela étant, l'autorité compétente demeure libre de présenter éga-

111 112

Cour EDH, K. c. Chypre, arrêt du 21 juin 2011, no 9644/09, par. 58.

En effet, si certains cantons font une application stricto sensu de l'art. 62d, al. 2, CP, d'autres renoncent à recourir systématiquement à la commission spécialisée, en se référant à l'art. 90, al. 4bis, CP et son renvoi à l'art. 75a, al. 1, CP. Voir aussi rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 (note 2), ch. 6.2.

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lement d'autres cas à la commission, par exemple si elle n'est pas sûre que les conditions de la levée de la mesure sont remplies ou si elle souhaite donner plus de poids à la motivation de sa décision de refus de la libération conditionnelle en y ajoutant l'évaluation de la commission.

Art. 64a, titre marginal, P-CP Contrairement à l'énoncé du titre marginal en français («Levée et libération») et en allemand (Aufhebung und Entlassung), le législateur n'a pas prévu, à l'art. 64a, CP, de véritable levée de l'internement comme pour les autres mesures thérapeutiques (art. 62c et 63a CP). En ce sens, l'art. 64a CP traite plutôt de la fin de la sanction, comme l'indique le titre marginal en italien (fine dell'internamento e liberazione). En effet, l'internement prend fin lorsque la personne, au bénéfice d'une libération conditionnelle, a subi avec succès le délai d'épreuve fixé (art. 64a, al. 5, CP) ou lorsque l'exécution de l'internement fait place à l'exécution d'une des mesures prévues aux art. 59 à 61 CP (art. 65, al. 1, CP). Afin de remédier à cette ambigüité, le titre marginal est modifié et ne conserve que l'expression «libération», laquelle englobe la libération conditionnelle (al. 1 à 4) et la libération définitive (al. 5).

Art. 64b, al. 2, let. c, P-CP Le renvoi à l'art. 62d, al. 2, CP est remplacé par le renvoi au nouvel art. 91a P-CP relatif à la commission d'évaluation de la dangerosité. On abandonne le terme «audition» au profit de celui d'«évaluation» aussi utilisé aux art. 62d, al. 2, let. b, et 75a, al. 1, P-CP et correspondant davantage au rôle de la commission spécialisée.

Art. 75a, al. 1 et 3, P-CP L'art. 75a, al. 1, P-CP correspond dans les grandes lignes à l'art. 75a, al. 1, CP. La disposition a toutefois subi plusieurs modifications: ­

Premièrement, la commission d'évaluation de la dangerosité ne devrait être saisie que lorsque l'autorité compétente envisage de statuer positivement, soit par exemple accorder à la personne détenue des allégements dans l'exécution. Ainsi, l'autorité qui constate que la personne condamnée ne remplit pas les conditions de la libération conditionnelle n'a pas à présenter ce cas à la commission.

S'agissant des allégements de régime, en particulier des sorties, l'autorité n'a pas à soumettre chaque sortie à la commission d'évaluation de la dangerosité.

Il suffit que celle-ci se prononce une fois sur la planification envisagée dans le plan d'exécution de la sanction pénale, par exemple sur l'octroi d'un nombre défini de congés d'une certaine durée et selon un cadre déterminé durant une période fixée. À l'instar de ce qui prévaut en matière d'actualité de l'expertise psychiatrique113, ce n'est que si les circonstances entourant la sortie prévue et présentée comme telle à la commission changent que l'autorité doit présenter à nouveau la situation aux membres de la commission.

113

ATF 128 IV 241, consid. 3.4.

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­

Deuxièmement, lors de la consultation, plusieurs participants ont indiqué qu'ils souhaitaient remplacer le terme «Stellungnahme» (prise de position) par «Beurteilung» (évaluation). Ceci apparaît plus concordant avec le nom complet de la commission (commission d'évaluation de la dangerosité) et le titre marginal de la nouvelle disposition la concernant (art. 91b P-CP). Ce terme est également utilisé aux art. 62d, al. 2, et 64b, al. 2, let. c, P-CP.

­

Troisièmement, alors que l'art. 75a, al. 1, let. a, CP mentionnait la commission d'un «crime visé à l'art. 64, al. 1», la nouvelle formulation indique «infraction prévue à l'art. 64, al. 1», ceci afin d'utiliser la même expression qu'aux art. 62d, al. 2, et 91b P-CP plutôt qu'un type d'infraction spécifique.

­

Quatrièmement, la formulation «ne peut se prononcer d'une manière catégorique» fait place à la notion de «doute», plus ouverte (art. 75a, al. 1, let. b, CP).

­

Cinquièmement, l'expression «caractère dangereux pour la collectivité» est remplacée par le terme «dangerosité», lequel fait référence à la dangerosité en général et non plus à une menace pour la société114. Par la même occasion, on renvoie à la définition de la dangerosité prévue désormais à l'art. 91b P-CP.

L'art. 75a, al. 3, CP est abrogé au profit du nouvel art. 91b P-CP. Il paraît en effet plus clair d'avoir une seule disposition à la suite de celle sur la commission d'évaluation de la dangerosité établissant la notion de «dangerosité» utilisée aux art. 62d, al. 2, et 75a, al. 1, P-CP.

Art. 91a P-CP D'un point de vue systématique, on propose de placer le nouvel article traitant de la commission d'évaluation de la dangerosité dans la partie «4. Dispositions communes» des peines et mesures (art. 91 à 92a CP). Les commissions sont, en effet, consultées dans les situations où des auteurs exécutent une peine ou une mesure.

La réglementation prévue à l'al. 1 conserve la composition de la commission d'évaluation de la dangerosité telle qu'elle figure actuellement à l'art. 62d, al. 2, CP mais précise, par l'expression «au moins», que l'énumération des représentants n'est pas exhaustive. Il est, en effet, pertinent que d'autres experts possédant des connaissances spécifiques complémentaires puissent être membres d'un tel organe. On pense notamment aux criminologues, aux agents de probation ou aux avocats avec une spécialisation en droit pénal. En outre et dans ce sens, l'expression «milieux de la psychiatrie» est complétée par «milieux de la psychiatrie ou la psychologie». En effet, les évaluations de la dangerosité et du risque sont, en pratique, fréquemment conduites par des psychologues légaux115. Il est, à cet égard, pertinent que les commissions d'évaluation de la dangerosité profitent de leur expertise. Mentionnons encore que chaque commission est libre d'avoir comme membres des personnes représentant les milieux de la psychologie et également de la psychiatrie.

114 115

Voir aussi commentaire de l'art. 91b P-CP.

C'est notamment le cas au sein des services chargés de mener des évaluations du risque dans la perspective d'une exécution des sanctions orientée vers les risques.

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Au vu du rôle significatif joué par la commission d'évaluation de la dangerosité et de leurs tâches très spécifiques, il s'avère indispensable que seuls soient nommés des membres pouvant justifier de connaissances suffisantes. On pense, ici, en particulier, aux psychiatres forensiques et aux psychologues légaux qui doivent avoir suivi une formation spécifique pour la prise en charge et l'évaluation des personnes ayant commis une infraction116. L'al. 2 s'inspire de la disposition régissant les qualifications des membres de la Commission fédérale chargée de juger les possibilités de traiter les personnes internées à vie117.

L'art. 62d, al. 2, 2e phrase, CP prévoit, que seuls les membres issus du domaine de la psychiatrie ne doivent ni avoir traité l'auteur ni s'être occupés de lui d'une quelconque manière. Il semble aujourd'hui important d'étendre, à l'al. 3, ce devoir de récusation à tous les membres de la commission118. En effet, il ne se justifie pas de limiter ce devoir de récusation à une seule catégorie professionnelle alors que d'autres membres de la commission, notamment les représentants des autorités d'exécution ou de poursuite, ont également pu avoir affaire, dans le cadre de leur activité professionnelle, à la personne évaluée. Cette réalité est d'autant plus vraie dans les cantons s'étant dotés d'une commission cantonale de dangerosité et ne connaissant pas un système de tournus119. À cet égard, les commissions de dangerosité des deux concordats alémaniques sur l'exécution des sanctions pénales ont prévu un devoir de récusation plus large que seul celui des médecins120.

Art. 91b P-CP La nouvelle disposition sur la dangerosité doit également figurer dans la partie «4. Dispositions communes» (art. 91 à 92a CP) du titre sur l'exécution des peines et mesures 116

117 118

119 120

Cf. dans ce sens: profils requis (II./4.) des membres dans le règlement de la commission spécialisée du Concordat sur l'exécution des sanctions pénales de la Suisse centrale et du Nord-Ouest du 1er janvier 2013, https://www.konkordate.ch/download/pictures/b7/ fclwy6mgowoxlut2uutwu26noq8dkk/05.2_reglement_kofako_dezember_2013.pdf (état au: 25 mai 2022).

Art. 3, al. 2, de l'ordonnance du 26 juin 2013 sur la Commission fédérale chargée de juger les possibilités de traiter les personnes internées à vie (RS 311.039.2).

Similaire: HUBER ANDREAS, Experten und Expertenkommissionen im Strafprozess und im Straf- und Massnahmenvollzug ­ eine kritische Analyse der Mitwirkung von Sachverständigen, Fachrichtern und Fachkommissionen unter Berücksichtigung verwaltungsund staatsrechtlicher Aspekte, Zurich 2019, pp. 136 s. et 351. Voir aussi sur ce sujet l'ATF 134 IV 289.

ZERMATTEN / FREYTAG (note 18), p. 87.

III/2., al. 3, du règlement de la commission spécialisée du Concordat sur l'exécution des sanctions pénales de la Suisse centrale et du Nord-Ouest; ch. 3.3, let. a, des directives de la commission d'exécution des peines de la Suisse orientale du 26 octobre 2012 sur l'exécution de peines privatives de liberté et de mesures privatives de liberté à l'encontre de délinquants potentiellement dangereux (Richtlinien der Ostschweizer Strafvollzugskommission vom 26. Oktober 2012 über den Vollzug von Freiheitsstrafen und freiheitsentziehenden Massnahmen bei potentiell gefährlichen Straftätern und Straftäterinnen); LEHNER DOMINIK, Fachkommission, in: Brägger Benjamin F. (éd.), Das schweizerische Vollzugslexikon ­ von der vorläufigen Festnahme zur bedingten Entlassung, 2e éd., Bâle 2022, p. 231; HEER MARIANNE, in: Niggli Marcel A./ Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar zum Strafgesetzbuch und Jugendstrafgesetz, tome I, 4e éd., Bâle 2019, ad art. 62d no 27. S'agissant des cantons latins, voir HUBER, note 118, p. 132.

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L'art. 91b P-CP s'inspire de l'art. 75a, al. 3, CP. Selon cette disposition, un détenu est considéré comme dangereux pour la collectivité lorsqu'il risque de s'enfuir et de commettre une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. La jurisprudence du Tribunal fédéral a précisé que le délinquant présente un caractère dangereux lorsque son état mental est si gravement atteint qu'il est fortement à craindre qu'il ne commette de nouvelles infractions121. L'évaluation de la dangerosité de l'auteur doit se faire au regard de la gravité, de l'imminence du danger ainsi que de la nature ou de l'importance des biens juridiques menacés122. La «dangerosité» est de ce fait une notion relative et ne peut pas être définie de façon absolue. Dans un cas concret, la valeur du bien juridique menacé, la gravité de l'atteinte à ce bien juridique et le degré de probabilité que cette atteinte ait effectivement lieu dans un délai donné permettent de déterminer la dangerosité.

La qualification de la dangerosité repose sur une évaluation de différents éléments.

Outre la commission d'une infraction grave, l'auteur doit posséder certaines caractéristiques criminologiques, personnelles et psychiatriques123, dont une partie sont dynamiques et évoluent durant l'exécution de la sanction. Ainsi, la personne souffrant d'un trouble mental la poussant à commettre des infractions peut voir ce facteur criminogène disparaître en suivant une thérapie. L'évaluation de la dangerosité dépend, en outre, des circonstances dans lesquelles elle est conduite. L'autorité ne procédera pas au même examen si elle statue sur la libération conditionnelle ou sur une sortie accompagnée124. Par conséquent, il est important que l'autorité procède à des examens réguliers de la dangerosité de l'auteur et que ce dernier ne se retrouve pas définitivement étiqueté comme tel. Ainsi, les art. 62d, al. 2, et 75a, al. 1, let. b, P-CP, renvoient à la notion de dangerosité telle que prévue à l'art. 91b P-CP.

La nouvelle disposition prévue ne fait plus référence au «caractère dangereux pour la collectivité» (Gemeingefährlichkeit) mais uniquement à la dangerosité. En effet, un auteur peut se révéler dangereux uniquement pour un cercle restreint de personnes (par exemple, contre son ou sa
partenaire ou un membre de sa famille dans le cas de violence domestique). L'art. 91b P-CP ne mentionne pas non plus le risque de fuite comme élément constitutif de la dangerosité. Le risque de fuite peut, à juste titre, conduire l'autorité d'exécution à refuser le placement d'un détenu dans un établissement ouvert ou à lui accorder des sorties mais il n'est pas un indicateur de la dangerosité125.

Le placement dans un établissement ouvert est par ailleurs déjà exclu, en application a contrario des art. 59, al. 3, et 76, al. 2, CP, pour les auteurs présentant un risque de fuite et de récidive. Il n'est également pas envisageable initialement pour les personnes internées (art. 64, al. 4, CP).

Art. 28, al. 3, P-DPMin Le renvoi à la commission spécialisée est adapté à l'art. 28, al. 3, P-DPMin.

121 122 123

ATF 137 IV 201, consid. 1.2.

ATF 127 IV 1, consid. 2a.

ROHNER BARBARA, Die Fachkommission zur Beurteilung gefährlicher Straftäter nach Art. 62d Abs. 2 StGB, Zurich/Bâle/Genève 2016, p. 95.

124 ROHNER (note 123), p. 98 s.

125 Cf. aussi ROHNER (note 123), p. 118 s.; HEER (note 120), ad art. 62d no 11.

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4.1.4

Droit de recours des autorités dans le domaine de l'exécution

Art. 65a P-CP; art. 81, al. 1, let. b, ch. 8, P-LTF D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral126 l'autorité d'exécution n'a pas d'intérêt juridiquement protégé à former recours.

Se fondant sur l'art. 104, al. 2, CPP, l'art. 65a P-CP dispose que l'autorité d'exécution peut former recours dans le cadre des procédures engagées contre les décisions judiciaires ultérieures indépendantes du tribunal en vertu du CPP lorsque la décision porte sur la levée, la modification, ou la prolongation d'une mesure (art. 59, 60, 61, 63 ou 64 CP). Les résultats de la consultation ont montré un intérêt à ce que la qualité pour recourir de l'autorité d'exécution ne se limite pas aux décisions judiciaires ultérieures indépendantes relatives aux art. 59 à 61 CP. Il paraît en effet justifié que l'autorité d'exécution puisse recourir dans d'autres cas de figure. On pense par exemple à la prolongation d'une mesure ambulatoire (art. 63, al. 4, CP) ou au prononcé ultérieur d'un internement selon le changement de sanction prévu à l'art. 65, al. 2, CP. L'autorité d'exécution n'est pas légitimée à recourir contre d'autres décisions ultérieures.

Lors de la consultation, des participants ont émis l'opinion que cette réglementation aurait davantage sa place dans le CPP que dans le CP. Si l'on peut comprendre cet argument, son introduction dans le CPP nécessiterait une modification de plusieurs de ses articles (art. 12 par exemple) ce qui semble beaucoup plus compliqué que la création de l'art. 65a P-CP.

L'énumération de l'art. 81, al. 1, let. b, LTF doit toutefois être complétée pour donner à l'autorité d'exécution la qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal fédéral contre les décisions ultérieures.

4.1.5

Autres modifications

Art. 90, al. 1 et 1bis, P-CP L'art. 90, al. 1, CP traite des conditions de l'isolement ininterrompu pour les personnes exécutant une mesure prévue aux art. 59 à 61 CP. Il convient d'étendre cette réglementation aux personnes internées et internées à vie, lesquelles peuvent également se trouver isolées de manière ininterrompue pour des motifs sécuritaires ou disciplinaires, à l'instar du régime prévu pour les personnes purgeant une peine privative de liberté (art. 78, let. b et c, CP).

En revanche, en ce qui concerne les personnes internées et internées à vie, l'actuelle let. a de l'art. 90, l'al. 1, CP ne leur est pas applicable. De ce fait, il convient de créer un nouvel al. 1bis s'inspirant de la teneur de l'art. 90, al. 1, let. a, CP pour les personnes exécutant une mesure thérapeutique institutionnelle mais en précisant son contenu.

Dans ce cas, l'isolement doit servir l'exécution d'une mesure thérapeutique et ses objectifs, et doit s'avérer temporaire, d'où l'usage de l'expression «courte durée».

126

ATF 133 IV 121, consid. 1.2 et ATF 145 IV 65, consid. 2.2 ss.

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Art. 93, al. 2 P-CP L'art. 93, al. 2, CP règle la divulgation d'informations relatives au mandat d'assistance de probation. Le législateur souhaitait ici renforcer la relation de confiance entre l'agent de probation et la personne prise en charge en prévoyant une réglementation proche de celle du secret professionnel de l'art. 321 CP127.

Depuis l'entrée en vigueur de l'art. 93 CP, la situation a changé. Tout d'abord, sur le plan organisationnel, une grande partie des cantons a intégré l'autorité chargée de l'assistance de probation et du contrôle des règles de conduite au sein de l'entité s'occupant de l'exécution des sanctions pénales128. À l'heure actuelle, les autres structures (fondation privée129 ou service social130) font figure d'exception. Dans les cantons ayant rapproché exécution des sanctions pénales et probation, la personne responsable de cas peut, par ailleurs, se charger de l'accompagnement social du probationnaire, rendre des décisions à son endroit et rédiger les rapports à l'attention des autorités.

Ensuite, la majorité des cantons ont réglé, ces dernières années, la question du partage d'informations dans le domaine de l'exécution des sanctions pénales131. La transmission de renseignements à l'autorité compétente apparaît effectivement essentielle afin que cette dernière puisse juger de l'évolution des mesures d'accompagnement ordonnées et, le cas échéant, statuer sur leur sort.

Pour ces raisons, une réglementation spécifique uniquement pour les agents de probation ne se justifie plus. Il semble aujourd'hui difficilement concevable que les agents de probation soient soumis à un devoir de discrétion différent des collaborateurs chargés de la mise en place puis du contrôle des mesures thérapeutiques ambulatoires ou des mesures d'interdiction des art. 67 ss CP, ou qu'ils ne soient pas assujettis au même régime selon le dossier qu'ils gèrent. En outre, la protection du secret de fonction conférée par l'art. 320 CP s'applique aux informations partagées durant le mandat d'assistance de probation. Le Conseil fédéral juge qu'il convient de laisser aux cantons le soin de réglementer plus en détail, si nécessaire, les rapports entre les différentes autorités selon la structure qui leur est propre. C'est pourquoi, il convient d'abroger l'al. 2 de l'art. 93 CP.

127

128 129 130 131

Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1787 p. 1933 s.

Par ex. les cantons d'Argovie, Berne, Fribourg, Grisons, Lucerne, Neuchâtel, Valais, Zoug, Zurich.

Canton de Vaud: Fondation vaudoise de probation.

Canton de Glaris.

Rapport de l'OFJ relatif à la motion 16.3002 (note 2), ch. 5.4.5.

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4.2

Modification du DPMin

Art. 4, 2e phrase Selon la terminologie instaurée lors de la modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)132, le terme d'«autorité tutélaire» est remplacé par celui d'«autorité de protection de l'enfant».

Art. 9, al. 4 Pour qu'il soit possible de réserver un internement en lien avec une privation de liberté, il faut que le jeune représente un grave danger pour les tiers. Il faut que cette menace soit établie sur la base d'une expertise.

L'al. 3 prévoit déjà qu'une expertise soit ordonnée pour évaluer la santé physique et psychique du mineur ou déterminer si un placement en établissement ouvert ou fermé est indiqué. L'al. 4 vient le compléter, précisant qu'une expertise (si elle n'a pas encore été ordonnée sur la base de l'al. 3) doit aussi être ordonnée pour les jeunes menacés d'une privation de liberté et de la réserve d'une mesure au sens de l'art. 64, al. 1, CP. L'expertise de l'al. 4 aura pour objet principal la dangerosité de la personne concernée.

Des participants à la procédure de consultation demandent expressément que l'expertise soit menée par un expert spécialisé en psychiatrie ou psychologie infantile et juvénile. Il n'est toutefois pas nécessaire de le mentionner spécifiquement dans la loi puisque selon le droit en vigueur, il est exclu qu'une expertise ne soit pas réalisée par un spécialiste confirmé.

Art. 10, al. 1, 2e phrase Selon l'art. 10 DPMin, l'autorité de jugement ordonne «les mesures de protection exigées par les circonstances», ce qui signifie donc qu'elle a la possibilité d'ordonner plusieurs mesures de protection. Toutes les combinaisons sont possibles, tant qu'elles ne s'excluent pas les unes des autres au vu des conditions applicables. La phrase supplémentaire ajoutée à l'art. 10 P-DPMin vient clarifier ce point.

Art. 12, al. 2 et 3 La curatelle sera aussi mentionnée à l'al. 2, conformément aux avis reçus lors de la consultation. Elle peut concerner des personnes qui ont commis une infraction étant mineures mais qui n'ont été poursuivies et condamnées en vertu du DPMin qu'après leurs 18 ans.

La modification à l'al. 3 ne concerne que le texte allemand. Conformément à la terminologie de modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)133, le terme de «Mündigkeitsalter» est remplacé par «Volljährigkeit».

132 133

RO 2011 725 RO 2011 725

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Art. 13, al. 3 et 4 Les modifications apportées aux al. 3 et 4 sont les mêmes que celles de l'art. 12, al. 2 et 3, P-DPMin.

Art. 14, al. 2 En raison de la précision apportée à l'art. 10, al. 1, 2e phrase, P-DPMin, l'art. 14, al. 2, DPMin peut être abrogé.

Art. 15, al. 4 et 5 Les mêmes modifications que celles apportées à l'art. 12, al. 2 et 13, al. 3, P-DPMin sont appliquées à l'al. 4. Par ailleurs, conformément à la terminologie instaurée lors de la modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)134, le terme d'«autorité tutélaire» est remplacé par celui d'«autorité de protection de l'enfant» et complété par «[autorité de protection] de l'adulte» dans le cas où il y a curatelle.

La réglementation de l'al. 5 remplace la réserve prévue dans l'avant-projet (voir ch. 3.2.1.4).

Art. 19, al. 1bis, 3 et 4 Le nouvel art. 19 DPMin contient exclusivement les règles qui portent sur la fin des mesures. Les al. 3 et 4 de l'art. 19 DPMin sont de ce fait déplacés (cf. ci-dessous, art. 19a, al. 1 et 19b, P-DPMin).

Al. 1bis Selon l'art. 28, al. 3, DPMin, l'autorité d'exécution statue au sujet de la libération conditionnelle d'une privation de liberté prononcée en vertu de l'art. 25, al. 2, DPMin, après avoir entendu la commission spécialisée constituée conformément à l'art. 62d, al. 2, CP (désormais art. 91a P-CP). Cette règle sera aussi valable lorsqu'un internement au sens de l'art. 64, al. 1, CP a été réservé en lien avec la privation de liberté au sens du DPMin, sur la base des modifications exigées.

Pour des raisons de sécurité, il semble judicieux que l'autorité d'exécution entende aussi la commission spécialisée, quand elle doit se prononcer sur la levée d'un placement en établissement fermé ordonné suite à un assassinat en vue de protéger les tiers d'une grave menace.

L'art. 91a, al. 2, P-CP dispose que les membres de la commission doivent posséder les connaissances spécifiques nécessaires à leur tâche.

L'art. 19, al. 2, DPMin, d'après lequel toutes les mesures prennent fin lorsque l'intéressé atteint l'âge de 25 ans, reste applicable. Si la décision du tribunal pour adultes au sujet de l'internement requis par l'autorité d'exécution n'est pas encore entrée en force à ce moment-là de la procédure tendant à rendre une décision judiciaire ulté-

134

RO 2011 725

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rieure prévue aux art. 364 ss CPP, l'art. 364a CPP permet de placer la personne condamnée en détention pour des motifs de sûreté jusqu'à la décision du tribunal, s'il y a lieu de penser qu'elle voudra se soustraire à l'exécution ou qu'il existe un risque de récidive.

Art. 19a Le nouvel art. 19a P-DPMin énumère les conditions auxquelles il sera possible de requérir une mesure consécutive civile ou pénale à la fin d'une mesure de protection.

Pour déterminer la mesure, on procédera en cascade: les mesures de protection de l'enfant et de l'adulte n'entreront en jeu que lorsqu'il ne peut être paré d'une autre manière aux inconvénients liés à la fin de la mesure de protection; les mesures pénales seront envisagées quand les mesures civiles ne sont pas suffisantes.

Al. 1 Cette règle correspond à l'actuel art. 19, al. 3, DPMin. Elle est modifiée au niveau rédactionnel afin que la terminologie corresponde à celle instaurée lors de la modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)135.

Al. 2 Les mesures consécutives de droit pénal ne seront ordonnées que lorsqu'aucune mesure de protection de l'adulte n'est appropriée (cf. aussi art. 27a, al. 1, let. c, PDPMin), par exemple, si les conditions d'une mesure civile de ce type ne sont pas réunies (par ex. pas d'état de faiblesse et/ou assistance ou traitement pas nécessaire), ou si l'on peut prendre certaines mesures civiles mais qu'elles ne suffisent pas, à elles seules, à contrer les préjudices pour la sécurité d'autrui.

Alors que les mesures figurant à l'al. 1 peuvent contribuer à la sécurité de la personne concernée et à celle des tiers, les mesures consécutives pénales servent uniquement à la sécurité des tiers (cf. art. 19b, al. 1 et 19c, al. 1, let. d, P-DPMin).

La règle de la subsidiarité prévue à l'al. 2 a fait l'objet de critiques lors de la consultation dans la mesure où l'examen préalable des mesures de droit civil serait inefficace et superflu dans les cas spécifiques débattus. Certains participants soulignent qu'il convient de renoncer à une demande préalable obligatoire à l'APEA et que les mesures de droit civil ne suffisent pas à éviter un danger pour le public. À l'inverse, d'autres exigent qu'un tribunal vérifie impérativement au préalable si les conditions d'un placement
à des fins d'assistance sont remplies ou non.

La pratique a démontré que des mesures de droit civil peuvent s'avérer utiles dans certains cas. Il serait possible d'évaluer si les conditions nécessaires pour des mesures de droit civil sont remplies dans le cadre du prononcé de la mesure consécutive. Ainsi, pour ordonner l'internement, il ne serait pas nécessaire d'examiner dans une procédure séparée si une mesure au sens de l'art. 59 CP est susceptible de porter ses fruits.

Les expertises relatives à la demande et au prononcé de l'internement comme mesure

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consécutive (art. 19c, al. 2, let. b et 27a, al. 2, let. b, P-DPMin) devraient notamment porter sur ce point.

Art. 19b Le nouvel art. 19b P-DPMin est basé sur les dispositions de l'actuel art. 19, al. 4, DPMin et vise à lever plusieurs ambiguïtés du droit en vigueur. La formulation est alignée sur celles des art. 19c et 27a P-DPMin, sans qu'il s'agisse toutefois d'une modification sur le plan matériel.

Al. 1 Le tribunal pour adultes prend sa décision en application des dispositions du CP. Aujourd'hui, une interdiction d'exercer une activité, une interdiction de contact ou une interdiction géographique en vertu de l'art. 16a DPMin ne peuvent être ordonnées que s'il y a lieu de craindre que le mineur ne commette des actes d'ordre sexuel avec des mineurs ou d'autres personnes particulièrement vulnérables dans l'exercice d'une activité professionnelle ou une activité non professionnelle organisée (art. 16a DPMin).

Conformément à l'art. 19, al. 4, DPMin, il est possible d'ordonner une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 2, 3 ou 4, CP à la fin de l'interdiction prononcée en vertu du DPMin. Le tribunal peut alors ordonner une interdiction de dix ans au plus, ce qui signifie que l'interdiction à vie (telle que prévue à l'art. 67, al. 2bis, 3 et 4 CP) est exclue.

Une personne condamnée en vertu du DPMin peut-elle remplir les conditions d'une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 3 et 4 CP? La réponse n'est pas claire dans la mesure où les sanctions qui sont une condition pour une interdiction d'exercer une activité en vertu du CP ne sont pas toutes comparables aux sanctions du DPMin. De plus, l'art. 19, al. 4, DPMin exclut l'interdiction à vie telle qu'elle est prévue à l'art. 67, al. 3 et 4 CP, il ne reste donc que la possibilité d'ordonner une interdiction d'exercer une activité au sens de l'art. 67, al. 2, CP. Cette interdiction suffit pour prolonger l'interdiction d'exercer une activité qui avait été prononcée en vertu du DPMin. Les dispositions de l'art. 19, al. 4, DPMin sont donc reformulées en conséquence à l'art. 19b, al. 1, P-DPMin.

L'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique sont prononcées par le tribunal pour adultes en vertu des dispositions du CP.

Le juge ne prend pas seulement en compte
les conditions énoncées aux art. 67, al. 2, et 67b, al. 1, CP, mais aussi les prescriptions figurant aux art. 67a et 67b, al. 2, CP. Le nouvel al. 2 de l'art. 19b, établit clairement qu'il n'est pas possible d'ordonner une interdiction d'exercer une activité à vie, alors qu'il serait possible de le faire, en vertu de l'art. 67, al. 2bis, CP, pour les interdictions au sens de l'art. 67, al. 2, CP.

On précise que l'interdiction est prononcée dans le cadre d'une procédure relative aux décisions judiciaires ultérieures indépendantes (art. 363 ss CPP). L'autorité compétente, d'après l'art. 363 CPP, est fixée à l'al. 1: il s'agit du tribunal pour adultes du domicile de la personne concernée. La procédure et la décision sont régies par les art. 364 à 365 CPP. L'exécution des interdictions est réglée par les dispositions du droit pénal applicable aux adultes, en particulier par l'art. 67c CP.

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Al. 2 et 3 Pour éliminer les ambiguïtés, il est explicitement précisé que les interdictions peuvent être étendues ou prolongées ou qu'une nouvelle interdiction peut être ordonnée en application des dispositions du CP à ce sujet.

Art. 19c Al. 1 L'al. 1 détermine à quelles conditions l'autorité d'exécution est habilitée à requérir un internement à l'issue du placement en établissement fermé, auprès du tribunal pour adultes.

Le projet n'impose pas à l'autorité d'exécution d'étudier, pour chaque cas, la nécessité d'un internement et de prendre une décision formelle avant la fin de la sanction du droit pénal des mineurs. Elle sera toutefois tenue d'évaluer la dangerosité de la personne concernée afin de déterminer la suite de la procédure.

Si l'autorité d'exécution conclut que la personne ne représente pas un grave danger ou qu'une mesure de droit civil est indiquée, elle pourra alors entamer les démarches nécessaires (après avoir entendu la commission spécialisée au sens de l'art. 19, al. 1bis, P-DPMin). Autrement, elle requerra un internement auprès du tribunal.

Le tribunal ne statuera que sur les cas pour lesquels l'autorité d'exécution considère qu'un internement est nécessaire et qu'elle en a fait la demande.

La «fin» de la mesure mentionnée à l'al. 1, let. c, se rapporte à la fois à une mesure qui prend fin parce que la personne a atteint l'âge de 25 ans et à une mesure levée avant l'âge limite. La mesure prend fin lorsque le solde de la peine à l'issue du placement, qui peut être une privation de liberté au sens du DPMin ou une peine privative de liberté, ont eux aussi été entièrement exécutés.

Le placement en établissement fermé ordonné dans le jugement de condamnation suite à un assassinat peut, en vertu de l'art. 18 DPMin, être remplacé par une autre mesure de protection. Un internement ne pourra toutefois être demandé en tant que mesure consécutive que si la personne concernée est placée en établissement fermé (à la fin du placement) (ou qu'elle exécute une privation de liberté à l'issue de ce placement) (phrase introductive de l'al. 1).

Tant que le pronostic relatif à la récidive n'est pas mauvais, la libération conditionnelle de la privation de liberté faisant suite au placement est possible en application de l'art. 28 DPMin. Les conditions de l'al. 1 sont axées sur les cas où le
pronostic est mauvais et qu'un internement a été requis pour cette raison. Dans ces cas, la libération conditionnelle n'entre pas en ligne de compte.

Al. 2 L'al. 2 détermine les informations que l'autorité d'exécution doit récolter pour appuyer sa requête Le rapport de l'établissement chargé de l'exécution constitue le document principal.

L'expertise établie par un expert indépendant apparaît aussi comme nécessaire pour déterminer si les conditions pour prononcer un internement au sens de l'art. 64, al. 1, 64 / 76

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CP sont remplies. En outre, la commission spécialisée au sens de l'art. 91a, P-CP, doit être entendue par l'autorité d'exécution car la dangerosité de la personne concernée est un critère central. Enfin, on prévoit aussi que la personne concernée soit entendue.

Al. 3 Le tribunal pour adultes décide si la mesure du CP doit être prononcée en vertu des art. 56 ss CP. Pour ce faire, il s'appuie sur l'expertise établie par un expert indépendant au sens de l'art. 56, al. 3 et 4, CP et statue en fonction des conditions fixées à l'art. 64, al. 1, CP. Tant que l'expertise établie pour appuyer la requête de l'autorité d'exécution est d'actualité, le tribunal n'a pas besoin de solliciter une autre expertise.

Par analogie à l'art. 19b P-DPMin, les art. 364 à 365 CPP régissent la procédure et la décision.

S'il ordonne une mesure du CP au cours de la même procédure, le tribunal doit lever l'éventuel placement en établissement fermé encore en vigueur. Cela permet d'éviter que deux mesures coexistent ou qu'il y ait une lacune en termes de sécurité parce que la décision de l'autorité d'exécution de lever le placement doit entrer en force avant que le tribunal puisse ordonner la mesure du CP136. En ce qui concerne l'exécution du solde de la peine, voir les explications relatives à l'art. 32, al. 3, 3e phrase, P-DPMin.

L'exécution de l'internement est régie par les dispositions du CP, soit les art. 64 à 64b, 74, et 90 à 96 CP.

Art. 25a Al. 1 Contrairement à la mesure consécutive à un placement en établissement fermé, l'internement à l'issue d'une privation de liberté n'est possible que si une réserve en ce sens est prononcée dans le jugement de condamnation.

Il est uniquement possible de réserver un internement (comme une mesure consécutive à un placement en établissement fermé) si la personne a été condamnée pour assassinat (let. a). Bien qu'il s'agisse d'une infraction très grave, la peine infligée dans le cas d'espèce est aussi prise en compte. Conformément aux grandes lignes du projet137, seuls les cas très graves sont considérés: le critère est une privation de liberté d'au moins trois ans (sur une durée maximale de quatre ans, voir art. 25, al. 1, DPMin) (let. b). Dans la plupart des cas, cette condition est remplie. Entre 2010 et 2020, 10 mineurs ayant commis un assassinat ont été condamnés à un placement
en établissement fermé et/ou à une privation de liberté d'au moins trois ans, de telle sorte qu'à la fin de ces sanctions, si la réglementation proposée existait déjà, il aurait été possible d'ordonner un internement si les conditions étaient toutes remplies. Dans un seul cas, un placement en milieu ouvert a été prononcé, et dans un autre, un traitement ambulatoire et une surveillance assortie d'une privation de liberté de 180 jours138.

136 137 138

ATF 134 IV 246, consid. 3.4; 141 IV 49, consid. 2.4 s.

Cf. ch. 1.2.1.3.

Cf. ch. 1.2.1.4.

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Si une privation de liberté est assortie d'un placement en établissement fermé, un internement peut être prononcé sur la base de l'art. 19c P-DPMin. Si un placement en établissement ouvert est prononcé avec une privation de liberté, il faut partir du principe que la personne concernée ne représente pas un grave danger pour les tiers qui justifierait la réserve (let. c). Le pronostic nécessaire pour la réserve (let. d) correspond au pronostic dont on a besoin pour prononcer un placement en établissement fermé au sens de l'art. 15, al. 2, let. b, DPMin: le mineur doit représenter une grave menace pour des tiers. Contrairement à ce qui était proposé dans l'avant-projet, on renonce ici à exiger un pronostic portant sur le long terme, qu'il n'est guère possible d'établir du fait que le cerveau est encore en cours de développement. La réserve doit en outre être réexaminée régulièrement (voir al. 4).

Al. 2 Cette disposition correspond aux règles établies pour le prononcé d'une interdiction d'exercer une activité (cf. art. 67, al. 5, CP).

Al. 3 La réserve d'un internement doit en principe être valable jusqu'au moment de la libération définitive de la privation de liberté. Si le mineur remplit les conditions nécessaires pour une libération conditionnelle, on part du principe qu'il ne représente pas une grave menace pour des tiers et que la réserve peut être levée (voir al. 4). En ce qui concerne les jeunes délinquants pour lesquels on a réservé un internement et qui commettent une nouvelle infraction grave après leurs 18 ans (pendant l'exécution d'une sanction du DPMin ou après leur libération), le CP offre suffisamment de mesures afin de pouvoir les prendre en charge et garantir la sécurité des tiers.

La question subsiste toutefois de savoir si la sécurité est aussi garantie si un jeune délinquant commet une nouvelle infraction grave avant d'être majeur, dans le cadre de l'exécution d'une privation de liberté, que cette infraction ne fait pas partie de celles qui permettent d'émettre une réserve, mais qu'elle confirme la réserve qui existe déjà (par ex. des lésions corporelles graves qualifiées). La même question se pose dans les cas de concours rétrospectifs. Dans ces cas, un nouveau jugement de droit pénal des mineurs peut être rendu, dans le cadre duquel le juge rend une appréciation d'ensemble. Le
juge tient compte des sanctions infligées dans le premier jugement (jugement de condamnation) et des aspects pédagogiques, qui ont évolué en raison de la nouvelle infraction139. Si la nouvelle infraction ne permet pas d'émettre une réserve, alors la réserve contenue dans le jugement de condamnation pourrait devenir caduque avant la fin de l'exécution du nouveau jugement. L'al. 3 permettra de garantir que la réserve ne puisse pas être éliminée (intentionnellement) par une nouvelle infraction (commise avant ou après le jugement de condamnation). Si, dans le cas concret, il n'est plus nécessaire de réserver une mesure, la réserve pourra être levée en application de l'al. 4.

139

HUG / SCHLÄFLI / VALÄR (note 47), ad. art. 1 DPMin no 11 ss.

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Al. 4 En raison de la crainte des effets négatifs que pourrait avoir la réserve, elle devra uniquement être maintenue tant que le mineur représente une grave menace pour des tiers. Il faudra par conséquent la réexaminer régulièrement et pouvoir la lever.

Cet examen pourrait être combiné avec l'examen de la libération conditionnelle, pour laquelle il est aussi nécessaire d'avoir un rapport de la direction de l'établissement et de la personne chargée d'accompagner le mineur (art. 28, al. 2, DPMin). Étant donné que dans ces cas, il faut se fonder sur une évaluation d'une commission spécialisée au sens de l'art. 91a P-CP (art. 28, al. 3, DPMin), cette dernière pourrait si nécessaire aussi se prononcer au sujet de la réserve, sans que la loi ne la mentionne expressément.

Art. 27a La disposition relative au droit applicable par le tribunal pour adultes, à la procédure et à l'exécution correspond à l'art. 19c P-DPMin140. Dans ce cas de figure, un placement en établissement fermé n'a pas été ordonné, il n'est donc pas nécessaire qu'il soit levé par un tribunal.

Al. 1 Les conditions de la requête de l'autorité d'exécution correspondent à celles de l'art. 19c, al. 1, P-DPMin141. Les personnes concernées auront plus de 18 ans et seront donc majeures quand elles auront entièrement exécuté leur peine, car seule une personne de plus de 16 ans peut être condamnée à une privation de liberté de trois ans.

Par souci de clarté, ce critère pour le prononcé d'un internement est énoncé explicitement.

Par analogie au principe figurant à l'art. 19a, al. 2, P-DPMin142, une mesure au sens de l'art. 64, al. 1, CP ne pourra être prononcée que si aucune mesure de protection de l'adulte relevant du droit civil n'est appropriée.

Si la personne concernée remplit les conditions de la libération conditionnelle au sens de l'art. 28, al. 1, DPMin, celle-ci doit pouvoir lui être accordée (par analogie à l'art. 64, al. 3, CP).

Al. 2 La requête de l'autorité de l'exécution répond aux mêmes principes que ceux fixés à l'art. 19c, al. 2, P-DPMin143.

Art. 28, al. 3 L'al. 3 renvoie à la réglementation concernant la commission proposée dans le cadre des modifications du CP à l'art. 91a P-CP.

140 141 142 143

Cf. commentaire de l'art. 19c, al. 3, P-DPMin.

Cf. commentaire de l'art. 19c, al. 1, P-DPMin.

Cf. commentaire de l'art. 19a, al. 2, P-DPMin.

Cf. commentaire de l'art. 19c, al. 2, P-DPMin.

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Art. 32, al. 3, 3e phrase Si le placement en établissement fermé est levé parce qu'il a atteint son objectif, la privation de liberté n'est plus exécutée (art. 32, al. 2, DPMin). S'il est mis fin au placement pour un autre motif, l'autorité de jugement décide si la privation de liberté doit être exécutée et dans quelle mesure elle doit l'être (art. 32, al. 3, DPMin).

S'il subsiste un solde de la peine après que le placement en établissement fermé a été levé, l'autorité d'exécution devrait, avant de pouvoir demander un internement auprès du tribunal pour adultes, demander à l'autorité qui a rendu le jugement de condamnation fondé sur le DPMin si ce solde doit être exécuté ou non. Cela peut certes s'avérer judicieux lorsque le solde de la peine est long, mais s'il est court, cette réglementation peut entraîner retards, insécurité et doublons.

C'est pourquoi certains participants à la consultation ont demandé que le tribunal pour adultes puisse statuer à la fois sur la levée du placement en cours dans un établissement fermé et sur l'obligation d'exécuter le solde de la peine. Cette solution serait certes pertinente lorsque le solde de la peine est très court, mais pas quand il est plus long. Si le tribunal pour adultes décide qu'il n'est pas nécessaire d'exécuter un long solde de peine dans les cas dont il est question, la privation de liberté perd tout son sens144. S'il décide que le (long) solde de la peine doit être exécuté, il est encore trop tôt pour se prononcer au sujet d'un éventuel internement consécutif.

Pour les motifs exposés ci-dessus, il ne semble pas judicieux d'octroyer au tribunal pour adultes la compétence de se prononcer également au sujet de l'exécution du solde de la peine, lorsqu'un internement est demandé.

C'est pour ces cas qu'une nouvelle réglementation s'inspirant de l'art. 62c CP est proposée à l'art. 32, al. 3, P-DPMin. Si le placement est levé parce qu'il a atteint son but, la privation de liberté ne doit plus être exécutée, comme c'est actuellement déjà le cas.

Dans les autres cas également, c'est en principe l'autorité de jugement qui se prononce au sujet de l'exécution du solde de la peine. Toutefois, si le placement dans un établissement fermé, ordonné en raison d'un assassinat et dans l'objectif de protéger des tiers est levé pour d'autres motifs, l'autorité
d'exécution doit nécessairement ordonner l'exécution du solde de la peine. Cette exception paraît indiquée dans les cas dont il est question.

Art. 45, al. 2 Selon la terminologie instaurée lors de la modification du code civil du 19 décembre 2008 (protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation)145, le terme d'«autorité tutélaire» est remplacé par celui d'«autorité de protection de l'enfant».

144

C'est pourquoi la solution selon laquelle l'internement pourrait être ordonné à la place du solde de la peine ne semble pas indiquée.

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5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

5.1.1

Modification du CP

L'exécution des peines et mesures est une compétence primaire des cantons; il n'y a donc aucune conséquence directe à attendre pour la Confédération ni en termes de personnel ni en termes de finances.

5.1.2

Modification du DPMin

Les propositions de modification du DPMin n'auront pas de conséquences pour la Confédération en termes de personnel.

L'OFJ est responsable de VOSTRA et, par conséquent, assume les coûts de développement du système du casier judiciaire informatique. Afin que les décisions judiciaires relatives à un «internement réservé» apparaissent correctement dans le casier judiciaire informatique, qu'elles puissent être transmises via les communications existantes, saisies automatiquement via les interfaces existantes et exportées, il faudra: procéder à différentes adaptations techniques, étendre la norme eCH pertinente, procéder à des tests approfondis du système et à d'autres travaux administratifs en matière de coordination et de gestion de projet. Dans la mesure où ces travaux seront réalisés par le fournisseur de prestations CSI-DFJP dans le cadre d'un projet, les coûts de développement supplémentaires devraient s'élever à environ 53 000 francs (estimation).

Ces dépenses sont déjà inscrites au budget de l'OFJ et seront entièrement financées par les recettes découlant des émoluments perçus pour les commandes d'extraits et d'extraits spéciaux destinés aux particuliers.

5.2

Conséquences pour les cantons

5.2.1

Modification du CP

La mise en oeuvre de la motion 17.3572 Guhl «Internement. Intervalle plus long entre les expertises après trois résultats négatifs» devrait limiter le travail administratif des cantons lié à l'examen de la libération conditionnelle en cas d'internement.

5.2.2

Modification du DPMin

Les modifications proposées ne toucheront qu'un nombre très restreint de personnes146. Certaines d'entre elles font l'objet d'un placement à des fins d'assistance 146

Entre 2010 et 2020, selon les données de l'OFS, 12 mineurs ont été condamnés pour assassinat et 10 d'entre eux auraient rempli les conditions nécessaires pour qu'une mesure consécutive soit prononcée sur la base de la sanction qu'ils subissaient (c'est-à-dire sans tenir compte de leur dangerosité): cf. ch. 3.1.4.

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au sens de l'art. 426 CC, parfois exécuté dans un établissement pénitentiaire, avec les coûts qui s'ensuivent.

En Suisse alémanique, ce sont en général les communes qui supportent les coûts de tels placements. La répartition des coûts suit parfois aussi des règles spéciales, avec des frais partagés entre l'assurance-invalidité, la commune de résidence et le canton147. En Suisse romande, ce sont les cantons qui assument les frais correspondants.

Les frais découlant de la réserve portant sur un internement à l'issue d'une sanction prononcée en vertu du DPMin seront à la charge des cantons. Le condamné sera astreint à participer aux frais de l'exécution dans une mesure appropriée (art. 380 CP).

En raison du très petit nombre de personnes qui seront concernées par la nouvelle réglementation, les coûts devraient être limités et les problèmes en matière d'exécution existants ne devraient pas foncièrement s'accentuer148.

Il est impossible de chiffrer les dépenses des nombreux partenaires de VOSTRA (autorités fédérales, toutes les autorités judiciaires et d'exécution de Suisse, et éventuellement les postes de police) pour l'adaptation des applications spécialisées afin qu'elles puissent traiter les nouvelles informations.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

6.1.1

Compétence législative

Conformément à l'art. 123 Cst., la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération.

Elle peut légiférer sur l'exécution des peines et des mesures en vertu de l'art. 123, al. 3, Cst., mais elle fait preuve de retenue en la matière. L'exécution des peines et des mesures est du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi (art. 123, al. 2, Cst.).

6.1.2

Modification du CP

La modification du CP ne soulève aucune question particulière en matière de constitutionnalité.

147

Cf. Zentralplus du 23 septembre 2013, «Weggesperrt», disponible à l'adresse www.zentralplus.ch/de/news/gesellschaft/27745/Weggesperrt.htm (état au: 18 juillet 2019).

148 Voir les réflexions faites lors de la consultation, ch. 3.1.8.

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6.1.3

Modification du DPMin

6.1.3.1

Conformité aux droits fondamentaux

La principale nouveauté réside dans le fait que l'autorité pénale de jugement pourra réserver un internement au sens de l'art. 64, al. 1, CP lorsqu'une personne mineure de plus de 16 ans a commis un assassinat et qu'il est sérieusement à craindre qu'elle récidive à la fin de l'exécution de la sanction prononcée en vertu du DPMin149.

Dans ce contexte, les questions à étudier ne sont pas toutes liées aux droits fondamentaux et au droit international. Le CP comporte lui aussi des principes, notamment celui de la proportionnalité des mesures, lesquels sont énoncés aux art. 56, 56a, 74150, 90, 91 et 92 CP. Ces dispositions sont applicables aux délinquants mineurs suite aux modifications du DPMin.

Les art. 90 à 92 CP régissent l'exécution des mesures et comprennent des dispositions communes applicables aux prisonniers et aux personnes placées en établissement fermé relatives au droit disciplinaire et à l'interruption de l'exécution.

Droits fondamentaux L'internement au sens de l'art. 64 CP touche différentes garanties constitutionnelles et garanties des droits de l'homme telles que le droit à la liberté et à la sûreté (art. 31 et 10, al. 2, Cst., art. 5 CEDH, art. 9 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques [Pacte II de l'ONU]151), le droit à des conditions de détention dignes, l'interdiction des traitements ou peines inhumains ou dégradants et l'interdiction de la torture (art. 10, al. 3, Cst., art. 3 CEDH, art. 1 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture152, art. 7 du Pacte II de l'ONU).

Les restrictions des droits fondamentaux sont en principe compatibles avec la Constitution lorsqu'elles sont fondées sur une base légale, qu'elles sont justifiées par un intérêt public prépondérant, qu'elles sont proportionnées et qu'elles préservent l'essence des droits fondamentaux (art. 36 Cst.). Le principe de proportionnalité revêt une importance particulière; il commande qu'une restriction des droits fondamentaux justifiée par un intérêt public soit appropriée, nécessaire et adéquate.

S'agissant des mesures, le principe de proportionnalité inscrit à l'art. 36 Cst. est concrétisé par l'art. 56, al. 2, CP153, qui dispose que l'atteinte aux droits de la personnalité qui résulte pour l'auteur du prononcé d'une mesure ne doit pas être disproportionnée au regard
de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité154. L'art. 56a, al. 1, CP consacre le principe de la subsidiarité dans le droit des 149 150 151 152 153 154

Cf. ch. 3.2.1.2.

Cf. Droits fondamentaux ci-dessous.

RS 0.103.2 RS 0.105 ATF 142 IV 105, consid. 5.4.

Le législateur avait la volonté expresse de citer et de concrétiser le principe de proportionnalité en tant que condition de l'application des mesures de droit pénal impliquant la restriction la plus sévère des droits fondamentaux; cf. message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 II 1787 p. 1877.

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mesures155. Il dispose que si plusieurs mesures s'avèrent appropriées, le juge doit privilégier celle qui porte à l'auteur les atteintes les moins graves. Dans le cas d'un internement, l'intérêt public consiste à protéger la population de nouvelles infractions que la personne concernée pourrait commettre. Il se mesure à l'aune de la probabilité d'une récidive et de la gravité des actes futurs potentiels. Le juge doit opérer une pesée des intérêts entre l'intérêt public à la sécurité et la gravité de l'atteinte à la liberté de la personne concernée156.

De plus, l'exécution de mesures ne doit en aucun cas violer l'interdiction de la torture et des traitements ou peines inhumains ou dégradants. Elle doit respecter la dignité humaine (art. 10, al. 3, Cst., art. 3 CEDH, art. 7 du Pacte II de l'ONU).

L'art. 74 CP mentionne expressément ces principes constitutionnels. Il impose de respecter la dignité humaine du prisonnier ou de la personne placée en établissement et de ne restreindre l'exercice de leurs droits que dans la mesure requise par la privation de liberté et par les exigences de la vie collective dans l'établissement. Ce principe général de procédure vaut tant pour l'exécution des peines que pour l'exécution des mesures.

Conclusion Les restrictions des droits fondamentaux imposées par l'application de l'art. 64 CP sont considérées comme compatibles avec les droits fondamentaux s'agissant des adultes. Or les délinquants visés dans le projet de révision du DPMin seront toujours des adultes lorsque la mesure réservée relevant du CP sera définitivement ordonnée.

Il n'y a donc aucune différence d'appréciation par rapport au droit en vigueur, même si les délinquants étaient mineurs au moment où l'autorité pénale de jugement a prévu la réserve.

La réserve de la possibilité d'ordonner un internement à l'issue d'un placement en établissement fermé est une réserve légale. Elle prend effet lorsqu'un placement en établissement fermé a été ordonné dans le jugement de condamnation en raison d'un assassinat et du fait que la personne représente un grave danger pour des tiers. La réserve de l'internement à l'issue d'une privation de liberté est inscrite dans le jugement de condamnation par un tribunal dans le cadre d'une procédure pénale ordinaire au sens de la PPMin157.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

6.2.1

Modification du CP

La modification du CP ne soulève aucune question particulière en ce qui concerne les obligations internationales de la Suisse.

155 156 157

FF 1999 II 1787 p. 1877 (cf. note 150).

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_63/2013 du 4 mars 2013, consid. 3.2.1.

Cf. ch. 3.2.1.4 et 3.2.1.5.

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6.2.2

Modification du DPMin

6.2.2.1

CEDH et Convention relative aux droits de l'enfant

La CEDH est applicable aux enfants comme aux adultes.

La CDE est un autre instrument international qui revêt de l'importance dans le contexte de l'avant-projet 2.

L'examen de la compatibilité des nouvelles dispositions avec les obligations internationales de la Suisse va porter surtout sur l'internement en tant que mesure privative de liberté, sur la réserve d'une telle mesure dans la loi ou le jugement de condamnation prononcé sur la base du DPMin, sur le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et sur le droit à un procès équitable.

6.2.2.2

Art. 5 CEDH: droit à la liberté et à la sûreté

Pour qu'une privation de liberté soit compatible avec l'art. 5 CEDH, il faut qu'elle soit prévue par la loi et que l'un des motifs de détention, énumérés exhaustivement au ch. 1, let. a à f, soit rempli.

En vertu de l'art. 5, ch. 4, CEDH, un examen périodique du bien-fondé de la poursuite de la peine ou de la mesure doit être effectué. Lors de cet examen, il faut également vérifier si les caractéristiques personnelles (par ex. des troubles psychiques) ou la dangerosité de la personne privée de liberté ont évolué à tel point qu'une telle atteinte ne saurait plus être justifiée par la protection de la société.

Les adaptations du DPMin proposées constitueront la base légale formelle permettant à l'autorité pénale de jugement des mineurs de réserver une mesure au sens du CP dans le jugement et de l'ordonner définitivement ultérieurement.

Lors de la procédure judiciaire relevant du droit pénal des mineurs, l'autorité pénale de jugement fera le point sur la dangerosité du mineur. Si un mineur est placé dans un établissement fermé parce qu'il représente un grave danger pour des tiers, la loi prévoit la possibilité de réserver le prononcé ultérieur d'un internement. Dans ce cas, la possibilité d'un internement consécutif figurera dans le jugement de condamnation.

Si un mineur, qui représente un grave danger pour des tiers, est condamné à une privation de liberté uniquement, la réserve d'un internement figure, le cas échéant, expressément dans le jugement de condamnation prononcé en vertu du DPMin. Une fois que la sanction prononcée en vertu du DPMin est exécutée, si la dangerosité de l'auteur est confirmée dans le cadre de la procédure ultérieure relevant des conditions et des règles du CPP, le juge prononcera définitivement la mesure au sens du CP.

Le jugement de condamnation servira de base au juge, qui ordonnera définitivement la mesure réservée; sa décision ultérieure «confirmera» la réserve (légale ou expresse).

Cette réglementation tient compte du principe ne bis in idem (art. 9 Cst., art. 4 du 7e Protocole additionnel à la CEDH du 22 novembre 1984158 et art. 14, ch. 7, du Pacte II de l'ONU). Le juge qui se prononce dans le cadre de la procédure ultérieure 158

RS 0.101.07

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sera tenu par l'appréciation des faits et l'appréciation juridique de l'autorité pénale qui a rendu le jugement de condamnation fondé sur le DPMin.

S'agissant de l'internement réservé selon le P-DPMin, il existera donc un lien de causalité suffisant entre la condamnation prononcée en vertu du DPMin et la privation de liberté découlant du prononcé de l'internement. L'autorité d'exécution examine d'office une fois par an si l'internement a toujours lieu d'être; la personne concernée peut à tout moment faire une demande de libération (art. 64b CP).

Le P-DPMin prévoit la réserve d'un internement pour les personnes mineures qui ont commis un assassinat et qui représentent un grave danger pour des tiers au moment du jugement. La personnalité du délinquant mineur n'ayant pas fini de se développer159, il n'est pas possible, au moment du jugement, d'apprécier de façon définitive sa dangerosité, bien qu'il s'agisse d'une condition pour réserver un internement.

L'établissement du pronostic doit être reporté à une procédure ultérieure. Ce report est absolument nécessaire afin de garantir la qualité du pronostic.

Le jugement de condamnation prononcé en vertu du DPMin constituera une base suffisante pour le juge qui ordonnera définitivement l'exécution de l'internement dans la mesure où il établit que le jeune représente un grave danger pour des tiers. La différence entre le jugement de condamnation et la décision ultérieure ordonnant l'internement réside dans le fait que, dans le premier, la dangerosité de la personne concernée peut certes être évaluée de manière suffisamment sûre, mais pas pour la période qui suit la fin de l'exécution de la sanction prononcée en vertu du DPMin. Le juge qui ordonnera définitivement la mesure sera tenu par les constatations et l'appréciation juridique des faits de l'autorité pénale de jugement des mineurs. Il se prononcera simplement sur la dangerosité de la personne concernée selon sa propre appréciation et en fonction de l'évolution de cette dangerosité.

Le fait qu'une mesure sera, le cas échéant, ordonnée ultérieurement n'aura pas d'incidences négatives pour la personne concernée dans le jugement de condamnation prononcé en vertu du DPMin. Le lien de causalité entre le jugement de condamnation et la future privation de liberté sera déjà suffisamment établi. La décision
ultérieure ne constituera pas un nouveau jugement brisant le lien de causalité établi, mais fera partie intégrante de l'appréciation des conséquences juridiques de l'acte. La privation de liberté découlant du prononcé de la mesure remplira les exigences de l'art. 5, ch. 1, let. a, CEDH, puisqu'elle interviendra après condamnation par un tribunal compétent160.

Une mesure réservée constitue une atteinte moins sévère pour la personne concernée qu'un internement ordonné définitivement dans un jugement. Elle permettra de limiter l'atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée.

159 160

Cf. ch. 3.2.1.6.

En ce qui concerne la réserve légale de l'internement à l'issue d'un placement en établissement fermé, voir ATF 145 VI 167, dans lequel le Tribunal fédéral constate que, lors de la conversion d'une mesure thérapeutique stationnaire en un internement (art. 62c, al. 4 en rel. avec art. 64, al. 1, CP), il existe en règle générale un lien de causalité suffisant entre la condamnation et la privation de liberté ultérieure; de telle façon qu'il n'y a pas violation du droit à la liberté et à la sûreté au sens de l'art. 5, ch. 1, let. a, CEDH.

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6.2.2.3

Art. 6 CEDH: droit à un procès équitable

La question de la compatibilité de la PPMin avec le droit d'être jugé par un tribunal indépendant consacré à l'art. 6, ch. 1, CEDH s'est déjà posée lors de l'unification des procédures pénales applicables aux mineurs.

La PPMin laisse les cantons libres d'organiser leur procédure applicable aux mineurs selon le modèle du juge des mineurs ou celui du procureur des mineurs (art. 8, al. 1, PPMin). Dans les cantons qui suivent le modèle du juge des mineurs, une seule et même personne est responsable de l'instruction et du jugement (art. 6, al. 1 et 2, PPMin). La PPMin prévoit toutefois une restriction, dans la mesure où les cantons dans lesquels l'instruction est menée par un juge des mineurs doivent instituer un ministère public des mineurs, qui engage l'accusation devant le tribunal des mineurs (art. 21 en relation avec l'art. 33, al. 2, let. a, PPMin). Dans le modèle du procureur des mineurs, la mise en accusation relève de la compétence de l'autorité qui a mené l'instruction (art. 6, al. 4, et 33, al. 2, let. b, PPMin).

S'il est probable que la personne concernée écope d'une peine privative de liberté de plus de trois mois ou d'une mesure institutionnelle, il semble approprié que le procureur des mineurs engage lui-même l'accusation devant le tribunal des mineurs. Il en sera ainsi dans la plupart des cas où l'autorité pénale de jugement des mineurs réservera un internement dans le jugement de condamnation, puisqu'une telle mesure ne pourra être réservée que si la personne concernée a commis une infraction grave161.

De plus, conformément à l'art. 9 CPP, le prévenu mineur capable de discernement ou son représentant légal peut demander dans les dix jours suivant la notification de l'ordonnance pénale ou de l'acte d'accusation que le juge des mineurs qui a mené l'instruction ne participe pas à la procédure devant le tribunal des mineurs. Cette disposition s'applique uniquement dans le modèle du juge des mineurs. Elle a pour but de concrétiser le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial (art. 30, al. 1, Cst., art. 6, ch. 1, CEDH). La réserve que la Suisse a fait inscrire dans la CEDH, selon laquelle la procédure pénale suisse ne garantit pas la séparation, au niveau personnel et de l'organisation, entre l'autorité d'instruction et l'autorité de jugement (art. 40 des réserves et déclarations), subsiste toutefois.

6.2.2.4

Art. 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant

La CDE définit les enfants comme des êtres humains âgés de moins de 18 ans (art. 1 de la Convention). Le DPMin est quant à lui applicable à quiconque commet un acte punissable avant l'âge de 18 ans (art. 1, al. 1, let. a, DPMin). Il prévoit une peine privative de liberté maximale de quatre ans pour les mineurs qui avaient seize ans le jour de l'infraction (art. 25, al. 2, DPMin). S'agissant de l'exécution des sanctions prononcées à l'encontre de mineurs, le DPMin est applicable au-delà des 18 ans de la personne concernée.

161

Cf. ch. 3.2.1.2.

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Conformément à l'art. 37, let. a et b, de la CDE, les États parties s'engagent à ce que nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. Ni la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans.

L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible.

Le fait de réserver un internement pour les délinquants mineurs ne revient pas à instituer une peine privative de liberté à vie sans possibilité de libération avant la fin de la peine. Il est légitime de s'interroger sur l'applicabilité de la CDE dans la mesure où les jeunes délinquants seront toujours majeurs au moment où la mesure thérapeutique ou l'internement seront ordonnés définitivement. Les mesures prononcées en vertu du CP font l'objet d'un examen annuel d'office; la personne concernée peut déposer une demande de libération en tout temps (art. 62d et 64b CP).

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