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22.072 Message relatif à la prolongation de la participation suisse à la Force multinationale de l'OTAN au Kosovo (KFOR) (2024 à 2026) du 23 novembre 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral concernant la prolongation de la participation suisse à la Force multinationale de l'OTAN au Kosovo (KFOR), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 novembre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Approuvé par l'Assemblée fédérale pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2023, l'engagement de la Swisscoy au sein de la Force multinationale de l'OTAN au Kosovo (KFOR) doit être prolongé jusqu'au 31 décembre 2026. Le mandat en cours fixe l'effectif maximal de la Swisscoy à 195 militaires. Comme la guerre en Ukraine a rendu la situation régionale encore plus instable, pour l'heure, l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) a décidé de ne pas réduire les capacités de la KFOR. Afin de répondre à d'éventuels besoins supplémentaires de la KFOR, le Conseil fédéral souhaite avoir la possibilité d'élever, en cours de mandat, l'effectif maximal de 30 militaires au plus. Il doit également être en mesure de renforcer temporairement le contingent si des besoins logistiques ou une menace accrue le requièrent.

Contexte La situation dans les Balkans occidentaux demeure fragile. Depuis la fin des derniers conflits armés dans la région, il y a plus de 20 ans, des progrès importants ont été accomplis dans le domaine de la sécurité. Les États des Balkans occidentaux font cependant face à des défis. Les tensions ethniques persistantes et leur instrumentalisation politique constituent un obstacle à la stabilité et à la sécurité dans la région.

Pour soutenir la paix, la stabilité politique et l'essor économique, l'UE continue de promouvoir les perspectives d'adhésion des pays candidats par le soutien financier, les relations commerciales et la libéralisation des visas. Une certaine frustration des pays des Balkans occidentaux est toutefois perceptible, en raison des perspectives d'adhésion qui se sont éloignées durant les dernières années. D'autres acteurs tels que la Chine, les États du Golfe et la Turquie influencent aussi les développements dans la région. La Russie entretient des liens étroits avec les communautés slaves orthodoxes. La Serbie, prorusse, pourrait être utilisée comme plaque tournante pour les tentatives de déstabilisation de Moscou. Un rapprochement euroatlantique de la Bosnie et Herzégovine ou du Kosovo pourrait servir de prétexte à Moscou pour perturber la région.

Au Kosovo, les anciens membres de l'Armée de Libération du Kosovo (UÇK) qui s'appuient sur des réseaux clientélistes ont subi une perte de pouvoir significative, notamment suite aux inculpations de nombreux
responsables politiques issus de l'UÇK par les chambres spécialisées pour le Kosovo. Ceci a contribué à l'arrivée au pouvoir de nouvelles forces politiques en avril 2021. Le gouvernement du Premier ministre Albin Kurti s'est fixé pour objectif de lutter contre la corruption et le crime organisé. Les premiers résultats positifs sont visibles, mais les défis à surmonter restent de taille et ont été exacerbés par l'épidémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. L'économie, qui repose essentiellement sur les dépenses et les transferts directs de l'étranger, est vulnérable aux crises. En tant qu'importateur net de denrées alimentaires et d'énergie, le Kosovo est directement touché par la flambée des prix mondiaux engendrée par la guerre en Ukraine.

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Le dialogue entre les gouvernements serbe et kosovar, établi en 2011 sous l'égide de l'UE pour normaliser les relations entre les deux États, n'avance guère. Les principaux obstacles à la normalisation des relations sont le refus de la Serbie de reconnaître l'indépendance du Kosovo et la transformation rapide de la «Kosovo Security Force (KSF)» en armée régulière. En outre, le nouveau gouvernement kosovar, plus intransigeant, a durci la position de Pristina: tout rapprochement avec la Serbie doit passer par la reconnaissance mutuelle de la souveraineté et des réparations.

Sur le plan de la sécurité quotidienne, la situation au Kosovo est calme, mais demeure fragile. La petite délinquance est inférieure à celle que l'on trouve dans d'autres pays européens. Par contre, l'agression militaire russe contre l'Ukraine a ravivé les angoisses liées aux traumatismes des années 90 et, partant, la méfiance à l'égard des minorités serbes, fidèles à la position favorable à Moscou de la Serbie. Au nord du pays, les interventions de la police kosovare et de ses forces spéciales sont devenues plus fréquentes avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement Kurti. La KFOR est également amenée à intervenir plus souvent lorsque la police kosovare n'est pas en mesure d'agir de manière adéquate, notamment pour gérer des incidents impliquant des minorités ethniques.

Dans ce contexte, les autorités kosovares ne sont pas encore aptes à assumer seules les tâches de la KFOR, qui consistent à garantir un environnement sûr. La KFOR, qui est reconnue et appréciée par toutes les parties, jouit d'une grande crédibilité. Dans le sillage de l'agression militaire russe contre l'Ukraine, l'OTAN a observé une augmentation de l'influence russe, qui détériore la situation dans les Balkans occidentaux. Elle considère que des missions telles que la KFOR peuvent éviter que des régions sensibles soient déstabilisées par une telle influence. Compte tenu de la détérioration de la situation internationale et de l'état des relations entre Belgrade et Pristina, l'OTAN et les pays contributeurs de la KFOR estiment que les conditions ne sont pas remplies pour réduire la présence de la KFOR. Il est donc vraisemblable que la présence de la KFOR sera nécessaire pendant encore de nombreuses années.

Au fil des années, la Swisscoy a ajusté son organisation
et ses tâches au concept d'opération de la KFOR, lui-même lié à l'évolution de la situation au Kosovo. L'effectif maximal se monte aujourd'hui à 195 militaires.

Contenu du projet L'expérience des dernières années a montré que des besoins supplémentaires peuvent apparaître en cours de mandat. La Swisscoy est parfois parvenue à reprendre de nouvelles fonctions en procédant à des rotations au sein du contingent, sans dépasser l'effectif maximal approuvé par le Parlement. Par contre, dans d'autres situations, la Suisse n'a pas pu répondre à des besoins apparus à court terme, car tout dépassement de l'effectif maximal autorisé est exclu. La situation internationale étant devenue plus incertaine, des besoins pourraient apparaître plus fréquemment en cours de mandat.

En effet, si la situation à l'est de l'Europe se dégradait encore, des membres de l'OTAN qui contribuent à la KFOR pourraient être amenés à concentrer leurs efforts militaires dans cette région et, par là même, à réduire leur participation à la mission.

Comme la Suisse ne peut pas contribuer à la présence militaire à l'Est, la probabilité que des besoins supplémentaires apparaissent au Kosovo et que la Suisse soit sollicitée en cours de mandat augmente.

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En se tenant prête à répondre plus rapidement aux besoins de la KFOR, la Suisse démontre non seulement qu'elle poursuit son soutien à la mission, mais aussi qu'elle est disposée à augmenter à plus court terme sa contribution au profit de la sécurité et de la stabilité au Kosovo et dans les Balkans occidentaux. Elle contribue dans la mesure de ses possibilités à cet effort conjoint et fait, par là même, acte de solidarité. À l'heure où l'OTAN et les pays européens se mobilisent pour répondre à des défis majeurs à l'est de l'Europe, la Suisse assume sa part de responsabilité en jouant un rôle dans le maintien de la stabilité et du développement d'une région avec laquelle elle a des liens étroits. En effet, près de 500 000 personnes ayant des racines en Europe du Sud-Est, dont plus de 150 000 ayant des origines kosovares, vivent aujourd'hui en Suisse. Cette contribution est d'autant plus importante dans la perspective où la Suisse entend étudier les possibilités de renforcer sa coopération avec l'OTAN, comme le Conseil fédéral l'a souligné dans son rapport complémentaire au rapport sur la politique sécurité 2021.

Dans le contexte de la détérioration de la situation internationale, le Conseil fédéral doit avoir la possibilité d'augmenter l'effectif maximal de la Swisscoy en cours de mandat. Afin de permettre le cas échéant à l'armée de fournir plus rapidement des prestations supplémentaires, le Conseil fédéral propose que la compétence d'augmenter l'effectif maximal de 30 militaires au plus pendant le prochain mandat lui soit donnée.

Dans son courrier du 27 janvier 2022, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national a invité le Conseil fédéral à présenter dans le cadre du prochain message à l'Assemblée fédérale relatif à la prolongation de la participation suisse à la KFOR les objectifs et les critères que la Suisse devrait remplir à long terme en vue du retrait de la Swisscoy. Dans le présent message, le Conseil fédéral expose les objectifs que la Confédération poursuit pour chacun des aspects mentionnés par la commission et examine l'opportunité d'adopter une stratégie et des critères de retrait.

Les charges prévues pour le contingent de la Swisscoy, fort de 195 militaires, s'élèvent à quelque 45 millions de francs par an. En cas d'augmentation de l'effectif maximal du contingent
de 30 militaires supplémentaires en cours de mandat, ces charges atteindraient 51,2 millions de francs par an. Ces charges supplémentaires seraient couvertes par le budget Défense du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), ainsi que, le cas échéant, les augmentations temporaires de l'effectif pour les besoins du contingent, qui se monteraient à environ 10,8 millions de francs.

Le 31 décembre de chaque année, le DDPS remet aux Commissions de politique extérieure et aux Commissions de la politique de sécurité des deux conseils un rapport intermédiaire sur l'engagement de la Swisscoy.

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Table des matières Condensé

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Contexte

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Situation dans les Balkans occidentaux et au Kosovo 2.1 Situation régionale 2.2 Situation au Kosovo 2.2.1 Situation générale 2.2.2 Contexte politique 2.2.3 Situation en matière de sécurité 2.2.4 Relations avec la Serbie 2.2.5 Transformation de la Kosovo Security Force (KSF) 2.3 Présence et influence de la communauté internationale au Kosovo

9 9 11 11 12 13 14 15 16

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Le rôle de la KFOR 3.1 Le mandat de la KFOR 3.2 Évolution et fonctionnement de la KFOR 3.3 Bilan et perspectives pour la KFOR 3.4 Ancrage dans la posture stratégique de l'OTAN

17 17 17 18 19

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Engagement actuel de la Swisscoy 4.1 Évolution, organisation et tâches 4.2 Avantages retirés par la Suisse 4.3 Personnel 4.3.1 Disposition à accomplir un service volontaire 4.3.2 Les femmes dans la Swisscoy

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5

Avenir de la Swisscoy 5.1 Poursuite de l'engagement: intérêt sous l'angle de la politique de sécurité et de la politique extérieure 5.2 Effectif 5.2.1 Renforcement du contingent au titre du soutien à la KFOR 5.2.2 Renforcement temporaire du contingent au titre de la logistique et de la sécurité du contingent 5.3 Durée de l'engagement

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Adoption d'une stratégie et de critères en vue du retrait de la Suisse de la KFOR 6.1 Demande de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national 6.2 Objectifs poursuivis par la KFOR et ses États contributeurs 6.3 Avis du Conseil fédéral concernant l'adoption d'une stratégie et de critères en vue du retrait de la Swisscoy

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6.4

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Stratégies poursuivies dans les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique extérieure 6.4.1 Objectifs de la Suisse dans les domaines de la consolidation du fonctionnement de l'État et du développement durable et stratégies poursuivies dans les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique extérieure 6.4.2 Soutien aux efforts d'adhésion du Kosovo aux organisations internationales

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Conséquences 7.1 Conséquences financières 7.1.1 Coûts de l'engagement 7.1.2 Coûts de l'engagement en cas de renforcement du contingent au titre du soutien à la KFOR 7.1.3 Coûts supplémentaires en cas de renforcement temporaire du contingent au titre de la logistique et de la sécurité du contingent 7.2 Conséquences sur l'état du personnel 7.3 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

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Relations avec le programme de la législature

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Procédure de consultation

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10 Aspects juridiques 10.1 Constitutionnalité et légalité 10.2 Compétence 10.3 Forme de l'acte à adopter 10.4 Frein aux dépenses Arrêté fédéral relatif à la prolongation de la participation suisse à la Force multinationale de l'OTAN au Kosovo (KFOR) (2024 à 2026) (Projet)

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Message 1

Contexte

L'Armée suisse participe à la Force multinationale de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) au Kosovo (KFOR) en fournissant un contingent (Swiss Company, Swisscoy) depuis octobre 1999. La KFOR a été instaurée sur la base de la résolution 1244 du 10 juin 1999 du Conseil de sécurité des Nations Unies1. La décision quant à la participation militaire de la Suisse a été prise par le Conseil fédéral le 23 juin 1999. Par l'arrêté fédéral du 12 décembre 20012, l'Assemblée fédérale a approuvé la participation de la Suisse à la KFOR, puis sa prolongation jusqu'à fin 20233.

Compte tenu de l'amélioration et de la stabilisation de la situation en matière de sécurité depuis son instauration, le concept d'engagement de la KFOR, dont l'effectif était initialement d'environ 50 000 militaires, a été adapté et ses troupes réduites. Actuellement, 27 États mettent environ 3800 militaires à la disposition de la mission. Dans le cadre de la dernière prolongation, l'effectif maximal de la Swisscoy a été augmenté à 195 militaires. En vertu de l'arrêté fédéral du 16 juin 2020 portant prolongation de la participation suisse à la Force multinationale de l'OTAN au Kosovo (KFOR)4, le Conseil fédéral peut augmenter temporairement l'effectif pour répondre à des besoins du contingent dans les domaines de la logistique ou de la sécurité, une possibilité qui n'a pas dû être exploitée durant le mandat en cours. Par le présent message, le Conseil fédéral demande la prolongation de l'engagement de la Swisscoy pour une durée de trois ans en maintenant l'effectif maximal à 195 militaires. L'agression militaire russe contre l'Ukraine en février 2022 a augmenté le risque de déstabilisation dans les Balkans occidentaux. Afin d'être en mesure d'adapter dans de plus brefs délais le profil de la Swisscoy à d'éventuels besoins supplémentaires de la KFOR, le Conseil fédéral souhaite avoir la possibilité d'augmenter, en cours de mandat, l'effectif maximal de 30 militaires au plus.

Selon les instances militaires de l'OTAN, le fait que les Balkans occidentaux soient devenus plus instables implique que les capacités de la KFOR doivent être maintenues au même niveau. Pour les États qui participent à la KFOR, dont la Suisse, la situation dans le pays demeure fragile sur les plans politique et sécuritaire. Ainsi, l'Italie et les
États-Unis, qui sont les principaux contributeurs de troupes, poursuivent leur engagement avec chacun plus de 600 militaires. D'autres pays poursuivent leur participation,

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La résolution 1244 peut être consultée à l'adresse suivante: www.un.org > Documents > Résolutions du Conseil de sécurité > 1999.

FF 2001 6203 Jusqu'en 2001, l'engagement de la Swisscoy se déroulait sans armes et la compétence quant à la décision définitive pour un engagement de ce type relevait du Conseil fédéral.

Suite à une révision de la loi sur l'armée (LAAM, RS 510.10) en 2001 (FF 2000 433), le contingent peut être armé, mais la compétence de décision pour un tel engagement incombe depuis lors au Parlement. Cf. arrêtés fédéraux adoptés depuis 2001: FF 2001 6203; FF 2003 6305; FF 2005 4045; FF 2008 5267; FF 2011 5143; FF 2014 5261; FF 2017 4139; 2020 6269.

FF 2020 6269

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à l'image de l'Autriche et de l'Allemagne, qui l'a décidé en juillet 2022. D'autres, à l'instar du Royaume-Uni et de la France, réfléchissent à réintégrer la mission.

Conformément à la résolution 1244, la mission de la KFOR consiste à garantir un environnement sûr. Pour l'heure, l'État kosovar, qui est en premier lieu responsable de cette tâche, n'est pas encore en mesure de l'assumer pleinement. Depuis décembre 2018, le Kosovo transforme sa troupe de protection civile faiblement armée, la «Kosovo Security Force (KSF)», en une force armée régulière. Ce processus inquiète la Serbie, qui ne reconnaît que la KFOR comme armée légitime sur le territoire du Kosovo, et entrave le dialogue entre les deux pays.

La KFOR agit au Kosovo de concert avec les missions civiles de l'ONU (UN Mission in Kosovo, UNMIK), de l'OSCE (OSCE Mission in Kosovo, OMIK) et de l'UE (European Union Rule of Law Mission in Kosovo, EULEX), lesquelles ont vu leurs rôles respectifs se réduire en raison de l'évolution de l'État kosovar. La police du Kosovo est responsable de la sécurité publique. En cas de trouble, c'est elle qui a le rôle de première intervenante. Dans le nord du pays, peuplé par une majorité de Serbes kosovars, ses interventions peuvent être problématiques en raison des structures parallèles contrôlées par Belgrade. Par sa présence, la KFOR, perçue comme garante de sécurité de seconde instance, contribue à rassurer les populations, en particulier dans le nord.

Au vu de la détérioration de la situation sécuritaire dans la région causée par l'agression militaire russe contre l'Ukraine, la présence de la KFOR sera vraisemblablement requise pour plusieurs années encore. L'engagement de la KFOR va donc se poursuivre, de concert avec celui de l'ONU, de l'OSCE et de l'UE, qui maintiennent leurs missions civiles dans le pays.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral est de l'avis que la Suisse doit poursuivre son engagement au sein de la KFOR par solidarité envers le reste de la communauté internationale, ainsi que pour des raisons de politiques migratoire, économique et de sécurité. Alors que d'autres États européens prennent part au renforcement du dispositif de l'OTAN à l'Est, la Suisse doit contribuer, là où elle le peut, à l'effort international pour la sécurité en Europe. Les expériences passées ont notamment démontré
que l'instabilité dans les Balkans occidentaux peut avoir des effets directs sur notre pays, notamment en termes d'immigration (jusqu'à la fin du conflit armé en 1999, plus de 50 000 personnes sont venues en Suisse en tant que réfugiés)5. Aujourd'hui, près de 500 000 personnes ayant des racines en Europe du Sud-Est, dont plus de 150 000 ayant des origines kosovares, vivent en Suisse.

Dans son courrier du 27 janvier 2022, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-N) invite le Conseil fédéral à aborder dans le présent message la question des objectifs et des critères que la Suisse devrait poursuivre à long terme afin de procéder au retrait de la Swisscoy. Le ch. 6.3 présente notamment les objectifs et les critères poursuivis par l'OTAN et les pays contributeurs, dont la Suisse, pour une réduction de la KFOR, voire son retrait. Le Conseil fédéral est de l'avis que l'adoption de critères unilatéraux visant à mettre fin à l'engagement de la Swisscoy n'est pas appropriée. Il fait également état des objectifs poursuivis par la Suisse pour 5

Rapport du Conseil fédéral sur l'état et les perspectives de la mise sur pied de structures civiles devant progressivement remplacer les engagements militaires au Kosovo du 29 novembre 2002, FF 2003 1305.

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la reconnaissance du Kosovo en tant qu'État et son intégration dans la communauté internationale (ch. 6.4 ss).

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Situation dans les Balkans occidentaux et au Kosovo

2.1

Situation régionale

La situation dans les Balkans occidentaux demeure stable, mais fragile. Depuis la fin des derniers conflits armés dans la région, des progrès importants ont été accomplis dans le domaine de la sécurité. Outre les adhésions à l'OTAN de l'Albanie et de la Croatie en 2009, du Monténégro en 2017 et plus récemment de la Macédoine du Nord en 2020, les liens avec les États européens sont devenus plus étroits. Le feu vert donné par l'UE en juillet 2022 à la Macédoine du Nord et à l'Albanie pour l'ouverture de négociations d'adhésion a été considéré comme un signal positif. Les développements des dernières années ont cependant réduit les espoirs d'obtenir des progrès rapides dans des domaines clés. En effet, les conséquences de l'épidémie de COVID-19 et les effets de l'agression militaire russe contre l'Ukraine viennent compromettre les progrès déjà réalisés.

Les États des Balkans occidentaux font par ailleurs face à des défis sur le plan de la politique intérieure. Les tensions ethniques persistantes et leur instrumentalisation politique nuisent à la stabilité et à la sécurité dans la région. À cela s'ajoutent des revendications territoriales non résolues et des problèmes d'ordre structurel. Cette situation est à l'origine du manque de perspectives des jeunes populations de la région, qui choisissent d'émigrer une fois leur formation achevée.

L'UE a un fort intérêt à voir régner la paix, la stabilité politique et l'essor économique dans les Balkans occidentaux. Pour ce faire, elle encourage les projets d'adhésion des pays candidats par le soutien financier, les relations commerciales et la libéralisation des visas. En contrepartie, elle demande la mise en oeuvre de réformes. Durant les dernières années, l'intégration européenne des six États des Balkans occidentaux s'est enrayée à différents stades. Les négociations d'adhésion avec la Serbie également ont peu progressé en raison du recul de l'état de droit dans le pays et des négociations chancelantes entre Belgrade et Pristina. La libéralisation des visas pour les ressortissants kosovars souhaitant accéder au territoire de l'UE est toujours en suspens bien que les critères soient remplis depuis 2018. Une certaine frustration des pays des Balkans occidentaux est perceptible en raison de la lenteur du processus menant à une éventuelle adhésion à l'UE.
Outre les États occidentaux, d'autres acteurs influencent les développements dans la région. Alors que la Chine a massivement augmenté sa présence avec des projets dans les infrastructures en Macédoine du Nord, au Monténégro et en Serbie, des investissements privés dans l'immobilier et dans le secteur des services en provenance d'Arabie Saoudite et des États du Golfe sont effectués dans les régions à population majoritairement musulmane, notamment en Bosnie et Herzégovine. De son côté, la Turquie s'efforce de préserver son influence culturelle dans les régions européennes de l'ancien Empire ottoman par des investissements dans les domaines de l'économie, de la religion et de la formation, notamment au Kosovo, où elle exploite un large réseau et 9 / 38

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la présence d'ONG. La Russie entretient des liens étroits avec les communautés slaves-orthodoxes et exerce ainsi une influence considérable en Serbie, au Monténégro et en Bosnie et Herzégovine.

La Serbie, forte du soutien latent de la Russie, et observatrice auprès de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), est un important facteur d'instabilité dans la région. Avec la Bosnie et Herzégovine en particulier, les tensions montent régulièrement en raison des relations politiques de Belgrade avec la Republika Srpska (RS), dont le représentant à la présidence bosnienne ne cache pas ses velléités sécessionnistes et sa proximité avec la Serbie et la Russie. Un grand travail reste à accomplir entre les deux pays dans le domaine du traitement du passé et de la réconciliation, ce qui influence fortement la stabilité de la région. Bien que la Serbie respecte formellement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Bosnie et Herzégovine, elle soutient parallèlement les velléités indépendantistes de la RS.

Par ailleurs, depuis 2021, la Bosnie et Herzégovine traverse une grave crise politique, déclenchée après que l'ancien Haut Représentant des Nations Unies6 pour la BosnieHerzégovine a promulgué des amendements au code pénal, rendant le déni de génocide illégal. Ensuite de cela, les représentants de la RS ont décidé de se retirer des institutions étatiques et de ne pas participer au processus de prise de décisions. Le Parlement de la RS a également adopté des mesures visant à retirer des compétences de l'État central pour les «restituer» à la RS. De telles manoeuvres remettent en question l'intégrité territoriale du pays et violent les Accords de Dayton de 19957. Des tentatives de réformes électorales en vue des élections d'octobre 2022 ont échoué, malgré plusieurs cycles de négociations organisés par la communauté internationale (États-Unis et UE). Ces efforts de réforme restent essentiels pour les Croates de Bosnie. Dans ce contexte, l'actuel Haut Représentant pour la Bosnie et Herzégovine a fait usage de ses compétences, notamment pour assurer le financement des élections et apporter des modifications techniques au processus électoral. La situation dans le pays demeure volatile.

L'agression militaire russe contre l'Ukraine a ravivé dans la région de sombres souvenirs des guerres des
années 90. Une déstabilisation des Balkans occidentaux n'est pas exclue, car la Russie dispose des moyens de générer de l'instabilité en Bosnie et Herzégovine, en Serbie ou au Monténégro. La Serbie, prorusse, pourrait constituer une plaque tournante pour de telles tentatives de déstabilisation. En particulier, les liaisons aériennes maintenues entre les deux pays pourraient permettre à la Russie d'infiltrer des éléments militaires ou de renseignement dans les Balkans occidentaux.

Un rapprochement euroatlantique de la Bosnie et Herzégovine ou du Kosovo pourrait servir de prétexte à Moscou pour perturber la région. Sur le plan économique, les populations des Balkans occidentaux à faibles revenus sont frappées plus durement par l'explosion des prix des combustibles fossiles et des aliments de bases causée par

6

7

En vertu des accords de paix de Dayton, le Haut Représentant contrôle formellement la vie politique du pays. Il a notamment la compétence de promulguer des lois en Bosnie et Herzégovine.

Accords signés au terme de la guerre entre la Serbie, la Croatie et la Bosnie et Herzégovine prévoyant notamment la division administrative du pays en deux entités ethniques distinctes: la Fédération croato-musulmane et la Republika Srpska.

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la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales. En Albanie, les manifestations régulières causées par la perte de pouvoir d'achat ont causé de nombreuses arrestations.

En raison des tensions politiques régnant en Bosnie et Herzégovine, et suite à l'agression militaire russe en Ukraine, l'UE a presque doublé l'effectif de sa mission de promotion de la paix EUFOR ALTHEA. En juillet 2022, inquiète de l'influence déstabilisante de la guerre en Ukraine sur les Balkans occidentaux, l'Allemagne a décidé de participer à nouveau à EUFOR ALTHEA. À la clôture de la rédaction du présent message, la prolongation du mandat de cette mission au Conseil de sécurité de l'ONU, en novembre 2022, demeure incertaine, car la Russie pourrait décider de mettre son veto.

En cas de non-prolongation d'EUFOR ALTHEA, certains États occidentaux sont de l'avis qu'une présence militaire de l'OTAN serait nécessaire en Bosnie et Herzégovine. Dans cette perspective, les missions militaires de promotion de la paix EUFOR ALTHEA et KFOR conduites respectivement par l'UE et l'OTAN, demeurent centrales pour la stabilité dans les Balkans occidentaux. La Suisse participe à EUFOR ALTHEA depuis 2004 avec 20 militaires armés8.

2.2

Situation au Kosovo

2.2.1

Situation générale

Le Kosovo est de facto détaché de la Serbie depuis 1999. En 2008, il a décrété unilatéralement son indépendance, qui a été reconnue par 117 États dont la Suisse. La Serbie continue de considérer le Kosovo comme sa province et ne reconnaît pas son indépendance. Cette position entrave la reconnaissance internationale du jeune État: cinq membres de l'UE (Espagne, Slovaquie, Roumanie, Grèce et Chypre) refusent de reconnaître l'indépendance du Kosovo aussi longtemps que la Serbie ne le fera pas.

Cette position est se fonde sur les tendances sécessionnistes que connaissent ces pays et les débats politiques nationaux qui y sont associés. De même, la Russie et la Chine, qui soutiennent la Serbie dans des forums internationaux tels que l'ONU et son Conseil de sécurité, ne reconnaissent pas l'indépendance du Kosovo.

Bien que la constitution du Kosovo consacre l'égalité des ethnies et garantisse les droits des minorités, la réalité est plus complexe: en raison du durcissement des rapport politiques avec la Serbie et faute de progrès dans la recherche d'un accord entre Pristina et Belgrade, ces principes ne sont que partiellement mis en oeuvre. Cette situation s'explique notamment par la représentation des ethnies au sein de la population du Kosovo et leur répartition territoriale. La grande majorité des Kosovars est ethniquement albanaise. Les trois quarts de la minorité serbe sont dispersés au sud de l'Ibar et un quart vit dans le Nord, qui est presque exclusivement habité par des Serbes kosovars. La population du nord est en grande partie influencée par les structures politiques et administratives parallèles soutenues par Belgrade. C'est la raison pour laquelle les autorités de Pristina n'exercent qu'un contrôle limité et plutôt formel sur le nord du Kosovo.

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Arrêté fédéral du 16 décembre 2004 sur l'engagement en faveur de la paix de militaires de l'armée suisse dans la Force multinationale de l'Union européenne «European Union Force» (EUFOR) en Bosnie-Herzégovine, FF 2004 6877.

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Malgré la relance du dialogue entre Belgrade et Pristina, facilité par l'UE, les résultats restent limités. Les positions politiques demeurent très éloignées et l'UE se heurte à plus d'obstacles dans son rôle de médiateur, faute de libéralisation des visas et en raison de la non-reconnaissance du Kosovo par cinq de ses États membres.

2.2.2

Contexte politique

Après la guerre, un grand nombre d'ex-membres de l'Armée de Libération du Kosovo (UÇK), qui s'appuient sur des réseaux familiaux, claniques et clientélistes, ont exercé des fonctions dans les structures gouvernementales du pays, ce qui a permis à un système fondé sur des liens entre la politique, l'économie et le crime organisé de s'installer. Cette situation favorise la corruption et freine l'évolution du pays vers l'état de droit et une économie de marché compétitive. Cependant, depuis l'automne 2020, les chambres spécialisées pour le Kosovo ont procédé à des inculpations qui ont conduit à l'arrestation de nombreux fonctionnaires et responsables politiques issus de l'UÇK, tels que le président Hashim Thaçi. Ce développement et la lassitude de la population face au clientélisme des anciens de l'UÇK a engendré une perte de pouvoir significative des anciennes élites et a contribué à l'arrivée au pouvoir de nouvelles forces politiques en avril 2021. Le gouvernement actuel du Premier ministre Albin Kurti s'est fixé pour objectif de lutter contre la corruption et le crime organisé.

Bien que les premiers résultats positifs soient visibles, le gouvernement actuel devra relever des défis de taille, exacerbés par l'épidémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine. L'économie repose essentiellement sur les dépenses et les transferts directs de l'étranger et est sujette aux crises. Elle ne crée pas suffisamment d'emplois pour une population majoritairement jeune. Le taux de chômage est de 30 % sur l'ensemble de la population, mais atteint 48 % chez les 18­24 ans. En outre, la proportion de la population active est faible, en particulier chez les femmes, ce qui fait obstacle à la croissance. Bien que les relations commerciales du Kosovo avec la Russie et l'Ukraine soient modestes, l'agression militaire russe contre l'Ukraine impacte l'économie du pays. En tant qu'importateur net de denrées alimentaires, de produits agricoles et d'énergie, le Kosovo est directement touché par la flambée des prix mondiaux. Il a interdit l'exportation de produits agricoles de base afin d'assurer l'approvisionnement en produits alimentaires de base.

En outre, le pays est confronté à des défis majeurs dans les domaines de l'état de droit et de l'économie de marché. L'infrastructure est souvent médiocre et les travailleurs qualifiés
font défaut. Des personnes très qualifiées se voient contraintes de prendre des emplois faiblement rémunérés, alors que les postes à rémunération élevée sont souvent attribués à des personnes affiliées au parti politique élu au niveau local. Le clientélisme va parfois très loin. Il arrive que des villages perdent leurs subventions et des travailleurs leur emploi en raison de l'alternance politique.

Pour résoudre les défis, les priorités politiques nationales concernent le renforcement de l'état de droit, la lutte contre la corruption, la santé et la création d'emplois. Sur le plan de la politique étrangère, le gouvernement Kurti continue de s'engager pour l'intégration européenne du Kosovo, le développement de la coopération avec l'OTAN et le partenariat stratégique avec les États-Unis. Dans le cadre du dialogue avec la 12 / 38

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Serbie, contrairement à ses prédécesseurs, le Premier ministre poursuit une stratégie de négociation bien définie. Pour lui, tout rapprochement avec la Serbie doit nécessairement passer par la reconnaissance mutuelle de la souveraineté et la gestion du passé, notamment s'agissant des personnes disparues, par la justice transitionnelle, ainsi que par des compensations et autres réparations. Ces questions font désormais partie du dialogue conduit sous l'égide de l'UE. La guerre en Ukraine a aussi ravivé les inquiétudes liées au risque de déstabilisation de la région par la Russie. À cet égard, le Kosovo a appelé Bruxelles à relancer l'intégration européenne des pays de la région, enjoint les États de l'UE ne l'ayant toujours pas reconnu à le faire et réitéré son ambition d'adhérer à l'OTAN en rappelant que la KFOR reste le principal garant de la sécurité.

2.2.3

Situation en matière de sécurité

Malgré le calme apparent qui règne dans le pays, la sécurité quotidienne au Kosovo demeure fragile. Cette fragilité découle notamment des tensions politiques entre la Serbie et le Kosovo, qui se manifestent tout particulièrement au nord du pays et dans les autres enclaves à population majoritairement serbe.

Au nord du Kosovo, les interventions de la police kosovare et de ses forces spéciales sont devenues plus fréquentes depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Kurti, qui y met en oeuvre ses priorités concernant la lutte contre le crime organisé et la corruption. À cet égard, il semble que Pristina cherche également à contenir l'influence de la Serbie au moyen de démonstrations de force, et ce de manière plus déterminée que dans le passé. La KFOR est également amenée à intervenir au nord avec ses moyens de génie afin d'éliminer des obstacles érigés sur les routes de franchissement de la ligne de séparation entre la Serbie et du Kosovo (Administrative Boundary Line).

La société kosovare est marquée par les logiques ethniques et claniques, aussi les politiciens représentant les ethnies serbes comme kosovares continuent-ils d'instrumentaliser les traumatismes de la guerre. Cette approche constitue un réel obstacle à la réconciliation et au traitement du passé. Plus récemment, l'agression militaire russe et les crimes de guerre commis en Ukraine ont ravivé les angoisses liées aux traumatismes des années 90. Plusieurs sources font état d'une tendance, observée chez les générations ayant vécu la guerre, qui peut s'apparenter à des activités paramilitaires.

La petite délinquance est moindre au Kosovo que dans d'autres pays européens. Par contre, le crime organisé étroitement lié à des structures claniques et familiales est présent dans le pays, qui sert de zone de transit pour divers trafics. Comme les acteurs du crime organisé ont intérêt au maintien d'une certaine stabilité pour la conduite de leurs affaires, ils ne constituent pas une menace directe pour la situation sécuritaire.

Toutefois, leur présence dans les secteurs économique, politique et juridique sape la sécurité du droit, laquelle conditionne les investissements nécessaires au développement économique du pays et à son intégration européenne.

La menace terroriste n'a pas changé de façon significative et n'est pas plus importante que
sur le reste du continent européen. Bien que le Kosovo soit concerné par le problème des individus radicalisés et du retour des ressortissants d'origine kosovare partis rejoindre les combattants djihadistes en Syrie et en Iraq, les mesures antiterroristes 13 / 38

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des services de sécurités et les structures sociétales kosovares contrent efficacement l'expansion des idéologies djihadistes.

Les collaborateurs des organisations internationales engagées au Kosovo sont en mesure d'accomplir leurs tâches sans menaces particulières. D'un point de vue global, ils ne sont pas directement concernés par les problèmes sécuritaires du pays.

Sur le plan sécuritaire, la police kosovare joue son rôle de première intervenante et de garante de l'ordre public. Néanmoins, lorsqu'il s'agit de gérer des incidents impliquant des minorités ethniques, notamment au nord du pays, la police kosovare n'est pas toujours en mesure d'intervenir ou d'agir de manière adéquate. Par ailleurs, la KSF ne peut pas encore intervenir dans le Nord en vertu d'un accord passé avec la KFOR. De plus la présence nouvelle des membres de la police serbe sur territoire kosovar exacerbe les tensions. Dans ce contexte, EULEX et la KFOR, deuxième et troisième instance de sécurité, après la Police du Kosovo, continuent de jouer un rôle clé pour assurer la sécurité. Lors des derniers débordements dans le nord du Kosovo, la KFOR a dû être engagée en tant que principale instance de sécurité pour garantir la liberté de mouvement de la population. Dans de telles circonstances, la présence à la fois discrète et dissuasive de la KFOR permet de prévenir et d'éviter les débordements.

2.2.4

Relations avec la Serbie

Les relations entre le Kosovo et la Serbie ont une influence significative sur l'ensemble des Balkans occidentaux. Le refus de la Serbie de reconnaître l'indépendance du Kosovo entrave la réconciliation entre les deux États et contribue considérablement à l'instabilité dans la région. Divers aspects non résolus depuis la guerre d'indépendance du Kosovo, notamment la question des criminels de guerre et des personnes disparues, continuent d'envenimer les relations. Les traumatismes du passé sont délibérément entretenus par les élites nationalistes au pouvoir dans les deux camps.

Le dialogue entre Belgrade et Pristina, institué en 2011 sous l'égide de l'UE pour normaliser les relations entre les deux États, est bloqué. Jusqu'à présent, les parties n'ont guère été en mesure de trouver des solutions à des problèmes pratiques et encore moins de s'entendre sur un accord final qui réglerait définitivement les relations entre le Kosovo et la Serbie.

La Serbie tente de bloquer l'adhésion du Kosovo aux organisations internationales.

En parallèle, depuis fin 2017, Belgrade mène une campagne internationale au moyen de laquelle elle tente de persuader les petits États de révoquer leur reconnaissance de l'indépendance du Kosovo. Fin 2018, la troisième candidature du Kosovo à l'adhésion à Interpol a échoué à cause de la pression intense exercée par la Serbie. Le gouvernement Kurti riposte par des contre-mesures. En automne 2021, le Kosovo a par exemple cessé de reconnaître les plaques d'immatriculation serbes à l'entrée du pays ce qui a provoqué des tensions. Aucune solution n'a encore été trouvée pour la reconnaissance mutuelle des plaques d'immatriculation. En août 2022, des altercations se sont produites entre la police kosovare et des manifestants: deux passages de frontière avec la Serbie avaient été bloqués en protestation contre la décision de Pristina de rendre obligatoire l'immatriculation au Kosovo des véhicules de 50 000 Serbes kosovars. Bien 14 / 38

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que reconnue comme légitime par l'UE et les États-Unis, la politique de réciprocité menée par Pristina se traduit ainsi par un regain de tensions voire d'altercations ponctuelles, surtout dans le nord du pays. Ces querelles incessantes irritent les capitales européennes, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Dans les municipalités du Kosovo à majorité serbe, l'intimidation exercée par Belgrade se poursuit, notamment en ce qui concerne l'exercice des droits politiques. Lors des élections municipales de l'automne 2021, le contrôle de la Serbie sur les citoyens serbes du Kosovo a été dénoncé par les observateurs internationaux. La Serbie n'a même plus besoin de recourir à une rhétorique agressive, il lui suffit de faire pression sur les personnes qui dépendent économiquement des structures parallèles et craignent de perdre leur emploi. De façon analogue, les membres serbes des institutions kosovares sont souvent poussés à la démission. C'est notamment le cas de la KSF, essentiellement composée d'Albanais du Kosovo.

L'agression militaire russe contre l'Ukraine, lancée en février 2022, a déclenché un élan de solidarité dans la population et les milieux politiques albanais du Kosovo. Les Serbes du Kosovo s'alignent sur la position de Belgrade. Les autorités kosovares ont condamné l'agression russe, adopté l'intégralité des sanctions de l'UE et proposé d'accueillir 5000 réfugiés. De cette manière, Pristina cherche à se positionner en tant que partenaire fiable de l'Occident et à différencier de Belgrade, proche de Moscou.

Le Kosovo a en outre rappelé que son indépendance est la conséquence d'une politique génocidaire. Partagée entre son statut de candidate à l'adhésion à l'UE et son allégeance à la Russie, la Serbie semble refuser de se positionner clairement. Sous la pression occidentale, Belgrade a soutenu la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU condamnant l'agression militaire russe contre l'Ukraine, mais n'adopte pas les sanctions européennes. Une position qui peut s'expliquer par sa dépendance énergétique de Moscou et le besoin du soutien russe au Conseil de sécurité de l'ONU. Cette ambiguïté profite à Pristina qui en tient compte dans sa stratégie de dialogue avec la Serbie, qui consiste à démontrer la proximité du Kosovo avec l'Occident.

Dans ce contexte, la conclusion
d'un accord global contraignant entre le Kosovo et la Serbie reste un objectif de longue haleine. Celui-ci est étroitement lié au processus d'intégration européenne, au point mort, alors que le passé ravivé par la guerre en Ukraine envenime encore les relations bilatérales.

2.2.5

Transformation de la Kosovo Security Force (KSF)

Jusqu'en décembre 2018, la KSF était officiellement une organisation étatique légèrement armée, dotée d'unités paramilitaires affectées à la protection civile. Toutefois, en décembre 2018, le gouvernement kosovar a annoncé officiellement sa volonté de transformer la KSF en une force armée régulière. Le parlement kosovar a alors adopté les lois nécessaires. La transformation de la KSF est particulièrement mal perçue par la Serbie, qui considère cette démarche comme une menace pour la paix avec son ancienne province. Belgrade remet en cause sa légitimité, car l'effectif de la KSF comprend peu de personnes issues de la minorité serbe. Selon l'OTAN, qui a également fait part de son désaccord, cette décision porte atteinte à l'accord technique mi-

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litaire conclu en 1999 entre la KFOR et l'armée serbe. Par contre, les États-Unis, l'Allemagne, la France et la Turquie soutiennent en principe la création d'une armée kosovare.

Depuis 2013, un accord conclu entre le gouvernement du Kosovo et la KFOR limite la juridiction de la KSF dans le nord du pays. Celle-ci ne peut donc intervenir dans le Nord qu'avec l'autorisation de la KFOR. En 2016, l'Équipe OTAN de liaison et de conseil (NATO Advisory and Liaison Team, NALT) a été créée pour coopérer avec la KSF. Le rôle principal de la NALT est d'accompagner le développement des organes de sécurité au Kosovo dans le respect des principes de l'état de droit et du contrôle démocratique. L'OTAN ne coopère avec la KSF que dans le domaine de la protection civile et par l'intermédiaire de la NALT.

L'OTAN a intérêt à ce que la transformation de la KSF suive la voie multilatérale plutôt que par des canaux bilatéraux pouvant servir à la mise en oeuvre d'objectifs nationaux particuliers. Elle voit donc dans la transformation rapide de la KSF un développement préoccupant, notamment en l'absence de progrès dans le dialogue entre Belgrade et Pristina. Le commandement de la KFOR, qui est responsable de la sécurité de l'espace aérien du Kosovo, est particulièrement inquiet de la volonté de Pristina de doter la KSF de ses propres capacités aériennes.

La Suisse a fait connaître sa position lors de contacts avec les représentants du gouvernement kosovar. En tant qu'État indépendant, le Kosovo a le droit de disposer de sa propre armée. Comme la transformation de la KSF en armée est mal vue par la Serbie, qui ne reconnaît que la KFOR comme armée légitime sur le territoire du Kosovo, la priorité devrait être accordée à la recherche d'un accord avant la création d'une armée. Pour la Suisse, la KFOR demeure donc la première garante de la sécurité au Kosovo. C'est pourquoi elle n'est pas impliquée dans le développement de la KSF.

2.3

Présence et influence de la communauté internationale au Kosovo

La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU est le fondement de la présence de la KFOR et de plusieurs organisations internationales au Kosovo. Au début de l'engagement international, la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) était responsable de la création d'une administration civile et de la construction de l'État kosovar, notamment de sa police. La mission de l'OSCE (OMIK) était essentiellement active dans les domaines de la démocratisation et des droits de l'homme. De nombreuses ONG étaient alors également actives dans le pays.

Plus tard, en 2008, EULEX a repris progressivement les tâches du mandat exécutif de la MINUK dans les domaines de la mise en place de la justice, de la police, des douanes et de la protection des frontières.

Bien que ces missions soient aujourd'hui encore présentes dans le pays, leur rôle a été considérablement réduit avec le développement progressif de l'État kosovar. La MINUK ne dispose aujourd'hui que d'effectifs réduits. Par contre, l'OMIK dispose d'effectifs plus importants, la Russie et la Serbie refusant toute réduction en raison de la situation délicate au Kosovo. L'OMIK poursuit ses activités dans des domaines tels que le développement de la démocratie, les droits des minorités ethniques, la liberté 16 / 38

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des médias, l'égalité des genres et le soutien électoral. Elle produit des rapports sur les incidents entre les ethnies et observe élections nationales et municipales au Kosovo. En 2018, EULEX, qui n'est plus chargée de la poursuite des crimes de guerre, de la corruption, du crime organisé et du terrorisme, a transféré une grande partie de son mandat exécutif dans le domaine judiciaire aux autorités kosovares. Ses compétences exécutives se limitent désormais à la protection des témoins et aux arrestations en lien avec les procédures des chambres spécialisées pour le Kosovo. Son effectif ne comptant plus qu'une centaine de policiers, EULEX ne dispose que d'une capacité d'intervention limitée en cas de flambée de violence qui submergerait la police kosovare. De fait, la KFOR a repris ce rôle.

Compte tenu des capacités d'intervention policière internationale réduites au Kosovo, la KFOR peut être considérée comme le principal acteur international dans le domaine sécuritaire. Elle continue de jouer un rôle essentiel en tant que garante de la sécurité et de la stabilité, notamment parce qu'elle est bien acceptée par toutes les ethnies de la population kosovare.

3

Le rôle de la KFOR

3.1

Le mandat de la KFOR

Le mandat portant sur l'engagement de la KFOR, qui découle de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, a été expressément approuvé par le gouvernement kosovar après la déclaration d'indépendance de 2008. Aux termes de la résolution, la KFOR a trois missions: ­

mettre en place et maintenir un environnement sûr et stable (y compris garantir la liberté de mouvement sans restriction);

­

mettre en oeuvre et surveiller l'accord de retrait des forces serbes du Kosovo et le désarmement de l'Armée de libération du Kosovo;

­

soutenir la mission civile d'administration intérimaire de l'ONU au Kosovo (MINUK) ainsi qu'à d'autres partenaires civils internationaux.

La KFOR collabore étroitement avec la MINUK, l'OMIK et EULEX.

3.2

Évolution et fonctionnement de la KFOR

L'amélioration et la stabilisation de la situation en matière de sécurité depuis le début de l'engagement de la KFOR a conduit à adapter le rôle de celle-ci et à réduire progressivement son effectif, qui se montait initialement à environ 50 000 militaires. Actuellement, 27 États, parmi lesquels figurent 7 États non membres de l'OTAN, mettent à disposition de la KFOR environ 3800 militaires. Sur le plan opérationnel, la mission est passée d'une force robuste omniprésente, essentiellement composée de moyens d'infanterie effectuant des patrouilles et des contrôles, à une force plus modérée, dont la tâche principale est la recherche d'informations et de renseignements (veille situationnelle). Afin de pouvoir agir si la situation se détériore, la KFOR a conservé une 17 / 38

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capacité d'intervention composée de moyens robustes. Pour effectuer ses tâches, elle s'est dotée d'un triple dispositif (veille situationnelle, intervention et réserve d'intervention) qui lui permet de maintenir une présence légère dans le pays tout en conservant des forces de réserve à haute disponibilité sur place (présence réduite) et hors du pays (présence renforcée).

Un réseau de 29 équipes de liaison et de surveillance (Liaison and Monitoring Teams.

(LMT) constitue l'élément principal de la capacité de veille situationnelle de la KFOR. Il permet de déceler rapidement les éventuelles tendances conflictuelles menant à une détérioration de la situation sécuritaire et, au besoin, de déclencher les éléments d'intervention. Les équipes LMT effectuent également des tâches de médiation au niveau local. Elles font office d'organes d'information pour le commandant de la KFOR. Elles permettent en même temps à la KFOR d'assurer une présence militaire sur l'ensemble du territoire. La KFOR dispose également de formations de reconnaissance qui recherchent des renseignements de manière discrète pour le commandement de la KFOR.

Si la situation se détériore, la KFOR dispose de deux bataillons d'intervention pouvant intervenir dans les secteurs du pays qui leur sont attribués. Un troisième bataillon peut mener une large palette d'interventions sur l'ensemble du Kosovo et en Bosnie et Herzégovine pour la mission EUFOR ALTHEA. Les éléments d'intervention sont appuyés par des éléments de mobilité tactique, tels que des hélicoptères de transport ou des équipes de déminage d'engins explosifs improvisés.

Si la situation le requiert, la KFOR a par ailleurs la possibilité de faire appel à deux forces de réserve stationnées hors du Kosovo, qui peuvent être engagées dans l'ensemble des Balkans: la Strategic Reserve Force, forte d'environ 700 militaires, subordonnée au Supreme Headquarters Allied Powers Europe (SHAPE) de l'OTAN et l'Operational Reserve Force, forte d'environ 1000 militaires, subordonnée à l'Allied Joint Force Command de l'OTAN.

Les instances militaires de l'OTAN réexaminent tous les six mois, sur la base d'analyses globales de la situation (Comprehensive Security Assessments of the Kosovo Environment), la taille des troupes, ainsi que les tâches et l'orientation de la KFOR, afin d'assurer leur
adéquation avec les besoins sécuritaires actuels au Kosovo. Lors de conférences annuelles (Force Generation Conferences), les États contributeurs peuvent soumettre des offres de contribution basées sur les besoins de la KFOR actualisés par l'OTAN. La dernière conférence s'est déroulée en juin 2022.

3.3

Bilan et perspectives pour la KFOR

La KFOR demeure le seul acteur international reconnu et apprécié de toutes les parties au Kosovo; elle jouit d'une grande crédibilité. Elle bénéficie aussi de l'intérêt conjoint des différentes parties à sa présence, même s'il n'existe plus de menace militaire directe au Kosovo. La KFOR, réputée impartiale, couvre l'ensemble du territoire avec ses LMT, sans pour autant donner l'impression de militariser le pays. Elle a la capacité de s'imposer en cas de détérioration de la situation et peut intervenir rapidement dans tout le Kosovo. Cette présence militaire internationale au Kosovo a un effet dissuasif sur les auteurs d'actes de violence et rassure les minorités ethniques qui peuvent se 18 / 38

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sentir menacées. La Serbie apprécie également sa présence, car la KFOR garantit que la KSF ne poursuivra aucune activité dans le nord du Kosovo à population majoritairement serbe qui risquerait de provoquer des incidents interethniques. La KFOR coopère étroitement avec divers acteurs, tels que l'ONU, EULEX, les forces de sécurités du Kosovo et l'armée serbe.

L'OTAN estime que l'engagement de la KFOR devra se poursuivre aussi longtemps que la Serbie et le Kosovo s'avéreront incapables d'établir des relations apaisées entre États souverains. La KFOR demeure donc nécessaire en tant que garante militaire d'un environnement sûr, propice au développement du Kosovo et à la stabilité de toute la région. Les États participant à la mission partagent ce point de vue et considèrent que la mise en oeuvre de la résolution 1244 reste d'actualité, la situation dans le pays demeurant labile sur les plans politique et sécuritaire. Comme mentionné précédemment (ch. 1), l'Italie et les États-Unis, qui sont les principaux contributeurs de troupes, poursuivent leur engagement. D'autres pays poursuivent leur participation, voire réfléchissent à réintégrer la KFOR.

3.4

Ancrage dans la posture stratégique de l'OTAN

Suite à l'agression militaire russe contre l'Ukraine, la stabilité dans les Balkans occidentaux a gagné en importance pour l'OTAN. Celle-ci, qui a suivi de près les effets possibles de la guerre en Ukraine sur les Balkans occidentaux, a observé l'augmentation de l'influence de la Russie et de ses activités déstabilisantes. Depuis le déclenchement du conflit, son Secrétariat international s'est donc fortement engagé afin d'attirer l'attention des Alliés sur l'existence d'autres foyers de crise potentiels et de conflits gelés, notamment dans les Balkans occidentaux, en Géorgie et en Moldova.

Les organes politiques de l'Alliance ont également intensifié leurs visites dans les pays de la région. La participation de la Bosnie et Herzégovine au Sommet de Madrid de juin 2022 a mis en évidence ce regain d'intérêt. Aux termes du concept stratégique adopté à Madrid «les Balkans occidentaux et la région de la mer Noire sont des zones stratégiquement importantes pour l'Alliance»9.

Selon l'analyse des instances militaires de l'OTAN la présence militaire de l'Alliance au Kosovo ne peut pas être réduite, au vu de l'importance accrue de la région pour la stabilité en Europe. C'est pourquoi l'OTAN estime que les capacités de la KFOR doivent être maintenues au même niveau. L'Alliance est particulièrement préoccupée par la situation en Bosnie et Herzégovine. Comme mentionné précédemment (ch. 2.1), peu après l'agression militaire russe contre l'Ukraine, l'effectif d'EUFOR ALTHEA a été augmenté de 600 à 1100 militaires afin d'appuyer les autorités bosniennes en cas de tensions.

C'est dans ce contexte que les missions de l'UE et de l'OTAN en Bosnie et Herzégovine et au Kosovo jouent un rôle central. En cas de troubles, elles peuvent appuyer les autorités des États hôtes, si nécessaire au moyen de réserves stationnées hors du pays.

9

Le «Concept stratégique 2022 de l'OTAN» peut être consulté à l'adresse suivante: www.nato.int > Topics > Strategic Concepts.

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De plus, l'Alliance considère que des missions telles que la KFOR peuvent éviter que des régions sensibles soient déstabilisées sous l'effet de l'influence russe.

4

Engagement actuel de la Swisscoy

4.1

Évolution, organisation et tâches

Depuis 1999, la Swisscoy a successivement adapté son organisation et ses tâches aux besoins de la KFOR, eux-mêmes liés à l'évolution de la situation au Kosovo. Au début de son engagement, la Swisscoy était une compagnie logistique d'un effectif maximal de 160 militaires. Cette unité était non armée, à l'exception d'un détachement de sécurité. Après une première réorganisation de la KFOR, de nouveaux besoins ont conduit la Suisse à fournir des moyens d'infanterie et un effectif maximal de 220 militaires, désormais armés. Dans le contexte d'une nouvelle adaptation du dispositif de la KFOR, la Swisscoy a aussi adapté son profil. Elle a dès lors fourni à la KFOR des LMT, ainsi que diverses prestations dans les domaines du génie et du transport. Il en a résulté un nouvel effectif maximal de 235 militaires. Entre 2018 et 2020, alors que des moyens de génie lourds utiles à des prestations de transport et de construction n'étaient plus demandés par la KFOR, l'effectif maximal a été réduit à 165 militaires.

En 2019, la KFOR a fait part de besoins supplémentaires dans les domaines de la liberté de mouvement, du renseignement et des fonctions d'officiers d'état-major.

C'est pourquoi l'effectif maximal est passé à 195 militaires dès 2021, afin de mettre à disposition de la KFOR une section de pionniers et une section de transport et des officiers d'état-major supplémentaires.

Entre novembre 2018 et octobre 2019, un officier général suisse revêtant le grade de brigadier a assumé la fonction de commandant en second (Deputy Commander KFOR, DCOM KFOR) pour une durée d'une année. L'Armée suisse a ainsi acquis sa première expérience de conduite à ce niveau de responsabilité dans une mission internationale de maintien de la paix.

Actuellement, six LMT suisses oeuvrent à la recherche d'informations et de renseignements. Le détachement de transport aérien peut être appelé en permanence à transporter du matériel ou des personnes avec deux hélicoptères. Dans le domaine de la liberté de mouvement, la Swisscoy fournit une équipe de spécialistes de l'élimination de munitions non explosées et une section de circulation et transport, qui convoie des marchandises et des personnes. La Swisscoy déploie des officiers d'état-major pour le commandement de la KFOR. Une équipe médicale et un groupe de policiers militaires assument
des tâches pour l'ensemble de la KFOR. L'Armée suisse fournit en outre le plus haut responsable de la police militaire de la KFOR (Force Marshal Provost). La Swisscoy participe également à la conduite et à l'administration du Camp de la KFOR à Novo Selo. La section de pionniers mise à disposition depuis le printemps 2021 est régulièrement engagée pour éliminer les obstacles sur les routes, afin d'assurer la liberté de mouvement de la KFOR. Depuis le printemps 2021, la Swisscoy fournit des officiers d'état-major au bataillon de renseignement, surveillance et reconnaissance (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance, ISR) de la KFOR.

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4.2

Avantages retirés par la Suisse

Depuis 1999, grâce à sa contribution opérationnelle en faveur de la KFOR, la Suisse, en tant que partenaire de l'OTAN, bénéficie d'avantages non seulement pour le développement opérationnel de l'armée, mais aussi du point de vue de la politique de sécurité et de la politique extérieure.

Au niveau militaire-politique, l'engagement de la Swisscoy permet à l'Armée suisse de défendre ses intérêts envers l'Alliance et d'accéder à des organes de l'OTAN au sein desquels des informations essentielles pour le développement de l'armée sont échangées. Sur le plan opérationnel, l'engagement d'officiers au quartier général et dans les états-majors de la KFOR apporte à l'Armée suisse une meilleure compréhension de la conduite opérative de tels engagements et des processus d'état-major qui en découlent, qu'il s'agisse de la récolte d'informations ou de la définition de l'emploi de moyens robustes. Les procédures enseignées en Suisse ont pu être appliquées et évaluées dans le cadre d'un engagement international réel. Au niveau tactique, l'entraînement et la mise en oeuvre de procédures d'engagement standardisées, en collaboration avec d'autres armées, sont d'une grande utilité. Ces activités montrent comment la disponibilité opérationnelle peut être atteinte et maintenue et de tirer des enseignements pour le système de disponibilité de l'Armée suisse. Les processus de ravitaillement et d'évacuation sur de grandes distances ont notamment pu être examinés sous l'angle de leur mise en oeuvre dans le cadre d'un engagement réel. L'engagement des LMT a exposé l'Armée suisse à de nouvelles approches dans le cadre de la coopération avec les acteurs civils.

De plus, l'Armée suisse a pu vérifier l'application de processus d'état-major dans un engagement de longue durée qui se poursuit 24 heures sur 24. Les enseignements tirés ont pu être intégrés directement dans les règlements pertinents. Grâce aux expériences acquises au Kosovo, l'Armée suisse a également pu intégrer de nouvelles procédures opérationnelles dans sa doctrine.

L'utilité personnelle pour les militaires engagés tient à l'expérience directe de la responsabilité assumée lors d'un engagement réel. Il s'agit d'assumer une responsabilité de conduite pendant six mois.

Comme mentionné plus haut (ch. 4.1), l'engagement d'un officier général dans la fonction de
DCOM KFOR, a permis à l'Armée suisse d'acquérir sa première expérience dans la conduite d'une mission militaire internationale de maintien de la paix.

Enfin, l'engagement permet également de recueillir des expériences sur une période prolongée, notamment quant aux aptitudes, aux performances ou aux besoins de maintenance du matériel utilisé, ce qui est utile à toute l'armée.

La Suisse bénéficie également de l'engagement de la Swisscoy en termes de politique de sécurité et de politique extérieure. Comme l'OTAN considère que le statut d'un partenaire est avant tout lié à des contributions significatives aux opérations, le fait que la Suisse compte parmi les principaux et plus anciens contributeurs de la KFOR est crucial pour ses relations avec l'OTAN. La Swisscoy constitue la plus importante contribution opérationnelle dans le cadre du partenariat avec l'OTAN.

Cette contribution permet à la Suisse de prendre part aux évaluations et décisions concernant la mission et également de participer aux rencontres ministérielles et de chefs 21 / 38

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d'état-major d'armée et à d'autres forums de discussion de l'Alliance, auxquels son seul statut de partenaire ne lui donnerait pas accès. La Suisse peut ainsi accéder à des informations utiles à d'autres échanges internationaux et au pilotage de sa politique de sécurité et de sa politique extérieure. La contribution à la KFOR est en outre l'un des atouts qui permet à la Suisse d'obtenir des postes au sein du Secrétariat international et de l'état-major militaire international, où elle peut participer à des projets dans des domaines d'intérêt, tels que la maîtrise des armements et le désarmement, la non-prolifération et l'Agenda femmes, paix et sécurité. La contribution de la Suisse est régulièrement saluée et reconnue par les représentants de l'OTAN lors de rencontres bilatérales et multilatérales de haut niveau.

Sur le terrain également, la présence de la Swisscoy profite à la politique extérieure de la Suisse, notamment grâce aux contacts réguliers établis entre l'Ambassade de Suisse au Kosovo et le contingent. Cette collaboration interdépartementale, matérialisée par un échange régulier d'informations, a des retombées positives pour l'engagement de la Suisse dans le domaine de la coopération au développement dans le pays.

Des informations issues des contacts que les équipes LMT entretiennent avec la population ont ainsi permis au Bureau de coopération suisse au Kosovo de mettre en place des projets de développement répondant à de nouveaux besoins identifiés sur le terrain.

4.3

Personnel

4.3.1

Disposition à accomplir un service volontaire

Après 23 ans d'engagement, le service de promotion de la paix au sein de la Swisscoy demeure attrayant, notamment parce qu'il offre la possibilité de travailler dans un contexte international et multiculturel riche en expériences utiles pour le développement personnel et professionnel. Selon l'art. 66, al. 3, de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)10, la participation à un engagement de promotion de la paix est volontaire. Grâce à un système de recrutement efficace, l'armée parvient toujours à engager suffisamment de personnel qualifié pour un service de promotion de la paix au sein de la Swisscoy, bien que le recrutement de certaines catégories de personnel, telles que les spécialistes des domaines de l'aide au commandement, de la logistique, du transport, de la maintenance et de l'infrastructure, ainsi que les policiers militaires, les médecins, les sanitaires, et les officiers, soit plus ardu.

Le recrutement en deux étapes a fait ses preuves. La première étape porte sur le contrôle de l'aptitude au service de promotion de la paix dans un des centres de recrutement de l'armée. La seconde phase, dirigée par le Centre de compétences Swissint, porte sur la vérification de l'aptitude des volontaires à exercer la fonction envisagée.

Entre janvier 2021 et décembre 2021, sur un total d'environ 500 personnes intéressées, environ 450 volontaires ont effectué le premier jour de recrutement et 413 ont été invités pour le second jour de recrutement au Centre de compétences Swissint à Stans. Finalement, 170 personnes ont pu être engagées dans l'un des deux contingents 10

RS 510.10

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déployés durant cette période. Parmi les membres d'un contingent Swisscoy, on compte en moyenne une proportion de 18,4 % de collaborateurs civils et militaires du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) (officiers d'état-major, équipages et mécaniciens d'hélicoptères, policiers militaires et démineurs d'engins explosifs improvisés) et 81,5 % de personnes issues de la milice. Par ailleurs, les contingents Swisscoy comprennent en moyenne 31,3 % de militaires prolongeant l'engagement en cours ou ayant déjà effectué un engagement au sein de la Swisscoy.

Cette situation sur le plan du recrutement peut être attribuée à l'attrait du service de promotion de la paix, à un système de rémunération à la fois intéressant et conforme aux standards de la Confédération, ainsi qu'aux mesures prises en termes de communication. Dans ce domaine, l'armée ne s'adresse pas seulement aux personnes incorporées dans ses rangs, mais à l'ensemble de la société.

4.3.2

Les femmes dans la Swisscoy

Au cours des dernières années, la participation des femmes aux missions internationales de maintien de la paix a augmenté, car leur rôle particulier dans la promotion de la paix est de plus en plus reconnu. En fonction du contexte culturel ou religieux dans lequel une mission évolue, les femmes parviennent à accomplir des tâches qui sont moins à la portée de leurs collègues masculins. À titre d'exemple, l'ONU, qui a également reconnu l'importance d'une présence féminine, s'est fixé l'objectif de 20 % de personnel féminin parmi les spécialistes, tels que les observateurs militaires engagés au sein de ses missions. Les femmes jouent un rôle clé dans les efforts de promotion de la paix au Kosovo. En fonction de la culture des ethnies avec lesquelles la KFOR interagit, la communication avec la population féminine est plus difficile pour les militaires masculins. Cet aspect est crucial pour les membres des LMT, qui doivent maintenir des contacts réguliers avec la population dans son ensemble.

Afin de pallier le fait que les Suissesses ne sont pas soumises à l'obligation de servir et n'ont pas, pour la plupart, suivi de formation militaire, la formation dispensée aux membres féminins du contingent avant l'engagement au sein de la Swisscoy comprend une phase d'instruction militaire de base.

Ce faisant, l'armée parvient à recruter plus de femmes disposées à effectuer un engagement, en particulier au sein des LMT. La proportion moyenne de femmes engagées au sein de la Swisscoy se situe entre 15 % et 20 % selon les contingents. Il s'agit d'un pourcentage bien supérieur à la présence féminine dans l'effectif global de l'armée (0,8 %). Cette différence s'explique notamment par l'attrait, la rémunération, les expériences et les débouchés professionnels que comporte le service de promotion de la paix.

Cette évolution encourageante ne profite pas seulement à la promotion militaire de la paix. Pour l'armée, il s'agit également d'un retour sur investissement. Les femmes décident parfois de servir dans l'armée après leur engagement au titre de la promotion militaire de la paix, en accomplissant l'école de recrues ou en assumant une fonction d'officier spécialiste.

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Les efforts visant à augmenter la participation féminine dans la Swisscoy et la promotion militaire de la paix seront poursuivis.

5

Avenir de la Swisscoy

5.1

Poursuite de l'engagement: intérêt sous l'angle de la politique de sécurité et de la politique extérieure

La probabilité de voir un conflit armé éclater au Kosovo demeure faible. Cependant, les critères adoptés par l'OTAN et les pays contributeurs de la KFOR pour réduire la mission à une présence minimale ou pour son retrait ne sont pas remplis. En outre, le potentiel déstabilisateur de la guerre en Ukraine s'ajoute aux défis que le Kosovo doit encore relever. Dans ce contexte, il est vraisemblable que la présence de la KFOR sera nécessaire pour de nombreuses années encore.

Compte tenu des liens étroits qui existent entre la Suisse et le Kosovo, notamment en termes démographiques, la stabilité dans les Balkans occidentaux est également dans l'intérêt de la Suisse, qui profite de la présence de la KFOR au Kosovo. La stabilité au Kosovo est essentielle pour la paix et la sécurité dans les Balkans occidentaux et est donc dans l'intérêt de toute l'Europe. À l'heure où l'OTAN et ses membres se mobilisent pour renforcer le dispositif de l'Alliance à l'Est, en poursuivant et en se préparant à renforcer son engagement dans la KFOR, la Suisse démontre qu'elle est prête à assumer sa part de responsabilité dans le cadre des efforts également consentis par ses partenaires pour la sécurité en Europe. Elle contribue dans la mesure de ses possibilités à l'effort commun et fait, par là même, acte de solidarité.

Cette contribution est d'autant plus importante dans la perspective du renforcement de la coopération de la Suisse avec l'OTAN, présenté par le Conseil fédéral dans son rapport complémentaire au rapport sur la politique de sécurité 202111. Dans un contexte de détérioration de la situation à l'est de l'Europe, les partenaires de la Suisse pourraient être amenés à augmenter leur engagement dans cette région et à réduire leurs prestations au sein de la KFOR. Dans une telle situation, la Suisse, qui n'est pas en mesure de s'engager militairement à l'est de l'Europe, pourrait être invitée à augmenter sa participation aux efforts de stabilisation des Balkans occidentaux, en particulier au sein de la KFOR. La poursuite et le renforcement de la contribution de la Suisse en faveur de la KFOR sont en adéquation avec ses intérêts de politique de sécurité et de politique extérieure.

5.2

Effectif

Pour le mandat en cours, l'effectif maximal est de 195 militaires. Avec ce contingent, la Suisse met à disposition de la KFOR les moyens décrits précédemment (ch. 4.1)

11

Rapport complémentaire au rapport sur la politique de sécurité 2021, sur les conséquences de la guerre en Ukraine, FF 2022 2357.

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pour combler des lacunes capacitaires en lien avec la détérioration de la situation sécuritaire et politique au Kosovo dès 201812.

5.2.1

Renforcement du contingent au titre du soutien à la KFOR

L'expérience des dernières années a montré que KFOR peut faire valoir des besoins supplémentaires à court terme vis-à-vis des pays contributeurs en cours de mandat, en fonction de l'évolution de la situation sécuritaire. Dans certains cas, la Swisscoy est parvenue à assumer de nouvelles fonctions en réattribuant certaines tâches au sein du contingent. Par contre, dans d'autres situations, la Suisse a dû renoncer à répondre à des requêtes particulières de la KFOR, qui auraient nécessité l'approbation du Parlement moyennant un message complémentaire. La durée de cette procédure ne permet pas de réagir dans des délais raisonnables. Le Conseil fédéral propose donc de lui déléguer la compétence d'augmenter l'effectif de la Swisscoy de 30 personnes au plus en cours de mandat. Il dispose déjà d'une compétence similaire pour augmenter temporairement l'effectif afin de répondre aux besoins du contingent dans les domaines de la sécurité et de la logistique (ch. 5.2.2).

Au vu de la détérioration de la situation internationale, une telle flexibilité mettrait en évidence que la Suisse souhaite poursuivre son soutien à la KFOR, alors que l'Alliance est confrontée à des défis majeurs en lien avec la guerre en Ukraine. Elle soulignerait aussi l'intention de la Suisse de s'engager davantage dans le cadre de la promotion militaire de la paix, et de développer ses contributions, conformément au rapport du DDPS du 9 novembre 202013.

5.2.2

Renforcement temporaire du contingent au titre de la logistique et de la sécurité du contingent

Pour parer à des situations qui demandent un renforcement temporaire, l'effectif de la Swisscoy, pour des raisons logistiques ou pour assurer la sécurité du contingent, les Chambres fédérales ont autorisé le Conseil fédéral, pour la durée du mandat actuel, à augmenter, pour une durée limitée et pour des tâches définies, l'effectif de la Swisscoy14. Concrètement, il s'agit de mettre en oeuvre des mesures d'autoprotection en cas de menace accrue (max. 20 militaires) ou d'assurer des travaux de maintenance (max. 50 militaires).

Il n'a pas été nécessaire de renforcer le contingent pour des motifs d'autoprotection au cours des trois dernières années. Tous les événements en rapport avec la sécurité 12 13

14

Message du 27 novembre 2019 relatif à la prolongation de la participation suisse à la Kosovo Force multinationale (KFOR), FF 2019 8001.

Rapport du 9 novembre 2020 à l'attention de la cheffe DDPS concernant le développement de la promotion militaire de la paix. Le rapport peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Documentation > Communiqué > Développement de la promotion militaire de la paix au DDPS (communiqué du 25 novembre 2020).

FF 2020 6269

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ont pu être gérés sur place avec les moyens de la KFOR. Le Conseil fédéral est toutefois de l'avis qu'en cas d'aggravation majeure de la menace sur place, la Swisscoy pourrait nécessiter davantage de moyens d'autoprotection pour pouvoir poursuivre sa mission. C'est pourquoi il propose de reconduire la possibilité de renforcer le contingent de 20 militaires pour une durée maximale de 4 mois, comme le prévoit le mandat actuel. Ce déploiement supplémentaire concernerait en premier lieu des militaires du commandement des forces spéciales.

Il n'a pas non plus été nécessaire d'augmenter l'effectif de 50 militaires pour une durée maximale de 8 mois au titre des travaux de maintenance. Un changement de dispositif de la KFOR pourrait toutefois créer des besoins à court terme dans le domaine logistique. Le Conseil fédéral propose de maintenir cette possibilité également.

5.3

Durée de l'engagement

La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU prévoit que l'engagement de la KFOR sera prolongé «tant que le Conseil de sécurité n'en aura pas décidé autrement».

Dans son «Comprehensive Security Assessement» de mars 2022, l'OTAN fait valoir que la présence de la KFOR au Kosovo reste nécessaire, car les conditions permettant de réduire ses capacités ne sont pas remplies. Cette appréciation a été confirmée lors de la réunion du Conseil de l'Atlantique Nord du 25 mai 2022 consacrée à la KFOR.

Au vu des motifs présentés aux ch. 2, 3.4, 4.2, 5.1 et 5.2, le Conseil fédéral propose de prolonger l'engagement de la Swisscoy de trois années supplémentaires, soit jusqu'au 31 décembre 2026. Il peut décider à tout moment de mettre fin à l'engagement de manière anticipée. En pareil cas, il informe les Commissions de politique extérieure et les Commissions de la politique de sécurité des deux conseils, conformément à l'art. 152, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement15.

6

Adoption d'une stratégie et de critères en vue du retrait de la Suisse de la KFOR

6.1

Demande de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national

Suite à sa séance des 17 et 18 janvier 2022, la Commission de politique de sécurité du Conseil national (CPS-N) a demandé au Conseil fédéral de traiter les aspects suivants dans le présent message: a.

15

Objectifs et critères devant être remplis au Kosovo en matière de construction de l'État et de développement durable, conformément à l'Agenda 2030, pour permettre à la Suisse de se retirer de la KFOR. Il s'agit de présenter en particulier les stratégies poursuivies par le Conseil fédéral dans les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique extérieure.

RS 171.10

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b.

Soutien apporté par la Suisse au Kosovo dans ses efforts d'adhésion aux organisations internationales.

c.

Objectifs poursuivis par la KFOR et ses États contributeurs.

Les éléments de réponse relatifs à la let. c, à savoir les objectifs poursuivis par la KFOR et ses États contributeurs sont exposés au ch. 6.2. Le ch. 6.3 traite de l'opportunité pour la Suisse d'adopter sa propre stratégie et ses propres critères en vue du retrait de la Swisscoy. Les éléments de réponse du Conseil fédéral concernant les let. a et b sont exposés au ch. 6.4.

6.2

Objectifs poursuivis par la KFOR et ses États contributeurs

Tous les six mois, dans le cadre du «Comprehensive Security Assessment of the Kosovo Environment», l'OTAN évalue, sur la base des progrès observés au Kosovo, la nécessité et l'ampleur de la présence de la KFOR dans le pays.

Afin d'évaluer l'opportunité de réduire le profil de la KFOR d'une présence dite dissuasive (deterrent presence) à une présence dite minimale (minimal presence), l'OTAN a fixé quatre critères permettant de vérifier si la situation sécuritaire le permet: 1.

La protection des sites du patrimoine religieux et culturel ne relève plus de la responsabilité de la KFOR.

2.

Les forces de sécurité du Kosovo accomplissent les tâches de leur mandat dans l'ensemble du Kosovo et le long de «l'Administrative Boundary Line».

3.

Les forces de sécurité du Kosovo ont atteint un degré d'autonomie leur permettant d'endiguer les menaces à un environnement sûr et stable sans l'appui de la KFOR.

4.

Le processus de normalisation entre Belgrade et Pristina a atteint le stade où des actions unilatérales ne menacent plus l'environnement sécuritaire et la mise en oeuvre d'accords contribue au développement socio-économique au Kosovo.

Les critères étant établis en concertation avec les pays contributeurs de la KFOR, la Suisse participe à leur conception. Ils sont analysés sur la base de onze indicateurs, tels que le cadre légal, l'association des communes serbes minoritaires, le traitement du passé et la capacité des forces de sécurité kosovares à accomplir leurs tâches sur l'ensemble du territoire. L'atteinte des critères est la clé de toute réduction de l'effectif de la KFOR.

Selon le «Comprehensive Security Assessment» de mars 2022, les problèmes de sécurité persistent notamment à cause des lenteurs du processus de normalisation entre la Serbie et le Kosovo, des actions unilatérales des parties et des influences externes, notamment de la Russie. À cet égard, les conclusions de l'évaluation montrent que la transition de la KFOR vers une présence minimale est fort peu probable à moyen terme et que la KFOR devrait maintenir son dispositif de force actuel. Selon le commandant de la KFOR, les conditions pour réduire le profil de la KFOR à une présence 27 / 38

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minimale ne sont pas remplies, étant donné que trois des critères définis dépendent du dialogue entre la Serbie et le Kosovo, lequel est au point mort, notamment en raison de l'inquiétude causée par la transformation rapide de la KSF en armée régulière.

Si un ou plusieurs États contributeurs souhaitaient une adaptation du mandat de la KFOR, il faudrait un vote au Conseil de sécurité de l'ONU. En effet, tout changement de mandat de la KFOR nécessite une nouvelle résolution du Conseil de sécurité et, partant, l'approbation de ses membres permanents, notamment la Chine et la Russie.

Cette perspective semble improbable en l'absence d'un accord entre la Serbie et le Kosovo, en particulier parce que la Russie s'est engagée à ne soutenir qu'une solution approuvée par Belgrade. Les tensions entre la Russie et l'Occident rendent cette perspective d'autant plus improbable.

6.3

Avis du Conseil fédéral concernant l'adoption d'une stratégie et de critères en vue du retrait de la Swisscoy

On peut raisonnablement partir du principe qu'un jour la situation sécuritaire dans les Balkans occidentaux permettra de constater que la présence militaire internationale, que ce soit sous la forme de la KFOR ou d'EUFOR ALTHEA, n'est plus nécessaire.

Après plus de deux décennies d'engagement, il est légitime de se demander quels critères devraient être remplis pour pouvoir mettre un terme à l'engagement.

Par l'engagement de la Swisscoy en faveur de la KFOR, la Suisse a décidé de participer à un effort de la communauté internationale visant à stabiliser une région encore marquée par le conflit armé et à favoriser son développement. Cet effort a été concrétisé sous la forme d'une mission multinationale de promotion militaire de la paix, dotée d'un mandat multilatéral octroyé par le Conseil de sécurité de l'ONU. Ce mandat confère à l'engagement multilatéral un caractère légalement contraignant. Ainsi, par sa contribution, la Suisse participe également à la mise en oeuvre du droit international. Sous cet angle, la Swisscoy ne constitue pas une contribution bilatérale au profit du Kosovo. Elle s'inscrit dans un effort multilatéral sous la forme d'une mission multinationale de l'OTAN qui vise à préserver la paix et la stabilité au Kosovo. En d'autres termes, la KFOR existe avec ou sans participation de la Suisse.

L'OTAN, qui est chargée de la mise en oeuvre de la partie sécuritaire du mandat onusien, conduit cette mission et prend des décisions concernant la taille, la structure de la KFOR, la durée de la mission, les objectifs et les critères d'évaluation de la situation sécuritaire et les hypothèses de développement de celle-ci. Comme présenté plus haut (ch. 6.2), l'OTAN a établi quatre critères pour déterminer si la situation permet de procéder à une réduction des capacités de la KFOR. Dans son rôle de pays contributeur de la KFOR, la Suisse participe à la définition et à l'évaluation des critères. Pour l'heure, ceux-ci ne sont pas remplis et l'OTAN estime qu'ils ne le seront pas à moyen terme. Le Conseil fédéral partage cette appréciation.

Indépendamment de ces considérations et en tant qu'État souverain, la Suisse peut à tout moment décider de se retirer de la KFOR sur la base de critères qu'elle aurait établis de manière unilatérale. En cas de retrait unilatéral de la Suisse, la KFOR devrait renoncer à d'importantes capacités, telles que les hélicoptères de transport et les 28 / 38

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moyens de génie mis à disposition, qui sont difficilement remplaçables. De plus, la perte d'un partenaire neutre comme la Suisse pourrait poser des problèmes, en particulier dans les régions où certains pays contributeurs ne sont pas acceptés par les groupes ethniques locaux. Un retrait unilatéral aurait également des conséquences importantes pour la Suisse en termes de politique extérieure et de politique de sécurité.

Selon toute probabilité, une telle décision se heurterait à l'incompréhension de l'OTAN et des pays de l'UE. Elle signalerait que la Suisse se désolidarise de l'engagement multilatéral visant à stabiliser le Kosovo et ses environs, alors que l'OTAN et les autres États contributeurs poursuivent leur engagement. Une telle désolidarisation serait difficile à expliquer au vu de la dégradation de la situation sécuritaire causée par la guerre en Ukraine. En outre, un retrait de la Swisscoy irait à l'encontre de l'intention du Conseil fédéral de renforcer la coopération avec l'OTAN. Le retrait de la Swisscoy aurait, enfin, des répercussions sur les relations bilatérales de la Suisse avec la Serbie et le Kosovo qui, faute de progrès dans leur dialogue, perçoivent la KFOR comme garante de leur sécurité.

Au vu de ces considérations, le Conseil fédéral est de l'avis que le retrait de la Suisse de la KFOR à moyen terme et, par là même, l'adoption de critères unilatéraux visant à terminer l'engagement de la Swisscoy n'est pas appropriée. Il reconnaît que des critères doivent être établis afin d'évaluer les progrès enregistrés sur le terrain et adapter le profil de la mission en conséquence. Au vu de la nature multilatérale de l'engagement, il estime toutefois que de tels critères ne doivent pas être établis unilatéralement, mais de concert avec les États partenaires contribuant à la mission, comme aujourd'hui. Le Conseil fédéral estime que la participation de la Suisse à la KFOR doit continuer de se fonder sur les critères et l'appréciation sécuritaire établis par l'OTAN et les États contributeurs de la KFOR, la mise en oeuvre du mandat de l'ONU et l'intérêt de la Suisse à la stabilité et à la sécurité dans une région avec laquelle elle a des liens particuliers.

6.4

Stratégies poursuivies dans les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique extérieure

Les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique et extérieure ont une portée qui dépasse la responsabilité et le champ d'action de la KFOR. Ils sont en grande partie du ressort de la coopération internationale dans le domaine civil. La consolidation du fonctionnement de l'État, le développement durable, la coopération au développement, la politique économique extérieure et l'adhésion du Kosovo aux organisations internationales sont des domaines d'action qui dépendent avant tout de l'engagement de la communauté internationale et de la Suisse dans les secteurs de la coopération et de la diplomatie. Ils ne relèvent pas de la compétence de la KFOR, garante de la sécurité et de la stabilité au Kosovo et dans la région, ainsi que de l'intégrité territoriale du pays. Cela n'implique toutefois pas que les domaines civil et militaire de la promotion de la paix sont indépendants l'un de l'autre. En effet, sans l'engagement militaire multilatéral de la KFOR, qui crée les conditions de sécurité et de stabilité indispensables à la mise en 29 / 38

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oeuvre de la coopération internationale en matière civile, aucun progrès ne pourrait être réalisé en lien avec les questions qui intéressent la commission.

Dans le cadre de sa coopération civile avec le Kosovo, la Suisse participe activement aux efforts internationaux de paix, de stabilité et de développement dans le pays. Parallèlement à son engagement dans le cadre de la promotion militaire de la paix au sein de la KFOR, la Suisse a soutenu le Kosovo dans le domaine civil avec un montant total d'environ 500 millions de francs depuis 1998. Aujourd'hui, la Suisse est le troisième partenaire de coopération du Kosovo.

6.4.1

Objectifs de la Suisse dans les domaines de la consolidation du fonctionnement de l'État et du développement durable et stratégies poursuivies dans les domaines de la sécurité collective, de la coopération au développement et de la politique économique extérieure

Objectifs et critères dans le domaine de la consolidation du fonctionnement de l'État L'objectif de la KFOR et, partant, de la Swisscoy est d'assurer l'intégrité territoriale du Kosovo et de préserver la sécurité et la stabilité dans la région et au Kosovo. Ayant reconnu le Kosovo en tant qu'État souverain, en s'engageant au sein de la KFOR, la Suisse agit en adéquation avec sa politique extérieure et sa politique de développement dans la région, elle-même guidée par l'objectif de consolidation du fonctionnement de l'État kosovar et de ses institutions. Par son engagement au sein de la KFOR, la Suisse contribue aussi au développement d'un Kosovo stable, démocratique, multiethnique et pacifique.

Dans ce cadre, la présence de la KFOR et, par là même du contingent suisse, remplit des objectifs essentiels, à savoir le maintien d'un environnement sûr et sécurisé, la liberté de mouvement pour tous les citoyens du Kosovo et la facilitation de l'intégration euroatlantique des Balkans occidentaux, sans lesquels la consolidation du fonctionnement de l'État ne peut pas être réalisée. Toute réduction de la taille de la KFOR dépend donc étroitement de la capacité du Kosovo à assumer seul l'un ou l'autre des volets du mandat de la KFOR. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés depuis la fin de la guerre vers une telle autonomie, et que le développement du pays se poursuive dans cette direction, deux critères-cadres, qui ne sont pas directement liés à la politique de développement durable du Kosovo, devraient être remplis pour que l'État kosovar assume seul ces tâches: d'une part, le Kosovo et la Serbie doivent conclure un accord de paix global et d'autre part, le Kosovo doit devenir membre de l'OTAN. En effet, le conflit entre le Kosovo et la Serbie demeure le principal obstacle à la réalisation de cet objectif. Aussi longtemps que leur différend ne sera pas réglé, l'économie de la région ne pourra pas se développer de manière durable et la pression migratoire restera élevée. C'est pourquoi la Suisse a un grand intérêt à ce que les relations entre les deux pays se normalisent.

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Objectifs et critères dans le domaine du développement durable, conformément à l'Agenda 2030 Fondée sur ses trois domaines d'engagement, la stratégie de coopération de la Suisse contribue à la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 au Kosovo en poursuivant les objectifs de renforcement de la paix et de promotion d'une société démocratique et inclusive, de développement économique durable et de renforcement de mesures d'adaptation et de prévention du changement climatique. Ce faisant, la plupart des interventions de la Suisse s'inscrivent dans la durée et soutiennent les efforts du Kosovo visant à atteindre les objectifs de développement durable de l'ONU d'ici à 2030.

La coopération suisse travaille dans l'ensemble du pays, auprès de toutes les communautés ethniques afin de renforcer les relations intracommunautaires et de favoriser le développement économique, social et démocratique à l'échelon local et national. Elle soutient également le développement de conditions-cadres favorables aux entreprises et à la croissance du secteur privé, ce qui profite aussi à la politique commerciale extérieure et aux investissements de l'importante diaspora kosovare établie en Suisse.

Globalement, par son engagement, également au sein de la KFOR, la Suisse contribue aussi au développement d'un Kosovo stable, démocratique, multiethnique et pacifique, condition essentielle au processus de transition et d'intégration européenne du Kosovo, et à la stabilité du pays et de la région.

Stratégie de sécurité collective Par l'intermédiaire de son contingent au sein de la KFOR, de sa diplomatie et de ses instruments de coopération, la Suisse s'engage de manière significative dans le domaine de la sécurité collective au Kosovo. Elle appuie notamment le dialogue entre Belgrade et Pristina, initié par l'UE, qui promeut la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Sur la base de la stratégie 2022­2025 de coopération avec le Kosovo, la Division Paix et droits de l'homme du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) soutient la normalisation des relations entre le Kosovo et la Serbie, contribue à l'amélioration des relations entre les communautés du Kosovo et des droits de ces communautés et promeut la compréhension du traitement du passé par les acteurs politiques et le public. En outre, au sein de l'OSCE,
la Suisse participe activement aux discussions relatives à la situation sécuritaire au Kosovo et poursuivra ses efforts dans ce domaine en qualité de membre non permanent du Conseil de sécurité durant les années 2023 et 2024.

Stratégie de coopération au développement En matière de coopération et de développement, la Suisse a adopté le programme 2022­2025 de coopération avec le Kosovo16, qui a été élaboré conjointement par la Direction du développement et de la coopération (DDC), le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et le Secrétariat d'État du DFAE. Élaboré par trois départements fédéraux, le programme adopte une approche globale: sous la conduite et la coordination de l'Ambassade de Suisse au Kosovo, les offices suisses coopèrent à la mise en oeuvre du programme en partenariat avec les 16

Le programme peut être consulté à l'adresse suivante: www.eda.admin.ch > La Suisse dans le monde > Kosovo > Coopération internationale > Programme.

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organes gouvernementaux, la société civile et le secteur privé du Kosovo. Doté d'un budget de 86 millions de francs pour la période 2022­2025, le programme formule des objectifs dans les domaines d'engagement suivants: 1) gouvernance démocratique et paix; 2) développement économique inclusif, durable et emplois décents; 3) changement climatique, eau et santé. Il couvre ainsi en grande partie les premiers aspects mentionnés par la CPS-N.

Stratégie de politique économique extérieure La Suisse est le deuxième investisseur étranger au Kosovo. Elle promeut les relations économiques bilatérales conformément à l'accord de promotion et de protection réciproque des investissements17 qu'elle a conclu avec le Kosovo en 2011. Dans le cadre de ses activités de coopération, la Suisse soutient le développement de conditionscadres propices aux entreprises et à la croissance du secteur privé au Kosovo. Cet appui profite également à la politique économique extérieure de la Suisse qui était la sixième destination des exportations kosovares en 2021. En outre, les échanges commerciaux seront stimulés par l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange entre l'Association européenne de libre-échange (AELE) et le Kosovo, négocié sous l'égide de la Suisse.

6.4.2

Soutien aux efforts d'adhésion du Kosovo aux organisations internationales

La Suisse reconnaît le Kosovo en tant qu'État souverain depuis 2008 et soutient son intégration et sa représentation dans les organisations internationales, ainsi que son adhésion aux accords multilatéraux. Jusqu'à présent, la Suisse s'est positionnée dans ce domaine au cas par cas, en fonction de l'importance de l'organisation concernée et de la capacité du Kosovo à remplir les obligations qui découlent d'une éventuelle adhésion.

Par son engagement de longue durée dans le domaine de la coopération internationale, la Suisse soutient le Kosovo dans la mise en oeuvre des réformes qui sont cruciales pour son intégration dans la communauté internationale. Toutefois, un nombre important d'États membres d'organisations internationales auxquelles Pristina souhaite adhérer, dont cinq États membres de l'UE, ne reconnaissent pas le Kosovo. Consciente de cet état de fait, la Suisse compte poursuivre son engagement pour l'intégration du Kosovo dans la communauté internationale. Son siège au sein du Conseil de sécurité de l'ONU pendant la période 2023­2024 permettra à la Suisse d'oeuvrer pour l'intégration internationale du Kosovo.

17

Accord du 27 octobre 2011 entre la Confédération suisse et la République du Kosovo concernant la promotion et la protection réciproque des investissements, RS 0.975.247.5.

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7

Conséquences

7.1

Conséquences financières

7.1.1

Coûts de l'engagement

En raison des développements qui peuvent affecter l'environnement et les tâches de la Swisscoy, les coûts de l'engagement peuvent varier en cours mandat sans que l'effectif change. Les tâches nécessitant surtout des éléments d'infanterie, par exemple, génèrent des coûts moins élevés que les tâches nécessitant des composantes de génie et une expertise particulière de la part des militaires déployés.

L'évolution des coûts au cours des dernières années montre que le nombre de militaires n'est pas déterminant. En 2020, l'engagement de la Swisscoy a coûté environ 38,2 millions de francs, pour un effectif maximal de 165 militaires. En 2021, il a coûté environ 37,4 millions de francs pour un effectif maximal de 165 militaires, bien que l'effectif soit passé à 195 militaires en avril 2021.

Bien que l'effectif maximal fût plus élevé en 2021 qu'en 2020, les coûts de l'engagement ont diminué, essentiellement en raison de l'évolution de la pandémie de COVID19. En effet, à partir du printemps 2020, des dépenses supplémentaires ont été nécessaires pour l'approvisionnement et les soins de la troupe et la logistique. Concrètement, des vols supplémentaires ont été nécessaires pour transporter du matériel sanitaire dans le secteur d'engagement. Des transports routiers ont également dû être remplacés par des vols en raison de la fermeture des frontières. Les restrictions sanitaires du nombre de passagers par véhicule ont nécessité davantage de déplacements terrestres. Les jours de vacances qui n'ont pas pu être pris à cause de la pandémie ont dû être payés. En 2021, l'amélioration de la situation sanitaire s'est reflétée sur les dépenses.

Il est prévu que le budget correspondant à un effectif maximal de 195 militaires passe de 40,9 millions de francs par an pour le mandat en cours (2021 à 2023) à 45 millions de francs par an pour le prochain mandat (2024 à 2026). Cette augmentation est nécessaire pour les raisons suivantes:

18 19

­

En raison de la révision de l'ordonnance du 22 novembre 2017 sur les obligations militaires)18 et de l'ordonnance du DDPS du 30 novembre 2017 sur le personnel affecté à la promotion de la paix, au renforcement des droits de l'homme et à l'aide humanitaire19, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2023, l'instruction axée sur l'engagement destinée aux militaires encore astreints au service dispensée en Suisse ne pourra plus s'effectuer au moyen d'une convocation fondée sur un ordre de marche. Cette réglementation engendrera des dépenses supplémentaires d'environ 1,7 million de francs dans le domaine du personnel (contrat de formation) et d'environ 200 000 francs en frais d'exploitation (subsistance et titres de transport).

­

Afin de tenir compte du renchérissement, tous les domaines de dépenses ont également été augmentés de 5 %.

RS 512.21 RS 172.220.111.91

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Les dépenses prévues pour l'engagement de la Swisscoy avec un effectif maximal de 195 militaires sont les suivantes: Rubrique

Effectif max. de 195

Effectif max. de 195

2021 à 2023

2024 à 2026

Location de services aériens (en particulier vols de ravitaillement)

3 525 000

3 700 000

Dépenses de base, matériel, ravitaillement et évacuation, maintenance, recrutement

1 200 000

1 300 000

Frais d'exploitation, subsistance, carburants, communication

3 900 000

4 300 000

Personnel

32 300 000

35 700 000

Coût total annuel

40 925 000

45 000 000

Mandat

Les coûts de l'engagement sont couverts par le budget du DDPS (Défense).

7.1.2

Coûts de l'engagement en cas de renforcement du contingent au titre du soutien à la KFOR

Si le Conseil fédéral devait décider d'un renforcement du contingent de 30 militaires au plus pour répondre à un besoin supplémentaire de la KFOR (cf. 5.2.1), les dépenses prévues pour une année augmenteraient de 6,2 millions de francs et se présenteraient comme suit: Rubrique

Mandat

Effectif max. de 225

2024 à 2026

Location de services aériens (en particulier vols de ravitaillement)

3 700 000

Dépenses de base, matériel, ravitaillement et évacuation, maintenance, recrutement

1 400 000

Frais d'exploitation, subsistance, carburants, communication

4 900 000

Personnel

41 200 000

Coût total annuel

51 200 000

Les coûts supplémentaires liés à l'augmentation de l'effectif maximal du contingent en cours de mandat seraient couverts par le budget de la Défense.

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7.1.3

Coûts supplémentaires en cas de renforcement temporaire du contingent au titre de la logistique et de la sécurité du contingent

Le renforcement éventuel du contingent, pour une durée limitée, au titre de la maintenance et de la gestion de l'infrastructure ou l'augmentation, le cas échéant, du degré de protection, aurait les conséquences financières suivantes: Rubrique

Durée supposée de l'engagement sur place Effectif supposé du détachement Frais d'exploitation, subsistance, carburants, communication

Augmentation pour assurer des tâches de maintenance et de gestion de l'infrastructure

Augmentation pour le renforcement du degré de protection

8 mois au max.

4 mois au max.

50 personnes au max.

20 personnes au max.

735 000

158 000

Dépenses de base, matériel, ravitaillement et évacuation, maintenance, recrutement, infrastructure

3 900 000

53 000

Personnel

5 000 000

998 000

Frais supplémentaires pour détachement, par engagement

9 653 000

1 209 000

Les coûts indiqués ici prennent effet que si le Conseil fédéral décide un renforcement correspondant. Ils seraient également couverts par le budget de la Défense.

7.2

Conséquences sur l'état du personnel

Depuis le début de l'engagement de la Swisscoy, des collaborateurs affectés au projet viennent renforcer le Centre de compétences Swissint. Ces employés civils ont un contrat de travail établi pour la durée du mandat de la Swisscoy. Les postes concernés sont liés à l'engagement de la Swisscoy et seront supprimés au terme de celui-ci. Les employés affectés au projet sont engagés principalement dans le recrutement, la gestion des finances, la planification, l'aide au commandement, le ravitaillement, la maintenance et l'instruction. Actuellement, leur effectif est de 35 équivalents plein temps (EPT). Une éventuelle augmentation de l'effectif maximal de 30 militaires en cours de mandat pour répondre à des besoins supplémentaires de la KFOR nécessiterait 4 EPT supplémentaires, financés par le budget ordinaire de l'armée.

Par ailleurs, 6 militaires contractuels soutiennent l'instruction à Stans. C'est une nécessité, parce que chaque contingent doit, dans un premier temps, être amené au niveau d'instruction militaire de l'unité, puis suivre une formation propre à la fonction et, enfin, être familiarisé avec les particularités du secteur d'engagement. La formation des contingents demande d'importants moyens, dans la mesure où les contenus

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doivent être en permanence adaptés à l'évolution de la situation sur place et à la mission à accomplir.

7.3

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

La poursuite de l'engagement de la Swisscoy n'implique aucun changement pour le canton de Nidwald, qui abrite le centre de compétences Swissint.

8

Relations avec le programme de la législature

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202320 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202321. Le présent arrêté correspond toutefois à l'objectif 11 du message («La Suisse s'investit en faveur des réformes visant à renforcer la coopération multilatérale, intensifie de manière ciblée son action en faveur de la coopération internationale et offre des conditions optimales en sa qualité d'État hôte d'organisations internationales»), formulé dans les termes suivants: «La Suisse s'engage pour la paix et la sécurité dans un système mondial multilatéral efficace. Elle oeuvre pour sa propre sécurité et la stabilité en Europe et dans le monde»22. Le présent arrêté doit permettre de prolonger jusqu'au 31 décembre 2026 l'engagement de la Swisscoy au sein de la KFOR et permettre à la Suisse de l'interrompre à tout moment.

9

Procédure de consultation

Le projet n'a pas fait l'objet d'une procédure de consultation, car il ne revêt pas une grande portée politique ou financière et ne touche pas particulièrement les cantons, au sens de l'art. 3, al. 1, let. d et e, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation23.

10

Aspects juridiques

10.1

Constitutionnalité et légalité

L'art. 58, al. 2, de la Constitution (Cst.)24 définit la mission de l'armée comme suit: «L'armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix; elle assure la défense du pays et de sa population. Elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres 20 21 22 23 24

FF 2020 1709 FF 2020 8087 FF 2020 1709, 1783 RS 172.061 RS 101

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situations d'exception. La loi peut prévoir d'autres tâches». L'art. 1, al. 4, LAAM25 précise en outre que l'armée contribue à promouvoir la paix sur le plan international dans le cadre de ses tâches.

La constitutionnalité du service de promotion de la paix a déjà été examinée et confirmée à plusieurs reprises, dans la mesure où les engagements reposent sur une base volontaire26. En ce qui concerne les mesures prises pour l'exécution de la mission et la protection de ses membres, notamment la question de l'armement, ces aspects ne sont pas pertinents pour l'évaluation de la constitutionnalité. Le Conseil fédéral est toutefois tenu d'examiner dans chaque cas la compatibilité de l'engagement avec les principes de la politique extérieure et de la politique de sécurité, avec le droit de la neutralité ainsi qu'avec la politique de neutralité.

Les conditions préalables à un engagement de promotion de la paix sont définies à l'art. 66 LAAM: un tel engagement peut être ordonné sur la base d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE et en conformité avec les principes de politique extérieure et de sécurité de la Suisse; il doit être accompli par des personnes formées dans ce but; la participation s'effectue sur une base volontaire. Dans le cas de la Swisscoy, ces conditions sont remplies: la KFOR agit en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU et son personnel, qui suit préalablement une instruction spécifique conduite par le Centre de compétences Swissint, est exclusivement composé de volontaires.

10.2

Compétence

Le Conseil fédéral, qui est responsable de la conduite de la politique extérieure et de la politique de sécurité, peut ordonner des engagements de promotion de la paix et définir l'équipement et l'armement nécessaires ainsi que d'autres mesures. Comme l'engagement de la Swisscoy est armé, que son effectif dépasse 100 militaires et qu'il dure plus de trois semaines, sa prolongation telle qu'elle est proposée par le présent message est soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale (art. 66b, al. 4, LAAM).

10.3

Forme de l'acte à adopter

L'arrêté fédéral constitue un acte particulier de l'Assemblée fédérale, expressément prévu dans une loi fédérale (art. 173, al. 1, let. h, Cst.). L'art. 66b, al. 4, LAAM prévoit que l'approbation de l'Assemblée fédérale est nécessaire pour un engagement armé de plus de 100 militaires ou durant plus de trois semaines. Sont sujets au référendum les arrêtés fédéraux dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoit (art. 141, al. 1, let. c, Cst.). En l'espèce, dans la mesure où ni la Constitution ni la loi ne prévoient de référendum, l'acte revêt la forme d'un arrêté fédéral simple (art. 163, al. 2, Cst.).

25 26

RS 510.10 Cf. notamment le message du 8 septembre 1993 relatif à la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire et à l'arrêté fédéral sur l'organisation de l'armée, FF 1993 IV 1, ch. 61; H. Meyer, St. Galler Kommentar zu Art. 58 BV, ch. 37 (en allemand).

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10.4

Frein aux dépenses

Le projet ne contient pas de dispositions relatives aux subventions et ne prévoit ni crédits d'engagement ni plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst).

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