FF 2022 www.droitfederal.admin.ch La version électronique signée fait foi

22.431 Initiative parlementaire Exceptions à l'obligation d'avoir exercé pendant trois ans dans un établissement suisse reconnu prévue à l'art. 37, al. 1, LAMal en cas de pénurie avérée de médecins Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 29 novembre 2022

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de modification de la Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal)1 que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

29 novembre 2022

Pour la commission: Le président, Albert Rösti

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RS 832.10

2022-3943

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Rapport 1

Genèse du projet

Une nouvelle formulation de l'art. 37, al. 1, LAMal2 est entrée en vigueur le 1er janvier 2022, introduisant de nouvelles conditions d'admission pour les médecins souhaitant pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (AOS). Selon la nouvelle disposition, les médecins nouvellement admis doivent avoir travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade, dans le domaine de spécialité faisant l'objet de la demande d'admission. D'après divers retours reçus des cantons, la formulation actuelle de l'art. 37, al. 1, LAMal risquerait d'entraîner une couverture sanitaire insuffisante dans le domaine des soins médicaux ambulatoires de base, notamment dans les régions périphériques, où il s'avère particulièrement difficile pour les médecins qui partent à la retraite de trouver un successeur voulant reprendre le cabinet.

À sa séance du 20 mai 2022, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), après avoir discuté de la situation précitée, a décidé, par 24 voix et avec une abstention, d'élaborer l'initiative parlementaire «Exceptions à l'obligation d'avoir exercé pendant trois ans dans un établissement suisse reconnu prévue à l'art. 37, al. 1, LAMal en cas de pénurie avérée de médecins». La commission ne remet pas en question l'idée de fond de la disposition récemment entrée en vigueur, à savoir la volonté de garantir la qualité des prestations en s'assurant que les médecins admis à pratiquer à la charge de l'AOS possèdent les connaissances du système de santé suisse. Elle considère néanmoins que, face à des situations de couverture sanitaire insuffisante parmi les fournisseurs de prestations de soins médicaux ambulatoires de base (médecins de famille, pédiatres), les cantons doivent pouvoir disposer d'une règle d'exception prévoyant une exemption de l'obligation d'avoir travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade.

Le 8 juin 2022, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a donné son approbation, par 11 voix contre 2, à l'initiative parlementaire décidée par sa commission homologue du Conseil national. La CSSS-E reconnait la nécessité d'agir et considère que dans le cas présent le recours à une initiative
parlementaire est légitime et justifié.

Le 23 juin 2022, la CSSS-N a examiné une première version d'avant-projet et elle a discuté, en présence de représentants de l'Office fédéral de la santé publique, du contenu de ce dernier. Le 18 août 2022, elle a adopté l'avant-projet, qu'elle a mis en consultation accompagné d'un rapport explicatif.

Lors de sa séance du 29 novembre 2022, la commission a pris acte des résultats de la procédure de consultation (cf. ch. 2.3), suite à quoi elle a modifié son projet. La minorité Humbel mise en consultation s'est imposée, et le concept initial n'a quant à lui

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pas été retenu. Ainsi, le projet prévoit désormais que les cantons peuvent autoriser les exceptions au cas par cas et en application directe de la loi fédérale.

La minorité Silberschmidt a par ailleurs été retirée. Par 20 voix contre 3, la commission a décidé de soumettre le projet à son conseil et d'inviter le Conseil fédéral à formuler un avis à ce sujet.

2

Contexte

2.1

Droit en vigueur

Avec son message du 9 mai 20183, le Conseil fédéral avait soumis au Parlement un projet de modification de la LAMal avec le but de renforcer la qualité et l'économicité des prestations de l'AOS en augmentant les exigences envers les fournisseurs de prestations. Parmi les différentes mesures prévues dans le cadre du projet, le Conseil fédéral proposait d'instituer une procédure formelle d'admission pour les nouveaux fournisseurs de prestations. Le Conseil fédéral prévoyait d'exiger des médecins qu'ils apportent la preuve qu'ils possèdent les connaissances du système de santé suisse nécessaires pour assurer la qualité des prestations. Une procédure d'examen aurait été prévue à cette fin. Les fournisseurs de prestations qui auraient travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade auraient été dispensés de cette procédure d'examen.

Au cours des délibérations parlementaires concernant l'objet 18.0474, la disposition d'exception (trois ans d'exercice) permettant une exemption de la procédure d'examen a été transformée en disposition de principe. Le projet décidé par le Parlement prévoit ainsi que les médecins voulant exercer à la charge de l'AOS doivent avoir travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade dans le domaine de spécialité faisant l'objet de la demande d'admission5.

Les médecins doivent également prouver qu'ils possèdent les compétences linguistiques nécessaires dans la région dans laquelle ils exercent, compétences sanctionnées par un test de langue passé en Suisse. Ce test n'est pas nécessaire pour les médecins qui sont titulaires de certains diplômes (telle une maturité gymnasiale suisse). Avec cette formulation de l'art. 37 LAMal, le législateur a voulu s'assurer que les médecins exerçant à la charge de l'AOS disposent des connaissances du système de santé suisse et qu'ils maitrisent la langue de la région où ils exercent, cela dans l'intérêt de la qualité des soins et de la sécurité des patients.

Dans le cadre de la même révision, le Conseil fédéral et le Parlement ont introduit de nouvelles règles à l'art. 55a LAMal, selon lesquelles les cantons limitent, dans un ou plusieurs domaines de spécialité ou dans certaines régions, le nombre de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires
à la charge de l'AOS. Cette disposition offre aux cantons un instrument leur permettant de réguler le nombre maximum de médecins, afin d'éviter une offre excédentaire et de maîtriser la croissance des coûts. Si la 3 4 5

Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (Admission des fournisseurs de prestations) du 9 mai 2018. FF 2018 3263.

www.parlament.ch > Travail parlementaire > Recherche Curia Vista > 18.047.

Texte soumis au vote final: FF 2020 5351.

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question d'une offre excédentaire a ainsi été réglée, il n'en va pas de même pour une situation de pénurie de médecins.

2.2

Nécessité d'agir

La nouvelle formulation de l'art. 37, al. 1, LAMal est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Par rapport à l'ancien droit, les conditions d'admission sont désormais plus strictes. Cela signifie notamment que les médecins étrangers qui arrivent en Suisse ne peuvent pas pratiquer directement à la charge de l'AOS, même s'ils sont titulaires d'un titre postgrade reconnu. Les acquis des médecins qui travaillaient déjà en Suisse, mais ne peuvent justifier d'une activité de trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade sont certes conservés (cf. al. 2 des dispositions transitoires relatives à la modification de la LAMal du 19.6.20206), mais ce maintien des droits se limite à la situation antérieure au 1er janvier 2022. Ces médecins ne peuvent ainsi pas être admis à pratiquer à la charge de l'AOS dans un autre canton ni passer d'un poste d'employé à une activité indépendante à la charge de l'AOS. A titre d'exemple, nous pouvons prendre en considération le cas d'un médecin étranger qui travaille depuis dix ans en Suisse dans une institution de soins ambulatoires dispensés par des médecins. Cet établissement n'est pas reconnu comme établissement de formation postgrade. Le médecin en question est titulaire d'une autorisation de pratiquer en tant que médecin praticien, son diplôme étranger est reconnu par la Commission des professions médicales (MEBEKO) et il souhaite s'installer à son compte dans le même canton. Malgré la longue expérience de travail en Suisse, le canton compétent ne peut pas l'admettre à la charge de l'AOS car il lui manque les trois ans d'activité dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade dans le domaine de spécialité faisant l'objet de la demande d'admission.

Le nouveau cadre juridique risque ainsi de mettre en péril la garantie des soins médicaux ambulatoires de base. Les conditions d'admission pour les médecins pourraient comporter, en l'absence d'une règle d'exception en cas de pénurie avérée, une couverture sanitaire insuffisante. Ce problème toucherait de manière plus importante les régions périphériques, où les médecins approchant de la retraite ont souvent de la peine à trouver un successeur.

Dans certaines régions de Suisse, il semblerait que des conditions de couverture médicale insuffisante existent dans certains domaines des soins
médicaux ambulatoires.

Selon une enquête nationale menée auprès des médecins de premier recours, plus du tiers des médecins ont plus de 60 ans et près du cinquième de ceux en activité sont déjà à l'âge de la retraite (64 ans et plus)7. La même recherche arrive à la conclusion que près d'un quart des cabinets de médecine de premier recours n'acceptent plus de nouveaux patients. L'étude Workforce de l'Institut bernois de médecine de premier

6 7

RO 2021 413 Obsan Bericht 15/2019 «Ärztinnen und Ärzte in der Grundversorgung ­ Situation in der Schweiz und im internationalen Vergleich», Pahud O., Analyse des International Health Policy (IHP) Survey 2019 der amerikanischen Stiftung Commonwealth Fund im Auftrag des Bundesamtes für Gesundheit (BAG).

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recours BIHAM8, constate que 14 % des cabinets du Canton de Berne ont complétement arrêté d'admettre de nouveaux patients, et 46 % ont en partie arrêté. De plus, parmi les médecins de premier recours bernois, 66 % estiment actuellement qu'il existe un sous-approvisionnement dans le domaine de la médecine de premier recours.

Dans ce contexte, la commission estime qu'il existe la nécessité d'agir et elle entend compléter les dispositions prévues à l'art. 37, al. 1, LAMal avec une règle d'exception en cas de pénurie avérée.

2.3

Procédure de consultation

La commission a soumis son avant-projet à une procédure de consultation accélérée qui a eu lieu du 26 août au 7 octobre 2022. Elle a invité les destinataires à prendre position sur l'avant-projet et le rapport explicatif. Elle a reçu au total 73 avis écrits, qui sont brièvement résumés ci-après9.

Sur le principe, la grande majorité des participants à la consultation accueillent favorablement la proposition d'une nouvelle réglementation qui a pour but de mettre à disposition des cantons une base légale leur permettant, en présence d'une couverture sanitaire insuffisante, d'autoriser des exceptions à l'obligation d'avoir exercé pendant trois ans. C'est le cas de l'ensemble des cantons ainsi que de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS). Selon cette dernière et plusieurs cantons, la règlementation doit cependant être aussi simple et flexible que possible pour être fonctionnelle et pouvoir obtenir l'effet escompté dans un délai raisonnable. Ainsi, il conviendrait de renoncer à l'établissement d'une liste des domaines de spécialité pour lesquels la règle d'exception devrait s'appliquer, afin d'éviter de limiter inutilement la flexibilité de la règle d'exception. Au cas où la commission déciderait de ne pas donner suite à la variante proposée par l'CDS, une majorité des cantons ainsi que la CDS expriment leur préférence pour la proposition de minorité Humbel mise en consultation, qui permettrait aux cantons d'autoriser des exceptions à l'obligation d'avoir exercé pendant 3 ans en se fondant directement sur le complément apporté à l'art. 37 LAMal, sans devoir édicter pour cela une règlementation normative supplémentaire au niveau cantonal. Au même titre, dans la mesure où la commission entend s'en tenir à une liste des domaines de spécialité pour lesquels la règle d'exception doit s'appliquer, le domaine de spécialité «Psychiatrie et psychothérapie» devrait y être ajouté, selon ces mêmes participants. De plus, puisque la règlementation proposée est limitée dans le temps, mais que le problème de la couverture sanitaire insuffisante ne sera probablement pas résolu d'ici 2027, il est souhaité qu'une procédure législative ordinaire soit engagée afin de compléter l'art. 37 LAMal. 4 cantons acceptent néan8

9

Stierli, R., Rozsnyai, Z., Felber, R., Jörg, R., Kraft, E., Exadaktylos, AK., Streit, S.

(2021). Primary Care Physician Workforce 2020 to 2025 ­ a cross-sectional study for the Canton of Bern. Swiss Med Wkly., 10; 151.

Rapport sur les résultats de la consultation. Initiative parlementaire 22.431 Exceptions à l'obligation d'avoir exercé pendant trois ans dans un établissement suisse reconnu prévue à l'art. 37, al. 1, LAMal en cas de pénurie avérée de médecins. Disponible sur: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > Parl. ou sur: www.parlement.ch > Recherche Curia Vista > 22.431 > Consultation.

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moins la proposition de la majorité de la commission mise en consultation sans émettre de réserves, et deux saluent la limitation de la règle d'exception aux domaines de spécialité énumérés dans la proposition majoritaire mise en consultation.

Les positions des différents partis politiques divergent: Le PS et le Centre privilégient la proposition de la minorité Humbel mise en consultation, tandis que le PLR est d'avis que seul le principe selon lequel des exceptions sont possibles doit figurer dans la loi et qu'il appartient au Conseil fédéral de régler le surplus (minorité Silberschmidt mise en consultation). L'UDC estime que la psychiatrie pour enfants et adolescents ne fait partie des domaines de spécialité faisant l'objet d'une couverture insuffisante (minorité Glarner).

Du côté des associations faîtières de l'économie, seule l'USAM se veut réticent à l'encontre de la modification de l'art. 37 LAMal et privilégierait une abrogation complète de la gestion de l'admission des fournisseurs de prestations.

Les critique les plus fréquentes évoquées par les associations de fournisseurs de prestations portent principalement sur l'énumération des domaines de spécialité tombant sous le coup de l'exception ainsi que sur l'ensemble des critiques déjà évoquées par la CDS et les cantons. Cinq associations de fournisseurs de prestations soulignent qu'il ne faut rien changer à la compétence des cantons en matière d'admission et rejettent par conséquent explicitement la minorité Silberschmidt mise en consultation. Elles se prononcent également contre la suppression de la psychothérapie pour enfants et adolescents (minorité Glarner). Cinq associations sont d'avis que les cantons doivent pouvoir agir avant même qu'une pénurie existe et qu'une exception doit pouvoir être accordée déjà en cas de pénurie prévisible. Il a également été énoncé que la règlementation devrait laisser une marge de manoeuvre aux cantons, afin de pouvoir prendre en compte non seulement les particularités intercantonales, mais aussi les spécificités régionales au sein même des cantons. Il a également été relevé qu'il existe un risque que les cantons interprètent la notion de couverture insuffisante de manière très différente, ce qui pourrait entraîner des disparités importantes.

Les avis des associations d'assureurs sont partagés:
curafutura salue le fait que l'exception ne s'adresse qu'à un cercle défini de fournisseurs de prestations et privilégie la proposition de la minorité Humbel mise en consultation qui se veut plus flexible quant à son application, alors que santésuisse est d'avis qu'il appartient aux cantons de développer des solutions concernant la pénurie de médecins et qu'il convient de définir des critères et de principes méthodologiques à appliquer pour déterminer l'existence ou non d'une pénurie.

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Présentation du projet

La commission propose de compléter l'art. 37 LAMal avec un nouvel alinéa 1bis qui permettrait aux cantons, en cas d'offre sanitaire insuffisante d'autoriser à exercer à la charge l'AOS des prestataires de soins ne disposant pas des trois ans d'activité exigés par l'art. 37, al. 1, LAMal. Si un canton constate que l'offre de soins est insuffisante sur son territoire, il pourrait autoriser des exceptions au car par car en application directe de la loi fédérale, sans devoir édicter pour cela une règlementation normative supplémentaire au niveau cantonal. Selon la commission, cette solution a l'avantage 6 / 12

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de pouvoir permettre une application rapide. Toutefois, la CSSS-N entend limiter la présente règle d'exception aux domaines des soins de base ambulatoires suivants: médecins généralistes, pédiatres, psychiatres et psychothérapeutes de l'enfance et de l'adolescence. Ainsi, un canton pourrait exceptionnellement admettre, dans l'un de ces domaines, un fournisseur de prestation qui ne répond pas à la condition requise des trois années d'expérience de sorte à éviter que la couverture en soins ne devienne insuffisante.

La CSSS-N a décidé de ne pas préciser de manière explicite la notion d'offre de soins insuffisante, laissant volontairement une marge d'appréciations aux cantons. Ces derniers ont la responsabilité d'assurer la garantie de la couverture sanitaire dans leur territoire. Ils doivent donc être en mesure de définir eux-mêmes s'il existe une situation de pénurie avérée.

La commission a fait le choix de limiter la règle d'exception prévue à l'art. 37, al. 1bis, nLAMal aux domaines des soins de base ambulatoires. Initialement, la commission avait prévu de limiter son projet aux médecins généralistes et aux pédiatres. Dans le cadre des discussions, plusieurs voix se sont levées au sein de la commission pour signaler la nécessité d'intervenir pour pallier au risque d'une couverture insuffisante également dans le domaine de la psychiatrie et de la psychothérapie de l'enfance et de l'adolescente. La majorité de la CSSS-N a ainsi décidé d'inclure ce diplôme aussi parmi ceux qui pourraient bénéficier de la règle d'exception.

3.1

Proposition de minorité

Une minorité (Glarner, Amaudruz, de Courten, Nantermod, Schläpfer, Tuena) soutient le projet de la majorité de la CSSS-N dans son ensemble, mais souhaite limiter les exceptions aux médecins généralistes et aux pédiatres, en excluant ainsi les psychiatres et les psychothérapeutes de l'enfance et de l'adolescence.

4

Commentaire des dispositions

Art. 37, al. 1bis L'al. 1bis prévoit une règle d'exception applicable à l'exigence relative aux trois ans d'activité dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade. Cette règle n'est toutefois valable que pour certains domaines de spécialité déterminés et uniquement dans le cas où la couverture sanitaire se révèle être insuffisante. Ainsi, un canton peut exceptionnellement admettre un fournisseur de prestations qui ne répond pas à la condition requise des trois années d'expérience de sorte à éviter que la couverture en soins ne devienne insuffisante. L'exception prévue à l'al. 1bis vaut donc pour les domaines de spécialité dans lesquels les cantons estiment que la garantie des soins médicaux pouvant être prodigués à la population est mise en péril. C'est précisément dans ces cas que les conséquences de l'exigence relative aux trois ans d'activité dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade se font directement ressentir ou s'annoncent particulièrement problématiques.

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La loi ne précisant pas explicitement la notion d'offre de soins insuffisante, celle-ci doit être laissée à l'appréciation des cantons. Pour déterminer les cas de couverture sanitaire insuffisante, les cantons pourront s'appuyer sur un faisceau d'indicateurs. A ce titre, il convient d'évoquer les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la limitation des admissions selon l'art. 55a LAMal, soit l'ordonnance sur la fixation de nombres maximaux de médecins qui fournissent des prestations ambulatoires10. Bien que cette ordonnance définisse les critères et principes méthodologiques permettant aux cantons d'intervenir en cas de couverture sanitaire surabondante, les éléments analytiques qu'elle prévoit peuvent également constituer une base permettant aux cantons d'identifier une couverture sanitaire insuffisante.

Plus précisément, l'ordonnance prévoit les trois éléments suivants sur lesquels les cantons peuvent s'appuyer: l'offre médicale effective par domaine et par région évaluée par les cantons, les taux de couverture en soins par domaine et par région qui seront publiés dans une ordonnance du Département fédéral de l'intérieur (DFI), ainsi que les facteurs de pondération définis par les cantons pour tenir compte des éléments justificatifs du besoin objectif en soins qui ne peuvent être pris en compte dans le modèle national utilisé pour l'estimation des taux de couverture en soins.

En effet, les taux de couverture en soins ne permettent pas à eux seuls d'apprécier la situation sanitaire mais doivent être complétés avec une évaluation de l'offre médicale effective et ajustés à l'aide de facteurs de pondération qui seront définis par les cantons. À cet égard, il est possible de se référer à l'ordonnance du DFI sur la fixation des taux régionaux de couverture des besoins en prestations médicales ambulatoires par domaine de spécialisation adoptée le 28 novembre 2022 ainsi qu'au rapport explicatif sur la méthode de calcul des taux de couverture11.

L'al. 1bis consiste en une exception qui s'applique uniquement à la condition relative aux trois ans d'expérience dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade. Dès lors, l'exception inscrite à l'al. 1bis ne s'applique en aucun cas à la condition relatives aux compétences linguistiques, laquelle doit impérativement être remplie par tous
les fournisseurs de prestations. Selon l'art. 38, al. 1, let. c, de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (OAMal)12, ils doivent également remplir les exigences en matière de qualité définies à l'art. 58g OAMal.

L'al. 1bis, let. a et b, précise en outre que seuls les fournisseurs de prestations disposant d'un seul titre postgrade dans chacune des deux spécialités médicales mentionnées (médecine interne générale et médecin praticien) peuvent bénéficier de la disposition d'exception. En effet, de nombreux spécialistes sont susceptibles de disposer d'un titre postgrade en médecine interne générale ou de médecin praticien et pourraient donc également bénéficier de l'exception prévue à l'al. 1bis, ce qui contournerait le but de la règlementation en cas de couverture sanitaire insuffisante. Cette précision vaut également pour les fournisseurs de prestations disposant d'un titre étranger reconnu équivalent selon l'art. 21 de la loi sur les professions médicales (LPMéd)13.

10 11 12 13

RS 832.107 www.bag.admin.ch > Assurance >Assurance-maladie > Fournisseurs de prestations > Nombres maximaux de médecins.

RS 832.102 RS 811.11

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Art. 37, al. 2 L'al. 2 est complété par la mention de l'al. 1bis afin que les fournisseurs de prestations tombant sous le coup de l'exception soient également susceptibles de pratiquer dans les institutions visées à l'art. 35, al. 2, let. n, LAMal.

Art. 37, al. 3 Les fournisseurs de prestations tombant sous le coup de l'exception prévue à l'al. 1bis doivent également s'affilier à une communauté ou à une communauté certifiée. Dès lors, il y a lieu de les mentionner dans l'al. 3.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

L'objectif de cette nouvelle règlementation est de permettre aux cantons de disposer d'un instrument efficace en cas de couverture sanitaire insuffisante. Pour les personnes qui souhaitent exercer une activité indépendante à la charge de l'AOS dans ces spécialités médicales en question, l'obligation d'apporter la preuve d'une activité de trois ans au moins dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade dans le domaine de spécialité demandé est supprimée. Il est donc possible que davantage d'admissions seront prononcées dans les domaines de spécialité concernés pendant la période de validité de l'art. 37, al. 1bis, nLAMal. Du point de vue des cantons, il s'agit toutefois d'éviter une couverture sanitaire insuffisante et de garantir en premier lieu que des successeurs pour les cabinets médicaux de premier recours soient trouvés. Il ne faut donc pas s'attendre à des coûts supplémentaires significatifs à la charge de l'assurance obligatoire des soins, du moins si les cantons font preuve de retenue dans l'application de la réglementation d'exception. Il n'y aura pas non plus de conséquences significatives pour les subsides que la Confédération accorde aux cantons en vertu de l'art. 66, al. 2, LAMal pour réduire les primes des assurés.

5.2

Conséquences pour les cantons

La nouvelle réglementation proposée donne aux cantons la compétence de délivrer des autorisations d'exercer à la charge de l'AOS en cas d'offre de soins insuffisante, et ce sans devoir apporter la preuve d'une activité de trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade dans le domaine de spécialité demandé. Les domaines de spécialité concernés sont la médecine interne générale comme seul titre postgrade, le médecin praticien comme seul titre postgrade, la pédiatrie ainsi que la psychiatrie et la psychothérapie d'enfants et d'adolescents. La mise en oeuvre entraine ainsi ponctuellement une charge de travail supplémentaire pour les cantons. Cette mesure leur permet toutefois d'éviter une situation de couverture sanitaire insuffisante dans les domaines de spécialité concernés et d'assurer ainsi une couverture médicale complète sur leur territoire.

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5.3

Autres conséquences

En cas de couverture sanitaire insuffisante dans un domaine de spécialité mentionné, la couverture médicale des assurés sera améliorée.

D'autres conséquences ne sont pas à prévoir.

6

Relation avec le droit européen

Aux termes de l'art. 3 du Traité sur l'Union européenne (TUE)14, l'Union a pour mission de promouvoir la justice et la protection sociales. La libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union est fixée à l'art. 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)15. L'accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP)16, d'autre part, est entré en vigueur le 1er juin 2002. Son objectif est notamment d'accorder aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant ainsi que le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (art. 1, let. a, ALCP). L'art. 1, let. d, de l'accord fixe également comme but que les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux soient accordées aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse. Ainsi et conformément à l'annexe I de l'accord, il est prévu que les ressortissants d'une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d'une autre partie contractante ne sont pas discriminés en raison de leur nationalité (art. 2 ALCP) et que le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti (art. 4 ALCP). L'accord prévoit par conséquent à son art 7, let. a, que les parties contractantes règlent notamment le droit à l'égalité de traitement avec les nationaux en ce qui concerne l'accès à une activité économique et son exercice ainsi que les conditions de vie, d'emploi et de travail.

La libre circulation des personnes requiert une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 48 TFUE. Le droit de l'Union ne prévoit pas l'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres conservant la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement (CE) no 883/200417 et par son règlement d'application no 987/200918, que la Suisse est tenue d'appliquer en vertu des art. 8 et 16, al. 1, et de l'annexe II ALCP.

Le droit européen établit des normes en matière de libre circulation des personnes, mais pas d'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale. Au regard de

14 15 16 17 18

JOCE. C 191 du 29 juillet 1992.

JOUE. C 306 du 17 décembre 2007.

RS 0.142.112.681 RS 0.831.109.268.1 RS 0.831.109.268.11

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l'ALCP, la Suisse demeure par conséquent libre de régler ces questions comme elle l'entend.

Selon une juridiction constante, le principe de non-discrimination interdit toute discrimination non seulement directe, mais aussi indirecte.

La règlementation adoptée par le Parlement à l'art. 37, al. 1, première phrase, LAMal ­ en vigueur depuis le 1.1.2022 ­ selon laquelle les médecins doivent avoir exercé pendant au moins trois dans le domaine de spécialité demandé auprès d'un établissement suisse reconnu de formation postgrade pourrait constituer une discrimination indirecte (art. 2 ALCP en relation avec l'art. 9, par. 1, annexe I ALCP). Elle est toutefois justifiée par des motifs de garantie de santé publique, car elle permet d'une part de garantir une certaine qualité des prestations de soins et, d'autre part, de mettre à la disposition de tous des prestations médicales à un prix raisonnable grâce à une meilleure gestion des coûts de la santé (cf. consid. 9.6 de l'arrêt du TAF C-4852/2015 du 8 mars 2018). Par le biais de l'exception à l'obligation d'avoir travaillé trois ans au moins dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade, la discrimination indirecte sera atténuée à l'égard de certains domaines de spécialité. Dans ce contexte, l'intérêt d'éviter une situation de couverture sanitaire insuffisante et donc de permettre aux assurés d'avoir accès à un traitement dans un délai raisonnable est, durant la période de validité de l'art. 37, al. 1bis, nLAMal, plus important que l'intérêt lié à la preuve d'une activité de trois ans dans un établissement suisse reconnu de formation postgrade. Rien ne s'oppose à ce que le législateur procède à une telle pesée des intérêts dans ce cas.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le présent projet se fonde sur l'art. 117 Cst., qui accorde à la Confédération une compétence étendue en matière d'organisation de l'assurance-maladie.

7.2

Délégation de compétences législatives

Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions d'exécution de la LAMal (art. 96 LAMal).

7.3

Forme de l'acte à adopter

La nouvelle réglementation de l'art. 37, al. 1bis, 2 et 3 nLAMal doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale urgente limitée dans le temps. Aux termes de l'art. 165, al. 1, Cst., une loi fédérale peut être déclarée urgente lorsque son entrée en vigueur ne souffre aucun retard. L'urgence est dans ce cas motivée par une menace de couverture sanitaire insuffisante dans certains domaines de spécialité médicale, ce qui peut aggraver la situation des assurés en matière de soins. Une loi fédérale urgente peut entrer 11 / 12

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en vigueur avant que la situation ne s'aggrave et offre la possibilité de garantir aux assurés l'accès à un traitement dans un délai raisonnable.

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