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Procédure d'évaluation du nouvel avion de combat Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 9 septembre 2022 Avis du Conseil fédéral du 9 décembre 2022

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 9 septembre 2022 concernant la procédure d'évaluation du nouvel avion de combat1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 décembre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

Le 30 juin 2021, le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur de l'avion de combat américain F-35A. Il a fondé sa décision sur un processus d'évaluation approfondi et systématique qui a duré de 2018 jusqu'au choix du type, en juin 2021. En résumé, parmi tous les candidats évalués, le F-35A est non seulement le modèle le plus avancé techniquement parlant, mais est aussi, et de loin, le plus avantageux.

Le 16 novembre 2021, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a décidé d'étudier la légalité et l'opportunité de la procédure d'évaluation.2 Le 9 septembre 2022, elle a publié son rapport dans lequel elle déclare: «L'évaluation technique s'est déroulée conformément au droit et armasuisse a pris les mesures nécessaires pour garantir l'égalité de traitement des soumissionnaires et une procédure objective et compréhensible. La nouvelle méthode d'évaluation qui a été choisie (méthode AHP) était, elle aussi, conforme au droit.»3 La CdG-N constate également «que, lors de la procédure, le Conseil fédéral s'est fondé sur les dispositions légales ainsi que sur les exigences politiques qu'il avait luimême définies. Le droit des marchés publics lui laisse globalement une grande marge de manoeuvre s'agissant des acquisitions d'armement. Ainsi, en fonction de la définition des conditions-cadres, il aurait pu intégrer des réflexions politiques de portée supérieure lors du choix de l'avion de combat. Toutefois, en raison des conditions qu'il avait lui-même définies au début de la procédure, il a constaté, lorsqu'il a fallu arrêter son choix, qu'il lui était impossible de prendre en considération des réflexions de politique extérieure. Aux yeux de la CdG-N, le principal problème de cette procédure d'acquisition réside dans le fait que le Conseil fédéral a restreint d'emblée ­ et, de l'avis de la CdG-N, inutilement ­ sa marge de manoeuvre.»4 Par lettre du 9 septembre 2022, elle a invité le Conseil fédéral à se prononcer sur ses constatations et recommandations avant le 15 décembre 2022.

Le Conseil fédéral regrette que des éléments du rapport de la CdG-N aient été divulgués en juillet 2022 avant même la publication de ce dernier, alors que son élaboration n'était pas encore achevée. De telles indiscrétions nuisent aussi bien au projet d'acquisition en cours qu'aux institutions, d'autant que des contenus
publiés à un stade aussi précoce peuvent être pris pour argent comptant par l'opinion publique alors même qu'ils ne figureront pas nécessairement dans le rapport définitif.

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Communiqué de presse de la CdG-N du 16 novembre 2021: www.parlement.ch > Services > Actualités > Nouvel avion de combat: la CdG-N examine la légalité et l'opportunité de la procédure d'évaluation.

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Avis du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral a pris le 8 novembre 2017 les décisions de principe concernant l'acquisition des nouveaux avions de combat.

À cette date, il avait décidé de procéder à l'acquisition d'armement selon une procédure d'appel d'offres sur invitation et d'adjuger le marché à l'offre la plus avantageuse économiquement (art. 37 de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics5). Il considérait qu'une évaluation était nécessaire car elle devait lui fournir tous les éléments dont il avait besoin pour prendre une décision en fonction des performances de l'avion, de son prix et éventuellement de critères supplémentaires.

Il avait alors chargé le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) de planifier le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien selon les paramètres suivants: a.

le volume financier maximal affecté à la planification du renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien est de 8 milliards de francs (pour les avions de combat remplaçant les F/A-18 et les F-5 et un système de défense sol-air de longue portée);

b.

pour être en mesure de financer simultanément le renouvellement des systèmes au sol et des systèmes de conduite, l'armée doit bénéficier ces prochaines années d'un taux de croissance réel de ses moyens financiers de l'ordre de 1,4 % par an; afin que ces ressources supplémentaires puissent être affectées aux seuls investissements d'armement, l'armée doit en outre s'efforcer de stabiliser les charges de fonctionnement.

Le Conseil fédéral avait aussi chargé le DDPS de mettre au point, pour le mois de février 2018 au plus tard, plusieurs options pour la marche à suivre (décision de planification, révision de la loi sur l'armée, et autres pistes possibles).

Il avait enfin habilité le DDPS à inviter les soumissionnaires ci-après à présenter une offre d'avions de combat: Airbus (Eurofighter), Boeing (F/A-18 Super Hornet), Dassault (Rafale), Lockheed-Martin (F-35A) et Saab (Gripen).

Le 9 mars 2018, il a décidé de laisser au peuple la possibilité de s'exprimer sur cette acquisition et sur celle d'un nouveau système de défense sol-air, et chargé le DDPS d'élaborer un projet d'arrêté de planification reprenant les décisions de principe prises à l'automne 2017. Le Conseil fédéral a ensuite lancé une procédure de consultation, le 23 mai 2018, et décidé que si le référendum était demandé, la votation devrait avoir lieu dès que possible, autrement dit avant qu'il n'arrête son choix.

Cette procédure a permis de mettre en oeuvre la motion 17.3604 Forces aériennes.

Soumettre la décision de principe au peuple!, adoptée par le Parlement en 2018, et par-là de légitimer politiquement le projet à un stade suffisamment précoce et d'éviter des travaux de planification inutiles. Le Conseil fédéral avait d'ores et déjà précisé à l'époque que les crédits d'engagement pour l'acquisition des nouveaux avions de combat et du système de défense sol-air de longue portée devraient être demandés dans le cadre du message sur l'armée 2022.

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Abrogée le 1er janvier 2021; RO 2020 691.

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Le Conseil fédéral avait en outre chargé le DDPS de lancer formellement l'évaluation de ces deux projets d'acquisition en adressant des demandes aux constructeurs et, le cas échéant, aux gouvernements étrangers.

Dans le cadre des première et seconde demandes d'offre, en date respectivement des 23 mars 2018 et 10 janvier 2020, le DDPS a publié les exigences applicables à ces acquisitions6, qui portaient notamment sur les capacités requises des moyens concernés ainsi que sur le modèle de calcul de la taille de la flotte et du paquet logistique.

Les exigences définissaient en outre les conditions à remplir par les soumissionnaires ainsi que, du côté suisse, les conditions et les caractéristiques souhaitées en matière de politique de sécurité et de politique d'armement ainsi que sur le plan économique.

Le 26 juin 2019, le Conseil fédéral a soumis au Parlement le message concernant un arrêté de planification relatif à l'acquisition de nouveaux avions de combat.7 Il a également décidé, le 26 juin 2019, d'acquérir le nouveau système de défense solair de longue portée selon la procédure habituelle, sans possibilité de référendum. En raison de la corrélation évidente qui unit les deux projets, il a été décidé que son acquisition serait réalisée en parallèle avec celle des avions de combat, en coordination temporelle et technique.

Dans le message sur l'arrêté de planification8, le Conseil fédéral, conformément à sa décision de principe du 8 novembre 2017 concernant l'évaluation, le choix du type et l'acquisition du nouvel avion de combat, a indiqué au ch. 3.5 ce qui suit:

3.5

Évaluation, choix du modèle et acquisition

L'acquisition et la maintenance suivent les principes de concurrence et d'économicité énoncés par le Conseil fédéral en matière de politique d'armement. Pour l'acquisition du nouvel avion de combat (comme pour l'acquisition menée en parallèle du système de défense sol-air de longue portée), une procédure invitant à soumissionner sera appliquée.

Lors de l'évaluation, toutes les données importantes pour établir un jugement sont saisies et, dans la mesure où elles sont indiquées sous forme de valeurs empiriques, contrôlées par des tests réalisés à l'interne. C'est le cas non seulement des données touchant les performances, mais aussi des coûts ­ non seulement les coûts d'acquisition, mais l'ensemble des coûts prévisibles pendant toute la durée d'utilisation, y compris pour l'entretien, la maintenance et la remise en état (sans les programmes de maintien de la valeur, car les estimations de coûts sont peu fiables dans ce cas, et sans les coûts liés au retrait du service).

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Voir www.vbs.admin.ch > Sécurité > Armée suisse > Air2030 > Documents > Exigences relatives à l'acquisition du prochain avion de combat et d'un nouveau système de défense sol-air de longue portée > Anforderungen-Air2030-f.pdf.

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3.5.1

Évaluation

Depuis novembre 2017, des entretiens ont eu lieu avec les avionneurs, dans un premier temps avec les ministères de la défense, puis dans le cadre de groupes mixtes des ministères de la défense et des constructeurs. En juillet 2018, un premier appel d'offres appelé request for proposals a été adressé aux constructeurs.

Le 25 janvier 2019, ceux-ci ont soumis des offres pour 30 et 40 avions de combat (y c. les engins guidés et un paquet logistique défini) et calculé combien d'avions seraient nécessaires pour pouvoir assurer une permanence de quatre avions dans les airs pendant quatre semaines.

Entre avril et juin 2019, les avions ont été testés en Suisse. Par rapport à l'évaluation de 2008 et sur la base des expériences faites à l'époque (qui donnent des indices sur les données qui devraient être contrôlées), le programme de test a été optimisé, ce qui a permis de l'accélérer et donc de réduire les charges. Les avions étaient basés à Payerne, mais ont également décollé et atterri à Meiringen pour que des mesures du bruit puissent être faites aux deux endroits.

Fin 2019, un deuxième appel d'offres sera lancé. Il faudra y répondre d'ici à la fin de l'été 2020. Après analyse de ces deuxièmes offres, le rapport d'évaluation sera rédigé ­ tout en établissant un lien avec le système de défense sol-air de longue portée. Il servira de base au Conseil fédéral dans sa décision sur le modèle d'avion à acquérir.

3.5.2

Choix du modèle

Une analyse coût-utilité permet de comparer les appareils en lice.

Coûts Concernant les coûts, on tient compte non seulement des coûts d'acquisition des systèmes, mais aussi des coûts d'exploitation pendant une durée d'utilisation de 30 ans. Par contre, les coûts des éventuels programmes d'amélioration de la valeur combative et de maintien de la valeur ainsi que les coûts liés au retrait du service ne sont pas pris en compte, car les prévisions dans ces domaines sont empreintes de fortes incertitudes.

Utilité Les critères pris en compte pour l'évaluation sont les suivants: ­

efficacité (efficacité opérationnelle, autonomie lors de l'engagement), pondération de 55 %;

­

support de produit (facilité de maintenance, autonomie du support), pondération de 25 %;

­

coopération (collaboration militaire pour l'instruction, p. ex. utilisation de l'espace aérien, des aérodromes et des places de tir, infrastructure de simulation et coopération avec le fournisseur ou le gouvernement de l'État constructeur pendant l'utilisation, notamment dans les domaines de la mainte-

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nance, de la gestion des pièces détachées et du développement), pondération de 10 %; ­

participation directe de l'industrie (étendue et qualité des affaires compensatoires directes), pondération de 10 %.

Les informations collectées au cours de l'évaluation concernant les performances et les coûts des appareils en lice ne peuvent pas être rendues publiques; leur confidentialité répond à une nécessité légitime tant sur le plan militaire que commercial.

Dans le cadre des essais en vol, le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche mesure les niveaux sonores sur les sites de Payerne et de Meiringen. En s'appuyant sur ces mesures, et à l'aide de modèles, il peut aussi calculer les émissions sonores pour d'autres sites, comme par exemple celui d'Emmen. Toutes ces mesures vont être publiées et seront prises en compte dans l'évaluation des candidats.

Les Forces aériennes utilisent 2 % environ des réserves de kérosène en Suisse.

Elles sont responsables de près de 0,3 % des émissions de CO2 provoquées à l'échelle nationale par la consommation de combustibles et de carburant. L'évaluation des candidats tiendra également compte des émissions de CO2. La capacité technique d'utiliser des biocarburants ayant été avérée ces dernières années dans le cadre du trafic aérien militaire, les développements dans ce domaine sont suivis de près. Concernant la production de ces biocarburants, la Suisse se tient au principe que les plantes doivent d'abord servir de nourriture et de fourrage avant d'être transformées en carburant.

Par ailleurs, et toujours conformément à sa décision de principe du 8 novembre 2017, il a précisé au ch. 4.1.2 ce qui suit s'agissant des aspects de politique extérieure9:

4.1.2

Aspects liés à la politique extérieure

L'acquisition d'avions de combat est une affaire qui implique un volume de financement considérable. Il faut partir du principe que les gouvernements de tous les États constructeurs seront intéressés à ce que des constructeurs de leur pays remportent l'appel d'offres.

De façon générale, les exigences (performances, adéquation pour la Suisse, coûts, offres de coopération sur le plan militaire et industriel) doivent être remplies et les critères factuels sont prépondérants. Les décisions quant aux acquisitions ne doivent pas être dominées par des considérations d'une autre nature, dont pourrait pâtir la valeur utile pour l'armée. Reste que le Conseil fédéral a toute liberté dans le choix des systèmes. Des aspects de politique extérieure peuvent jouer un rôle dans la prise de décision.

Jusqu'ici, la Suisse a toujours acquis ses systèmes d'armes auprès de pays occidentaux. Pour les nouveaux avions de combat également, elle n'a invité que des constructeurs occidentaux à soumettre leurs offres. Ni le droit de la neutralité ni 9

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la politique de neutralité n'entre spécialement en ligne de compte dans le choix de l'avionneur; la Suisse est libre de choisir son fournisseur, tant que l'acquisition ne favorise pas un État impliqué dans une guerre. Elle n'est pas non plus tenue, en tant qu'État neutre, de prendre en compte les diverses alliances ou la situation politique lors de ses acquisitions.

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Recommandations de la CdG-N

3.1

Recommandation 1: maintenir la marge de manoeuvre pour les grandes acquisitions d'armement

Recommandation 1:

Maintenir la marge de manoeuvre pour les grandes acquisitions d'armement

La CdG-N demande au Conseil fédéral de prendre les mesures nécessaires afin que sa marge de manoeuvre soit préservée pour de futures acquisitions d'armement et que les questions qui se poseraient à ce sujet soient examinées suffisamment tôt; il pourrait par exemple prévoir que l'OFJ lui remette systématiquement une appréciation, dans le cadre de la consultation des offices ou de la procédure de corapport.

S'agissant de la recommandation 1, le Conseil fédéral partage dans l'ensemble l'analyse de la CdG-N. Il considère néanmoins que le recommandation 1 est satisfaite. Le Conseil fédéral décide de la marge de manoeuvre politique sur la base des dispositions légales régissant la procédure d'acquisition.

La procédure d'acquisition du nouvel avion de combat s'est tenue aux dispositions alors en vigueur de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP).10 Ces dispositions permettaient ­ comme celles actuellement en vigueur de cette loi ­ de réaliser des acquisitions sans appel d'offres dans une procédure sur invitation ou de gré à gré. En vertu de l'art. 10, al. 4, let. a, LMP, le Conseil fédéral n'est pas tenu d'appliquer le droit des marchés publics pour des acquisitions d'armement tel que des avions de combat.

Le 23 mars 2018, le DDPS a publié le cahier des charges (voir ch. 2) relatif au nouvel avion de combat et au nouveau système de défense sol-air de longue portée. Les exigences que ce cahier des charges énumérait créaient les conditions générales nécessaires au lancement et à la mise en oeuvre des deux projets. La publication des critères d'évaluation (analyse coût-utilité et méthode retenue pour déterminer l'utilité) garantissait d'emblée aux soumissionnaires une procédure d'acquisition transparente, cohérente et conforme au droit des marchés publics.

Il est dans l'intérêt aussi bien de l'autorité adjudicatrice que du soumissionnaire de définir en amont les conditions générales, car cela garantit une procédure d'acquisition codifiée et permet une communication claire avec les différents soumissionnaires.

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RS 172.056.1

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Grâce à la procédure choisie, ces derniers avaient l'assurance que dans leurs relations avec la Suisse, les règles du jeu étaient claires et qu'aucune décision ne serait prise au bénéfice ou au détriment de l'un d'eux sur des motifs ou des critères obscurs.

Comme il a été exposé au ch. 2, le Conseil fédéral a apprécié la marge de manoeuvre dont il disposait et il l'a établie clairement. Il a ainsi retenu en particulier dans le message concernant l'arrêté de planification que des aspects de politique extérieure pouvaient jouer un rôle en cas d'offres comparables. Le Parlement et le peuple ont approuvé la procédure retenue par le Conseil fédéral et les décisions qu'il a prises, en acceptant l'arrêté fédéral relatif à l'acquisition de nouveaux avions de combat.

Outre des critères techniques et objectifs clairs ­ importants pour la rectitude, la transparence et la traçabilité d'un projet d'acquisition ­, une marge de manoeuvre existe aussi pour la prise en compte d'autres considérations d'ordre politique. Si plusieurs soumissionnaires remplissent lesdits critères et si les résultats de l'évaluation n'affichent pas de différences flagrantes, ces considérations peuvent alors jouer un rôle et être intégrées dans l'évaluation globale par l'autorité décisionnelle. Si, au contraire, les résultats (relevant notamment de l'analyse coût-utilité) présentent de grandes disparités, l'autorité voit sa marge de manoeuvre réduite. Elle ne peut pas trancher sans tenir compte des résultats de l'évaluation et des critères éventuellement définis au préalable. Une décision purement politique remettrait en question le sens et le but de la procédure d'évaluation et nuirait à la crédibilité et à la réputation de l'autorité.

Aussi, les conditions générales touchant l'évaluation et les exigences spécifiquement applicables aux armements qu'il est prévu d'acquérir (performances, adéquation pour la Suisse, coûts, offres de coopération militaires et industrielles) devront-elles à l'avenir toujours être définies au préalable.

Puisqu'une marge de manoeuvre politique existe pour de telles acquisitions, il s'agit en parallèle de clarifier et de définir si et comment il faut aborder de possibles considérations politiques et quelle importance il sied de leur accorder dans le projet. La clarification de cette question doit aussi
avoir lieu lors d'une phase précoce du processus d'acquisition où d'éventuelles directives doivent être établie avec toute la transparence voulue pour que les règles du jeu soient claires et égales pour tous. Aucune disposition spéciale n'est donc nécessaire, comme le recommande la CdG-N.

Les bases légales ménagent une marge de manoeuvre politique dans le cadre des acquisitions d'armement et le Conseil fédéral va en tirer profit à l'avenir également.

Dans sa recommandation, la CdG-N propose par ailleurs d'associer à la procédure l'Office fédéral de la justice (OFJ), celui-ci lui remettant systématiquement une appréciation dans le cadre de la consultation des offices ou de la procédure de co-rapport.

Le Conseil fédéral rappelle à cet égard que cette proposition est d'ores et déjà conforme à la pratique actuelle en matière de préparation et de traitement des affaires du Conseil fédéral telle qu'elle est fixée par les directives ad hoc (classeur rouge) et que la procédure a été respectée dans le cas présent.

En effet, avant que le Conseil fédéral ne délibère sur une affaire, l'administration fédérale la prépare. L'art. 4, al. 1, de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organi-

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sation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)11 décrit le déroulement de la consultation des offices: lors de la préparation de propositions, l'office responsable invite les unités administratives concernées à donner leur avis dans un délai approprié.

Il revient donc à l'OFJ de vérifier dans le cadre de la consultation les propositions du point de vue légal. L'art. 5, al. 1, OLOGA dispose pour sa part que la procédure de co-rapport sert à préparer la décision du Conseil fédéral, et précise qu'elle doit lui permettre de concentrer ses délibérations sur les aspects essentiels de l'affaire.

3.2

Recommandation 2: prise en considération de références

Recommandation 2:

Prise en considération de références

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner comment il, ou en l'occurrence armasuisse, peut, pour les projets d'acquisition d'armement, non seulement s'appuyer sur les données des pays constructeurs et sur ses propres relevés et appréciations, mais aussi, dans la mesure du possible, demander des références à d'autres utilisateurs et les évaluer.

Le Conseil fédéral rejette la recommandation 2 dans le contexte d'une acquisition d'armement de l'ampleur d'un avion de combat, car sa mise en oeuvre n'apporterait aucune valeur ajoutée dans le cas d'une telle procédure d'achat.

L'évaluation a été conçue pour ne pas uniquement reposer sur les données des constructeurs. Ces données ont en effet été vérifiées par des essais complets, où les systèmes ont été testés en conditions réelles, donc en étant soumis à la topographie particulière de la Suisse, ce qui est nettement plus probant que des données techniques brutes.

S'appuyer sur des références fournies par d'autres pays n'a guère de sens, car cela comporte le risque de comparer des systèmes qui sont intégrés différemment dans leur système global respectif.

Le Conseil fédéral observe également qu'il est douteux qu'un pays utilisateur d'un système donné s'exprime négativement au sujet d'un constructeur alors qu'il a luimême choisi ce système, qu'il l'a déjà mis en service ou même qu'il le fabrique sur son territoire. S'appuyer sur des références ainsi obtenues présenterait le risque de s'appuyer sur des informations inexactes et acquises au prix d'une charge de travail disproportionnée eu égard à leur fiabilité.

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RS 172.010.1

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Recommandation 3: clarifier et régler suffisamment tôt la prise en considération d'aspects de politique extérieure

Recommandation 3:

Clarifier et régler suffisamment tôt la prise en considération d'aspects de politique extérieure

La CdG-N recommande au Conseil fédéral d'examiner suffisamment tôt dans quelle mesure des aspects de politique extérieure doivent être pris en considération dans les dossiers d'armement importants et, le cas échéant, de définir clairement les objectifs et la teneur des négociations menées avec d'autres États ainsi que les compétences en la matière.

Le Conseil fédéral considère que la recommandation 3 est d'ores et déjà mise en oeuvre. Comme indiqué sous ch. 3.1, les bases légales ménagent une marge de manoeuvre politique ­ comme la prise en compte d'aspects de politique extérieure ­ dans les acquisitions d'armement. Les futures acquisitions d'armement de grande ampleur seront bien entendu aussi traitées en amont par le Conseil fédéral sous l'angle de la politique extérieure.

3.4

Recommandation 4: améliorer la coordination et la communication

Recommandation 4:

Améliorer la coordination et la communication

La CdG-N recommande au Conseil fédéral, pour les acquisitions d'armement importantes, de définir plus clairement les modalités de la coordination et de l'échange d'informations en son sein mais aussi des négociations et de la communication avec les représentations des pays impliqués.

Le Conseil fédéral considère que la recommandation 4 est d'ores et déjà mise en oeuvre, les modalités de la coordination ayant été arrêtées à un stade précoce et le Conseil fédéral s'étant prononcé en conséquence. Il a du reste rappelé la procédure dans l'avis qu'il a émis relativement à la recommandation 3.

3.5

Recommandation 5: améliorer la communication

Recommandation 5:

Améliorer la communication

La CdG-N recommande au Conseil fédéral d'examiner comment impliquer le DFAE lors de la communication d'importantes décisions en matière d'acquisitions qui comprennent des aspects de politique extérieure. Dans ce contexte, elle l'invite en outre à porter un regard critique sur la pratique des entretiens de clôture.

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Concernant la première partie de la recommandation 5, le Conseil fédéral estime que la communication ayant suivi le choix des types de systèmes, assurée par le DDPS à destination des différents partenaires et groupes d'intérêt, a été préparée et réalisée de manière soigneuse et avisée, avec justement la participation du DFAE. Il réfute donc la critique de la CdG-N.

Concernant la seconde partie, le Conseil fédéral partage le point de vue de la CdG-N s'agissant de la pratique en matière d'entretiens de clôture, à savoir les entretiens finaux menés avec les soumissionnaires non retenus, qu'il serait bon de réexaminer.

Suite aux enseignements tirés du cas d'espèce et eu égard aux appréciations divergentes entre autorité adjudicatrice et soumissionnaires au sujet des entretiens de clôture, le Conseil fédéral examinera si le droit actuel permet d'y renoncer.

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