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22.078 Message relatif à la révision de la loi sur les brevets du 16 novembre 2022

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur les brevets, en vous proposant de l'adopter.

Simultanément, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2019

M 19.3228

Pour un brevet suisse en phase avec notre époque (E 4.6.2019; N 12.12.2019)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 novembre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-3675

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Condensé Grâce à ses entreprises innovantes, la Suisse figure depuis des années au premier rang de l'Indice mondial de l'innovation. La protection des inventions au moyen de brevets contribue de manière significative à ce succès. Il est donc essentiel pour la compétitivité de la Suisse que le droit des brevets soit tourné vers l'avenir et qu'il tienne compte des besoins de l'ensemble de l'économie. Le présent projet modernise le système des brevets de sorte à offrir aux acteurs suisses de l'innovation une procédure d'examen des brevets qui réponde aux standards internationaux.

Contexte Le 12 décembre 2019, le Parlement a adopté la motion 19.3228 Hefti «Pour un brevet suisse en phase avec notre époque» (motion Hefti). La motion charge le Conseil fédéral d'élaborer un projet de loi relatif à une révision du droit suisse des brevets. Ce projet doit notamment inclure un examen des brevets qui soit attrayant pour les utilisateurs, qui réponde aux standards internationaux et qui prévoie des procédures d'opposition et de recours efficaces et abordables, et instaurer un modèle d'utilité sans examen quant au fond, c'est-à-dire du contenu.

Aujourd'hui, les brevets produisant effet en Suisse sont délivrés soit par l'Office européen des brevets (OEB), soit par l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI). L'OEB examine toutes les conditions de brevetabilité, y compris la nouveauté et l'activité inventive (examen complet). Si toutes les conditions sont remplies, il délivre un brevet européen (EP). Selon la loi sur les brevets (LBI) en vigueur, l'IPI délivre un brevet suisse sans examiner la nouveauté et l'activité inventive. Seules les autres conditions à remplir pour l'obtention d'un brevet, telles que le caractère technique, la clarté et l'unité, sont examinées. La procédure d'examen est en conséquence rapide et peu coûteuse. L'envers de la médaille, toutefois, est que ni les titulaires ni les tiers ne disposent (faute d'examen de la nouveauté et de l'activité inventive) d'une évaluation fiable quant à la validité juridique du brevet examiné par l'IPI. Les parties intéressées souhaitant obtenir un brevet avec examen complet du contenu doivent ainsi se tourner vers l'OEB à Munich. En raison des démarches et des coûts que cela implique, cette voie est principalement empruntée par les grandes
entreprises. En conséquence, le brevet suisse continue de perdre en importance vis-à-vis de l'EP. Ces dernières années, la Suisse n'a délivré que quelque 750 brevets nationaux par an; à titre de comparaison, 12 000 brevets sont examinés tous les ans par l'OEB, puis validés dans notre pays.

Cette situation est surtout insatisfaisante pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont besoin d'une protection efficace des brevets au niveau suisse. Il s'agit en premier lieu de PME dont le marché primaire se trouve en Suisse et qui souhaitent se limiter au cadre juridique connu du brevet suisse. Ces entreprises montrent un grand intérêt pour un brevet suisse présentant une plus grande sécurité juridique, une option à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès.

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Contenu du projet En vue de moderniser le droit des brevets, le présent projet propose de conserver le système actuel, qui a fait ses preuves, mais de le rendre plus flexible. Comme c'est le cas aujourd'hui, l'IPI n'examinera en principe pas les demandes de brevet sous l'angle de la nouveauté et de l'activité inventive. Les demandeurs disposeront ainsi toujours d'un titre de protection partiellement examiné et moins coûteux, comme le demande la motion. Ils auront toutefois la possibilité de demander à l'IPI d'examiner l'ensemble des conditions de brevetabilité (notamment la nouveauté et l'activité inventive). Seule une telle requête spéciale débouchera sur un brevet suisse soumis à un examen complet, qui constituera une option avantageuse au brevet entièrement examiné par l'OEB et validé en Suisse.

Afin d'augmenter la sécurité juridique, le projet propose que chaque demande de brevet soit par ailleurs complétée par une recherche obligatoire. Le rapport de recherche documentera l'état de la technique dont l'invention doit suffisamment s'écarter afin d'être considérée comme inventive et donc admise à la protection. Il sera publié et classé dans le dossier du brevet pour rendre compte de l'état de la technique pertinent.

La procédure d'opposition devant l'IPI, laquelle n'a jamais été appliquée depuis son introduction, est abandonnée. Selon le projet, les décisions rendues par l'IPI pourront être examinées par un tribunal grâce à une possibilité de recours élargie. Dans le cadre de cette procédure, les tiers ayant qualité pour recourir disposeront de quatre mois pour former un recours. Seront également autorisées à interjeter un recours les organisations actives à l'échelle nationale qui poursuivent un but non lucratif (p. ex.

ProSpeciaRara).

En raison de l'introduction de l'examen complet facultatif, il convient de garantir que l'examen des critères de la nouveauté et de l'activité inventive puisse également être vérifié dans le cadre d'un recours. Le demandeur pourra saisir le Tribunal fédéral des brevets pour lui demander de se prononcer sur une décision négative rendue par l'IPI.

Enfin, le système du brevet suisse gagnera aussi en intérêt dès lors que l'anglais, qui joue un rôle important dans la science et la recherche, pourra être utilisé le plus largement possible dans les procédures de dépôt et de recours.

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Table des matières Condensé 1

2

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.2.1 Autres solutions 1.2.2 Solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

6 6 10 10 14

2

Procédure de consultation 2.1 Remarques générales 2.2 Projet envoyé en consultation 2.3 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.4 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

17 17 17 18 18

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

20

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Examen complet facultatif des brevets suisses 4.1.2 Procédures d'opposition et de recours 4.1.3 Voies de recours 4.1.4 Utilisation de l'anglais dans les procédures de dépôt et d'examen 4.1.5 Intensification de la coopération internationale sur les plans administratif et technique 4.1.6 Autres points de la révision 4.2 Adéquation des moyens requis 4.3 Mise en oeuvre

22 22 22 25 26

Commentaire des dispositions 5.1 Loi du 25 juin 1954 sur les brevets 5.1.1 Considérations générales 5.1.2 Commentaire des dispositions 5.2 Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (LIPI) 5.3 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative 5.4 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral 5.5 Loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets

31 31 31 32

Conséquences 6.1 Conséquences générales

66 66

5

6

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16 17

26 27 27 29 30

51 53 56 57

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6.2

6.3 6.4 6.5 6.6 7

Conséquences pour la Confédération 6.2.1 Conséquences financières 6.2.2 Conséquences sur l'état du personnel Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne Conséquences économiques Conséquences sanitaires et sociales Autres conséquences

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Délégation de compétences législatives 7.6 Protection des données

Table des abréviations Loi fédérale sur les brevets d'invention (Loi sur les brevets, LBI) (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Grâce à ses entreprises innovantes, la Suisse figure depuis des années au premier rang de l'Indice mondial de l'innovation1. Les brevets contribuent de manière significative à ce succès: le droit des brevets revêt donc une importance fondamentale pour l'économie suisse. Afin que notre économie reste compétitive, le droit suisse des brevets doit être soumis à un état des lieux à intervalles réguliers et, si nécessaire, adapté.

Ainsi seulement, il pourra répondre aux standards internationaux, offrir une protection attrayante aux titulaires de brevets et contribuer à maintenir la Suisse parmi les pays les plus innovants au monde.

Les brevets servent à protéger les inventions. La loi du 25 juin 1954 sur les brevets (LBI)2 ne définit toutefois pas ce qu'est une invention. Face à l'absence de définition légale, la doctrine et la jurisprudence ont élaboré une interprétation de cette notion.

Le Tribunal fédéral (TF) décrit l'invention comme un enseignement permettant d'exercer une activité technique planifiée mettant en jeu des forces de la nature maîtrisables en vue d'obtenir directement un résultat par des liens prévisibles de causalité3. En termes simplifiés, une invention est un enseignement technique nouveau, non évident4. Il ne suffit pas qu'une invention soit nouvelle pour être brevetable (art. 1, al. 1, LBI). Elle doit au contraire reposer sur une activité inventive, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas découler d'une manière évidente de l'état de la technique pour un homme de métier (art. 1, al. 2, LBI). L'invention doit par ailleurs être utilisable industriellement et ne doit faire l'objet d'aucun motif d'exclusion de la protection prévu par la loi (art. 1a, 1b et 2 LBI). Ces conditions matérielles de brevetabilité sont des standards internationaux minimaux contenues dans de nombreuses lois nationales et conventions régionales et internationales en matière de brevets.

Si les entreprises souhaitent obtenir la protection d'un brevet en Suisse, plusieurs possibilités s'offrent à elles:

1 2 3 4

5 6

­

la voie nationale par le biais de la LBI;

­

la voie européenne par le biais de la Convention du 5 octobre 1973 sur le brevet européen (CBE 2000)5, ou

­

la voie internationale par le biais du Traité de coopération du 19 juin 1970 en matière de brevets (PCT)6.

Peut être consulté à l'adresse suivante: www.wipo.int > Sources d'information (état: 15.8.2022).

RS 232.14 Arrêt du Tribunal fédéral 4A.12/1995 du 31 juillet 1996, consid. 4, dans: sic! 1997, p. 77.

Heinrich, Peter (2018): Kommentar zum schweizerischen Patentgesetz und Europäischen Patentübereinkommen. 3., überarb. Aufl. Berne: Stämpfli Verlag AG, ch. marg. 4 ad art. 1 LBI.

RS 0.232.142.2 RS 0.232.141.1

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Une demande nationale de brevet doit remplir les différentes conditions formelles et matérielles requises par la LBI et l'ordonnance du 19 octobre 1977 sur les brevets (OBI)7. L'examen des conditions de brevetabilité est effectué par l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) dans le cadre de la procédure de délivrance. L'une des particularités du droit suisse des brevets en vigueur est que dans le cadre dudit examen, l'IPI n'examine pas les deux conditions de brevetabilité déterminantes, à savoir la nouveauté et l'activité inventive de l'invention concernée8. Bien que ces deux critères soient une condition préalable à la validité juridique d'un brevet, ils ne sont pas examinés sur la base de la demande de brevet, mais seulement dans le cas d'une éventuelle action civile.

L'introduction de l'examen complet, c'est-à-dire l'examen de toutes les conditions de brevetabilité au cours de la procédure de délivrance, a été discutée à plusieurs reprises par le passé dans le cadre de révisions de la LBI. À l'occasion de la révision de 1954, la loi a introduit cet examen (appelé alors «examen préalable») pour l'industrie textile et les instruments de mesure du temps. Celui-ci devait être étendu, dans un second temps, à l'électrotechnique et à d'autres industries; il n'a toutefois jamais été mis en oeuvre. Au lieu de l'extension prévue à l'origine, l'examen complet a été entièrement supprimé en 1995, au motif que la voie européenne couvrait largement les besoins de l'économie, de sorte que la Suisse n'avait plus besoin d'examen complet9.

La CBE 2000 permet à l'Organisation européenne des brevets de mettre à la disposition de ses États membres (dont la Suisse fait partie) une procédure de dépôt et de délivrance des brevets centralisée et unifiée au niveau européen. Les entreprises ont la possibilité de déposer une demande de brevet auprès de l'Office européen des brevets (OEB), tandis que les personnes dont le siège ou le domicile se trouve en Suisse ou au Liechtenstein peuvent également le faire auprès de l'IPI. L'OEB est un organe de l'Organisation européenne des brevets, laquelle a été créée sur la base de la CBE.

Il mène une procédure centralisée de dépôt et de délivrance pour les 39 États membres actuels de l'Organisation (état: octobre 2022). Au cours de cette procédure, toutes les conditions
de brevetabilité sont examinées, y compris la nouveauté et l'activité inventive (examen complet). Une fois délivré, le brevet européen (EP) est composé d'un ensemble de brevets nationaux qui produisent leurs effets simultanément dans un grand nombre de pays européens. Les différentes parties nationales doivent alors être maintenues individuellement moyennant le paiement d'annuités. Les entreprises peuvent ainsi désigner la Suisse (y compris le Liechtenstein, avec lequel la Confédération forme un territoire unitaire de protection aux fins du droit des brevets en vertu du Traité du 22 décembre 1978 sur les brevets10) comme l'un des pays dans lesquels la protection conférée par le brevet doit produire effet. Cette procédure débouche ainsi sur un brevet valable en Suisse (et au Liechtenstein), tout comme le ferait le dépôt d'une demande nationale auprès de l'IPI, la différence principale déjà évoquée étant

7 8 9

10

RS 232.141 Cf. art. 59, al. 4, LBI Message du 18 août 1993 concernant une révision de la loi fédérale sur les brevets d'invention et un arrêt fédéral relatif à une révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens; FF 1993 III 666.

RS 0.232.149.514

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que l'EP produisant effet en Suisse (et au Liechtenstein) a été examiné du point de vue de la nouveauté et de l'activité inventive également.

Enfin, les entreprises ont la possibilité de déposer une demande internationale au sens du PCT. Ce système permet de demander la protection par brevet simultanément dans un grand nombre de pays au moyen d'une demande unique. Les demandeurs suisses peuvent déposer leur requête auprès de l'IPI (en sa qualité d'office national compétent au sens de l'art. 134 LBI), auprès de l'OEB (en sa qualité d'office régional compétent en vertu de l'art. 151 CBE 2000), ou directement auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI, art. 10 en relation avec l'art. 2, ch. xv, PCT). La demande internationale a dans tous les États contractants du PCT les mêmes effets qu'une demande nationale ou régionale. À la différence de la procédure via la CBE 2000, la voie du PCT ne prévoit pas de procédure centralisée de délivrance. La voie internationale équivaut uniquement à une centralisation de la procédure de dépôt; ce sont les autorités nationales ou régionales désignées dans la demande qui sont compétentes pour délivrer le brevet. Après avoir suivi les principales étapes de la procédure de dépôt (phase dite «internationale», qui comprend généralement au moins l'examen formel, l'élaboration du rapport de recherche internationale et la publication de la demande), le demandeur doit poursuivre la procédure devant les autorités nationales ou régionales (phase dite «nationale» ou «régionale») s'il souhaite obtenir un droit de protection national. Toute demande internationale déposée en vue d'obtenir un brevet suisse fait l'objet d'un examen matériel par l'IPI sur la base de la LBI. À l'instar de la demande nationale débouchant sur la délivrance d'un brevet suisse, elle n'est pas examinée du point de vue de la nouveauté ni de l'activité inventive.

L'examen quant au fond effectué par l'IPI est un examen restreint (du contenu): la demande passe par un examen formel, puis un examen portant sur les motifs d'exclusion (art. 1, 1a, 1b et 2 LBI), l'application industrielle et l'exposé suffisamment clair et complet de l'invention (ci-après, le brevet examiné quant au fond de cette manière est appelé «brevet partiellement examiné»). En conséquence, ni les tiers désireux de
s'opposer à un brevet suisse, ni les titulaires de brevets ne disposent d'une évaluation fiable quant à la validité juridique du titre délivré. Cela contrairement aux EP ou aux brevets nationaux soumis à un examen complet, comme les brevets délivrés en Allemagne, au Royaume-Uni, au Japon, en Corée du Sud, en Autriche, à Singapour, en Espagne ou aux États-Unis. Cette situation est surtout insatisfaisante pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont besoin d'une protection efficace des brevets au niveau suisse. Il s'agit en premier lieu de PME dont le marché primaire se trouve en Suisse et qui souhaitent se limiter au cadre juridique connu du brevet suisse. Ces entreprises montrent un grand intérêt pour un brevet suisse présentant une plus grande sécurité juridique, une option à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès. Il existe par ailleurs des entreprises pour lesquelles un brevet suisse entièrement examiné serait trop compliqué et trop cher; elles préfèrent un système de protection rapide et peu coûteux. Pour ces entreprises, un brevet partiellement examiné, c'est-à-dire sans examen de la nouveauté et de l'activité inventive, constituerait une option avantageuse en lieu et place du brevet entièrement examiné.

En raison de changements institutionnels, des progrès ou développements technologiques des autres pays, ce qui semble acquis doit être régulièrement réévalué. De cette manière seulement, il est possible de déterminer si un système éprouvé suffit toujours 8 / 82

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face à la rapide évolution des conditions-cadres, ou s'il existe des possibilités d'optimisation. En 2014, l'IPI a mandaté deux entreprises de conseil pour réaliser une étude visant à déterminer comment le système du brevet suisse pourrait continuer à s'imposer dans le paysage des brevets à l'avenir. L'étude avait pour objectif d'identifier le potentiel d'optimisation du droit suisse des brevets et de formuler des recommandations de mise en oeuvre de ces améliorations afin qu'elles profitent au grand public.

L'étude11 a été publiée le 15 mai 2015 sur le site Internet de l'IPI. Elle conclut que les utilisateurs du système des brevets interrogés souhaitent l'introduction d'un examen complet, sans toutefois perdre la possibilité de protéger rapidement et à moindres coûts les petites innovations au moyen d'un modèle d'utilité sans examen.

L'étude a été présentée aux milieux intéressés lors d'un colloque qui s'est tenu en juin 2015. Les possibilités d'optimisation identifiées ont suscité leur intérêt. Les milieux spécialisés ont créé un groupe de travail dans le but de se pencher sur d'autres pistes d'amélioration et d'examiner les possibilités de mise en oeuvre. En conclusion, le groupe de travail a, entre autres, recommandé l'introduction d'un examen complet des brevets et l'instauration d'un modèle d'utilité ainsi qu'une adaptation correspondante des procédures d'opposition et de recours. La motion 19.3228 Hefti «Pour un brevet suisse en phase avec notre époque» a repris ces trois points.

L'examen complet proposé par l'auteur de la motion permet d'offrir une protection des inventions moderne et attrayante pour les entreprises et d'harmoniser la procédure suisse de délivrance des brevets avec les standards internationaux en vigueur au sein de l'OEB et dans de nombreux pays industrialisés. Il ne s'agit toutefois pas de la modifier intégralement, mais plutôt de rendre le régime actuel, qui a fait ses preuves, plus flexible en donnant au déposant ou à toute autre personne la possibilité demander à l'IPI d'examiner la demande sous l'angle de la nouveauté et de l'activité inventive également. À la suite d'une telle requête seulement, le brevet deviendra un brevet suisse entièrement examiné, et donc une solution de rechange au EP entièrement examiné et délivré par l'OEB, puis validé en Suisse. Si aucune
requête spéciale n'est formulée, le brevet reste un brevet suisse partiellement examiné, conformément au système actuel qui permet la délivrance d'un titre de protection de manière simple et peu coûteuse.

La deuxième exigence de la motion est de garantir que l'examen des critères de la nouveauté et de l'activité inventive puisse être vérifié dans le cadre d'un recours. À l'avenir, le demandeur pourra interjeter un recours auprès du Tribunal fédéral des brevets (TFB) contre une décision négative rendue par l'IPI. Tout comme les procédures civiles en matière de brevets, les recours administratifs contre des brevets entièrement examinés sont complexes et exigent des juges un savoir technique spécialisé; en effet, l'application du droit dans ce domaine se situe à la jonction entre les domaines technique et juridique. Ces connaissances spéciales sont disponibles au sein du TFB, le tribunal spécial de la Confédération ayant compétence pour examiner les litiges de nature civile en matière de brevets. Les tiers aussi doivent pouvoir s'opposer à la délivrance de brevets suisses, notamment au motif que l'objet breveté n'est pas nouveau 11

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (éd.) (2015): Potentiels d'optimisation du système du brevet suisse. Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: > Prestations > Publications de l'IPI > No 8: Potentiels d'optimisation du système suisse des brevets (en allemand) (état: 15.8.2022).

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ou ne repose pas sur une activité inventive. Si le système proposé dans le cadre de la présente révision abandonne la procédure d'opposition introduite en 2008, laquelle n'a jamais été appliquée, il étend en revanche la possibilité de recours, de sorte que les tiers auront toujours la possibilité de faire examiner une demande en cas d'intérêt légitime. Le système du brevet suisse est ainsi aménagé de manière aussi simple que possible et constitue une option intéressante au système européen.

Le troisième objectif de la motion est qu'un titre de protection «non examiné» soit proposé comme choix au brevet entièrement examiné. Ce brevet est destiné aux entreprises pour lesquelles l'examen complet se révèle trop complexe et trop coûteux et qui souhaitent pouvoir obtenir rapidement un titre de protection abordable. Au cours de la procédure de consultation, le modèle d'utilité proposé par l'auteur de la motion n'a toutefois pas été considéré comme une véritable solution de rechange au brevet actuel, partiellement examiné, et a été rejeté par la majorité des participants. La durée de protection plus courte (10 ans au lieu de 20 ans pour le brevet actuel) et l'étendue de protection limitée à certains objets (les inventions dans les domaines biotechnologique et pharmaceutique ainsi que les substances chimiques et les procédés de toutes sortes étant exclus de la protection) ont notamment fait l'objet de critiques. Afin de mettre en oeuvre la troisième exigence de la motion, le présent projet prévoit que l'IPI continue à ne pas examiner les brevets suisses sous l'angle des conditions centrales de brevetabilité que sont la nouveauté et l'activité inventive, sauf s'il en est fait expressément la demande. La procédure actuelle sera en outre complétée par une recherche obligatoire, l'objectif étant de répondre à l'exigence d'un titre de protection non soumis à examen complet, peu coûteux et délivré de manière simple pour les PME. L'introduction d'un modèle d'utilité n'a ainsi plus lieu d'être.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

1.2.1

Autres solutions

Dans le cadre des travaux préparatoires, diverses options ont été examinées. L'étude de 2015 mentionnée au ch. 1.1 a également servi de base aux réflexions. Elle présente les possibilités d'optimisation du système national des brevets et formule différentes recommandations à cet égard, dont la principale consiste en l'instauration de l'examen complet, associée à l'introduction d'un modèle d'utilité et à l'intensification de la coopération internationale.

Ces pistes d'optimisation ont en particulier été proposées dans le cadre du sondage réalisé parallèlement à l'étude de l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) relative à la première option de mise en oeuvre de la motion Hefti (AIR I)12, mise en consultation le 14 octobre 2020. Cette option prévoyait, primo, de supprimer le brevet suisse, secundo, de le remplacer, dans sa forme actuelle, par le modèle d'utilité et, 12

Polynomics (2021): Regulierungsfolgeabschätzung zur Patentrechtsreform aufgrund der Motion Hefti 19.3228 «Für ein zeitgemässes Schweizer Patent» (RFA I). Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.ipi.ch > Droit et politique > Évolutions nationales > Droit des brevets > Révision de la loi sur les brevets > Analyse d'impact de l'avant-projet de révision de la loi sur les brevets (AIR I) (en allemand) (état: 9.9.2022).

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tertio, d'introduire l'examen complet en le combinant avec une externalisation à l'international de l'examen de certains secteurs ou domaines spécialisés.

Le présent message présente ci-après brièvement ces solutions en sus du statu quo et de l'option mise en consultation (à savoir instauration de l'examen complet, associée à l'introduction d'un modèle d'utilité) et analyse leurs avantages et inconvénients.

Le ch. 6 «Conséquences» aborde dans le détail les résultats de l'AIR relative au projet dont la mise en oeuvre est proposée dans le cadre de la présente révision (AIR II)13.

a) Statu quo La LBI n'est pas révisée, car l'actuel système du brevet suisse a fait ses preuves. La majorité des brevets valables en Suisse sont inscrits au registre suisse alors qu'ils sont issus de demandes EP soumises à un examen complet. L'IPI propose une solution de rechange meilleur marché, celle du brevet suisse partiellement examiné (examen restreint du contenu qui se base sur les motifs d'exclusion au sens des art. 1, 1a, 1b et 2 LBI, à savoir l'application industrielle et l'exposé suffisamment clair et complet de l'invention; la nouveauté et l'activité inventive ne sont pas examinées dans le cadre de la procédure de délivrance). Le statu quo a l'avantage de n'occasionner aucuns coûts liés au changement de système pour les parties prenantes.

Cette option présente par contre l'inconvénient de ne pas offrir au législateur l'occasion d'optimiser le système existant et d'en améliorer ainsi le rapport coûts-avantages.

La procédure de consultation a en outre montré qu'une grande majorité des participants (cantons, partis politiques et différentes parties intéressées) consentent à une révision de la LBI et accueillent favorablement une modernisation de la procédure d'examen des brevets. À cela s'ajoute le fait que le mandat du Parlement n'est pas concrétisé (prévoir un examen des brevets qui soit attrayant pour les utilisateurs et qui réponde aux standards internationaux, garantir des procédures d'opposition et de recours efficaces et abordables et instaurer un modèle d'utilité sans examen du contenu), raison pour laquelle le statu quo ne constitue pas une solution envisageable.

b) Abandon du brevet suisse Cette option priverait les utilisateurs de la possibilité de déposer et d'enregistrer un brevet national en
Suisse. Tous les brevets protégeant des inventions en Suisse seraient issus de demandes EP examinées par l'OEB. Une autre option serait celle des demandes internationales, appelées demandes euro-PCT, pour lesquelles l'OEB est l'office désigné. Cette possibilité présente un intérêt avant tout pour les entreprises désireuses de déposer aussi, de façon efficace, des brevets hors de l'Europe et serait juridiquement plus sûre que le statu quo. Elle permettrait de soumettre tous les nouveaux brevets à un examen complet et d'unifier la procédure d'opposition (devant l'OEB). Environ 95 % des brevets produisant des effets en Suisse sont déjà délivrés par l'OEB.

13

Polynomics (2022): Ergänzende Regulierungsfolgeabschätzung zur Patentrechtsreform aufgrund der Motion Hefti 19.3228 «Für ein zeitgemässes Schweizer Patent» (RFA II).

Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.ipi.ch > Droit et politique > Évolutions nationales > Droit des brevets > Révision de la loi sur les brevets > Analyse d'impact de l'avant-projet de révision de la loi sur les brevets (AIR II) (en allemand) (état: 9.9.2022).

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Un inconvénient majeur de cette option réside dans le fait qu'elle n'offrirait plus de solution de remplacement rapide et bon marché au EP sous la forme du brevet national suisse actuel. Elle ne permettrait donc pas de mettre en oeuvre le souhait exprimé dans la motion Hefti, à savoir renforcer le système du brevet suisse. Lors de la consultation, des craintes ont également été exprimées quant au risque de marginalisation de la Suisse (qui n'est pas membre de l'UE) au sein de l'Organisation européenne des brevets. En effet, l'Organisation, dont l'OEB est l'organe exécutif, s'aligne de plus en plus sur les États membres de l'UE. Cette évolution serait susceptible d'entraîner une perte d'influence de la Suisse sur le système du brevet européen. L'instauration d'un régime national des brevets solide pourrait, d'une part, compléter les systèmes européen et international des brevets existants et, d'autre part, contribuer à accroître la marge de manoeuvre de la Suisse. Si cette dernière devait, à la suite de développements à l'échelle internationale, assurer l'examen complet seule au niveau national, la solution proposée lui permettrait d'être armée pour le faire. En considération de ce qui précède, l'abandon du brevet suisse ne constitue pas une réelle solution.

c) Instauration d'un modèle d'utilité pour remplacer l'actuel brevet suisse L'actuel brevet suisse est soumis à un examen restreint quant au fond (examen partiel), qui porte sur les motifs d'exclusion prévus aux art. 1, 1a, 1b et 2 LBI), à savoir l'application industrielle et l'exposé suffisamment clair et complet de l'invention. La nouveauté et l'activité inventive ne sont pas examinées. Pour ne pas conférer à un tel titre de protection partiellement examiné le même statut juridique que celui du brevet européen avec examen complet, on pourrait envisager de le remplacer par un modèle d'utilité. Cette option, selon la façon dont ce dernier serait conçu, se rapprocherait fortement du statu quo. Les déposants qui se satisfont de la protection offerte par ce titre bénéficieraient ainsi de frais moindres et de procédures simplifiées. Le modèle d'utilité permettrait aussi d'atteindre un objectif important exprimé dans la motion Hefti en donnant aux PME qui n'ont pas besoin d'une vaste protection géographique la possibilité de protéger leurs inventions
de façon simple en Suisse.

En se concentrant sur le modèle d'utilité, le législateur manquerait l'occasion d'aligner le système suisse des brevets sur ceux de nombreux autres États qui disposent de brevets nationaux entièrement examinés. La grande majorité des participants qui se sont exprimés sur l'introduction du modèle d'utilité dans le cadre de la consultation l'ont rejeté. Ils justifient ce rejet notamment par les inconvénients majeurs que présenterait le remplacement du brevet suisse actuel (partiellement examiné) par un modèle d'utilité pour les entreprises. La durée de protection plus courte (10 ans au lieu de 20 ans pour le brevet actuel) et l'exclusion de certains objets de protection (les inventions dans les domaines biotechnologique et pharmaceutique ainsi que les substances chimiques et les procédés de toutes sortes) ont notamment fait l'objet de critiques. Les participants ont par ailleurs fait valoir que la Suisse resterait dépendante de l'OEB pour l'examen et la délivrance des brevets. Dans l'ensemble, le modèle d'utilité serait à leurs yeux moins attrayant pour les PME que le brevet suisse actuel, de sorte que son introduction conduirait à une détérioration par rapport au statu quo.

Dès lors, le remplacement du brevet suisse actuel par un modèle d'utilité ne constitue pas une option satisfaisante.

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d) Introduction de l'examen complet avec externalisation de l'examen pour certains secteurs ou domaines spécialisés Cette option prévoit un examen complet par des institutions partenaires étrangères pour certains secteurs ou domaines spécialisés. Les critères de la nouveauté et de l'activité inventive ne seraient donc pas intégralement examinés en Suisse.

Cette approche permettrait, d'une part, de décharger la Division des brevets de l'IPI.

Elle lui offrirait, d'autre part, la possibilité d'externaliser, si nécessaire, l'examen de l'intégralité de certains domaines techniques à d'autres offices et de bénéficier ainsi d'avantages en termes d'efficacité. Cette démarche permettrait en outre un passage progressif à l'examen complet et faciliterait ainsi son introduction.

L'inconvénient de cette solution réside dans le fait que l'autorité étrangère chargée de l'examen ne connaît pas bien la législation suisse. Les conditions d'examen sont certes relativement harmonisées au niveau international, mais l'examen s'effectue selon le droit des brevets de chaque État. En outre, le besoin de coordination international en cas d'externalisation ne ferait que croître, et l'externalisation des travaux d'examen ainsi que la reprise de résultats soulèveraient surtout la problématique de la qualité du travail externalisé. Enfin, la dépendance de l'IPI à l'égard de ses institutions partenaires augmenterait. En conséquence, la demande des milieux économiques exprimée dans la motion Hefti, à savoir le renforcement du système du brevet suisse, ne serait pas satisfaite. L'introduction de l'examen complet avec externalisation de l'examen pour certains secteurs ou domaines spécialisés ne constitue donc pas une véritable solution de rechange au brevet actuel.

e) Introduction de l'examen complet avec instauration d'un modèle d'utilité (variante mise en consultation) Cette option prévoyait d'instaurer, comme option et en complément au brevet soumis à un examen complet, un modèle d'utilité «non examiné» à la durée de protection limitée. Ce titre de protection aurait eu vocation à remplacer l'actuel brevet suisse partiellement examiné. Les entreprises pour lesquelles un examen complet s'avère trop long et trop coûteux auraient pu se voir délivrer, comme sous le droit actuel, rapidement un titre de protection abordable. Le
modèle d'utilité, souvent appelé «petit brevet» à l'étranger, vise à couvrir les cas dans lesquels les parties intéressées ne peuvent pas ou ne souhaitent pas, pour des raisons de temps ou de coûts, protéger leur invention au moyen d'un brevet soumis à un examen complet. Ce système proposant deux titres de protection offre plus de choix aux entreprises.

Or il est ressorti de la consultation que l'introduction de l'examen complet associée à l'instauration d'un modèle d'utilité est jugée trop rigide. Ce dernier se caractérisant par une courte durée de protection (10 ans) et n'étant pas disponible dans tous les domaines techniques, il n'a pas été considéré par les milieux consultés comme une option avantageuse à l'actuel brevet partiellement examiné. Les participants à la consultation se sont exprimés en faveur d'un examen flexible, qui viendrait compléter le système actuel éprouvé en offrant un choix, à savoir que la demande de brevet soit examinée sous l'angle de la nouveauté et de l'activité inventive également sur requête seulement. En l'absence d'une telle requête, un brevet partiellement examiné est délivré. Eu égard à ces considérations, l'option mise en consultation n'est donc pas susceptible de recueillir la majorité.

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f) Autres points de la révision Les autres points de la révision s'imposent chacun pour des raisons différentes et sont abordés aux ch. 4.1.4 à 4.1.6. Une présentation des diverses possibilités de mise en oeuvre n'est dès lors pas nécessaire.

1.2.2

Solution retenue

En raison de la nécessité d'agir exposée plus haut, le projet législatif vise essentiellement à: ­

Revaloriser le brevet suisse: dans le système actuel, seuls les motifs d'exclusion (art. 1, 1a, 1b et 2 LBI), à savoir l'application industrielle et l'exposé clair et complet de l'invention, font l'objet d'un examen (examen partiel). La nouveauté et l'activité inventive ne sont pas examinées. Cet examen restreint, qui présente des avantages en termes de temps et de coûts, a fait ses preuves par le passé, mais comporte aussi des désavantages considérables. Les titulaires de brevets peu expérimentés, par exemple, croient souvent à tort qu'une fois enregistré, leur brevet a automatiquement force juridique, car il est examiné et délivré par l'IPI. Dans les faits, les brevets n'ayant pas été examinés quant à la nouveauté et à l'activité inventive sont souvent contestés en justice par des tiers par la voie d'une action en nullité (art. 26 LBI). En conséquence, l'examen de la validité juridique du brevet suisse s'effectue souvent dans le cadre d'une procédure civile. Une procédure judiciaire engendre des incertitudes et des coûts importants pour les parties prenantes. Ces incertitudes ont notamment pour conséquence que de nombreux demandeurs préfèrent choisir un brevet européen entièrement examiné plutôt que de déposer une demande de brevet nationale. Depuis l'adhésion de la Suisse à la CBE, le brevet suisse a perdu de son importance. Ces dernières années, seuls quelque 750 brevets nationaux ont ainsi été délivrés chaque année par l'IPI. Parmi les 146 716 brevets en vigueur en Suisse au 31 décembre 2021, les brevets suisses ne représentent que 5 % environ (6623), la grande majorité des brevets étant des EP produisant effet en Suisse (140 093). À l'inverse, le nombre de demandes de brevet en provenance de Suisse déposées auprès de l'OEB a augmenté (8112 en 2020). Afin de remédier à cette situation, le projet de loi prévoit de donner la possibilité aux entreprises de demander en Suisse un brevet entièrement examiné.

­

Assouplir la procédure d'examen en proposant un examen complet optionnel: il est proposé de rendre le système actuel, qui a fait ses preuves, plus flexible.

Le déposant ou toute autre personne pourra demander à l'IPI d'examiner la demande du point de vue de la nouveauté et de l'activité inventive également.

À la suite d'une telle requête seulement, le brevet deviendra un brevet suisse entièrement examiné, et donc une option avantageuse à l'EP. Le brevet entièrement examiné demandé par la motion Hefti est donc réalisé sous cette forme, ce qui conduit à une revalorisation du système du brevet suisse.

­

Recherche obligatoire pour chaque demande de brevet: afin de renforcer la sécurité juridique, comme le demande la motion, chaque demande de brevet

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sera, selon le présent projet, complétée par une recherche obligatoire. Le rapport de recherche sera publié et classé dans le dossier du brevet pour rendre compte de l'état de la technique pertinent. Les tiers et les tribunaux confrontés au brevet (tout comme les demandeurs eux-mêmes) disposeront ainsi d'une évaluation fiable quant à la nouveauté de l'invention et à son caractère inventif par rapport à l'état de la technique (activité inventive). Ces informations permettront de déterminer plus facilement si l'invention est brevetable. Les modifications proposées privent certes les PME suisses de la possibilité d'obtenir commodément des titres de protection simples et peu coûteux pour leurs développements techniques, alors qu'ils ne seraient en principe pas admissibles à la protection (parce qu'ils ne répondent pas aux critères de la nouveauté et de l'activité inventive). Aujourd'hui, de tels brevets suffisent pour mettre en demeure des concurrents. Comme les grandes entreprises dotées de services juridiques propres ne se laissent guère impressionnées par ce genre de brevets, ces mises en demeure se font surtout au détriment d'autres PME suisses. C'est pourquoi le Conseil fédéral doit procéder à une pondération des intérêts. Selon la dernière enquête sur l'innovation14 du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF), on estime que quelque 20 000 entreprises en Suisse, majoritairement des PME, investissent dans des activités de recherche, de développement et d'innovation et sont, de ce fait, en contact avec le système des brevets. Il y a lieu de penser que parmi ces 20 000 compagnies, 1000 environ, avant tout des PME actives principalement sur le marché suisse, déposent ou détiennent des brevets suisses. Il convient de mettre en regard de ces 1000 PME qui sont susceptibles de voir un avantage éventuel dans les mises en demeure fondées sur des brevets «boiteux» les 19 000 PME innovantes qui bénéficieraient de la recherche obligatoire parce qu'elles pourraient évaluer plus facilement la validité des brevets auxquels elles sont confrontées. Au regard de cette comparaison, le Conseil fédéral estime que, globalement, l'intérêt de ces PME innovantes (et celui d'une sécurité juridique accrue) l'emportent, raison pour laquelle il propose cette modification.

14

­

Renoncer à l'introduction d'un modèle d'utilité: en règle générale, l'IPI continuera à délivrer des brevets suisses sous leur forme actuelle, c'est-à-dire sans examen quant à la nouveauté et à l'activité inventive (mais complété avec une recherche obligatoire). L'obtention d'un titre de protection pour les PME grâce à une procédure simple, peu coûteuse et sans examen complet demandée par la motion est ainsi mise en oeuvre ou plutôt maintenue. Cette solution rend superflue l'introduction d'un modèle d'utilité.

­

Remplacer la procédure d'opposition par une possibilité de recours élargie: la procédure d'opposition existe depuis 2008. Elle a été introduite en même temps que les dispositions relatives à la brevetabilité des inventions biotechnologiques. Son objectif principal était de protéger le public contre les brevets délivrés à tort. L'opposition garantissait ainsi un contrôle peu coûteux de la SEFRI (éd.) (2020): Innovation in der Schweizer Privatwirtschaft ­ Ergebnisse der Innovationserhebung 2018. Bern. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.sbfi.admin.ch > Publications et services > Publications > Base de données des publications (en allemand; état: 9.9.2022).

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pratique de délivrance de l'IPI. Elle n'a toutefois jamais été appliquée jusqu'à présent. La majorité des parties à la consultation s'est exprimée en faveur d'une réduction des voies de recours existantes de trois à deux instances. Dans ce contexte, et notamment en vue d'améliorer l'efficacité de la procédure, l'opposition est remplacée par une possibilité de recours élargie.

Sur le modèle de l'ancienne procédure d'opposition, les tiers pourront également interjeter un recours. Dans un souci d'accélération de la procédure, ils disposeront d'un délai plus court que le délai d'opposition actuel, mais plus long que le délai de recours habituel de 30 jours (cf. art. 50, al. 1, de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA]15), l'analyse d'un brevet publié étant chronophage. Les tiers pourront donc former un recours dans les quatre mois qui suivent la publication du brevet. En outre, un droit de recours est accordé à certaines organisations qui poursuivent un but non lucratif. Il ne leur est toutefois donné qu'à condition que le brevet enregistré concerne un domaine technique couvert depuis au moins cinq ans par leur but statutaire.

­

Institution du TFB en tant qu'instance de recours contre les décisions de l'IPI en matière de brevets: le projet prévoit que le TFB devienne l'instance de recours contre les décisions de l'IPI en lien avec les brevets. En sa qualité de tribunal spécial de la Confédération pour les litiges civils en matière de brevets, il dispose déjà des connaissances juridiques et surtout techniques nécessaires à l'évaluation des décisions d'enregistrement prises par l'IPI. En raison des exigences élevées et du nombre relativement faible de cas, l'acquisition de cette expertise au sein du Tribunal administratif fédéral (TAF) ne serait réalisable qu'au prix d'efforts disproportionnés. Les décisions du TFB pourront faire l'objet d'un recours devant le TF.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le présent projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202316 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202317. La révision fait suite à une motion acceptée par le Parlement en décembre 2019.

15 16 17

RS 172.021 FF 2020 1709 FF 2020 8087

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Le projet est par contre mentionné dans les Objectifs du Conseil fédéral 202218 (cf. objectif 5.1) et dans le budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances 2023­202519 (tome 2A, p. 235).

1.4

Classement d'interventions parlementaires

La motion 19.3228 Hefti charge le Conseil fédéral d'élaborer un projet de loi relatif à une révision du droit suisse des brevets. Ce projet doit notamment inclure un examen des brevets qui soit attrayant pour les utilisateurs, qui réponde aux normes internationales et qui prévoie des procédures d'opposition et de recours efficaces et peu coûteuses. Un modèle d'utilité sans examen sur le fond devra aussi être mis en place.

Le projet de révision met en oeuvre les exigences de la motion: les entreprises et les tiers auront la possibilité, sur requête expresse, de demander à l'IPI d'examiner l'ensemble des conditions de brevetabilité. De cette manière, il introduit l'examen complet de la demande de brevet national, comme l'exige la motion (c.-à-d. l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive). Afin de renforcer la sécurité juridique, chaque demande de brevet sera complétée par une recherche obligatoire. Les décisions de l'IPI pourront en outre faire l'objet d'un recours devant le TFB, ce qui permet de répondre à l'exigence d'une procédure d'opposition et de recours efficace et abordable.

2

Procédure de consultation

2.1

Remarques générales

La procédure de consultation a duré du 14 octobre 2020 au 1er février 2021.

Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la consultation le 18 août 2021 et a décidé de la suite de la procédure. Parallèlement, le rapport sur les résultats de la consultation a été publié (cf. ch. 2.3).

2.2

Projet envoyé en consultation

L'avant-projet prévoyait quatre mesures principales visant à mettre en oeuvre la motion: ­

18

19

Extension de l'examen des brevets effectué par l'IPI pour inclure les critères centraux de la nouveauté et de l'activité inventive (examen complet). Le déroulement de la procédure a été adapté pour prendre en compte cette modification.

Peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.chf.admin.ch > Documentation > Aide à la conduite stratégique > Les Objectifs > Objectifs du Conseil fédéral 2022 (état: 15.8.2022).

Peut être consulté à l'adresse suivante: www.efv.admin.ch/efv/fr/home.html > Rapports financiers > Budget assorti d'un plan intégré des tâches et des finances (état: 15.8.2022).

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­

Élargissement des motifs d'opposition dans la procédure d'opposition devant l'IPI aux deux nouveaux critères d'examen.

­

Création des compétences spécialisées nécessaires à une procédure de recours efficace et abordable: le TAF devant disposer de l'expertise nécessaire à l'examen des recours interjetés contre les décisions négatives rendues par l'IPI, y compris concernant les nouveaux critères de la nouveauté et de l'activité inventive, l'avant-projet proposait certaines modifications ponctuelles.

­

Introduction du modèle d'utilité en tant que solution de rechange bon marché au brevet entièrement examiné: le modèle d'utilité, dont le contenu n'aurait pas été examiné, devait être moins coûteux et pouvoir être délivré plus rapidement qu'un brevet. Sa durée de protection devait être de 10 ans, soit la moitié de la durée maximale de protection conférée par un brevet. Il devait par ailleurs s'appliquer uniquement à certains objets de protection (les inventions biotechnologiques et pharmaceutiques, les substances chimiques ainsi que les procédures de toutes sortes devaient être exclues de la protection).

Dans son avant-projet, le Conseil fédéral avait en outre proposé que l'anglais puisse être utilisé dans les procédures de dépôt et de recours. L'IPI devait en outre se voir octroyer la possibilité de collaborer avec des organisations internationales et régionales (p. ex. l'OEB) ainsi qu'avec des autorités et offices nationaux d'autres pays.

Dans le cadre de cette coopération aux niveaux technique et administratif, l'IPI devait pouvoir conclure des accords internationaux.

2.3

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

La majorité des participants consultés a approuvé les grands axes du projet de loi, mais souhaitait la modification des points suivants: introduction de l'examen complet, procédures d'opposition et de recours, instances de recours et modèle d'utilité. Le ch. 2.4 ci-après expose comment le Conseil fédéral a évalué les critiques émises lors de la consultation et la manière dont il a intégré les modifications proposées au présent projet. Les commentaires des dispositions (ch. 5) se penchent également de manière approfondie sur les souhaits émis par les participants. Le rapport de consultation contient un résumé détaillé des résultats de la procédure20.

2.4

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

La consultation a montré que les cantons, les partis politiques et les différents milieux intéressés se montraient favorables à une modernisation de la procédure d'examen des brevets. Une grande majorité des participants a approuvé les grands axes du projet de loi, mais souhaitait la modification de certains points. Le Conseil fédéral a pesé les 20

Les documents envoyés en consultation ainsi que le rapport sur les résultats peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DFJP (état: 15.8.2022).

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arguments, parfois controversés, avancés sur les principaux points du projet dans le cadre de la consultation.

Les paragraphes ci-après présentent la manière dont le présent projet intègre les résultats de la consultation.

Introduction de l'examen complet L'introduction d'un brevet suisse soumis à un examen complet a été largement saluée.

Toutefois, certains avis critiques, faisant valoir que le système actuel était éprouvé et bien rodé, ne voyaient pas la nécessité de le remplacer par un brevet entièrement examiné. Plusieurs participants ont proposé un examen plus flexible qui n'entraînerait pas un réel changement de système, mais compléterait le régime actuel, qui a fait ses preuves, par une possibilité de choix.

Le Conseil fédéral voit en l'examen flexible une solution judicieuse pour répondre à l'introduction d'un examen complet exigée par la motion. Le demandeur ou toute autre personne se verra offrir ainsi la possibilité de requérir de l'IPI qu'il examine en plus la nouveauté et l'activité inventive d'un brevet (cf. art. 58b P-LBI). Un tel brevet entièrement examiné représente, notamment pour les PME, une option avantageuse l'EP délivré par l'OEB et étendu à la Suisse. Le système du brevet suisse s'en trouve renforcé. Sans requête explicite, le brevet ne demeure que partiellement examiné.

Le Conseil fédéral souhaite toutefois également renforcer la sécurité juridique des titres de protection partiellement examinés, comme le demandent l'auteur de la motion et les participants à la consultation. C'est pourquoi le projet propose que chaque demande de brevet soit complétée par une recherche obligatoire (art. 57a P-LBI). Le rapport de recherche, publié et classé dans le dossier du brevet, rendra compte de l'état de la technique dont l'invention doit suffisamment s'écarter pour être brevetée. Les tiers et les tribunaux confrontés au brevet (tout comme les demandeurs eux-mêmes) obtiennent ainsi des informations précieuses quant à la nouveauté et à l'activité inventive de l'invention. Le projet de loi a été adapté en conséquence.

Procédures d'opposition et de recours De nombreux participants ont exprimé le souhait de se passer de la possibilité de former opposition devant l'IPI, une procédure devant trois instances n'étant à leur avis ni judicieuse ni nécessaire. Des voix critiques se sont
également élevées contre la complexité de la procédure ainsi que contre la durée et les coûts qui en résultent (frais que les parties doivent engager pour consulter un avocat ou un conseil en brevets).

Le Conseil fédéral a donc décidé de renoncer complètement à la procédure d'opposition devant l'IPI proposée dans l'avant-projet, critiquée pour sa complexité, sa durée et ses coûts élevés. Il prévoit de la remplacer par une possibilité de recours élargie aux tiers: celle-ci permettra, d'une part, de réduire les voies de recours de trois à deux instances et, d'autre part, de maintenir la possibilité de réexamen pour les tiers ayant un intérêt légitime. Le Conseil fédéral tient ainsi compte de l'exigence de la motion de prévoir des procédures d'opposition et de recours efficaces et abordables. Le projet de loi a été adapté en conséquence.

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Voies de recours À une exception près, tous les participants consultés ont demandé que le TFB (le tribunal spécial de la Confédération ayant compétence pour examiner les litiges civils en matière de brevets) devienne l'autorité de recours en matière de brevets. Le TF a également suggéré d'examiner cette voie de recours. Dans sa prise de position, il a en effet émis des doutes que les modifications proposées dans l'avant-projet mis en consultation permettent de garantir les connaissances techniques nécessaires à l'examen complet. Il a dès lors estimé que la garantie des exigences constitutionnelles (art. 30 de la Constitution [Cst.]21) et la mise en oeuvre pratique d'un point central du projet risquaient d'être mises en péril. Un groupe de travail composé de représentants des associations professionnelles (AIPPI Suisse, INGRES, ACBSE, ASCPI) a étayé la recevabilité de cette solution au moyen d'un avis d'expert rédigé par le professeur émérite Rainer J. Schweizer. Sur la base de ces conclusions, le Conseil fédéral a décidé d'adapter le projet et d'instituer le TFB en tant qu'instance de recours contre les décisions de l'IPI en matière de brevets. En sa qualité de tribunal spécial de la Confédération pour les litiges civils dans ce domaine, le TFB dispose déjà des compétences juridiques et techniques nécessaires à l'appréciation des décisions d'enregistrement rendues par l'IPI. Comme le projet propose que le TFB soit compétent pour les recours de droit administratif également, la loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB)22 et d'autres actes doivent être adaptés en divers points.

Modèle d'utilité La majorité des participants a rejeté le modèle d'utilité comme solution de substitution au brevet actuel partiellement examiné. Ils justifient leur rejet en s'appuyant principalement sur les inconvénients de ce titre de protection par rapport au brevet suisse actuel (durée de protection plus courte et étendue de la protection limitée à certains objets de protection). Ayant pris acte de cette critique, le Conseil fédéral renonce à l'instauration d'un modèle d'utilité comme le prévoyait l'avant-projet.

Afin que les PME disposent tout de même d'un titre de protection abordable et dont le contenu n'est pas soumis à un examen complet, le brevet suisse actuel, partiellement examiné, est pour l'essentiel maintenu. En l'absence d'une requête explicite, l'invention n'est pas examinée quant à sa nouveauté et à son activité inventive.

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Le projet envoyé en consultation prévoyait, d'une part, un brevet soumis à un examen complet et, d'autre part, l'introduction d'un modèle d'utilité. Il a été remanié pour tenir compte des résultats de la consultation. Le Conseil fédéral renonce ainsi au modèle d'utilité et prévoit de le remplacer par un brevet partiellement examiné, similaire au brevet actuel, avec en option l'examen complet (c.-à-d. y compris de la nouveauté et de l'activité inventive).

21 22

RS 101 RS 173.41

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En comparaison internationale, le brevet soumis à un examen complet est largement répandu et constitue la norme dans de nombreux pays. Ainsi, un examen complet est effectué par l'OEB ainsi que par les offices nationaux des brevets en Allemagne, au Royaume-Uni, en Autriche, au Japon, en Corée du Sud, à Singapour et aux États-Unis.

Le brevet unitaire de l'UE, en cours de planification, fera lui aussi l'objet d'un examen complet effectué par l'OEB sur la base des dispositions de la CBE 200023.

Le brevet soumis à examen partiel ne constitue pas la norme au niveau international.

S'il est comparable à de nombreux égards à un modèle d'utilité (car non soumis à un examen de la nouveauté et de l'activité inventive), il présente aussi des différences importantes avec celui-ci (notamment une durée de protection de 20 ans, plus longue que celle de la majorité des modèles d'utilité étrangers). En Europe, 24 pays proposent un modèle d'utilité au niveau national: l'Albanie, l'Allemagne, l'Autriche, le Bélarus, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Moldavie, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et l'Ukraine. La Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède n'offrent que la protection par brevet, et pas de protection par le modèle d'utilité. L'OEB traite uniquement les demandes de brevet; il n'est donc pas possible d'y déposer une demande de modèle d'utilité. Ailleurs dans le monde, 73 pays prévoient une protection au moyen du modèle d'utilité, parmi lesquels l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, la Corée du Sud, le Ghana, l'Indonésie, le Japon, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, les Philippines, la Russie, la Thaïlande, la Turquie et le Vietnam. Les grands marchés tels que les États-Unis, le Canada ou l'Inde ne proposent par contre pas de modèle d'utilité.

De nombreux pays européens comme l'Allemagne, l'Autriche ou la France prévoient des procédures d'opposition; elles ne sont toutefois que rarement appliquées. Au niveau européen, les tiers peuvent faire valoir des moyens de défense avant l'enregistrement du brevet au Royaume-Uni. S'il est également possible de révoquer un brevet délivré, à l'instar de la procédure de recours en vigueur en
Suisse, la procédure d'opposition n'existe pas.

La compétence du TFB en matière de droit civil et, comme le propose le projet de loi, en matière de droit administratif, ne constitue pas une exception dans le contexte européen. Ainsi, dans les grandes juridictions européennes compétentes en matière de brevets, il est courant qu'un seul tribunal (spécial) juge aussi bien les recours contre les décisions de l'autorité de délivrance que les actions civiles. En Allemagne, au Danemark, en France, en Irlande, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède, c'est le même tribunal qui statue sur les procédures de droit civil et de droit administratif en matière de brevets24.

23

24

Règlement (UE) no 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, JO L 361 du 21.12.2020, p. 1.

European Patent Academy (2019): Patentlitigation in Europe, An overview of national law and practice in the EPC contracting states. 5th edition, p. 35 à 36, 41, 57, 61 à 62, 77, 123 et 135. Peut être consulté à l'adresse suivante: www.epo.org > Learning > Materials & programmes > Patent litigation in Europe (état: 15.8.2022).

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Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

La présente révision a pour objectif d'offrir aux demandeurs un système suisse des brevets en phase avec notre époque. Le régime actuel, qui a fait ses preuves, est maintenu et aménagé afin de le rendre plus flexible. Selon le projet proposé, l'IPI n'examinera en principe pas les demandes de brevet sous l'angle de la nouveauté et de l'activité inventive. Les entreprises disposeront donc toujours d'un titre de protection abordable et non soumis à un examen complet. Elles auront toutefois la possibilité de demander à l'IPI d'examiner l'ensemble des conditions de brevetabilité (notamment la nouveauté et l'activité inventive). À la suite d'une telle requête seulement, le brevet deviendra un brevet suisse entièrement examiné, et donc une option avantageuse à l'EP délivré par l'OEB et étendu à la Suisse. L'examen complet proposé répond aux standards internationaux et permet une harmonisation du système suisse avec celui de la CBE 2000 et ceux appliqués par la majorité des États contractants de la CBE 2000 ainsi que par de nombreux autres États dans le monde. Les entreprises auront le choix entre un EP entièrement examiné et un brevet suisse soumis à un examen complet.

Cette option revêt une importance particulière pour les PME qui sont intéressées par une protection locale et fiable.

Ce système dual offre plus de choix aux entreprises. Elles pourront ainsi adapter leur stratégie de protection à leurs besoins et à leurs ressources économiques. L'attrait de la Suisse en tant que pôle d'innovation s'en trouve renforcée.

4.1.1

Examen complet facultatif des brevets suisses

La nouveauté et l'activité inventive sont les conditions matérielles déterminantes de brevetabilité d'une invention. Ces deux critères d'examen, étroitement liés, garantissent que seules les innovations soient récompensées par un droit d'exclusivité (brevet). Est réputée nouvelle l'invention qui ne relève pas des connaissances établies, c'est-à-dire de l'état de la technique (art. 7, al. 1, LBI). Les brevets ont en outre vocation à contribuer au progrès dans le domaine technologique concerné. Par conséquent, de minimes modifications de l'état de la technique ne justifient pas la délivrance d'un brevet. En vue de garantir les vraies innovations, la LBI exige ainsi qu'une invention soit non seulement nouvelle, mais aussi «inventive»: ce qui découle d'une manière évidente de l'état de la technique ne constitue pas une invention brevetable (art. 1, al. 2, LBI). Cette condition de brevetabilité, appelée activité inventive (art. 52, al. 1, CBE 2000, autrefois souvent nommée «degré d'inventivité») permet de garantir que seules les inventions s'écartant suffisamment de l'état de la technique sont protégées par un brevet.

Aujourd'hui, l'IPI n'examine pas les demandes sous l'angle de ces deux critères. La présente révision a pour objectif d'offrir aux demandeurs un régime national en phase avec notre époque. L'introduction d'un examen complet, c'est-à-dire un examen qui inclut la nouveauté et l'activité inventive, en est un élément central. L'avant-projet prévoyait l'examen complet obligatoire pour toutes les demandes nationales de brevet.

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Par ailleurs, l'introduction d'un modèle d'utilité devait remplacer l'actuel brevet suisse soumis à un examen partiel. Les participants à la consultation se sont toutefois prononcés majoritairement contre l'introduction d'un tel titre de protection et en faveur du maintien de l'actuel brevet partiellement examiné.

Avec l'introduction de l'examen complet facultatif, le présent projet modernise le droit des brevets tout en maintenant, comme souhaité, le système suisse des brevets, qui a fait ses preuves. Le brevet partiellement examiné reste donc le cas «normal».

S'il le souhaite, le demandeur pourra toutefois requérir un examen de son brevet sous l'angle de la nouveauté et de l'activité inventive également afin d'obtenir un brevet entièrement examiné, comparable à celui d'autres pays.

Le passage à un régime d'examen complet facultatif nécessite une adaptation de la LBI en divers points. D'une part, les critères d'examen doivent être adaptés: si la nouveauté et l'activité inventive constituent déjà, comme mentionné précédemment, des conditions déterminant la validité juridique d'un brevet (art. 1, al. 2, et art. 7, al. 1, LBI), l'IPI ne peut pas examiner explicitement ces critères, conformément à l'art. 59, al. 4, LBI. Les nouveaux critères d'examen impliquent également de savoir si et comment l'IPI détermine l'état de la technique: en effet, il ne peut pas les évaluer s'il ne dispose pas d'une idée claire de l'état de la technique. Par conséquent, il convient également d'adapter dans ce domaine les dispositions légales au système proposé. Audelà de l'examen à proprement parler, la corrélation avec le PCT doit aussi être ajustée, par exemple en ce qui concerne le transfert des demandes PCT dans la procédure nationale (au cours de laquelle l'examen complet pourra être requis). La souplesse et la rapidité de l'examen demandées par la motion Hefti devront quant à elles être en grande partie mises en oeuvre par le biais des dispositions d'exécution (OBI). La LBI est à cet effet dotée des normes de délégation correspondantes.

Concrètement, cela signifie: ­

L'art. 59, al. 4, LBI n'autorise pas l'IPI à examiner si une invention qui fait l'objet d'une demande de brevet est nouvelle et si elle découle d'une manière évidente de l'état de la technique (en d'autres termes, si elle se base sur une activité inventive). Le présent projet complète cette disposition par la possibilité de requérir un examen complet (art. 58b, al. 2, P-LBI). Le cas échéant, l'IPI, en sa qualité d'autorité d'examen et de délivrance, devra procéder à un examen complet de la demande quant au fond.

­

L'appréciation de la nouveauté et de l'activité inventive est uniquement possible si l'état de la technique est connu (cf. art. 1, al. 2, et 7, al. 1, LBI). Celuici fait l'objet d'une recherche dont les résultats sont consignés dans un rapport. Le droit actuel ne prévoit pas une telle recherche obligatoire; les demandeurs et, dans certaines circonstances, les tiers, peuvent cependant exiger, contre le paiement d'une taxe, que l'IPI réalise une recherche (facultative). Le passage à un régime proposant un examen complet facultatif appelle l'introduction d'une recherche obligatoire, qui servira de base au demandeur pour la requête d'examen complet et à l'IPI pour l'examen du brevet. Les al. 5, let. a, et 6 de l'art. 59 LBI sont donc abrogés et remplacés par un nouvel art. 57a P-LBI, qui règle les modalités d'établissement et de publication du rapport de recherche.

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25

­

L'IPI mènera les recherches pour les brevets suisses. Il conserve ainsi sa souveraineté en matière de procédure, ce qui contribuera aussi à l'efficacité de la procédure d'examen. En raison des activités de recherche qu'il mène déjà, il dispose des compétences requises pour assumer cette tâche. L'art. 59, al. 5, let b, LBI, qui permet à l'IPI de réaliser une recherche internationale auprès de l'OEB, est donc abrogé. L'IPI conserve toutefois la possibilité ­ à son bon vouloir et en fonction des besoins ­ de faire appel, dans le cadre de la coopération internationale, à des offices de brevets étrangers pour réaliser des recherches (cf. art. 2, al. 3 et 3bis, du projet de modification de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle [LIPI]25).

­

Le nouvel art. 58b P-LBI règle la requête d'un examen complet. Dès réception du rapport, le demandeur peut décider s'il souhaite ou non poursuivre la procédure. Le cas échéant, il doit présenter une requête d'examen quant au fond.

En outre, le demandeur pourra demander à l'IPI, contre le paiement d'une taxe, de réaliser un examen complet de son invention (art. 58b, al. 2, P-LBI), ce qui lui offre une flexibilité maximale. Une requête d'examen complet peut cependant aussi être présentée par une personne tierce; afin d'éviter toute éventuelle opposition future, celle-ci peut ainsi faire examiner la nouveauté et l'activité inventive du brevet dès le stade de la demande, et non pas seulement dans une procédure en nullité ultérieure devant le TFB. Ce système permet de renforcer la sécurité juridique pour toutes les parties prenantes, sans que la personne tierce devienne toutefois partie à la procédure (art. 58b, al. 2, P-LBI).

Le délai de six mois pour la présentation de la requête d'examen commence à courir à compter de la publication du rapport sur l'état de la technique (ou de la mention du non-établissement dudit rapport) par l'IPI (art. 58b, al. 3, P-LBI). Les tiers disposent ainsi de suffisamment de temps pour prendre connaissance des demandes de brevet qui les concernent, analyser les documents pertinents ­ dont le contenu est parfois complexe ­ et présenter une requête d'examen complet. Le demandeur peut quant à lui déposer la requête plus tôt déjà; s'il souhaite obtenir un brevet aussi rapidement que possible, il peut requérir lui-même un examen complet. L'OBI à réviser prévoira en outre que le demandeur puisse solliciter une accélération aussi bien de la recherche que de l'examen quant au fond.

­

L'art. 139 P-LBI précise la corrélation entre la LBI et le PCT, en particulier l'entrée d'une demande PCT dans la procédure nationale. Il règle notamment les modalités de publication du rapport complémentaire sur l'état de la technique. Le lien entre le délai de requête d'un examen complet et la publication du rapport (complémentaire) sur l'état de la technique par l'IPI ou la mention de non-établissement dudit rapport (art. 58b, al. 3, P-LBI) garantit que le délai soit toujours de six mois, même en cas d'entrée retardée ou anticipée dans la procédure nationale.

­

L'art. 2, al. 3 et 3bis, P-LIPI règle la coopération avec les organisations internationales et régionales ainsi qu'avec les autorités et offices d'autres pays. La RS 172.010.31

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présente révision accorde ainsi à l'IPI la marge de manoeuvre nécessaire pour conclure si besoin est, en application de son mandat légal (art. 2, al. 1, let. d à f, LIPI), des accords de nature administrative et technique avec des autorités ou organisations nationales ou régionales compétentes en matière de propriété intellectuelle, mais aussi avec des organisations multilatérales telles que l'OMPI. L'échange et l'utilisation mutuelle de résultats de recherches et d'examens contribueraient par exemple à renforcer l'efficacité de la procédure ou à pallier le manque de ressources.

­

4.1.2

Divers détails concernant la mise en oeuvre de la révision ne sont pas réglés dans la LBI révisée, tels que les questions relatives au moment de l'examen, à la taxe d'examen ou à la possibilité de requérir un examen accéléré quant au fond ou une recherche accélérée; ils seront régis par voie d'ordonnance. Le législateur fournit les bases légales nécessaires à cet égard dans le cadre de la présente révision.

Procédures d'opposition et de recours

Le renforcement de l'attrait du système des brevets visée par le projet n'est pas compatible avec une longue durée de procédure. Par conséquent, la voie de recours devant trois instances est réduite à deux instances. La procédure d'opposition devant l'IPI, laquelle n'a jamais été appliquée depuis son introduction en 2008, est abandonnée. Il en résulte une voie de recours directe auprès d'un seul tribunal, ce qui réduit la durée de la procédure de recours et permet d'éviter les procédures complexes devant l'IPI.

Le TFB deviendra la première instance de recours contre les décisions rendues par l'IPI; celles-ci pourront par la suite être portées devant le TF. En vertu de l'art. 48, al. 1, PA, le demandeur peut actuellement former un recours auprès du TFB contre une décision de l'IPI dans un délai de trente jours à compter de sa notification. La révision crée d'autres possibilités pour les personnes qui souhaitent faire examiner les brevets délivrés, mais ne sont pas impliquées dans la procédure de délivrance, ni en tant que partie ni d'une quelconque autre manière (personnes dites «tierces»). Dans ce contexte, celles-ci n'ont pas l'obligation d'avoir participé à la procédure de première instance, comme c'est habituellement le cas dans la législation générale en matière de recours. La procédure d'opposition actuelle permet à ces personnes de faire valoir des intérêts de nature idéale avant tout: elles peuvent faire examiner des brevets dans des domaines sociopolitiques sensibles, tels que la biotechnologie. Afin de continuer à tenir compte de ces intérêts, l'art. 59cbis P-LBI confère aux organisations un droit de recours à but idéal (art. 48, al. 2, PA). Les organisations seront habilitées à recourir dès lors qu'elles sont actives au niveau national et qu'elles poursuivent un but non lucratif; les éventuelles activités économiques qu'elles exercent doivent servir à atteindre ce but. Les organisations pourront invoquer le droit de recours lorsque le brevet enregistré relève d'un domaine de la technique couvert depuis au moins cinq ans par leur but statutaire. Le délai de recours est de quatre mois à compter de la publication de l'enregistrement du brevet.

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4.1.3

Voies de recours

Les décisions rendues par l'IPI en application de la LBI seront jugées par le TFB dans le cadre de la procédure de recours. Le Conseil fédéral propose d'attribuer cette compétence judiciaire spéciale à ce tribunal fédéral sur la base des résultats de la procédure de consultation. Il s'écarte ainsi du projet initial, qui prévoyait de maintenir le TAF dans cette fonction.

La procédure de consultation a montré que les nouveautés ponctuelles proposées ne permettaient pas de garantir le respect des exigences posées à l'instance de recours.

Au vu de la volonté législative de réviser totalement l'organisation judiciaire, le Conseil fédéral ne voyait pas la possibilité de proposer d'autres mesures visant à accroître les connaissances dans les domaines de la technologie et des brevets au sein du TAF.

Ainsi, il s'est notamment avéré impossible d'instituer des juges suppléants spécialisés au sein du TAF. Dans le cadre de la révision totale de l'organisation judiciaire, le législateur a précisé que l'engagement de juges qui exercent leur fonction à titre accessoire pouvait se justifier pour des tribunaux administratifs spéciaux qui n'interviennent que dans des domaines étroitement limités, ce qui permettait de tirer profit des connaissances particulières de personnes travaillant dans ce contexte professionnel26.

Le droit des brevets est un domaine limité dans sa dimension matérielle. Avec la création du TFB le 1er janvier 2012, il existe déjà dans ce domaine un tribunal spécial qui possède, grâce à des juges suppléants, l'expertise requise dans le domaine des brevets.

À l'heure actuelle, sa compétence se limite aux litiges de droit civil. Dans ce cadre, le TFB traite en permanence de questions de droit et de faits en lien avec la nouveauté et l'activité inventive (p. ex. lors d'actions en nullité contre des brevets). Il dispose donc indéniablement de l'expertise et des compétences requises pour juger ces deux critères, y compris en sa qualité d'instance de recours dans les procédures de recours de droit administratif. Le projet de loi prévoit donc d'étendre la compétence du TFB aux recours de droit administratif contre les décisions de l'IPI en matière de brevets.

4.1.4

Utilisation de l'anglais dans les procédures de dépôt et d'examen

Partout dans le monde, l'anglais est la langue de référence des domaines de la recherche et de la technique (et donc aussi de la documentation en matière de brevets).

Dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet, le demandeur a ainsi tout intérêt à soumettre des documents rédigés et mis en circulation dans un contexte international. En effet, faire traduire ces documents n'engendre pas seulement des coûts, mais comporte également le risque que des erreurs et des imprécisions se glissent dans la traduction, compromettant ainsi la transparence et la sécurité juridique. La présente révision tient compte de l'intérêt à une utilisation aussi généralisée que possible de l'anglais tout au long de la procédure de délivrance d'un brevet devant l'IPI.

26

Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4000, 4177 à 4178.

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4.1.5

Intensification de la coopération internationale sur les plans administratif et technique

La coopération internationale revêt une importance majeure dans le domaine des brevets. Elle permet aux pays concernés et à leurs autorités compétentes en matière de propriété intellectuelle de travailler en synergie et d'harmoniser les procédures. Ainsi, les offices de brevets intensifient par exemple leur coopération au niveau international en ce qui concerne les procédures de délivrance de brevets. Cette coopération offre l'avantage d'un partage des résultats de recherches et d'examens entre les différents offices de brevets impliqués; ces résultats peuvent ensuite être utilisés dans le cadre de procédures nationales.

L'IPI se voit donc octroyer la possibilité de conclure les accords nécessaires avec des organisations internationales et régionales (p. ex. l'OEB) ainsi qu'avec des offices de brevets régionaux et nationaux. La présente révision touche à des domaines dans lesquels la coopération avec les organisations ou les offices de brevets étrangers peut présenter des avantages pour les demandeurs en Suisse (p. ex. échange et utilisation de résultats dans le cadre de l'examen de brevets ou de rapports sur l'état de la technique).

4.1.6

Autres points de la révision

Principe de l'unité dans les procédures en aval de la délivrance du brevet En principe, chaque revendication indépendante ne peut définir qu'une seule invention, et les formes spéciales d'exécution de l'invention peuvent faire l'objet de revendications dépendantes. Selon le droit en vigueur, le principe d'unité s'applique en premier lieu à la demande de brevet (art. 52 et 55 LBI), où il y est fréquemment recouru.

Il s'applique également aux modifications ultérieures apportées au brevet, par exemple lors d'une renonciation partielle (art. 25 LBI), d'une nullité partielle (art. 27, al. 3, LBI) ou d'une cession partielle (art. 30, al. 2, LBI). Dans ces procédures en aval de la délivrance du brevet, les cas d'application sont extrêmement rares. L'objectif initial de ce principe, à savoir garantir suffisamment de recettes issues de taxes à l'IPI, n'est pas non plus atteint.

Par conséquent, il est proposé de supprimer la condition d'unité du brevet dans les cas de renonciation partielle, de nullité partielle et de cession partielle. Si, par exemple, l'absence d'unité est constatée à la suite d'une renonciation partielle, le titulaire ne sera plus tenu de constituer de nouveaux brevets pour les revendications non unitaires, ce qui pourra lui permettre de réaliser de grosses économies. L'attrait du système des brevets est ainsi augmenté et adapté, par la même occasion, à la CBE 2000. Aujourd'hui déjà, la grande majorité des brevets valables en Suisse sont délivrés par l'OEB (env. 95 %) sans que l'exigence d'unité ne soit prise en compte après la délivrance du brevet.

Pour les cessions partielles (art. 30, al. 2, LBI), la possibilité de constituer de nouveaux brevets demeure nécessaire. Il convient ici de garantir au titulaire original du brevet devant céder une partie de ses droits au terme d'une action en cession la possibilité de 27 / 82

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constituer de nouveaux brevets pour les revendications restantes, de sorte qu'il ne perde pas de revendications. Une réglementation similaire au mécanisme inscrit dans l'actuel art. 25 LBI pour la renonciation partielle est prévue à cet effet (art. 30, al. 2 et 3, P-LBI).

Causes de nullité et renonciation partielle Limiter le brevet n'est pas seulement possible dans le cadre d'un recours, mais aussi par la voie d'une action en nullité ou d'une déclaration de renonciation partielle. La sécurité juridique requiert que de telles limitations soient jugées de manière uniforme dans toutes les procédures. Dans cette optique, la liste des causes de nullité est complétée par celle de l'extension (illicite) de l'étendue de protection conférée par un brevet (art. 26, al. 1, let. cbis, P-LBI).

Les conditions de renonciation partielle sont en outre harmonisées avec celles de la CBE 2000. L'art. 24, al. 1, let. c, LBI est révisé en conséquence.

Modification de la structure de la LBI La structure de la LBI est modifiée en vue d'en améliorer la clarté. Chaque titre traite désormais d'un droit de protection, et les prescriptions régissant spécifiquement ce droit sont regroupées dans des chapitres et des sections.

Modifications de nature rédactionnelle La présente révision inclut également des modifications formelles de la LBI qui n'étaient pas exigées par la motion Hefti; il s'agit surtout de l'adaptation de certains termes ou de précisions de nature rédactionnelle dans les textes allemand, français et italien de la loi. Dans le texte allemand, par exemple, «Patentbewerber» se voit remplacé par le terme plus moderne de «Anmelder». Dans la version française de la loi, le futur est remplacé par le présent, conformément au Guide linguistique des lois et ordonnances de la Confédération27. Le terme «Zurückweisung» (rejet) est remplacé par «Nichteintreten» (irrecevabilité) en cas de défaut formel et par «Abweisung» (rejet) en cas de défaut matériel d'une demande de brevet. Ces modifications tiennent compte des adaptations terminologiques apportées à l'OBI à l'occasion de sa dernière révision. Enfin, certaines dispositions concernant la procédure de délivrance ou la publication sont transférées de la LBI à l'OBI, selon le modèle de la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques (LPM)28 et de la loi du 5 octobre
2001 sur les designs (LDes)29.

Adaptation de la LIPI aux principes du gouvernement d'entreprise Le projet a été complété après la consultation: il est tenu compte ainsi des résultats du rapport du Conseil fédéral du 26 mai 2021 sur la stratégie du propriétaire pour les

27

28 29

Peut être consulté à l'adresse suivante: www.chf.admin.ch > Documentation > Langues > Aides à la rédaction et à la traduction > Guide linguistique des lois et ordonnances de la Confédération (état: 15.8.2022).

RS 232.11 RS 232.12

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entités de la Confédération devenues autonomes30. Dans ce rapport, le Conseil fédéral constate que l'IPI est la seule unité administrative autonome pour laquelle des objectifs stratégiques n'ont pas été établis. Si les art. 9 LIPI et 8, al. 5, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)31 ont été jugés suffisants pour fixer des objectifs stratégiques à l'IPI pour les années 2022 à 2026 à partir du 1er juillet 202232, le Conseil fédéral a toutefois précisé que les bases juridiques de l'IPI devaient être examinées à la prochaine occasion et adaptées aux principes du gouvernement d'entreprise de la Confédération.

La présente révision est l'occasion d'apporter les modifications les plus urgentes à la LIPI et de prévoir notamment une base légale explicite pour les objectifs stratégiques du Conseil fédéral. L'IPI est une unité administrative autonome qui fournit des prestations à caractère monopolistique. C'est pourquoi la réglementation proposée s'inspire des bases juridiques définies pour d'autres unités administratives comparables, comme l'Institut fédéral de métrologie (METAS) ou l'Agence suisse pour la promotion de l'innovation (Innosuisse).

4.2

Adéquation des moyens requis

L'objectif du projet de révision est de mettre en oeuvre la motion Hefti, adoptée par le Parlement. Ainsi, il inclut notamment des dispositions qui prévoient un examen complet du brevet suisse (y compris de la nouveauté et de l'activité inventive) et, en parallèle, un droit de protection sans examen complet. Par ailleurs, chaque nouvelle demande sera complétée par une recherche obligatoire, et la procédure d'opposition et de recours adaptée.

Le projet ne prévoit aucune modification dans la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. L'exécution des modifications proposées incombe principalement à l'IPI, l'autorité compétente en matière de propriété intellectuelle au niveau de la Confédération. Comme c'est le cas aujourd'hui, chaque demande de brevet, qu'elle fasse l'objet d'un examen complet ou partiel, sera déposée auprès de l'IPI et examinée par ce dernier; l'IPI sera est également chargé de réaliser la recherche obligatoire. Les coûts qui en résultent seront principalement financés par les taxes. Les investissements supplémentaires seront entièrement à la charge de l'IPI, lequel est indépendant en termes de ressources humaines et de ressources financières. Pour la Confédération et les cantons, le projet de révision n'entraîne aucune charge supplémentaire.

L'instauration de l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive élargit les motifs de recours. Les recours contre les décisions de l'IPI en matière de brevets devraient donc se multiplier, ce qui entraînera une augmentation des coûts pour le TFB, organe compétent en la matière (en comparaison des frais actuels assumés par le TAF, qui est aujourd'hui l'instance de recours). Les coûts additionnels pourront en partie être cou30

31 32

Peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Documentation > Communiqués > Le Conseil fédéral adopte le rapport en réponse au postulat sur le gouvernement d'entreprise (état: 8.9.2022).

RS 172.010 FF 2022 1332

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verts par les taxes liées à la procédure de recours; les dépenses non couvertes seront intégralement imputées au budget fédéral.

4.3

Mise en oeuvre

L'exécution des modifications proposées incombe principalement à l'IPI, l'autorité compétente en matière de propriété intellectuelle au niveau de la Confédération. Les dispositions relatives à l'examen complet et à la recherche obligatoire nécessitent l'inscription de dispositions d'exécution dans l'OBI. Il en va de même pour les indications à inscrire dans le registre des brevets (art. 60, al. 3, P-LBI), dans le registre des certificats complémentaires de protection (art. 140l P-LBI) et dans le fascicule du brevet (art. 63, al. 2, P-LBI). Comme pour le brevet (art. 41 LBI), les taxes pour l'obtention et le maintien en vigueur d'un certificat complémentaire de protection (CCP, art. 140h P-LBI) seront régies dans l'OBI. Les autres modifications n'impliquent que des ajustements mineurs de l'ordonnance et n'ont aucune incidence significative sur l'application actuelle de la LBI par l'IPI.

Les amendements législatifs proposés concernent non seulement l'IPI, mais aussi le TFB en sa qualité d'instance de recours pour les décisions rendues par l'IPI en matière de brevets. La mise en oeuvre de la compétence étendue du TFB en tant qu'instance de recours de droit administratif dans le domaine des brevets soulève les questions ciaprès.

Droit procédural applicable Les procédures de recours devant le TFB sont en principe soumises aux mêmes règles procédurales que les procédures devant le TAF. La procédure est par conséquent régie par les dispositions des chapitres 3 et 4 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)33, en plus des dispositions de la LTFB et de la LBI, et par les dispositions de la PA en raison du renvoi contenu à l'art. 37 LTAF. Dans un souci d'harmonisation de la jurisprudence administrative, la LBI ne contient donc que peu de réglementations spéciales qui soient objectivement justifiées.

Compte tenu des exigences institutionnelles en matière d'indépendance de la justice, le présent projet ne propose pas de réglementations supplémentaires, qui viseraient par exemple une coordination avec la pratique du TAF en matière de droit procédural.

Il appartient finalement au TF (en tant qu'autorité judiciaire suprême de la Confédération) de garantir dans ses arrêts l'application correcte et uniforme du droit fédéral.

Organisation et structure du Tribunal fédéral des brevets
L'organisation et la structure actuelles du tribunal sont maintenues. Cela implique en premier lieu d'appliquer dans les procédures de recours de droit administratif les mêmes règles de composition des cours appelées à statuer que celles ayant fait leurs preuves pour les litiges de droit civil devant le TFB. Dans les procédures de recours de droit administratif aussi, les cours seront donc composées de juges au bénéfice d'une formation technique. De cette manière, l'expertise technique dans le domaine 33

RS 173.32

30 / 82

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des brevets sera également garantie au sein de la cour appelée à statuer en sa qualité d'instance de recours de l'IPI; cette mesure permet de répondre à l'une des préoccupations majeures exprimées lors de la consultation.

Le maintien de l'organisation et de la structure actuelles du TFB signifie en outre que le tribunal ne sera pas partagé en deux divisions spécialisées, comme c'est généralement le cas dans les grands tribunaux. Ce système semble approprié au vu de la taille du tribunal et du nombre de cas estimé (cf. ch. 6.2.1). Enfin, ni les dispositions constitutionnelles (en particulier les art. 29a, 30 et 191a, al. 2, Cst.) ni le cadre de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)34 ne prévoient d'exigences directes concernant la conception et l'organisation des autorités judiciaires. Sous réserve des dispositions pertinentes en matière de récusation, tous les juges peuvent donc faire partie des cours appelées à statuer, aussi bien dans les procédures civiles que dans les procédures de recours de droit administratif.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Loi du 25 juin 1954 sur les brevets

5.1.1

Considérations générales

Structure et articulation La structure et l'articulation de la LBI sont adaptées aux consignes des Directives de la Confédération sur la technique législative35. La disposition du texte allemand suit celle des textes français et italien.

Les différents titres de protection sont énumérés dans le titre de la loi, ce qui rend l'articulation de l'acte plus logique. Certains titres marginaux doivent être adaptés en raison de l'ajustement de la structure.

Terminologie Dans le texte allemand, les termes désuets «Erfindungspatent», «Patentbewerber» et «Bewerber» ainsi que «Patengesuch» sont remplacés dans l'ensemble de l'acte par les termes «Patent», «Anmelder» et «Patentanmeldung», avec les adaptations grammaticales nécessaires. À l'art. 57, «Gesuch» et «Teilgesuch» sont remplacés par les termes «Anmeldung» et «Teilanmeldung». Par ailleurs, aux art. 7, 50a et 57, l'élément de la phrase «dans sa version initialement déposée» est remplacé, par souci d'harmonisation avec la terminologie d'autres articles, par l'expression «dans la version qui a déterminé sa date de dépôt» avec les adaptations grammaticales qui en découlent. Il s'agit de modifications rédactionnelles.

Dans le texte français, le terme «demandeur» est remplacé par celui de «demandeur au civil» aux art. 30, 37 et 74 afin de faire la distinction entre le déposant d'une demande de brevet et la partie à un procès civil.

34 35

RS 173.110 Peuvent être consultées à l'adresse: www.bk.admin.ch > Documentation > Accompagnement législatif > Directives sur la technique législative DTL (état: 16.8.2022).

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L'IPI tenant un registre séparé pour les CCP, qui sont des titres de protection sui generis, il s'ensuit une adaptation rédactionnelle de plusieurs dispositions de la LBI sous la forme d'une indication générale: aux art. 140g, 140l, al. 1, 140p et 140s, al. 1, l'expression «registre des brevets» est remplacée par «registre des certificats complémentaires de protection».

Temps verbal Dans le texte français, la forme verbale du futur est remplacée par le présent.

Adaptation de la graphie Dans le texte français, le nom complet de l'IPI présente des variantes orthographiques.

Il est remplacé par «Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle» dans l'ensemble de l'acte. Les termes «convention» et «traité» sont orthographiés avec une majuscule.

5.1.2

Commentaire des dispositions

Titre Le titre actuel de la loi mentionne uniquement les brevets (loi fédérale sur les brevets d'invention, loi sur les brevets). Par souci de précision sont ajoutés les certificats complémentaires de protection, sur le modèle du titre de la LPM, qui mentionne tous les droits de protection réglementés (loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance). La révision partielle est en outre l'occasion de procéder à une substitution de terme: le nouveau droit parle de «brevet» et non plus de «brevet d'invention» qui est une expression désuète. Il s'agit de modifications rédactionnelles.

Remplacement d'expressions Voir le commentaire au ch. 5.1.1 sous le titre «Terminologie».

Art. 1 Dans le texte français, à l'al. 1, l'expression «utilisables industriellement» est remplacée par l'expression «susceptibles d'application industrielle». Il s'agit d'une modification rédactionnelle.

Art. 4 Dans le texte français et italien, l'expression «celui qui dépose la demande de brevet» et «colui che deposita la domanda» est remplacée par le terme «le demandeur» et «depositante del brevetto». Il s'agit d'une modification rédactionnelle.

Art. 13 Dans le texte français, une erreur de traduction est corrigée à l'al. 1, let. b: l'élément de la phrase «la présentation et le traitement de requêtes après la délivrance du brevet et de requêtes ne donnant pas lieu à des notifications» est remplacé par «la

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présentation et le traitement de requêtes après la délivrance du brevet ne donnant pas lieu à des notifications».

Art. 24 En vertu de l'art. 24, al. 1, let. c, LBI, une forme d'exécution de l'invention, définie par la revendication limitée, doit être contenue aussi bien dans la demande initiale que dans le fascicule du brevet publié. Cette règle date d'une époque où les demandes de brevet n'étaient pas publiées. Elle visait à accroître la sécurité juridique: les formes d'exécution prévues plus tard dans le fascicule ne devaient pas s'écarter de celles qui étaient exposées initialement dans la demande qui n'avait pas été publiée. Les tiers ne devaient pas être surpris, à la suite d'une renonciation partielle, par une forme d'exécution contenue uniquement dans la demande de brevet initiale (qu'il leur était impossible de consulter). Depuis 2008, toutes les demandes de brevet sont publiées. La plupart du temps, le fascicule publié contient la même divulgation que celle contenue dans la demande déposée initialement.

Les règles de la CBE 2000 relatives à la limitation (art. 105a et 123) vont moins loin que l'art. 24, al. 1, let. c, LBI, puisqu'elles ne requièrent pas que la forme d'exécution soit prévue dans la demande initiale, mais seulement dans le fascicule du brevet publié. Dans une volonté d'harmonisation avec la CBE 2000, cette particularité suisse est supprimée. Plus de 95 % des brevets valables en Suisse sont des EP délivrés selon les règles de la CBE 2000, et la sécurité juridique des titulaires de brevets n'en est pas compromise. Les conditions régissant la limitation d'un brevet suisse à la suite d'une renonciation partielle ne diffèrent ainsi plus de celles régissant la limitation d'un EP.

Cette harmonisation accroît la sécurité juridique pour les titulaires de brevets.

La teneur de l'art. 24, al. 1, let. c, est en outre adaptée de manière à tenir compte des modifications autorisées après la délivrance et du nouveau motif de nullité prévu à l'art. 26, al. 1, let. d. Selon le nouveau droit, l'objet du brevet modifié suite à une renonciation partielle ne pourra ni aller au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt, ni élargir l'étendue de la protection conférée par le brevet.

Art. 25 (abrogé) Chaque revendication indépendante ne peut définir
qu'une seule invention, et les formes spéciales d'exécution de l'invention peuvent faire l'objet de revendications dépendantes (art. 52 et 55 LBI). Un brevet peut contenir seulement une invention ou une pluralité d'inventions liées entre elles de telle sorte qu'elles ne forment qu'un seul concept inventif général (art. 52, al. 2, LBI). Cette exigence d'unité est un principe important du droit des brevets, qui figurait déjà dans ses grandes lignes dans la loi sur les brevets du 29 juin 1888; il est aussi inscrit dans la CBE 2000 et s'applique dans de nombreux ordres juridiques étrangers (p. ex. en Allemagne, en France et en GrandeBretagne).

À la faveur de différentes révisions du droit des brevets, il a été étendu également aux procédures en aval de la délivrance du brevet. Aujourd'hui, cette condition doit être remplie même après une renonciation partielle (art. 25 LBI) ou en cas de nullité partielle (art. 27, al. 3, LBI); à défaut, il convient de supprimer les revendications posant 33 / 82

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problème, et les titulaires de brevets peuvent, le cas échéant, établir de nouveaux brevets pour ces revendications. Il est également possible de constituer de nouveaux brevets après une cession partielle (art. 30, al. 2, LBI).

L'exigence d'unité est en premier lieu une disposition d'ordre dont la finalité est atteinte avec la délivrance du brevet36. L'obligation que chaque demande ne puisse contenir qu'une seule invention ou qu'un seul concept inventif a une visée: faire en sorte que l'IPI, qui est l'autorité d'examen, puisse encaisser suffisamment de taxes d'examen. La condition d'unité simplifie en outre la classification des brevets et les recherches subséquentes. Elle accroît la sécurité juridique pour toutes les parties désireuses d'établir, au prix d'un effort raisonnable, le contenu d'un brevet et les droits d'interdiction de son titulaire.

Alors que le principe d'unité fait l'unanimité pour les demandes de brevets, il a perdu en importance pour les procédures en aval de la délivrance. Ces dernières années, seule une poignée de cas a donné lieu à une constitution de nouveaux brevets en aval pour cause de renonciation, de nullité ou de cession partielles. L'importance pratique de l'art. 25 LBI est donc marginale. Pour les EP, qui aujourd'hui représentent environ 95 % des brevets produisant effet en Suisse, l'unité des revendications subsistantes n'est pas une nécessité, ce qui diminue encore l'effet de l'art. 25 LBI. Cette disposition ne remplit plus non plus sa finalité primaire, à savoir garantir suffisamment de recettes à l'autorité d'examen. En effet, le traitement de ces cas isolés et la constitution de nouveaux brevets en aval génèrent régulièrement des coûts supérieurs aux recettes supplémentaires encaissées. Pour le demandeur aussi, cet article est avant tout synonyme d'un surcroît de frais.

Cette pourquoi il est proposé d'abandonner l'exigence d'unité pour les brevets auxquels il a été partiellement renoncé en abrogeant l'art. 25 LBI. Si, à l'avenir, il ne devait subsister dans le brevet par exemple que des formes de réalisation alternatives incompatibles entre elles (parce que la revendication principale est supprimée dans le cadre d'une renonciation partielle), celles-ci pourront subsister dans le brevet concerné. Il ne sera donc pas nécessaire d'établir de nouveaux brevets. Cette
nouveauté est susceptible de faire faire d'importantes économies aux demandeurs, accroissant en cela l'attrait du système des brevets pour eux. Quant à l'IPI, il n'aura plus besoin de prévoir, pour un nombre très limité de cas, des procédures particulières pour la constitution ultérieure de nouveaux brevets, ce qui simplifie la délivrance et l'administration des titres.

Enfin, l'abrogation n'entraînera pas non plus d'inconvénients notables pour les tiers; les brevets dont on parle ici remplissaient la condition d'unité parce qu'ils satisfaisaient aux art. 52 et 55 LBI. Même lorsqu'il y a absence d'unité, les revendications restantes présentent en général toujours un lien thématique étroit. Une classification suffisamment précise reste ainsi possible. Les outils de recherche utilisés habituellement permettent aujourd'hui déjà d'identifier facilement des documents de brevets européens ne répondant plus à l'exigence d'unité. Sur le plan de la sécurité juridique aussi, il semble donc admissible que de rares brevets suisses ne répondent plus à cette condition suite à une renonciation partielle.

36

Schweizer, Mark / Zech, Herbert (éd.) (2019): Patentgesetz (PatG). Berne: Stämpfli Verlag AG, ch. marg. 3 à 8 ad art. 52.

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Art. 26 En vertu de l'art. 51 LBI, l'étendue de la protection conférée par un brevet est définie par les revendications, dont font partie la description et les dessins. Selon le droit en vigueur, son élargissement est exclu dans la procédure d'opposition (art. 81, al. 2, let. b, OBI). L'art. 24, al. 1, let. c, LBI propose qu'il en soit de même pour tous les élargissements ultérieurs effectués dans le cadre d'une renonciation partielle.

Let. cbis: aujourd'hui, l'art. 26 LBI exclut l'examen, par un juge, de la question de savoir si l'étendue de la protection d'un brevet a été élargie indûment. Avec l'instauration de l'examen complet facultatif, il est probable que les modifications et les renonciations partielles se multiplient, raison pour laquelle cette question gagnera en importance. La liste des motifs de nullité énumérés à l'art. 26, al. 1, LBI est donc complétée par celui de l'élargissement inadmissible de l'étendue de la protection du brevet. Une disposition correspondante figure également à l'art. 123, al. 3, CBE 2000.

Art. 27 À l'instar d'une renonciation partielle, une action en nullité partielle aussi peut conduire à une absence d'unité des revendications restantes du brevet après sa délivrance.

Pour couvrir ces cas, l'art. 27, al. 3, LBI déclare l'art. 25 applicable par analogie.

Selon cette disposition, les revendications ne pouvant pas coexister doivent être éliminées, et le titulaire du brevet peut constituer un ou plusieurs nouveaux brevets qui recevront comme date de dépôt celle du brevet initial (art. 25, al. 2, LBI).

Il est proposé d'abroger l'art. 25 LBI et donc l'exigence d'unité dans le cas d'une renonciation partielle. Pour la justification de l'abrogation de l'art. 27, al. 3, LBI, il est renvoyé au commentaire de l'art. 25. Abroger cette disposition permet de continuer à faire coexister des revendications dans le brevet initial même en cas d'absence d'unité à la suite d'une action en nullité partielle. Il n'est plus nécessaire de constituer de nouveaux brevets, ce qui, dans certaines circonstances, permet aux demandeurs de brevets de faire des économies considérables et rend par conséquent le système des brevets plus attrayant.

Art. 30 Si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n'a pas droit à la délivrance du titre de protection, l'ayant droit peut
demander la cession de la demande de brevet (art. 29 LBI). Lorsque le demandeur au civil ne peut justifier de son droit à l'égard de toutes les revendications, le juge ordonne la cession de la demande de brevet ou du brevet, en éliminant les revendications pour lesquelles le droit n'a pas été établi (art. 30, al. 1, LBI). Comme le brevet (cédé) qui en résulte ne peut pas être divisé, un nouveau brevet doit pouvoir être établi pour les revendications restantes.

Sinon, le titulaire initial est privé des revendications restantes.

Le droit en vigueur renvoie à l'art. 25 LBI régissant la constitution de nouveaux brevets pour les revendications ne pouvant plus coexister à la suite d'une renonciation partielle. Le but poursuivi par les dispositions est cependant différent: alors que les art. 25 et 27, al. 3 (constitution de nouveaux brevets à la suite d'une nullité partielle),

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visent à maintenir l'unité du brevet, l'art. 30, al. 2, a pour objectif de garantir au défendeur de ne pas se voir enlever des revendications à la suite d'une cession partielle.

Comme les art. 25 et 27, al. 3, LBI sont abrogés à la faveur de la présente révision et que le mécanisme de constitution de nouveaux brevets en aval de la délivrance du brevet initial avec sa date de dépôt tombe, il est nécessaire de régler le cas des cessions partielles. Le mécanisme actuel de l'art. 25 LBI est repris aux al. 2 et 3 de l'art. 30, mais sans l'exigence d'unité. Le défendeur a ainsi la possibilité de demander la constitution d'un ou de plusieurs nouveaux brevets, qui recevront comme date de dépôt celle du brevet initial (al. 2). Comme aujourd'hui, l'IPI impartira à cet effet un délai après l'inscription de la cession partielle au registre (al. 3), garantissant ainsi en temps utile la sécurité juridique quant au sort des revendications subsistantes.

Art. 35 L'adaptation dans le texte français est de nature rédactionnelle: «date du dépôt» est remplacé par «date de dépôt».

Art. 41 Cette disposition demeure inchangée du point de vue matériel. L'ajout permet de préciser la base légale. Les taxes sont perçues en vertu de l'art. 13 LIPI, en relation avec l'ordonnance de l'IPI du 14 juin 2016 sur les taxes (OTa-IPI)37.

Art. 46a L'al. 4 est complété par une nouvelle let. e, laquelle prévoit qu'il n'est pas possible de requérir la poursuite de la procédure si le délai pour déposer une demande d'examen partiel ou complet au sens de l'art. 58b, al. 1 et 2, n'as pas été respecté. Cette disposition s'avère nécessaire, d'une part, pour protéger le droit pour les tiers de déposer une requête d'examen et, d'autre part, pour éviter qu'une procédure ne se prolonge. Afin de protéger le demandeur, la requête d'examen complet présentée par un tiers n'est traitée que si le demandeur a lui-même requis préalablement l'examen quant au fond (voir le commentaire de l'art. 58b). Il faut toutefois éviter de priver un tiers de la possibilité de requérir un examen complet parce que le titulaire requiert la poursuite de la procédure du fait qu'il n'a pas présenté, dans un premier temps, une demande d'examen partiel dans les délais. C'est pourquoi la poursuite de la procédure est exclue lorsque le délai de dépôt de la demande d'examen
n'a pas été respecté. Cette disposition reflète la pratique actuelle: la poursuite de la procédure est exclue en cas d'inobservation de différents délais dans l'examen du brevet (art. 46a, al. 4, let. i, LBI en relation avec l'art. 14 OBI).

Art. 47 Il s'agit d'une modification de nature rédactionnelle. Le terme désuet «ordonnance d'exécution» est remplacé par «ordonnance».

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RS 232.148

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Art. 57a Al. 1 et 2: selon le droit en vigueur (art. 59, al. 4, LBI), l'IPI n'examine ni la nouveauté ni l'activité inventive d'une demande de brevet. La loi ne prévoit dès lors pas qu'une recherche sur l'état de la technique soit réalisée d'office pour chaque demande et qu'un rapport soit établi sur cette base. Il est vrai que le demandeur d'un brevet ou, dans certaines circonstances, un tiers également peut demander de sa propre initiative à l'IPI de réaliser une recherche sur l'état actuel de la technique (art. 59, al. 5 et 6, LBI). Toutefois, il n'est fait usage de cette possibilité que dans 10 % des cas environ.

En raison du changement de système vers un examen complet facultatif, la réalisation d'une recherche pour chaque demande de brevet s'impose afin de pouvoir établir l'état actuel de la technique dans le domaine concerné et le consigner ensuite dans un rapport. Ce dernier permet aux demandeurs et aux tiers de déterminer s'ils souhaitent requérir un examen complet d'une demande de brevet. L'IPI a en outre besoin de ce rapport pour pouvoir juger de la nouveauté et de l'activité inventive de l'invention faisant l'objet de la demande de brevet. Le rapport de recherche est également publié (art. 58a, al. 2) et classé dans le dossier du brevet pour rendre compte de l'état de la technique pertinent. Les tiers et les tribunaux (et les demandeurs eux-mêmes) peuvent obtenir ainsi des informations fiables sur la question de savoir si l'invention est nouvelle et si elle se distingue suffisamment de l'état de la technique, même lorsque le brevet n'a pas été soumis à un examen complet.

Le nouvel art. 57a, al. 1, crée la base légale pour cette recherche et ce rapport. En vertu des règles générales du droit administratif (art. 13 PA), l'IPI peut aujourd'hui déjà requérir du demandeur qu'il collabore à l'élaboration du rapport: il a par exemple le droit d'exiger de lui des informations sur l'état de la technique qui a été pris en considération dans d'autres procédures de brevet. Il n'est dès lors pas nécessaire de prévoir dans la loi une réglementation correspondant à l'art. 124 CBE 2000.

La nouvelle recherche obligatoire requiert une adaptation de la réglementation actuelle relative aux taxes de recherche. Il n'est toutefois pas nécessaire de modifier la loi à cet effet, le renvoi existant à l'art. 41
LBI («L'obtention et le maintien en vigueur d'un brevet, ainsi que le traitement de requêtes spéciales présupposent le paiement des taxes prévues à cet effet...») étant suffisant. Les modifications requises concernant les taxes et les conditions de paiement devront être mises en oeuvre dans l'OBI et dans l'OTa-IPI.

Al. 3 et 4: si la documentation sur l'état de la technique disponible est suffisante, l'IPI peut renoncer, pour des raisons de gain d'efficacité, à réaliser une recherche et à établir un rapport (al. 3) et reprendre les résultats existants. C'est le cas, par exemple, de rapports de recherche déjà réalisés par l'IPI ou par l'OEB concernant une demande prioritaire portant sur des revendications identiques ou similaires. L'IPI décide au cas par cas de reprendre ou non les résultats de recherche disponibles. Il a également la possibilité d'examiner les documents et de procéder, si nécessaire, à des clarifications complémentaires ou de réaliser une nouvelle recherche. S'il renonce à établir un rapport, il publie une mention correspondante. Les détails, notamment les conditions devant être remplies pour renoncer à l'établissement du rapport, seront réglés dans l'OBI (al. 4).

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La présente révision prévoit aussi de donner à l'IPI la possibilité de conclure, à sa discrétion, des accords de nature administrative et technique avec des organisations internationales et régionales (telles que l'OMPI ou l'OEB) ainsi qu'avec des autorités et des offices nationaux étrangers compétents en matière de propriété intellectuelle.

De tels accords permettraient l'échange de résultats de recherche pour un certain domaine technique (cf. art. 2, al. 3 et 3bis, P-LIPI).

Art. 58a En allemand, la terminologie à l'al. 1 est adaptée selon les explications données au début du commentaire. La numérotation du titre marginal est également adaptée en raison de l'ajout de l'art. 57a.

Al. 2: la publication de la demande de brevet est un élément central du système des brevets. Le grand public doit être informé le plus rapidement possible, après le dépôt d'une demande de brevet, des progrès de l'état de la technique, et les tiers doivent savoir à quels droits opposables ils risquent d'être confrontés. Il existe en outre un intérêt à ce que la demande et le rapport sur l'état de la technique soient publiés de manière rapprochée (à condition que ce dernier ait été établi sous le droit actuel). Cela permet aux parties concernées de mieux évaluer la validité du brevet et l'étendue de sa protection.

Cette disposition définit le contenu de la publication de la demande de brevet. Afin de faciliter la lecture, les différents éléments sont énumérés aux let. a à e. L'élément de la phrase concernant l'abrégé («pour autant qu'il soit disponible avant la fin des préparatifs techniques en vue de la publication») est supprimé. Cette suppression reflète la pratique actuelle de l'IPI et élimine une incohérence entre la LBI et l'OBI. L'abrégé de la demande de brevet est toujours publié. Il faut qu'il soit déposé dans les trois mois à compter du dépôt des pièces, sinon l'IPI déclare la demande de brevet irrecevable (art. 48c, al. 3, OBI). En d'autres mots, l'abrégé doit être disponible déjà bien avant la publication, après 18 mois, de la demande (ou avant «la fin des préparatifs techniques en vue de la publication»).

Al. 3: le rapport sur l'état de la technique, obligatoire sous le nouveau droit, est toujours publié en même temps (al. 2). S'il n'est pas disponible avant la publication de la demande de brevet, il sera
publié par après dans les meilleurs délais. La mention de la recherche de type international, qui ne sera plus nécessaire après l'entrée en vigueur de la présente révision (voir le commentaire de l'art. 59, al. 5, LBI), est supprimée.

Al. 4: les demandeurs de brevets suisses déposent souvent auprès de l'IPI des pièces rédigées en anglais. L'échange même des informations entre le demandeur et l'examinateur a fréquemment lieu en anglais. C'est pourquoi l'OBI privilégie l'anglais par rapport aux autres langues étrangères. Aussi les indications requises pour la demande de brevet peuvent-elles être déposées en anglais (art. 46, al. 2, OBI). Les pièces techniques déposées en anglais doivent être traduites dans une langue officielle au plus tard dans les seize mois à compter de la date de leur dépôt (art. 50, al. 4, OBI). Si elles ont été rédigées dans une autre langue, ce délai est de trois mois (art. 50, al. 2, OBI).

La prépondérance de l'anglais dans le domaine des brevets a déjà été prise en considération par le législateur dans la réglementation des certificats complémentaires de protection (art. 140a à 140z LBI) ainsi que lors de l'élaboration de la LTFB. En cas 38 / 82

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de litiges devant le TFB, l'anglais peut être utilisé avec l'accord des parties et celui du tribunal (art. 36, al. 3, LTFB).

Enfin, les demandeurs ou les titulaires d'EP en anglais ne sont plus tenus, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord du 17 octobre 2000 sur les langues38, de produire une traduction dans une langue officielle suisse. La procédure d'examen des brevets produisant effet en Suisse peut être entièrement conduite en anglais à l'OEB. Il suffit que les revendications et le titre soient traduits dans les autres langues officielles de la CBE 2000, à savoir le français et l'allemand.

La possibilité offerte par le nouvel al. 4 de publier les brevets suisses déposés en anglais dans cette langue également présente deux avantages: éviter les erreurs de traduction qui pourraient avoir des incidences négatives sur le brevet ou l'étendue de sa protection et, pour les demandeurs, économiser les coûts liés à la traduction des pièces techniques. Il n'est pas non plus nécessaire de traduire les revendications. Seuls le titre et l'abrégé doivent être traduits dans une langue officielle suisse (art. 60, al. 4 P-LBI). Le brevet suisse diffère en cela de l'EP délivré par l'OEB, puisque les revendications de ce dernier doivent être traduites dans les trois langues officielles de la CBE 2000. Cette nouveauté augmente l'attrait du brevet suisse pour les demandeurs étrangers.

L'al. 4 a certes pour but d'épargner aux demandeurs des frais de traduction, mais ne leur accorde pas le choix illimité de la langue dans laquelle la demande doit être publiée pour autant. En effet, publier la demande en anglais n'est possible que si les pièces techniques ne sont pas rédigées dans une langue officielle. Ces dernières doivent également prévaloir sous le nouveau régime. Pour les demandeurs, cela signifie que si les pièces techniques sont disponibles dans une langue officielle, la demande est publiée dans cette langue. Si la demande a d'abord été déposée en anglais, mais qu'une traduction dans une langue officielle est fournie ultérieurement au cours de la procédure d'examen lorsque la LBI et l'OBI le permettent, la demande est publiée dans cette langue officielle. En revanche, si les pièces techniques sont rédigées soit exclusivement en anglais, soit dans une langue autre qu'une langue officielle, les demandeurs
peuvent exiger que la demande soit publiée soit en anglais, soit dans une langue officielle.

L'anglais n'est toutefois pas considéré pour autant comme une langue de procédure.

Les décisions (de procédure) continueront d'être rendues dans une langue officielle.

Pour les recours devant le TFB, la langue de la procédure est déterminée par la langue (officielle) dans laquelle la décision attaquée a été rendue. L'anglais peut être utilisé avec l'accord du juge instructeur et des parties. Le tribunal peut ordonner des traductions. Les jugements et les décisions de procédure sont toujours rédigés dans une langue officielle (art. 36, al. 3 et 4, P-LTFB).

L'anglais peut également être utilisé comme langue de dépôt et de correspondance devant l'IPI pour les demandes de CCP et de leur prorogation ainsi que pour les certificats complémentaires de protection pédiatriques (CCP pédiatriques). Il n'est toutefois pas nécessaire de modifier les art. 140l, 140s, 140y et 140z LBI, ces dispositions constituant une base légale suffisante dans leur version actuelle pour adapter l'OBI.

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RS 0.232.142.202

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À la différence de la publication d'un brevet, celle d'un CCP porte uniquement sur des éléments formels. C'est pourquoi l'IPI accepte aujourd'hui déjà que les documents requis pour les demandes de délivrance de CCP soient déposés en anglais.

Art. 58b Al. 1: avec l'instauration de l'examen complet facultatif des demandes de brevet suisses, les déposants auront un choix. La décision d'examiner une demande de brevet complètement se fondera sur la requête d'examen. L'art. 58b en précise les modalités.

Une fois que le demandeur aura reçu le rapport de recherche, il pourra décider s'il souhaite poursuivre ses démarches. S'il ne retire pas sa demande, elle est publiée conformément à l'art. 58a P-LBI. L'art. 58b, al. 1, inscrit dans la loi la pratique actuelle selon laquelle le demandeur doit requérir l'examen quant au fond de la demande de brevet. S'il ne requiert pas (aussi) l'examen complet selon l'al. 2, l'IPI n'examine ni la nouveauté ni l'activité inventive (art. 59, al. 4, P-LBI), comme c'est déjà le cas aujourd'hui.

Al. 2: si l'examen quant au fond a été requis conformément à l'al. 1, il est possible de solliciter l'examen complet de la demande (et donc aussi des critères de la nouveauté et de l'activité inventive) contre le paiement d'une taxe. Le demandeur n'est pas le seul à disposer de ce droit de requête. Celui-ci peut être exercé par toute personne.

L'extension de ce droit aux tiers, auxquels le brevet pourrait être opposé ultérieurement, leur offre la garantie de pouvoir faire examiner la nouveauté et l'activité inventive déjà au stade de la demande (et non pas seulement lors d'un procès en nullité devant le TFB). La sécurité juridique s'en trouve ainsi renforcée pour toutes les parties concernées.

Le demandeur peut présenter la requête prévue à l'al. 2 en même temps que la demande d'examen quant au fond visée à l'al. 1, mais au plus tard avant l'échéance du délai prévu à l'al. 3. Il a ainsi la possibilité de requérir uniquement un examen partiel de sa demande dans un premier temps, puis de solliciter un examen complet dans un second temps, selon l'évolution par exemple du développement du produit. Cette réglementation lui offre donc une flexibilité maximale. L'IPI veillera à ce que l'examen quant au fond puisse continuer à être requis de manière simple.

La requête d'examen complet
présentée par un tiers ne sera examinée que si le demandeur a déjà sollicité l'examen quant au fond. Cette condition vise à empêcher qu'un tiers puisse requérir l'examen d'une demande de brevet alors que le déposant songe à abandonner ses démarches.

La taxe pour l'examen complet est à la charge de la personne qui présente la demande.

Al. 3: les requêtes d'examen partiel ou d'examen complet doivent être déposées dans un délai de six mois à compter de la publication du rapport de recherche par l'IPI ou de la mention de non-établissement dudit rapport. Si ce délai n'est pas respecté, le droit de requête s'éteint. Toute poursuite de la procédure est exclue (art. 46a, al. 4, let. e, P-LBI).

Pour l'aménagement du délai, il a fallu prendre en considération les différentes voies d'obtention d'un brevet en Suisse. Outre le dépôt direct en Suisse (art. 49, al. 1, LBI) et la scission d'une demande pendante (demande divisionnaire; art. 57 LBI), il y a la 40 / 82

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transformation d'une demande de brevet européen en demande de brevet suisse (art. 121 LBI). Il est également possible de déposer une demande internationale avec désignation de la Suisse sur la base du PCT.

En raison de ces différentes voies d'obtention d'un brevet en Suisse, le délai se définit non pas en fonction de la publication de la demande, mais en fonction de la publication du rapport de recherche (complémentaire); celui-ci constitue la base sur laquelle le demandeur et les tiers peuvent juger si un examen complet doit être demandé.

C'est la publication du rapport de recherche par l'IPI qui est déterminante (et non la première publication). On garantit ainsi que tant le demandeur que les tiers disposent de suffisamment de temps pour présenter la requête d'examen, quelle que soit la voie d'obtention retenue. Pour les demandes de brevet suisses, le rapport est publié soit en même temps que la demande de brevet, soit, s'il n'est pas disponible à temps, le plus rapidement possible après celle-ci. Pour les demandes PCT, par contre, il arrive parfois que la publication de la demande internationale (rapport de recherche compris) intervienne avant même le début de la phase nationale en Suisse. Si le délai se calculait à partir de la première publication du rapport de recherche, il pourrait, selon les circonstances, échoir avant même le début de la phase nationale en Suisse. L'al. 3 permet d'éviter ces cas de figure. Pour les demandes PCT, l'IPI établit un rapport complémentaire sur l'état de la technique et le publie (art. 139, al. 1, P-LBI). Comme pour les demandes suisses, il peut renoncer à établir ce rapport complémentaire sur l'état de la technique (art. 57a, al. 3, P-LBI); dans ce cas, il doit publier une mention correspondante. Le délai pour présenter la requête d'examen ne commence à courir qu'à partir de la publication du rapport complémentaire ou de la mention.

Al. 4: il n'est plus possible de retirer la requête d'examen complet une fois qu'elle a été présentée. Cette disposition accroît, d'une part, la sécurité juridique, et permet d'éviter, d'autre part, les retards dans la procédure d'examen et de simplifier la procédure comme le demande l'auteur de la motion.

Al. 5: si un tiers peut réclamer l'examen complet d'une demande de brevet en déposant une requête correspondante, il ne
devient pas partie à la procédure de délivrance pour autant. Il n'a ainsi accès ni aux notifications émises pendant la procédure d'examen ni à la décision finale (c'est-à-dire la délivrance du brevet ou le rejet de la demande).

Si le brevet est délivré, les tiers autorisés peuvent former recours auprès du TFB dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'enregistrement du brevet (art. 59c, al. 1 et 2, P-LBI).

Al. 6: les modalités de la procédure d'examen et de délivrance seront réglées dans l'OBI.

Les dispositions transitoires formulées à l'art. 150 règlent l'application du nouveau droit aux demandes pendantes au moment de l'entrée en vigueur des modifications.

Art. 59 L'art. 59 LBI définit sur quoi porte l'examen: il revêt dès lors une importance cruciale pour l'examen complet facultatif qui doit être instauré à la faveur de la révision. Les al. 1 et 2 demeurent inchangés sur le plan du contenu; ils subissent uniquement une adaptation rédactionnelle. Ils régissent le rejet de la demande de brevet présentant des 41 / 82

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irrégularités ainsi que la possibilité pour le demandeur de corriger les défauts dans les délais.

Al. 4: dans sa teneur actuelle, cette disposition interdit à l'IPI, en tant qu'autorité d'examen et de délivrance, d'examiner la nouveauté et l'activité inventive dans le cadre de la procédure de délivrance. L'introduction de l'examen complet facultatif pour les demandes de brevet suisses offrira un choix. Si une requête d'examen complet est présentée conformément à l'art. 58b , al. 2, l'IPI examine toutes les conditions de brevetabilité (y compris la nouveauté et l'activité inventive). En l'absence d'une telle requête, ces deux critères ne seront par contre pas examinés, comme c'est le cas aujourd'hui.

Al. 5: avec le passage à l'examen complet facultatif, un rapport sur l'état de la technique doit être établi pour chaque demande de brevet (art. 57a), car sans un tel rapport, il est impossible d'examiner la nouveauté et l'activité inventive de l'invention. La nécessité de prévoir la possibilité de requérir une recherche facultative tombe, raison pour laquelle l'art. 59, al. 5, let. a, LBI peut être abrogé.

Aujourd'hui, les demandeurs ont aussi la possibilité de requérir une «recherche de type international» (art. 59, al. 5, let. b, LBI), qui remplit la même fonction que la recherche effectuée par l'IPI, mais qui est réalisée par l'OEB. Il fait par exemple sens de procéder ainsi lorsqu'une invention identique est déposée auprès de l'OEB après avoir été déposée en Suisse. Dans ce cas, l'OEB reconnaît dans la procédure européenne le rapport établi sur la base de la recherche de type international (qu'il a luimême réalisé dans la procédure suisse) et rembourse en partie la taxe de recherche européenne.

L'objectif de la révision est de proposer un brevet suisse en phase avec notre époque pouvant être examiné rapidement et de manière flexible. C'est pourquoi il est prévu que l'IPI effectue les recherches pour les demandes de brevet suisses. Il possède déjà les compétences nécessaires à cet effet grâce à ses activités de recherches. Confier cette tâche à l'IPI présente un double avantage: d'une part, il peut maintenir sa pratique dans ce domaine et le haut niveau de ses recherches; d'autre part, il conserve la souveraineté de la procédure (il ne dépend p. ex. pas de l'OEB), ce qui accroît la rapidité et
l'efficacité de la procédure d'examen. Ces avantages augmentent l'attrait du brevet suisse et l'emportent sur le potentiel avantage actuel en termes de coûts dont bénéficient les demandeurs grâce à la recherche de type international. C'est pourquoi l'art. 59, al. 5, let. b, LBI est aussi abrogé. Il est en outre prévu d'inscrire dans la législation d'exécution l'option d'une recherche accélérée.

Dans la perspective de l'accomplissement de son mandat légal (art. 2, al. 1, let. b à f, LIPI), il pourrait néanmoins être intéressant pour l'IPI de collaborer, à l'avenir, avec des offices de brevets étrangers pour des questions de ressources ou d'expertise (p. ex.

spécialisation d'offices des brevets dans certains domaines techniques). L'art. 2, al. 3 et 3bis, P-LIPI offre à l'IPI la marge de manoeuvre nécessaire pour envisager de telles coopérations. L'autorité d'examen suisse pourra en effet conclure des accords administratifs et techniques avec des autorités ou des organisations nationales ou régionales compétentes en matière de propriété intellectuelle, mais aussi avec des organisations multilatérales comme l'OMPI. Ces accords pourront par exemple porter sur la collaboration en matière de recherches. L'idée est que la nouvelle procédure d'examen des 42 / 82

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brevets puisse prendre en compte les développements internationaux afin de demeurer efficace.

Al. 6: l'alinéa est abrogé. Il définit dans quelles circonstances un tiers peut demander l'établissement d'un rapport sur l'état de la technique dans la mesure où ce dernier n'est pas encore disponible. Avec le passage à l'examen complet facultatif, cette disposition devient superflue étant donné qu'un rapport sera toujours établi d'office.

Art. 59a L'actuel art. 59a, al. 3, traite du rejet des demandes. Les nouveaux al. 3 et 4 précisent les conséquences juridiques selon la nature des défauts: si la demande ne satisfait pas ou ne satisfait que partiellement aux art. 1, 1a, 1b et 2, l'IPI la rejette sur la base de l'al. 3; si la demande ne répond pas aux autres dispositions de la loi ou de l'ordonnance, il la déclare irrecevable (al. 4).

Art. 59c L'art. 59c règle l'aménagement du droit de recours qui vient remplacer la procédure d'opposition. Le demandeur peut, en sa qualité de destinataire de la décision, former recours contre la non-délivrance du brevet. Mais un recours peut également être interjeté par un tiers habilité à recourir contre la délivrance du brevet. Il est renoncé à une procédure d'opposition préalable pour éviter que la procédure jusqu'à l'enregistrement définitif ou le non-enregistrement du brevet ne se prolonge. Raccourcir la durée de la procédure accroît la sécurité juridique et rend le système des brevets plus attrayant. Depuis son introduction en 2008, la procédure d'opposition n'a jamais été utilisée.

Al. 1: en vertu de l'art. 47, al. 1, let. bbis, P-PA, l'autorité de recours est le TFB, lequel examine les décisions en matière de brevets. L'objet de la contestation est le rejet de la demande par l'IPI ou la délivrance du brevet suite à son enregistrement conformément à l'art. 60 LBI. Dans les deux cas, il s'agit de décisions au sens de l'art. 5 PA, lesquelles sont susceptibles de recours.

Al. 2: un tiers peut interjeter recours en se fondant sur l'art. 48, al. 1, PA (qualité générale pour recourir) ou en vertu de l'art. 59cbis P-LBI (recours d'organisations qui poursuivent un but non lucratif).

L'art. 48, al. 1, PA énonce deux conditions cumulatives pour la légitimation générale.

Tout d'abord (art. 48, al. 1, let. a, PA), le recourant doit avoir pris part à la procédure en
première instance. Un tiers peut aussi former un recours s'il a été privé de la possibilité de participer à une telle procédure; c'est notamment le cas dans la procédure de délivrance d'un brevet, puisque présenter une demande d'examen complet ne confère pas la qualité de partie (art. 58b P-LBI). Il est ensuite nécessaire que le recours soit de nature matérielle; autrement dit, le recourant doit est spécialement atteint par la décision attaquée (art. 48, al. 1, let. b, PA). Le principal lésé est le destinataire de la décision, donc en général le titulaire du brevet. Or un tiers qui conteste une décision favorable au destinataire peut également avoir qualité pour recourir. La légitimation des tiers est étroitement liée à la grande proximité avec l'objet du litige. En formulant cette exigence, la PA exclut le recours populaire (ce qui souligne la spécificité du 43 / 82

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recours comme moyen de protection juridique individuel). Un recourant doit être concerné plus que n'importe qui et avoir un lien particulier, digne d'intérêt et proche avec l'objet du litige. La réponse à cette question se fonde sur les circonstances concrètes.

L'art. 48, al. 1, let. c, PA exige en outre l'existence d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision. Une personne particulièrement touchée par la délivrance d'un brevet a généralement aussi un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision. Cet intérêt peut également résider dans l'empêchement d'un préjudice matériel. Dans la pratique, il n'est jamais reconnu lorsque des problèmes purement théoriques sont en discussion. Un intérêt digne de protection ne découle pas non plus uniquement d'une relation de concurrence. Une proximité qualifiée doit exister. Les concurrents peuvent par exemple invoquer l'interdiction de l'inégalité de traitement dans la mesure où ils sont désavantagés par l'IPI (en expliquant en quoi ils sont pénalisés)39.

Le droit général de recours ne couvre pas l'intérêt à l'application correcte du droit administratif. C'est la visée de l'art. 48, al. 2, PA, qui protège les intérêts purement idéaux ou ceux de la collectivité. Ce droit de recours particulier ne doit pas être accordé à des particuliers, mais à des organisations, qui pourront se prévaloir d'un droit de recours altruiste ou idéal (ideelle Verbandsbeschwerde). L'art. 59cbis précise de quelles organisations il s'agit.

En règle générale, les tiers ne sont informés de la délivrance d'un brevet que par la publication de l'enregistrement du brevet au registre (art. 61, al. 1, let. b, LBI), laquelle déclenche le délai de recours. Le délai général de recours de 30 jours prévu à l'art. 50, al. 1, PA est trop court pour les tiers. Surveiller les registres de brevets, trouver les titres critiques, chercher des conseils en matière de brevets, faire des recherches sur l'état de la technique et rédiger un mémoire de recours prend du temps. Il est impossible de décider dans un délai aussi court s'il convient d'interjeter recours, en particulier si les brevets sont techniquement complexes ou si la coordination dans une grande entreprise prend beaucoup de temps. C'est pourquoi le délai de recours pour les tiers est porté à quatre
mois. Il est tenu compte ainsi de manière appropriée, d'une part, des intérêts décrits des tiers et, d'autre part, de la volonté que la procédure de recours reste simple et rapide. Maintenir le délai de neuf mois prévu dans la procédure d'opposition actuelle allongerait considérablement la procédure de recours et nuirait à l'attrait du système suisse des brevets.

L'art. 152 contient une disposition transitoire relative à la procédure d'opposition.

Art. 59cbis Les brevets peuvent porter atteinte à de multiples intérêts publics ou valeurs idéales.

C'est pourquoi les organisations se voient accorder le droit de former recours dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'enregistrement du brevet (cf. art. 59c, al. 2). Ce droit se fonde sur l'art. 48, al. 2, PA. Cette disposition accorde un droit de recours notamment aux organisations (recours altruiste ou idéal des associations), à condition qu'une autre loi fédérale prévoie un droit correspondant.

39

Arrêt du TAF B-2608/2019 du 25 août 2021.

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L'al. 1 définit les conditions que doivent remplir les organisations désireuses d'exercer ce droit de recours. La LBI ne l'accorde qu'aux organisations: ­

qui sont actives au niveau national, et

­

qui poursuivent un but non lucratif; les éventuelles activités économiques doivent servir le but non lucratif.

La particularité de ce recours réside dans le fait que les organisations n'ont pas besoin de faire valoir un intérêt personnel digne de protection; il suffit qu'elles défendent des intérêts publics ou des valeurs idéales. C'est pourquoi la réglementation proposée précise dans quelle mesure elles peuvent exercer une éventuelle activité économique si elles veulent être reconnues comme ayant qualité pour recourir. L'activité économique doit servir à la réalisation du but idéal. Si, au contraire, elle vise principalement à réaliser des bénéfices, l'organisation doit être considérée comme une entreprise qui ne doit pas pouvoir se prévaloir du droit de recours des associations, celui-ci ne devant pas permettre l'imposition d'objectifs entrepreneuriaux.

Les organisations qui se consacrent en particulier à la protection de la dignité humaine, au développement durable, à la protection de la nature ou de l'environnement sont considérées comme étant habilitées à former un recours au sens de la LBI. Voici quelques exemples: ­

Public Eye, l'association fondée sur la Déclaration de Berne, qui s'engage entre autres pour le respect des droits de l'homme, la solidarité et la protection des ressources naturelles;

­

la fondation ProSpecieRara, dont l'action vise en particulier à préserver la diversité génétique et historico-culturelle des plantes et des animaux et le libre accès aux animaux d'élevage, aux semences et aux plants, dans un but de préservation de la sécurité et de la richesse des bases de notre alimentation;

­

WWF Suisse, la fondation d'utilité publique défend la protection de la nature et de l'environnement.

Conformément à l'al. 2, les organisations peuvent invoquer le droit de recours lorsque le brevet enregistré relève d'un domaine de la technique couvert depuis au moins cinq ans par leur but statutaire. L'objectif du droit de recours des associations est de garantir l'application correcte du droit administratif. Les organisations qui forment recours contre un brevet enregistré relevant d'un secteur technique qui ne fait pas partie de leur domaine d'activité principal ne disposent pas des connaissances spécifiques requises. En exigeant en outre d'elles que leur activité dans le domaine concerné dure depuis au moins cinq ans, on vise à empêcher que des organisations ne soient créées à court terme pour agir contre des brevets dans certains secteurs techniques.

La notion de domaine d'activité doit être interprétée de manière restrictive; autrement dit, il doit exister un lien étroit entre l'activité de l'organisation et le domaine technique auquel appartient le brevet enregistré. Prenons l'exemple des inventions biotechnologiques pour illustrer le propos. Les inventions biotechnologiques sont basées sur du matériel biologique, lequel contient des informations génétiques, peut être reproduit et présente une grande complexité. Une invention biotechnologique est brevetable si elle remplit les critères généraux de brevetabilité. En d'autres mots, il doit s'agir d'une invention (pas d'une simple découverte) répondant aux critères de nou45 / 82

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veauté et d'activité inventive et qui soit susceptible d'application industrielle. Dans ces conditions, les séquences dérivées d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène existant à l'état naturel peuvent par exemple être brevetables en tant qu'invention (art. 1b, al. 2, LBI). Le terme «séquence dérivée» désigne toute séquence de nucléotides ou d'acides aminés (ADN complémentaire ou ADNc, ARN, polypeptide, protéine, etc.) obtenue sur la base d'une séquence ou d'une séquence partielle d'un gène et qui a la même fonction que cette dernière. Ne sont par contre pas brevetables les séquences ou séquences partielles d'un gène existant à l'état naturel, tant dans leur environnement naturel qu'à l'état isolé non modifié (art. 1b, al. 1, LBI). Les problèmes de délimitation qu'il peut y avoir entre séquences brevetables et séquences non brevetables sont susceptibles de devenir des cas d'application, notamment pour le recours idéal des associations. Il faut pour cela que le domaine du génie génétique soit étroitement lié au domaine d'activité proprement dit de l'organisation recourante. Cela devrait être le cas lorsque celle-ci s'engage (depuis au moins cinq ans) par exemple en faveur de la diversité génétique ou du maintien de la liberté de recherche dans le secteur de la santé. Défendre par contre de manière générale la protection de la dignité humaine ne devrait pas suffire à établir le lien étroit requis. Il appartiendra aux tribunaux de décider au cas par cas si une organisation a qualité pour recourir ou non.

Soulignons pour finir que les organisations pouvant se prévaloir du droit de recours idéal en vertu de l'art. 59cbis peuvent agir contre toute violation de la LBI, au même titre que toutes les autres personnes habilitées à recourir. Elles ont par conséquent la possibilité de recourir par exemple contre un motif légal d'exclusion de la protection (art. 1a, 1b et 2 LBI). Parmi ces motifs, il y a par exemple le corps humain dans toutes les phases de sa formation et de son développement ou, comme évoqué plus haut, les séquences ou séquences partielles d'un gène existant à l'état naturel. Un recours peut aussi être interjeté contre les inventions dont l'exploitation porte atteinte à la dignité humaine ou à la dignité de la créature ou qui sont contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Enfin,
les organisations peuvent invoquer d'autres motifs, comme l'absence d'une ou de plusieurs conditions requises pour la délivrance d'un brevet.

Elles ont par exemple la possibilité d'attaquer un brevet enregistré ayant fait l'objet d'un examen complet (art. 58b, al. 2, P-LBI) pour absence d'inventivité (art. 1 LBI).

Art. 60 Al. 2: la liste des indications à inscrire dans le registre pour les brevets délivrés prévue à l'art. 60, al. 1bis, LBI est abrogée et remplacée par une norme de délégation au Conseil fédéral (al. 2). Le but de cette modification est une certaine harmonisation avec les dispositions correspondantes des autres lois spéciales régissant les droits de propriété industrielle, à savoir l'art. 38 LPM et les art. 24 et 25 LDes. Les indications à inscrire au registre des brevets lors de la délivrance seront toutes précisées dans l'OBI (à l'exception du numéro du brevet, de la date de dépôt et, le cas échéant, des indications de priorité conformément à l'al. 2). L'art. 94 OBI comprend aujourd'hui déjà une disposition de ce genre qu'il faudra remanier dans le cadre de la révision du droit d'exécution.

Al. 3: l'al. 2 actuel devient l'al. 3, sans modification du contenu.

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Al. 4: lorsque le brevet est publié en anglais, seuls le titre et l'abrégé doivent être traduits dans une langue officielle suisse (voir ci-dessus le commentaire de l'art. 58a, al. 3).

Art. 61 Les informations à publier lors de l'enregistrement du brevet au registre seront définies dans l'OBI. Cette modification vise également une harmonisation avec les dispositions correspondantes dans les autres lois spéciales régissant les droits de propriété industrielle, à savoir l'art. 38 LPM et les art. 24 et 25 LDes.

Art. 63 Le renvoi, à l'al. 2, à l'art. 60, al. 1bis, LBI, qui est abrogé, est remplacé par un renvoi à l'art. 60, al. 2, P-LBI. Les indications que doit contenir le fascicule qui ne sont pas énumérées dans cette disposition seront spécifiées dans l'OBI. En font notamment partie le nom et le domicile du titulaire du brevet, le nom de l'inventeur et le titre de l'invention.

Art. 64 (abrogé) Les prescriptions relatives au document de brevet seront transférées dans l'OBI, et la procédure d'enregistrement sera aménagée sur le modèle de la procédure pour les autres droits immatériels (marques et designs). Aux termes de l'art. 19, al. 2, de l'ordonnance du 23 décembre 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (OPM)40 et de l'art. 18, al. 2, de l'ordonnance du 8 mars 2002 sur les designs (ODes)41, l'IPI établit une confirmation de l'enregistrement du titre de protection en sa qualité d'autorité de délivrance. Cet acte constitue une preuve au sens de l'art. 12 PA.

Art. 65 La disposition est précisée: elle est complétée par l'expression «déclarer irrecevable» comme conséquence juridique d'un défaut formel; le terme «rejeter» est maintenu pour les défauts matériels. Il s'agit d'une modification rédactionnelle.

Art. 86a Suite à la modification de la dénomination de l'Administration des douanes, celle-ci est remplacée dans le P-LBI par «Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF)» et «OFDF».

Art. 123 Cette disposition précise qu'en cas de transformation la demande de brevet européen doit être traduite dans une langue officielle suisse. Le projet de révision prévoit 40 41

RS 232.111 RS 232.121

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comme nouveauté que l'IPI acceptera aussi les demandes rédigées en anglais, ce qui constitue une simplification notable pour les demandeurs suisses et plus particulièrement pour les déposants étrangers. Il est tenu compte ainsi du fait qu'en matière de brevets, la plupart des pièces et documents sont produits dans cette langue. Tout comme les art. 58a, al. 4, et 138, let. d, P-LBI, qui prévoient la possibilité de publier les demandes nationales et internationales en anglais, l'art. 123 précise que l'IPI peut renoncer à exiger une traduction si la demande de brevet européen est rédigée en anglais. Grâce à cette nouveauté, le demandeur économise des frais de traduction, qui peuvent être parfois considérables, ce qui rend le dépôt d'un brevet économiquement plus intéressant. L'art. 123 reprend également la nouvelle terminologie introduite à la faveur de la révision.

Art. 137 Le renvoi à l'art. 112 LBI est inexact. L'art. 112 a en effet été abrogé par l'art. 2 de l'arrêté fédéral du 16 décembre 2005 relatif à l'approbation de l'Accord sur l'application de l'art. 65 de la Convention sur le brevet européen et à la modification de la loi sur les brevets42.

Art. 138 Cette disposition spécifie les conditions formelles que doivent remplir les demandes PCT et les informations que les demandeurs doivent livrer à l'IPI le cas échéant. Le contenu de l'article demeure en grande partie inchangé, hormis en ce qui concerne les traductions: le projet de révision précise que l'IPI acceptera également les demandes de brevet rédigées en anglais. C'est pourquoi, en conformité avec les art. 58a, al. 4, et 123 P-LBI, l'art. 138, let. d, prévoit qu'il ne sera pas nécessaire de traduire une demande PCT rédigée en anglais.

La réglementation concernant la langue de la procédure reste inchangée. Les décisions de l'IPI (et des autres autorités concernées, p. ex. le TFB; art. 36, al. 3, P-LTFB) continueront d'être rendues dans une langue officielle. Si nécessaire, les autorités impliquées auront toujours la possibilité d'ordonner une traduction en vertu de l'art. 33a, al. 4, PA et de l'art. 36, al. 4, P-LTFB.

Art. 139 Al. 1: avec l'introduction de l'examen complet facultatif du brevet suisse, il convient aussi d'adapter le rapport avec les demandes internationales déposées selon le PCT.

Les art. 134 à 140 LBI régissent la
procédure PCT dans la mesure où l'IPI est l'office désigné. Selon le droit en vigueur, une demande internationale présentée correctement produit en Suisse les mêmes effets qu'une demande de brevet suisse présentée en bonne et due forme. La révision ne change rien à cet état de fait, mais l'introduction de l'examen complet facultatif et de ses répercussions sur la recherche et le rapport sur l'état de la technique appellent quelques adaptations. L'instauration de l'examen complet facultatif rendra obligatoire la réalisation d'une recherche sur l'état de la tech42

RO 2008 1739

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nique pour toutes les demandes de brevet en Suisse (art. 57a P-LBI). Afin de garantir que les demandes PCT soient équivalentes aux demandes nationales, l'al. 1 introduit le principe d'une obligation de recherche complémentaire.

Al. 2: selon la provenance et le contenu de la recherche internationale, l'établissement d'un rapport complémentaire sur l'état de la technique pour garantir la qualité de l'examen n'est pas nécessaire. L'IPI se voit conférer la compétence de renoncer à l'établissement de ce rapport. Il publie dans ce cas une déclaration de renonciation pour éviter que, pour les demandes internationales, le délai de six mois pour requérir l'examen complet (art. 58b, al. 3, P-LBI) n'échoit avant le début de la phase nationale.

En effet, le délai pour requérir la demande d'examen ne commence à courir qu'à partir de la publication. Les conditions qui devront être réunies pour que l'IPI renonce à établir un rapport complémentaire seront précisées dans ses directives d'examen43, qui seront révisées, et, le cas échéant, ponctuellement dans le droit d'exécution en considération des expériences tirées de la pratique actuelle.

Art. 140f Dans le texte allemand, le terme «zurückweisen» (rejeter) est remplacé par celui de «nichteintreten» (déclarer irrecevable) comme conséquence juridique d'une constatation de défauts formels. Il s'agit d'une modification rédactionnelle.

Art. 140h La base légale pour la perception de taxes en relation avec les CCP est précisée, tout comme celle en relation avec les brevets (art. 41 P-LBI).

Art. 140m En raison de l'adaptation de la structure de la LBI, il faut corriger le renvoi actuel aux titres premier à troisième et cinquième par un renvoi aux titres 1 et 2.

Art. 140o, 140v, 146 et 147 Dans le texte allemand, le terme «zurückweisen» (rejeter) est remplacé par celui de «nichteintreten» (déclarer irrecevable) comme conséquence juridique d'une constatation de défauts formels. Il s'agit d'une modification rédactionnelle.

Art. 150 Al. 1: conformément au principe général de droit transitoire, le nouveau droit s'appliquera à toutes les demandes de brevet pendantes au moment de son entrée en vigueur.

Cette disposition permet de garantir une application rapide du nouveau régime de l'examen complet facultatif. En droit procédural, l'application du nouveau droit aux procédures en cours n'est pas rétroactive44.

43 44

Peuvent être consultées à l'adresse: www.ipi.ch > Protéger votre PI > Brevets > Protection en Suisse > Examen quant au fond (état: 16.8.2022).

ATF 113 Ia 412, consid. 6

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Al. 2: aucune des parties concernées ne trouve son compte dans l'application du nouveau régime (dans lequel les tiers aussi pourront requérir l'examen complet) pour les demandes de brevet dont le traitement est déjà avancé. Dans ces cas, la demande de brevet peut être examinée selon l'ancien droit, si les deux conditions suivantes sont remplies: d'une part, il faut que le paiement de la taxe d'examen perçue par l'IPI (art. 17a, al. 1, let. c, OBI) soit intervenu avant l'entrée en vigueur de la révision; d'autre part, le demandeur ne doit pas avoir requis la suspension de l'examen de sa demande. La nécessité de cette restriction s'explique notamment par le fait qu'il n'est pas rare qu'un demandeur requière la suspension de l'examen (art. 62 OBI) pour attendre par exemple l'issue de la procédure devant l'OEB. Comme cette procédure peut durer très longtemps, l'IPI se verrait contraint d'examiner des demandes selon l'ancien droit durant bien des années après l'entrée en vigueur du nouveau régime.

C'est pourquoi, si l'examen d'une demande est suspendu le jour de l'entrée en vigueur des modifications de la LBI, la demande est examinée selon le nouveau droit.

Si ces deux conditions sont remplies, la demande pendante est en principe examinée selon l'ancien droit, en l'occurrence selon l'al. 4 de l'art. 59 en vigueur. L'art. 58b P-LBI n'étant pas applicable, il n'est pas possible de requérir un examen complet pour ces demandes (à moins que le demandeur ait requis l'examen de sa demande selon le nouveau droit en vertu de l'al. 3). L'art. 57a P-LBI, qui prévoit un rapport d'office sur l'état de la technique, n'est pas applicable, pas plus que l'art. 139 P-LBI pour les demandes PCT. En lieu et place, le demandeur peut requérir, à son initiative, l'établissement d'un rapport (art. 59, al. 5 et 6, LBI), qui est publié selon le droit en vigueur (art. 58a, al. 2, LBI).

Al. 3: le demandeur peut déclarer souhaiter qu'une demande pendante répondant aux conditions énoncées à l'al. 2 soit examinée selon le nouveau droit.

Al. 4: pour qu'une demande de brevet soit examinée selon l'ancien droit, son examen ne doit pas être suspendu au moment de l'entrée en vigueur de la révision de loi. Le demandeur doit donc décider s'il souhaite lever la suspension afin de faire examiner sa demande selon l'ancien droit ou s'il
préfère maintenir la suspension de la procédure (ce qui lui permettrait de requérir l'examen complet de sa demande). Il pourrait être tenté de contourner l'al. 2 et de lever la suspension avant de la requérir à nouveau après l'entrée en vigueur du nouveau droit pour tirer avantage tant de l'examen selon l'ancien droit que de la suspension. Pour éviter ces cas de figure, l'al. 4 précise que les demandes qui sont suspendues après l'entrée en vigueur des modifications de la LBI (qu'il s'agisse d'une première suspension ou d'une suspension subséquente) sont toujours examinées selon le nouveau droit. Cette disposition permet donc de prévenir des comportements abusifs et de garantir que le nouveau droit prenne le plus rapidement possible le pas sur l'ancien.

Art. 151 L'art. 26, al. 1, let. cbis, introduit un nouveau motif de nullité. La disposition transitoire énoncée à l'art. 151 garantit l'interdiction générale de rétroactivité à son égard. Aux termes de cette disposition, la nouvelle cause de nullité peut être invoquée seulement à l'encontre des brevets pour lesquels une renonciation partielle ayant entraîné une

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extension du champ de protection est intervenue après l'entrée en vigueur du nouveau droit.

Art. 152 S'ils souhaitent contester les délivrances de brevets qui sont passées en force de chose jugée avant la date d'entrée en vigueur du nouveau droit, les tiers ont jusqu'à l'expiration du délai d'opposition pour introduire une telle procédure. Cette disposition permet d'éviter qu'ils soient privés aussi bien du nouveau délai de recours de quatre mois que du délai d'opposition de neuf mois. Pour les brevets délivrés peu avant l'entrée en vigueur des modifications de la LBI, le délai d'opposition ou de recours serait sensiblement raccourci et pourrait être très inférieur au nouveau délai de recours de quatre mois. L'instance de recours est le TF.

Il convient pour finir de relever que, pour les brevets enregistrés qui ont été délivrés avant l'entrée en vigueur de la présente révision, mais dont le délai général de recours de trente jours n'a pas encore expiré au moment de l'entrée en vigueur, le droit de recours de quatre mois (en ce qui concerne les recours interjetés par les tiers) s'applique à compter de la date d'entrée en vigueur.

5.2

Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (LIPI)

Art. 2 Al. 1, let. a: cette disposition subit une modification d'ordre rédactionnel qui consiste en l'ajout des certificats complémentaires de protection à l'énumération des titres de protection pour lesquels l'IPI est compétent. Conformément à la LBI, le terme «brevet d'invention» est remplacé par celui de «brevet».

Al. 3 et 3bis: dans le domaine de la propriété intellectuelle, la coopération internationale revêt une importance primordiale. Elle permet aux pays et à leurs autorités compétentes en matière de droits immatériels de travailler en synergie et d'harmoniser les procédures, ce qui peut faciliter considérablement l'enregistrement de marques et de brevets dans plusieurs pays. Cette collaboration contribue donc à accroître l'efficience, mais elle est aussi garante d'une plus grande sécurité juridique au plan international. L'IPI exécute, conformément à la législation spéciale, les traités internationaux en matière de propriété intellectuelle, représente la Suisse dans le cadre des organisations et conventions internationales dans ce domaine, participe à la représentation de notre pays dans d'autres organisations et conventions internationales et s'investit dans la coopération technique relative à la propriété intellectuelle (art. 2, al. 1, let. b, d, e et f, LIPI). Le corollaire de l'imbrication du droit de la propriété intellectuelle au niveau international est la collaboration étroite de l'IPI avec diverses organisations internationales telles que l'OEB ou l'OMPI (cf. art. 2, al. 3, LIPI) ainsi qu'avec les autorités nationales d'autres pays compétentes en matière de propriété intellectuelle, comme les offices des marques ou des brevets.

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La coopération internationale peut prendre des formes diverses et présenter des structures variées. Le plus souvent, deux autorités ou organisations coopèrent en vue de garantir que le système de protection et d'application des droits de propriété intellectuelle puisse tenir compte des évolutions internationales et rester aussi efficace que possible. La réalisation de recherches dans certains domaines est ainsi confiée à des offices de brevets étrangers, nationaux ou régionaux spécialisés. L'OMPI gère par ailleurs le Patent Prosecution Highway. Il s'agit d'une série d'accords bilatéraux entre plusieurs offices des brevets qui ont pour objectif d'accélérer la phase nationale ou régionale des demandes internationales grâce à la reprise de certains résultats (comme les recherches) obtenus par des offices étrangers. Une coopération entre différents offices des marques dans une perspective d'harmonisation de leur pratique d'examen serait aussi envisageable. Les autorités de propriété intellectuelle compétentes pourraient en outre coopérer dans le but d'améliorer l'efficacité de la gestion des droits de propriété intellectuelle dans le domaine de l'utilisation de nouvelles technologies. Enfin, il y aurait également la possibilité de coopérer avec des réseaux nationaux comme le Nordic Patent Institute (fondé par l'Islande, le Danemark et la Norvège).

La collaboration internationale tient un rôle essentiel dans le cadre de la présente révision également. D'une part, les déposants se voient offrir la possibilité de demander à l'IPI un examen de toutes les conditions de brevetabilité (en particulier la nouveauté et l'activité inventive). D'autre part, l'IPI réalisera une recherche obligatoire pour toutes les demandes de brevet partiellement examinées, ce qui accroîtra la sécurité juridique. L'un des objectifs de la révision étant la mise en place d'un examen court et flexible, les recherches pour ce rapport seront en principe effectuées uniquement par l'IPI. Celui-ci a en effet démontré qu'il possédait les compétences nécessaires pour effectuer des recherches de très bonne qualité. On ne peut cependant exclure des situations dans lesquelles la coopération avec des organisations ou des offices étrangers des brevets présente des avantages pour les demandeurs de brevets en Suisse, par exemple pour des raisons
d'efficacité ou pour des considérations techniques comme la spécialisation de certains offices dans des domaines techniques.

En tant qu'établissement de droit public doté d'une personnalité juridique propre, il est essentiel que l'IPI puisse réglementer de manière autonome la coopération internationale aux niveaux administratif et technique. Dans le cadre de la délégation de compétences prévue à l'art. 48a, al. 1, 2e phrase, LOGA, l'art. 2, al. 3 et 3bis, P-LIPI élargit modérément la possibilité pour l'IPI de conclure, de sa propre initiative, des traités de portée limitée dans le domaine de la propriété intellectuelle ­ soit des accords de nature administrative et technique ­, aussi bien avec des organisations internationales et régionales (comme l'OMPI ou l'OEB) qu'avec des autorités et des offices nationaux d'autres pays. Dans ce faire, l'IPI devra se coordonner avec les autres autorités fédérales concernées.

La présente révision permettra ainsi à l'IPI de s'associer à des initiatives internationales et de renforcer, par exemple, l'attrait du brevet suisse pour les demandeurs étrangers grâce à une simplification et à une accélération de la procédure.

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Section 3

Défense des intérêts fédéraux

L'introduction d'une base juridique explicite permettant la définition d'objectifs stratégiques (art. 8a) appelle une adaptation du titre de la section concernée. Celui-ci s'inspire, tout comme la réglementation proposée, des dispositions arrêtées pour d'autres unités administratives comparables, comme METAS ou Innosuisse.

Art. 8a Le nouvel art. 8a précise que le Conseil fédéral fixe de manière contraignante les objectifs stratégiques de l'IPI pour une période de quatre ans et qu'il veille à ce que le Conseil de l'Institut soit consulté au préalable. La base légale explicite demandée dans le rapport sur la stratégie du propriétaire pour la gestion de l'IPI au moyen d'objectifs stratégiques du Conseil fédéral est ainsi inscrite dans la LIPI.

Art. 9 À l'instar du droit actuel, l'al. 1 règle que l'IPI est soumis à la surveillance du Conseil fédéral.

L'al. 2 énumère de manière non exhaustive les instruments dont dispose le Conseil fédéral pour exercer sa surveillance: nommer le président et les autres membres du Conseil de l'Institut, conclure, modifier et résilier les rapports de travail du directeur, nommer l'organe de révision, approuver le contrat d'affiliation à PUBLICA, approuver le rapport annuel sur les activités de l'IPI et l'ordonnance de l'IPI sur les taxes, donner décharge au Conseil de l'Institut et vérifier chaque année que les objectifs stratégiques ont été atteints. Le Conseil fédéral dispose déjà de ces compétences, mais elles sont désormais expressément inscrites dans la loi, conformément aux principes actuels de gouvernement d'entreprise.

Aux termes de l'al. 3, l'IPI doit donner un droit de regard au Conseil fédéral (ou au département si l'exercice de la surveillance lui a été délégué) sur ses dossiers et de l'informer sur ses activités. Il est proposé de mentionner expressément cette obligation découlant du droit de surveillance du Conseil fédéral qui existe déjà.

L'al. 4 précise que, comme sous le droit actuel, la haute surveillance du Parlement et du Contrôle fédéral des finances est réservée.

5.3

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative

Art. 1 L'art. 1 définit le champ d'application de la PA, alors que l'al. 2 précise le champ d'application organisationnel au niveau fédéral. Aujourd'hui, le TAF examine toutes les décisions de l'IPI en matière de brevets en sa qualité d'instance de recours. Selon le nouveau droit, cette tâche incombera au TFB. Celui-ci est en conséquence ajouté à la liste des autorités énumérées à l'al. 2 (let. cter).

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Art. 2 L'art. 2, al. 4, pose le principe que la PA s'applique aux procédures devant le TAF.

Comme les décisions que l'IPI rend en application de la LBI seront examinées par le TFB et non plus par le TAF, la question de l'applicabilité de la PA se pose, en particulier parce qu'en vertu de l'art. 27 LTFB, les procédures (civiles) devant le TFB sont régies en principe par le code de procédure civile (CPC)45 .

À l'évidence, le transfert de compétence du TAF au TFB n'a pas de conséquences sur le droit de procédure applicable: les procédures portant sur les décisions de l'IPI en matière de droit des brevets continueront donc en principe à être jugées selon la PA.

Le nouvel art. 27, al. 2, P-LTFB précise dès lors que les règles de procédure de la PA sont applicables dans la mesure où la LTFB, la LBI et les chapitres 3 et 4 de la LTAF ne prévoient pas de dispositions dérogatoires. Parallèlement, l'art. 27, al. 1, P-LTFB garantit que les procédures civiles devant le TFB continueront en principe à être régies par le CPC.

Art. 21 Dans la version française, la graphie du nom de l'IPI est adaptée: les termes composant la désignation («Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle») s'écrivent avec une majuscule initiale et l'abréviation est introduite dans les textes français, allemand et italien.

Art. 47 L'art. 47, al. 1, définit les instances de recours en renvoyant à d'autres dispositions.

Depuis la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, le TAF est le tribunal administratif général de la Confédération. Comme la révision prévoit que le TFB remplacera le TAF comme instance de recours statuant sur les décisions que l'IPI rend en application de la LBI, la liste des autorités de recours doit être complétée en conséquence.

Art. 63 La modification de l'art. 63 vise principalement à relever le plafond des émoluments judiciaires perçus par le TAF, le Tribunal pénal fédéral (TPF) en matière administrative et, en raison de la révision de la LBI, par le TFB (cf. al. 6), comme l'Assemblée fédérale l'avait demandé par deux motions (mo. 17.3353 CdG-N et 17.3354 CdG-E «Relèvement des plafonds des émoluments judiciaires perçus par le Tribunal fédéral et le Tribunal administratif fédéral»). En outre, l'émolument minimal pour les litiges passe de 100 à 200 francs (cf. al. 4bis). Ces deux motions ont
été discutées en relation avec le message du 15 juin 2018 relatif à la modification de la loi sur le Tribunal fédéral46. Comme ce projet de révision n'a pas rencontré de majorité au Parlement, elles ont été classées47. Leur contenu, toutefois, a été salué.

45 46 47

RS 272 FF 2018 4713; FF 2018 4769 BO 2020 N 156

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Les motions demandaient que le montant maximal des émoluments perçus par le TF et le TAF puisse être relevé de manière flexible ou soit majoré afin que les plafonds prévus puissent être dépassés en cas de valeurs litigieuses exceptionnellement élevées, de procédures particulièrement complexes ou de conflits d'intérêts graves. D'autres modifications étant apportées à la PA dans le cadre de la présente révision, il est proposé de mettre en oeuvre le contenu de ces deux motions pour le TAF, le TFB et pour les affaires de droit administratif relevant du TPF, mais pas du TF.

Al. 4bis: cette disposition fixe l'émolument d'arrêté à 200 francs au minimum au lieu de 100 francs. Cette modification ne concerne pas seulement le TAF, le TFB et le TPF, mais toutes les instances de recours qui statuent selon la PA. Si des circonstances particulières justifient la remise partielle ou totale des frais de procédure, il reste possible de descendre en dessous du montant minimal (cf. al. 1).

L'adaptation rédactionnelle apportée à l'al. 5 précise que la réserve ne concerne que les compétences: les tribunaux énumérés fixent les détails des émoluments judiciaires dans des règlements, sans pouvoir déroger toutefois à l'art. 63. La disposition est complétée par une réserve correspondante pour le TFB, puisque celui-ci doit, en raison de son autonomie, régler lui-même le calcul des émoluments et des dépens dans son domaine de compétence.

Al. 6: on ne peut exclure que certaines questions de droit et de fait qui se posent aujourd'hui dans les procédures civiles en matière de brevets se posent également dans les procédures de recours. Il s'est avéré que l'établissement des faits peut être laborieux et compliqué. Il n'en sera pas autrement dans les procédures de recours; il est dès lors possible qu'il s'ensuive une charge de travail supérieure à la moyenne, notamment en raison de l'application du principe de l'examen d'office dans certains cas.

En outre, il se peut tout à fait que certaines procédures de recours présentent une valeur litigieuse élevée (en particulier les procédures concernant les CCP). Afin de pouvoir tenir compte de cette possibilité ainsi que de la complexité et de l'ampleur de la cause dans le cas d'espèce, il fait sens de mettre en oeuvre les motions susmentionnées dans le cadre de la présente révision
partielle de la LBI. Celle-ci permet la majoration des émoluments ordinaires jusqu'au double au maximum si des motifs particuliers le justifient48. Le montant maximal s'élèvera donc à 10 000 francs (contre 5000 actuellement) pour les contestations non pécuniaires et à 100 000 francs (contre 50 000 actuellement) pour les autres contestations. Le nouvel al. 6 reprend la teneur de l'art. 65, al. 5, LTF pour les émoluments d'arrêté fixés par le TAF, le TFB et le TPF.

Art. 64 L'adaptation rédactionnelle permet de préciser que la réserve ne concerne que les compétences: les tribunaux énumérés fixent les détails des dépens dans des règlements, sans pouvoir déroger toutefois à l'art. 64. En raison de son autonomie, le TFB doit régler lui-même le calcul des émoluments judiciaires et des dépens dans son domaine de compétence. L'al. 5 est dès lors complété par une réserve correspondante pour le TFB.

48

Cf. message du 15 juin 2018 relatif à la modification de la loi sur le Tribunal fédéral; FF 2018 4713, 4728.

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Art. 65 Al. 4: par analogie avec l'art. 123, al. 2, CPC, la prescription du droit de la collectivité publique au remboursement des frais pris en charge dans le cadre de l'assistance judiciaire gratuite est réglée expressément par souci de clarté.

Al. 5: l'adaptation rédactionnelle permet de préciser que la réserve ne concerne que les compétences: les tribunaux énumérés fixent les détails des honoraires et des frais dans des règlements, sans pouvoir déroger toutefois à l'art. 65. En raison de son autonomie, le TFB doit régler lui-même le calcul des honoraires et des frais dans son domaine de compétence. L'al. 5 est dès lors complété par une réserve correspondante pour l'instance judiciaire suprême en matière de brevets.

5.4

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral

Art. 6 L'al. 1 formule le principe de la séparation personnelle des pouvoirs (art. 144 Cst.) et établit, entre autres incompatibilités, que les juges du TAF ne peuvent pas avoir d'autres rapports de travail avec la Confédération. La révision législative permettra à une seule et même personne d'exercer simultanément la fonction de juge en partie pour le TAF et en partie pour le TFB (voir le commentaire de l'art. 10, al. 1, P-LTFB).

Il convient donc de compléter l'al. 1 par une réserve correspondante.

Art. 32 L'art. 32 règle les exceptions à la compétence générale du TAF pour statuer sur les affaires relevant du droit administratif fédéral. La liste des exceptions à l'al. 1 doit être complétée par une let. k, qui stipule l'irrecevabilité des recours contre les décisions rendues par l'IPI en application de la LBI. Ces décisions pourront faire l'objet d'un recours auprès du TFB. Le TAF restera toutefois l'instance de recours pour les décisions relevant des autres domaines du droit de la propriété intellectuelle, notamment pour les décisions prononcées en vertu de la LPM et de la LDes, ainsi que pour les décisions rendues en application de la LBI, pour autant que celles-ci ne soient pas rendues par l'IPI.

Art. 33 Pour les établissements de la Confédération, l'art. 33, let. b, règle la recevabilité des recours au TAF contre les décisions du Conseil fédéral concernant la révocation d'un membre de l'organe de gestion suprême (conseil d'administration ou conseil de l'Institut) de l'établissement concerné. Les membres du Conseil de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle sont nommés et révoqués par le Conseil fédéral (cf. art. 3 LIPI et 1 de l'ordonnance du 25 octobre 1995 sur l'organisation de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle [OIPI]49). Une réglementation spécifique concernant la 49

RS 172.010.311

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révocation de membres faisant défaut à ce jour, elle est inscrite à la let. b dans un nouveau ch. 11. Il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition correspondante pour la fonction de directeur de l'IPI, la dissolution de ce rapport de travail étant régie par l'art. 33, let. a. La résiliation des rapports de travail liant les autres membres de la direction relevant de la compétence du Conseil de l'Institut, c'est l'art. 33, let. e, qui s'applique.

5.5

Loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets

Préambule Selon le nouveau droit, le TFB deviendra aussi l'instance judiciaire fédérale compétente pour connaître les recours administratifs en matière de brevets. Le préambule est donc complété par un renvoi à l'art. 191a, al. 2, Cst.

Art. 1 Comme le TFB sera aussi compétent pour statuer sur les recours administratifs, l'al. 1 est complété en conséquence et sa structure adaptée pour plus de clarté.

Art. 4 Les tribunaux fédéraux sont généralement financés par le produit des émoluments et, subsidiairement, par la collectivité publique à laquelle ils appartiennent. Dans le cas du TFB, les coûts qui ne sont pas couverts par les émoluments judiciaires sont financés aujourd'hui par des contributions de l'IPI prélevées sur les taxes annuelles perçues sur les brevets. Ce régime de financement d'un tribunal fédéral est un cas unique en Suisse.

En effet, puisque le TFB agit dans l'intérêt d'une protection forte des brevets et donc dans l'intérêt de tous les utilisateurs du système des brevets, le législateur avait opté, lors de la création de ce tribunal spécialisé, pour un cofinancement selon le principe de causalité. L'indépendance institutionnelle du tribunal n'était pas considérée comme menacée, étant donné que le TFB, en tant que tribunal civil de première instance, ne réexamine pas les décisions de l'IPI.

La révision partielle de la LBI et, avec elle, la révision partielle de la LTFB modifient fondamentalement la donne, puisque la plus haute autorité judiciaire de Suisse en matière de brevets statuera non seulement sur les litiges de droit civil, mais aussi sur les recours de droit administratif. L'IPI devient ainsi l'instance précédente du TFB. Dans ces conditions, un cofinancement par des contributions de l'autorité d'examen est susceptible de compromettre l'indépendance institutionnelle du tribunal.

C'est pourquoi le projet de révision prévoit que le déficit non couvert par les émoluments judiciaires sera entièrement financé par le budget fédéral. Il convient donc d'abroger l'art. 4. Grâce à cette modification, le financement des tribunaux fédéraux sera à nouveau uniforme.

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Art. 8 Al. 2: les ressources humaines font partie des dispositions organisationnelles que doit prendre une juridiction pour garantir le respect de l'indépendance judiciaire. Comme le TFB aura compétence pour statuer sur les recours administratifs en matière de brevets, sa charge de travail augmentera (cf. ch. 6.2.1). Les projections quant au nombre de cas attendus sont toutefois entachées de certaines incertitudes. Si les recours sont peu nombreux, le TFB devrait être en mesure de traiter ces affaires avec deux juges ordinaires. Mais si sa charge de travail devait s'alourdir au fil du temps, il aura besoin de ressources en personnel supplémentaires. C'est pourquoi inscrire dans la LTFB la possibilité d'élire au plus deux juges ordinaires supplémentaires permet de garantir que le tribunal dispose de ressources suffisantes à l'avenir. Le TFB disposera ainsi entre au minimum deux et au maximum quatre juges ordinaires.

S'il n'est pas possible de répartir ces deux postes entiers entre trois personnes, par exemple les juges ordinaires pourront continuer à exercer leur fonction à plein temps ou à temps partiel (art. 17, al. 1, P-LTFB).

Il n'est par contre pas nécessaire de modifier la loi en vigueur en ce qui concerne le nombre de juges suppléants, puisqu'elle offre une marge de manoeuvre suffisante à cet égard.

Art. 9 La consultation des milieux et organisations cités à l'al. 4 vise à aider la Commission judiciaire et l'Assemblée fédérale à évaluer les candidatures sous l'angle des connaissances attestées en droit des brevets requises selon l'art. 8, al. 1, LTFB. Comme il est prévu de faire du TFB l'instance de recours pour les décisions rendues par l'IPI dans le domaine du droit des brevets, il convient de supprimer ce dernier de la liste à l'al. 4 pour garantir l'indépendance institutionnelle du tribunal. Cette disposition a fait, au demeurant, ses preuves dans la pratique, notamment lors de la préparation de l'élection des juges suppléants.

Art. 10 L'al. 1 concrétise le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, en l'occurrence de la séparation personnelle des pouvoirs (art. 144 Cst.). En raison de la nouvelle compétence du TFB (art. 26, al. 5, P-LTFB), la liste des incompatibilités est complétée. Les juges ne peuvent pas être employés par l'IPI ou être membres du Conseil de l'Institut
(des instances inférieures au TFB) pour des raisons de conflits d'intérêts.

Ils ne peuvent pas non plus travailler pour l'administration fédérale centrale (art. 2, al. 3, LOGA a contrario); celle-ci est mentionnée à l'al. 1. Par rapport à la disposition analogue qui s'applique au TAF (art. 6, al. 1, LTAF), le champ d'application a toutefois été restreint à dessein. En effet, à la différence de la plus haute instance judiciaire administrative fédérale, le TFB, qui est la juridiction spécialisée en droit des brevets, n'est compétent que dans un domaine limité et clairement circonscrit. Dans ce domaine, l'expertise technique des juges suppléants contribue significativement à la qualité de la composition du banc des juges. Il est en conséquence essentiel que le TFB trouve un nombre suffisant de juges spécialisés qualifiés. Il n'est pas rare que les 58 / 82

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professionnels qualifiés exercent des activités d'enseignement et de recherche, notamment dans les écoles polytechniques fédérales. Exclure de manière générale ces personnes d'une fonction de juge restreindrait inutilement le cercle des candidatures potentielles. C'était déjà l'une des principales craintes à l'époque de la création du TFB50.

Si le TFB devait avoir besoin de juges ordinaires additionnels, un poste à temps partiel suffira sans doute en raison du nombre de cas attendus. Avec le durcissement des incompatibilités, le nouveau droit compliquera la tâche du TFB de trouver des candidats qualifiés pour exercer la fonction de juge à temps partiel. Soucieux de remédier judicieusement à cette situation, le législateur prévoit qu'une seule et même personne puisse exercer à temps partiel la fonction de juge ordinaire aussi bien au TAF qu'au TFB. Ce partage de fonction est envisageable, car les deux tribunaux sont des instances indépendantes: il n'y a donc pas de conflit d'intérêts. L'art. 10, al. 1 est adapté en conséquence de manière à ce que seuls les juges auprès du TF tombent sous le coup des incompatibilités. En raison de cette nouvelle réglementation, il convient d'insérer une réserve à l'art. 6, al. 1, P-LTAF qui n'empêche pas de travailler simultanément pour le TAF et le TFB.

L'al. 4 règle une incompatibilité centrale pour les juges ordinaires. Les juges ordinaires travaillant à plein temps ne peuvent pas, en vertu de l'al. 5, exercer d'autres activités lucratives. L'al. 4 a donc uniquement de l'importance pour les juges ordinaires travaillant à temps partiel. L'incompatibilité pour les juges à plein temps de représenter des tiers à titre professionnel s'appliquera aussi à la représentation devant l'instance (administrative) inférieure, c'est-à-dire l'IPI; l'al. 4 est précisé en ce sens.

Il s'agit de prévenir des conflits d'intérêts.

Art. 13 Par souci de cohérence dans la loi, les formes masculine et féminine sont inversées à l'al. 2 dans le texte allemand. Il s'agit d'une adaptation d'ordre rédactionnel.

Art. 17 L'art. 17 est modifié sur le modèle de l'art. 13 LTAF (titre et al. 1 et 2).

L'al. 3 reprend tel quel l'art. 17 dans sa teneur actuelle. Les al. 1 et 2 inscrivent dans la loi le droit actuel, à savoir que les juges ordinaires peuvent exercer leur fonction à temps plein ou
à temps partiel.

L'al. 2 précise en outre que le tribunal peut, lorsque les circonstances le justifient, approuver un changement du taux d'occupation durant la période de fonction. Il est opportun d'accorder cette flexibilité au TFB afin que celui-ci puisse adapter les taux d'occupation des juges ordinaires dans les cas justifiés.

Les détails des rapports de travail, donc aussi le taux d'occupation des juges ordinaires, continueront à être réglés par la Commission judiciaire sur la base de la norme de délégation inscrite à l'al. 351.

50 51

FF 2008 373, ici 393­394 Ordonnance du 13 décembre 2002 sur les juges; RS 173.711.2.

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Art. 19 et 20 La nouvelle réglementation concernant le nombre de juges ordinaires (art. 8, al. 2 P-LTFB) prévoit un nombre entre deux et quatre. Les art. 19 et 20 sont adaptés en conséquence.

Art. 21 En attribuant la compétence au TFB pour connaître les recours administratifs en matière de brevets (cf. art. 26, al. 5 P-LTFB), le législateur répond à l'une des principales demandes formulées lors de la procédure de consultation. Afin que les cours appelées à statuer disposent des connaissances spécialisées des juges suppléants, le nouveau droit prévoit que les règles du TFB concernant la constitution des cours vaudront aussi pour ces procédures. Le législateur garantit ainsi que les recours (administratifs) aussi soient traités par une juridiction spécialisée institutionnalisée. Les modifications apportées à l'al. 2 dans le texte allemand sont purement rédactionnelles. La disposition précise en outre que, lorsque la cour appelée à statuer se compose de cinq personnes, une au moins doit avoir une formation technique et une une formation juridique.

La finalité de l'al. 5 est notamment d'assurer l'homogénéité de la jurisprudence. Le droit en vigueur stipule que sauf cas de force majeure, un juge ordinaire au moins doit être membre de la cour appelée à statuer, car le pouvoir d'action du tribunal et donc son fonctionnement en conformité avec la loi doivent être garantis en tout temps. Il en va de même lorsque, dans un cas particulier, tous les juges ordinaires sont simultanément concernés par des demandes ou des motifs de récusation. Bien qu'à ce jour une telle situation reste inédite, elle ne peut être exclue; c'est pourquoi l'al. 5 est complété pour couvrir cette éventualité.

Art. 23 Dans un souci de simplification, les contenus des art. 23 et 35 LTFB sont réunis dans cette disposition, et l'art. 35 est abrogé. L'art. 23 est par ailleurs adapté pour tenir compte de la nouvelle compétence du TFB en matière de recours.

Son titre actuel «juge unique» est modifié en «juge instructeur».

La première phrase de l'al. 1 reprend le contenu de la première phrase de l'actuel art. 35, al. 1 et formule le principe selon lequel le président conduit la procédure en qualité de juge instructeur jusqu'au prononcé de l'arrêt. La seconde phrase réunit le contenu des actuels art. 23, al. 2, et 35, al. 1, 2e phrase. Dans
un souci de cohérence dans le texte allemand, la forme féminine des noms précède la forme masculine. La disposition subit en outre une adaptation pour tenir compte du fait que le TFB pourra avoir, selon le nouveau droit, plus de deux juges ordinaires (cf. art. 8, al. 2, P-LTFB).

L'al. 2 reprend la teneur de l'actuel art. 23, al. 1. La let. a est complétée sur le modèle de l'art. 23, al. 1, let. b, LTAF afin de refléter la compétence du juge instructeur pour statuer sur le refus d'entrer en matière sur les recours manifestement irrecevables.

L'inscription de la let. f dans la loi vise à donner aux juges instructeurs du TFB les compétences prévues par la PA.

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L'al. 3 reprend la teneur de l'actuel art. 35, al. 2, et l'al. 4 celle de l'actuel art. 23, al. 3. Comme le TFB sera habilité à statuer sur les recours administratifs également, le champ d'application de l'al. 4 est limité expressément aux procédures de droit civil.

Cette restriction découle de l'uniformité du droit fédéral sur la procédure administrative selon lequel l'autorité de jugement n'est pas élargie lorsque le juge unique est compétent (cf. art. 23 LTAF).

Dans les procédures administratives, enfin, l'art. 39, al. 2 et 3, LTAF s'applique de surcroît en raison du renvoi contenu à l'art. 27, al. 2, P-LTBF.

Art. 25a Les tribunaux fédéraux ne sont pas soumis à la loi du 17 décembre 2004 sur la transparence52. Celle-ci ne s'applique au TF, au TAF et au TPF qu'en vertu de prescriptions spéciales contenues dans la LTF, la LTAF et la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales53. Selon ces dispositions, la loi sur la transparence s'applique par analogie dans la mesure où les tribunaux accomplissent des tâches administratives ou de surveillance. Une telle disposition faisant défaut dans la version actuelle de la LTFB, cette lacune est comblée.

Art. 26 L'art. 26 règle la compétence matérielle du TFB. Conformément au droit actuel, celleci se limite aux procédures civiles en matière de brevets mentionnées dans la loi. Cette compétence de droit civil demeure. D'un point de vue rédactionnel, toutefois, il est précisé aux al. 1 à 4 qu'elle s'étend également aux CCP (art. 140a à 140s LBI), ce qui est incontesté dans la doctrine et la jurisprudence54.

L'al. 5 inscrit dans la loi la compétence du TFB pour statuer sur les recours interjetés contre les décisions rendues par l'IPI en application de la LBI. Celles rendues par l'IPI en application de la LPM et de la LDes sont expressément exclues de cette compétence juridictionnelle spéciale, tout comme celles prononcées par d'autres autorités administratives sur la base de la LBI, par exemple les décisions de l'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières en vertu des art. 86a à 86k LBI. Les procédures pénales en matière de brevets selon les art. 81 à 86 LBI restent elles aussi exclues du domaine de compétence matérielle du TFB.

Art. 27 Cette disposition définit le droit de procédure pour le TFB. En raison de l'élargissement
du domaine de compétence matérielle aux recours (administratifs) en matière de brevets, l'al. 1 doit être limité aux procédures civiles, le CPC ne devant s'appliquer que dans ce domaine, sauf disposition contraire de la LBI ou de la LTFB.

Le nouvel al. 2 définit le droit de procédure applicable en matière de recours administratifs. Sous réserve des dispositions de la LTFB et de la LBI et en raison du renvoi 52 53 54

RS 152.3 RS 173.71 ATF 144 III 285; ATF 145 III 451

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aux chapitres 3 et 4 de la LTAF, il s'agit du même droit procédural que celui qui règle les procédures devant le TAF. Le législateur exprime ainsi sa volonté de voir toutes les procédures de recours être en principe régies par le même droit procédural, peu importe si c'est le tribunal administratif général ou le tribunal fédéral spécial qui est compétent en matière de brevets.

L'applicabilité de la LTAF se limite toutefois aux chapitres 3 et 4. Toutes les autres dispositions, notamment celles relatives à l'organisation et à l'administration du TAF, ne concernent pas le TFB. Les dispositions de droit administratif de la LTFB et de la LBI sont réservées. Le P-LBI contient en effet aux art. 59c, al. 2, et 59cbis des dispositions particulières relatives à la procédure de recours. Les dispositions des chapitres 3 et 4 de la LTAF s'appliquent au TFB même si certaines formulations sont orientées sur le TAF et son organisation.

Par conséquent, en raison du renvoi contenu à l'art. 37 LTAF, la procédure devant le TFB est régie également par la PA (sauf disposition contraire de la LTAF, de la LBI ou de la LTFB). En ce qui concerne les règles de récusation, l'art. 38 LTAF renvoie aux dispositions de la LTF. Dans la procédure de recours devant le TFB, l'art. 34 LTF trouve ainsi application en plus de l'art. 28 P-LTFB, tout comme les al. 2 et 3 de l'art. 39 LTAF s'appliquent en plus de l'art. 23 P-LTFB. Les procédures de recours administratif devant le TFB sont en outre régies selon les art. 40 à 43 et 45 à 48 LTAF.

L'art. 44 LTAF, par contre, n'a pas de signification propre parce que, dans les procédures administratives, le TFB n'a pas compétence pour connaître celles introduites par voie d'action, à la différence du TAF conformément à l'art. 34 LTAF.

Al. 3: l'art. 13, al. 1bis, PA règle l'obligation de collaborer des parties lors de l'établissement des faits. Celle-ci ne s'étend pas à la remise d'objets et de documents concernant des contacts entre une partie et son avocat, si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice devant les tribunaux suisses.

À la différence des procédures civiles devant le TFB (art. 29, al. 1, LTFB en relation avec l'art. 68, al. 2, let. a, CPC) respectivement des procédures concernant la validité d'un brevet, la représentation professionnelle dans la procédure
de recours n'est pas réservée aux avocats ni aux conseils en brevets au sens de l'art. 2 LCBr. Dans ces procédures, le pouvoir de représentation est régi par la PA en raison des renvois contenus à l'al. 2 et à l'art. 37 LTAF. Un conseil en brevets est par conséquent aussi habilité à représenter une partie ou un tiers devant le TFB dans une procédure de recours.

Il fait dès lors sens que l'art. 13, al. 1bis, PA s'applique par analogie aux objets et aux documents concernant les échanges d'une partie avec son conseil en brevets. Il faut toutefois que ce dernier dispose d'un pouvoir de représentation au sens de l'art. 29, al 1, P-LTFB et qu'il exerce la profession de manière indépendante.

Al. 4: selon l'art. 61, al. 1, PA, l'autorité de recours statue elle-même sur l'affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives à l'autorité inférieure.

Il appartient à l'instance de recours de décider, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, si elle réforme la décision initiale ou si elle rend une décision de nature cassatoire55.

55

ATF 131 V 407, consid. 2.1.1

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Le projet de révision abroge l'actuelle procédure d'opposition devant l'IPI et prévoit un droit de recours élargi dont peut se prévaloir aussi une tierce personne. L'analyse d'un brevet publié demandant du temps, un tiers disposera, conformément à l'art. 59c, al. 2, P-LBI, d'un délai de quatre mois à compter de la publication de l'enregistrement du brevet pour former recours.

Si le TFB admet un recours contre une décision de rejet ou d'irrecevabilité de l'IPI, il n'est pas exclu que l'intérêt légitime du tiers soit, dans certains cas, touché si le TFB décide de réformer la décision. Dans ce cas, le tiers devrait exiger du TFB qu'il lui communique la décision ultérieurement et il pourrait saisir le TF pour la contester. Or cette solution ne prend pas suffisamment en compte ses intérêts.

Les tiers doivent pouvoir faire pleinement usage de leur droit de recours, et ce dans tous les cas. C'est pourquoi il fait sens de prévoir, en dérogation à l'art. 61, al. 1, PA, une obligation pour le TFB de rendre une décision cassatoire lorsqu'il admet un recours contre une décision de rejet ou d'irrecevabilité prononcée par l'IPI. Cela oblige ce dernier à rendre une nouvelle décision sur le fond; les tiers sont alors libres de déposer un recours auprès du TFB dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'enregistrement du brevet.

Art. 28 L'art. 28 complète les règles de récusation applicables du CPC par un motif de récusation supplémentaire. Cette disposition est invocable via les renvois contenus aux art. 27, al. 2, P-LTFB et 38 LTAF et en complément de l'art. 34 LTF en raison de la nouvelle compétence attribuée au TFB pour les recours interjetés contre les décisions rendues par l'IPI en matière de brevets.

Matériellement, le motif de récusation est étendu à l'ensemble du personnel judiciaire, c'est-à-dire aux juges ordinaires et aux greffiers également. Limiter les motifs de récusation aux juges suppléants ne se justifie pas; un juge ordinaire pouvant aussi exercer sa fonction à temps partiel, il est susceptible d'être concerné par ce motif de récusation au même titre qu'un juge suppléant56.

Les greffiers du TFB aussi sont concernés. Travaillant généralement à plein temps, ils ont notamment une voix consultative et rédigent les décisions du tribunal (art. 24 LTFB). Leur participation aux
décisions découle dès lors de la loi. Ils sont en conséquence aussi soumis aux motifs de récusation et donc mentionnés à l'art. 2857. Cette disposition subit par ailleurs des adaptations rédactionnelles mineures.

Art. 29 L'al. 1 garantit, pour les procédures civiles concernant la validité d'un brevet, que les conseils en brevets exerçant leur profession de manière indépendante puissent eux aussi représenter une partie devant le TFB. La PA ne connaît pas de telles exigences en ce qui concerne les règles de représentation. Aux termes de son art. 11, al. 1, la 56

57

Cf. Calame, Thierry / Hess-Blumer, Andri / Stieger, Werner (éd.) (2013): Patentgerichtsgesetz (PatGG), Kommentar. Bâle: Helbing Lichtenhahn Verlag, ch. marg. 19 ad art. 28.

Voir arrêt du TF 4P.35/2006 du 24 mars 2006, consid. 2.3 et les références citées.

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partie peut se faire représenter à chaque étape de la procédure. Il n'y a pas lieu de restreindre le cercle des mandataires habilités à représenter leur client dans la procédure de recours (administratif). C'est pourquoi il faut préciser à l'al. 1 que cette réglementation continue de s'appliquer uniquement aux procédures civiles.

La disposition précise par ailleurs que les conseils en brevets peuvent représenter une partie devant le TFB également dans les procédures concernant la validité d'un brevet, pour autant qu'ils exercent leur profession en toute indépendance.

Section 4

Frais et assistance judiciaire dans les procédures civiles

Dans les procédures de recours, les frais de procédure sont régis par la nouvelle section 5 de la loi. Le titre de la section 4 est par conséquent limité aux procédures civiles.

Art. 34 S'inspirant de la réglementation actuelle dans le CPC, l'al. 2 précise que, dans les procédures civiles devant le TFB, le droit au remboursement du tribunal ayant payé l'assistance judiciaire va à la Confédération. Ce droit se prescrit par dix ans à compter de la clôture définitive de la procédure.

Section 5

Frais dans les procédures de recours administratif

Dans les procédures de recours devant le TFB, les règles régissant les frais de procédure diffèrent de celles applicables aux affaires civiles. C'est pourquoi la section 4 est limitée aux affaires civiles, et une nouvelle section 5 est introduite pour les procédures de recours administratif.

Art. 34a Les chapitres 3 et 4 de la LTAF ne contiennent aucune disposition relative aux frais de procédure et aux dépens. Les dispositions de la PA s'appliquent donc par le biais des renvois contenus à l'art. 27, al. 2, P-LTFB et à l'art. 37 LTAF aux frais de procédure pour les recours administratifs devant le TFB. Par souci de clarté, ce principe est inscrit à l'art. 34a.

Il est tenu compte en outre d'une circonstance particulière qui vise à assurer l'égalité de traitement entre la représentation des parties et celle dans les procédures civiles devant le TFB. En conséquence, la rémunération des conseils en brevets se calcule par analogie à celle d'un avocat pour sa représentation professionnelle (honoraires d'avocat), lorsque celui-ci exerce la profession de conseil en brevets de manière indépendante au sens de l'art. 29, al. 1, LTFB. Dans les procédures de recours, l'indépendance dans l'exercice de la profession n'est certes pas considérée comme une condition pour la représentation professionnelle, mais le tribunal doit en tenir compte lors du calcul de la rémunération si des documents appropriés sont présentés conformément à l'art. 29, al. 2, LTFB.

Par ailleurs, la délégation de compétence au TFB pour fixer les émoluments judiciaires et les dépens versés aux parties, aux mandataires officiels, aux experts et aux

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témoins est réglée par les modifications apportées à la PA. Il est par conséquent inutile de prévoir une délégation de compétence distincte dans la LTFB.

Art. 35 Le contenu de l'art. 35 étant transféré à l'art. 23 P-LTFB, cette disposition peut être abrogée.

Art. 36 Le champ d'application de l'al. 1 est limité aux procédures civiles, car la langue de procédure se détermine selon d'autres principes dans les procédures de recours (cf. al. 1bis). Par ailleurs, tant l'al. 1 que l'al. 3 précisent que le choix de la langue de procédure relève de la compétence du juge instructeur, tout comme la possibilité d'utiliser l'anglais.

Pour les recours devant le TFB, la langue de la procédure est déterminée par la langue (officielle) dans laquelle la décision attaquée a été rendue. Si les parties emploient une autre langue officielle, la procédure peut être conduite dans cette langue. Par souci de clarté, le nouvel al. 1bis répète cette règle déjà énoncée à l'art. 33a, al. 2, PA, qui s'applique également aux procédures de recours devant le TFB en vertu des renvois contenus dans les art. 27, al. 2, P-LTFB et 37 LTAF.

Il convient de noter de surcroît que les al. 2 à 4 s'appliqueront également aux procédures de recours (dans le sens d'une réglementation de droit spécial). L'anglais pourra ainsi être utilisé à condition que le tribunal et les parties soient d'accord.

Art. 37 Selon l'al. 2, les parties pourront se prononcer aussi par oral sur l'expertise. Conformément au droit en vigueur, elles devaient le faire par écrit, mais cette obligation ne tient pas suffisamment compte des éventuels cas d'urgence lors des audiences et ne se justifie pas au regard de la finalité de la disposition.

Lorsque le tribunal fait appel aux connaissances spéciales de l'un de ses membres, il en informe les parties pour qu'elles puissent se déterminer à ce sujet (art. 183, al. 3, CPC). Aux termes de l'al. 3, le TFB est tenu de consigner au procès-verbal les avis des juges spécialisés. Cela vaudra aussi dans les procédures de recours. La modification de l'al. 3 est seulement de nature rédactionnelle; étant donné que les avis des juges de formation technique sont toujours fondés sur leurs connaissances spécialisées, il est inutile de les mentionner à l'al. 3.

Art. 38 L'art. 38 s'appliquera aussi aux procédures de recours. Comme il
n'y a pas lieu d'imposer que les parties se prononcent par écrit, cette précision est supprimée.

Art. 39 L'adaptation de l'al. 3 est de nature rédactionnelle (suppression de la date).

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Art. 41a Conformément au principe général de droit transitoire, le nouveau droit procédural s'applique immédiatement. À l'exception de la modification des voies de recours dans les procédures administratives litigieuses, il n'est pas fondamentalement nouveau. La procédure est en principe régie selon les mêmes règles que celles qui s'appliquent actuellement au TAF (cf. art. 27, al. 2 et 3, P-LTFB). La modification des voies de recours interrompt cependant la continuité entre le système actuel et le nouveau système. C'est pourquoi l'al. 1 prévoit l'application du droit actuel aux décisions rendues avant l'entrée en vigueur de la révision. Il est dès lors clair que les recours administratifs interjetés contre les brevets délivrés par l'IPI en application de la présente révision de la LBI relèvent de la compétence du TFB, qui est spécialisé dans les affaires de brevets.

L'al. 2 formule une réglementation transitoire spéciale pour les juges qui font partie du TFB au moment de l'entrée en vigueur du droit révisé. Elle s'applique également en cas de réélection. En effet, une modification des dispositions relatives aux incompatibilités ne doit pas avoir d'influence sur le statut juridique des juges élus. Il convient par conséquent de le protéger vu qu'ils répondaient aux exigences en matière d'incompatibilités au moment de leur élection. Cette disposition transitoire ne modifie en rien les articles régissant la récusation dans les cas particuliers.

6

Conséquences

6.1

Conséquences générales

Les conséquences du projet dépendent en premier lieu des changements que connaîtra la demande de titres de protection valables en Suisse. Actuellement, les utilisateurs du système peuvent faire breveter leurs inventions soit en s'adressant à l'IPI, pour obtenir un brevet suisse examiné partiellement, soit en demandant à l'OEB un brevet européen soumis à un examen complet. Ils sont beaucoup plus de 90 % à opter pour la deuxième solution58. Le reste, à savoir principalement des PME actives sur le marché national, empruntent la voie nationale. L'introduction du brevet suisse avec examen complet devrait peu influencer le comportement des uns et des autres, et donc ce ratio.

Les informations utilisées pour évaluer les conséquences sont tirées d'études commandées par l'IPI. L'une d'elles a exploré les différentes options envisageables pour optimiser le système du brevet suisse59. Pour les deux autres, il s'agit une fois de l'AIR

58 59

Cf. www.ipi.ch > Prestations > Publications > Statistiques > Brevets (état: 18.8.2022).

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (éd.) (2015): Potentiels d'optimisation du système du brevet suisse. Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.ipi.ch > Prestations > Publications de l'IPI > No 8: Potentiels d'optimisation du système suisse des brevets (en allemand) (état: 18.8.2022).

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portant sur l'option de mise en oeuvre envoyée en consultation le 14 octobre 2020 (AIR I)60, puis de l'AIR réalisée sur le présent projet (AIR II)61.

Dans le cadre de l'AIR I, les demandeurs de brevets ont dû remplir un long questionnaire dans lequel ils faisaient leur choix entre un modèle d'utilité, un brevet suisse avec examen complet et un brevet européen. Ils ne pouvaient plus opter pour un brevet suisse avec examen partiel. Bien que le contexte ait changé depuis la consultation puisque le brevet suisse examiné partiellement reste en vigueur avec quelques modifications, le sondage effectué pour l'AIR II n'a pas été fait à grande échelle pour des raisons de temps et de ressources.

Par rapport à la variante de mise en oeuvre envoyée en consultation, il devrait y a beaucoup moins de transferts de la demande. Il semble plausible qu'à l'avenir, la majorité des demandes nationales soient soumises à un examen partiel parce que les déposants devront engager beaucoup moins de frais pour obtenir un brevet suisse partiellement examiné que pour se voir attribuer un brevet suisse entièrement examiné, alors que les deux types de brevets leur conféreront une protection comparable.

Une partie des déposants nationaux devraient cependant profiter de la nouvelle possibilité d'obtenir un brevet suisse entièrement examiné. Un tel brevet est plus attrayant, car il permet de minimiser les risques en cas de litige (en résistant plutôt bien à un contrôle judiciaire). Ce sont surtout les PME intéressées par une protection locale mais fiable qui devraient opter pour de tels brevets, car ils améliorent leur attractivité aux yeux d'investisseurs potentiels.

Il est impossible d'évaluer la taille du groupe qu'elles forment à l'aide de références émanant d'autres pays, un système proposant un examen complet optionnel étant atypique sur le plan international. Ces réflexions conduisent à considérer que 10 % des nouvelles demandes nationales seront soumises à un examen complet.

Les demandeurs de brevets, dont des PME à vocation plutôt régionale, qui n'obtiennent à ce jour un brevet entièrement examiné (brevet européen) produisant effet en Suisse que via l'OEB pourront demander un brevet suisse avec examen complet. Ce dernier a l'avantage de coûter moins cher que le premier et d'être délivré plus rapidement. Le sondage
réalisé dans le cadre de l'AIR I donne quelques indications permettant de quantifier ce transfert de la demande. En effet, l'effet incitatif de système du brevet suisse remodelé est en effet resté identique sur ce point, même dans la variante adaptée après les résultats de la consultation. Le sondage mené en 2020 indique que 6 % des brevets européens seraient remplacés par des brevets suisses entièrement

60

61

Polynomics (2021): Regulierungsfolgeabschätzung zur Patentrechtsreform aufgrund der Motion Hefti 19.3228 «Für ein zeitgemässes Schweizer Patent» (RFA I). Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.ipi.ch > Droit et politique > Évolutions nationales > Droit des brevets > Révision de la loi sur les brevets > Analyse d'impact de l'avant-projet de révision de la loi sur les brevets (AIR I) (en allemand) (état: 9.9.2022).

Polynomics (2022): Ergänzende Regulierungsfolgeabschätzung zur Patentrechtsreform aufgrund der Motion Hefti 19.3228 «Für ein zeitgemässes Schweizer Patent» (RFA II).

Berne. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.ipi.ch > Droit et politique > Évolutions nationales > Droit des brevets > Révision de la loi sur les brevets > Analyse d'impact de l'avant-projet de révision de la loi sur les brevets (AIR II) (en allemand) (état: 9.9.2022).

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examinés. Sachant que l'OEB reçoit environ 5000 demandes de demandeurs suisses, il y aura donc 300 brevets suisses entièrement examinés supplémentaires.

D'autres questions se posent par ailleurs: le nombre de demandes nationales de brevets baisse depuis quelques années. Elles sont passées de 2551 en 2000 à 2192 en 2010 et 1590 en 2020. Elles ont en moyenne reculé de 3,2 % par an entre 2010 et 2020. On ignore si cette tendance se confirmera, voire s'accentuera en raison de coûts initiaux plus importants. On ne sait pas non plus si la recherche obligatoire et la possibilité pour les tiers de requérir un examen complet conduira ou non les déposants à ne plus du tout déposer des brevets de moindre valeur qualitative. En outre, la demande réelle dépendra d'autres facteurs tels que les coûts effectifs et la qualité de la procédure ou l'environnement économique.

C'est pourquoi l'IPI a travaillé avec un éventail de scénarios reflétant un certain nombre d'évolutions possibles de cette demande. Avec les données obtenues dans le cadre de l'AIR I sur les effets de substitution, ces scénarios permettent d'évaluer les conséquences du projet de révision sur les autorités chargées de la mettre en oeuvre, sur les milieux concernés et sur l'économie.

Les quatre scénarios ci-après se fondent sur le nombre moyen des demandes dont les taxes de dépôt ont été effectivement versées (2018 à 2020: 1459) et sur l'hypothèse selon laquelle environ la moitié des demandes seront, comme actuellement, retirées avant leur examen effectif. Ce «taux de retrait» s'explique par l'émergence possible, pendant la procédure de délivrance, par exemple d'une modification du secteur d'activité ou du non-respect, par le brevet, des exigences afférentes à son enregistrement.

Il convient, en outre, de partir de l'hypothèse déjà évoquée selon laquelle 10 % des dépôts seront soumis à un examen complet tandis que les autres feront l'objet d'un examen partiel.

­

Scénario 1 «statu quo»: la demande de titres de protection nationaux reste stable. La révision améliore l'attrait du brevet suisse, de sorte que le nombre de demandes cesse de baisser.

­

Scénario 2 «statu quo et substitution au brevet européen»: ce scénario est identique au premier, à ceci près que certains déposants substituent le brevet européen par le nouveau brevet suisse entièrement examiné. Les résultats du sondage réalisé dans le cadre de l'AIR I sont utilisés pour quantifier cet effet de substitution. Ils montrent que, dans ce scénario, environ 6 % des brevets européens seront remplacés par un brevet suisse entièrement examiné.

­

Scénario 3 «tendance baissière»: la tendance baissière des dernières années se confirme et se renforce en raison de l'augmentation des taxes initiales (recherche) et de l'autorégulation prévue par le nouveau régime (possibilité pour les tiers de demander un examen complet sur la base des résultats de la recherche qui sont publics). Il en résulte une baisse de 10 % de la demande de titres nationaux.

­

Scénario 4 «tendance baissière et substitution au brevet européen»: ce scénario est identique au troisième, à ceci près que, comme dans le deuxième, le brevet suisse avec examen complet se substitue au brevet européen.

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Le tableau 1 résume les scénarios et indique les chiffres afférents aux recherches et aux examens menés pour chacun d'eux: Tableau 1 Estimation du nombre de demandes nationales déposées auprès de l'IPI en fonction des scénarios Scénario Dépôts Dépôts demeurant Part des payés dans la procédure brevets avec de délivrance* examen partiel

Part des Passage Nb. de Nb. de brevets avec de l'OEB recherches brevets avec examen à l'IPI examen complet partiel

Nb. de brevets avec examen complet

1 2 3 4

10 % 10 % 10 % 10 %

53 223x 66 216xx

1459 1459 1313 1313

730 730 657 657

90 % 90 % 90 % 90 %

0 300 0 300

1459 1759 1313 1613

657 657 591 591

* Le «taux de retrait» est de 50 %; x(1459 · 0,5 · 0,1) + (300 · 0,5); xx(1313 · 0,5 · 0,1) + (300 · 0,5)

6.2

Conséquences pour la Confédération

6.2.1

Conséquences financières

Conséquences pour l'IPI L'IPI est le centre de compétences de la Confédération pour la propriété intellectuelle (art. 2, al. 1, let. b, LIPI). Il examine, délivre et administre les droits de propriété industrielle, et donc aussi le brevet national suisse. Indépendant des finances fédérales (art. 1 LIPI), il se finance essentiellement via des taxes. La révision générera pour l'IPI des coûts supplémentaires dont le montant variera selon le scénario mais, en raison de son indépendance, ceux-ci n'auront aucun impact sur les finances fédérales.

Les coûts d'instauration du régime du brevet suisse avec examen complet se composent principalement de frais liés à une adaptation des processus internes, des directives d'examen et des systèmes informatiques ainsi que de dépenses afférentes aux informations données aux déposants et au public sur le nouveau système. L'IPI dispose déjà des compétences nécessaires pour effectuer les recherches étant donné que les demandeurs sont aujourd'hui déjà libres de lui demander d'en faire. Ces coûts engendrés par l'introduction du nouveau régime peuvent être couverts par le budget courant.

C'est pourquoi l'analyse ci-dessous se focalise sur les frais récurrents.

Comme indiqué au ch. 6.2.2, l'IPI devra augmenter ses effectifs et supporter donc des frais de personnel supplémentaires. Si l'on considère qu'un équivalent plein temps (EPT) coûte, au total, environ 200 000 francs par an, il lui faudra débourser, selon le scénario, les frais récurrents supplémentaires suivants: ­

Scénario 1: 2,4 millions de francs

­

Scénario 2: 3,8 millions de francs

69 / 82

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­

Scénario 3: 1,8 million de francs

­

Scénario 4: 3,2 millions de francs

Ces frais supplémentaires sont couverts par les excédents budgétaires de l'IPI. Les recettes issues des taxes encaissées se composent, dans ce cadre, des taxes de dépôt et des taxes de maintien en vigueur des brevets (annuelles, y compris celles afférentes aux brevets européens, ces dernières constituant, de loin, la part du lion des recettes de l'IPI). Il appartient au Conseil de l'Institut et au Conseil fédéral de fixer les taxes (art. 4, al. 3, en relation avec l'art. 13, al. 3, LIPI). Le Conseil de l'Institut contrôle régulièrement, dans ce cadre, la situation financière de l'IPI. Ce dernier, enfin, doit disposer, avec un capital propre approprié, d'un budget équilibré.

Les taxes initiales uniques à verser lors du dépôt d'un brevet ainsi que les annuités subséquentes sont plutôt faibles au cours des premières années suivant le dépôt, voire ne permettent pas de couvrir les frais, en raison de l'incertitude qui pèse sur le succès des inventions. Le chiffre d'affaires généré par un produit protégé par un brevet augmente en général avec la durée de vie de ce dernier. C'est pourquoi plus celui-ci est ancien, plus les frais récurrents y afférents, et en particulier les taxes à payer tous les ans pour le maintenir en vigueur, augmentent. Ces principes s'appliquent aussi à la fixation des taxes dans le cadre de la révision du système des brevets. Le montant des taxes dues aux titres des brevets partiellement examinés et entièrement examinés n'étant pas encore fixé, il est pour l'heure impossible d'en prévoir les conséquences exactes sur les recettes de l'IPI.

On peut cependant s'attendre à ce que les recherches obligatoires et l'examen complet facultatif modifient la structure des taxes. Dans ce cadre, les taxes pratiquées par l'IPI conformément aux principes décrits ci-dessus pour le dépôt et la recherche devraient rester à peu près au même niveau qu'actuellement. En contrepartie, les demandeurs de brevets recevront à l'avenir dans tous les cas un rapport de recherche et un avis de l'IPI (nouveau). L'avis reprendra les conclusions déterminantes de la recherche et leur donnera ainsi plus d'informations qu'aujourd'hui. La recherche obligatoire et l'avis ne généreront donc pas d'augmentation des taxes (en particulier pour les brevets suisses examinés partiellement) au sens traditionnel du terme. L'IPI,
comme cela a été exposé dans les résultats de la consultation, fournira plutôt un nouvel ensemble de prestations à des conditions similaires, dans l'ensemble, à celles en vigueur. Lors de l'examen quant au fond, il faudra distinguer entre examen partiel et examen complet.

L'examen complet devrait être un peu plus cher que l'examen quant au fond pratiqué actuellement parce qu'il exige davantage de ressources. L'examen partiel, lui, devrait rester au même prix.

Le nouvel ensemble de prestations augmente significativement les dépenses totales engagées par l'IPI dans le cadre de la procédure de dépôt. Les taxes prélevées à ce titre n'en couvrent qu'une partie, de sorte que, en valeur absolue, le découvert lié aux frais générés par les prestations fournies se creusera. L'IPI devra, comme expliqué cidessous, amortir ce déficit en redirigeant légèrement les flux financiers depuis les annuités vers la procédure de dépôt. Ce seront surtout les PME qui commencent à innover et n'ont pas encore trouvé leur place dans le système des brevets qui en profiteront.

Le calcul des recettes supplémentaires pour l'IPI fait, à ce stade, seulement l'objet d'hypothèses. Le Conseil de l'Institut et le Conseil fédéral fixeront en temps voulu le 70 / 82

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montant des taxes définitives. On suppose donc qu'une demande avec recherche et avis coûtera 700 francs (contre 700 francs sans avis actuellement) et que chaque déposant devra débourser 400 francs pour un examen partiel et 700 francs pour un examen complet (contre 500 francs actuellement pour l'examen quant au fond). Partant de cette hypothèse, les frais obligatoires totaux (couvrant la demande, la recherche, l'avis et l'examen partiel) devraient s'élever à 1100 francs (contre 700 francs aujourd'hui, dont 200 francs pour la taxe de dépôt et 500 francs pour la taxe d'examen).

Dès lors, les recettes additionnelles, générées essentiellement par les taxes liées aux recherches, devraient grosso modo atteindre, en fonction du scénario, entre 0,4 et 0,9 million de francs. Enfin, alors que l'IPI doit aujourd'hui combler le déficit du TFB conformément à l'art. 4 LTFB, il sera dispensé de le faire. Ledit déficit s'élevait dans les années passées à environ 0,8 million de francs62.

Le tableau 2 présente un aperçu des chiffres obtenus: Tableau 2 Estimation des frais supplémentaires supportés par l'IPI après l'introduction de la réforme Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Scénario 4

9

16

Besoin en ressources, en EPT

12

19

Besoin en ressources, en CHF

­2,4 millions

­3,8 millions

Recettes supplémentaires, en CHF

+0,6 million

+0,9 million

+0,4 million

+0,8 million

Suppression du comblement du déficit du TFB, en CHF

+0,8 million

+0,8 million

+0,8 million

+0,8 million

Frais supplémentaires nets, en CHF

­1,0 million

­2,1 millions

­0,6 million

­1,6 million

­1,8 million ­3,2 millions

Le tableau 2 montre que la réforme générera des frais supplémentaires nets compris entre 0,6 et 2,1 millions de francs si les taxes (uniques) de dépôt, de recherche et d'examen varient peu par rapport à leur niveau actuel et si l'IPI n'a plus à combler le déficit du TFB. Si l'IPI augmentait ces taxes pour compenser ses frais supplémentaires, cela contreviendrait au principe énoncé plus haut selon lequel les taxes non récurrentes sur les brevets, en particulier, restent faibles et ne couvrent pas les coûts.

Comme indiqué, les taxes prélevées pour maintenir les brevets en vigueur pendant leur durée de vie, soit durant 20 ans au maximum, qui sont dues quand ils deviennent effectivement rentables, sont plus appropriées pour couvrir les frais supplémentaires.

Elles devraient connaître une augmentation comprise entre 2 et 8 % pour couvrir les frais supplémentaires prévus (les recettes moyennes générées par les taxes annuelles atteignaient les années passées environ 26,5 millions de francs)63. Dans les deux cas, l'IPI a fait là des estimations permettant de déterminer l'ordre de grandeur de la hausse des taxes. Au 1er juillet 2019, il a baissé, en raison de ses bons résultats d'exploitation,

62 63

Cf. www.bundespatentgericht.ch > Le Tribunal > Rapports de gestion (état: 18.8.2022).

Cf. www.ipi.ch > Portrait > Rapports et comptes annuels (état: 18.8.2022).

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le montant des taxes qu'il perçoit pour maintenir les brevets en vigueur64. La révision devrait, selon les prévisions, entraîner une hausse des taxes sur les brevets, qui atteindraient leur niveau d'avant 2020. Les résultats du sondage réalisé dans le cadre de l'AIR I montrent que les trois quarts des personnes interrogées sont prêtes à dépenser un peu plus d'argent qu'auparavant.

Conséquences pour les tribunaux Il appartiendra au TFB de connaître des recours interjetés contre les décisions prises par l'IPI en matière de brevets. Cette compétence revenait auparavant au TAF. L'introduction de l'examen complet fait de la nouveauté et de l'activité inventive des motifs de recours potentiels. C'est pourquoi le nombre de recours formés contre les décisions prises par l'IPI devrait augmenter. Il faut donc s'assurer que le TFB dispose des ressources humaines nécessaires pour pouvoir juger ces recours, ce qui engendra des charges financières supplémentaires.

Les affaires soumises à l'OEB et à ses chambres de recours donnent des indications sur le taux de recours que la Suisse devrait connaître. En effet, environ 2 % de l'ensemble des demandes de brevet déposées auprès de cet office déclenchent des procédures de recours. On peut déduire de ces valeurs empiriques que les quatre scénarios décrits ci-dessus généreront chaque année entre trois et huit recours contre des décisions rendues par l'IPI concernant des brevets soumis à un examen complet, auxquels s'ajouteront quelques recours contre des décisions qu'il aura émises sur des brevets soumis à un examen partiel65. Au cours des années passées, le TAF a traité en moyenne trois affaires relatives à des brevets. Les scénarios se basent sur l'hypothèse selon laquelle ce chiffre doublera en raison des nouveaux recours potentiels de tiers.

Le TFB prévoit, en fonction du scénario et de la procédure judiciaire choisie, des frais supplémentaires annuels compris entre 0,2 et 0,6 million de francs pour le personnel, l'infrastructure informatique et les locaux.

Pour tenir compte des recours à venir auprès du TFB, la révision prévoit 200 EPT au maximum pour des postes de juges ordinaires. Le TFB estime que 25 % de ces EPT supplémentaires suffisent pour faire face au nombre estimé de recours. La limite maximale choisie vise cependant à assurer au tribunal les ressources
nécessaires si le nombre effectif d'affaires devait dépasser les prévisions.

Le TFB couvrira en partie ses frais supplémentaires via des taxes dont le montant est soumis à une certaine marge de manoeuvre. Le taux de couverture des frais dépendra ainsi, en fin de compte, dudit montant. Les frais générés par les recours administratifs et non couverts par les taxes resteront à la charge des finances fédérales. Les données fournies par le TAF (actuellement compétent) indiquent que ce dernier a couvert en 2020 environ 5 % de ses frais par des recettes et que plus de la moitié des affaires jugées par lui concernaient des procédures d'asile. Ces dernières, contrairement aux recours en matière de brevets, sont considérées comme des litiges sans intérêt pécuniaire et génèrent des frais de procédure moindres (cf. art. 63 PA). Le taux de 64

65

Cf. communiqué de presse du Conseil fédéral 17.4.2019 «Innover devient moins cher: baisse des taxes pour les brevets suisses»: www.ejpd.admin.ch > Actualité > Communiqués de presse (état: 18.8.2022).

Cf. www.bundespatentgericht.ch > Le Tribunal > Rapports de gestion (état: 18.8.2022).

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couverture des frais du TAF ne peut donc pas servir de référence pour celui du TFB.

Il faut partir du principe que celui-ci sera bien supérieur à 5 %. Il était dernièrement d'environ 50 %. Le TFB, dont la compétence matérielle est limitée aux litiges civils en matière de brevets, est donc actuellement, parmi les tribunaux fédéraux (5 à 17 %), celui qui affiche le taux de couverture le plus élevé66. Ledit taux devrait cependant baisser dans le domaine de la procédure administrative. Si l'on considère qu'il atteindra 30 %, les frais non couverts seront compris entre 0,1 et 0,4 million de francs.

Le déficit financier du TFB en matière civile sera lui aussi, pour des raisons institutionnelles, mis à la charge des finances fédérales (cf. le commentaire de l'art. 4 P-LTFB, ch. 5.5). Au déficit causé par les recours administratifs s'ajoutera donc la contribution de couverture du déficit versée actuellement par l'IPI d'un montant de 0,8 million de francs environ. La charge que la nouvelle procédure de recours fera peser sur la caisse de la Confédération sera en fin de compte comprise entre 0,9 et 1,2 million de francs.

D'un autre côté, la nouvelle répartition des tâches devrait soulager le TAF d'une manière impossible à chiffrer plus précisément et à peine perceptible en termes de charges (car celui-ci connaît actuellement d'un nombre limité d'affaires concernant des brevets).

6.2.2

Conséquences sur l'état du personnel

Conséquences pour l'IPI Le nouveau système des brevets, qui prévoit de rendre la recherche obligatoire pour tous les dépôts et propose un examen complet facultatif, génèrera des frais supplémentaires pour l'IPI.

Celui-ci se fonde sur ses expériences passées pour calculer ses besoins à venir en personnel. Il estime ses charges comme suit: recherche, 20 heures; examen d'un brevet soumis à un examen complet, 13 heures; examen d'un brevet soumis à un examen partiel, 6 heures. Selon le scénario, il lui faudra les ressources suivantes: ­

Scénario 1: 12 EPT supplémentaires

­

Scénario 2: 19 EPT supplémentaires

­

Scénario 3: 9 EPT supplémentaires

­

Scénario 4: 16 EPT supplémentaires

Conséquences pour les tribunaux Le TFB sera, selon le projet, compétent pour connaître tant des actions civiles en violation ou en nullité de brevets que des recours administratifs. Pour assumer cette nouvelle mission, il devra peut-être recruter du personnel. Il lui faudra en premier lieu de nouveaux juges ayant des connaissances et de l'expérience, non seulement sur le plan juridique, mais aussi au niveau technique général. Comme il est difficile de mesurer l'évolution du nombre d'affaires, et donc celle de la charge de travail du TFB en 66

Cf. www.bundespatentgericht.ch > Le Tribunal > Rapports de gestion (état: 18.8.2022).

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matière de recours administratifs, la révision prévoit de mettre à la disposition de ce dernier des postes supplémentaires de juges ordinaires correspondant, en tout, à 200 EPT au maximum. Le TFB pourra aussi, en cas de besoin, faire ponctuellement appel à des juges suppléants et aura des greffiers et des greffières.

La grande majorité des affaires civiles concerne des brevets délivrés par l'OEB. Elles sont peu nombreuses à avoir trait à des brevets délivrés par l'IPI. Seules 6 des 18 procédures ordinaires, et aucune des 4 procédures sommaires intentées devant le TFB en 2020 concernaient des brevets suisses67. Les déposants et les conseils en brevets interrogés dans le cadre de l'AIR I ont supposé que l'introduction de l'examen complet pourrait déplacer sur le terrain administratif une partie des litiges actuellement traités au plan civil, les procédures administratives étant en général moins onéreuses. Cela permettrait de reporter une partie de la charge de travail au sein du TFB. Cet effet potentiel n'est cependant que difficilement mesurable et n'a en conséquence pas été pris en compte dans le nombre d'affaires estimé.

6.3

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet pourrait avoir des conséquences indirectes sur la politique fiscale des cantons. La loi fédérale du 18 septembre 2018 relative à la réforme fiscale et au financement de l'AVS (RFFA)68 a imposé aux cantons d'introduire la patent box. Cet outil permet aux entreprises de demander que leurs bénéfices nets provenant de brevets et de droits comparables soient imposés à un taux réduit allant jusqu'à 90 %. Les cantons peuvent prévoir une réduction de taux moins généreuse.

On ne sait pas encore si le système du brevet suisse révisé, du fait qu'il accroîtra la sécurité juridique ou qu'il renouvellera la structure des coûts, générera une augmentation de l'activité de dépôt de brevets en Suisse et si davantage de bénéfices seront imposés à un taux réduit selon le régime de la patent box. Le calcul du bénéfice net généré par des brevets en vertu de art. 24b, al. 2, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes69 et d'autres exigences restrictives à remplir pour une réduction de l'impôt sur le bénéfice, qui s'orientent sur la norme de l'OCDE, visent à empêcher une multiplication substantielle du recours à la patent box. Le fait que le brevet européen soit préféré pour des produits particulièrement rentables et commercialisés à l'échelle planétaire agit dans le même sens.

67 68 69

Cf. www.bundespatentgericht.ch > Le Tribunal > Rapports de gestion (état: 18.8.2022).

RO 2019 2395 RS 642.14

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6.4

Conséquences économiques

Les principaux groupes concernés par l'introduction du nouveau régime offrant le choix entre un brevet partiellement examiné et un brevet entièrement examiné sont l'IPI, les utilisateurs du système du brevet suisse, les conseils en brevets et les tribunaux. La révision législative permet d'élargir l'éventail des options offertes aux demandeurs de brevets, et notamment aux PME axées sur le marché intérieur. La majeure partie des coûts qu'elle devrait engendrer seront, dès lors, supportés par les titulaires de brevets eux-mêmes, via les taxes. Les procédures de recours génèrent cependant des frais qui ne devraient être que très partiellement couverts par les taxes.

Le déficit (qui dépend du nombre effectif d'affaires et du montant des taxes prélevées) sera mis à la charge de la caisse fédérale.

Le projet touche également les tiers, au nombre desquels on compte aussi les PME, confrontés actuellement à des actions parfois infondées. Ils bénéficieront, grâce à la recherche obligatoire et au brevet entièrement examiné, d'une sécurité juridique accrue sans devoir s'acquitter de frais supplémentaires. La portée de ces effets dépendra de la demande.

La révision ne concerne qu'une petite partie des brevets produisant effet en Suisse (la majeure partie étant des EP). C'est pourquoi la survenance de l'un des quatre scénarios ne devrait pas avoir de conséquences importantes sur l'ensemble du système. Il faut, dans l'ensemble, s'attendre à ce que les avantages de la réforme pour l'économie l'emportent sur les coûts qu'elle devrait engendrer, mais l'effet positif ne devrait pas être spectaculaire.

6.5

Conséquences sanitaires et sociales

Titulaires de brevets / PME Le brevet suisse s'adresse avant tout aux entreprises qui concentrent leurs activités sur le marché intérieur. Il s'agit généralement de PME. Les déposants de brevets qui exercent leur activité non seulement en Suisse, mais aussi à l'international leur préfèrent habituellement le brevet européen. Une procédure centrale d'examen et d'enregistrement leur permet en effet d'obtenir une protection dans 39 États européens (état: octobre 2022).

Selon la dernière enquête sur l'innovation menée par le KOF, 3,7 % des entreprises suisses interrogées ayant plus de cinq employés, actives dans les secteurs de l'industrie manufacturière, de la construction et des services commerciaux, ont déposé des brevets entre 2014 et 201670. On évalue donc le nombre des entreprises ayant plus de cinq employés, actives dans ces secteurs, qui ont déposé des brevets (suisses ou européens) entre 2014 et 2016 à plus de 2000. Si l'on multiplie ce nombre par le pourcentage de brevets nationaux délivrés par l'IPI à des entreprises suisses, on en déduit 70

SEFRI (éd.) (2020): Innovation in der Schweizer Privatwirtschaft ­ Ergebnisse der Innovationserhebung 2018. Bern. Peut être consultée à l'adresse suivante: www.sbfi.admin.ch > Publications et services > Publications > Base de données des publications (en allemand, état: 9.9.2022).

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qu'environ 200 entreprises ayant plus de cinq employés, actives dans les branches précitées, demandent un brevet national. (En 2016, l'IPI et l'OEB ont délivré ensemble quelque 4300 brevets à des demandeurs suisses; l'IPI en a octroyé environ 10 %, l'OEB 90 %). Dans le cadre de l'enquête du KOF, les entreprises ayant moins de cinq employés, qui représentent plus 75 % des entreprises suisses, n'ont pas été interrogées. Les chiffres précités sont donc des estimations très prudentes. En effet, une analyse de l'IPI des statistiques (sur les brevets) accessibles au public révèle que 1000 entreprises environ ­ avant tout des PME ­ déposent des brevets suisses et seraient donc directement concernées par le présent projet de révision.

Le projet de révision bénéficie aux PME, car il leur offre un plus grand choix: elles pourront obtenir un brevet entièrement examiné en Suisse. De plus, la proximité géographique de l'IPI et la possibilité de se voir délivrer un brevet suisse entièrement examiné plus rapidement et à un moindre coût qu'un brevet européen diminuent leurs frais de transaction. Enfin, l'examen complet, la recherche obligatoire et l'examen par le TFB accroissent la sécurité juridique non seulement pour les titulaires de brevets, mais aussi pour les concurrents. Les questions litigieuses pourront ainsi être clarifiées dès la procédure de délivrance ou lors d'une éventuelle procédure de recours, et non pas seulement lors d'un procès civil en aval.

Les dépenses que les PME engageront pour être accompagnées par des conseils lorsqu'elles déposeront des brevets suisses soumis à un examen complet seront probablement plus importantes. Le coût d'un brevet partiellement examiné devrait lui diminuer. La raison en est que la recherche obligatoire devrait réduire les dépenses des demandeurs pour la préparation des documents nécessaires ou pour le recours éventuel aux services d'un conseil en brevets. Dans ce contexte, le coût total pour l'obtention d'un brevet partiellement examiné devrait, en fin de compte, être moindre malgré la recherche obligatoire.

En choisissant le titre de protection le plus approprié pour eux, les déposants pourront comparer les avantages et les coûts y afférents. Certains facteurs permettent de penser que les premiers seront plus importants que les seconds: selon les résultats du
sondage réalisé dans le cadre de l'AIR I, la nouvelle offre répond à un besoin des utilisateurs et ceux-ci vont en faire usage. Environ les trois quarts des personnes interrogées sont prêtes à dépenser des sommes un peu plus importantes qu'auparavant pour pouvoir en bénéficier.

Tiers / concurrence L'introduction du brevet suisse entièrement examiné et la possibilité pour les tiers de demander un tel examen réduisent fortement le danger lié aux junk patents, c'est-àdire aux brevets qui ne remplissent pas les conditions matérielles de brevetabilité. Ces brevets handicapent les agents économiques qu'ils touchent, et surtout les PME, qui ne disposent souvent pas de l'infrastructure professionnelle des conseils en brevets d'une grande entreprise et peuvent donc difficilement juger si les brevets utilisés contre eux sont juridiquement valables ou non.

La recherche obligatoire et les brevets suisses entièrement examinés (y compris les possibilités de recours subséquentes à leur enregistrement) améliorent la sécurité juridique et permettent ainsi aux concurrents et aux tiers de réduire les coûts que le système actuel peut leur faire subir.

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Conseils en brevets Les conseils en brevets et les avocats spécialisés en propriété intellectuelle jouent un rôle important. La plupart des dépôts, qu'ils soient nationaux ou européens, sont préparés et souvent gérés par ces intermédiaires pour le compte des inventeurs. En outre, ces personnes sont généralement aussi sollicitées pour fournir des prestations dans le cadre, notamment, de recours ou d'actions.

Le suivi d'une demande pour un brevet soumis à un examen complet sera plus coûteux que celui de l'actuel brevet suisse partiellement examiné. Il n'est cependant pas exclu que les dépenses liées à l'obtention d'un brevet soumis à un examen partiel baissent sous le régime révisé en raison de la recherche obligatoire. Si les effets de substitution identifiés devaient se produire, on peut supposer que les prestations de services des conseils en brevets et des avocats seront un peu moins demandées. La portée réelle de cette tendance dépendra cependant du nombre effectif des futures demandes nationales de brevets. Ces professionnels pourront cependant proposer des prestations de représentation dans la procédure de recours élargie.

L'essentiel des coûts qu'ils devront supporter sera lié à l'adaptation de leurs processus de travail aux nouvelles règles.

Consommateurs La révision n'affecte pas les conditions matérielles de protection des brevets. Le mécanisme d'incitation du système actuel reste globalement inchangé. Il ne devrait donc pas avoir de conséquences sur les consommateurs qui bénéficient en dernier ressort des innovations.

6.6

Autres conséquences

En vertu du Traité sur les brevets, la législation suisse applicable en la matière est aussi en vigueur au Liechtenstein71. Ledit traité prévoit que la Suisse et le Liechtenstein constituent un territoire unitaire de protection des brevets. Il ne s'applique cependant pas aux CCP. Ces derniers sont régis par un accord complémentaire au Traité sur les brevets72 conclu par les deux États le 2 novembre 1994. Celui-ci prévoit que les CCP délivrés par la Suisse sont aussi valables dans la principauté de Liechtenstein.

La présente révision n'influence aucunement les deux accords; il n'est donc pas nécessaire d'en signer un autre.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Le projet prévoit de modifier la LBI; à l'instar de la loi en vigueur, il s'appuie sur l'art. 122 Cst. (compétence fédérale en droit civil). La modification des autres lois 71 72

RS 0.232.149.514 RS 0.232.149.514.0

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fédérales comme la PA et la LTFB repose sur les mêmes bases constitutionnelles que les dispositions actuelles de ces actes législatifs.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

L'ensemble des modifications proposées sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse et, en particulier, avec celles découlant de la de la Convention de Paris (CUP)73, du PCT, de la CBE 2000 et de l'Accord sur les ADPIC74. Les règles applicables en droit des brevets, auxquelles la présente révision n'apporte aucun changement, satisfont déjà aux exigences posées par ces accords en matière de protection des inventions.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet de loi contient des dispositions importantes fixant des règles de droit qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Il est sujet au référendum.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet de loi ne contient pas de nouvelles dispositions relatives aux subventions ni de crédits d'engagement, ni de plafonds de dépenses. Il n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

7.5

Délégation de compétences législatives

Le projet de loi prévoit plusieurs normes de délégation.

L'art. 57a charge l'IPI d'établir un rapport obligatoire sur l'état de la technique pour toutes les demandes de brevet et précise sur quelles bases se fonde ce rapport (al. 2).

Étroitement liés à l'examen du brevet, les détails du rapport et les modalités de son établissement sont de nature très technique. C'est pourquoi l'al. 4 prévoit une norme de délégation au Conseil fédéral, qui précisera la réglementation dans l'OBI, notamment sous quelles conditions l'IPI pourra reprendre des rapports existants et donc renoncer à établir un rapport lui-même (voir à ce sujet le commentaire de l'art. 57a P-LBI).

73 74

Convention de Paris du 14 juillet 1967 pour la protection de la propriété industrielle révisée à Stockholm le 14 juillet 1967; RS 0.232.04.

Accord du 15 avril 1994 sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce); RS 0.632.20.

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L'instauration de l'examen complet facultatif appelle une réglementation de la requête d'examen (complet) du brevet. L'art. 58b définit les points essentiels. La requête est indissociablement liée à l'examen de la demande de brevet. C'est pourquoi l'al. 6 prévoit une norme de délégation au Conseil fédéral, qui pourra, sur cette base, régler les modalités de la procédure dans l'OBI. Cette délégation fait écho à la réglementation actuelle de l'examen du brevet inscrite aux art. 46 ss OBI. Elle permet de garantir que l'examen des brevets pourra être adapté rapidement aux développements et aux besoins des déposants.

L'abrogation de l'art. 60, al. 1bis, entraîne la suppression de l'actuelle liste des indications devant être inscrites au registre des brevets. L'al. 2 est modifié en conséquence et précise les trois indications qui doivent être inscrites au registre des brevets dans tous les cas. Le Conseil fédéral se voit en outre attribuer la compétence de définir par voie d'ordonnance les indications additionnelles devant être inscrites au registre. Cette modification permet d'aligner le droit des brevets aux autres lois en matière de propriété industrielle (en l'occurrence aux art. 38 LPM et 24 et 25 LDes). En plus de cette harmonisation, cette délégation de compétence législative permet aussi de faire en sorte que la tenue du registre des brevets puisse être adaptée aux nouveaux développements.

La PA délègue entièrement au Conseil fédéral la compétence de calculer les émoluments et les indemnités, sous réserve des prérogatives du TAF et du TPF. Dans le cadre des dispositions de la PA, les tribunaux doivent en revanche calculer eux-mêmes les frais de procédure (art. 63, al. 5, PA), les dépens (art. 64, al. 5, PA) et l'assistance judiciaire gratuite (art. 65, al. 5, PA). Cette délégation de compétences est conforme au principe de l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire, lequel vaut également pour le TFB. Par analogie avec les règles applicables au TAF et au TPF, il convient donc, en raison des nouvelles attributions du TFB, de compléter les al. 5 des art. 63 à 65 PA par une réserve concernant les compétences de ce tribunal conformément à l'art. 20, al. 3, let. a, LBI.

7.6

Protection des données

Le projet de loi n'a trait à aucune question liée à la protection des données.

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Table des abréviations ACBSE

Association des conseils en brevets suisses et européens de profession libérale

ADPIC

Accord du 15 avril 1994 sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce); RS 0.632.2

AIPPI

Association internationale pour la protection de la propriété Intellectuelle

AIR

Analyse d'impact de la réglementation

ASCPI

Association suisse des conseils en propriété industrielle

ATF

Arrêt du Tribunal fédéral

CBE 2000

Convention du 5 octobre 1973 sur le brevet européen, révisée à Munich le 29 novembre 2000; RS 0.232.142.2

CCP

Certificat complémentaire de protection

CPC

Code de procédure civile; RS 272

Cst.

Constitution; RS 101

CUP

Convention de Paris du 14 juillet 1967 pour la protection de la propriété industrielle, révisée à Stockholm le 14 juillet 1967; RS 0.232.04

EP

Brevet européen

INGRES

Institut für gewerblichen Rechtsschutz

IPI

Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle

KOF

Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ

LBI / Loi sur les brevets

Loi du 25 juin 1954 sur les brevets; RS 232.14

LDes / Loi sur les designs

Loi du 5 octobre 2001 sur la protection des designs; RS 232.12

LIPI

Loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle, RS 172.010.31

LOGA

Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration, RS 172.010

LPM

Loi du 28 août 1992 sur la protection des marques; RS 232.11

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LTAF LTFB / Loi sur le Tribunal fédéral des brevets

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral; RS 173.32 Loi du 20 mars 2009 sur le Tribunal fédéral des brevets; RS 173.41

Motion Hefti

Motion 19.3228 Hefti «Pour un brevet suisse en phase avec notre époque»

OBI

Ordonnance du 19 octobre 1977 sur les brevets; RS 232.141

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

ODes

Ordonnance du 8 mars 2020 sur les designs; RS 232.121

OEB

Office européen des brevets

OMPI

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

OPM

Ordonnance du 23 décembre 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance; RS 232.111

OTa-IPI

Ordonnance de l'IPI du 14 juin 2016 sur les taxes; RS 232.148

PA

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative; RS 172.021

PCT

Traité de coopération en matière de brevets du 19 juin 1970 (Patent Cooperation Treaty); RS 0.232.141.1

P-LBI

Projet de modification de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets

P-LIPI

Projet de modification de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle

P-LTAF

Projet de modification de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral

PME

Petites et moyennes entreprises

P-PA

Projet de modification de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative

RFFA

Loi fédérale du 18 septembre 2018 sur la réforme fiscale et le financement de l'AVS

TAF

Tribunal administratif fédéral

TF

Tribunal fédéral

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TFB

Tribunal fédéral des brevets

UE

Union européenne

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