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22.083 Message concernant l'instauration d'un frein à la réglementation (Modification de l'art. 159, al. 3, de la Constitution et modification de la loi sur le Parlement) du 9 décembre 2022

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral sur l'instauration d'un frein à la réglementation et le projet d'une modification de la loi sur le Parlement.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2019

M 16.3360

Mettre en place un frein à la réglementation qui permette de limiter les coûts qu'elle induit (N 28.2.2018, Groupe libéral-radical; E 20.3.2019)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 décembre 2022

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ignazio Cassis Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2022-4081

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Condensé L'introduction d'un frein à la réglementation implique que les nouveaux actes qui grèveraient fortement les entreprises soient soumis à une majorité qualifiée au Parlement. Le projet prévoit une modification de la Constitution et de la loi sur le Parlement.

Contexte En adoptant la motion 16.3360 du Groupe libéral-radical, le Parlement a chargé le Conseil fédéral de présenter un projet afin de mettre en place un frein à la réglementation. Dans le même esprit que le frein aux dépenses, il est prévu que les nouveaux projets législatifs affectant un grand nombre d'entreprises ou faisant globalement peser une lourde charge sur les entreprises doivent surmonter un obstacle institutionnel plus élevé, qui prendrait la forme d'un vote à la majorité qualifiée au Parlement. Le Conseil fédéral avait proposé de rejeter la motion.

Le Conseil fédéral a préparé un avant-projet, lequel a été soumis à consultation du 28 avril au 18 août 2021. Au vu du résultat de la consultation, le Conseil fédéral a décidé, le 4 mars 2022, d'établir un message concernant un frein à la réglementation, et de satisfaire ainsi au mandat du Parlement. Cependant, toujours opposé à la mise en place d'un frein à la réglementation, il ne propose pas au Parlement de l'adopter.

Contenu du projet Le frein à la réglementation a pour objectif de contenir l'augmentation des coûts de la réglementation pour les entreprises. Dans cette optique, le projet prévoit que les lois fédérales et les arrêtés fédéraux portant approbation d'un traité international (conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution) qui font peser une lourde charge sur les entreprises seront adoptés à la majorité qualifiée lors du vote au Parlement.

Le nombre d'entreprises touchées et les coûts pour l'ensemble des entreprises seront les critères décisifs afin de déterminer si un projet doit être soumis à la majorité qualifiée. Le Conseil fédéral propose d'appliquer les valeurs seuils suivantes: (1) une augmentation des coûts de la réglementation pour au moins 10 000 entreprises, (2) une augmentation des coûts de la réglementation de plus de 100 millions de francs pour l'ensemble des entreprises sur une période de 10 ans.

Si un projet atteint l'une de ces deux valeurs, la majorité qualifiée (en l'occurrence la majorité des membres de chaque conseil)
sera exigée pour son adoption lors du vote final par les Chambres fédérales. Il s'agit de la même règle que pour le frein aux dépenses, l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers exceptionnels (frein à l'endettement) et les lois fédérales urgentes.

Le frein à la réglementation a reçu un accueil très mitigé en procédure de consultation. Il est soutenu principalement par 3 partis (UDC, PLR, Le Centre) et les associations économiques, et rejeté par 4 partis (PVL, PEV, PS, Les Verts), une majorité des cantons, les syndicats et des représentants de la société civile. Les critiques portaient généralement sur le frein à la réglementation en lui-même et non sur la manière dont 2 / 36

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le Conseil fédéral a proposé de le mettre en place, raison pour laquelle le projet n'a pas fait l'objet d'adaptations aux fins du présent message. Le projet se calque ainsi toujours étroitement sur le texte de la motion transmise par le Parlement.

Résultats escomptés Avec le frein à la réglementation, la question de la charge des entreprises se retrouve davantage au centre de l'attention tout au long de la procédure législative. L'estimation systématique des coûts de la réglementation permet d'améliorer la transparence quant aux effets des projets normatifs et de favoriser une simplification des projets à un stade précoce. Du fait que le frein à la réglementation porte uniquement sur les coûts de la réglementation pour les entreprises sans tenir compte de l'utilité du projet et d'éventuels autres coûts, il est peu probable que l'instrument contribue à accroître l'efficience économique des réglementations.

La mise en place d'un frein à la réglementation s'accompagne en outre d'implications majeures pour les institutions politiques. Elle revient dans les faits à créer différentes catégories de lois avec des modalités de vote distinctes, en accordant plus d'importance aux conséquences sur les entreprises qu'à d'autres intérêts, notamment d'ordre environnemental et social. L'exigence d'une majorité plus élevée augmente la probabilité que des projets entraînant des coûts de la réglementation élevés pour les entreprises puissent être rejetés par le Parlement. Le frein à la réglementation pourrait donc compliquer la recherche de compromis dans le cadre de projets législatifs importants, souvent sujets à controverse.

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Table des matières Condensé

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6 6 8

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.4 Classement d'interventions parlementaires

10 10

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Avant-projet envoyé en consultation 2.2 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

10 11 11 12

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

13

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.2 Mise en oeuvre 4.3 Procédures 4.4 Adéquation des moyens requis

13 13 16 19 20

5

Commentaire des dispositions 5.1 Constitution fédérale 5.2 Loi sur le Parlement 5.3 Modification d'un autre acte: loi du 18 mars 2005 sur la consultation

20 20 22

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences pour les entreprises 6.4 Conséquences économiques 6.5 Conséquences environnementales 6.6 Conséquences sociales 6.7 Conséquences pour les institutions politiques

27 29

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses

33 33 33 33 34

6

7

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27

29 30 30 31 31 32

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7.5 7.6 7.7 7.8

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale Conformité à la loi sur les subventions Délégation de compétences législatives Protection des données

34 34 34 34

Tableau récapitulatif des données utilisées dans le message

35

Loi sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl) (Frein à la réglementation) (Projet)

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Arrêté fédéral sur l'instauration d'un frein à la réglementation (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

Problématique et nécessité d'agir Une réglementation efficace et mesurée est déterminante pour l'attrait de la place économique suisse et les conditions-cadres économiques. Les réglementations peuvent induire des coûts pour les entreprises du fait de nouvelles obligations d'agir, de tolérer une action ou de s'abstenir d'une action. Ces coûts, appelés coûts de la réglementation, augmentent les coûts de production et privent les entreprises de ressources qu'elles pourraient affecter à d'autres fins. Une trop lourde charge réglementaire risque de nuire à la compétitivité des entreprises et à la croissance à long terme de la productivité de la Suisse.

Il existe à ce jour en Suisse peu de chiffres concernant l'ampleur du fardeau de la réglementation pesant sur les entreprises. Le baromètre de la bureaucratie du Secrétariat d'État à l'économie (SECO) fournit des indications sur la charge administrative pesant sur les entreprises. Lors de la dernière enquête, réalisée en 2018, 67 % des entreprises ont fait état d'une augmentation de la charge administrative perçue, et 67,5 % d'entre elles ont considéré cette charge comme plutôt lourde ou lourde1. Le Conseil fédéral avait par ailleurs procédé à une estimation globale des coûts de la réglementation en 2013; les coûts directs de la réglementation pour les entreprises dans 12 domaines choisis étaient alors estimés à quelque 10 milliards de francs par an2.

Pour se prononcer sur l'efficience économique d'une réglementation, les analyses doivent intégrer les dimensions du coût et de l'utilité. Toute réglementation étatique poursuit des objectifs, souvent inscrits dans la Constitution (Cst.)3 et définis par la loi, et vise à produire un bénéfice. Les réglementations doivent répondre à un intérêt public; elles servent par exemple à la protection de la santé ou à la correction de dysfonctionnements du marché (réglementation de monopoles naturels, p. ex.).

Si les interventions réglementaires prennent trop peu en considération les coûts occasionnés pour les entreprises, il y a un risque de défaillance de la réglementation4.

1

2

3 4

LINK (2019): Monitoring de la bureaucratie 2018: www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Promotion économique > Études. La prochaine enquête est prévue en 2022 et les résultats devraient être publiés début 2023.

Conseil fédéral (2013): Rapport sur les coûts de la réglementation Estimation des coûts engendrés par les réglementations et identification des possibilités de simplification et de réduction des coûts: www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Réglementation > Politique de la réglementation: projets > Rapport sur les coûts de la réglementation.

RS 101 Ecoplan (2021): Auswirkungen des Unternehmensentlastungsgesetzes und der Regulierungsbremse, RFA, avril 2021 (uniquement en allemand, résumé en français): www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Réglementation > Analyse d'impact de la réglementation > Autres exemples d'AIR.

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C'est par exemple le cas lorsque les coûts liés à un projet ou des possibilités de réglementation induisant une charge moins lourde ne sont pas suffisamment mis en évidence, que ce soit par volonté de s'épargner du travail ou pour ne pas compromettre l'aboutissement du projet.

Mandat parlementaire La motion du Groupe RL 16.3360 du 31 mai 2016 «Mettre en place un frein à la réglementation qui permette de limiter les coûts qu'elle induit» charge le Conseil fédéral «de préparer et de présenter au Parlement les textes prévoyant l'obligation de soumettre dans les deux conseils et dans le cadre du vote sur l'ensemble à la majorité qualifiée (p. ex.: adoption à la majorité des membres de chaque conseil, sur le modèle du frein aux dépenses) les modifications législatives, les lois et de manière générale toutes réglementations nouvelles qui entraînent soit des coûts supplémentaires pour plus de 10 000 entreprises, soit des coûts dépassant un seuil à définir». Contre la proposition du Conseil fédéral, qui proposait de rejeter la motion, elle a été adoptée par le second conseil le 20 mars 2019 et, partant, transmise au Conseil fédéral.

Le même jour, le Parlement a transmis la motion 16.3388 Sollberger, qui demande une loi sur la réduction de la densité réglementaire et l'allégement de la charge administrative qui pèse sur les entreprises; ses objectifs sont donc analogues à ceux du mandat portant sur le frein à la réglementation. Le message concernant la loi fédérale sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises (LACRE) est soumis au Parlement dans le cadre d'un projet distinct5.

Objectif du projet Le frein à la réglementation a pour objectif de limiter l'augmentation des coûts de la réglementation pour les entreprises. À cet effet, il prévoit que les projets qui grèvent un grand nombre d'entreprises ou entraînent une forte augmentation des coûts de la réglementation seront adoptés par le Parlement à la majorité qualifiée. Cet obstacle institutionnel plus élevé accroît en principe la probabilité que de tels projets soient rejetés.

La question de la charge des entreprises serait davantage prise en considération tout au long de la procédure législative. La mise en oeuvre du frein à la réglementation demanderait des estimations encore plus systématiques des coûts de la réglementation.
Une meilleure estimation des coûts de la réglementation permet bien souvent de simplifier les projets à un stade précoce et d'améliorer les bases de décision fournies au Conseil fédéral et au Parlement, notamment si elle est mise en regard d'une estimation de l'utilité attendue de la réglementation. Les délibérations parlementaires qui devraient avoir lieu sur l'application du frein à la réglementation accroîtraient l'attention portée au le fardeau de la réglementation pesant sur les entreprises.

Décision du Conseil fédéral de ne pas proposer l'adoption du projet Le Conseil fédéral accorde une grande importance à l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises. Il estime toutefois que le frein à la réglementation demandé par le Parlement est un instrument peu adapté à cette fin. Les implications 5

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pour les institutions politiques sont majeures (cf. ch. 6.7), tandis que les effets escomptés en termes d'allégement pour les entreprises sont plutôt limités (cf. ch. 6.3).

Avec le frein à la réglementation, l'application de la majorité qualifiée dépendrait des conséquences que le projet concerné aurait sur les entreprises. Privilégier de la sorte certains intérêts dans le cadre du processus législatif serait une première et dérogerait à un principe constitutionnel éprouvé, à savoir qu'au Parlement, les décisions sont prises à la majorité des votants. Cela pourrait créer un précédent dans d'autres dossiers, et le recours accru à la règle de la majorité qualifiée risquerait de rendre plus difficiles les réformes importantes.

Le frein à la réglementation a principalement pour effet de sensibiliser à la charge induite pour les entreprises et d'améliorer la transparence en la matière. En adoptant les directives concernant l'analyse d'impact de la réglementation applicable aux projets législatifs de la Confédération (directives AIR)6, le Conseil fédéral avait déjà fait un pas dans ce sens en 2019; il va encore plus loin en proposant d'inscrire dans la LACRE l'obligation de procéder à l'estimation des coûts de la réglementation. Il semble donc possible d'améliorer la situation sans produire d'effets pervers (comme restreindre la capacité d'action du Parlement).

Enfin, le Conseil fédéral estime qu'appuyer l'instrument exclusivement sur les coûts de la réglementation, sans tenir compte des autres coûts et de l'utilité d'un projet, est une approche lacunaire et peu appropriée sous l'angle de l'efficience d'une réglementation du point de vue économique. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral demeure opposé à l'instauration d'un frein à la réglementation et ne propose donc pas au Parlement de l'adopter.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

Étant donné que la motion 16.3360 du Groupe RL est formulée en des termes très concrets, la marge de manoeuvre au niveau de la mise en oeuvre apparaît restreinte.

Elle se limite au choix de la majorité qualifiée exigée pour l'adoption des projets visés et à la fixation des seuils à partir desquels s'applique le frein à la réglementation.

La motion laisse en principe libre la forme de la majorité qualifiée, mais mentionne comme modèle «la majorité des membres de chaque conseil», règle de majorité déjà utilisée dans le cadre du frein aux dépenses7. L'application de la majorité qualifiée dans la prise de décision du Parlement est exceptionnelle dans le droit constitutionnel suisse. En règle générale, les décisions sont prises à la majorité simple des votants (art. 159, al. 2, Cst.); conformément à l'art. 159, al. 3, Cst., la majorité des membres de chaque conseil est toutefois requise pour la déclaration d'urgence des lois fédérales, pour l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers exceptionnels et pour le frein aux dépenses. Le Conseil fédéral propose d'adopter la même règle de majorité qualifiée pour le frein à la réglementation. Une majorité renforcée, comme la majorité des deux tiers, permettrait certes d'augmenter l'efficacité du frein à la 6 7

FF 2019 8073 À savoir que la majorité requise s'élève à 101 voix pour le Conseil national et 24 voix pour le Conseil des États.

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réglementation, mais soumettrait l'approbation de nouveaux actes à un obstacle tel que le risque de blocages et de retards dans les réformes s'en verrait accru8.

Les seuils relatifs à l'augmentation des coûts de la réglementation et au nombre d'entreprises touchées visent à limiter l'application du mécanisme aux cas d'une certaine importance. Ils ont pour objectif de restreindre l'application du frein à la réglementation aux seuls actes qui entraînent soit une augmentation considérable des coûts de la réglementation pour l'ensemble des entreprises, soit des coûts supplémentaires pour un nombre minimum d'entreprises. Plus les seuils fixés sont élevés, moins le frein à la réglementation est susceptible de s'appliquer. Des seuils très bas feraient en revanche de l'adoption à la majorité qualifiée la règle et non l'exception. Le projet d'acte reprend le chiffre figurant à titre indicatif dans le texte de la motion d'un minimum de 10 000 entreprises touchées. Il propose en outre un seuil de 100 millions de francs sur une période de référence de 10 ans pour l'augmentation des coûts de la réglementation engendrée pour l'ensemble des entreprises. Ce deuxième seuil permet d'appliquer le frein à la réglementation aux actes normatifs qui touchent moins de 10 000 entreprises (parce qu'ils visent uniquement certaines branches, p. ex.), mais entraînent dans l'ensemble des coûts élevés.

D'autres mesures seraient envisageables pour atteindre les objectifs de la motion 16.3360 du Groupe RL, à savoir limiter la charge réglementaire pour les entreprises et sensibiliser davantage les différents acteurs du processus législatif à la thématique. Il serait par exemple possible d'y parvenir en instaurant des règles plus strictes pour les services compétents de l'administration fédérale (en matière d'estimation des coûts de la réglementation, d'AIR ou d'examen obligatoire de mesures de simplification destinées aux entreprises, p. ex.), ou en procédant à des adaptations sur le plan institutionnel (création d'un organe de contrôle pour les AIR ou les estimations des coûts de la réglementation, p. ex.).

Il existe déjà des règles ayant trait à l'évaluation systématique des coûts de la réglementation et à l'analyse des possibilités de simplification pour les entreprises sous forme de directives; le projet de LACRE prévoit de
les renforcer et de les inscrire dans la loi9. Dans l'hypothèse où la LACRE serait adoptée et le frein à la réglementation abandonné, une part des objectifs de ce dernier se concrétiserait tout en évitant ses conséquences négatives attendues.

Le Conseil fédéral a examiné et rejeté la création d'un organe de contrôle indépendant.

L'organe envisagé permettrait de contrôler la qualité des estimations des coûts et potentiellement de l'améliorer, mais il nécessiterait des ressources financières considérables. Le Conseil fédéral s'est déjà penché sur la mise en place d'un tel organe dans 8

9

Stöckli Andreas, Joller Elisabeth (2019): «Einführung einer Personalbremse», expertise commandée par l'Office fédéral du personnel (OFPER): www.ofper.admin.ch > Thèmes > Politique du personnel > Politique du personnel au Conseil fédéral et au Parlement > Dossiers du Conseil fédéral ayant trait à la politique du personnel > Effectifs et coûts de personnel.

L'avant-projet de LACRE comprend six éléments: (1) les principes de réglementation, (2) l'obligation de procéder à des vérifications lors de la rédaction d'actes normatifs, (3) l'estimation des coûts de la réglementation, (4) le suivi de la charge liée aux coûts de la réglementation pour les entreprises, (5) des études sectorielles visant à identifier les allégements potentiels et (6) le développement d'EasyGov, le portail en ligne pour les entreprises.

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le cadre des travaux donnant suite aux motions 15.3400 Vogler et 15.3445 du Groupe RL et l'a rejetée pour des raisons d'efficience et des considérations d'ordre institutionnel. Les arguments avancés à l'époque restent valables: la responsabilité de la qualité des AIR, y compris l'estimation des coûts de la réglementation, devrait échoir au département responsable, à l'instar des autres estimations effectuées dans le cadre des rapports explicatifs et des messages sur l'utilité et les conséquences d'un projet. En outre, les résultats des AIR peuvent être vérifiés et évalués de manière critique, notamment par les acteurs concernés, dans le cadre des procédures de consultation internes et externes à l'administration. Enfin, même en optant pour une forme minimaliste, un organe de contrôle indépendant grèverait considérablement le budget de la Confédération, et ce dans une proportion qui serait sans commune mesure avec le gain d'utilité supposé.

D'autres approches et instruments ayant pour objectif d'abaisser les coûts de la réglementation sont exposés dans le rapport du 7 décembre 2018 du Conseil fédéral donnant suite au postulat 15.3421 Caroni10. La plupart sont avant tout des alternatives aux mesures proposées dans le projet de LACRE et ne sont donc pas approfondis ici.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202311 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202312. Il est la conséquence directe de l'adoption, par le Parlement, de la motion 16.3360 du Groupe RL «Mettre en place un frein à la réglementation qui permette de limiter les coûts qu'elle induit.» La réglementation proposée n'affecte aucune stratégie du Conseil fédéral.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Par le présent projet, le Conseil fédéral donne suite à la motion 16.3360. Il propose de classer cette intervention parlementaire.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

Dans l'optique de la procédure de consultation, le SECO a fait examiner, dans le cadre d'une AIR, les conséquences du frein à la réglementation (conjointement avec le projet de LACRE [projet distinct]) pour la Confédération ainsi que pour les entreprises et l'économie. Les résultats de l'étude sont résumés au ch. 6 du présent message.

10 11 12

Conseil fédéral (2018), Frein à la réglementation: possibilités et limites de différents modèles et approches, www.parlement.ch > 15.3421 > Rapport en réponse à l'intervention.

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2.1

Avant-projet envoyé en consultation

Le Conseil fédéral a mené une consultation sur la mise en place d'un frein à la réglementation (modification de l'art. 159, al. 3, Cst. et modification de la loi sur le Parlement) du 18 avril au 18 août 2021. Les avant-projets envoyés en consultation correspondent matériellement à ceux annexés au présent message (cf. ch. 4). Sur les 91 avis exprimés au total, 25 émanent de cantons, 7 de partis politiques représentés au sein de l'Assemblée fédérale, 3 d'associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne, 34 d'associations faîtières de l'économie qui oeuvrent au niveau national ou régional, 1 d'une commission extraparlementaire (Forum PME13), 2 d'organisations de travailleurs, 2 d'organisations de protection des consommateurs, 12 d'organisations de la société civile et 3 de particuliers.

2.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

L'instauration d'un frein à la réglementation a reçu un accueil très mitigé en procédure de consultation14. Sur les 91 participants, 42 expriment des avis très critiques ou rejettent le projet. Les 49 autres participants l'approuvent soit sans réserve, soit avec des propositions de modification.

Le projet envoyé en consultation est soutenu par l'ensemble des associations économiques ou professionnelles, le PLR, Le Centre et l'UDC, 7 cantons (AG, LU, NW, SO, TI, VS, ZH), 1 représentant des régions de montagne, le Forum PME, 2 entreprises et 1 particulier. Ces acteurs estiment que le projet contribuerait à contenir la charge réglementaire des entreprises, ce qui serait bénéfique aux conditions-cadres et renforcerait la place économique suisse. Selon eux, il est d'autant plus nécessaire d'agir rapidement pour contrer la densité normative grandissante que la pandémie de COVID-19 a entraîné une dégradation de la situation économique. De nombreux partisans de la mise en place d'un frein à la réglementation (28 sur 42, dont le Forum PME) considèrent néanmoins qu'il est également nécessaire de mettre en place ou tout au moins d'examiner la mise en place d'un organe de contrôle indépendant, chargé de veiller à la qualité des estimations des coûts de la réglementation.

Le projet de mise en place d'un frein à la réglementation est rejeté par 18 cantons (AI, AR, BL, BS, BE, FR, GE, GL, GR, JU, NE, SG, SH, SZ, TG, UR, VD, ZG), le PS, Les Verts, le PVL et le PEV, ainsi que par l'Union des villes suisses, 1 représentant des régions de montagne, 2 syndicats, 2 associations de consommateurs, 12 organisations de la société civile et 2 particuliers. L'inégalité de traitement entre les différentes politiques sectorielles est jugée particulièrement problématique, en raison notamment du poids qui serait accordé à l'impact sur les entreprises par rapport à d'autres intérêts.

Le fait que le projet mette uniquement l'accent sur le coût attendu pour les entreprises, sans tenir compte de l'utilité de la réglementation, a aussi été sévèrement critiqué. Du 13 14

En tant que commission extraparlementaire, le Forum PME défend le point de vue des PME lors des consultations.

Le dossier envoyé en consultation, les avis et le rapport rendant compte des résultats peuvent être consultés sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2021 > DEFR.

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point de vue des institutions politiques, l'exigence de la majorité qualifiée devrait rester réservée à des situations très spécifiques, par exemple pour compenser la limitation de certains droits politiques. Les participants ont souligné que la procédure législative suisse, finement réglée, ménage déjà des droits de participation élargis aux acteurs concernés. La difficulté d'application du frein à la réglementation sur le plan pratique a par ailleurs été relevée. Enfin, les participants ont souligné que les estimations des coûts de la réglementation, essentielles pour établir la majorité applicable, demandent beaucoup de ressources, sont complexes et impliquent par nature un haut degré d'incertitude.

2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Le projet a donné lieu à des avis très partagés et très polarisés en procédure de consultation. Il n'y a guère eu de prises de position sur les modalités concrètes du frein à la réglementation (champ d'application, seuils, vote concerné par la majorité qualifiée, etc.). Les participants ont généralement donné une réponse de principe, en ce sens que le frein à la réglementation était soit approuvé, soit rejeté dans son ensemble.

Les partisans estiment que la mise en place d'un frein à la réglementation est justifiée et même nécessaire, et que le mécanisme envisagé est approprié. Selon eux, la charge réglementaire pour les entreprises est telle qu'elle représente un problème à régler au plus vite et avec détermination, par une approche globale. Outre le frein à la réglementation, ils réclament également une loi sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises et un organe de contrôle indépendant.

Pour les opposants, le frein à la réglementation constitue une ingérence considérable dans les institutions, avec en outre d'importants inconvénients et effets pervers. Vu l'impact modeste attendu sur les coûts de la réglementation, il présente un rapport utilité-coût particulièrement défavorable. Certains aspects spécifiques de la mise en oeuvre ont été critiqués (valeurs seuils trop basses, définition des coûts de la réglementation trop vaste, application du principe de précaution, etc.), mais leur adaptation ne serait guère susceptible de changer les réserves fondamentales vis-à-vis de l'instrument.

Les résultats contrastés de la procédure de consultation soulèvent des questions quant à la capacité du projet à rallier une majorité. Compte tenu de la forte polarisation, le Conseil fédéral ne voit toutefois pas de «voie médiane» propre à rapprocher partisans et opposants. En établissant le présent message, le Conseil fédéral remplit le mandat parlementaire conféré par la motion 16.3360. Il estime que les inconvénients et les effets pervers du frein à la réglementation sont majeurs, raison pour laquelle il ne propose pas au Parlement d'adopter le projet. Selon lui, d'autres moyens sont plus à même d'atteindre l'allégement administratif des entreprises visé, comme la LACRE, dont le projet est soumis séparément au Parlement.

La forme proposée de frein à la réglementation n'ayant pas
été fondamentalement remise en question dans le cadre de la procédure de consultation, les projets d'acte n'ont pas été modifiés quant au fond. Le Conseil fédéral a notamment décidé de ne pas inclure dans le projet la mise en place d'un organe de contrôle indépendant, que 12 / 36

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de nombreux partisans du frein à la réglementation (dont le Forum PME) ont demandée en procédure de consultation. La création d'un tel organe avait fait l'objet de discussions approfondies il y a quelques années dans le contexte des deux motions 15.3400 Vogler et 15.3445 Groupe libéral-radical, et a été rejetée par le Conseil fédéral, notamment pour des raisons d'efficience. Étant donné que le Parlement a classé ces motions et que l'initiative parlementaire 19.402 CER-E «Analyse d'impact de la réglementation indépendante» est encore en traitement, le Conseil fédéral maintient sa position (cf. ch. 1.2).

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

Aucun pays voisin de la Suisse ni aucun pays européen ne dispose d'une réglementation semblable dans sa procédure législative.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Le Parlement demande par l'intermédiaire de la motion 16.3360 du Groupe RL la mise en place d'un frein à la réglementation, l'objectif étant de limiter l'augmentation des coûts de la réglementation pour les entreprises. Sur le modèle du frein aux dépenses, il est prévu que les nouveaux projets législatifs entraînant des coûts élevés pour les entreprises doivent surmonter un obstacle institutionnel plus élevé, qui prendrait la forme d'un vote à la majorité qualifiée au Parlement. Pour déterminer si un projet doit être soumis à cette exigence supplémentaire, il convient de considérer le nombre d'entreprises touchées et l'augmentation des coûts de la réglementation attendue pour l'ensemble des entreprises.

La mise en place d'un tel frein à la réglementation exige une adaptation de la Constitution. En outre, elle requiert une modification de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)15, avec l'inscription, notamment, des seuils concrets permettant de définir les conditions d'application du frein à la réglementation.

Le Conseil fédéral propose de définir les conditions d'application du frein à la réglementation à l'aide des seuils ci-après: une augmentation des coûts de la réglementation pour plus de 10 000 entreprises et une augmentation des coûts de la réglementation pour l'ensemble des entreprises de plus de 100 millions de francs sur une période de 10 ans (soit en moyenne 10 millions de francs par année). Dès lors qu'un projet dépasse l'un de ces deux seuils, il est prévu que son adoption se fasse à la majorité qualifiée au vote final des Chambres fédérales, c'est-à-dire «à la majorité des membres de chaque conseil» (soit au moins 101 voix sur 200 au Conseil national et 24 voix sur 46 au Conseil des États).

15

RS 171.10

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L'application du frein à la réglementation consiste essentiellement à comparer, lors de l'établissement de nouveaux projets, les estimations des coûts de la réglementation et du nombre d'entreprises concernées aux seuils inscrits dans la loi. À cet effet, le service compétent de l'administration fédérale devrait effectuer, dans la mesure du possible, une estimation chiffrée des coûts attendus. Il est, de plus, nécessaire de présenter les autres coûts de la réglementation non chiffrables qui seront à supporter par les entreprises.

L'instauration d'un frein à la réglementation sous la forme proposée est une nouveauté pour l'ordre juridique suisse, qui s'accompagne notamment d'effets indésirables sur les institutions politiques (cf. ch. 6.7).

Champ d'application Entrent dans le champ d'application du frein à la réglementation les lois fédérales (et leurs modifications) et les arrêtés fédéraux portant approbation de traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales et qui, de ce fait, sont sujets au référendum.

Coûts de la réglementation à prendre en considération Contrairement au frein aux dépenses, la majorité qualifiée devrait s'appliquer ici à l'acte entier et non à des dispositions spécifiques. L'intention, qui ressort du texte de la motion, apparaît judicieuse. En effet, les coûts de la réglementation occasionnés par un projet résultent souvent de la combinaison de différents articles, et il convient de calculer la charge nette découlant des coûts supplémentaires et des allégements de l'intégralité des dispositions16.

Coûts de la réglementation pour les entreprises: sont réputés coûts de la réglementation tous les coûts que les entreprises doivent assumer parce qu'elles sont contraintes à agir, à s'abstenir d'une action ou à tolérer une action. Ces obligations génèrent des coûts aussi bien directs qu'indirects (cf. commentaire de l'art. 77a, al. 3, LParl, au ch. 5.2); dans la mesure du possible, les uns comme les autres doivent être pris en considération dans l'application du frein à la réglementation.

Estimation des coûts de la réglementation: seules des estimations chiffrées permettent de déterminer si un projet dépasse le seuil de 100 millions de francs d'augmentation des coûts de la
réglementation (la possibilité d'estimer les coûts de la réglementation est abordée au ch. 4.2). Une telle quantification n'est pas forcément nécessaire pour effectuer la comparaison avec le deuxième seuil, qui vise à établir si plus de 10 000 entreprises sont touchées. Des données qualitatives peuvent se révéler suffisantes, le critère déterminant étant uniquement de savoir si les entreprises auront à supporter une augmentation de la charge en lien avec le projet.

Augmentation nette: étant donné que l'on considère le projet dans son ensemble, les coûts qu'il entraîne doivent être agrégés. Le principe utilisé est celui du calcul en termes nets, qui inclut les éventuels allégements que le projet pourrait générer pour 16

Le texte de la motion prévoit l'application du frein à la réglementation lors du vote sur l'ensemble, ce qui signifie que l'objet soumis à la majorité qualifiée ne peut être que le projet global.

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les entreprises. Le cas échéant, les allégements seront déduits des nouveaux coûts de la réglementation. C'est donc le montant net de l'augmentation des coûts qui s'applique pour le frein à la réglementation. Cette approche est cohérente, puisqu'elle incite du même coup l'administration, le Conseil fédéral et le Parlement à trouver des possibilités d'alléger les coûts des entreprises lors de la conception de nouveaux projets.

Il convient de souligner que les coûts et les allégements ne concernent pas nécessairement les mêmes entreprises ou les mêmes branches.

Coûts de la réglementation uniques et récurrents: l'estimation des coûts de la réglementation comprend aussi bien les coûts uniques (coûts d'adaptation ou investissements de départ) que les coûts récurrents, additionnés sur une période de référence de 10 ans. Les deux types de coûts sont importants pour les entreprises. Inclure les coûts uniques et récurrents dans le même seuil permet d'éviter de soumettre au frein à la réglementation les projets qui impliquent un investissement de départ qui est compensé par une baisse conséquente des coûts récurrents17. La période de référence de 10 ans garantit une pondération suffisante des coûts récurrents, qui, contrairement aux coûts uniques, grèvent les entreprises sur la durée.

Vote concerné par l'application de la majorité qualifiée et conséquences si elle n'est pas atteinte Il est prévu que la majorité qualifiée soit appliquée au vote final. Si elle n'est pas atteinte dans l'un des conseils, le projet est rejeté. Instaurer le frein à la réglementation lors du vote final permet de s'assurer que les deux conseils se prononcent sur le même texte. À ce moment-là, le contenu du projet est finalisé et la charge attendue pour les entreprises est connue18.

Combien de projets pourraient être soumis au frein à la réglementation?

Pour se faire une idée du nombre de projets susceptibles d'être soumis au frein à la réglementation, tous les messages du Conseil fédéral publiés dans la Feuille fédérale entre le 1er décembre 2015 et le 1er décembre 2019 ont été passés en revue sous l'angle des coûts de la réglementation occasionnés et du nombre d'entreprises concernées.

Ces informations doivent toutefois être considérées avec prudence et visent essentiellement à donner un ordre de grandeur, et ce pour plusieurs
raisons. Premièrement, les informations figurant dans les messages au sujet des coûts de la réglementation sont parfois lacunaires. Deuxièmement, d'éventuelles modifications ultérieures suite aux délibérations parlementaires n'ont pas été prises en compte. Enfin, la période étudiée n'est pas forcément représentative pour les années à venir.

17

18

Des valeurs seuils séparées pour les coûts uniques et les coûts récurrents (sur le modèle du frein aux dépenses) ne seraient pas conciliables avec le principe de la charge nette d'un projet dans son ensemble pour les entreprises.

L'application du frein à la réglementation au vote sur l'ensemble, comme prévu dans la motion, est peu judicieuse, notamment pour les raisons suivantes. Le contenu du projet n'est pas encore définitif à ce moment des délibérations. Le vote d'éventuels amendements dans le cadre de la procédure d'élimination des divergences ne se ferait qu'à la majorité simple, ce qui conduirait à contourner de facto le frein à la réglementation.

De plus, si le deuxième conseil décidait d'amender le projet au moment de la discussion par article, la majorité qualifiée appliquée au vote sur l'ensemble du deuxième conseil porterait sur un projet matériellement différent de celui présenté au premier conseil.

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Parmi les 257 messages étudiés, quelque 80 projets ne seraient pas entrés dans le champ d'application du frein à la réglementation, dont des initiatives populaires et des arrêtés fédéraux portant sur des crédits-cadres. Quelque 110 autres projets susceptibles d'être soumis au frein à la réglementation n'avaient que peu de répercussions négatives pour les entreprises, à l'instar de l'approbation de conventions en matière de double imposition avec d'autres pays ou la modification de la loi sur le Tribunal fédéral. Restent quelque 70 projets susceptibles d'entraîner des coûts pour les entreprises.

Ces quelque 70 projets comprennent quelque 20 traités internationaux et 50 lois fédérales.

Pour la plupart des traités internationaux, au nombre desquels les accords de libreéchange ou les accords portant sur l'instauration de l'échange automatique de renseignements sur les comptes bancaires, les seuils prévus n'auraient vraisemblablement pas été atteints.

Quelques-uns des 50 messages relatifs à des lois fédérales portent sur des projets qui auraient pu être concernés par le frein à la réglementation. Si l'un des deux seuils avait été atteint pour un tiers, voire une moitié de ces projets, un total de 15 à 25 projets (sur 257 messages) auraient été soumis à la majorité qualifiée au cours de ces 4 années.

Le seuil de 10 000 entreprises touchées devrait être relativement souvent franchi pour les projets s'appliquant à l'ensemble des secteurs économiques ou régissant des branches importantes. Cela devrait notamment être le cas de nombreux projets fiscaux. Citons également les exemples de la loi fédérale sur les professions de la santé ou de la loi fédérale sur la protection des données. À cet égard, le projet de modification de la loi sur l'égalité est très intéressant. Dans le projet du Conseil fédéral, une obligation d'effectuer une analyse de l'égalité des salaires était prévue pour les entreprises comptant un effectif d'au moins 50 personnes, ce qui aurait impliqué un léger dépassement du seuil des 10 000 entreprises touchées. Les coûts de la réglementation sur 10 ans ont été estimés à 41,5 millions de francs au total. Le Parlement a finalement adapté le projet en limitant l'analyse obligatoire des salaires aux entreprises employant au moins 100 personnes; sous la forme adoptée après les débats parlementaires, le projet n'aurait pas dû être soumis au frein à la réglementation, étant donné qu'il entraînait une hausse des coûts pour moins de 10 000 entreprises.

4.2

Mise en oeuvre

Nécessité d'estimations chiffrées des coûts de la réglementation pour les entreprises Afin de déterminer si un projet dépasse le seuil de 100 millions de francs et doit être soumis au frein à la réglementation, il est nécessaire de disposer d'estimations chiffrées détaillées des coûts de la réglementation attendus pour les entreprises. Ces estimations sont déjà obligatoires pour de nombreux projets, conformément aux directives AIR en vigueur. Jusqu'à présent, elles ont toutefois avant tout servi à améliorer la transparence en ce qui concerne la charge qu'un nouveau projet entraîne pour les entreprises. Les coûts de la réglementation étaient considérés comme un élément 16 / 36

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parmi d'autres dans les bases de décision destinées au Parlement. Désormais, il est prévu que les valeurs en question contribuent directement à déterminer la majorité exigée au Parlement. En conséquence, la quantification des coûts de la réglementation gagne encore en importance, étant donné que seules les données chiffrées peuvent être prises en considération lorsqu'il s'agit de comparer les coûts totaux avec le seuil défini.

En vue d'une application correcte et efficace du frein à la réglementation, il est indispensable que les estimations de coûts exposent de la manière la plus fiable et complète possible l'impact effectif d'un projet sur les entreprises. Pour que sa valeur informative soit maximale, l'estimation doit chiffrer l'ensemble des charges et allégements pour les entreprises. Cela étant, il n'est pas toujours possible de le faire en pratique, et ce pour plusieurs raisons. Il se peut notamment que certaines estimations demandent des ressources disproportionnées, soient trop complexes ou encore irréalisables en raison de données manquantes. Une évaluation au cas par cas de la mesurabilité des coûts de la réglementation imputables à un projet (ou à certaines de ses dispositions) semble par conséquent être un passage obligé. Tous les coûts de la réglementation estimés sont déterminants pour la comparaison avec le seuil se rapportant à l'augmentation des coûts pour l'ensemble des entreprises. Afin que les services de l'administration ne disposent pas d'une marge d'appréciation excessive, il faut rendre obligatoire de présenter les autres coûts de la réglementation non chiffrables auxquels il faut s'attendre et les raisons pour lesquelles ils ont été jugés non chiffrables. Des explications plus détaillées sur les coûts de la réglementation à prendre en considération figurent au commentaire de l'art. 77a, al. 3, LParl (cf. ch. 5.2).

Responsabilité de l'estimation des coûts de la réglementation Sur le plan institutionnel, la Suisse se caractérise par l'absence d'un organe central chargé d'effectuer, d'ordonner et de contrôler les estimations des coûts de la réglementation, tel que le connaît l'Allemagne avec le Normenkontrollrat. C'est à l'office ou au département compétent, et donc in fine au Conseil fédéral, qu'il incombe d'estimer les coûts de la réglementation, et de montrer l'impact du
projet dans le cadre de l'AIR. Ce principe éprouvé est conservé dans la mise en oeuvre proposée du frein à la réglementation. Il en résulte un certain risque (résiduel) que des coûts soient présentés comme non chiffrables, ou partiellement chiffrables, de sorte à éviter que le projet soit soumis au frein à la réglementation. Ce risque peut cependant être atténué avec les instruments déjà disponibles. Mis en place en 2020, le quick check en matière d'AIR permet au service compétent de l'administration fédérale (et en fin de compte au Conseil fédéral) de déterminer à un stade précoce de la procédure législative les effets d'une réglementation qui doivent faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Il a notamment vocation à montrer les éventuels coûts de la réglementation auxquels il faut s'attendre pour les entreprises, leur nature, le nombre d'entreprises touchées ainsi que les estimations des coûts de la réglementation potentiellement prévues en sus. Les résultats du quick check peuvent être examinés par les autres offices ou départements dans le cadre de la consultation des offices et de la procédure de co-rapport, au même titre que le contenu du projet et les éventuelles AIR. D'autres acteurs, dont les branches concernées, leurs associations et les entreprises, ont en outre la possibilité de prendre position sur les estimations présentées ou les éventuelles lacunes en la matière durant la procédure de consultation. Enfin, le Parlement peut également de17 / 36

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mander de nouvelles estimations au Conseil fédéral s'il considère que certaines charges ont été présentées de manière lacunaire.

Gestion de l'incertitude Une estimation comporte par nature une certaine incertitude. Lors de l'application du frein à la réglementation aux projets législatifs, il convient de relever que la concrétisation détaillée d'une loi à l'échelon normatif inférieur (ordonnances du Conseil fédéral, p. ex.) n'est souvent pas totalement arrêtée au moment de l'estimation des coûts de la réglementation. Or cette concrétisation est souvent d'une importance cruciale pour une telle estimation. Une loi peut expressément offrir au Conseil fédéral une large marge d'appréciation en lui laissant le choix entre plusieurs options. Il est alors très difficile d'évaluer les effets attendus de la loi et, a fortiori, souvent impossible d'effectuer une estimation chiffrée exacte du coût de la réglementation. D'où la nécessité, dans ce type de cas, de présenter les hypothèses ou les scénarios de manière transparente et de travailler avec des fourchettes ou des valeurs minimales ou maximales. De ce fait, la comparaison directe avec la valeur seuil peut ne pas toujours permettre de déterminer de manière univoque si un projet doit être soumis ou non au frein à la réglementation.

Le Conseil fédéral propose d'adopter une forme de principe de précaution face à l'incertitude et aux estimations manquantes: dès lors qu'on ne sait pas avec certitude si les coûts entraînés par un projet ou le nombre d'entreprises touchées dépassent les seuils définis pour le frein à la réglementation, il doit en principe être proposé au Parlement que le projet soit soumis au frein à la réglementation. Concrètement, appliquer ce principe revient à considérer systématiquement la variante de mise en oeuvre grevant le plus fortement les entreprises (soit les maxima en termes de coûts et d'entreprises touchées) pour les projets dont la concrétisation est incertaine ou qui laissent une large marge d'appréciation au Conseil fédéral (projets prévoyant des dispositions potestatives, p. ex.). Si, par exemple, des estimations sont présentées sous la forme d'une fourchette allant de 20 à 120 millions de francs, le montant utilisé pour la comparaison avec le seuil serait de 120 millions de francs. Il en irait de même pour le nombre
d'entreprises touchées. En cas d'absence totale d'estimations chiffrées du nombre d'entreprises affectées ou du coût total de la réglementation pour les entreprises, la comparaison avec les valeurs seuils serait impossible, si bien que le frein à la réglementation ne serait pas applicable.

Méthodologie de l'estimation des coûts de la réglementation En tant que service spécialisé en matière d'AIR, le SECO met déjà à la disposition des autres services de l'administration fédérale des aides méthodologiques pour l'estimation des coûts de la réglementation. Cette documentation devra être révisée et complétée pour permettre une application du frein à la réglementation qui soit la plus simple et la plus standardisée possible (éventuellement avec le concours des autres offices concernés). Cela vaut notamment pour la prise en considération des coûts de la réglementation que les entreprises doivent assumer parce qu'elles sont contraintes non pas d'agir, mais de tolérer une action ou de s'abstenir d'une action, comme c'est souvent le cas pour les interdictions (coûts qui peuvent entre autres prendre la forme d'un manque à gagner). Dans la mesure du possible, le SECO endosse une fonction

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de conseil pour les autres services de l'administration s'agissant de l'estimation des coûts de la réglementation, mais il n'est pas un organe de contrôle.

4.3

Procédures

Par analogie avec la procédure à suivre pour la déclaration d'urgence des lois fédérales, un projet d'acte qui remplit les conditions pour être soumis au frein à la réglementation et, partant, à la majorité qualifiée, doit être complété par une clause qui précise qu'il est soumis au frein à la réglementation (ci-après clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation). Cette dernière pourrait être libellée comme suit: «Conformément à l'art. 159, al. 3, let. d, Cst., la présente loi remplit les conditions pour être soumise au frein à la réglementation.» Procédure préparlementaire Le Conseil fédéral examine si les projets entrent dans le champ d'application du frein à la réglementation et si l'augmentation attendue des coûts de la réglementation et le nombre d'entreprises touchées dépassent les seuils définis. Si au moins un des deux seuils est dépassé, le Conseil fédéral propose l'application de la majorité qualifiée dans le message et dans le projet d'acte. Si les seuils ne sont pas atteints, le Conseil fédéral précise explicitement dans le message que le projet n'est pas soumis au frein à la réglementation. Afin de permettre une évaluation de l'exhaustivité et de la fiabilité des estimations des coûts de la réglementation réalisées, les coûts non chiffrés sont également mentionnés dans le message, accompagnés d'une explication succincte justifiant l'absence de données quantitatives. La même procédure s'applique à l'élaboration d'un projet d'acte par une commission parlementaire. Dans ce cas également, l'estimation de l'augmentation des coûts de la réglementation et du nombre d'entreprises touchées incombe en principe au service compétent de l'administration.

Procédure parlementaire La clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation est traitée dans le cadre des débats normaux sur le projet d'acte dans les commissions et dans les conseils (première lecture, élimination des divergences et, le cas échéant, conférence de conciliation). Elle est incluse dans la discussion par article du projet. Les estimations des coûts de la réglementation et du nombre d'entreprises touchées présentées par le Conseil fédéral dans le message devraient être intégrées aux discussions parlementaires et soumises à un examen critique. Le Parlement a la possibilité d'adapter le projet d'acte sur ce point,
en ajoutant ou supprimant la clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation. Il décide donc en dernière instance de l'application de la majorité qualifiée.

Si, au cours des débats parlementaires, un projet fait l'objet de modifications qui ont des répercussions notables sur les coûts de la réglementation ou le nombre d'entreprises touchées, il se peut que la nécessité de la clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation doive être réévaluée par la commission chargée de l'examen préalable et par les conseils. Le cas échéant, le Conseil fédéral (respectivement le service compétent de l'administration) actualise l'estimation de l'augmentation des coûts de 19 / 36

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la réglementation et du nombre d'entreprises touchées. Les projets qui comportent une clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation sont soumis à la majorité qualifiée lors du vote final. Si un projet ne rallie pas la majorité dans un des conseils, il est rejeté.

Il n'est pas exclu que la réactualisation des estimations entraîne dans certains cas des retards dans les débats parlementaires.

4.4

Adéquation des moyens requis

Le projet a peu de conséquences sur les tâches et les finances. Il entraîne, pour certains projets d'acte, l'application d'une règle plus stricte s'agissant de la majorité requise lors du vote final au Parlement. Les conséquences financières potentielles résultent du fait que l'administration fédérale devra éventuellement procéder à davantage d'estimations quantitatives des coûts de la réglementation, sachant toutefois que celles-ci sont déjà nécessaires selon les dispositions légales en vigueur (cf. conséquences pour la Confédération, ch. 6.1).

5

Commentaire des dispositions

5.1

Constitution fédérale

Art. 159, al. 3, let. d La nouvelle disposition de l'art. 159, al. 3, let. d, crée la base constitutionnelle nécessaire à l'instauration du frein à la réglementation. Elle prévoit la soumission à la majorité qualifiée des projets qui induisent une augmentation des coûts de la réglementation pour un nombre minimal d'entreprises ou une augmentation des coûts dépassant un certain montant, fixé dans la loi, pour l'ensemble des entreprises.

L'application de la majorité qualifiée se traduit par un renforcement des exigences requises pour la prise de décision. Dans le cadre du frein à la réglementation, la majorité qualifiée prend la forme de «la majorité des membres de chaque conseil», règle qui vaut déjà pour les lois fédérales urgentes, l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers exceptionnels (frein à l'endettement) et le frein aux dépenses (art. 159, al. 3, Cst.). Pour être adopté, un projet doit donc obtenir 101 voix au Conseil national et 24 voix au Conseil des États.

Entrent dans le champ d'application du frein à la réglementation les lois fédérales19 et leurs modifications, ainsi que les arrêtés fédéraux portant approbation de traités de internationaux contenant des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (art. 141, al. 1, let. d, ch. 3,

19

Sont incluses les lois fédérales déclarées urgentes conformément à l'art. 165 Cst.

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Cst.)20. Étant donné que le frein à la réglementation vise à durcir les exigences relatives à la majorité nécessaire à l'adoption de certains projets par le Parlement, seuls les projets traités par ce dernier concernés par ce dispositif. Sont en outre exclus les projets soumis au référendum, soit les modifications de la Constitution et de certains traités internationaux (régissant, p. ex., l'adhésion à des communautés supranationales). Ces actes étant de toute façon soumis à l'approbation du peuple et des cantons, il n'est pas justifié de relever la barre aux Chambres fédérales. Enfin, les ordonnances de l'Assemblée fédérale ne sont pas non plus visées par le frein à la réglementation; pour des raisons d'égalité de traitement avec les ordonnances du Conseil fédéral, elles ne doivent pas être soumises à la majorité qualifiée au Parlement.

Pour déterminer si un projet doit être soumis au frein à la réglementation, deux conditions sont à considérer: le nombre d'entreprises pour lesquelles le projet entraîne une augmentation des coûts de la réglementation et l'augmentation des coûts de la réglementation occasionnée par le projet pour l'ensemble des entreprises. Ces conditions ne sont pas cumulatives: un projet est ainsi soumis au frein à la réglementation même si le seuil n'est atteint que pour une des deux conditions. Le second seuil (augmentation des coûts pour l'ensemble des entreprises) a pour conséquence de soumettre au frein à la réglementation les actes normatifs qui induisent une augmentation des coûts particulièrement forte, sans pour autant toucher un grand nombre d'entreprises.

La fixation des seuils concrets est laissée à l'appréciation du législateur. Vu que les seuils sont inscrits dans la loi, ils peuvent être adaptés sans qu'une nouvelle modification de la Constitution soit nécessaire.

L'acte est soumis dans son intégralité à la majorité qualifiée. En conséquence, l'augmentation des coûts de la réglementation engendrés par toutes les dispositions (ou modifications de dispositions) est déterminante. À l'inverse, cela signifie aussi que les coûts entraînés par les dispositions qui restent inchangées lors de la modification d'une loi ne doivent pas être pris en considération. Seules les dispositions nouvelles ou ayant subi des modifications sur le fond doivent être considérées.

Pour les termes «entreprises» et «coûts de la réglementation», se référer aux commentaires ci-dessous de l'art. 77a, al. 1 et 2, LParl.

20

Pour les traités internationaux dont la mise en oeuvre exige l'adoption d'une loi fédérale, il serait en principe possible que le frein à la réglementation soit appliqué à la fois lors de la décision d'adoption du traité et lors de l'adoption de l'acte de mise en oeuvre. Il est néanmoins peu probable que cela soit le cas en pratique. D'une part, les actes de mise en oeuvre sont de plus en plus souvent présentés avec les traités auxquels ils se rapportent (art. 141a, al. 2, Cst.), si bien que la question d'une application à double ne devrait pas souvent se poser et, d'autre part, les coûts de la réglementation sont en principe attribués uniquement à l'un des deux actes. Si le frein à la réglementation devait être appliqué à la loi d'exécution ou lors de mises à jour subséquentes, le risque de voir l'application du traité bloquée augmenterait, tout comme la possibilité que des engagements internationaux ne soient pas tenus. Lorsqu'on soumet l'approbation d'un traité international au frein à la réglementation, le fait que le traité soit applicable directement ou indirectement n'est en principe pas pertinent. En revanche, la question de la mesurabilité des coûts de la réglementation attendus pour les entreprises dans le cadre d'un traité international est déterminante.

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5.2

Loi sur le Parlement

Art. 77a Al. 1 L'al. 1 fixe les valeurs seuils concrétisant les deux conditions inscrites dans la Constitution qui commandent l'application de la majorité qualifiée.

La première condition concerne le nombre d'entreprises pour lesquelles un projet entraîne une augmentation des coûts de la réglementation. Le frein à la réglementation, et donc la majorité qualifiée, est appliqué quand un projet occasionne une augmentation des coûts de la réglementation pour plus de 10 000 entreprises. Dans le cas de projets qui impliquent à la fois de nouveaux coûts et des baisses des coûts de la réglementation (en raison de simplifications ou de l'abrogation de certaines dispositions), les entreprises entrent dans le calcul seulement si le projet représente une charge supplémentaire nette pour elles.

Le terme «entreprise» s'entend au sens large. Les facteurs déterminants sont l'exercice d'une activité économique et la participation au processus économique. L'exercice d'une activité économique consiste à combiner des facteurs de production au sens large afin de fournir une prestation matérielle ou immatérielle (produits ou services).

La participation au processus économique désigne l'offre commerciale de biens et de services. En revanche, la forme juridique ou organisationnelle n'est pas déterminante, ce qui signifie que les entreprises publiques ou sans but lucratif sont également incluses. Au demeurant, seules les entreprises suisses peuvent être prises en considération. C'est la présence en Suisse (établissement) qui est décisive, les rapports de propriété n'étant pas pertinents ici. Par exemple, la filiale d'un groupe étranger sise en Suisse est considérée comme une entreprise suisse, tandis qu'une entreprise étrangère proposant des biens ou des services en Suisse ne sera pas considérée comme une entreprise suisse.

Pour estimer le nombre d'entreprises touchées par un projet spécifique, les données de l'Office fédéral de la statistique (OFS) seront d'une grande importance. Toutefois, selon le projet, d'autres sources de données devront également être prises en considération. Pour chaque projet, il faudra déterminer quelles sont les données disponibles et quelles sont les données les plus adéquates. Voici deux exemples pour illustrer le propos: si le projet exige la publication d'un rapport d'impact sur
l'environnement pour les entreprises d'une branche donnée, l'OFS devrait disposer des données nécessaires. Si, en revanche, l'obligation de publier un rapport d'impact sur l'environnement dépend d'un critère spécifique, comme un certain chiffre d'affaires, les données nécessaires devront plutôt provenir d'autres sources (la TVA, p. ex.).

La deuxième condition concerne l'augmentation des coûts de la réglementation qu'implique un projet pour l'ensemble des entreprises. Le frein à la réglementation, et donc la majorité qualifiée, s'applique quand un projet entraîne pour les entreprises une augmentation des coûts de la réglementation totalisant plus de 100 millions de francs. Ce chiffre comprend les coûts de la réglementation sur une période de 10 ans.

Pour la définition précise des coûts de la réglementation et le traitement des coûts uniques et récurrents, il est renvoyé aux explications des al. 2 et 3.

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Al. 2 L'al. 2 définit les coûts de la réglementation pour les entreprises. La figure 1 en présente un aperçu.

Figure 1 Aperçu des coûts de la réglementation pour les entreprises

Source: figure originale (basée sur le manuel Check-up de la réglementation du SECO de 2011)

Les réglementations étatiques peuvent comporter diverses contraintes entraînant des coûts pour les entreprises. On entend par coûts de la réglementation pour les entreprises l'ensemble des coûts que les entreprises doivent assumer parce qu'elles sont contraintes d'agir, de tolérer une action ou de s'abstenir d'une action. L'obligation d'agir comprend par exemple les obligations d'informer, de déclarer, de s'annoncer ou d'obtenir une autorisation. Les obligations de s'abstenir d'une action recouvrent des interdictions et des normes dont l'effet revient à une interdiction. À titre d'exemple, des valeurs limites plus strictes en matière d'émission de particules fines qui obligent la plupart des entreprises concernées à investir dans de nouveaux équipements (obligation d'agir) ont un effet d'interdiction pour les entreprises qui n'investissent pas dans de nouveaux équipements ou ne peuvent plus se conformer aux valeurs limites pour d'autres raisons (obligation de s'abstenir). Les obligations de tolérer une action impliquent l'acceptation d'actions de tiers, comme des contrôles étatiques qu'une entreprise doit «tolérer».

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Les coûts de la réglementation peuvent être uniques (coûts d'adaptation ou investissements de départ, p. ex.) ou récurrents (obligation de faire rapport annuellement, p. ex.).

En principe, les coûts de la réglementation englobent tant les dépenses supplémentaires que les manques à gagner. En Suisse, on fait habituellement la distinction entre les coûts de la réglementation directs et indirects. Ces deux types de coûts sont de même importance pour estimer de manière fiable la charge réglementaire qui pèse sur les entreprises et entrent tous les deux dans la définition des coûts de la réglementation. En pratique, la distinction entre coûts directs et coûts indirects servait jusqu'ici principalement d'indicateur de la faisabilité d'une estimation quantitative, sachant que les coûts de la réglementation directs étaient souvent jugés plus simples à évaluer.

Dans le contexte du frein à la réglementation, cette distinction devient secondaire.

Parmi les exemples typiques de coûts de la réglementation directs, on peut citer les dépenses de personnel pour remplir le formulaire d'une obligation de déclarer, les investissements nécessaires pour moderniser un processus de production, les coûts d'un audit externe de la tenue des comptes ou encore des coûts financiers comme l'émolument versé pour l'obtention d'une autorisation.

À ces coûts directs peuvent s'ajouter des coûts réglementaires indirects qui grèvent en particulier les recettes des entreprises. En effet, les réglementations, notamment de par les interdictions ou retards induits, sont susceptibles d'entraîner un manque à gagner pour les entreprises. Les interdictions peuvent remettre en cause des activités économiques ou les faire complètement disparaître. L'effort requis pour estimer les coûts indirects varie considérablement, mais tend à être plus élevé que pour les coûts de la réglementation directs. En outre, ces estimations sont en général marquées par une plus grande incertitude. Actuellement, il n'existe pas de méthode uniforme pour mesurer les coûts indirects en Suisse. Il convient d'examiner au cas par cas, et idéalement dans le cadre du quick check, si une estimation des coûts indirects est possible et si l'effort qu'elle nécessite sont proportionnés au but visé. Le quick check a été mis en place par le Conseil fédéral en février 2020 afin
de déterminer le besoin et l'ampleur d'une AIR.

Pour l'estimation des coûts de la réglementation, il n'est pas essentiel de déterminer si les coûts en question devront être assumés par les destinataires de la norme ou par des «tiers». Les entreprises peuvent donc être des destinataires directs de la norme ou être seulement touchées par les conséquences de la réglementation. Par exemple, les coûts liés à l'introduction d'une obligation de déclarer les ingrédients sont considérés comme des coûts de la réglementation, indépendamment du fait qu'ils incombent au commerce de détail, aux producteurs ou aux importateurs. Il convient en tout état de cause d'éviter le double comptage des coûts de la réglementation.

Les coûts encourus de toute façon par l'entreprise et qu'elle assumerait également sans nouvelle réglementation ne sont pas considérés comme des coûts de la réglementation. Citons comme exemple l'instauration, en Suisse, de règles qui s'appliquent au niveau international et que de nombreuses entreprises suisses respectent déjà, même en l'absence d'une réglementation nationale en la matière.

Pour les projets fiscaux, le montant d'impôt à verser n'est pas considéré comme un coût de la réglementation. L'introduction (ou la suppression) d'une subvention ne peut 24 / 36

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pas non plus être considérée comme un allégement (ou une charge) au sens de la définition des coûts de la réglementation. L'établissement d'un décompte fiscal (le fait de remplir une déclaration d'impôt, p. ex.) relève en revanche d'une obligation d'agir classique et est considéré comme un coût de la réglementation. Pour les droits de douane, les taxes et les cotisations aux assurances sociales, le montant à verser à l'État ne relève pas des coûts de la réglementation, contrairement aux tâches administratives qui en découlent. Les contributions causales, dont, par définition, certaines entreprises s'acquittent pour une prestation précise de la collectivité publique, entrent dans les coûts de la réglementation. Il s'agit en particulier d'émoluments, tels que ceux perçus pour l'inscription au registre du commerce ou dans le cadre d'une procédure d'autorisation.

Al. 3 Aux fins de la comparaison avec les valeurs fixées à l'al. 1, on retiendra ici l'approche en termes nets. L'estimation de l'augmentation des coûts de la réglementation prend donc non seulement en considération les coûts supplémentaires induits par de nouvelles dispositions, mais également les éventuels allégements entraînés par l'abrogation ou la simplification de dispositions en vigueur. Pour les allégements, la définition des coûts de la réglementation fonctionne en miroir. Par exemple, la levée de l'interdiction de jeux d'argent en ligne entraîne des gains éventuels supplémentaires pour les entreprises qui doivent entrer dans le calcul de l'augmentation des coûts de la réglementation. Il en va de même pour la réduction des coûts résultant de la suppression d'une obligation de déclarer, par exemple. Les nouvelles charges et les éventuels allégements liés à un projet ne touchent pas nécessairement les mêmes entreprises. Pour déterminer si le seuil relatif à l'ensemble des coûts de la réglementation est dépassé, un éventuel effet de redistribution n'est pas pertinent.

L'augmentation des coûts de la réglementation est calculée en additionnant les coûts uniques et les coûts récurrents pour une période de 10 ans, déduction faite des allégements éventuels. Par exemple, si une réglementation introduit un nouvel outil numérique permettant de remplacer une obligation annuelle de faire rapport, la charge annuelle correspondant à l'établissement
du rapport sera déduite 10 fois des coûts d'investissement nécessaires pour le nouvel outil dans le calcul de l'augmentation des coûts de la réglementation. Si la durée de validité du projet est inférieure à 10 ans, les coûts de la réglementation (uniques et récurrents) seront calculés pour la période prévue par le projet. En principe, seules les estimations quantitatives des coûts de la réglementation (charges et allégements) peuvent être prises en considération aux fins de la comparaison avec le seuil relatif à l'ensemble des coûts de la réglementation.

Pour déterminer si le nombre d'entreprises concernées dépasse le seuil fixé, des données qualitatives peuvent également suffire le cas échéant. Le facteur déterminant est l'augmentation éventuelle de la charge réglementaire pour les entreprises et non le montant de cette augmentation. Dès qu'une entreprise doit supporter une charge nette supplémentaire (sur une période de 10 ans), elle entre en ligne de compte, indépendamment de l'existence d'une estimation quantitative. Si une interdiction entraîne pour toutes les entreprises d'une branche un manque à gagner d'une ampleur inconnue, les entreprises concernées entrent dans le calcul.

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Al. 4 Si un projet dépasse au moins une des valeurs fixées à l'al. 1, il doit inclure une clause qui précise qu'il est soumis au frein à la réglementation. Les estimations ex ante des coûts de la réglementation et du nombre d'entreprises subissant une charge supplémentaire disponibles au moment de la décision du Parlement sont déterminantes. La clause à inscrire dans le projet d'acte pourrait être libellée comme suit: «Conformément à l'art. 159, al. 3, let. d, Cst., la présente loi remplit les conditions pour être soumise au frein à la réglementation.» Si le dépassement d'un des deux seuils prévus est incertain, il doit en principe être proposé au Parlement que le projet soit soumis au frein à la réglementation (principe de précaution, cf. ch. 4.2). Cette clause présente dans les dispositions finales de l'acte permettra au Parlement d'aborder dans ses délibérations ordinaires la question de l'éventuelle application du frein à la réglementation et donc de la majorité qualifiée. Si, au cours des débats parlementaires, un projet fait l'objet de modifications qui ont des répercussions notables sur les coûts de la réglementation ou le nombre d'entreprises touchées, il se peut que la nécessité de la clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation doive être réévaluée par la commission chargée de l'examen préalable et par les conseils. L'application du frein à la réglementation dans le cadre de la procédure parlementaire est explicitée au ch. 4.3.

Art. 81, al. 1ter L'al. 1ter dispose que la majorité qualifiée s'applique au vote final. Cela concerne uniquement les projets qui comportent une clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation. L'application du frein à la réglementation au vote final permet de garantir que les deux chambres votent sur le même projet, dans sa version définitive. À ce moment-là, le contenu du projet est finalisé et la charge attendue pour les entreprises est connue. Si la majorité qualifiée n'est pas atteinte dans l'un des conseils, la conséquence est claire: le projet est rejeté.

Art. 141, al. 3 L'art. 141, al. 3, LParl précise les obligations du Conseil fédéral en ce qui concerne la présentation des conséquences pour les entreprises dans les messages relatifs à des projets qui rentrent dans le champ d'application du frein à la réglementation. Il s'agit
des messages concernant les lois et les arrêtés fédéraux portant approbation d'un traité international au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. Le Conseil fédéral doit indiquer le nombre d'entreprises pour lequel un projet entraîne une augmentation des coûts de la réglementation et le montant total de cette augmentation pour l'ensemble des entreprises. Il doit également mentionner si l'une des valeurs seuils prévues à l'art. 77a, al 1, LParl est dépassée et si, le cas échéant, l'acte est soumis au frein à la réglementation. Si d'autres coûts de la réglementation découlant du projet d'acte ont été identifiés mais ne peuvent être estimés quantitativement, le Conseil fédéral doit le mentionner explicitement. Ces indications figurant dans le message sont très importantes pour les débats parlementaires, car elles constituent notamment la base pour décider si le projet d'acte doit contenir une clause sur l'assujettissement au frein à la réglementation et si l'acte doit être soumis à la majorité qualifiée.

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Art. 173a Cet article inscrit dans la loi une clause d'évaluation, qui charge le Conseil fédéral d'examiner 5 ans après son entrée en vigueur si les dispositions relatives au frein à la réglementation sont adéquates, efficaces, et économiques. Le Conseil fédéral rend ensuite compte de cette analyse à l'Assemblée fédérale et, si nécessaire, lui soumet des propositions d'amélioration. Il y a notamment lieu de contrôler les valeurs fixées à l'art. 77a, al. 1, LParl. Celles-ci ne devraient pas entraîner une généralisation du vote à la majorité qualifiée en raison du frein à la réglementation; la majorité qualifiée doit rester l'exception et s'appliquer exclusivement aux réglementations qui imposent une charge particulièrement lourde aux entreprises. Il convient en outre de contrôler la pertinence des coûts de la réglementation à prendre en considération (art. 77a, al. 2, LParl) et du calcul de ces coûts (art. 77a, al. 3, LParl), ainsi que la disponibilité et la qualité des données sur l'augmentation des coûts de la réglementation présentées dans le message (art. 141, al. 3, LParl).

5.3

Modification d'un autre acte: loi du 18 mars 2005 sur la consultation21

Art. 6a L'art. 6a de la loi sur la consultation en vigueur prévoit, par un renvoi à l'art. 141, al. 2, LParl, que l'exposé des motifs de l'avant-projet doit satisfaire aux mêmes exigences que celui du projet. Le projet d'art. 141, al. 3, LParl précise les obligations relatives à la présentation des conséquences pour les entreprises dans les messages relatifs à des projets qui entrent dans le champ d'application du frein à la réglementation. Le renvoi figurant à l'art. 6a de la loi sur la consultation est donc également complété par ce nouvel art. 141, al. 3, LParl. Les participants à la consultation doivent pouvoir s'exprimer sur les estimations des coûts de la réglementation et du nombre d'entreprises qui auront à supporter une charge supplémentaire, lesquelles sont déterminantes pour l'application du frein à la réglementation.

6

Conséquences

Dans le cadre de l'élaboration du présent projet, le SECO a chargé le bureau de conseil et de recherche Ecoplan de réaliser une AIR22. Les explications qui suivent s'appuient largement sur les conclusions de cette analyse. Le présent chapitre présentera d'abord les mécanismes de transmission par lesquels se déploient les effets du frein à la réglementation, puis les conséquences de l'instrument.

21 22

RS 172.061 Ecoplan (2021): Auswirkungen des Unternehmensentlastungsgesetzes und der Regulierungsbremse, RFA, avril 2021 (uniquement en allemand, résumé en français); www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Réglementation > Analyse d'impact de la réglementation > Autres exemples d'AIR > Loi sur l'allègement des coûts de la réglementation pour les entreprises et frein à la réglementation (2021).

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Le frein à la réglementation proposé se compose de deux éléments principaux: (I) le relèvement de l'obstacle parlementaire sous la forme d'un vote à la majorité qualifiée pour les projets législatifs entraînant une lourde charge réglementaire pour les entreprises et (II) l'obligation de principe qui en découle d'estimer systématiquement l'ampleur de l'augmentation des coûts de la réglementation et le nombre d'entreprises qui seront touchées par l'augmentation des coûts de la réglementation.

(I)

Effets attendus d'un obstacle parlementaire plus élevé

Le relèvement de l'obstacle parlementaire pour les projets entraînant une lourde charge réglementaire peut avoir des effets aussi bien directs qu'indirects. Certaines réglementations coûteuses pourraient être rejetées par la majorité qualifiée au Parlement. Toutefois, tel ne devrait pas être souvent le cas en pratique. De manière générale, la majorité qualifiée proposée pour le frein à la réglementation (majorité des membres des deux conseils) ne représente pas un obstacle bien plus important que la majorité simple, une conclusion soulignée par une analyse des résultats des votes finaux au Parlement, entre 2014 et 2019, sur des lois fédérales et des arrêtés fédéraux portant approbation de traités internationaux sujets au référendum. Si la majorité qualifiée avait été requise pour l'ensemble des projets adoptés à la majorité simple par les Chambres fédérales au vote final, plus de 99,5 % des projets auraient également été adoptés23. Il est donc peu probable que de nombreux projets entraînant une forte augmentation de la charge réglementaire échouent au Parlement du seul fait que l'obstacle parlementaire serait légèrement relevé, même si cela ne peut pas être totalement exclu.

Un effet préventif indirect est par contre attendu du vote à la majorité qualifiée: comme le Parlement aurait à déterminer si un projet remplit les conditions d'application du frein à la réglementation et donc si une clause relative à l'assujettissement au frein à la réglementation devait figurer dans le projet d'acte, la question de la charge réglementaire pesant sur les entreprises aurait une plus grande visibilité dans le cadre des débats parlementaires.

(II)

Effets attendus du renforcement de l'obligation d'estimer les coûts de la réglementation pour les entreprises

L'obligation liée au frein à la réglementation d'estimer systématiquement les coûts de la réglementation augmenterait la transparence sur la charge pesant sur les entreprises.

Cette transparence accrue, associée au risque légèrement plus élevé d'un rejet au Parlement à cause de l'application de la majorité qualifiée, aurait un effet préventif: les services compétents de l'administration chargés du projet devraient examiner avec plus d'attention les possibilités d'alléger la charge des entreprises et procéder aux adaptations correspondantes dans la mesure du possible. Le gain de transparence concernant les coûts de la réglementation pourrait également, dans certains cas, inciter le Conseil fédéral ou le Parlement à abandonner totalement certains projets à un stade précoce, indépendamment de l'application de la majorité qualifiée. Il est cependant difficile de prévoir à quel point ces effets potentiels se déploieraient dans la pratique.

Aujourd'hui déjà, des estimations quantitatives des coûts de la réglementation sont 23

SECO (2020): Analyse des résultats des votes finaux au Parlement (seulement en allemand); www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Réglementation > Politique de la réglementation: projets.

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réalisées pour une grande partie des projets débattus au Parlement. L'impact supplémentaire lié au frein à la réglementation serait potentiellement de combler en partie les éventuelles lacunes en la matière.

6.1

Conséquences pour la Confédération

L'introduction du frein à la réglementation impliquera des dépenses pour la Confédération. Ecoplan a estimé les coûts additionnels engendrés par les estimations supplémentaires ou de meilleure qualité à environ 750 000 francs par an (fourchette allant de 0,5 à 1,1 million de francs)24.

Les coûts attendus au sein de l'administration fédérale seraient en grande partie assumés par les services chargés des estimations des coûts de la réglementation pour les entreprises. Il est difficile d'évaluer si ces coûts seront effectivement tous des coûts supplémentaires: aujourd'hui déjà, des estimations des coûts de la réglementation sont demandées et effectuées. La répartition des coûts entre les services de l'administration ne peut guère être établie en l'état et dépendra fortement du nombre de projets et de leur complexité. À ces coûts s'ajoutent des coûts incombant au SECO pour le soutien fourni en tant que centre de compétence avec des fonctions transversales dans l'administration. De bonnes prestations de soutien de la part du SECO sont susceptibles de réduire la charge incombant aux autres services de l'administration.

Comme les éventuelles charges supplémentaires se répartissent entre de nombreux services de l'administration, elles devraient être absorbées par ces dernières et financées sans ressources supplémentaires. Le projet peut donc être mis en oeuvre dans les limites des ressources humaines et matérielles existantes.

Si le frein à la réglementation atteint son objectif et parvient à contenir la charge réglementaire des entreprises, la Confédération devrait profiter indirectement d'effets positifs sur le substrat fiscal et le marché du travail, quand bien même ces effets devraient être plutôt limités.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Les cantons, les communes, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne ne sont pas touchés directement par le projet, mais on ne peut exclure des effets indirects, qu'ils soient positifs ou négatifs. Si la charge réglementaire des entreprises diminuait grâce au frein à la réglementation, les cantons et les communes pourraient eux aussi profiter indirectement d'une augmentation de la productivité des 24

Il s'agit ici d'une analyse des coûts isolée du frein à la réglementation proposé. En cas d'estimation systématique des coûts de la réglementation en application de la LACRE, dont le projet est présenté séparément, la majeure partie des coûts estimés pour la Confédération résulterait déjà de cette loi et ne serait plus à prendre en considération ici, pour éviter une prise en compte à double (coûts encourus de toute façon).

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entreprises et ainsi voir leurs recettes fiscales s'accroître. Il est toutefois aussi possible que le frein à la réglementation bloque des lois fédérales ou des traités internationaux qui, pour les cantons, se solderaient par un bilan positif. Dans le domaine fiscal, par exemple, les modifications de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes25 pourraient être soumises au frein à la réglementation, ce qui compliquerait les adaptations du droit fiscal cantonal.

6.3

Conséquences pour les entreprises

Le frein à la réglementation proposé aurait d'abord un effet indirect sur la charge réglementaire des entreprises: les estimations des coûts de la réglementation pour les entreprises seraient plus systématiques et de meilleure qualité. La majorité qualifiée, en revanche, n'aurait probablement qu'un effet direct faible. Dans l'ensemble, le frein à la réglementation est susceptible de contribuer à endiguer l'augmentation de la charge réglementaire imposée aux entreprises par les nouvelles réglementations. Une charge réglementaire qui augmente moins fortement a un effet bénéfique pour les entreprises. Les ressources ainsi libérées peuvent, par exemple, être investies dans d'autres domaines et entraîner des gains de productivité, ce qui est également positif pour la capacité d'innovation et la compétitivité internationale des entreprises.

Comme les coûts de la réglementation représentent en partie des coûts fixes qui grèvent les PME de manière disproportionnée, ces dernières devraient particulièrement profiter de cette mesure. L'ampleur de cet effet est, par nature, difficile à prévoir et dépendra en grande partie de l'amélioration effective des réglementations sous l'angle des coûts pour les entreprises et du nombre de réglementations inutiles que cette procédure aura permis d'éviter. L'expérience tirée de bonnes AIR montre toutefois que de légères adaptations apportées à des projets législatifs, comme le prolongement des délais de mise en oeuvre, peuvent permettre aux entreprises de réaliser des économies considérables (cf. révision du droit sur les denrées alimentaires26).

6.4

Conséquences économiques

Le frein à la réglementation pourrait contribuer à contenir la charge réglementaire des entreprises, ce qui aurait un effet positif sur l'économie dans son ensemble et pourrait entraîner des gains de productivité pour les entreprises ainsi qu'une amélioration de la place économique suisse. S'ensuivrait potentiellement une hausse de la croissance et des emplois, ce qui profiterait aussi indirectement aux travailleurs et aux contribuables.

25 26

RS 642.14 Oesch Thomas, Gehrig Matthias, Küng Valentin et Graff Anna Lucia (2015): Regulierungsfolgenabschätzung zum neuen Lebensmittelrecht (p. 67; en allemand): www.seco.admin.ch > Services et publications > Publications > Réglementation > Analyse d'impact de la réglementation > AIR approfondies > Ordonnance sur les denrées alimentaires (2015).

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Le frein à la réglementation proposé implique l'amélioration des analyses d'impact, ce qui accroît la transparence en ce qui concerne les coûts pour les entreprises et renforce ainsi la possibilité de mener des débats factuels. Il est cependant aussi imaginable que l'accent prépondérant mis sur les coûts de la réglementation conduise non seulement à des simplifications de la réglementation, mais encore à des modifications susceptibles d'affecter l'utilité d'une réglementation. Le frein à la réglementation se concentre exclusivement sur les coûts pour les entreprises et ne constitue pas une analyse économique complète permettant une pesée globale des coûts et des bénéfices d'une réglementation; il pourrait même donner lieu à des réglementations inefficientes du point de vue économique. Dans certains cas, il pourrait également favoriser un transfert de la charge réglementaire des entreprises vers d'autres acteurs comme l'État ou les consommateurs. Si le principe de causalité s'en trouvait affaibli, cela pourrait entraîner des effets de redistribution indésirables et une allocation inefficiente des ressources. Toutefois, l'utilité d'une nouvelle réglementation peut et doit toujours être étudiée dans le cadre d'une AIR et présentée de manière systématique, si possible en termes chiffrés, dans le rapport explicatif et le message. Au demeurant, il incombe au Conseil fédéral et au Parlement de mettre en balance les coûts et l'utilité d'un projet.

Pour résumer: contenir les coûts (inutiles) de la réglementation est une mission importante pour renforcer la compétitivité des entreprises et de la place économique suisse. Cependant, à la baisse directe des coûts des entreprises liée à des mesures d'allégement peut aussi faire écho une baisse de l'impact et de l'utilité de la réglementation. Il importe donc de procéder à une pesée des intérêts au cas par cas. Contenir les coûts des nouvelles réglementations n'entraîne donc pas automatiquement des effets positifs sur l'ensemble de l'économie.

6.5

Conséquences environnementales

Le projet pourrait avoir des conséquences environnementales indirectes. Comme une transparence supplémentaire sur les coûts de la réglementation peut influencer les décisions du Conseil fédéral et du Parlement, il est possible que, dans certains cas, les adaptations touchent des projets touchant à la politique environnementale. Outre les simplifications pour les entreprises, on peut imaginer des adaptations qui affectent les bénéfices souhaités dans le domaine de l'environnement. À l'inverse, il est également possible que les discussions sur les coûts d'un projet donnent lieu à des analyses et à des bases de décision plus solides concernant le bénéfice du projet. Des simplifications et des baisses de coûts peuvent au demeurant renforcer l'acceptation de projets environnementaux. Dans tous les cas, il appartiendra au Conseil fédéral et au Parlement de mettre en balance les avantages et les inconvénients ainsi que les coûts et les bénéfices d'un projet.

6.6

Conséquences sociales

Le projet pourrait avoir des conséquences indirectes sur la société. Il en va de même que pour les conséquences environnementales: il est imaginable qu'un projet comportant un objectif concernant la société soit modifié du fait de la plus grande transpa31 / 36

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rence sur les coûts de la réglementation. Il n'est donc pas à exclure que le bénéfice de la réglementation pour la société s'en trouve dans certains cas réduit. Il appartiendra au Conseil fédéral et au Parlement de trancher ces questions. Toutefois, il est également possible que la plus grande transparence sur les coûts crée des incitations à mieux analyser les bénéfices.

6.7

Conséquences pour les institutions politiques

Le frein à la réglementation proposé représente une nouveauté institutionnelle pour l'ordre juridique suisse. L'introduction de cet instrument crée deux catégories distinctes de lois avec chacune ses propres modalités de vote.

La Constitution prévoit de recourir à la majorité qualifiée uniquement pour le frein aux dépenses, l'augmentation des dépenses totales en cas de besoins financiers exceptionnels (frein à l'endettement) et la déclaration d'urgence des lois fédérales. En ce qui concerne les lois fédérales déclarées urgentes, il s'agit de limiter la possibilité de lancer un référendum en déclarant l'entrée en vigueur immédiate. La majorité qualifiée permet un équilibre entre cette limitation et la garantie des droits politiques. Pour le frein aux dépenses et le frein à l'endettement, le recours à la majorité qualifiée se justifie entre autres par le fait que, en Suisse, il n'y a aucune possibilité de référendum pour les projets concernant les finances.

Contrairement aux exemples cités précédemment, la majorité qualifiée ne peut être motivée par la limitation des droits démocratiques dans le cas du frein à la réglementation. Les objectifs du projet lui-même peuvent être avancés comme justification. Le frein à la réglementation doit contribuer à contenir la charge que de nouvelles réglementations feraient peser sur les entreprises et à renforcer les conditions-cadres économiques. Avec le frein à la réglementation, le Parlement pourrait s'imposer un mécanisme contraignant, comme il l'a déjà fait avec le frein aux dépenses et le frein à l'endettement. Pour ces deux instruments aussi, l'objectif visé, à savoir la réduction de la croissance des dépenses et de la dette de la Confédération, est primordial. Il n'en résulte cependant pas un traitement spécial de certains destinataires de la norme. À l'inverse, dans le cas du frein à la réglementation, la procédure de vote ne traiterait plus les différents enjeux de manière neutre, car les intérêts des entreprises auraient plus de poids que ceux de la protection de l'environnement, de la protection des travailleurs ou encore de la protection des consommateurs, par exemple.

Le frein à la réglementation implique une estimation quantitative des coûts de la réglementation et accroît ainsi la transparence sur la charge des entreprises due à de nouveaux
projets dans les bases de décision du Conseil fédéral et du Parlement. L'application de la majorité qualifiée peut néanmoins influencer les rapports de force et les votes au Parlement. En principe, les minorités sont renforcées, car elles peuvent dans certaines circonstances faire échouer les projets plus facilement, ce qui a tendance à favoriser le statu quo. Le frein à la réglementation pourrait notamment avoir un impact non négligeable sur les projets controversés sur le plan politique et rendre les compromis plus difficiles. Cela paraît particulièrement problématique lorsque la charge réglementaire d'un projet n'est pas la principale pomme de discorde, mais que le projet remplit les conditions pour être soumis au frein à la réglementation. Comme 32 / 36

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les affaires de grande portée comportent un fort potentiel de polarisation, d'importants projets législatifs pourraient être retardés ou même bloqués.

Par ailleurs, il n'est pas possible d'exclure totalement les contournements du frein à la réglementation et certaines incitations inopportunes pour le processus législatif: certains projets pourraient ainsi être morcelés en plusieurs actes législatifs de manière à ne pas dépasser les seuils du frein à la réglementation et donc à éviter l'application de la majorité qualifiée. La tentation pourrait aussi exister de ménager une grande marge de manoeuvre au Conseil fédéral pour la concrétisation du projet dans la formulation des lois, afin que les coûts de la réglementation ne soient identifiables avec certitude que plus tard. Cet élément devrait lui aussi rendre plus difficile l'application du frein à la réglementation.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Les nouvelles dispositions de la loi sur le Parlement concrétisent le nouvel art. 159, al. 3, let. d, Cst., qui exige l'application de la majorité qualifiée pour les projets de réglementation entraînant certains coûts pour les entreprises. Les modifications se fondent par ailleurs sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le champ thématique du projet n'a pas d'incidence sur les obligations internationales de la Suisse. Le frein à la réglementation pourrait cependant avoir des conséquences indirectes pour les traités internationaux de la Suisse qui doivent être régulièrement mis à jour, en particulier les accords sur le marché intérieur passés avec l'UE. Ces accords, qui permettent à la Suisse de participer au marché intérieur européen, s'appuient sur le droit européen et doivent régulièrement être adaptés pour suivre les évolutions juridiques de l'UE, ce qui nécessite régulièrement une modification de lois fédérales en Suisse. Un obstacle supplémentaire aux adaptations de lois et de traités nécessaires pourrait nuire à la sécurité du droit et menacer le bon fonctionnement des accords, ce qui, dans certaines conditions, pourrait en fin de compte désavantager les entreprises concernées.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Appliquer la majorité qualifiée aux actes qui entraînent des coûts de la réglementation élevés représente une règle fondamentale concernant les prises de décision de l'Assemblée fédérale. Pour cette raison, il est nécessaire de l'inscrire dans la Constitution.

Le nouvel art. 159, al. 3, let. d, Cst. crée la base constitutionnelle nécessaire.

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En outre, l'art. 164, al. 1, Cst. exige que toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit, en particulier les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales, soient édictées sous la forme d'une loi fédérale. Les nouvelles dispositions de la loi sur le Parlement, qui mettent en oeuvre le nouvel art. 159, al. 3, let. d, Cst., permettent de remplir cette obligation.

7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne prévoit ni nouvelles dispositions relatives aux subventions ni nouveaux crédits d'engagement ou plafonds de dépenses.

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le projet n'a d'incidence ni sur la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, ni sur leur exécution.

7.6

Conformité à la loi sur les subventions

Le projet est sans incidence sur la législation sur les subventions.

7.7

Délégation de compétences législatives

Le projet ne contient aucune disposition sur la délégation de compétences législatives.

7.8

Protection des données

Le projet est sans incidence sur la protection des données.

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Tableau récapitulatif des données utilisées dans le message Référence

Source, hypothèses, méthode de calcul

Dernière actualisation

Ch. 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés: En outre, 67,5 % d'entre elles ont considéré cette charge comme plutôt lourde ou lourde.

Baromètre de la bureaucratie 2018 de l'institut LINK 2019.

Renseignements fournis par des entreprises sur l'ensemble de la charge administrative subjective sur une échelle de 1 (faible) à 4 (élevée)

2019

Ch. 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés: Les coûts directs pour les entreprises étaient alors estimés à quelque 10 milliards de francs chaque année.

Rapport du Conseil fédéral sur les coûts de la réglementation de 2013

2013

Ch. 4.1 Réglementation proposée: Si l'un des deux seuils avait été atteint pour un tiers, voire une moitié de ces projets, un total de 15 à 25 projets (sur 257 messages) auraient été soumis à la majorité qualifiée au cours de ces quatre années.

Analyse interne des messages effectuée par le SECO

2020

Ch. 6 Conséquences: Si la majorité qualifiée avait été requise pour l'ensemble des projets adoptés à la majorité simple par les Chambres fédérales au vote final, plus de 99,5 % des projets auraient également été adoptés.

Analyse interne du résultat des votes au vote final effectuée par le SECO.

2020

Ch. 6.1 Conséquences pour la Confédération: Ecoplan a estimé les coûts additionnels engendrés par les estimations supplémentaires ou de meilleure qualité à environ 750 000 francs par année (fourchette allant de 0,5 à 1,1 million de francs).

Ecoplan (2021): 2021 Auswirkungen des Unternehmensentlastungsgesetzes und der Regulierungsbremse, AIR, avril 2021 (uniquement en allemand, résumé en français).

Remarques

Seuls les coûts directs des principales obligations d'agir dans 12 domaines ont été analysés. En outre, les coûts pour l'ensemble de l'économie ont été estimés sur la base d'informations fournies par des experts ou des entreprises.

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