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23.008 Message relatif à l'approbation de l'accord entre le Département de l'économie, de la formation et de la recherche de la Confédération suisse et le Ministère fédéral de l'économie et de la protection du climat de la République fédérale d'Allemagne concernant la coopération et la coordination des autorités de concurrence du 11 janvier 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de l'accord entre le Département de l'économie, de la formation et de la recherche de la Confédération suisse et le Ministère fédéral de l'économie et de la protection du climat de la République fédérale d'Allemagne concernant la coopération et la coordination des autorités de concurrence, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 janvier 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2023-0098

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Condensé L'accord entre le Département de l'économie, de la formation et de la recherche de la Confédération suisse et le Ministère fédéral de l'économie et de la protection du climat de la République fédérale d'Allemagne concernant la coopération et la coordination des autorités de concurrence vise à renforcer la coopération entre les autorités de concurrence des deux parties. L'accord a été signé le 1er novembre 2022.

Contexte Du fait de l'imbrication élevée entre les économies suisse et allemande, l'amélioration de la coopération entre les autorités de concurrence des deux pays revêt un intérêt particulier pour la Suisse, d'autant que notre pays n'a pas les mêmes moyens de coopération que les États membres de l'Union européenne entre eux. Dans la mesure où la concurrence est un instrument important pour éviter des prix trop élevés, l'accord à approuver contribuera par ailleurs à la lutte contre l'«îlot de cherté» que constitue la Suisse, notamment dû à des pratiques anticoncurrentielles transfrontières.

Du point de vue de son contenu, cet accord est très proche de l'accord du 17 mai 2013 entre la Suisse et l'UE concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence (accord Suisse-UE), qui a donné de bons résultats dans la pratique.

Il contribuera à une meilleure protection de la concurrence, tant en Suisse qu'en Allemagne, ce qui est dans l'intérêt des deux parties. La conduite des procédures sera plus efficace et les incohérences pourront être évitées lorsque des faits identiques ou connexes seront visés. Par le passé, les autorités de concurrence suisses et allemandes ont été confrontées de manière répétée à des pratiques transfrontières pour lesquelles une coopération formelle aurait permis un travail d'enquête plus efficace.

Contenu du projet L'accord doit renforcer la coopération entre la Commission suisse de la concurrence (COMCO) et l'Office fédéral des ententes allemand (Bundeskartellamt,). Il prévoit la possibilité pour les autorités de s'informer mutuellement de leurs mesures d'application, de les coordonner et d'échanger des informations. En aucun cas l'autorité d'une partie ne sera tenue de prendre une mesure à la demande de l'autorité de l'autre partie (par ex. une perquisition).

L'échange, la discussion et la transmission d'informations constituent
le coeur de l'accord. Celui-ci prévoit également la possibilité d'échanger, à des conditions strictes, des informations confidentielles nécessaires à la conduite des enquêtes. Comme dans l'accord Suisse-UE, les informations confidentielles ne pourront être échangées que si les affaires traitées par les autorités des deux parties sont identiques ou connexes.

Cette étroite coopération est possible du fait de la très grande similitude des législations des deux parties en matière de concurrence.

L'accord permet un meilleur accès aux moyens de preuve tout en offrant les garanties nécessaires, en particulier en ce qui concerne la confidentialité, le principe de spécia2 / 20

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lité ainsi que les droits des parties à la procédure et le pouvoir discrétionnaire de l'autorité requise d'entrer en matière ou non sur une demande de l'autre partie. Les informations transmises ne peuvent être utilisées pour infliger des sanctions à des personnes physiques ni divulguées à des fins de procédures pénales ou civiles.

En tant qu'État membre de l'UE, l'Allemagne fait partie du Réseau européen de la concurrence (European Competition Network, ECN), dans le cadre duquel certaines informations sur des affaires relevant du droit de la concurrence et ayant une portée transfrontière sont partagées avec d'autres États membres et avec la Commission européenne. Étant donné qu'il existe déjà un accord de coopération en matière de concurrence entre la Suisse et l'UE, l'accord Suisse-Allemagne inclut une disposition selon laquelle l'Allemagne peut, dans le cadre de l'ECN, divulguer à la seule Commission européenne des informations transmises conformément à l'accord, pour autant que les intérêts de l'UE, y compris ceux de ses États membres, soient affectés et que la COMCO en soit informée. Ce n'est qu'à titre exceptionnel et avec le consentement de la COMCO que des informations peuvent être transmises aux États membres de l'UE.

Enfin, l'accord contient des dispositions relatives à la notification d'actes de puissance publique et d'autres courriers aux entreprises de l'autre partie.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

En raison de la forte imbrication des économies suisse et allemande, les autorités de concurrence rencontrent des difficultés à mettre en oeuvre la législation en matière de concurrence, car leur champ d'action est en principe, au plan juridique, strictement limité au territoire national. Aujourd'hui, à l'échelle internationale, les avantages d'une coopération effective entre les autorités de concurrence ne sont plus à démontrer.

La coopération avec la Commission européenne dans le domaine de la concurrence est régie par l'accord du 17 mai 2013 entre la Confédération suisse et l'Union européenne concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence1 (accord Suisse-UE). Cet accord, qui aménage la coopération entre l'autorité suisse de concurrence (la Commission de la concurrence [COMCO] et son secrétariat) et la Commission européenne, a donné de bons résultats dans la pratique. Il ne couvre toutefois pas la coopération avec les autorités de concurrence des États membres de l'Union européenne (UE), notamment l'Office fédéral des ententes allemand (Bundeskartellamt). Selon les affaires concernées, les États membres de l'UE sont compétents lorsqu'il s'agit de sanctionner des pratiques anticoncurrentielles qui déploient des effets sur leur territoire. C'est pourquoi il est important de combler cette lacune.

L'Allemagne est le principal partenaire commercial de la Suisse. Compte tenu de l'importance des différences de prix entre les deux pays, l'incitation à un cloisonnement des marchés entre la Suisse et l'Allemagne est forte. On peut dès lors s'attendre à un nombre croissant de procédures parallèles entre les autorités de concurrence des deux pays, en particulier dans le domaine du commerce en ligne transfrontières.

À ce jour, la coopération entre les autorités de concurrence suisse et allemande est essentiellement de nature informelle et se déploie à un échelon soit bilatéral, soit multilatéral, dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou du réseau international de la concurrence (International Competition Network, ICN). Cette coopération est limitée, en particulier parce qu'elle ne permet pas d'échanger des informations obtenues par l'autorité durant une procédure.

De telles informations sont protégées, en droit suisse
comme en droit communautaire, par les dispositions concernant les secrets de fonction et d'affaires.

De plus, l'autorité de concurrence suisse est aujourd'hui désavantagée par rapport aux autorités de concurrence des États membres de l'UE qui, dans le cadre de l'ECN, peuvent coopérer et échanger des informations confidentielles, entre elles et avec la Commission européenne. Cette situation entrave la mise en oeuvre effective par la Suisse de sa législation en matière de concurrence dans le cas des pratiques anticoncurrentielles transfrontières car elle complique l'accès aux moyens de preuve situés hors de son territoire. Elle génère également une duplication du travail et un manque 1

RS 0.251.268.1

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de cohérence s'agissant de décisions portant sur les mêmes faits. Ces dernières années, l'autorité de concurrence suisse a été confrontée à plusieurs dossiers cartellaires transfrontières qui auraient pu être suivis plus efficacement dans le cadre d'une coopération internationale.

La révision technique partielle en cours de la loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)2, notamment la révision et l'harmonisation du contrôle des concentrations, et l'introduction au 1er janvier 2022 de la règle du pouvoir de marché relatif (modification de la LCart du 19 mars 20213) devraient encore accroître l'importance d'un accord de coopération en matière de concurrence entre la Suisse et l'Allemagne, dans l'intérêt des entreprises et des consommateurs suisses, notamment en ce qui concerne la notification d'actes de puissance publique et d'autres courriers.

1.2

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé, ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20234, ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20235. Le présent accord de coopération avec l'Allemagne doit contribuer à favoriser la concurrence et l'efficacité des procédures au profit des consommateurs et des entreprises suisses.

En rendant plus effective l'application de la législation en matière de concurrence, l'accord soutient les objectifs de la politique de concurrence et de croissance de la Suisse. Il contribue ainsi à un environnement économique stable et propice à l'innovation (cf. objectif 3 du programme de la législature 2019 à 20236).

Une politique économique axée sur la concurrence est essentielle pour renforcer la place économique suisse dans le contexte international. À cet égard, l'accord contribue également à la réalisation des objectifs de la Suisse définis dans le cadre de sa stratégie de la politique économique extérieure.

2

Étapes préalables

2.1

Déroulement des négociations

Dans son message relatif à l'accord Suisse-UE7, le Conseil fédéral a mentionné la possibilité de conclure des accords similaires avec des États membres de l'UE.

2 3 4 5 6 7

RS 251 RO 2021 576 FF 2020 1709 FF 2020 8087 FF 2020 8087 p. 8088 Message du 22 mai 2013 relatif à l'approbation de l'accord entre la Suisse et l'Union européenne concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence, FF 2013 3477.

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De mars 2016 à octobre 2017, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) a mené, en présence du secrétariat de la COMCO, des entretiens exploratoires avec le Ministère allemand de l'économie, en présence de l'Office fédéral des ententes. En novembre 2017, le chef du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a chargé le SECO de négocier un accord avec l'Allemagne. Le Conseil fédéral a été informé de ce projet en décembre 2017, lequel a ensuite été présenté à la Commission de politique extérieure du Conseil national et à celle du Conseil des États, en janvier 2018, conformément à l'art. 152, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement8.

Le Conseil fédéral a approuvé l'accord le 22 juin 2022. La Secrétaire d'État à l'économie Helene Budliger Artedia et, du côté de l'Allemagne, le Secrétaire d'État au ministère fédéral de l'économie et de la protection du climat Sven Giegold, ont signé l'accord le 1er novembre 2022, à Berlin.

2.2

Procédure de consultation

Les traités internationaux qui sont soumis au référendum en vertu de l'art. 140, al. 1, let. b, ou sujets au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution (Cst.)9 ou qui touchent des intérêts cantonaux importants doivent faire l'objet d'une procédure de consultation, conformément à l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)10. L'art. 3a, al. 1, let. b, LCo précise qu'il est possible de renoncer à une telle procédure lorsqu'aucune information nouvelle n'est à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues.

Dans le cas présent, les milieux intéressés ont eu l'occasion de s'exprimer sur le projet d'accord avant le début des négociations (en 2017) et avant qu'il ne soit paraphé (en 2021). Ils n'y ont pas exprimé d'objection. La Commission extraparlementaire de la politique économique, composée de représentants de l'économie, des syndicats, de la société civile et des milieux académiques, a été consultée par écrit sur le projet d'accord en novembre 2021 et a reçu des explications supplémentaires du SECO lors de sa séance de février 2022. La commission n'a pas soulevé d'objection. Enfin, les commissions parlementaires de politique extérieure ont été informées par le chef du DEFR du mandat de négociation en 2018 et de l'avancement des négociations en juin 2021.

Elles n'ont pas non plus soulevé d'objection. Les cantons, représentés par la Conférence des gouvernements cantonaux, ont renoncé à prendre position.

Compte tenu de ce qui précède, une consultation ne permettrait pas d'obtenir de nouveaux éléments. On a donc renoncé à en organiser une, conformément à l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo.

8 9 10

RS 171.10 RS 101 RS 172.061

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Présentation de l'accord

La teneur de l'accord correspond en grande partie à celle de l'accord Suisse-UE. Les quelques divergences entre les deux sont pour l'essentiel imputables à des différences entre le droit de la concurrence de l'UE et celui de l'Allemagne et aux définitions qui en découlent ou à des ajustements de nature rédactionnelle.

Le projet d'accord avec l'Allemagne vise à permettre de réagir efficacement à des pratiques anticoncurrentielles transfrontières. Tout comme l'accord avec l'UE, il n'exige pas d'harmonisation matérielle du droit. Les parties continueront d'appliquer leur législation nationale. L'accord est de nature purement procédurale et concerne l'entraide administrative entre les deux pays.

La coopération porte sur les enquêtes et les procédures visant les ententes, les abus de position dominante et les concentrations. Elle est mise en oeuvre par les autorités de concurrence des parties, à savoir pour la Suisse, la COMCO et son secrétariat, et pour l'Allemagne, l'Office fédéral des ententes.

L'accord précise les modalités des notifications entre autorités de concurrence, de la coordination des mesures d'application du droit de la concurrence, de la courtoisie passive (prévention des conflits dans la mise en oeuvre du droit de la concurrence) et de la courtoisie active (possibilité de demander à l'autorité de concurrence de l'autre partie de prendre des mesures dans un cas concret). S'agissant de ces domaines, le texte de l'accord s'inspire largement de la recommandation du 16 septembre 2014 du Conseil de l'OCDE concernant la coopération internationale dans le cadre des enquêtes et procédures portant sur des affaires de concurrence (recommandation de l'OCDE de 2014)11, ainsi que des dispositions convenues par la Suisse et l'UE dans le cadre de leur accord de coopération en matière de concurrence et dans celui de leurs accords respectifs avec le Japon12.

À l'instar de l'accord Suisse-UE, le présent accord va au-delà des instruments susmentionnés en permettant également d'échanger, à des conditions strictes, des informations confidentielles nécessaires à la conduite des enquêtes. De telles informations ne peuvent toutefois être échangées que si les affaires traitées par les autorités des deux parties sont identiques ou connexes et si les garanties de procédure en vigueur dans les deux pays sont
respectées. Cette étroite coopération des autorités de concurrence est permise par la très grande similitude des législations des deux parties en matière de concurrence. La partie contractante requise est néanmoins libre de décider si elle souhaite ou non répondre à une demande de l'autre partie. Les informations transmises ne peuvent être utilisées que par l'autorité compétente dans le cadre d'une procédure donnée relevant du droit de la concurrence.

En Allemagne, contrairement au droit des cartels de la Suisse (et à celui de l'UE), les infractions au droit des cartels font régulièrement l'objet de poursuites pénales. En outre, les procédures civiles relevant du droit des cartels sont plus fréquentes qu'en 11 12

La recommandation peut être consultée à l'adresse suivante: https://legalinstruments.oecd.org/fr.

Pour la Suisse, ces dispositions font partie de l'accord de mise en oeuvre accompagnant l'accord de libre-échange et de partenariat économique conclu avec le Japon le 19 février 2009 et entré en vigueur le 1er septembre 2009 (RS 0.946.294.632).

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Suisse. Toutefois, conformément à l'art. 42b, al. 2, let. d, LCart, les informations transmises ne peuvent pas être utilisées pour sanctionner des personnes physiques ou dans le cadre de procédures pénales ou civiles.

En tant qu'État membre de l'UE, l'Allemagne fait partie de l'ECN, dans le cadre duquel certaines informations sur des affaires de concurrence ayant une portée transfrontière sont partagées avec d'autres États membres et avec la Commission européenne.

Étant donné qu'il existe déjà un accord de coopération en matière de concurrence entre la Suisse et l'UE, l'accord Suisse-Allemagne inclut une disposition selon laquelle l'Allemagne peut, dans le cadre de l'ECN, divulguer à la Commission européenne des informations transmises conformément à l'accord, pour autant que les intérêts de l'UE, y compris ceux de ses États membres, soient touchés et que la COMCO en soit informée. En revanche, la transmission de telles informations à d'autres États membres de l'UE n'est autorisée qu'exceptionnellement, avec l'accord exprès de la COMCO.

Enfin, l'accord contient des dispositions relatives à la notification d'actes de puissance publique et d'autres courriers aux entreprises de l'autre partie. Le contenu de ces dispositions correspond largement à l'échange de notes entre la Suisse et l'UE, convenu en complément de l'accord de coopération en matière de concurrence13. En dérogation à ce qui figure dans l'échange de notes, l'accord prévoit à la demande de la Suisse que des communications qui ne sont pas formellement des actes de puissance publique (par ex. un courrier relatif à l'ouverture d'une procédure) puissent également être notifiés par l'intermédiaire de l'autre autorité de concurrence à des entreprises situées sur son territoire.

4

Commentaire des dispositions de l'accord

Préambule Le préambule de l'accord indique que la coopération en matière de traitement des activités anticoncurrentielles doit contribuer à l'amélioration et au développement des relations entre la Suisse et l'Allemagne et que l'application efficace du droit de la concurrence est essentielle à la prospérité économique des consommateurs des deux parties et à leurs échanges commerciaux. Le préambule précise ensuite que les systèmes juridiques d'application des règles de la concurrence de l'Allemagne et de la Suisse sont similaires. Cela signifie en pratique que les mêmes actes sont en principe susceptibles d'être illicites selon les deux législations. Les autorités des parties ont également à leur disposition des instruments d'enquête similaires, et les parties à la procédure ont des droits de défense comparables. Cette proximité des régimes juridiques des parties est un élément indispensable à une coopération étroite et effective entre les autorités de concurrence. Le préambule fait également référence à la recommandation de l'OCDE de 2014, qui constitue au plan international une norme importante pour ce qui est de la coopération en matière de concurrence.

13

Échange de notes du 17 mai 2013 entre le Conseil fédéral suisse et la Commission européenne concernant la notification d'actes de puissance publique relevant de la politique de la concurrence, RS 0.251.268.11.

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Art. 1

Objet et champ d'application

L'accord vise à contribuer à l'application efficace du droit de la concurrence de chaque partie par la coopération et la coordination, y compris l'échange d'informations, entre les deux autorités de concurrence et d'éviter les conflits entre les parties pour toutes les questions touchant à la mise en oeuvre de leurs droits de la concurrence, ou de réduire la possibilité que de tels conflits surviennent. La coopération des autorités administratives, des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux pénaux est en revanche explicitement exclue de l'accord.

Art. 2

Relations avec d'autres accords internationaux

Les parties réaffirment leurs droits et obligations découlant d'autres accords internationaux, en particulier, dans le cas de la Suisse, de l'accord Suisse-UE. De même, il est précisé que la coopération des parties visant à mettre en oeuvre des dispositions de droit pénal commun ou d'autres dispositions pénales est régie par la Convention européenne du 20 avril 1959 d'entraide judiciaire en matière pénale14 et par l'Accord du 13 novembre 1969 entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne en vue de compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de faciliter son application15.

Art. 3

Définitions

L'art. 3 contient les principales définitions aux fins de l'accord. Sont ainsi définies les autorités de concurrence des parties (ch. 1), à savoir, pour la Suisse, la COMCO, y compris son secrétariat, et pour l'Allemagne, l'Office fédéral des ententes. Le droit de la concurrence est également défini comme les règles respectives des parties s'appliquant aux accords illicites, aux abus de position dominante et aux concentrations, de même que les modifications s'y rapportant (ch. 2). Pour la Suisse, il s'agit de la LCart et de ses règlements d'application, en particulier l'ordonnance du 17 juin 1996 sur le contrôle des concentrations d'entreprises16 et l'ordonnance du 12 mars 2004 sur les sanctions LCart17. Pour l'Allemagne, il s'agit en particulier de la loi contre les restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen, GWB) dans sa version du 26 juillet 2013 (BGBl. I p. 1750, 3245), modifiée en dernier lieu par l'art. 2 de la loi du 19 juillet 2022 (BGBl. I p. 1214, 1225). La notion d'entreprise est définie pour les deux parties selon leur législation propre (ch. 3), au sens de l'art. 2, al. 1bis, LCart pour la Suisse, et au sens du § 1 GWB pour l'Allemagne. La définition des actes anticoncurrentiels (ch. 4) renvoie pour sa part aux droits de la concurrence des parties, de même que la définition des mesures d'application (ch. 6). Dans le cas de la Suisse, les mesures d'application incluent les enquêtes au sens de l'art. 27 LCart et les procédures d'examen des concentrations d'entreprises au sens de l'art. 33 LCart.

En ce qui concerne la notion d'enquête (ch. 5), la Suisse renvoie aux enquêtes et examens de la COMCO en vertu des art. 26 ss et 32 ss LCart, tandis que l'Allemagne renvoie à toute procédure administrative visant à appliquer le droit allemand ou 14 15 16 17

RS 0.351.1 RS 0.351.913.61 RS 251.4 RS 251.5

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européen de la concurrence et à toute procédure d'amende exécutée de manière autonome et non dans le cadre de l'entraide administrative en faveur d'autres autorités allemandes. L'accord définit en outre les informations obtenues au cours d'une enquête ou dans le cadre d'autres procédures (procédure de clémence, procédure de transaction) (ch. 7 à 9) et les actes de puissance publique (ch. 10).

Art. 4

Notifications

Les notifications, par l'autorité de concurrence d'une partie, de ses mesures d'application pouvant affecter des intérêts importants de l'autre partie sont un instrument classique de la coopération internationale en matière de concurrence, dont elles marquent souvent le point de départ. L'art. 4 s'inspire largement des dispositions de la recommandation de l'OCDE de 2014 et de l'accord Suisse-UE.

L'accord prévoit un moyen simple et rapide pour les notifications, puisqu'elles peuvent être transmises par voie électronique, plutôt que par voie postale (par. 1, in fine).

On entend ici par exemple la notification par courrier électronique, désormais courante, mais qui constitue pour l'Allemagne une dérogation à l'exigence de la forme écrite.

Le par. 2 prévoit une liste indicative des cas dans lesquels une notification doit être réalisée, les autorités de concurrence des parties étant libres d'effectuer d'autres notifications si elles estiment que leurs mesures d'application sont susceptibles d'affecter les intérêts de l'autre partie.

Les par. 3 et 4 précisent à quel moment une notification doit être faite. Du côté suisse, les notifications relatives aux concentrations sont faites lors de l'ouverture de la procédure en vertu de l'art. 33 LCart. Dans tous les autres cas, lors de l'ouverture de la procédure en vertu de l'art. 27 LCart, ce moment coïncide avec celui auquel les indications concernées doivent être publiées en vertu du droit suisse.

Pour ce qui est de son contenu, la notification doit être suffisamment détaillée pour permettre à l'autorité qui la reçoit d'en évaluer les effets à prévoir pour les intérêts de sa juridiction. Les informations à faire figurer dans la notification sont prévues au par. 5 (en particulier le nom des entreprises concernées par la mesure d'application, les actes examinés et les marchés auxquels ils se rapportent, les dispositions juridiques applicables et la date des mesures d'application ordonnées par les autorités).

Art. 5

Coordination des mesures d'application

Le par. 1 permet aux autorités de concurrence des parties de coordonner leurs mesures d'application lorsque celles-ci visent des questions liées. Cette formulation est large à dessein, de manière à permettre une coordination dès que les autorités de concurrence sont en présence de faits liés, à un stade précoce de la procédure (par ex. une perquisition). Sur cette base, la COMCO et l'Office fédéral des ententes peuvent, par exemple, coordonner les conditions et charges attachées à l'autorisation d'une concentration notifiée auprès des deux autorités. Les autorités peuvent aussi s'échanger des informations sur la délimitation des marchés ou l'avancement des procédures.

Elles peuvent également, comme le mentionne expressément le par. 1, coordonner le calendrier de leurs perquisitions. Cet aspect est particulièrement important, car si une 10 / 20

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autorité réalise une perquisition avant l'autre, l'effet de surprise est perdu pour cette dernière et la collecte de preuves est rendue plus difficile.

En pratique, la possibilité de coordonner des mesures d'application en cas de questions liées constitue à la fois un facteur d'efficacité pour les autorités de concurrence et un facteur de cohérence pour les entreprises visées par ces mesures. Ces deux aspects se retrouvent dans la liste indicative des éléments dont les autorités tiennent compte pour déterminer si des mesures d'application peuvent être coordonnées (par. 2). Le par. 3 exprime clairement que la coordination ne limite en rien le droit de chaque autorité de prendre une décision en toute indépendance. Ainsi, l'autorité de concurrence d'une partie peut en tout temps, sous réserve d'une notification appropriée non soumise à une exigence de forme, indiquer à l'autre autorité sa volonté de limiter la coordination et de poursuivre la mise en oeuvre de ses mesures d'application d'une manière indépendante.

Art. 6 et 7

Prévention des conflits (courtoisie passive) et courtoisie active

L'art. 6 consacre le principe de la courtoisie passive: la prise en compte par l'autorité de concurrence d'une partie des intérêts importants de l'autre partie lors de la mise en oeuvre de son droit de la concurrence. L'art. 7 énonce le principe de la courtoisie active, selon lequel l'autorité de concurrence d'une partie peut demander à celle de l'autre partie de prendre certaines mesures. Ces deux principes figurent parmi les fondements de la coopération internationale en matière de concurrence, et sont notamment consacrés dans les recommandations de l'OCDE. La formulation de ces dispositions est peu contraignante, les autorités de concurrence restant libres de décider des mesures d'application à prendre. La courtoisie active telle que prévue à l'art. 7 ne se traduit en particulier pas par l'obligation pour une autorité de concurrence de prendre des mesures d'application à la demande de l'autre autorité. Par ailleurs, une autorité de concurrence ne peut demander à l'autre d'user de ses pouvoirs d'enquête pour collecter des preuves à son bénéfice, par exemple d'effectuer une perquisition pour son compte.

Les art. 6 et 7 permettent aux autorités de concurrence d'être informées des développements déterminants pour les intérêts importants de leur juridiction et leur donnent la possibilité de faire valoir leur avis. Les «intérêts importants» d'une partie ne sont pas définis dans ce contexte et sont laissés à la libre appréciation des autorités de concurrence des deux parties. Ces dernières pourront se référer à la liste d'exemples de notification figurant à l'art. 4 de l'accord.

Les notifications relevant de la courtoisie passive prévues dans ce contexte par l'art. 6, par. 2, in fine, ne dispensent pas les autorités de concurrence de leurs obligations de notification lors de l'ouverture d'une procédure, conformément à l'art. 4, par. 3 et 4.

Art. 8

Échange, discussion et transmission d'informations

Par. 1: Les autorités de concurrence des parties peuvent partager leurs avis et échanger des informations aux conditions définies aux art. 8 à 10. Elles n'y sont pas obligées, il s'agit d'une simple possibilité. L'échange d'informations non confidentielles n'est pas limité dans le cadre de l'accord (par. 2). En revanche, conformément aux par. 3 et 4, les informations confidentielles ne peuvent être échangées que dans le 11 / 20

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cadre d'une procédure d'enquête au sens de l'art. 27 LCart. Par «informations confidentielles», on entend les informations personnelles ou d'autre nature qui sont protégées en Suisse par le secret de fonction ou le secret d'affaires, notamment les informations obtenues par les autorités de concurrence dans le cadre d'auditions ou de perquisitions (par ex. la correspondance entre membres d'un cartel ou des informations sur le chiffre d'affaires, les concurrents ou les parts de marché de certaines entreprises).

Dès que les procédures ont été closes par la COMCO, aucune information ne peut plus être échangée. L'art. 8 opère une distinction entre discussions (par. 2), échange d'informations avec le consentement de l'entreprise concernée (par. 3) et échange d'informations obtenues lors d'une procédure d'enquête sans le consentement de l'entreprise concernée (par. 4 à 8), ce dernier échange étant soumis à des conditions particulièrement strictes.

Dès l'instant où les autorités décident de coopérer, l'échange d'informations, qu'il s'agisse de partager des avis ou de transmettre des documents et d'autres informations, est réglé selon un système de cascade à l'art 8, par. 2 à 8, en relation avec les art. 9 et 10. Plus le niveau de confidentialité des informations est élevé et plus les conditions de leur transmission sont strictes, jusqu'à la possibilité de refuser la transmission.

Cette cascade correspond à celle de l'accord Suisse-UE et se présente de la manière suivante: ­

Les autorités de concurrence peuvent discuter de toute information non confidentielle obtenue dans le cadre ou en dehors d'une procédure (par. 2).

­

Elles peuvent se transmettre des documents ou des informations si les entreprises qui les ont fournis ont donné expressément leur consentement. Les informations qui contiennent des données personnelles ne peuvent être transmises que si les deux autorités enquêtent sur un acte ou une opération identique ou connexe et que les données personnelles sont protégées (par. 3).

­

En l'absence de consentement des entreprises concernées, les autorités ne peuvent transmettre des informations que sur demande formelle de l'autorité de l'autre partie. Les deux autorités doivent enquêter sur les mêmes faits dans le cadre d'une procédure formelle. La demande doit être effectuée par écrit et nommer la procédure exacte, l'état de fait instruit, les éventuelles dispositions légales violées et les entreprises concernées. L'autorité requise détermine librement les informations pertinentes dans sa procédure et remplissant les conditions de transmission (par. 4).

­

Les informations qu'une autorité obtient en vertu d'une procédure de clémence ou de transaction (procédure visant un accord amiable) ne doivent pas être transmises, sauf si l'entreprise concernée y consent expressément (par. 6).

­

Aucune information ne peut être échangée si son utilisation est interdite par les droits et privilèges procéduraux (par ex. lorsque le principe de non-auto-incrimination ou le secret professionnel de l'avocat n'ont pas été respectés) (par. 7).

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­

Quelle que soit l'information, l'autorité n'est pas obligée de la transmettre, en particulier si des intérêts importants s'y opposent ou si sa préparation ou sa transmission entraînerait une charge de travail disproportionnée (par. 5).

Par. 2: Les responsables de dossiers des autorités de concurrence doivent pouvoir discuter oralement de cas qui sont couverts par le secret de fonction. Il s'agit ici d'informations échangées oralement, alors qu'aux par. 3 et 4, l'échange consiste en une transmission de documents. Ce paragraphe permet des contacts informels entre les collaborateurs, y compris à un stade précoce de la procédure, avant l'ouverture formelle d'une enquête. De tels contacts peuvent en particulier intervenir suite à une notification au sens de l'art. 4, suite à une demande relevant de la courtoisie active au sens de l'art. 7, en vue d'une coordination de mesures au sens de l'art. 5 ou encore en vue d'un échange d'informations au sens de l'art. 8, par. 4 à 8. Les par. 5 et 6, les limites imposées par l'art. 9 à l'utilisation des informations et les obligations de confidentialité prévues à l'art. 10 s'appliquent également à ces contacts informels.

Par. 3: Le par. 3 précise les modalités de l'échange d'informations basé sur le consentement donné expressément et par écrit par l'entreprise qui a fourni les informations concernées (waiver). Il vise la situation dans laquelle une entreprise, par exemple lorsqu'elle notifie une fusion ou fournit d'autres informations à l'autorité de concurrence, renonce à la confidentialité et habilite l'autorité à échanger des informations avec une ou plusieurs autorités étrangères. La précision selon laquelle les données à caractère personnel ne peuvent être transmises que si les autorités de concurrence enquêtent sur un acte ou une opération identique ou connexe, reflète les exigences de proportionnalité et d'opportunité de la transmission des informations formulées dans la législation relative à la protection des données (art. 4, al. 2 et 3, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données [LPD]18). Un tel échange d'informations doit en outre être conforme à la LPD, ainsi que l'exprime le renvoi à l'art. 10, par. 3, de l'accord. Un cas dans lequel les marchés de la Suisse et de l'Allemagne affectés par un cartel ne sont pas exactement identiques constitue un exemple d'acte connexe.

Il en va de même pour une situation où les entreprises qui participent au cartel en cause ne sont pas exactement les mêmes en Suisse et en Allemagne.

Par. 4: Si l'entreprise ayant fourni les
informations ne renonce pas à la confidentialité, le par. 4 fixe les conditions auxquelles les informations obtenues au cours de la procédure d'enquête peuvent être transmises par l'autorité de concurrence d'une partie à celle de l'autre partie à des fins d'utilisation comme éléments de preuve. Les exigences visent notamment à exclure le risque de pêche aux renseignements. Par ailleurs, seules les informations que l'autorité a déjà en sa possession peuvent faire l'objet d'un tel échange, ce qui exclut la collecte d'informations auprès d'entreprises au nom de l'autorité de l'autre partie. Selon le ch. 1, une demande formelle, écrite, est ensuite nécessaire à l'échange d'informations, qui doit contenir certaines indications minimales. L'identité de toutes les entreprises faisant l'objet de l'enquête ou de la procédure n'étant pas toujours connue au moment de la demande, il suffit que l'autorité requérante identifie les entreprises sur lesquelles portent l'enquête ou la procédure au moment de la demande. Le ch. 2 précise que les informations ne peuvent être transmises que si elles concernent des actes (par ex. une entente illicite ou un abus de 18

RS 235.1

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position dominante) ou des opérations (par ex. une concentration) sur lesquels les autorités de concurrence des deux pays enquêtent. Le ch. 3 permet de limiter en pratique l'échange aux informations nécessaires pour l'autorité requérante. Cette restriction contribue à éviter que la coopération ne représente une charge trop lourde pour les autorités de concurrence.

Par. 5: Même si toutes les conditions sont remplies, l'autorité de concurrence d'une partie demeure libre dans son choix de discuter ou de transmettre des informations obtenues au cours de la procédure d'enquête. À cet égard, la COMCO doit en particulier tenir compte de l'art. 42b, al. 2 et 3, LCart. Le contenu de ces dispositions correspond aux ch. 1 à 3 du par. 4 commenté ci-dessus (pour ce qui est de l'art. 42b, al. 2, let. b, LCart), ainsi qu'aux par. 6 (pour ce qui est de l'art. 42b, al. 2, let. f, LCart) et 7 (pour ce qui est de l'art. 42b, al. 2, let. e, et 3, LCart) et à l'art. 9 (pour ce qui est de l'art. 42b, al. 2, let. a à d, LCart) commentés ci-après. La COMCO peut notamment refuser de coopérer si elle n'a pas les ressources nécessaires pour mener à bien l'échange d'informations.

Par. 6: L'échange d'informations ne doit pas mettre en péril l'efficacité des procédures de clémence, dans lesquelles les entreprises sont récompensées pour leur coopération. Si les informations fournies dans le cadre de ces procédures pouvaient être librement discutées ou transmises par l'autorité de concurrence d'une partie, l'entreprise les ayant fournies pourrait se trouver dans une situation défavorable dans l'autre juridiction, en particulier si elle n'y a pas déposé une demande de clémence. Les autorités de concurrence de la Suisse et de l'Allemagne accordent toutes deux une très grande importance à la protection attachée à la procédure de clémence. Toute information obtenue dans ce cadre qui serait transmise sans l'accord des personnes concernées mettrait en péril l'institution de la procédure de clémence elle-même et entamerait la confiance des entreprises qui ont choisi de s'y soumettre en un traitement diligent et confidentiel des informations par les autorités. Cette procédure ne pourrait plus donner les résultats qu'elle a permis d'obtenir par le passé du fait même de cette confiance. La situation est similaire pour la procédure de
transaction, qui suppose également une relation de coopération entre l'autorité de concurrence et l'entreprise ayant enfreint les règles de concurrence.

Par. 7: Le par. 7 matérialise le principe de «double barrière», en vertu duquel une autorité ne peut transmettre que les informations qu'elle serait elle-même fondée à utiliser dans ses procédures. Elle doit également appliquer les droits et protections prévus par son ordre juridique lorsqu'elle utilise les informations reçues de l'autre autorité. Ainsi la COMCO ne pourrait-elle pas transmettre à l'Office fédéral des ententes la correspondance entre un avocat et son client, et l'Allemagne ne serait-elle pas en droit d'en faire usage, parce qu'une telle correspondance est protégée, tant en droit suisse qu'en droit allemand. Lorsque l'ordre juridique de l'autorité transmettant les informations et celui de l'autorité qui les reçoit prévoient des garanties similaires, comme c'est le cas de la Suisse et de l'Allemagne, les risques liés à l'échange d'informations pour les droits des parties sont moindres. La transmission à l'Allemagne par la COMCO d'informations déjà en sa possession, ou inversement, ne constitue pas une décision et n'est donc pas sujette à recours. Toutefois, comme le prévoit l'art. 42b, al. 3, LCart, les entreprises concernées sont préalablement avisées des informations que la COMCO entend transmettre à l'Office fédéral des ententes et 14 / 20

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invitées à donner leur avis. Les personnes concernées peuvent ainsi recourir contre une décision finale ou incidente de la COMCO et faire valoir une violation de leurs droits lors de la collecte des informations.

Par. 8: Le par. 8 met en oeuvre le principe général selon lequel celui qui traite des données personnelles doit s'assurer qu'elles sont exactes, en habilitant les tiers concernés à demander la rectification des données inexactes.

Art. 9

Utilisation des informations

S'agissant de l'usage des informations dont l'autorité de concurrence d'une partie discute avec celle de l'autre partie ou qu'elle lui transmet, l'art. 9, par. 1, consacre le principe de l'affectation à un usage déterminé, selon lequel seule l'autorité qui reçoit les informations peut les utiliser, et uniquement pour l'application de son propre droit de la concurrence. Les informations reçues ne seront donc pas transmises à d'autres autorités, par exemple pénales ou fiscales.

De surcroît, selon le par. 2, l'autorité de concurrence destinataire ne pourra utiliser des informations obtenues au cours de la procédure d'enquête que dans une procédure visant un acte ou une opération identique ou connexe.

Conformément au par. 3, les informations transmises sans le consentement de l'entreprise concernée ne peuvent être utilisées que dans le but défini dans la demande.

L'autorité destinataire ne pourra donc pas faire usage de ces informations dans une autre procédure visant la même entreprise.

Par ailleurs, selon le par. 4, les informations échangées sur la base de l'accord ne peuvent pas être utilisées pour infliger des sanctions à des personnes physiques ou divulguées à des fins de procédure pénale ou civile. Cette disposition répond aux exigences de l'art. 42b, al. 3, let. d, LCart.

Le par. 5 permet d'imposer à l'autorité requérante des conditions supplémentaires à l'utilisation des informations.

Art. 10

Protection et confidentialité des informations

Par. 1: Les autorités de concurrence des parties doivent assurer la confidentialité des demandes d'informations envoyées et reçues et des informations obtenues dans le cadre de l'accord conformément à leur propre législation. Dans leurs activités, la COMCO et l'Office fédéral des ententes sont tous deux soumis au secret de fonction.

Les cas dans lesquels les informations peuvent être divulguées sont définis précisément aux ch. 1 à 4. Les décisions visées au ch. 1 doivent concerner le même cas que celui pour lequel les informations ont été requises auprès de la COMCO. Le ch. 2 porte quant à lui sur le droit de consultation des pièces dont bénéficient les parties à une procédure de droit de la concurrence. Le ch. 3 précise que la divulgation auprès des tribunaux lors de procédures de recours constitue également une exception à l'obligation du maintien de la confidentialité, même si tant en Suisse qu'en Allemagne, ces tribunaux sont soumis à une obligation de garder le secret similaire à celle qui s'applique aux autorités de concurrence. En Suisse, cette disposition vise les procédures de recours contre les décisions de la COMCO au Tribunal administratif 15 / 20

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fédéral et au Tribunal fédéral. Enfin, selon le ch. 4, la divulgation est également possible dans la mesure où elle est indispensable à l'exercice du droit d'accès aux documents officiels en vertu du droit d'une partie. En droit suisse, il s'agit des cas visés par la loi du 17 décembre 2004 sur la transparence (LTrans)19. L'accès aux documents est soumis aux exceptions prévues aux art. 7 ss LTrans.

En outre, comme le prévoit l'art. 25, al. 2 et 3, LCart, la COMCO peut, avec l'accord de l'Office fédéral des ententes, communiquer au Surveillant des prix des informations nécessaires à l'accomplissement de sa tâche.

Dans tous les cas où une divulgation au sens du par. 1 est prévue, les secrets d'affaires doivent être protégés par l'autorité destinataire des informations. Les secrets d'affaires sont définis selon le droit interne des parties. L'accord ne précise pas à quel moment les secrets d'affaires doivent être identifiés. Ainsi, lorsqu'elle transmet des informations, l'autorité requise peut indiquer d'emblée les secrets d'affaires qu'elles contiennent ou transmettre les documents avec la mention indiquant qu'ils peuvent contenir des secrets d'affaires, après quoi il revient à l'autorité qui les reçoit de les identifier en accord avec l'entreprise concernée. En Suisse, les secrets d'affaires sont identifiés conjointement par la COMCO et l'entreprise concernée, et signalés comme tels dès la transmission des informations.

Par. 2: Les parties mènent rapidement des consultations lorsque des informations ont été utilisées ou divulguées d'une manière contraire aux dispositions de l'art. 9. Ce procédé permet aux parties de réduire tout préjudice et de veiller à ce qu'une telle situation ne se reproduise pas.

Par. 3: Les législations relatives à la protection des données de la Suisse, de l'Allemagne, mais aussi de l'UE contiennent des exigences à respecter lors de la transmission de données personnelles à une autorité étrangère. L'accord précise que les parties garantissent la protection des données à caractère personnel conformément à leur législation respective. L'accord constitue une base juridique, au sens de l'art. 17 LPD, pour le traitement de données personnelles. Il définit le but du traitement, décrit les informations pouvant être transmises ainsi que les personnes concernées (art. 8­9). La
réception et la transmission de données personnelles constituent un traitement au sens de la LPD. S'agissant de la réception d'informations et conformément à l'art. 18a, al. 3, LPD, lorsque les données ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, mais auprès d'un tiers (tel que l'Office fédéral des ententes), la personne concernée doit être informée au plus tard lors de leur enregistrement ou, en l'absence d'un enregistrement, lors de la première communication à un tiers. En application des art. 18b, al. 1, et 9, al. 2, LPD, un organe fédéral peut cependant refuser, restreindre ou différer l'information, dans la mesure où cette communication risque de compromettre une instruction pénale ou une autre procédure d'instruction. La COMCO peut donc refuser, restreindre ou différer l'information de la personne concernée si cette communication est susceptible de mettre en péril son enquête. Pour ce qui est de la transmission des informations et conformément à l'art. 6 LPD, les données personnelles ne peuvent être communiquées à une autorité étrangère si la personnalité des personnes concernées devait s'en trouver gravement menacée, notamment du fait de l'absence d'une

19

RS 152.3

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législation assurant un niveau de protection adéquat. Le règlement (UE) 2018/1725 20 offre une protection adéquate s'agissant des personnes physiques. Pour ce qui est des personnes morales, auxquelles ledit règlement ne s'applique pas, à la différence de la LPD en vigueur, les principes généraux de la protection des données offerte par la LPD, en particulier ceux de licéité, de proportionnalité, de relation au but, d'exactitude et de sécurité des données ainsi que le droit d'accès, s'appliquent dans le cadre des procédures menées par l'Office fédéral des ententes. L'accord respecte donc les exigences prévues par la LPD. La LPD révisée, qui entrera en vigueur le 1er septembre 202321, ne s'appliquera plus aux personnes morales. En revanche, les dispositions révisées de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)22, en l'occurrence les art. 57r et 57s, doivent être prises en compte dans le traitement et la communication de données de personnes morales par des organes fédéraux23. Par conséquent, une base légale explicite reste nécessaire pour la communication de telles données. Pour ce qui est des données sensibles, c'est-à-dire des données relatives aux poursuites et sanctions administratives et pénales ou aux secrets professionnels, d'affaires et de fabrication, la communication doit être prévue par une loi au sens formel. Cette condition est remplie en l'espèce, car l'accord règle explicitement la communication de données sensibles des entreprises concernées.

Art. 11

Notification

Le par. 1 règle la notification d'actes de puissance publique, c'est-à-dire de décisions au sens de l'art. 3, ch. 10, de l'accord, à des entreprises ou à des personnes physiques sur le territoire de l'autre partie. Ces actes peuvent être notifiés par l'intermédiaire de l'autorité de concurrence de l'autre partie.

Le par. 2 règle la notification de documents ne constituant pas des actes de puissance publique, comme une lettre relative à l'ouverture d'une enquête ou une demande de renseignements non contraignantes. Un tel document peut être notifié par l'intermédiaire de l'autorité de concurrence de l'autre partie ou être transmis directement à l'entreprise ou à la personne physique sur le territoire de l'autre partie. En cas de transmission directe, l'autorité de concurrence qui transmet l'information en informe l'autorité de concurrence de l'autre partie.

Art. 12

Information de la Commission européenne

Les autorités de concurrence des États membres de l'UE ont, en vertu du droit de la concurrence de l'UE et de l'accord sur l'Espace économique européen, certaines obligations d'information vis-à-vis de la Commission européenne. Puisqu'il existe déjà un accord de coopération en matière de concurrence entre la Suisse et l'UE, le par. 2 contient une disposition selon laquelle l'Allemagne peut, dans le cadre de l'ECN et 20

21 22 23

Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l'Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE, JO L 295 du 21.11.2018, p. 39.

RO 2022 491 RS 172.010 RO 2022 491 p. 44 et 45

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afin de remplir ses obligations, divulguer à la Commission européenne les informations transmises conformément à l'accord. Cette divulgation n'est admise que si les intérêts de l'UE, y compris ceux de ses États membres, sont affectés (par. 1) et si la COMCO en est informée (par. 2). Les informations communiquées ne peuvent être utilisées à d'autres fins que l'application du droit de la concurrence de l'UE par la Commission européenne (par. 4). En revanche, la transmission de telles informations à d'autres États membres de l'UE, directement ou par l'intermédiaire de la Commission européenne, n'est autorisée qu'exceptionnellement avec le consentement exprès de la COMCO (par. 3 et 4).

Art. 13

Consultations

L'accord prévoit des consultations entre les parties. Ces consultations ont lieu à la demande de l'une ou l'autre partie. L'accord ne crée pas de comité mixte ou d'institution permanente. Les parties peuvent notamment envisager de réexaminer le fonctionnement de l'accord et la possibilité d'un approfondissement de leur coopération dans le cadre de leurs droits de la concurrence. Elles s'informent dès que possible de toute modification de leur droit de la concurrence et d'autres législations et réglementations, ainsi que de tout changement apporté dans l'application de ce droit par leurs autorités de concurrence susceptibles d'influer sur le fonctionnement de l'accord (par. 2).

Art. 14

Communications

Sauf si les parties ou leurs autorités de concurrence en conviennent autrement, les notifications, demandes de transmission d'informations et autres communications entre les parties en vertu de l'accord se font en allemand. Les points de contact des parties sont désignés après l'entrée en vigueur de l'accord.

Art. 15

Droit en vigueur

L'accord n'a pas pour objet d'opérer une harmonisation matérielle du droit de la concurrence des parties. Ces dernières conservent ainsi toute leur autonomie aussi bien dans la formulation que dans l'application de leur droit de la concurrence.

Art. 16

Entrée en vigueur, modification et dénonciation

L'accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière notification d'approbation. Les parties peuvent le modifier par écrit et chaque partie peut le dénoncer à tout moment dans un délai de six mois. Les restrictions énoncées aux art. 8 à 10 concernant l'utilisation des informations transmises dans le cadre de l'accord continuent de s'appliquer après la dénonciation, de sorte que les informations déjà transmises restent protégées.

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5

Conséquences

5.1

Conséquences financières et conséquences sur l'état du personnel de la Confédération, des cantons et des communes

L'accord n'a pas de conséquences sur les finances de la Confédération, des cantons et des communes. Les charges supplémentaires engendrées par les activités de coopération sont gérées dans le cadre des ressources en personnel existantes.

5.2

Conséquences économiques

L'accord doit contribuer à une mise en oeuvre effective de la législation des deux pays en matière de concurrence, notamment en ce qui concerne les pratiques transfrontières.

Les effets indésirables d'ententes ou d'actes anticoncurrentiels d'entreprises dominantes ou relativement puissantes sur le marché affectent en premier lieu les concurrents et les partenaires commerciaux sur le marché concerné (par ex. les consommateurs, l'État ou les fournisseurs). De telles pratiques peuvent empêcher ces derniers d'accéder à la concurrence ou de l'exercer, ou les désavantager (par ex. par des prix ou des conditions commerciales inéquitables). Ces entraves au bon fonctionnement de la concurrence se traduisent par des pertes de prospérité à la fois pour l'ensemble de l'économie et pour les demandeurs, mais aussi pour l'État (et donc, en fin de compte, pour les contribuables) lorsque ce dernier agit dans le cadre des marchés publics. Les rentes de type monopolistique et les rentes cartellaires, résultant par exemple d'une entente sur les prix, favorisent en outre la persistance de structures d'entreprises inefficaces et augmentent encore le coût économique.

En contribuant à rendre les procédures plus efficaces et plus cohérentes dans les deux pays, l'accord devrait contribuer à une meilleure protection de la concurrence et éviter ainsi ces effets indésirables. Les économies et les forces d'innovation des deux pays en seront renforcées, de même que leurs échanges commerciaux.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération (art. 54, al. 1, Cst.). Aux termes de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (voir art. 24, al. 2, de la loi sur le Parlement et 7a, al. 1, LOGA). La LCart ne prévoit pas une telle compétence du Conseil fédéral et l'accord ne constitue pas non plus un traité de portée mineure au sens de l'art. 7a, al. 2, LOGA. C'est pourquoi l'accord requiert l'approbation de l'Assemblée fédérale.

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En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale, ou qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales.

Le présent accord est d'une durée indéterminée, mais il peut être dénoncé en tout temps moyennant un préavis de six mois. Il n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. En revanche, l'accord contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, notamment en ce qui concerne l'échange et l'utilisation d'informations confidentielles dans le domaine du droit de la concurrence. C'est pourquoi l'arrêté d'approbation est sujet au référendum, comme le prévoit l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

L'accord est compatible avec les obligations internationales de la Suisse. Le présent accord et la coopération formelle entre les autorités de concurrence qu'il prévoit n'ont en particulier aucune incidence sur l'accord de coopération en matière de concurrence entre la Suisse et l'UE, sur l'accord du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne (accord de libre-échange)24 ou sur l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien25.

6.3

Protection des données

L'accord est compatible avec la législation sur la protection des données (voir ch. 4).

24 25

RS 0.632.401 RS 0.748.127.192.68

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