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23.027 Message concernant la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) (Placement de fonds du domaine du libre passage de l'institution supplétive) du 1er février 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

1er février 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2023-0318

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Condensé La modification proposée de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) a pour but de permettre à l'institution supplétive LPP de placer sans intérêt et gratuitement auprès de la trésorerie centrale de la Confédération (Trésorerie fédérale) de l'Administration fédérale des finances (AFF), pendant quatre années supplémentaires, des fonds de prévoyance provenant du domaine du libre passage jusqu'à un montant maximal de 10 milliards de francs.

La validité de l'art. 60b LPP doit être prolongée en conséquence.

Contexte L'institution supplétive LPP est une fondation soutenue par les partenaires sociaux et dotée d'un mandat légal dans le domaine de la prévoyance professionnelle. Elle a notamment la tâche d'accepter les avoirs de libre passage qui lui sont versés.

Ces avoirs proviennent de personnes qui quittent un emploi et ne nouent pas tout de suite de nouveaux rapports de travail, par exemple dans une situation de licenciement.

Dans ce cas, la prestation de libre passage ne peut en principe pas rester dans l'institution de prévoyance de l'ancien employeur. La personne doit indiquer à l'institution de prévoyance à quelle institution de libre passage sa prestation de libre passage doit être transférée. En l'absence d'une telle information, l'institution de prévoyance de l'ancien employeur verse les fonds à l'institution supplétive au bout de six mois.

Contrairement aux institutions de libre passage, cette dernière ne peut pas refuser des fonds qui lui sont versés. Elle ne peut pas non plus grever les avoirs de libre passage d'intérêts négatifs.

L'institution supplétive doit par conséquent garantir la valeur nominale des dépôts.

Elle est également soumise à une obligation de contracter. Si le taux d'intérêt sur les marchés financiers est bas, elle doit prendre des risques lors du placement des fonds qui lui sont versés. Des taux d'intérêt négatifs ou bas représentent à ce titre un problème pour l'institution supplétive, car la prise de risques nécessite une réserve de fluctuation qui peut ne pas être disponible à tout moment ou en quantité suffisante. Si elle se retrouve en situation de découvert dans le domaine du libre passage, elle ne peut pas être assainie.

Contenu du projet En septembre 2020, l'institution supplétive a obtenu le doit
de placer sans intérêt et gratuitement auprès de la Trésorerie fédérale les fonds provenant du domaine du libre passage. Elle ne peut effectuer de nouveaux placements ou remplacer des placements existants auprès de la Trésorerie fédérale que si son taux de couverture dans le domaine du libre passage reste inférieur à 105 %. En outre, le volume de placement maximal est limité à 10 milliards de francs. Ce droit est limité dans le temps et expire en septembre 2023. Il doit être prolongé de quatre années supplémentaires, un délai qui permettra d'examiner si une solution est toujours nécessaire et, dans ce cas, quelle est la solution appropriée.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs

1.1.1

Libre passage

Un salarié qui reçoit d'un même employeur un salaire supérieur à 21 510 francs par an est assuré obligatoirement par l'institution de prévoyance de son employeur pour la prévoyance professionnelle. Si ses rapports de travail prennent fin sans qu'un cas de prévoyance (âge, décès ou invalidité) soit survenu, l'assuré quitte en principe cette institution de prévoyance en emportant une prestation dite de libre passage; la possibilité de rester auprès de son ancienne institution de prévoyance est seulement autorisée dans le cadre de l'art. 47 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)1 et, depuis le 1er janvier 2021, dans le cadre de l'art. 47a LPP. Normalement, l'institution de prévoyance transfère cette prestation de libre passage à l'institution de prévoyance du nouvel employeur.

L'assuré qui ne noue pas de nouveaux rapports de travail et qui n'entre donc pas dans l'institution de prévoyance d'un nouvel employeur doit déposer sa prestation sur un compte de libre passage auprès d'une fondation de libre passage ou sur une police de libre passage auprès d'une compagnie d'assurance. De nombreuses fondations de libre passage ont été créées par des banques et y restent rattachées. L'assuré indique à l'institution de prévoyance de son ancien employeur l'institution de libre passage qu'il a choisie pour le versement de sa prestation de libre passage.

Pour une personne qui se retrouve au chômage, la solution de choix consiste à transférer la prestation sur un compte de libre passage. La prestation reste alors sur ce compte jusqu'à ce que la personne retrouve un emploi et que la prestation puisse être transférée dans la nouvelle institution de prévoyance. Étant donné que la durée du chômage n'est pas connue, la plupart des personnes sans emploi renoncent à placer leur prestation de libre passage dans un compte d'épargne-titres qui demande un horizon de placement assez long et comporte des risques que l'assuré ne peut souvent pas assumer.

Si l'assuré n'indique pas à son ancienne institution de prévoyance où transférer la prestation de libre passage, celle-ci est légalement tenue de la verser à l'institution supplétive LPP au plus tôt après six mois et au plus tard après deux ans.

1

RS 831.40

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1.1.2

Institution supplétive LPP

L'institution supplétive LPP est une fondation soutenue par les partenaires sociaux qui trouve sa base dans la LPP. Elle assume une multitude de tâches, mais il lui incombe en particulier de gérer des comptes de libre passage. Elle est tenue d'accepter tous les avoirs de libre passage qui lui sont versés. Contrairement aux institutions de libre passage, elle n'a pas la possibilité de refuser des fonds.

Concrètement, à fin 2021, l'institution supplétive comptait 1,34 million de clients dans le domaine du libre passage, ce qui représente environ 55 % de tous les comptes de libre passage (y compris les polices). La plupart des avoirs sur les comptes de libre passage de l'institution supplétive sont cependant plutôt modestes. Fin 2021, la somme des avoirs de libre passage sous gestion s'élevait à environ 15,6 milliards de francs. À titre de comparaison, il ressort des statistiques bancaires qu'à fin 2021, les comptes de libre passage gérés par les banques (sous forme d'épargne pure) représentaient une somme d'environ 35,3 milliards de francs.

Avoirs de libre passage auprès des banques, des assurances et de l'institution supplétive 2015­2021 2015

2019

2020

2021

Variation 19/20

Variation 20/21

52 360

55 661

57 061

56 911

+2,5 %

­0,3 %

Comptes de libre passage auprès des banques ­ Somme en millions de francs ­ Nombre

36 272 741 067

36 443 869 031

36 430 848 160

35 321 836 118

0,0 % ­2,4 %

­3,0 % ­1,4 %

Polices de libre passage auprès des assurances ­ Somme en millions de francs ­ Nombre

7 724 377 241

6 522 294 105

6 312 285 168

6 023 275 725

­3,2 % ­3,0 %

­4,6 % ­3,3 %

8 364 12 697 14 319 15 567 +12,8 % 957 810 1 194 107 1 272 578 1 344 676 +6,6 %

+8,7 % +5,7 %

Total en millions de francs

Comptes de libre passage auprès de l'institution supplétive ­ Nombre

Sources: Statistique des assurances sociales suisses 2021 / Indications de l'institution supplétive pour 2021 et 2022 / Statistiques bancaires BNS / Indications de la FINMA

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1.1.3

Conséquences de l'évolution des taux d'intérêt sur les institutions de libre passage et sur l'institution supplétive

1.1.3.1

Les taux d'intérêt négatifs et leurs conséquences

Depuis l'introduction des taux d'intérêt négatifs par la Banque nationale suisse (BNS) en janvier 2015, il est moins attrayant pour les intermédiaires financiers d'accepter des fonds de libre passage. Selon le droit en vigueur, la valeur nominale des comptes de libre passage est garantie. Lorsque le taux d'intérêt d'un placement sans risque est négatif, l'organisme payeur est donc tenu de prendre en charge la différence entre la valeur nominale et la valeur calculée sur la base du taux d'intérêt négatif.

S'agissant des taux d'intérêt à court terme, le SARON à trois mois était de -0,706 % à fin avril 20222. Cela signifie que les banques avaient, dans un contexte de taux d'intérêt négatifs, des possibilités de refinancement bien plus avantageuses sur le marché monétaire en comparaison de celles offertes par l'épargne, les avoirs de libre passage ou les fonds du pilier 3a.

La baisse d'attrait du domaine du libre passage de janvier 2015 à la fin du premier semestre 2022 s'est traduite par une stagnation de la somme des avoirs de libre passage auprès des banques, tandis que le montant des fonds correspondants de l'institution supplétive augmentait fortement. Le montant net3 des avoirs de libre passage reçus par l'institution supplétive s'élevait à 1,62 milliard de francs en 2020 et à 1,25 milliard en 2021. Les afflux étaient également importants les années précédentes.

Entre 2015 et 2021, la somme des avoirs de libre passage gérés par l'institution supplétive est passée de 8,4 à 15,6 milliards de francs environ, tandis que celle des avoirs des fondations de libre passage gérées par les banques a légèrement baissé. En raison des taux d'intérêt négatifs, les avoirs de libre passage sont devenus moins intéressants pour les intermédiaires financiers. Les institutions de libre passage ont la possibilité de refuser ces fonds ou de ne les accepter que sous la forme d'épargne-titres. Cette solution est intéressante pour le prestataire, parce qu'il peut prélever des charges et que le client supporte lui-même le risque de placement. La croissance dans le domaine des comptes de libre passage (sous forme d'épargne pure) concerne donc presque exclusivement l'institution supplétive. Les polices de libre passage gérées par les assurances représentent certes un montant moins élevé, mais tendent à diminuer encore plus fortement. Dans ce domaine aussi, les conséquences à long terme de la politique de taux d'intérêt négatifs se manifestent.

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Taux d'intérêt, rendements et marché des changes (snb.ch). SARON = Swiss Average Rate Overnight.

Afflux après déduction des sorties.

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1.1.3.2

Situation de l'institution supplétive au début de la crise du COVID-19

Après l'effondrement des marchés financiers en mars 2020, le taux de couverture de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage a chuté à 101,6 %. À la crainte d'une situation de découvert s'ajoutait celle d'un afflux supplémentaire d'avoirs de libre passage lié à une augmentation du chômage, ce qui aurait fait baisser encore davantage le taux de couverture.

Contrairement aux banques, l'institution supplétive n'a pas la possibilité de se tourner vers des formes plus rentables de placement comme l'épargne-titres ni de transférer le risque de placement à ses assurés. Elle a l'obligation légale d'accepter les avoirs de libre passage et de proposer des comptes de libre passage sous forme d'épargne pure.

Elle ne peut pas imputer d'intérêts négatifs aux assurés sur ces comptes et doit en garantir la valeur nominale. Tant que la BNS maintenait sa politique de taux d'intérêt négatifs, l'institution supplétive ne pouvait pas placer les avoirs à court terme sans risque ou, du moins, à faible risque. Elle était obligée de courir certains risques.

L'institution supplétive ne peut prendre aucune mesure d'assainissement dans le domaine du libre passage. Les assurés peuvent la quitter à tout moment, il n'y a pas d'affiliation obligatoire et il n'est pas possible de prélever des cotisations d'assainissement. Comme dans le cas d'une banque, une situation de découvert est source d'insécurité, ce qui peut déclencher une course aux guichets des assurés souhaitant récupérer leurs avoirs. En cas de découvert, chaque sortie érode davantage le taux de couverture de l'institution supplétive, qui ne peut pas opérer de réduction sur les avoirs des assurés sortants. Le fonds de garantie LPP ne répond pas des avoirs de libre passage. L'institution supplétive peut néanmoins réaliser des revenus dans un contexte de taux d'intérêts positifs. C'est pourquoi un découvert modeste, qui peut être supportable en cas d'intérêts positifs, ne l'est plus en cas d'intérêts négatifs.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) et celle du Conseil des États (CSSS-E) ont écrit au Conseil fédéral, respectivement le 29 avril et le 1er mai 2020, pour lui recommander d'examiner la possibilité d'ouvrir en faveur de l'institution supplétive un compte sans intérêt auprès de la BNS ou de
l'Administration fédérale des finances (AFF). Dans sa réponse orale, le Conseil fédéral a accepté d'examiner cette proposition. À l'automne 2020, le Parlement a adopté l'art. 60b LPP dans le cadre d'une procédure législative urgente. Cette disposition permet à l'institution supplétive de placer un montant maximal de 10 milliards de francs auprès de la Trésorerie fédérale, à condition que son taux de couverture soit inférieur à 105 %.

L'art. 60b LPP est entré en vigueur le 26 septembre 2020, et limité au 25 septembre 2023. L'institution supplétive n'a pas eu besoin de faire appel à cette disposition sur une longue période, car son taux de couverture s'est rétabli à 108 % fin décembre 2021 à la suite de la stabilisation générale des marchés financiers.

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1.1.3.3

Évolution de l'inflation et des taux d'intérêt depuis 2021

L'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt s'est inversée depuis 2021. Après de longues années d'une inflation faible et parfois même négative, le renchérissement a nettement progressé, même si la Suisse présente actuellement des chiffres plus bas que d'autres espaces économiques, comme les États-Unis ou l'UE. L'inflation augmente en Suisse depuis février 2022. En novembre 2022, le renchérissement par rapport à novembre 2021 s'élevait à 3,0 % selon l'indice suisse des prix à la consommation. Cela a conduit la BNS à relever son taux directeur d'abord d'un demi-point à 0,25 % le 16 juin 2022, puis de 0,75 point supplémentaire le 22 septembre, portant le taux à 0,5 %. En raison de la dynamique inflationniste persistante, de nouvelles hausses du taux de la BNS ne sont pas exclues. Fin octobre 2022, le taux d'intérêt des obligations de la Confédération à sept ans se situait à 0,97 %, donc en territoire nettement positif. Il était encore de -0,63 % fin 2020 et de -0,27 % fin 2021. Les taux swap (avec lesquels les banques également se refinancent) sont nettement plus élevés que les obligations de la Confédération à faible risque. Fin octobre 2022, le taux swap à trois ans était, par exemple, d'environ 1,53 %. Les comptes de libre passage offrant une rémunération nulle ou faible sont ainsi de nouveau une source de refinancement intéressante pour les banques, notamment parce que les avoirs correspondants restent souvent relativement longtemps sur ces comptes.

1.1.3.4

Situation actuelle de l'institution supplétive

Dans le même temps, la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt, couplée à une politique monétaire plus restrictive des banques centrales et aux tensions géopolitiques, augmente également la probabilité de fluctuations plus importantes et de revers sur les marchés financiers. La pandémie de COVID-19 peut, elle aussi, apporter à tout moment son lot de mauvaises surprises. En cas de ralentissement conjoncturel, scénario qui n'est pas exclu actuellement, l'institution supplétive pourrait de nouveau recevoir un afflux plus important d'avoirs de libre passage, ce qui serait préjudiciable à son taux de couverture.

L'institution supplétive doit placer les fonds qui lui sont confiés. Par le passé, elle a pu compenser les taux d'intérêt négatifs sur ses liquidités par les rendements des autres catégories de placement et maintenir son taux de couverture dans le domaine du libre passage (2014: 108,0 %, 2019: 108,7 %, 2020: 107,8 %, 2021: 108,0 %).

Le faible rendement des actions et des obligations sur les marchés financiers en 2022 a néanmoins entraîné une baisse de son taux de couverture à 104,6 % à la fin avril 2022 (au milieu de l'année 2022, ce taux était de 102,6 %, et fin novembre 2022, de 102,3 %).

Après la baisse du taux de couverture en dessous du seuil de 105 %, l'institution supplétive a placé, depuis le 10 mai 2022, des avoirs à hauteur de plusieurs milliards de francs auprès de la Trésorerie fédérale (3 milliards de francs en mai, environ 1,25 milliard en juin). Grâce au relèvement du taux directeur de la BNS en juin et septembre 2022, elle a toutefois pu obtenir une rémunération positive sur le marché. Elle a décidé que, jusqu'à nouvel ordre, elle ne placerait plus de fonds auprès de la 7 / 18

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Trésorerie fédérale et a annoncé, le 19 septembre 2022, qu'elle retirerait ces avoirs de manière échelonnée par tranches hebdomadaires de 200 millions de francs. Cette manière de procéder permet à l'AFF de refinancer de manière régulière les montants retirés.

L'institution supplétive investit une part importante de ses placements de manière quasi liquide. Fin 2021, cette part atteignait presque 61 %, tandis que la part des obligations s'élevait à 25 %, celle des actions à 9,3 % et celle de l'immobilier à 4,2 %.

L'institution supplétive peut investir une partie de ses placements à plus longue échéance, car il est pratiquement exclu qu'elle doive disposer de liquidités pour la totalité du montant. Ses investissements se font de manière prudente, mais la part la plus risquée est soumise à des fluctuations de cours. Cela vaut pour les obligations, les actions et l'immobilier. Si les cours, et donc le taux de couverture, chutent, le conseil de fondation est contraint, conformément à la stratégie de placement actuelle, de prendre immédiatement des mesures de réduction des risques, dont font partie les ventes procycliques de placements à risque (actions, obligations) et l'augmentation des liquidités sûres. L'institution supplétive est par conséquent tenue, lorsque son taux de couverture baisse, de vendre des placements à risque et d'acheter des placements quasi liquides. Si elle peut le faire sans problème dans un contexte de taux d'intérêt positifs, sa situation financière se dégrade encore plus dans un contexte de taux d'intérêt négatifs. Si les taux d'intérêt négatifs se limitent à des périodes relativement courtes, l'institution supplétive peut, malgré la baisse de son taux de couverture et même si elle se retrouve en situation de découvert, conserver jusqu'à leur terme une certaine part d'obligations à échéance plus longue et à rémunération positive. Elle n'est, en effet, pas tenue de disposer à tout moment de liquidités pour la totalité de ses passifs.

Fin août 2022, l'institution supplétive gérait une fortune d'un montant de 16 652 millions de francs dans le domaine du libre passage . Le présent projet ne lui permettrait de placer que 10 milliards de francs auprès de la Confédération, car la Trésorerie fédérale doit pouvoir faire face à d'éventuelles entrées et sorties de fonds, ce qui ne serait
pas possible si le montant maximal était fixé à un niveau trop élevé. Le montant proposé permet toutefois à l'institution supplétive de réduire sensiblement ses risques, d'autant qu'il est rare que les échéances d'obligations de bonne qualité offrent toutes une rémunération négative. Une limitation du montant est par conséquent possible. Si l'afflux de fonds devait se poursuivre et que les taux d'intérêt devaient repartir à la baisse, il faudrait discuter d'une éventuelle adaptation du montant maximal. Dans ce cas, la Trésorerie fédérale ne pourrait probablement pas prendre en charge la totalité des placements dans le domaine du libre passage.

D'un côté, la hausse des taux d'intérêt a actuellement, du fait de la baisse des cours sur les marchés financiers, entraîné une réduction du taux de couverture de l'institution supplétive, aggravant la situation financière de cette dernière. D'un autre côté, elle améliore la situation pour les nouveaux placements à taux fixe.

Le relèvement des taux d'intérêt par la BNS a réduit l'attrait d'un placement auprès de la Trésorerie fédérale pour l'institution supplétive. Dans une optique de réduction des risques, il est donc important pour elle de pouvoir investir à tout moment une partie de ses placements de manière liquide et peu risquée, sans subir de pertes. C'est à cela que sert le compte auprès de la Trésorerie fédérale. Si les taux d'intérêt à court 8 / 18

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terme augmentent en raison d'un changement de politique de la BNS, le compte auprès de la Trésorerie fédérale n'est plus intéressant et peut même devenir superflu.

C'est pourquoi la possibilité d'un placement auprès de la Trésorerie fédérale peut rester limitée dans le temps. L'inflation se situe actuellement à un niveau élevé. Certains scénarios très réalistes prévoient que la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt (légèrement) se poursuive à l'avenir. Ils se fondent notamment sur l'augmentation de l'endettement (privé ou étatique), le repli de la mondialisation, la transition énergétique et la pénurie de certaines matières premières. L'évolution particulièrement incertaine de la conjoncture plaide néanmoins pour la prolongation d'une solution limitée dans le temps. Un ralentissement conjoncturel pourrait en effet provoquer une nouvelle baisse de l'inflation et des taux d'intérêt.

Le Conseil fédéral propose, dans le cadre du présent projet, de prolonger de quatre années supplémentaires la solution temporairement offerte à l'institution supplétive.

Une telle mesure apporte une sécurité supplémentaire dans un environnement très incertain. L'évolution des taux d'intérêt est actuellement très difficile à prévoir. Le maintien d'un compte sans intérêt reste par conséquent judicieux dans une perspective de réduction des risques. Le 25 septembre 2023, l'institution supplétive n'aura plus la possibilité de placer des fonds sans intérêt auprès de la Trésorerie fédérale. Étant donné l'importance du bon fonctionnement de l'institution supplétive pour le domaine du libre passage, il est nécessaire qu'une nouvelle solution transitoire lui soit offerte.

1.1.4

Autres institutions de libre passage

Les institutions de libre passage doivent transférer leurs avoirs en compte dans une banque. Traditionnellement, les banques utilisent les fonds provenant du libre passage pour leurs opérations d'intérêts classiques, principalement les prêts hypothécaires. Selon la BNS, les taux d'intérêt ont augmenté de manière significative au cours des derniers mois. Le taux d'intérêt pour une hypothèque fixe à cinq ans, qui était encore de 1,09 % en septembre 2021, est passé à 2,92 %4 à la fin septembre 2022. Pendant la même période, le taux d'intérêt des hypothèques fixes à dix ans est passé de 1,37 % à 3,29 %.

Les opérations d'intérêts représentent un élément central des revenus d'une banque.

Les banques traitent ce sujet comme un secret commercial et ne fournissent aucune information à ce propos. Il n'existe donc aucun renseignement ni sur les bénéfices réalisés dans le passé par les banques sur les avoirs de libre passage et leur montant, ni sur la situation actuelle. En raison de la hausse globale de l'inflation, les taux sur les marchés des capitaux augmentent. Cette hausse des taux d'intérêt a rendu les avoirs de libre passage à nouveau attractifs en tant que source de refinancement, notamment, car plus de 50 % des comptes sont détenus sur une période de plus de cinq ans et représentent donc des fonds empruntables à relativement long terme. Le taux hypothécaire fixe de septembre 2021 indique qu'une marge suffisante avait alors été dégagée. La rémunération des comptes de libre passage reste actuellement très faible malgré la hausse des taux La vue d'ensemble proposée par le site vorsorgeexperten.ch 4

Taux d'intérêt, rendements et marché des changes (snb.ch).

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indique au 2 novembre 2022 une rémunération comprise entre 0,00 % et 0,05 %. Sur 34 institutions, seule une fondation proposait une rémunération de 0,1 %, une autre de 0,25 % et une dernière de 0,4 %. Si l'on compare ces taux avec les taux hypothécaires proposés actuellement, la marge réalisée sur les nouvelles opérations (ou sur les prolongations d'hypothèques) devrait avoir nettement augmenté.

Contrairement à l'institution supplétive, les fondations de libre passage (des banques) ne sont pas légalement tenues d'accepter les avoirs de libre passage. Elles peuvent refuser de nouveaux clients et proposer une épargne-titres, ce qui représente une solution profitable pour les prestataires de services financiers. Comme les fondations de libre passage et l'institution supplétive sont placées dans des situations différentes, l'octroi d'un compte sans intérêt pour l'institution supplétive ne constitue pas une distorsion de concurrence. Une modification du cadre existant ne s'impose pas actuellement pour ces autres prestataires, raison pour laquelle la proposition de prolongation de la solution actuelle sur une durée limitée se limite à l'institution supplétive.

1.2

Autres solutions étudiées

1.2.1

Groupe de travail de la Confédération

Après l'entrée en vigueur de l'art. 60b LPP, le Conseil fédéral a institué un groupe de travail placé sous la direction de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et dans lequel tous les acteurs importants (partenaires sociaux, associations professionnelles, experts en placement, intermédiaires financiers) étaient représentés.

Le groupe de travail de la Confédération n'a pas formulé de recommandation. Les positions exprimées en son sein divergeaient fortement en fonction de la situation des acteurs et de leurs intérêts. Aucun accord n'a pu être trouvé sur la question de savoir si les avoirs de libre passage doivent être garantis en totalité ou en partie, qui doit supporter les coûts éventuels d'une telle garantie (la Confédération, la BNS ou le «système de la prévoyance professionnelle », c'est-à-dire les institutions de prévoyance, les employeurs et les assurés) et si la solution doit bénéficier uniquement à l'institution supplétive ou à toutes les institutions de libre passage.

Le rapport du groupe de travail a été rédigé entre la fin de l'année 2020 et le premier semestre 2021, c'est-à-dire avant la hausse actuelle des taux d'intérêt et de l'inflation.

Les solutions suivantes représentent la traduction pratique pour l'institution supplétive des options fondamentales esquissées par le groupe de travail (notamment aux ch. 1.2.2 à 1.2.5) et en présentent les avantages et les inconvénients.

1.2.2

Intérêts négatifs

L'application d'un taux d'intérêt négatif aux avoirs de libre passage (par ex. en tant que mesure d'assainissement) impliquerait de réduire au fil du temps le montant des avoirs provenant d'un système d'épargne obligatoire. Or, les titulaires d'un compte de libre passage sont, entre autres, des personnes en recherche d'emploi qui se trouvent donc dans une situation personnelle difficile. De plus, dans le cas de l'institution 10 / 18

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supplétive, le nombre élevé de comptes pour lesquels le contact a été rompu complique encore les choses. Celle-ci ne serait même pas en mesure d'informer de nombreux assurés que leur épargne diminue, et ces derniers n'auraient pas la possibilité de réagir. L'application de taux d'intérêt négatifs dans un système d'épargne forcée entraînerait également une perte de confiance considérable dans la prévoyance professionnelle et dans le système financier en général. Bien que des taux d'intérêt négatifs aient parfois été appliqués, ces dernières années, à des montants élevés dans le domaine de l'épargne, ils ne constituent pas la règle pour les comptes d'épargne dont le solde n'est pas très élevé et ne se rencontrent quasiment pas dans les comptes d'épargne du pilier 3a. Après le relèvement des taux d'intérêt par la BNS en septembre 2022, de nombreux établissements financiers ont supprimé le taux d'intérêt négatif sur les comptes d'épargne, y compris pour des montants élevés. Un taux d'intérêt négatif serait difficilement justifiable dans le contexte actuel caractérisé par une inflation relativement élevée et des taux d'intérêt en nette progression. Il serait également difficile à mettre en oeuvre pour l'institution supplétive, même dans un contexte de taux d'intérêt moins favorable. L'application d'un taux d'intérêt négatif comme mesure d'assainissement en cas de découvert de l'institution supplétive risquerait en outre d'être contre-productive, car elle pourrait entraîner une sortie des fonds qui aggraverait la situation. Le taux d'intérêt négatif n'est par conséquent pas une solution envisageable.

1.2.3

Octroi d'une garantie par une tierce partie

Dans cette variante, une tierce partie (par ex. la Confédération ou le «système de la prévoyance professionnelle») donne à l'institution supplétive une garantie pour financer un découvert en cas de besoin.

L'avantage de cette solution est qu'elle n'oblige pas à verser des fonds avant un éventuel découvert. L'institution supplétive disposerait de la sorte d'une plus grande capacité de risque, ce qui lui permettrait d'adapter sa stratégie de placement. Elle pourrait renoncer à prendre systématiquement des mesures de réduction des risques en situation de crise. Même en cas de découvert, elle aurait la possibilité de profiter d'une reprise ultérieure des cours boursiers pour rétablir un taux de couverture satisfaisant par ses propres moyens. Elle peut ainsi viser un rendement positif (attendu) à long terme. L'inconvénient est que les risques ne peuvent, en fin de compte, pas être déterminés à l'avance avec certitude et qu'ils peuvent rapidement atteindre des montants importants (même de l'ordre du milliard de francs) étant donné que le total du bilan de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage est élevé et continue de croître. Ce serait un problème considérable pour tous les porteurs de risques potentiels. Une garantie par la BNS serait difficilement compatible avec le mandat de cette dernière. Dans le cas de la Confédération, une garantie représenterait une subvention nécessitant une base légale et un crédit d'engagement. In fine, le montant de la garantie ne serait pas plafonné, ce qui pourrait poser de sérieux problèmes budgétaires à la Confédération. En outre, l'expérience montre que la reprise des marchés boursiers peut parfois se faire attendre. Les conséquences financières d'une telle garantie seraient donc difficiles à évaluer et pourraient être très élevées.

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La Confédération est déjà fortement sollicitée par le remboursement de la dette résultant de la pandémie de COVID-19 et par les augmentations de dépenses envisagées dans le domaine de la défense. Une garantie de financement par le «système de la prévoyance professionnelle» serait tout aussi difficile à mettre en oeuvre. Les cotisants au régime de la prévoyance professionnelle, soit les employeurs et les employés, devraient dans ce cas assumer le financement de cette garantie. Une solidarité des employeurs et des employés pour des personnes qui ne travaillent plus paraît peu réaliste, d'autant que le «système de la prévoyance professionnelle» est déjà fortement mis à mal par les évolutions et les problèmes actuels. La hausse des taux d'intérêt entraîne des fluctuations des avoirs, tandis que l'inflation entraîne une dévalorisation des rentes. D'autres facteurs négatifs bien connus sont l'évolution démographique ou le niveau élevé du taux de conversion légal du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle. Des paiements supplémentaires du «système de la prévoyance professionnelle» pour assurer une garantie des avoirs de libre passage seraient très controversés dans ce contexte déjà difficile. Pour toutes ces raisons, l'octroi d'une garantie par une tierce partie n'est pas une solution envisageable.

1.2.4

Paiements réguliers des intérêts négatifs par une tierce partie

Une autre solution consisterait à effectuer des paiements réguliers à l'institution supplétive pour compenser totalement ou en partie d'éventuels intérêts négatifs dans le domaine des liquidités à court terme ou, selon la situation du marché, dans celui des rendements obligataires négatifs. L'institution supplétive aurait ainsi, même dans un contexte de taux d'intérêt négatifs, la possibilité de continuer à investir dans des placements à faible risque. Pour autant que les autres marchés financiers (en particulier dans le domaine des actions) ne soient pas porteurs de crises à long terme, cela stabiliserait quelque peu la situation financière de l'institution supplétive. Cependant, comme pour la solution de l'octroi d'une garantie, la question est de savoir qui doit effectuer ces paiements. De plus, de tels paiements ne suffiraient pas à exclure une situation de découvert en cas de corrections importantes sur les marchés financiers.

Cette solution ne présente par conséquent aucun avantage par rapport à celle du présent projet.

1.2.5

Compte sans intérêt auprès de la BNS

Une solution encore différente serait l'ouverture d'un compte courant sans intérêt auprès de la BNS. Contrairement aux solutions de paiements réguliers ou d'octroi d'une garantie, elle serait moins inappropriée dans le cas de la BNS, car les comptes courants sans intérêt existent déjà. Cependant, la possibilité d'un compte courant pour l'institution supplétive n'existe pas actuellement et nécessiterait une autre adaptation de la loi. Compte tenu de la position particulière de la BNS, de son indépendance constitutionnelle et des tâches spécifiques qui lui sont attribuées, il ne serait pas souhaitable d'élargir le cercle des bénéficiaires de ses prestations, ne serait-ce que pour des raisons de principe. Par ailleurs, la politique des taux d'intérêt négatifs est un pilier central de 12 / 18

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la stratégie de la BNS en matière de politique monétaire. Si l'institution supplétive se voyait accorder la possibilité d'ouvrir un compte courant auprès de la BNS, cela pourrait compromettre cette stratégie, en particulier si d'autres acteurs du marché demandaient à bénéficier d'une solution semblable. Le Conseil fédéral n'a donc pas donné suite à cette solution.

1.2.6

Autorisation d'un découvert temporaire

Autoriser un découvert temporaire de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage n'exclurait pas les risques découlant d'une reprise plus tardive que prévue des marchés boursiers. Dans un tel cas, les assurés commenceraient à douter de la solvabilité de l'institution supplétive, ce qui pourrait aggraver la situation. Le Conseil fédéral a donc rejeté cette solution.

1.2.7

Financement du découvert par le fonds de garantie LPP

À l'heure actuelle, le fonds de garantie LPP prend en charge les frais d'administration de l'institution supplétive dans certains domaines spécifiques. Pour qu'il puisse financer un découvert de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage, il faudrait qu'il perçoive auprès d'elle des cotisations de risque correspondantes, ce qui n'aurait pas de sens. En effet, si ces cotisations devaient couvrir le risque, cela signifierait que celui-ci serait tout de même pris en charge par l'institution supplétive. Si de telles cotisations étaient à la charge du «système de la prévoyance professionnelle », cela reviendrait à faire peser la garantie sur ce système, ce qui entraînerait de fait une obligation de cotiser de la part des employeurs et des employés, ce qui n'est pas une solution envisageable (voir ch. 1.2.3). En outre, le fonds de garantie doit conserver ses moyens financiers pour garantir les prestations qu'il assure ou qu'il finance.

Cette solution n'a donc pas été retenue.

1.3

Solution retenue

Compte tenu de la hausse des taux d'intérêt et après avoir pesé les avantages et les inconvénients des différentes options, le Conseil fédéral considère que la prolongation temporaire de la solution existante correspond au meilleur choix dans le contexte actuel. L'institution supplétive devrait ainsi avoir, pendant quatre années supplémentaires, le droit de placer sans intérêt et gratuitement auprès de la Trésorerie fédérale des fonds provenant du domaine du libre passage.

L'institution supplétive est actuellement la seule à afficher une croissance notable dans le domaine des comptes de libre passage sous forme d'épargne pure (voir le tableau au ch. 1.1.2). La grande volatilité sur les marchés financiers et l'évolution incertaine des taux d'intérêt plaident pour un maintien temporaire de cette solution. En

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outre, l'obligation d'accepter les avoirs de libre passage constitue une caractéristique distinctive de l'institution supplétive par rapport aux autres acteurs du secteur.

Pour l'institution supplétive, la possibilité de placer sans intérêt des fonds provenant du domaine du libre passage en cas de besoin représente un allègement considérable qui lui permet de réduire ses risques sans avoir pour autant à accepter des taux d'intérêt négatifs ou des risques financiers. Les risques pourraient ainsi être réduits dans des situations de marché défavorables. Cette solution donne également à l'institution supplétive la possibilité de surmonter les difficultés qui découlent de l'afflux de fonds en période de crise. Grâce à l'existence d'un compte sans intérêt, l'institution supplétive doit pouvoir continuer à appliquer une stratégie de réduction des risques en cas de baisse des marchés financiers, c'est-à-dire à réduire de manière systématique et, le cas échéant, significative les placements à risque. La possibilité de placer des fonds sans intérêt auprès de la Trésorerie fédérale lui permet de mener à bien ce processus de façon plus aisée et moins risquée. Si les taux directeurs de la BNS sont positifs, soit l'institution supplétive n'aura plus recours à cette possibilité, soit la Trésorerie fédérale pourra se refinancer avantageusement au cas où l'institution supplétive y aurait quand même recours. Un tel automatisme est l'avantage de cette solution dans un contexte de hausse des taux d'intérêt.

La modification de loi proposée prévoit que le placement de fonds auprès de la Trésorerie fédérale soit, comme c'était le cas jusqu'à présent, uniquement possible lorsque le taux de couverture de l'institution supplétive est inférieur à 105 % dans le domaine du libre passage. Les placements effectués dans ces conditions auprès de la Trésorerie fédérale restent inchangés jusqu'à ce qu'ils arrivent à échéance ou qu'ils soient résiliés à une date convenue, même si le taux de couverture repasse entre-temps au-dessus de la limite de 105 %. À l'inverse, le réinvestissement d'un placement existant qui arrive à échéance n'est possible que si le taux de couverture de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage à ce moment-là est inférieur à cette limite.

Si sa situation financière dans le domaine du libre
passage est bonne, l'institution supplétive est mieux à même de faire face à des taux d'intérêt bas. Le taux de couverture est régulièrement déterminé sur la base d'estimations de l'institution supplétive. La possibilité d'une faible marge d'erreur dans l'estimation doit être acceptée; selon les informations fournies par l'institution supplétive, cette marge s'élève à environ ± 0,2 %. Le volume de placement est limité afin que la Trésorerie fédérale puisse absorber un éventuel afflux de fonds.

Cette solution particulière pour l'institution supplétive se justifie par le fait que celleci, à la différence des autres institutions de libre passage, est soumise à une obligation légale d'accepter les avoirs de libre passage. Étant donné les inconvénients parfois considérables associés aux autres solutions examinées (voir ch. 1.2), la seule solution qui puisse être mise en oeuvre consiste à créer une possibilité de placement auprès de la Trésorerie fédérale. Au sens de l'art. 61, al. 1, de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances (LFC)5, l'AFF peut, sauf dispositions contraires d'autres lois fédérales, rattacher des unités de l'administration fédérale décentralisée qui tiennent leur propre comptabilité à la trésorerie centrale (c'est-à-dire la Trésorerie fédérale) pour la gestion de leurs liquidités. L'institution supplétive ne fait pas partie de ces unités; elle est 5

RS 611.0

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une institution de prévoyance ayant la forme d'une fondation de droit privé (art. 54 et 60 LPP). Toutefois, comme l'art. 61 LFC réserve l'application d'autres lois fédérales, il est possible de prévoir ou de maintenir dans la LPP une base légale permettant à l'institution supplétive de placer les avoirs de libre passage au sein de la trésorerie centrale.

Cette solution reste limitée dans le temps. En cas de taux d'intérêt plus élevés, elle n'aura pas besoin d'être prolongée dans quatre ans. À l'inverse, si les taux retrouvent un niveau très bas, il sera indispensable et judicieux de reconsidérer la situation.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

La présente proposition de modification de la LPP n'est annoncée ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20236, ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 20237. La nécessité d'adapter rapidement la loi fait suite à la crise qui a débuté en 2020.

Le projet n'a pas de conséquences financières directes sur les finances fédérales qui devraient être inscrites au budget avec plan intégré des tâches et des finances.

2

Procédure de consultation

La procédure de consultation s'est ouverte le 7 septembre 2022 et s'est achevée le 7 novembre 2022 de la même année8. Au total, 40 réponses ont été reçues, dont 5 de participants ayant renoncé à prendre position. 30 participants à la consultation se sont prononcés en faveur du projet, dont 21 cantons, le Parti socialiste, le Parti libéralradical, l'Union démocratique du centre, l'Union syndicale suisse et l'Union patronale suisse. L'Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP), le PK-Netz 2. Säule, le fonds de garantie et l'institution supplétive y sont également favorables.

Un canton (Appenzell Rhodes-Intérieures), l'Union suisse des arts et métiers et trois associations intéressées (Association de prévoyance suisse, Interpension et Union des banques cantonales suisses) ont pris position contre une prolongation de la disposition actuelle.

Les participants favorables au projet ont souligné la grande importance du domaine de libre passage de l'institution supplétive pour la prévoyance et l'évolution incertaine des taux d'intérêt, tandis que les opposants ne voient pas la nécessité de prolonger la disposition dans un contexte de hausse des taux d'intérêt. La crainte est également, surtout de la part des associations professionnelles concernées, celle d'une distorsion de concurrence si l'institution supplétive devait obtenir une prolongation de cette 6 7 8

FF 2020 1709 FF 2020 8087 Le rapport de consultation est disponible sur www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation terminées > 2022 > DFI.

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possibilité. Cette crainte doit toutefois être relativisée étant donné l'obligation de contracter et l'impossibilité de proposer des solutions d'épargne-titres qui caractérisent l'institution supplétive. Dans l'ensemble, la consultation a mis en évidence l'existence d'une très nette majorité en faveur du maintien de la solution actuelle.

3

Présentation du projet

La durée de validité de la disposition légale doit être prolongée de quatre ans après l'expiration de la solution actuelle le 25 septembre 2023. Si la prolongation n'a pas encore été décidée à cette date ou si le délai référendaire court toujours, la loi prévoira une nouvelle date d'entrée en vigueur.

4

Commentaire de la disposition

La durée de validité de l'art. 60b LPP prend fin le 25 septembre 2023, c'est pourquoi celui-ci sera remplacé par un nouvel art. 60b identique limité à quatre ans. Aucun intérêt ne sera prélevé et l'AFF administrera gratuitement les fonds placés par l'institution supplétive auprès de la Trésorerie fédérale en vertu de cet article. L'AFF (Trésorerie fédérale) et l'institution supplétive règlent les modalités de placement et d'administration dans un contrat de droit public. Elles doivent se garantir mutuellement la sécurité de la planification en ce qui concerne les versements et les retraits effectués par l'institution supplétive.

Tant que son taux de couverture dans le domaine du libre passage est supérieur ou égal à 105 %, l'institution supplétive ne devrait plus être autorisée à faire de nouveaux placements ou à réinvestir auprès de la Trésorerie fédérale à l'expiration d'une échéance. Les placements existants auprès de la Trésorerie fédérale, et dont la durée n'est pas arrivée à échéance ou qui n'ont pas de durée fixe, peuvent toutefois être maintenus lorsque le taux de couverture dans le domaine du libre passage monte à 105 % ou plus. Le volume des placements auprès de la Trésorerie fédérale est cependant limité à 10 milliards de francs au maximum.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

En l'état actuel, le projet de loi n'a pas de conséquences financières significatives pour la Confédération et n'a aucune conséquence sur ses besoins en personnel. Le placement par l'institution supplétive d'avoirs de libre passage auprès de la Trésorerie fédérale ne produit pas d'intérêt et est gratuit. Ni l'organisation actuelle de cette dernière ni ses ressources en personnel ne seront affectées.

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5.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

La stabilité de l'institution supplétive est dans l'intérêt des cantons et, en fin de compte, des communes. Elle garantit l'avoir de libre passage des personnes qui sortent du monde du travail. Une réduction de l'avoir de prévoyance de celles-ci consécutive à des taux d'intérêt négatifs ou à l'instabilité de l'institution supplétive pourrait, par exemple, entraîner une augmentation des dépenses des cantons au titre des prestations complémentaires ou des subsides pour l'assurance-maladie.

5.3

Conséquences pour l'économie, la sécurité sociale et les assurés

De manière générale, il est important que les personnes au chômage puissent déposer leur avoir de prévoyance du 2e pilier sur un compte de libre passage sous la forme d'une solution d'épargne pure et qu'elles puissent, une fois qu'elles auront retrouvé un emploi, le verser dans une nouvelle institution de prévoyance. La stabilité de l'institution supplétive revêt ainsi une importance considérable pour le maintien régulier de la prévoyance vieillesse. Des problèmes de solvabilité de l'institution supplétive pourraient entraîner une perte de confiance dans le domaine de la prévoyance et de la finance et accroître l'atmosphère de crise. La solution proposée vise à assurer la stabilité.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le présent projet repose sur l'art. 113 de la Constitution (Cst.)9, qui habilite la Confédération à légiférer sur la prévoyance professionnelle.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le présent projet n'a pas d'incidence sur les obligations internationales de la Suisse.

6.3

Forme de l'acte à adopter

Il s'agit de la transformation d'une loi fédérale urgente en une loi fédérale ordinaire.

La modification de la LPP suit par conséquent la procédure législative normale.

9

RS 101

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6.4

Frein aux dépenses

En l'état actuel, le projet n'a pas de conséquences financières significatives pour la Confédération. Par conséquent, l'art. 60b LPP ne doit pas être soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

6.5

Conformité à la loi sur les subventions

Même en l'absence de flux financiers pour la Confédération, l'application d'un taux d'intérêt nul représente, dans un contexte de taux d'intérêt négatifs, un avantage financier pour l'institution supplétive par rapport à un placement de fonds liquides sur le marché. Ce subventionnement se justifie par le fait que l'institution supplétive, à la différence des autres institutions de libre passage, est soumise à l'obligation légale de contracter. Le subventionnement reste conçu comme une solution transitoire et donc limitée dans le temps. Il vise à éviter une situation de découvert de l'institution supplétive dans le domaine du libre passage. Une institution supplétive stable est dans l'intérêt de la Confédération, des cantons et des communes ainsi que de la société et de l'économie. L'octroi d'une possibilité de placer des fonds sans intérêt et gratuitement auprès de l'AFF (Trésorerie fédérale) représente la solution la plus adéquate au problème (voir ch. 1.2). Les modalités de cette possibilité de placement sont déjà réglées entre l'AFF et l'institution supplétive conformément aux bonnes pratiques dans un contrat de droit public et dans le cadre fixé par la nouvelle disposition. Cela garantit l'efficacité de la procédure. La modification de la loi proposée respecte les principes de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions10.

10

RS 616.1

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