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19.311 / 20.313 / 20.323 / 21.311 Initiatives cantonales ZG. Exercer un mandat politique en cas de maternité.

Modification de la législation fédérale BL. Participation aux séances parlementaires pendant le congé de maternité LU. Femmes politiques en congé maternité BS. Exercice du mandat parlementaire pendant le congé de maternité Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des États du 30 mars 2023

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur les allocations pour perte de gain, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet ci-joint.

30 mars 2023

Pour la commission: Mathias Zopfi, Président

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Condensé La présente modification législative a pour but de rendre l'exercice d'un mandat parlementaire davantage compatible avec la maternité. Une députée élue par le peuple ne devrait pas être empêchée d'accomplir son mandat politique en devenant mère.

Selon la loi en vigueur, si une députée participe à une séance du Parlement pendant son congé de maternité, elle perd son droit à l'allocation de maternité, y compris pour son activité professionnelle. La modification de loi sur les allocations pour perte de gain faisant l'objet du présent rapport vise à adapter la disposition concernée afin de corriger cette situation.

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Rapport 1

Contexte

1.1

Cadre légal

La naissance d'un enfant marque le début du droit à l'allocation de maternité en vertu de l'art. 16c, al. 1, de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG)1.

Ce droit s'éteint le 98e jour à partir du jour où il a été octroyé (art. 16d, première phrase, LAPG). L'art. 25 du règlement sur les allocations pour perte de gain2, en relation avec l'art. 16d LAPG, dispose que le droit de la mère à l'allocation de maternité s'éteint avant la fin de ce délai si la mère reprend une activité lucrative. L'intention expresse du législateur était d'encourager la mère à épuiser totalement son droit aux allocations de maternité. C'est pourquoi une reprise de l'activité lucrative met fin au droit même si la reprise du travail n'est que partielle3.

Dans un arrêt de 20134, le Tribunal fédéral a considéré que la reprise d'une activité avec à la clé un salaire de minime importance (état 2021: 2300 francs par année civile, calculés au prorata de la durée concernée du congé de maternité) au sens de l'art. 34d, al. 1, du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS)5 ne mettait pas fin au droit à l'allocation de maternité.

L'activité parlementaire est une activité lucrative au sens de la législation sur l'AVS, étant donné que, conformément à l'art. 5, al. 1 et 2, de la loi fédérale sur l'assurancevieillesse et survivants (LAVS)6, en relation avec l'art. 7, let. i, RAVS, des cotisations sont perçues sur l'indemnité perçue au titre de la préparation des travaux parlementaires et sur les indemnités journalières versées pour la participation aux séances et aux sessions.

1.2

Réglementation et pratique au niveau fédéral

Pour chaque jour de travail où un membre des Chambres fédérales (député) participe à une séance de son conseil ou d'une commission, il lui est versé une indemnité journalière (art. 3, al. 1, de la loi sur les moyens alloués aux parlementaires, LMAP) 7.

Depuis le début du XXIe siècle, les députées continuent d'avoir droit aux indemnités journalières durant leur congé de maternité8. En vertu de l'art. 8a, al. 3, de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale relative à la loi sur les moyens alloués aux parlemen-

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RS 834.1 RS 834.11 FF 2002 7546; ATF 139 V 250, consid. 4.5, p. 257 ATF 139 V 250, consid. 4.6, p. 258.

RS 831.101 RS 831.10 RS 171.21 02.423 Iv. pa. Réglementation en matière de prévoyance applicable aux députés.

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taires (OMAP)9, en relation avec l'art. 3, al. 3, de la LMAP10, elles perçoivent, durant leur congé de maternité, 100 % de l'indemnité journalière. Le calcul de la durée du congé de maternité se fonde sur l'art. 35a de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr)11. Cette disposition précise que les accouchées ne peuvent être occupées durant les huit semaines qui suivent l'accouchement et qu'ensuite, jusqu'à la seizième semaine, elles ne peuvent l'être que si elles y consentent. La durée du congé de maternité d'une députée s'élève donc à seize semaines. Durant cette période, elle perçoit une indemnité journalière pour les séances, qu'elle y participe ou non.

Il convient de mentionner que l'interdiction de travailler pendant huit semaines, telle que définie par la LTr, ne s'applique pas aux députées, car elles ne sont pas soumises à cette loi. Même si elles continuent de percevoir une indemnité journalière durant leur congé de maternité et que, depuis 2010, elles sont mentionnées comme excusées sur les listes de vote, elles sont désavantagées si elles reprennent leur activité parlementaire prématurément. En effet, lors de la reprise de cette activité, leur droit à l'allocation de maternité en vertu de l'art. 16b LAPG s'éteint aussi pour leur activité professionnelle principale et échoit à partir de ce moment-là (art. 16e LAPG). L'exemple de la conseillère nationale Kathrin Bertschy est probant: durant son congé de maternité, elle a participé à une séance de commission et à une session parlementaire. La caisse de compensation compétente a appliqué le droit en vigueur et a, par conséquent, considéré son droit à l'allocation de maternité comme échu de manière anticipée. Kathrin Bertschy a contesté cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Berne, qui a rejeté son recours en juillet 2021. La conseillère nationale a alors fait recours auprès du Tribunal fédéral. Dans son arrêt du 8 mars 202212, le Tribunal fédéral confirme que le droit d'une conseillère nationale à l'allocation de maternité s'éteint de manière anticipée si elle reprend son activité parlementaire pendant son congé de maternité. Concrètement, le Tribunal fédéral considère que l'activité politique implique un travail assidu qui donne lieu à une rémunération, laquelle
constitue un revenu. Le Tribunal fédéral estime que si l'activité politique ne vise pas en premier lieu à générer un revenu, le mandat parlementaire de la conseillère nationale n'en demeure pas moins une activité lucrative au sens de l'art. 16d, al. 3, LAPG. Pour le Tribunal fédéral, le fait que la conseillère nationale ne puisse pas se faire représenter dans l'exercice de son mandat politique n'y change rien. À ses yeux, la rémunération perçue pour l'activité parlementaire fait partie du salaire déterminant pour le calcul des cotisations selon l'art. 5, al. 1 et 2, LAVS et l'art. 7, let. i, RAVS. Le Tribunal fédéral juge que la reprise d'un mandat politique met fin au droit à l'allocation de maternité dans sa totalité.

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RS 171.211 RS 171.21 RS 822.11 ATF 9C_469/2021

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1.3

Expériences dans les cantons

Comme le montrent des exemples, le traitement des femmes politiques ayant participé ou souhaité participer à des séances durant leur congé de maternité a par le passé donné lieu à des incertitudes. Aux niveaux cantonal et communal, la législation fédérale en la matière n'était pas interprétée de manière uniforme, ce qui a engendré une application incohérente des dispositions concernées. Par exemple, dans un canton, il a été recommandé à une députée de ne pas participer aux séances durant tout son congé de maternité, afin d'éviter des problèmes. Dans ce même canton, une autre députée a pu participer à une séance tout en conservant son droit à l'allocation de maternité grâce à la mise en oeuvre d'une solution située dans une zone grise du point de vue juridique. Un autre canton a cherché une possibilité permettant de compenser financièrement une allocation de maternité échue pour cause de reprise de l'activité parlementaire avant la fin du congé de maternité. Le fait est que, selon la législation fédérale en vigueur, la participation à une séance parlementaire met fin au droit à l'allocation de maternité. D'autres exemples montrent que les députées peuvent être la cible de critiques lorsqu'elles sont absentes pendant une longue période, notamment lorsque les débats portent sur des sujets sensibles ou que les votes sont serrés. Il apparaît donc que la législation en vigueur rend difficile l'exercice par les mères de leur mandat politique après la naissance d'un enfant.

2

Genèse du projet

2.1

Initiatives des cantons de Zoug, Bâle-Campagne, Lucerne et Bâle-Ville

Les initiatives 19.311, 20.313, 20.323 et 21.311, déposées respectivement par les cantons de Zoug, Bâle-Campagne, Lucerne et Bâle-Ville, visent à modifier la législation fédérale afin qu'après la naissance d'un enfant, les femmes puissent exercer leurs mandats politiques à tous les niveaux législatifs (fédéral, cantonal et communal) pendant leur congé de maternité sans pour autant perdre leur droit à l'allocation de maternité ni la protection de la maternité découlant de leur activité professionnelle.

2.2

Examen préalable par les Commissions des institutions politiques

La Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-E) a examiné les trois premières initiatives faisant l'objet du présent rapport, celles de Zoug, de BâleCampagne et de Lucerne, lors de sa séance du 9 novembre 2020 et leur a donné suite, par 11 voix contre 1 et 1 abstention. Le 8 avril 2022, la commission a également donné suite à l'initiative du canton de Bâle-Ville, par 11 voix contre 0 et 1 abstention.

La commission considère que la situation actuelle est insatisfaisante et que des dispositions du droit des assurances sociales ne devraient pas empêcher les élues d'exercer leur mandat de représentantes du peuple. La situation actuelle est problématique non

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seulement pour les femmes concernées, mais aussi pour l'institution parlementaire et les électeurs et électrices.

À ses séances du 21 janvier 2021 et du 30 juin 2022, la Commission des institutions politiques du Conseil national a approuvé les décisions de son homologue du Conseil des États, l'une à l'unanimité et l'autre par 13 voix contre 3 et 1 abstention (21.311), laissant ainsi le champ libre à la CIP-E, en sa qualité de commission du conseil prioritaire, pour élaborer un projet d'acte assorti d'un rapport.

2.3

Mise en oeuvre du projet par la CIP-E

À sa séance du 26 avril 2021, la CIP-E a pris acte de l'approbation des trois premières initiatives par son homologue et a décidé de la suite de la procédure. Durant la procédure d'examen préalable déjà, il avait été constaté que, pour mettre en oeuvre l'objectif des initiatives, une modification de la LAPG était nécessaire, selon laquelle la participation volontaire à des séances de conseil des parlements fédéral, cantonal et communal n'entraînerait plus la fin anticipée du droit à l'allocation de maternité, indépendamment du versement éventuel d'une indemnité. La commission a alors chargé son secrétariat et l'administration de lui soumettre un avant-projet, qui a ensuite été complété par la quatrième initiative, celle du canton de Bâle-Ville.

Le 22 août 2022, la commission a adopté son avant-projet à l'unanimité et l'a envoyé en consultation. Après avoir pris acte des résultats de la consultation, elle a approuvé le projet d'acte par 8 voix contre 2 et 2 abstentions et l'a adopté à l'intention de son conseil le 30 mars 2023. Elle a simultanément transmis le projet d'acte et le rapport au Conseil fédéral pour avis.

2.4

Options examinées

2.4.1

Extension à l'exécutif et/ou au judiciaire

La commission a discuté en détail de l'extension de cette dérogation au pouvoir exécutif et/ou au pouvoir judiciaire à l'échelon fédéral, cantonal et communal. Cela signifierait que les mères membres d'un pouvoir exécutif ou judiciaire ne perdraient pas leur droit à l'allocation de maternité si elles participaient à des séances de l'organe dont elles font partie.

Les membres des organes exécutifs sont élus par un organe ou par le peuple. Eux non plus n'ont pas de contrat de travail. La LTr n'est donc pas applicable et l'interdiction de travailler pendant les huit semaines qui suivent l'accouchement (art. 35a LTr) n'est pas valable dans leur cas. Les membres des organes exécutifs se remplacent mutuellement.

Les membres des exécutifs défendent leurs dossiers aux séances du gouvernement.

Cela nécessite de la préparation, il ne s'agit pas seulement de voter, comme des parlementaires pourraient le faire en séance de conseil. Concrètement, il est donc pratiquement inimaginable qu'un membre d'un exécutif participe sporadiquement à des séances du gouvernement. L'activité gouvernementale demande un gros investisse6 / 12

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ment, qui est difficilement conciliable avec un congé de maternité. Les trois initiatives à mettre en oeuvre concernent d'ailleurs toutes l'activité de mères qui siègent dans un législatif. La commission n'a pas connaissance de problèmes analogues chez des mères siégeant dans un exécutif.

Les membres du pouvoir judiciaire qui exercent leurs fonctions à temps plein ont certes généralement un contrat de travail, mais comme ils sont employés par l'administration publique, ils appartiennent à un cercle de personnes auxquelles la LTr ne s'applique pas. C'est la même chose pour les membres des autorités judiciaires à temps partiel qui ont un contrat de travail. La LTr ne s'applique pas non plus aux membres du corps judiciaire à temps partiel qui n'ont pas de contrat de travail.

L'interdiction de travailler pendant les huit semaines qui suivent l'accouchement (art. 35a LTr) ne s'applique donc pas directement à ces personnes-là.

L'extension au pouvoir judiciaire pourrait par ailleurs être incompatible avec certaines lois cantonales applicables au personnel des autorités judiciaires exerçant ses fonctions à temps plein. En effet, la législation de certains cantons prévoit une interdiction de travailler pendant les huit semaines suivant l'accouchement ou précise que l'interdiction de travailler prévue par la LTr s'applique. En outre, la plupart des membres des autorités judiciaires disposant d'un contrat de travail, une différence de traitement avec les autres mères employées dans le secteur public serait difficile à justifier.

En outre, comme il n'existe pas de droit à une composition particulière de l'organe appelé à statuer, il n'est pas nécessaire que la mère interrompe son congé de maternité pour garantir le fonctionnement de l'autorité judiciaire dont elle fait partie. Selon la jurisprudence, en effet, il est permis de modifier la composition du collège de juges dans des cas particuliers, par exemple si un membre du tribunal ne peut pas exercer sa fonction en raison d'une longue maladie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6P.102/2005 du 26.6.2006, consid. 2.2, in: ZBl 108/2007, p. 44).

Si la dérogation était étendue aux membres du pouvoir exécutif et/ou du pouvoir judiciaire, d'autres secteurs ­ celui des indépendantes par exemple ­ pourraient demander à en bénéficier également. Une ouverture à d'autres
secteurs conduirait toutefois à vider la disposition de la LAPG de sa substance, car celle-ci prévoit clairement que le droit à l'allocation prend fin de manière anticipée si la mère reprend une activité lucrative.

Toute dérogation entraîne une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de la dérogation et les autres mères qui exercent une activité lucrative. Si une suppléance est possible, il est difficile de justifier la différence de traitement entre les mères qui assument une charge politique prenante et celles qui exercent une activité lucrative à un taux d'occupation élevé.

La commission est clairement d'avis que cette dérogation ne doit pas affaiblir la protection de la maternité, une tâche indispensable de la collectivité publique. Le congé de maternité sert notamment à assurer cette protection. C'est pourquoi il faut limiter autant que possible le cercle des bénéficiaires d'une telle dérogation.

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2.4.2

Extension à toutes les femmes

L'idée que cette règle s'applique non seulement aux femmes politiques, mais aussi à toutes les autres femmes, a elle aussi été rejetée. En effet, les mères, qui sont soumises à la LTr, ne peuvent être occupées durant les huit semaines qui suivent l'accouchement; ensuite, et jusqu'à la seizième semaine, elles ne peuvent l'être que si elles y consentent (art. 35a, al. 3, LTr). Le congé de maternité est étroitement lié à l'interdiction de travailler et à la notion de congé au sens de repos et de possibilité de se consacrer pleinement à l'enfant. La commission souligne que la protection de la maternité et l'assurance-maternité sont des acquis sociaux précieux auxquels une grande importance doit être accordée et qui ne doivent pas être remis en cause.

2.4.3

Réduction de l'allocation de maternité au prorata

L'idée d'un système dans lequel l'allocation de maternité serait réduite au prorata du taux de l'activité reprise prématurément par la mère a également été évoquée. Cette solution ne peut pas être appliquée pour différentes raisons, en plus de celles exposées plus haut, motivées par la protection de la maternité: les caisses de compensation, responsables du versement de l'allocation de maternité, ne sont pas informées du taux d'occupation d'une personne et ne peuvent pas le vérifier. Il n'existe pas non plus de différenciation entre une activité principale et une activité accessoire. Le seul critère déterminant est le statut professionnel de la personne: indépendante, salariée ou sans activité lucrative. De plus, il n'y a généralement pas de taux d'occupation défini pour un mandat politique et différentes réglementations s'appliquent en matière d'indemnisation (forfait annuel ou indemnités journalières). Les caisses de compensation ne disposent d'aucun système qui leur permettrait de réduire l'allocation de maternité proportionnellement au taux d'activité. Par ailleurs, l'allocation de maternité représente une charge de travail importante. Les caisses de compensation devraient déployer des efforts considérables si l'allocation devait être réduite proportionnellement au taux d'exercice d'un mandat politique.

2.5

Résultats de la consultation

La commission a mené une consultation, qui a duré du 22 août au 25 novembre 2022.

Elle a reçu 53 avis. Au total, 25 cantons, sept partis politiques, six associations faîtières de l'économie, l'Union des villes suisses, la Conférence des caisses cantonales de compensation ainsi que 13 organisations et autres milieux intéressés ont pris position.

Le projet est soutenu par 22 cantons. Quatre souhaitent le compléter. Trois cantons le rejettent. Six partis politiques se prononcent en faveur du projet, l'UDC le rejette.

L'Union des villes suisses salue la modification proposée. Les associations économiques soulignent qu'il faut globalement encourager la conciliation entre le mandat parlementaire et la maternité; toutefois, sur les six associations, quatre rejettent le projet. Les organisations et autres milieux intéressés se félicitent que la question ait été 8 / 12

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mise sur la table et approuvent l'intention de trouver une solution pour les femmes parlementaires, mais proposent d'autres solutions, dont la plupart vont plus loin que le projet.

Deux options ont été envoyées en consultation. La majorité des participants et participantes à la consultation soutiennent l'option initiale de la majorité de la commission.

Ils rejettent l'option initiale de la minorité en premier lieu parce qu'elle est plus compliquée à mettre en oeuvre. Les deux options poursuivent toutefois le même objectif: la dérogation ne doit s'appliquer qu'aux séances pour lesquelles une suppléance n'est pas prévue.

D'aucuns soulignent que la protection de la maternité et le congé de maternité sont des acquis importants et que la dérogation ne doit pas conduire à un affaiblissement de la protection de la maternité. C'est pourquoi le cercle des ayants droit doit être aussi restreint que possible. En outre, la dérogation doit conserver son caractère facultatif: elle ne doit pas engendrer de pression sur la parlementaire pour qu'elle participe aux séances du conseil et des commissions. D'autres rejettent le projet, estimant qu'il affaiblit la protection de la maternité.

Tout en saluant l'intention de trouver une solution pour les femmes parlementaires, certains participants s'opposent au projet soit parce qu'ils estiment que ce dernier constitue un privilège unilatéral pour les députées, soit parce qu'ils préfèrent l'introduction d'un système de suppléance au niveau fédéral. D'autres encore rejettent le projet parce qu'ils ne sont pas d'accord avec les options proposées.

À l'issue de la consultation, la commission s'est prononcée en faveur de la règle selon laquelle la participation à des séances du conseil et des commissions pour lesquelles une suppléance n'est pas prévue n'entraîne pas la fin du droit à l'allocation de maternité. La commission estime que cette solution est cohérente, car elle ne fait pas de distinction entre le travail au sein du conseil ou en commission, mais se concentre sur le critère décisif de la possibilité ou non de se faire remplacer.

3

Présentation du projet

Selon le droit en vigueur, le droit à l'allocation de maternité s'éteint le jour où la mère reprend une activité lucrative, indépendamment de son taux d'occupation. Or, comme il a déjà été mentionné, un mandat parlementaire est, lui aussi, considéré comme une activité lucrative au sens du droit des assurances sociales. Une députée perd donc son droit à l'allocation de maternité en vertu de l'art. 16b de la LAPG également pour son activité professionnelle principale si elle participe, même ponctuellement, à des séances du Parlement pendant son congé de maternité.

L'objectif de ce projet est de rendre l'exercice d'un mandat parlementaire davantage compatible avec la maternité. Cette réglementation crée intentionnellement une inégalité de traitement entre les députées et les autres mères exerçant une activité lucrative13. Cette inégalité est cependant justifiée par le fait qu'une députée élue par le 13

18.4390. Ip. Arslan. Perte des allocations de maternité pour cause de participation à une séance parlementaire.

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peuple ne doit pas être empêchée, en devenant mère, d'exercer le mandat politique qui lui a été confié par ce même peuple. Une femme politique ne peut en principe pas se faire représenter pendant les séances de son conseil, car il n'existe généralement 14 pas de système de suppléance dans les conseils. Pour les séances de commission, à quelques exceptions près15, une suppléance est prévue. La situation actuelle est donc insatisfaisante non seulement pour les femmes concernées, mais aussi pour les électeurs et les électrices, dont les intérêts ne peuvent être défendus si leur élue ne peut pas faire valoir leur voix au Parlement. Elle n'est pas bénéfique non plus pour le Parlement en tant qu'institution. En Suisse, l'activité parlementaire n'est pas une activité professionnelle principale. La plupart des parlementaires exercent une profession. Les mères ne sauraient perdre l'allocation de maternité à laquelle elles ont droit au titre de cette activité professionnelle.

Pour cette raison, à tous les échelons fédéraux, la participation des députées à des séances de leur conseil et de leurs commissions pour lesquelles une suppléance n'est pas prévue ne doit pas mettre fin au droit à l'allocation de maternité. La présente modification législative vise à adapter les dispositions concernées de la LAPG.

La perte de gain consécutive à un congé de paternité ou de maternité est certes indemnisée dans les deux cas par le régime des allocations pour perte de gain, mais les congés en eux-mêmes ne prennent pas la même forme. Pour la mère, le congé débute directement à la naissance de l'enfant, dure quatorze semaines et ne peut être pris qu'en bloc (art. 329f du code des obligations, CO)16. Le congé de paternité, d'une durée de deux semaines, peut quant à lui être pris dans les six mois qui suivent la naissance de l'enfant, sous la forme de semaines ou de journées (art. 329g CO). Les parlementaires qui veulent prendre leur congé de paternité peuvent donc faire valoir leur droit des jours où ils n'ont pas de séances. Les mères n'ayant pas cette possibilité, la règlementation proposée ne concerne que l'allocation de maternité.

4

Commentaire des dispositions

4.1

Loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG)

Art. 16d, al. 3 Si, durant son congé de maternité, une mère participe à des séances de conseil ou de commission d'un législatif au niveau fédéral, cantonal ou communal pour lesquelles une suppléance n'est pas prévue, cela ne doit plus être considéré comme une reprise de l'activité lucrative. C'est pourquoi l'al. 3 est adapté. La participation à ce type de séances n'entraîne donc plus la fin anticipée du droit à l'allocation de maternité selon l'art. 16b. Cette règle s'applique indépendamment du fait que la mère soit indemnisée 14 15

16

Une suppléance est prévue dans les cantons de Genève, des Grisons, du Jura, de Neuchâtel et du Valais.

À l'échelon fédéral, les membres de la Commission de gestion et les membres d'une commission d'enquête parlementaire ne peuvent par ex. se faire remplacer ni en commission, ni en sous-commission (art. 18 du règlement du Conseil national; art. 14 du règlement du Conseil des États).

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ou non pour sa participation (forfait annuel et/ou jetons de présence). De même, le fait que le mandat politique soit exercé à titre d'activité principale ou accessoire est sans importance.

Cette réglementation ne concerne que les élues d'un organe législatif et s'applique aux séances de conseil comme aux séances de commission parlementaire si aucune possibilité de se faire remplacer à ces séances n'existe.

Les mères concernées devraient joindre à la demande d'allocation de maternité soumise à la caisse de compensation une attestation fournie par le service compétent, selon laquelle aucune suppléance n'est prévue pour les séances auxquelles elles ont participé. En effet, la caisse de compensation ne sait pas si la mère peut se faire remplacer dans son activité politique. Et face à la quantité de dossiers d'allocation de maternité, on ne peut pas imputer aux caisses de compensation la responsabilité de procéder à des contrôles. D'autant moins qu'en Suisse, il n'existe pas de système homogène de suppléance pour les mandats législatifs cantonaux et, surtout, communaux.

5

Conséquences

5.1

Conséquences financières pour le régime des APG

Les registres ne livrent pas de données correspondantes. Une estimation effective des coûts n'est donc pas possible. On peut toutefois supposer que les coûts resteraient infimes, étant donné que seules les mères exerçant un mandat politique au niveau fédéral, cantonal ou communal durant leur congé de maternité seraient concernées.

5.2

Conséquences financières pour la Confédération et les cantons

Les prestations du régime des APG sont financées au moyen de cotisations salariales versées à parts égales par l'employeur et par le salarié. La Confédération et les cantons ne participent donc au financement des APG qu'en leur qualité d'employeurs.

Il est possible que la modification prévue ait peu de conséquences pour les processus administratifs des organes d'exécution et que, dans certaines circonstances, elle conduise à une légère charge supplémentaire pour les caisses de compensation, car cellesci doivent vérifier que la mère a bien transmis l'attestation prouvant qu'aucune suppléance n'est prévue pour la séance. Il peut également arriver qu'elles doivent réclamer cette attestation.

5.3

Conséquences sociales

La nouvelle disposition s'applique uniquement aux mères qui exercent un mandat parlementaire durant leur congé de maternité. L'exception prévue ne s'appliquera pas aux mères qui souhaitent reprendre prématurément leur activité lucrative durant le congé de maternité.

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Compatibilité avec les obligations internationales

L'instrument international concerné en l'espèce est la Convention n° 183 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la protection de la maternité17. Conformément à la possibilité offerte par l'art. 2, par. 2 de cette convention, la Suisse ne l'applique pas aux travailleuses et aux activités exclues du champ d'application de la LTr.

Or, les fonctions politiques n'impliquent aucune relation de travail et ne sont de ce fait pas soumises à la LTr. Vu ce qui précède, la Convention n° 183 de l'OIT ne s'applique pas au présent projet, qui ne pose dès lors pas de problème au regard des obligations internationales de la Suisse.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

La modification proposée de la LAPG se fonde sur l'art. 116, al. 3, de la Constitution fédérale (Cst.)18. Cette disposition ne définit ni le genre, ni l'ampleur des prestations d'assurance en cas de maternité, offrant ainsi au législateur une large marge de manoeuvre. La modification législative proposée par la commission est conforme à la Constitution.

7.2

Forme de l'acte à adopter

L'acte prend la forme d'une loi fédérale ordinaire au sens de l'art. 164 Cst.

7.3

Délégation de compétences législatives

La présente modification ne prévoie pas de nouvelles normes de délégation pour le Conseil fédéral.

17 18

RS 0.822.728.3 RS 101

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