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16.498 Initiative parlementaire Soumettre les infrastructures stratégiques du secteur énergétique à la lex Koller Rapport explicatif de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national du 28 mars 2023

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

28 mars 2023

Pour la commission: Le président, Jacques Bourgeois

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Condensé L'initiative parlementaire 16.498 Badran demande que les infrastructures stratégiques du secteur énergétique, notamment les centrales hydrauliques, les réseaux électriques et les réseaux de gaz, soient soumises à la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE ou lex Koller; RS 211.412.41).

Les infrastructures de réseau du secteur énergétique sont des infrastructures de monopole, qui bénéficient à ce titre d'une rente. Les équipements hydrauliques et les réseaux revêtent en outre une importance stratégique pour l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement. La vente à des personnes à l'étranger au sens de la lex Koller de ces infrastructures essentielles à la bonne marche de la Suisse doit donc être exclue pour des raisons d'intérêt général. Il s'agit d'empêcher que ces personnes puissent mettre la main sur des infrastructures clés du secteur énergétique et évincer des investisseurs nationaux, mais aussi que des recettes soient redistribuées à l'étranger. Si la situation le justifie, des exceptions pourront être consenties dans le cadre de la lex Koller, dont l'adaptation est nécessaire.

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Table des matières Condensé

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Genèse

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Contexte 2.1 Droit en vigueur 2.2 Nécessité d'agir et objectifs visés 2.3 Résultats de la consultation

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Droit comparé et rapport avec le droit européen

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Grandes lignes du projet

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Commentaire article par article 5.1 Modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger 5.2 Modification d'autres actes 5.2.1 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) 5.2.2 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) 5.2.3 Loi du 22 décembre 1916 sur les forces hydrauliques (LFH) 5.2.4 Loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire (LENu) 5.2.5 Loi du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE) 5.2.6 Loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl) 5.2.7 Loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC)

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Conséquences

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Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité et légalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Délégation de compétences législatives 7.6 Protection des données

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Loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE) (Projet)

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Rapport 1

Genèse

Le 16 décembre 2016, la conseillère nationale Jacqueline Badran a déposé l'initiative parlementaire 16.4981, qui demande que les infrastructures stratégiques du secteur énergétique, notamment les centrales hydrauliques, les réseaux électriques et les réseaux de gaz, soient soumises à la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE ou lex Koller)2. Elle justifie sa demande notamment par le fait que les infrastructures de réseau du secteur énergétique sont des infrastructures de monopole et qu'elles bénéficient à ce titre d'une rente. Les équipements hydrauliques et les réseaux revêtent en outre une importance stratégique pour l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement. La vente de ces infrastructures à des personnes à l'étranger au sens de la LFAIE doit donc être exclue pour des raisons d'intérêt général. Des exceptions pourront toutefois toujours être consenties dans le cadre de la lex Koller, dont l'adaptation est nécessaire.

La Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-N) a décidé, le 23 janvier 2018, lors de l'examen préalable, de donner suite à l'initiative par 13 voix contre 9 et une abstention. Elle a estimé qu'il était légitime de réfléchir au danger que pourrait représenter une mainmise étrangère sur des infrastructures d'une importance capitale pour l'approvisionnement de la Suisse en énergie et qu'il convenait d'analyser, dans un premier temps, la situation ainsi que les instruments juridiques qui pourraient permettre d'assurer une protection contre les investissements étrangers indésirables. La question s'est posée de savoir si la lex Koller, qui a pour vocation première de réglementer la vente de biens fonciers (en particulier de logements) à des personnes à l'étranger, représentait le moyen adéquat pour y parvenir.

Son homologue du Conseil des États a approuvé à l'unanimité cette décision le 20 mars 2018. Constatant que les investissements étrangers dans le domaine de l'énergie étaient en constante augmentation, elle a jugé qu'il était nécessaire d'analyser la situation dans le détail, et notamment d'examiner si le système actuel des concessions était encore à même de préserver les intérêts du pays ou s'il convenait de créer des instruments permettant de
contrôler la participation étrangère dans le secteur de l'énergie, en particulier en prévision d'une ouverture du marché de l'électricité. Tout en relevant que la Suisse tirait également des bénéfices des investissements étrangers, elle a estimé que la question était d'une grande complexité et devait faire l'objet d'une analyse approfondie, incluant éventuellement d'autres domaines stratégiques.

La CEATE-N a d'abord consacré entre 2018 et 2020 quatre séances au projet, lors desquelles elle a également analysé plusieurs possibilités de réglementations (ajouts dans plusieurs lois sur l'énergie) et l'inclusion d'autres secteurs stratégiques comme

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16.498 Initiative parlementaire Badran Jacqueline ­ Soumettre les infrastructures stratégiques du secteur énergétique à la lex Koller.

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le domaine TIC3. Lors des délibérations qui ont eu lieu en mai 2020, elle a une nouvelle fois constaté la nécessité de protéger les infrastructures critiques du secteur énergétique d'une acquisition par des étrangers. Elle a toutefois décidé d'atteindre cet objectif par le biais d'une motion. Elle a ainsi déposé la motion 20.3461 «Protection des infrastructures critiques», qui charge le Conseil fédéral d'élaborer les bases légales pour le contrôle des investissements dans les infrastructures critiques, suite à quoi elle a suspendu ses travaux relatifs à l'initiative parlementaire 16.498. Le Conseil national a accepté le 19 juin 2020 de prolonger de deux ans, soit jusqu'à la session de printemps 2022, le délai imparti pour le traitement de l'initiative (art. 111, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl]4).

Le Conseil fédéral a proposé le 12 août 2020 d'accepter la motion de commission 20.3461, car cette dernière se recoupait largement avec la motion 18.3021 Rieder Beat5, qui chargeait déjà en mars 2020 le Conseil fédéral de créer les bases légales pour le contrôle des investissements étrangers. Le Conseil national a à nouveau renvoyé la motion de commission à la CEATE-N le 16 décembre 2020, accompagnée du mandat d'examiner la demande formulée dans la motion dans le cadre de l'élaboration de l'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire 16.498. Le 25 janvier 2021, la CEATE-N a décidé de retirer la motion 20.3461. Les travaux relatifs à l'initiative parlementaire 16.498 ont alors repris.

La CEATE-N s'est par la suite penchée, dans le cadre de trois autres séances, sur l'élaboration du présent avant-projet de modification de la LFAIE. Le 11 octobre 2021, elle a adopté ce dernier par 15 voix contre 9 et l'a envoyé en consultation. Après avoir analysé les résultats de la consultation, la commission a décidé de ne pas modifier l'avant-projet. Elle l'a donc adopté à sa séance du 28 mars 2023, par 15 voix contre 8.

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Contexte

2.1

Droit en vigueur

La lex Koller limite l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger dans le but de prévenir l'emprise étrangère sur le sol suisse (art. 1 LFAIE). Ce type d'acquisition est subordonné à une autorisation de l'autorité cantonale compétente (art. 2, al. 1, LFAIE), qui n'est accordée que pour les motifs prévus dans la LFAIE ou par les cantons, dans la mesure où cette dernière les y habilite (art. 3 LFAIE). L'assujettissement d'un acte juridique au régime de l'autorisation au sens de la LFAIE est en principe soumis à trois conditions cumulatives: -

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L'acquéreur doit être une «personne à l'étranger» au sens de la LFAIE (assujettissement subjectif). Il peut s'agir aussi bien d'une personne physique (art. 5, al. 1, let. a, abis et d, LFAIE) que d'une personne morale ou d'une société sans personnalité juridique mais ayant la capacité d'acquérir (art. 5, al. 1, Technologies de l'information et de la communication.

RS 171.10 18.3021 Motion Rieder Beat ­ Protéger l'économie suisse en contrôlant les investissements.

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let. b à d, LFAIE). Les critères déterminants sont, dans le cas d'une personne physique, la nationalité, l'autorisation de séjour et le lieu de domicile effectif et, dans le cas d'une personne morale ou d'une société sans personnalité juridique mais ayant la capacité d'acquérir, le siège ainsi qu'une éventuelle domination par des personnes à l'étranger. Selon l'art. 6 LFAIE, on parle de position dominante lorsqu'une personne à l'étranger peut, en raison de l'importance de sa participation financière, de l'étendue de son droit de vote ou pour d'autres raisons, exercer, seule ou avec d'autres personnes à l'étranger, une influence prépondérante sur l'administration ou la gestion.

-

L'acte juridique doit avoir pour objet un immeuble soumis à une autorisation (assujettissement objectif selon l'affectation de l'immeuble), les immeubles destinés à l'exercice d'une activité économique (immeubles servant d'établissements stables) pouvant toutefois être acquis (également comme de purs placements de capitaux pour être loués ou affermés à des tiers) sans autorisation (art. 2, al. 2, let. a, LFAIE);

-

Le droit obtenu doit être assimilé à une acquisition d'immeuble au sens de la LFAIE (assujettissement objectif selon le type de droit). Cela concerne non seulement l'inscription de la propriété foncière au registre foncier, mais aussi ­ suivant le principe de l'appréciation économique ­ tout acte juridique qui confère à une personne à l'étranger une position analogue à celle du propriétaire d'un immeuble. Déjà le financement de l'acquisition d'un immeuble par une personne à l'étranger peut, par exemple, donner lieu à un assujettissement au régime de l'autorisation (art. 4, al. 1, let. g, LFAIE, en relation avec l'art. 1, al. 2, let. b, de l'ordonnance du 1er octobre 1984 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger [OAIE]6).

Si l'acquéreur ne peut d'emblée exclure l'assujettissement de l'acte juridique au régime de l'autorisation, il doit demander l'autorisation auprès de l'autorité compétente ou faire constater qu'aucune autorisation n'est requise (art. 17, al. 1, LFAIE). Dans le cas d'un acte juridique soumis à une autorisation, aucune inscription au registre foncier ni aucune acquisition en dehors de ce registre (par ex. un transfert d'actions) ne sont possibles tant qu'aucune autorisation passée en force n'est présentée. Si l'office du registre foncier, l'office du registre du commerce ou l'autorité chargée des enchères ne peut d'emblée exclure l'assujettissement, il doit renvoyer l'acquéreur devant l'autorité compétente (art. 18 et 19 LFAIE).

Les parties contractantes et d'autres personnes ayant un intérêt digne de protection peuvent attaquer les décisions de l'autorité cantonale qui accorde les autorisations auprès de l'instance cantonale de recours. Les décisions de cette dernière peuvent, à leur tour, faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. Le même droit est réservé à la commune sur le territoire de laquelle l'immeuble est situé et à l'autorité cantonale habilitée à cet effet ou, si celle-ci renonce à recourir, à l'Office fédéral de la justice (OFJ) (art. 20 et 21 LFAIE). S'il s'agit d'une acquisition pour laquelle l'acquéreur est dispensé d'une autorisation en raison de l'intérêt supérieur de la Confédération ou si l'acquisition est contraire aux intérêts supérieurs du pays, auquel cas l'autorisation doit être refusée, cette décision est prise par le Conseil fédéral, après avoir consulté le 6

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gouvernement cantonal intéressé. Dans ces cas, il statue en première et dernière instance (art. 16 LFAIE).

Un acte juridique assujetti au régime de l'autorisation est frappé de nullité lorsque l'autorisation est refusée ou révoquée, lorsque la réquisition d'inscription au registre foncier est écartée ou lorsque l'acquéreur exécute l'acte juridique sans demander une autorisation ou avant que celle-ci n'entre en force. En cas de nullité, les prestations promises ne sont pas exigibles mais les prestations fournies peuvent être répétées dans le délai d'une année (art. 26 LFAIE). Si les parties ne prennent pas les mesures nécessaires d'elles-mêmes, l'autorité cantonale habilitée à recourir ou, si elle n'agit pas, l'OFJ doit intenter une action en rétablissement de l'état antérieur ou demander une réalisation forcée (art. 27 LFAIE). Toute personne qui commet un acte visant à éluder le régime de l'autorisation ou une autre infraction s'expose à des sanctions pénales (art. 28 ss LFAIE).

2.2

Nécessité d'agir et objectifs visés

L'initiative parlementaire 16.498 demande que l'acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique (notamment les centrales hydrauliques, les réseaux électriques et les réseaux de gaz) soit assujettie au régime de l'autorisation et donc à la lex Koller, comme l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Il s'agit d'empêcher que des particuliers de nationalité étrangère ne résidant pas en Suisse ainsi que des entreprises en mains étrangères ou d'autres États puissent acquérir librement des infrastructures d'intérêt stratégique qui sont essentielles à la bonne marche du pays, que des investisseurs nationaux potentiels (par ex., les caisses de pension suisses) se retrouvent ainsi évincés et que des recettes soient redistribuées à l'étranger.

La plupart des infrastructures énergétiques, telles que les réseaux à haute tension et de distribution, jouissent d'un monopole naturel et devraient être en mains publiques au motif qu'elles ne doivent pas être exploitées sous un régime de concurrence et qu'elles profitent de quantités ainsi que de prix administrés. Les sites de production importants, tels que les usines hydrauliques, peuvent très bien, à ses yeux, être organisés de manière concurrentielle, mais ils constituent, au vu de l'importance capitale qu'ils revêtent pour la sécurité de l'approvisionnement, des biens essentiels («too important to fail»). Il existe une obligation de production et de consommation, raison pour laquelle il y a une élasticité des prix extrêmement faible, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande.

Le risque que des dividendes soient versés aux actionnaires dans les périodes prospères mais que les contribuables et les consommateurs d'électricité doivent passer à la caisse dans des périodes plus difficiles amène également à accorder une attention particulière au régime de propriété. Il convient en effet de s'y intéresser de près si l'on veut empêcher que de l'argent public ne s'envole à l'étranger vers des fonds publics ou spéculatifs qui investissent dans des biens essentiels suisses. Il s'agit d'éviter que les consommateurs suisses alimentent des fonds étrangers. Si l'on veut rester fidèle à la philosophie qui sous-tend la lex Koller pour le marché immobilier et foncier, il faut éviter d'en arriver, s'agissant des infrastructures énergétiques, à un bradage du sol national ou des biens nationaux, à une éviction des investisseurs nationaux qui utili7 / 40

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sent les infrastructures pour leurs propres besoins, et non pas, par exemple, à des fins d'investissement, et à une perte des recettes issues de ces biens essentiels au profit de l'étranger. Les équipements hydrauliques et les réseaux revêtent en outre une grande importance stratégique pour l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement.

Telles sont les raisons pour lesquelles l'acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique par des personnes à l'étranger doit également être exclue. Une réglementation doit être insérée à cet effet dans la lex Koller, car cette loi contient déjà les instruments de contrôle adéquats pour éviter que des acheteurs nationaux et locaux se retrouvent évincés. Le projet n'entend toutefois pas interdire ce type d'acquisition mais le soumettre à une autorisation, laquelle ne sera accordée que si les intérêts économiques de la Suisse ou ses intérêts en matière d'approvisionnement énergétique tout comme l'intérêt supérieur du pays le permettent.

Le Conseil fédéral travaille actuellement à l'élaboration d'un projet visant à mettre en oeuvre la motion 18.3021 Rieder Beat («Protéger l'économie suisse en contrôlant les investissements»), qui entend toutefois atteindre les objectifs visés par une autre approche. Au lieu d'exclure la vente de ces infrastructures à des personnes à l'étranger et de ne l'autoriser que si elle sert les intérêts de la Suisse, comme le prévoit le présent projet, c'est la solution inverse qui a été choisie dans le cas du contrôle des investissements: ces derniers seront autorisés à moins qu'il ne soit démontré qu'ils nuisent à ses intérêts (par ex. à la sécurité intérieure, à la sécurité de l'approvisionnement, etc.).

Le contrôle des investissements concernera différents secteurs, dont celui de l'énergie.

2.3

Résultats de la consultation

La procédure de consultation s'est déroulée du 3 novembre 2021 au 17 février 2022: les partis et organisations invités à y participer ainsi que les autres milieux intéressés ont pu faire part de leur avis sur l'avant-projet7. En tout, la commission a reçu 91 réponses, dont 13 déclarations expresses de renonciation à prendre position ou d'abstention. Dix avis, dont deux émanant de cantons, sont favorables au projet sans aucune réserve ou sur le principe. Vingt-huit autres participants, dont 18 cantons, approuvent certes l'orientation du projet, notamment la volonté de protéger les infrastructures contre les rachats étrangers afin de garantir la sécurité de l'approvisionnement, mais ils rejettent le recours à la lex Koller. Quarante participants, dont 6 cantons, rejettent le projet en bloc. Parmi les partis politiques siégeant à l'Assemblée fédérale, deux ont approuvé l'orientation du projet, un parti y est favorable, mais rejette le recours à la lex Koller, et deux autres partis rejettent le projet sur le principe. L'essentiel des participants se contente de donner un avis général favorable ou défavorable au projet.

Seul un petit nombre d'entre eux détaillent leur position sur des points précis. La commission considère que le projet qu'elle présente est cohérent et permettra d'atteindre les objectifs fixés. Elle a donc décidé de le soumettre tel quel à son conseil.

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Droit comparé et rapport avec le droit européen

En réponse aux postulats 18.3376 Bischof8 et 18.3233 Stöckli9, le Conseil fédéral a demandé récemment une analyse sur les modèles de contrôle des investissements étrangers dans d'autres pays. Nous renvoyons ici au chapitre 8 du rapport du Conseil fédéral du 13 février 2019 intitulé «Investissements transfrontaliers et contrôles des investissements». L'aperçu qui y est donné se fonde notamment sur une étude de l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) du 20 décembre 2018, consacrée aux restrictions aux investissements dans les autres pays10.

Il convient également de mentionner ici le règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union, qui est en vigueur depuis le 11 octobre 2020. Ce règlement prévoit un dispositif de coopération qui consiste, pour l'essentiel, en un système d'échange d'informations entre les États membres de l'UE et la Commission européenne. Il s'agit ici de partager des préoccupations à l'égard d'investissements directs étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public de l'UE et de ses membres. Ce règlement ne remet aucunement en cause les réglementations nationales en matière de contrôle des investissements. Son art. 4 contient une liste non exhaustive de facteurs pouvant être pris en considération pour déterminer si la sécurité ou l'ordre public sont menacés. Parmi ces facteurs figurent les effets potentiels sur les infrastructures critiques (y compris concernant l'énergie), sur les technologies critiques (y compris le stockage de l'énergie), sur l'approvisionnement en intrants essentiels (y compris l'énergie), sur l'accès à des informations sensibles et sur la liberté et le pluralisme des médias.

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Grandes lignes du projet

Le projet élaboré par la CEATE-N prévoit d'introduire dans la lex Koller une obligation d'autorisation pour l'acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique, comme c'est le cas pour l'acquisition d'immeubles.

La LFAIE en vigueur réglementant exclusivement l'acquisition d'immeubles, il faut introduire dans cette loi des règles spécifiques, applicables par analogie à l'acquisition d'infrastructures énergétiques, mais aussi des règles qui n'étaient jusque-là pas prévues. En particulier, la procédure d'autorisation cantonale qui existe actuellement lors de l'acquisition d'immeubles ne semble pas adaptée s'agissant des infrastructures énergétiques. C'est la raison pour laquelle il faut créer une nouvelle procédure distincte au niveau fédéral pour ce type d'acquisition. Il convient de souligner que la nouvelle réglementation n'aura aucune conséquence sur l'acquisition d'immeubles 8 9 10

18.3376 Postulat Bischof Pirmin - Reprise d'entreprises par des investisseurs étrangers.

L'absence totale de contrôle est-elle encore tenable?

18.3233 Postulat Stöckli Hans ­ Surveillance des investissements étrangers.

Le rapport du Conseil fédéral du 13.02.2019 et l'avis de l'ISDC du 20.12.2018 (avis disponible en allemand uniquement avec un résumé en français) sont disponibles à l'adresse suivante: https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Aussenwirtschaftspolitik_ Wirtschaftliche_Zusammenarbeit/Wirtschaftsbeziehungen/Internationale_Investitionen/ Auslandsinvestitionen/Investitionskontrollen.html (état au 28.09.2021).

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par des personnes à l'étranger ni sur la procédure qui lui est associée, mis à part si ces immeubles servent à la construction, à l'exploitation ou à l'administration d'une infrastructure stratégique du secteur énergétique (cf. art. 4b, al. 1, let. b AP-LAIIE).

Leur acquisition sera soumise à la nouvelle procédure de droit fédéral prévue pour les infrastructures stratégiques du secteur énergétique. Par ailleurs, il ne faut pas voir dans la modification de la LFAIE une occasion pour le législateur de clarifier ou régler (de façon tacite) certains aspects de l'acquisition d'immeubles.

Le projet assujettit au régime de l'autorisation l'acquisition des infrastructures stratégiques suivantes du secteur énergétique (ci-après «infrastructures énergétiques»): -

les usines visées par la loi du 22 décembre 1916 sur les forces hydrauliques (LFH)11;

-

les installations de transport par conduites servant à transporter du com-bustible ou carburant gazeux visées à l'art. 1, al. 2, de la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC)12 qui sont soumises à la surveillance de la Confédération (art. 16, al. 1, LITC);

-

le réseau de transport et les réseaux de distribution d'électricité visés par la loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl)13;

-

les centrales nucléaires visées par la loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire (LENu)14.

L'acquisition d'une infrastructure énergétique est autorisée uniquement si les intérêts économiques de la Suisse ou ses intérêts en matière d'approvisionnement énergétique tout comme l'intérêt supérieur du pays le permettent. La compétence en matière d'autorisation incombe au Conseil fédéral, qui statue en première et dernière instance.

Comme pour l'acquisition d'immeubles, ce n'est pas seulement l'acquisition de la propriété «classique» qui sera objectivement soumise à une autorisation mais aussi l'acquisition de tout type de droit qui confère à son acquéreur une position analogue à celle d'un propriétaire. Ainsi, la participation (fonds propres) et le financement (capitaux de tiers) étrangers d'une personne morale ayant son siège en Suisse et dont le but réel est l'exploitation d'une infrastructure énergétique pourront également être assujettis au régime de l'autorisation. Toute acquisition d'une part de cette personne morale ne sera toutefois pas soumise à une autorisation; elle le sera uniquement si elle crée une position dominante d'une ou plusieurs personnes à l'étranger ou, dans le cas où ces personnes auraient déjà une position dominante, si elle la renforce. Une minorité de la Commission préconise que toute acquisition d'une part soit soumise au régime de l'autorisation. Contrairement à l'acquisition de parts de sociétés immobilières, l'acquisition de parts d'une société cotée auprès d'une bourse en Suisse, dont le but réel est l'exploitation d'une infrastructure énergétique, ne bénéficie pas d'un traitement privilégié. Sera également soumise à une autorisation l'acquisition d'une concession ou d'autres droits pour la construction ou l'exploitation d'une infrastructure énergétique (approbation des plans ou autorisations d'exploiter, notamment).

11 12 13 14

RS 721.80 RS 746.1 RS 734.7 RS 732.1

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Les personnes à l'étranger au sens de la LFAIE sont assujetties subjectivement au régime de l'autorisation. Une réserve concernant les traités internationaux est toutefois formulée s'agissant de l'acquisition d'infrastructures énergétiques: toute acquisition par des personnes autorisées à réaliser des investissements dans le secteur énergétique sur la base d'engagements internationaux pris par la Suisse sera possible sans autorisation sauf si elle constitue une menace grave de l'ordre et de la sécurité publics de la Suisse et si les dispositions d'exception figurant dans la convention internationale concernée sont applicables. Le nouveau régime introduit par l'initiative parlementaire pour les infrastructures énergétiques ne vaut que pour l'avenir. Les personnes à l'étranger qui détiennent à ce jour des parts d'une telle infrastructure ne sont pas concernées par ce nouveau régime dans la mesure où elles ne doivent rien changer à la situation actuelle.

Si l'assujettissement au régime de l'autorisation ne peut d'emblée être exclu, l'acquéreur devra, de sa propre responsabilité, demander l'autorisation auprès de l'autorité compétente ou faire constater qu'il n'est pas assujetti. En cas d'acquisition d'un immeuble, l'office du registre foncier examine sommairement s'il y a assujettissement au régime de l'autorisation. Il n'existe cependant pas d'équivalent au registre foncier pour les infrastructures énergétiques. Autrement dit, il n'est pas nécessaire d'inscrire le transfert de propriété dans un registre. C'est la raison pour laquelle il est prévu que, outre les offices du registre foncier et du registre du commerce, les autorités compétentes en matière de concessions (en général les cantons) ainsi que les autorités chargées d'octroyer les autorisations d'exploiter pour les installations de transport par conduites ou les centrales nucléaires (en général l'Office fédéral de l'énergie [OFEN] ou le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication [DETEC]) assument également cette tâche, et qu'en cas de doute sur l'obligation d'autorisation, elles renvoient au Conseil fédéral, qui est compétent en la matière. Par ailleurs, une obligation de communiquer supplémentaire, qui n'était jusque-là pas prévue par la lex Koller, est introduite, selon laquelle les détenteurs
et les exploitants des infrastructures énergétiques ­ indépendamment de toute acquisition par des personnes à l'étranger ­ devront communiquer à l'OFEN, une fois par an au moins, leurs rapports de participation et de financement dans les infrastructures concernées.

Si une infrastructure énergétique a été acquise sur la base d'un acte juridique nul en raison de défaut d'autorisation, l'acquéreur sera tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir l'état antérieur ou, si le rétablissement de l'état antérieur se révèle impossible ou inapproprié, pour faire cesser de toute autre manière l'état illicite. Le Conseil fédéral s'emploiera à rétablir l'état antérieur, si nécessaire en ordonnant des mesures appropriées. Certaines infractions à la LFAIE sont passibles de sanctions.

Le projet et les commentaires qui suivent au ch. 5.1 ne portent que sur les dispositions de la LFAIE qu'il est nécessaire de modifier. À l'exception de la procédure (chapitre 4 LFAIE), qu'il convient de créer pour l'acquisition d'infrastructures énergétiques et qui sera réglée au niveau fédéral (nouveau chapitre 4a), les autres dispositions de la LFAIE (chapitres 1 à 3, 5 et 6) vaudront également pour ce type d'acquisition, pour autant que leur libellé ou le projet n'en disposent autrement. Parmi les dispositions d'exécution qui figurent dans l'OAIE, seul l'art. 2 s'appliquera par analogie. Certaines 11 / 40

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dispositions de l'ordonnance ont été rehaussées au niveau de la loi. Pour interpréter les dispositions de la LFAIE en vigueur qui s'appliquent directement ou par analogie, l'on peut se référer à la jurisprudence et à la pratique développées à ce jour en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger.

Une minorité de la Commission (Jauslin, Bäumle, Flach, Paganini, Roduit, Vincenz, Wismer Priska) propose de ne pas entrer en matière sur l'initiative parlementaire 16.498. La minorité de la Commission souhaite protéger les infrastructures stratégiques, mais considère que l'approche choisie via la lex Koller n'est pas apte à atteindre l'objectif visé, notamment parce qu'elle va au-delà des problèmes réels à résoudre en matière de protection des infrastructures stratégiques, qu'elle s'accompagne d'une grave atteinte à la liberté économique et qu'elle risque d'être inefficace en raison des possibilités de contournement liées aux obligations internationales de la Suisse. La minorité de la Commission voit également sa proposition renforcée par les résultats de l'analyse d'impact de la réglementation (voir point 6), qui considère que les préoccupations de l'initiative parlementaire 16.498 sont déjà largement prises en compte par la réglementation existante et s'attend à une tendance aux effets négatifs pour l'attractivité de la place économique suisse et la qualité de ses infrastructures.

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Commentaire article par article

5.1

Modification de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger

Titre Le titre d'un acte normatif doit couvrir la totalité de la matière réglée. L'extension du champ d'application de la lex Koller (aux acquisitions d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique) doit donc ressortir du titre. L'abréviation date de 1983 et se réfère au titre de l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (RO 1961 209). Contrairement à l'abréviation allemande, les abréviations française («LFAIE») et italienne («LAFE») renvoient déjà, sous leur forme actuelle, aux termes clés d'«acquisition», d'«immeubles» et d'«étranger»; il faut toutefois qu'elles couvrent désormais aussi la notion d'«infrastructures».

Art. 1 Le droit en vigueur a pour but de prévenir l'emprise étrangère sur le sol suisse. L'assujettissement des infrastructures énergétiques à la lex Koller poursuit néanmoins d'autres buts, notamment celui de protéger les infrastructures de monopole d'une importance cruciale pour l'indépendance énergétique et la sécurité de l'approvisionnement de la Suisse (voir à ce propos le ch. 2.2). Il est pour ce faire nécessaire d'adapter, et plus précisément de compléter l'article énonçant le but de l'acte. Le champ d'application matériel (art. 4a) ne couvre cependant pas que les infrastructures de monopole.

La LAAIE fera certes qu'une personne à l'étranger pourra ou non devenir propriétaire d'une infrastructure énergétique, comme c'est le cas aujourd'hui d'un immeuble, mais 12 / 40

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son champ d'influence s'arrêtera là. Le fait qu'une telle infrastructure réponde aux conditions garantissant un approvisionnement sûr et suffisant relèvera de la législation spéciale qui s'applique dans chacun des secteurs concernés.

Art. 2, al. 1 et 4 L'acquisition d'infrastructures énergétiques par des personnes à l'étranger est soumise au régime de l'autorisation par l'al. 1. L'autorité compétente est fixée au chapitre 4 pour ce qui est de l'acquisition d'immeubles et au nouveau chapitre 4a pour ce qui est de l'acquisition d'infrastructures énergétiques; c'est le Conseil fédéral qui est compétent dans ce dernier cas. L'autorisation n'est accordée que pour les motifs prévus dans la loi (art. 3, al. 1, LFAIE). Les cantons ne peuvent pas (contrairement à ce que dispose l'art. 3, al. 2, LFAIE pour l'acquisition d'immeubles) prévoir des motifs supplémentaires d'octroi de l'autorisation et des restrictions plus sévères dans le cas de l'acquisition d'infrastructures énergétiques.

Selon l'art. 2, al. 2, let. a, LFAIE, une personne à l'étranger n'a pas besoin d'une autorisation si elle acquiert un immeuble servant d'établissement stable pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelqu'autre industrie ainsi que pour exercer une activité artisanale ou une profession libérale. Un immeuble servant à l'exploitation d'une infrastructure énergétique devrait donc, selon toute logique, être exempté d'autorisation en vertu de cette clause. Une personne à l'étranger pourrait alors exercer une influence sur l'infrastructure en acquérant l'immeuble qui sert à son exploitation. L'al. 4 vise à empêcher que le régime de l'autorisation soit contourné de cette manière.

Art. 4, al. 1, let. cbis Les abréviations SICAV et SICAV immobilière ont été inscrites dans la loi. Il s'agit ici d'une adaptation purement rédactionnelle.

Art. 4a

Infrastructures stratégiques du secteur énergétique

L'art. 4a définit les infrastructures stratégiques du secteur énergétique, à savoir:

15

-

les usines visées par la LFH, y compris les usines au fil de l'eau et les ouvrages pour exploitation par accumulation (let. a);

-

les installations de transport par conduites servant à transporter du combustible ou carburant gazeux visées par la LITC qui sont soumises à la surveillance de la Confédération. Sont essentiellement concernées les installations dans lesquelles la pression de service maximale admissible est supérieure à 5 bar (art. 1, al. 2, en relation avec l'art. 16, al. 1, LITC et avec l'art. 3 de l'ordonnance du 26 juin 2019 sur les installations de transport par conduites [OITC]15), permettant ainsi de couvrir l'ensemble du réseau suisse de transit et de transport (let. b);

RS 746.11

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-

les réseaux électriques visés par la LApEl, qui comprennent tant le réseau suisse de transport, exploité à l'échelle nationale par la société Swissgrid (art. 18 ss LApEl), que les réseaux de distribution, c'est-à-dire les réseaux électriques à haute, à moyenne ou à basse tension servant à l'alimentation de consommateurs finaux ou d'entreprises d'approvisionnement en électricité (art. 4, al. 1, let. i, LApEl) (let. c);

-

les centrales nucléaires visées par la LENu (let. d).

Les usines hydrauliques les plus importantes requièrent un degré de protection particulièrement élevé, parce que l'arrêt de leur production pourrait avoir de graves conséquences pour la sécurité de l'approvisionnement. Un degré de protection moins élevé devrait suffire pour les usines de moindre importance. C'est pourquoi l'al. 2 dispose que le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour les usines hydrauliques d'une puissance installée inférieure à 20 mégawatt et ainsi exempter d'autorisation leur acquisition par des personnes à l'étranger.

Art. 4b

Acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique

Comme le fait l'art. 4 LFAIE pour l'acquisition d'immeubles, l'art. 4b définit quels types d'acquisition sont soumis à une autorisation lorsque des infrastructures énergétiques sont concernées. Comme le montre déjà la phrase introductive, le projet introduit une nouvelle notion (acquisition d'une infrastructure stratégique du secteur énergétique). L'objectif est de couvrir toutes les possibilités qui permettent, d'un point de vue économique, à une personne de mettre de quelque manière que ce soit la main sur une infrastructure énergétique et d'avoir le pouvoir de fait d'en disposer. Pour prévenir tout acte visant à éluder la loi, il apparaît nécessaire d'adopter une approche économique. Chaque fois que la loi parle d'«acquisition» ou d'«infrastructure du secteur énergétique», il convient d'interpréter ces termes dans ce sens-là. L'on peut et l'on doit même, si c'est nécessaire, prendre ses distances avec la doctrine de droit civil si l'on veut atteindre les objectifs du projet et servir ses intérêts. Il faut toujours se demander si l'acquisition ou le processus envisagé permet, d'un point de vue économique, à une personne à l'étranger de mettre la main sur une infrastructure énergétique, d'y participer et d'avoir le pouvoir effectif d'en disposer. On peut distinguer grosso modo deux types d'acquisition: (1) celui qui vise directement une infrastructure énergétique (en tant que chose ou en tant qu'acquisition de droits pour la construction ou l'exploitation d'infrastructures) et (2) celui où une quelconque structure juridique apparaît entre l'acquéreur et l'infrastructure énergétique. Pour ce deuxième type d'acquisition, des droits conférant à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire sont attribués indirectement par des participations à une telle structure juridique, qui est elle-même titulaire de droits directs sur des infrastructures énergétiques. Ceci dit, le projet subordonne à une autorisation les types d'acquisition suivants: -

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La let. a vise l'acquisition d'un droit de propriété (art. 641 ss du code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC]16), de superficie (art. 779 ss CC) ou d'usufruit (art. 745 ss CC) sur une infrastructure énergétique, soit une chose dans RS 210

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sa totalité (une usine ou une installation in globo) ou des éléments indispensables à son fonctionnement (infrastructure appartenant à l'usine ou à l'installation, comme des bâtiments, etc.). La notion de propriété recouvre en principe aussi la copropriété et la propriété commune. L'assujettissement au régime de l'autorisation de l'acquisition est déterminé par les circonstances existant au moment du transfert de propriété ou de la constitution du droit de superficie ou de l'usufruit.

17

-

La let. b vise l'acquisition d'immeubles au sens de l'art. 4 LFAIE, qui servent à la construction, à l'exploitation ou à l'administration d'une infrastructure énergétique, le but étant d'éviter qu'une personne à l'étranger puisse exercer une influence sur une telle infrastructure ou son exploitation au travers de l'acquisition d'un tel immeuble. Notons que les immeubles servant à l'exploitation des réseaux électriques et des installations de transport par conduites comprennent au sens strict tous les immeubles par lesquels passe une conduite du réseau de transport. Cependant, l'acquisition d'un seul de ces immeubles ne confèrera pratiquement jamais, d'un point de vue économique, à l'acquéreur le pouvoir effectif de disposer de la conduite en question. Il faudra examiner au cas par cas, à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, si elle confère à l'acquéreur une position analogue à celle d'un propriétaire.

-

La let. c couvre divers processus. Les termes utilisés doivent être pris au sens large. Est ainsi soumise à une autorisation l'acquisition d'une concession ou d'autres droits pour la construction ou l'exploitation d'une infrastructure énergétique au sens de l'art. 4a, al. 1, AP-LAIIE. Sont notamment concernées ici les concessions hydrauliques, mais, par exemple aussi, les droits immémoriaux qui s'y rattachent; la concession comprend également le permis de construire, qui fait l'objet d'une même procédure coordonnée. Les processus mentionnés à la let. c doivent, de manière générale, couvrir tant les nouvelles constructions que les modifications ultérieures. S'agissant des installations de transport par conduites par exemple, l'approbation des plans porte sur la construction initiale tandis que l'autorisation d'exploiter couvre à la fois l'exploitation par le détenteur initial et celle par le futur acheteur. En ce qui concerne les centrales nucléaires, cependant, seule l'autorisation d'exploiter entre en ligne de compte dans le cas d'un transfert (art. 106, al. 3, LENu) puisqu'il n'est plus possible de construire de nouvelles centrales. Pour ce qui est des réseaux électriques, seule la construction initiale peut être couverte ­ par le biais de l'approbation des plans selon la loi du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE)17 ­, l'exploitation future ne l'étant pas, car aucune autorisation n'est pour ce faire requise et il serait inapproprié de se référer à l'attribution d'une zone de desserte selon l'article 5 LApEl). En cas de doute quant à l'assujettissement au régime de l'autorisation, toutes les autorités qui accordent de tels droits ­ au premier chef les cantons, dans le cas des usines hydrauliques, et le DETEC ou l'OFEN, dans le cas des autres installations ­

RS 734.0

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sont tenues, conformément à l'art. 24c AP-LAIIE, de renvoyer l'acquéreur au Conseil fédéral.

-

Les let. d et e assujettissent au régime de l'autorisation la participation à une société sans personnalité juridique mais ayant la capacité d'acquérir et dont le but réel est l'acquisition, la construction, l'exploitation ou l'administration d'une infrastructure énergétique («société d'infrastructure»), ainsi que l'acquisition d'une part d'une telle société. Toute participation à une telle infrastructure et toute acquisition d'une part sont soumises au sens strict à une autorisation. Dans ce contexte, il convient néanmoins de renvoyer à l'art. 7, let. k, AP-LAIIE, qui prévoit que des parts peuvent, dans une certaine mesure, être achetées sans autorisation par des personnes à l'étranger.

En ce qui concerne la participation à des sociétés, il convient d'adopter une ligne ferme car le droit de chaque associé en ce qui concerne les actifs d'une société lui confère une prise sur ceux-ci. Tout droit direct ou indirect dont dispose la société sur une infrastructure énergétique est attribué à chaque associé. Ainsi, la participation à des sociétés de personnes doit être soumise à la même norme stricte que les acquisitions directes. Par conséquent, pour répondre à la question de savoir si une infrastructure énergétique fait partie des actifs de la société ou si le but réel de cette dernière est l'acquisition, la construction, l'exploitation ou l'administration d'une telle infrastructure, il ne faudra pas seulement se demander si elle exploite directement une infrastructure, mais tenir compte de l'ensemble des circonstances. L'usufruit sur une infrastructure énergétique ou la détention de parts d'une société qui exploite ellemême une telle infrastructure pourrait également conduire à ce qu'une société holding doive elle-même être qualifiée de «société d'infrastructure», en particulier si l'investissement dans des infrastructures (qu'il soit direct ou indirect au travers de participations à des sociétés d'infrastructure) est le but réel de cette société holding. En conséquence, l'acquisition des parts de cette société sera, elle aussi, soumise à une autorisation. Une interprétation trop étroite de la question de savoir quand une société tombe sous le coup des let. d et e du fait de son but réel pourrait ouvrir la voie à un contournement de la loi. Pour savoir quel est son but réel, il faut tenir compte non
seulement du but formulé vaguement dans les statuts, mais aussi de l'ensemble des circonstances. Selon cette logique, l'acquisition d'une part d'une société sera également assujettie au régime de l'autorisation s'il existe, au moment de cette acquisition, une intention ferme d'acquérir des infrastructures énergétiques à brève échéance et si la part est acquise dans ce but-là. Sinon, il serait facile d'acheter des parts d'une société d'infrastructure qui n'est pas encore active, permettant ainsi à l'acquéreur d'avoir une position dominante dans celle-ci, afin d'acquérir par la suite une infrastructure par le biais de cette société.

La let. e (dernière partie de la phrase) prend par ailleurs en compte l'art. 1, al. 1, let. a, OAIE et précise que la participation à la constitution ou, si par ceci l'acquéreur renforce sa position, à l'augmentation du capital de personnes morales, est également soumise à une autorisation. Cette disposition vaut non seulement pour la participation à la constitution de sociétés qui possèdent déjà des infrastructures énergétiques ou qui ont été constituées par un

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apport en nature, mais aussi dans les cas où il existe, au moment de la constitution, une ferme intention d'acquérir des infrastructures (cf. par analogie l'ATF 109 Ib 95, consid. 4). Elle s'applique également par analogie à l'augmentation du capital.

Contrairement à l'acquisition d'immeubles, l'acquisition de parts d'une personne morale cotée auprès d'une bourse en Suisse n'est pas exemptée de l'obligation d'autorisation (cf. art. 4, al. 1, let. e, LFAIE). Parmi les sociétés qui exploitent une infrastructure énergétique, certaines sont cotées auprès d'une bourse en Suisse. Exempter du régime de l'autorisation l'acquisition de parts de ces sociétés compromettrait la réalisation des objectifs visés par l'initiative parlementaire qui nous occupe ici. Si un investissement étranger dans une société de ce type sert les intérêts économiques de la Suisse ou ses intérêts en matière d'approvisionnement et si aucun intérêt supérieur du pays ne s'y oppose, le Conseil fédéral pourra l'autoriser sans problème (cf. art. 11a AP-LAIIE).

-

Les let. f et g règlementent l'assujettissement au régime de l'autorisation de la participation aux placements collectifs de capitaux ­ sous la forme d'un fonds contractuel («fonds d'infrastructure») ou d'une société d'investissement à capital variable (SICAV) ­ qui investissent dans des infrastructures énergétiques au sens de l'art. 4a, al. 1, AP-LAIIE. Sont bien entendu également concernés les investissements indirects au travers par exemple d'une participation à des sociétés qui exploitent ce type d'infrastructure ou qui détiennent des droits au sens de l'art. 4b, al. 1, AP-LAIIE. La disposition s'appliquera également à un «patrimoine analogue» afin d'éviter que, par une autre forme de placement équivalant sur le plan économique à un fonds ou à une SICAV, des actes visant à éluder la loi soient commis et que des capitaux soient placés de manière indue dans des infrastructures énergétiques (voir déjà en ce qui concerne l'acquisition d'immeubles, l'art. 4, al. 1, let. c et cbis, LFAIE). Comme pour les parts cotées auprès d'une bourse d'une personne morale selon la let. e et pour les mêmes raisons, l'acquisition de parts d'un fonds ou d'actions d'une SICAV faisant l'objet d'un marché régulier sera également soumise à une autorisation, contrairement là encore à ce qui est prévu dans le cas de l'acquisition d'immeubles (cf. art. 4, al. 1, let. c et cbis, LFAIE). L'acquisition de toute part ou action sera, là aussi, assujettie au régime de l'autorisation. Demeure toutefois réservée l'exemption de l'obligation d'autorisation prévue par l'art. 7, let. k, AP-LAIIE.

-

La let. h précise que ce n'est pas seulement l'exercice, mais déjà la constitution d'un droit d'emption, de préemption ou de réméré sur une infrastructure énergétique, sur un immeuble au sens de l'art. 4 LFAIE qui sert à la construction, à l'exploitation ou à l'administration de cette infrastructure ou sur les droits ou les parts au sens des let. c à g, qui est considérée comme une acquisition. Comme pour l'acquisition d'immeubles, la constitution et l'exercice de ces droits sur des infrastructures nécessitent aussi une procédure d'autorisation.

-

La let. i précise que l'acquisition d'une infrastructure énergétique ou de droits selon la let. c, lors d'une reprise d'un patrimoine ou d'une entreprise (art. 181 17 / 40

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de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse [CO]18) ou lors d'une fusion, d'une scission, d'une transformation ou d'un transfert de patrimoine au sens de la loi du 3 octobre 2003 sur la fusion (LFus) 19, sera également assujettie au régime de l'autorisation par analogie avec la disposition d'exécution relative à l'acquisition d'immeubles prévue par le Conseil fédéral à l'art. 1, al. 1, let. b, OAIE.

-

La let. j est une clause générale qui précise que l'acquisition d'autres droits conférant à leur titulaire une position analogue à celle du propriétaire d'une infrastructure sera soumise à une autorisation. L'art. 4a AP-LAIIE a pour but de couvrir également les types d'acquisition qui, dans les faits ou d'un point de vue économique, permettent à l'acquéreur d'avoir une position analogue à celle du propriétaire d'une infrastructure. Sont donc aussi concernés les actes relevant du droit des obligations qui, d'un point de vue purement juridique, ne sont pas susceptibles de conférer une maîtrise de la chose. Les ch. 1 à 3 contiennent, à titre d'exemple, une énumération non exhaustive de types d'acquisition qui sont surtout pertinents pour les immeubles au sens de la lex Koller en vigueur, mais que l'on ne peut complètement exclure pour les infrastructures énergétiques.

Par analogie avec l'art. 4, al. 2, LFAIE, l'al. 2 subordonne à une autorisation le transfert à l'étranger du siège statutaire ou réel d'une personne morale ou d'une société sans personnalité juridique mais ayant la capacité d'acquérir si elle conserve des droits sur une infrastructure énergétique ou des droits au sens de l'art. 4b, al. 1, let. c. À la suite du transfert de son siège à l'étranger, la société devient automatiquement une personne à l'étranger. Elle doit donc aliéner ses droits sur cette infrastructure avant le transfert. Si elle souhaite les conserver, elle devra demander une autorisation conformément à l'art. 11a AP-LAIIE.

Art. 5, al. 1, let. d; art. 6, al. 4 et al. 5, phrase introductive et let. c Toute personne physique de nationalité étrangère n'est pas une personne à l'étranger au sens de la LFAIE; ce qui est déterminant, ce sont notamment la nationalité et le lieu du domicile légalement constitué et effectif. À l'inverse, ce n'est pas parce qu'une société a son siège en Suisse qu'elle ne peut pas être considérée comme une personne à l'étranger; la seule question qu'il faut se poser est celle de savoir si la société est dominée par des personnes à l'étranger au sens de l'art. 6 LFAIE.

Les critères permettant de déterminer si l'acquéreur d'une infrastructure énergétique est une personne à l'étranger sont fixés aux art. 5 et 6 LFAIE et à l'art. 2 OAIE, qui est une disposition d'exécution de l'art. 5 LFAIE. Il faut néanmoins ajouter le terme «infrastructure» à l'art. 5, al. 1, let. d, et à l'art. 6, al. 4 et 5.

Art. 7, let. f bis­h, k et l Les exceptions au régime de l'autorisation prévues à l'art. 7, let. a, LFAIE, par exemple dans le cas d'héritiers légaux, s'appliqueront également dans le domaine de 18 19

RS 220 RS 221.301

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l'acquisition d'infrastructures énergétiques. La nouvelle let. fbis prévoit que l'exception prévue à la let. f ne s'appliquera pas s'agissant de l'acquisition d'une infrastructure énergétique si l'aliénation de cette infrastructure à une corporation ou à un établissement de droit public est ordonnée en tant que mesure en vertu de la présente loi (cf. art. 27a AP-LAIIE).

Il n'est pas proposé d'appliquer par analogie la let. c, selon laquelle l'acquéreur qui est déjà copropriétaire ou propriétaire commun de l'immeuble n'est pas assujetti au régime de l'autorisation. Le but est ici d'éviter qu'une personne à l'étranger qui détient déjà une part d'une infrastructure énergétique puisse à l'avenir en acquérir d'autres, voire toutes, sans autorisation.

Les autres exceptions prévues aux art. 7 et 7a LFAIE, non mentionnées ici, ne sont que peu, voire pas adaptées à l'acquisition d'infrastructures énergétiques. L'intérêt supérieur du pays fait par ailleurs déjà partie des motifs d'autorisation pris en compte lors d'une telle acquisition (art. 11a AP-LAIIE). Des adaptations mineures des let. g et h permettent de préciser que ces dispositions s'appliquent exclusivement à l'acquisition d'immeubles.

La let. k prévoit que, dans le cas d'acquisitions au sens de l'art. 4b, al. 1, let. d à g, AP-LAIIE, des parts peuvent, dans une certaine mesure, être acquises sans autorisation. Un marché limité de ces parts restera donc possible sans autorisation, par dérogation à l'art. 4b, al. 3, let. d à g, qui assujettit en principe l'acquisition de toute part d'une société au régime de l'autorisation. Selon la let. k, toute acquisition d'une part d'une personne morale, d'une société sans personnalité juridique mais ayant la capacité d'acquérir, d'un fonds d'infrastructure ou d'une SICAV d'infrastructure n'est pas nécessairement soumise à une autorisation, mais seulement celle qui crée ou renforce une position dominante d'une ou plusieurs personnes à l'étranger. La notion de position dominante par une ou plusieurs personnes à l'étranger est définie à l'art. 6 LFAIE: une personne à l'étranger a une position dominante lorsque, en raison de l'importance de sa participation financière, de l'étendue de son droit de vote ou pour d'autres raisons, elle peut exercer, seule ou avec d'autres personnes à l'étranger, une influence
prépondérante sur l'administration ou la gestion (art. 6, al. 1, LFAIE). Une personne morale est présumée être dominée par des personnes à l'étranger lorsque celles-ci (a) possèdent plus d'un tiers du capital-actions ou du capital social; (b) disposent de plus du tiers des voix pouvant être exprimées à l'assemblée générale ou à l'assemblée des associés; (c) constituent la majorité des membres du conseil ou des bénéficiaires d'une fondation de droit privé ou (d) ont mis à la disposition de la personne morale des fonds remboursables dont la somme excède la moitié de la différence entre l'ensemble des actifs de la personne morale et l'ensemble des dettes contractées par celle-ci auprès de personnes non assujetties au régime de l'autorisation (art. 6, al. 2, LFAIE). Les critères permettant de présumer d'une domination par des personnes à l'étranger d'une société en nom collectif ou en commandite, d'un fonds immobilier ou d'une SICAV immobilière sont fixés à l'art. 6, al. 3 à 5, LFAIE. Une minorité de la commission (Munz, Clivaz Christophe, Egger Kurt, Feri Yvonne, Girod, Masshardt, Schneider Schüttel, Suter) a demandé que l'art. 7, let. k, AP-LAIIE soit biffé.

La let. l prévoit une exemption du régime de l'autorisation pour les personnes à l'étranger qui sont autorisées, sur la base d'engagements internationaux pris par la Suisse, à acquérir des infrastructures énergétiques.

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Cette exemption est nécessaire en raison des engagements que la Suisse a pris dans le cadre d'accords de libre-échange (ALE)20 concernant l'accès aux marchés21 et le traitement national22 pour les entreprises étrangères du secteur énergétique. La réserve prévue à la let. l lui permet de tenir ces engagements (voir également à ce propos le ch. 7.2).

Des dérogations aux engagements pris concernant l'accès aux marchés et le traitement national ne sont autorisées que si une réserve les prévoit dans la liste de réserves ou d'engagements des États membres. Plusieurs ALE conclus par la Suisse ne contiennent aucune réserve générale concernant les investissements dans le secteur énergétique. En vertu des exceptions générales prévues dans les ALE, un État membre ne peut prendre d'autres mesures ou des mesures plus étendues que si celles-ci sont nécessaires «à la protection de la moralité publique ou au maintien de l'ordre public», «à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux» ou «pour assurer le respect des lois ou réglementations qui ne sont pas incompatibles avec l'accord en question». La réserve relative à l'«ordre public» doit être comprise au sens étroit et ne peut être invoquée que «dans les cas où une menace véritable et suffisamment grave pèse sur l'un des intérêts fondamentaux de la société»23. Outre ces exceptions générales, il y a également des exceptions concernant la sécurité, selon lesquelles notamment un membre ne doit pas être empêché de prendre toutes mesures qu'il estimera nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité. Ces exceptions, également conçues de manière étroite, concernent les mesures se rapportant explicitement à l'approvisionnement des forces armées, aux matières fissibles et fusionnables et celles appliquées en temps de guerre ou en d'autres cas de grave tension internationale.

Se référant à ces dispositions d'exception (exceptions générales, exceptions concernant la sécurité), le projet prévoit donc que l'exemption du régime de l'autorisation ne s'applique pas en cas de menaces graves de l'ordre et de la sécurité publics de la Suisse qui justifieraient une restriction des engagements internationaux en vertu des dispositions d'exception figurant dans les conventions internationales concernées.
Renoncer à la réserve en faveur des engagements internationaux formulée à la let. l impliquerait que la Suisse revoie les engagements qu'elle a pris dans le cadre des ALE, ce qui donnerait lieu à de longues négociations et pourrait l'amener à devoir offrir une compensation à ses partenaires commerciaux.

Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de l'Association européenne de libre-échange qui ont un droit de séjour en Suisse mais qui n'y 20 21

22

23

ALE conclus entre la Suisse et le Chili, la Géorgie, Hong-Kong, le Japon, la Colombie, le Mexique, le Pérou, la Corée du Sud, l'Ukraine.

Le principe de l'accès aux marchés oblige les membres des secteurs visés à ne pas appliquer de limitations quantitatives, par exemple sous forme de contingents numériques, de monopoles ou de droits exclusifs, ni à prendre des mesures qui limitent certaines formes de personnes morales ou la participation de capital étranger.

Le principe du traitement national impose aux membres des secteurs visés la non-discrimination entre services/investissements et prestataires de services/investisseurs indigènes et étrangers lorsqu'ils sont comparables.

Note de bas de page 5 ad art. XIV, let. a), AGCS: «L'exception concernant l'ordre public ne peut être invoquée que dans les cas où une menace véritable et suffisamment grave pèse sur l'un des intérêts fondamentaux de la société».

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ont pas leur résidence principale (à propos de cette notion, voir l'ATF 136 II 405, consid. 4.1) ou qui ont le statut de frontalier peuvent, eux aussi, se fonder sur la let. l sur la base des engagements découlant de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP)24 ainsi que de la convention du 4 janvier 1960 instituant l'association européenne de libre-échange (AELE)25. Conformément à l'art. 25, al. 2 et 3, annexe I, ALCP et à l'art. 24, al. 2 et 3, annexe K, appendice 1, AELE, ces personnes bénéficient des mêmes droits que les ressortissants suisses en ce qui concerne l'acquisition d'immeubles qui servent à l'exercice d'une activité économique. Toute personne entrant dans les catégories de personnes précitées, qui souhaite acquérir un immeuble servant à la construction, à l'exploitation ou à l'administration d'une infrastructure pour y exercer une activité économique, pourra se fonder sur l'exception prévue à la let. l (art. 4b, al. 1, let. b, AP-LAIIE) sauf si cet immeuble est acquis aux seules fins d'un placement de capitaux (cf. art. 25, dernière phrase des al. 2 et 3, annexe I, ALCP, et art. 24, dernière phrase des al. 2 et 3, annexe K, appendice 1, convention AELE).

Art. 8, titre L'art. 8 définit les motifs généraux d'autorisation en cas d'acquisition d'immeubles.

Rien n'a changé par rapport au texte en vigueur, seul le titre a été complété à des fins de clarification.

Art. 11a

Motifs généraux d'autorisation en cas d'acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique

Les art. 8 et 9 LFAIE énumèrent les motifs permettant d'autoriser l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Les conditions à remplir pour qu'une personne à l'étranger puisse être autorisée à acquérir une infrastructure stratégique figurent à l'art. 11a. AP-LAIIE. L'autorisation n'est accordée que pour les motifs prévus dans cette disposition (cf. art. 3, al. 1, LFAIE). Conformément aux objectifs formulés dans l'initiative parlementaire, les infrastructures énergétiques doivent en principe rester la propriété de personnes résidant en Suisse (cf. ch. 2.2). Il s'agit d'empêcher toute acquisition de ce type par des personnes à l'étranger entraînant l'éviction d'investisseurs nationaux potentiels. Cette mesure est susceptible de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de la Suisse. Le projet précise que l'autorisation est accordée uniquement si l'acquéreur prouve que l'acquisition sert les intérêts économiques de la Suisse ou ses intérêts en matière d'approvisionnement énergétique et qu'aucun intérêt supérieur du pays ne s'y oppose. L'acquisition par des personnes à l'étranger aux seules fins de placement de capitaux sera difficilement conciliable avec ces intérêts.

L'acquisition d'infrastructures énergétiques par des héritiers ou légataires assujettis au régime de l'autorisation qui ne peuvent invoquer aucun motif d'autorisation est

24 25

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31

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traitée de façon analogue à l'acquisition d'immeubles. Le projet prévoit toutefois deux spécificités par rapport aux immeubles: -

l'autorisation doit être requise au plus tard six moins après l'acquisition ou la succession (cf. art. 24b AP-LAIIE);

-

l'autorisation doit dans tous les cas être liée à une charge obligeant l'acquéreur de l'infrastructure à l'aliéner. Le projet ne prévoit pas de possibilité de renoncer à cette obligation si l'acquéreur peut prouver qu'il a des liens étroits et dignes d'être protégés avec l'infrastructure (cf. art. 8, al. 2, 2e phrase, LFAIE).

Contrairement à la loi en vigueur, le projet ne prévoit pas non plus d'exception explicite pour les aliénateurs qui invoquent un cas de rigueur (cf. art. 8, al. 3, LFAIE), ce qui n'exclut pas que dans un tel cas les conditions fixées à l'art. 11a AP-LAIIE pour l'octroi d'une autorisation puissent malgré tout être remplies.

Art. 12, let. a Indépendamment de l'existence ou non d'un motif justifiant l'autorisation, celle-ci est refusée automatiquement en cas de motif impératif de refus au sens de l'art. 12 LFAIE. Les motifs impératifs de refus au sens de l'art. 12, let. a (placement de capitaux non autorisé) et c (tentative d'éluder la loi) valent également pour l'acquisition d'infrastructures énergétiques. Les let. b (surface de l'immeuble supérieure à ce qu'exige l'affectation de celui-ci) et d (propriété de deux immeubles) ne sont pas applicables aux infrastructures.

Art. 14, al. 1, 2, 4, 6, 7 et 8 Les conditions et charges auxquelles est subordonnée l'autorisation visent à assurer que les raisons d'autoriser l'acquisition seront valables durablement, et pas seulement au moment de l'acquisition. Le nouvel art. 14 s'applique à la fois aux immeubles et aux infrastructures énergétiques. Il incombe au Conseil fédéral, qui est l'autorité accordant l'autorisation, de fixer les conditions et/ou charges nécessaires visant à garantir que l'infrastructure énergétique sera utilisée et exploitée conformément au but dont se prévaut l'acquéreur. La formulation des conditions et charges, qui doivent être proportionnées, dépendra de la situation concrète. En cas de non-respect des charges malgré une mise en demeure, l'autorisation est révoquée d'office (art. 25, al. 1, LFAIE), ce qui peut avoir des conséquences au plan civil ou pénal (art. 26, al. 2, let. b, et 30 LFAIE et 27a AP-LAIIE).

En cas d'acquisition d'une infrastructure énergétique, les charges devraient si possible être mentionnées dans le registre foncier (cf. al. 3 inchangé). Cette disposition concerne avant tout l'acquisition d'un immeuble au sens de l'art. 4b, al. 1, let. b, AP-LAIIE ou les droits d'eau inscrits au registre foncier (cf. art. 59 LFH).

L'al. 4 reformulé et les nouveaux al. 6, 7 et 8 reprennent par analogie les dispositions d'exécution de l'art. 14 LFAIE adoptées par le Conseil fédéral en relation avec l'acquisition d'immeubles
(cf. art. 11, al. 4 et 5, et 12 OAIE).

L'al. 5, inchangé, vaut également pour l'acquisition d'une infrastructure énergétique.

La décision constatant le non-assujettissement au régime de l'autorisation doit être 22 / 40

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assortie d'une charge obligeant l'acquéreur à requérir une nouvelle décision de constatation avant chaque modification de la situation qui pourrait justifier l'assujettissement.

Titre précédant l'art. 15 La procédure d'autorisation en cas d'acquisition d'immeubles, qui est cantonale, n'est pas adaptée s'agissant des infrastructures énergétiques. Dans ce domaine, le point de vue fédéral, plus général, s'impose. Souvent, les cantons sont actionnaires des sociétés possédant ou exploitant des infrastructures énergétiques, ce qui pourrait entraîner des conflits d'intérêts en cas de compétence cantonale. C'est la raison pour laquelle le projet prévoit de régler la procédure d'autorisation en cas d'acquisition d'infrastructures énergétiques au niveau fédéral, dans un nouveau chapitre 4a. La compétence des cantons reste inchangée s'agissant de la procédure d'autorisation concernant l'acquisition d'immeubles ­ à l'exception de l'art. 15, al. 2bis, AP-LAIIE.

Art. 15, al. 1, phrase introductive et al. 2bis L'acquisition, au sens de l'art. 4 LFAIE, d'un immeuble qui sert à la construction, à l'exploitation ou à l'administration d'une infrastructure énergétique est considérée comme acquisition d'une infrastructure conformément au projet d'art. 4b, al. 1, let. b, AP-LAIIE. L'art. 15, al. 2bis, précise que la procédure d'autorisation est régie dans ce cas par le chapitre 4a.

Art. 16, al. 4 L'abréviation OFJ pour Office fédéral de la justice est introduite à l'art. 16, al. 4.

Art. 17, al. 1 L'art. 17, al. 1, est modifié en allemand. Il s'agit d'une modification purement rédactionnelle, calquée sur la formulation de l'art. 24b, al. 1, AP-LAIIE, qui reprend également l'idée du «sitôt après» figurant dans la version française.

Titre précédant l'art. 24a La procédure et la compétence des autorités fédérales en cas d'acquisition d'infrastructures énergétiques fait l'objet d'un nouveau chapitre 4a, introduit par un titre qui s'insère après l'art. 24 LFAIE (cf. aussi le titre précédant l'art. 15).

Art. 24a

Autorité compétente

L'al. 1 prévoit que le Conseil fédéral est compétent pour délivrer l'autorisation en cas d'acquisition d'une infrastructure énergétique. Cette autorité statue sur l'assujettissement au régime de l'autorisation, sur l'octroi de l'autorisation, ou encore sur la révocation d'une autorisation ou d'une charge, après avoir entendu le canton sur le territoire duquel sont sises l'infrastructure ou ses principales usines et installations. Si l'infrastructure ou ses principales installations se trouvent sur le territoire de plusieurs cantons, le Conseil fédéral les entend tous. Il pourra régler par voie d'ordonnance les 23 / 40

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modalités de la prise de décision, en désignant notamment les unités administratives qu'il consultera dans ce contexte (art. 47 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]26).

L'al. 2 précise que les décisions du Conseil fédéral sont définitives. Conformément à l'art. 11a AP-LAIIE, l'acquisition d'une infrastructure énergétique par une personne à l'étranger est autorisée uniquement si elle sert les intérêts économiques de la Suisse ou ses intérêts en matière d'approvisionnement énergétique et qu'aucun intérêt supérieur du pays ne s'y oppose. La décision du Conseil fédéral s'inscrit dans le droit fil de toute une série de décisions du Conseil fédéral qui ne sont pas susceptibles de recours à un tribunal, notamment les décisions du Conseil fédéral concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique et les autres affaires relevant des relations extérieures (cf. art. 32, al. 1, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF]27) ainsi que les décisions concernant l'autorisation générale des installations nucléaires (cf. art. 32, al. 1, let. e, LTAF).

La dérogation à la garantie de l'accès au juge au sens de l'art. 29a de la Constitution fédérale (Cst.)28 n'est d'ailleurs pas un principe nouveau dans la lex Koller: la procédure proposée dans le projet pour l'acquisition d'infrastructure énergétiques correspond par analogie à celle régissant l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger lorsque l'intérêt supérieur du pays le commande (dans ce cas il n'y a pas d'assujettissement au régime de l'autorisation) ou que l'acquisition est contraire aux intérêts supérieurs du pays (dans ce cas, l'autorisation est refusée par le Conseil fédéral). Il n'y a pas non plus de recours possible contre ces décisions (cf. art. 7, let. h, et 12, let. f, en rel. avec l'art. 16, al. 1, LFAIE).

Art. 24b

Procédure d'autorisation

L'al. 1 correspond en substance à l'art. 17, al. 1, AP-LAIIE. Il soumet l'acquéreur à l'obligation générale de solliciter de sa propre initiative une autorisation ou de faire constater qu'il n'est pas assujetti au régime de l'autorisation si l'assujettissement ne peut pas être exclu d'emblée. Contrairement à l'art. 17, l'art. 24b fixe un délai de six mois pour déposer la demande d'autorisation ou de constatation auprès du Conseil fédéral si l'acquisition de l'infrastructure ne repose pas sur un acte juridique ­ notamment en cas d'acquisition par succession. La violation de cette obligation a des conséquences au plan civil ou pénal. Un acte juridique nécessitant une autorisation reste sans effet aussi longtemps que l'autorisation n'a pas été délivrée, ou est nul si l'acquéreur l'exécute sans autorisation. Les conséquences de l'inefficacité et de la nullité sont mentionnées aux art. 26 et 27a AP-LAIIE. Les conséquences de droit pénal sont énumérées à l'art. 28 LFAIE.

Le Conseil fédéral en tant qu'autorité délivrant l'autorisation ne doit pas seulement intervenir à la demande de l'acquéreur. L'al. 2 prévoit que le Conseil fédéral engage également une procédure d'autorisation lorsqu'il existe des raisons d'admettre qu'il y a infraction contre la lex Koller (let. a). Un soupçon suffit pour demander des renseignements et l'accès à des pièces en vertu de l'art. 24f AP-LAIIE. Le Conseil fédéral 26 27 28

RS 172.010 RS 173.32 RS 101

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outrepasserait toutefois son pouvoir d'appréciation s'il se fondait sur de simples suppositions non étayées par des faits. La manière dont les soupçons sont portés à sa connaissance importe peu (cf. par analogie l'ATF 111 Ib 182, consid. 6b). Le Conseil fédéral constate en outre s'il y a assujettissement au régime de l'autorisation lorsque le juge civil ou pénal ­ si celui-ci doit statuer en la matière et ne souhaite pas prendre lui-même la décision à titre préjudiciel ­ ou une autre autorité le requiert (let. b).

Comme exemples d'autres autorités, on pensera à l'Office fédéral de l'énergie, qui peut demander des informations sur les acquisitions soumises à autorisation dans le cadre de l'obligation de communiquer (art. 24i AP-LAIIE), aux autorités chargées d'évaluer les demandes d'acquisition ou de transfert de concessions ou de droits pour la construction ou l'exploitation d'une infrastructure énergétique (art. 4b, al. 1, let. c, AP-LAIIE) ou encore aux autorités de poursuite pénale.

L'al. 3 prévoit que le Conseil fédéral notifie ses décisions motivées par écrit aux parties et, sans frais, au canton concerné. Les frais de procédure et émoluments sont régis par l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments (OGEmol)29 et par l'art. 13, al. 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1969 sur les frais et indemnités en procédure administrative30.

Art. 24c

Procédure menées devant d'autres autorités

L'acquisition d'un immeuble présuppose généralement une inscription au registre foncier. L'office du registre foncier examine sommairement s'il y a assujettissement au régime de l'autorisation. S'il ne peut pas l'exclure d'emblée, il renvoie l'acquéreur à l'autorité compétente pour qu'il demande l'autorisation ou fasse constater le nonassujettissement au régime de l'autorisation. L'office du registre du commerce et l'autorité chargée des enchères forcées procèdent de façon analogue (cf. art. 18 et 19 LFAIE). L'office du registre foncier, l'office du registre du commerce et l'autorité chargée des enchères laissent à l'autorité compétente le soin de procéder à un examen approfondi de l'assujettissement au régime de l'autorisation et, le cas échéant, d'administrer les preuves (cf. art. 18, al. 1, OAIE). En cas de doute, la procédure est suspendue et un délai de 30 jours est accordé à l'acquéreur pour demander l'autorisation ou faire constater le non-assujettissement au régime de l'autorisation. L'acte consistant à renvoyer l'acquéreur à l'autorité chargée d'accorder l'autorisation ne constitue pas une décision susceptible de recours31.

L'art. 24c applique ce processus aux infrastructures énergétiques. Selon l'al. 1, l'obligation de renvoyer l'acquéreur à l'autorité compétente n'incombe pas seulement aux offices du registre foncier et du registre du commerce, mais aussi aux autorités qui octroient les concessions et d'autres droits pour la construction ou l'exploitation d'une infrastructure énergétique visés à l'art. 4b, al. 1, let. c, AP-LAIIE.

La procédure prévue aux al. 1 à 3 correspond en substance à celle décrite à l'art. 18 LFAIE. Lorsque la demande est rejetée conformément à l'al. 3 parce que l'acquéreur 29 30 31

RS 172.041.1 RS 172.041.0 Cf. message relatif à une loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger et à l'initiative populaire «contre le bradage du sol national» du 16 septembre 1981, FF 1981 III 553, p. 602.

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n'a pas agi dans le délai imparti, l'acte juridique est nul (art. 26, al. 2, let. c, AP-LAIIE). Si la procédure d'autorisation est engagée dans les délais, mais que l'autorité refuse l'octroi de l'autorisation, l'acte juridique est également nul (art. 26, al. 2, let. b, LFAIE). Le rejet de la demande au sens de l'al. 3 suite au refus du Conseil fédéral d'octroyer une autorisation ne revêt qu'un caractère déclaratoire et n'est pas sujet à recours32.

L'al. 4 prévoit que les devoirs visés à l'art. 24c AP-LAIIE incombent également à la société nationale du réseau de transport (Swissgrid SA). Conformément à la LApEl, la société doit veiller à ce que son capital et les droits de vote en résultant soient détenus en majorité, directement ou indirectement, par les cantons et les communes (art. 18, al. 3, LApEl). Si Swissgrid SA ne pouvait pas exclure, lors de l'exercice de cette tâche, qu'il y a assujettissement au régime de l'autorisation au sens de la lex Koller, elle devrait renvoyer l'acquéreur au Conseil fédéral conformément à l'al. 1 et suspendre la procédure d'approbation ou d'autorisation prévue à l'art. 685b CO. Si l'acquéreur n'agit pas dans le délai imparti ou si l'autorisation lui est refusée, la société doit refuser son approbation au transfert des actions. Cette décision n'est pas susceptible de recours au Conseil fédéral.

Art. 24d

Enchères forcées

Même s'il ne faut pas s'attendre à ce que les infrastructures énergétiques soient mises aux enchères forcées, il convient de reprendre en substance à l'al. 1 la procédure prévue pour les immeubles à l'art. 19 LFAIE. Les exceptions formulées aux al. 2 et 3 du projet sont réservées. S'agissant notamment des immeubles servant à la construction, à l'exploitation ou à l'administration d'une infrastructure énergétique (art. 4a, al. 2, let. b, AP-LAIIE), les enchères forcées ne peuvent pas être exclues d'emblée. Il est donc nécessaire de prévoir une règle spéciale pour l'acquisition de ces immeubles dans le cadre d'enchères forcées régies par le droit des poursuites, car la propriété change de mains dès l'adjudication. L'inscription au registre foncier n'a en l'occurrence qu'un effet déclaratoire. C'est pourquoi c'est à l'autorité chargée des enchères de clarifier si l'acquisition est soumise à autorisation. En cas de doute, elle doit renvoyer l'acquéreur à l'autorité délivrant les autorisations.

L'information du conservateur du registre foncier par l'autorité chargée des enchères, prévue à l'al. 2 (cf. art. 19, al. 2 et 3, LFAIE), a pour objectif d'assurer l'exactitude du registre foncier en ce qui concerne les droits qui y sont inscrits (notamment les droits d'eau concédés pour une durée d'au moins 30 ans et les droits sur les immeubles visés à l'art. 4a, al. 3, let. b, AP-LAIIE).

Art. 24e

Recours

L'al. 1 prévoit que les décisions du registre foncier, du registre du commerce et de l'autorité chargée des enchères peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil fédéral. Il s'agit de décisions par lesquelles le registre foncier et le registre du commerce refusent l'inscription au registre parce que l'acquéreur ne s'est pas adressé dans les délais au Conseil fédéral pour savoir s'il était soumis au régime de l'autorisation 32

Cf. par analogie FF 1981 III 553, p. 602.

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au sens de la lex Koller (cf. le commentaire de l'art. 24c AP-LAIIE). Pour les mêmes raisons, l'autorité chargée des enchères annule l'adjudication et ordonne de nouvelles enchères (art. 19, al. 3, LFAIE).

Le Conseil fédéral est compétent pour trancher les recours interjetés contre les décisions négatives du registre foncier et du registre du commerce. Il serait contraire à la systématique du droit s'il devait également traiter les recours contre des décisions de refus des autorités qui accordent des concessions ou d'autres droits pour la construction ou l'exploitation d'une infrastructure énergétique ­ surtout lorsque la demande initiale n'a pas été rejetée pour les raisons mentionnées à l'art. 24c, al. 3, AP-LAIIE, mais parce qu'elle ne remplit pas les exigences posées dans une autre loi spéciale.

Déclarer le Conseil fédéral compétent minerait les voies de droit prévues dans les lois spéciales. L'autorité de recours prévue par la loi spéciale ne doit d'ailleurs pas statuer seule (à titre préjudiciel) sur la question de l'assujettissement au régime de l'autorisation, mais peut demander au Conseil fédéral de procéder à cet examen (cf. art. 24b, al. 2, AP-LAIIE).

La décision d'annuler l'adjudication rendue par l'autorité chargée des enchères (cf.

art. 19, al. 4, LFAIE) est également susceptible de recours devant le Conseil fédéral, en lieu et place du recours devant l'autorité de surveillance en matière de poursuites pour dettes et de faillite.

L'al. 2 précise que les décisions du Conseil fédéral sont définitives. Au surplus, les dispositions générales relatives à l'organisation judiciaire sont applicables au recours si la loi n'en dispose pas autrement. En ce qui concerne la procédure de recours, nous renvoyons notamment aux art. 72 ss de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)33.

Art. 24f

Administration des preuves

La constatation des faits et l'administration des preuves est régie par l'al. 1, par analogie avec l'art. 22 LFAIE. L'autorité constate les faits d'office, en se fondant sur les allégués qu'elle a vérifiés et sur lesquels elle a le cas échéant réuni les preuves.

Le renvoi à la maxime d'office énoncée à l'art. 22 LFAIE ne signifie pas qu'il faut communiquer d'office au requérant, lors de la procédure d'autorisation ou de constatation, quels moyens de preuve semblent adaptés pour attester que les conditions de l'assujettissement au régime de l'autorisation ne sont pas réunies ou pour prouver qu'un motif d'autorisation est rempli. Il appartient au requérant de produire les preuves. S'il ne le fait pas ni ne fournit spontanément et en toute conscience des renseignements complets, il ne pourra pas invoquer la violation de la maxime d'office (cf. par analogie ATF 102 Ib 124, consid. 3c). L'obligation de vérifier qui incombe au Conseil fédéral n'est donc pas incompatible avec l'obligation du requérant de collaborer et de produire des preuves suffisantes pour motiver sa demande. Conformément à l'art. 22, al. 4, LFAIE, le Conseil fédéral peut statuer au détriment de l'acquéreur lorsqu'une personne tenue de fournir des renseignements refuse de prêter le concours nécessaire qu'on peut attendre d'elle.

33

RS 172.021

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L'art. 22, al. 3, LFAIE prévoit que l'obligation de fournir des renseignements incombe à celui qui, d'office, en raison de ses fonctions, à titre professionnel, par contrat, en tant qu'organe d'une personne morale, d'une société sans personnalité juridique, ou d'un fonds de placement, participe par le financement ou de toute autre manière à la préparation, à la conclusion ou à l'exécution d'un acte juridique ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble. Le secret bancaire ni tout autre secret professionnel ne peut être invoqué pour refuser de fournir des renseignements ou de produire des documents. Le fait de pouvoir invoquer une obligation de garder le secret ne libère pas la personne de son obligation de collaborer, mais il peut avoir pour effet qu'elle ne sera pas poursuivie au plan pénal (art. 31 LFAIE). Il reste que le Conseil fédéral appréciera librement le refus de fournir des renseignements, à la lumière de l'ensemble des circonstances, et pourra dans ce cas statuer au détriment de l'acquéreur (cf. ATF 101 Ib 245, consid. 2, et 105 Ib 305, consid. 3c).

La maxime d'office dont peut se prévaloir le Conseil fédéral a pour conséquence que l'autorité a un large pouvoir pour demander des renseignements et des documents.

Simultanément, différentes personnes sont tenues ­ toutes au même titre ­ de fournir ces renseignements ou de produire ces documents. Doivent être produits les livres d'affaires (art. 22, al. 3, LFAIE), dont font partie le registre des actions (art. 686 CO), le registre des parts sociales (art. 790 CO) et la liste des associés de la société coopérative (art. 837 CO) (cf. l'art. 18, al. 4, OAIE repris à l'al. 2), ainsi que les statuts, les bilans, les comptes de résultats, les procès-verbaux des assemblées générales, les rapports de révision et d'autres documents comparables. On entend par «correspondance ou autres documents» (également art. 22, al. 3, LFAIE) notamment les contrats de vente, les contrats de prêt et toutes les pièces justificatives relatives au financement de l'acquisition et de la construction d'infrastructures énergétiques.

Art. 24g

Mesures provisionnelles

Par analogie avec l'art. 23 LFAIE, le Conseil fédéral doit pouvoir, en tant qu'autorité délivrant des autorisations, ordonner des mesures provisionnelles pour maintenir un état de droit ou de fait pendant une procédure d'autorisation ou de constatation en cours. Citons à titre d'exemple le blocage du registre foncier ou du registre du commerce. Logiquement, ces décisions du Conseil fédéral ne sont pas non plus susceptibles de recours (cf. aussi art. 24a AP-LAIIE).

Art. 24h

Entraide

La disposition proposée sur l'entraide judiciaire et l'assistance administrative en cas d'acquisition d'infrastructures énergétiques est analogue à l'art. 24, al. 1 et 2, LFAIE.

Les autorités administratives et judiciaires de la Confédération et des cantons doivent se prêter entraide. Les autorités et les fonctionnaires qui, en cette qualité, constatent ou apprennent qu'une infraction a été commise, sont tenus de la dénoncer dans les plus brefs délais à l'autorité cantonale compétente en matière de poursuite pénale ou au Conseil fédéral. L'obligation de dénoncer incombe aux personnes employées par des autorités judiciaires ou administratives, y compris les offices du registre du commerce et les autorités fiscales, de même que les officiers publics fonctionnaires. Les officiers publics non fonctionnaires sont tenus de fournir des renseignements en vertu 28 / 40

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de l'art. 24f en rel. avec l'art. 22 AP-LAIIE. La violation intentionnelle de l'obligation de dénoncer est punissable conformément à l'art. 305 du code pénal (CP)34.35 Aucune statistique au sens de l'art. 24, al. 3, LFAIE n'est établie sur l'acquisition d'infrastructures énergétiques.

Art. 24i

Obligation de communiquer

Les mécanismes de contrôle suivants sont prévus pour empêcher que la lex Koller puisse être contournée du fait que des acquisitions par des personnes à l'étranger ne sont pas répertoriées.

-

Si l'autorité délivrant l'autorisation ne peut pas exclure d'emblée l'assujettissement au régime de l'autorisation, l'acquéreur est lui-même responsable de requérir une autorisation ou de faire constater qu'il n'a pas besoin d'autorisation (art. 24b AP-LAIIE). En cas d'infraction, il doit s'attendre à des sanctions de droit administratif, de droit civil et/ou de droit pénal (art. 25 ss et 28 LFAIE).

-

Si l'acquéreur abuse de la confiance placée en lui et n'agit pas de sa propre initiative, il est renvoyé au Conseil fédéral par les autorités mentionnées à l'art. 24c AP-LAIIE.

-

Le renvoi prévu à l'art. 24c AP-LAIIE ne permet pas de répertorier toutes les acquisitions soumises à autorisation. Si une personne à l'étranger achète par exemple des actions dans une entreprise qui exploite une usine hydraulique en Suisse et acquiert une position dominante dans l'entreprise, le Conseil fédéral n'en saura probablement rien. Ce problème existe également dans le domaine immobilier (résidentiel) lorsqu'une personne à l'étranger acquiert des parts dans une société immobilière. Dans ce cas-là, toutefois, on peut découvrir après coup l'acquisition d'actions soumise à autorisation mais non annoncée (art. 4, al. 1, let. e, LFAIE), lorsque la société immobilière elle-même entend acquérir des propriétés foncières et qu'elle et son actionnariat sont contrôlés lors de la procédure d'autorisation. Le problème qui se pose dans le cas des infrastructures énergétiques est plus compliqué: le mécanisme de contrôle qui fonctionne dans le cas de l'acquisition d'immeubles grâce au contrôle sommaire effectué par l'office du registre foncier n'existe pas dans le cas des infrastructures faute de registre recensant ces dernières. C'est pourquoi le projet prévoit une obligation de communiquer supplémentaire afin de garantir que les actes juridiques assujettis au régime d'autorisation seront portés à la connaissance du Conseil fédéral.

L'art. 24i AP-LAIIE prévoit un examen régulier des rapports de participation et de financement des propriétaires et des exploitants d'infrastructures énergétiques - en plus de la communication spontanée à faire dans le cadre de la demande, conformément à l'art. 24b AP-LAIIE, et de la disposition supplétive concernant le renvoi au Conseil fédéral visé à l'art. 24c AP-LAIIE. Les détenteurs et les exploitants d'infras34 35

RS 311.0 Message du 25 octobre 1972 du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger, FF 1972 II 1237, p. 1258 s.

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tructures énergétiques au sens de l'art. 4a, al. 1, AP-LAIIE et les détenteurs de droits au sens de l'art. 4a, al. 3, let. c, AP-LAIIE doivent communiquer spontanément à l'Office fédéral de l'énergie, une fois par an au moins, les rapports de participation et de financement dans les infrastructures énergétiques. Ils doivent informer qui détient quelles parts (au moyen du registre des actions, du registre des parts sociales, de la liste des associés ou de documents comparables) et remettre leur dernier rapport d'activité.

Selon l'al. 2, l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) peut en outre contrôler en tout temps les rapports de participation et de financement dans une infrastructure énergétique. Lors de ces contrôles, une obligation étendue de fournir des renseignements au sens de l'art. 22 LFAIE incombe aux personnes concernées.

L'al. 3 prévoit un renvoi au Conseil fédéral en tant qu'autorité délivrant l'autorisation lorsque l'acquéreur n'a pas effectué la communication prévue malgré l'injonction de l'OFEN ou s'il n'a pas fait cesser l'état illicite dans le délai qui lui a été fixé. L'OFEN peut demander au Conseil fédéral directement qu'il vérifie s'il y a assujettissement au régime de l'autorisation (art. 24b, al. 2, let. c, AP-LAIIE). Il incombera au Conseil fédéral d'entreprendre les démarches nécessaires (notamment constater d'office l'assujettissement au régime de l'autorisation conformément aux art. 24b, al. 2, let. b, ou 25, al. 1bis, AP-LAIIE, ou statuer sur la cessation de l'état illicite conformément à l'art. 27a AP-LAIIE).

Art. 25, al. 1bis L'assujettissement au régime de l'autorisation est constaté d'office ultérieurement, à titre de sanction administrative, lorsque l'acquéreur a fourni à l'autorité compétente, au registre foncier ou au registre du commerce, des indications inexactes ou incomplètes sur des faits dont pourrait dépendre l'assujettissement. L'article est complété par les services compétents en matière d'acquisition d'infrastructures énergétiques (art. 24c, al. 1, let. a, et 4).

Art. 26, al. 2, let. c, et 4, let. c L'art. 26 ne s'appliquera pas uniquement aux immeubles, mais aussi aux infrastructures énergétiques. Les adaptations aux al. 2, let. c, et 4, let. c, résultent des nouveaux art. 24c et 27a AP-LAIIE. L'al. 2, let. c, prévoit que l'acte juridique est nul non
seulement lorsque le registre foncier ou le registre du commerce rejette la demande, mais aussi lorsqu'un des autres services au sens de l'art. 24c AP-LAIIE la rejette. L'al. 4, let. c, mentionne les deux procédures visant à faire cesser l'état illicite, celle à suivre en cas d'acquisition d'un immeuble (action civile au sens de l'art. 27 LFAIE) et celle qui s'applique en cas d'acquisition d'une infrastructure énergétique (mesures au sens de l'art. 27a AP-LAIIE).

Art. 27, titre L'art. 27 LFAIE prévoit une action en cessation de l'état illicite devant le tribunal civil et, en derniers recours, des enchères forcées. Cette manière de procéder ne semble pas adaptée aux infrastructures qu'il est prévu d'assujettir à la lex Koller. Le 30 / 40

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titre de l'art. 27 LFAIE est complété de manière à préciser que l'article ne s'applique qu'à l'acquisition d'immeubles. S'agissant de l'acquisition d'infrastructures, l'action en cessation de l'état illicite est régie par le nouvel 27a AP-LAIIE.

Art. 27a

Action en cessation de l'état illicite en cas d'acquisition d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique

Si une infrastructure stratégique du secteur énergétique a été acquise sur la base d'un acte juridique nul en raison de l'absence d'autorisation, l'acquéreur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'état antérieur ou, si le rétablissement de l'état antérieur se révèle impossible ou inapproprié, pour faire cesser l'état illicite de toute autre manière. Le rétablissement de l'état antérieur n'est souvent pas possible, notamment lorsque l'acquisition date de plusieurs années et que l'infrastructure a depuis été fusionnée avec d'autres usines voire démantelée ou que le produit de sa vente a été utilisé à d'autres fins et ne peut pas être récupéré.

Le projet prévoit une procédure en plusieurs étapes pour faire cesser un état illicite en cas d'acquisition d'infrastructures énergétiques. La procédure se termine par la définition de mesures, soit d'une façon coopérative avec l'acquéreur, soit de façon unilatérale par le Conseil fédéral. La loi du 6 octobre 1995 sur les cartels (LCart)36 prévoit une procédure analogue pour rétablir une concurrence efficace.

Le secteur de l'énergie se caractérise par des structures complexes, notamment par un fort taux de participations de l'État et de participations intersectorielles. Un transfert à des personnes à l'étranger peut concerner une seule usine («Asset-Deal») ou porter sur toute l'entreprise («Share-Deal»), celle-ci pouvant avoir diverses activités et posséder plusieurs installations, sises sur différents sites. Les entreprises peuvent être contrôlées par des tiers du fait d'une participation majoritaire directe ou du fait même de simples participations minoritaires. Il peut s'agir d'une entreprise autonome ou d'une usine détenue par plusieurs partenaires. Dans le cas des usines partenaires, il existe souvent des droits de préemption. En raison de cette complexité et eu égard à la proximité avec le marché et aux problèmes qui pourraient se poser en terme d'approvisionnement en énergie, il est juste et pertinent que l'acquéreur participe à la recherche d'une solution adaptée à la situation concrète. Son concours doit permettre de faire cesser l'état illicite rapidement. C'est pourquoi il faut d'abord essayer de trouver une solution à l'amiable, l'acquéreur proposant au Conseil fédéral les mesures qu'il entend prendre pour faire cesser l'état
illicite (al. 1 et 2).

Si le Conseil fédéral approuve les mesures proposées par l'acquéreur pour faire cesser l'état illicite, il statue sur la manière dont l'acquéreur doit réaliser les mesures, conformément à l'al. 3 (démarche coopérative).

Si l'acquéreur ne fait pas de propositions ou si les mesures qu'il propose sont jugées insuffisantes par le Conseil fédéral, celui-ci ordonne, en vertu de l'al. 4, des mesures appropriées pour faire cesser l'état illicite (démarche autoritaire). Les mesures doivent s'avérer nécessaires et adaptées au but visé. Elles doivent en outre être proportionnées pour ce qui est de l'intervention prévue. L'al. 4 contient une énumération non exhaustive des mesures envisageables: selon les circonstances du cas d'espèce, il faut 36

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notamment examiner si la vente de l'infrastructure ou la délégation, provisoire ou durable, de son exploitation à une personne non assujettie à la LAIIE sont des mesures appropriées. La délégation de l'exploitation est notamment indiquée lorsque la participation de la personne à l'étranger n'est plus tolérable, mais qu'on ne peut pas non plus accepter, pour des raisons de sécurité de l'approvisionnement, que l'exploitation de l'infrastructure soit interrompue ou réduite jusqu'à cessation de l'état illicite. On peut éventuellement envisager comme autres mesures de mettre fin aux intrications personnelles, de renoncer à ce qu'une personne siège au conseil d'administration ou fasse partie de la direction de l'entreprise, ou encore de rembourser les dettes aux personnes soumises au régime de l'autorisation. Il faut en outre veiller à ce que la personne à l'étranger qui est à la source de l'état illicite n'ait plus aucune influence sur l'infrastructure énergétique: elle ne doit plus posséder ­ ni directement, ni indirectement ­ de droits analogues aux droits de propriété au sens de l'art. 4b, al. 1, let. j, AP-LAIIE.

En ordonnant les mesures visées à l'al. 4, le Conseil fédéral tient compte de façon appropriée de circonstances particulières, notamment des cas d'entreprises partenaires (al. 5). Dans le cas d'entreprises partenaires, cela peut vouloir dire que les exigences en terme de proportionnalité soient plus élevées que ce qui est usuel. Les partenaires suisses ne doivent pas subir des désavantages indus du seul fait qu'ils détiennent une usine en commun avec une personne à l'étranger. À l'inverse, en cas de délégation de l'exploitation (pour l'enlever à la personne à l'étranger) par exemple, il faut d'abord penser aux partenaires en question, si cette solution est acceptable pour eux.

Par analogie avec l'art. 27, al. 2, LFAIE, l'acquéreur ne peut prétendre qu'au remboursement du prix de revient en cas de vente de l'infrastructure énergétique. Ce prix de revient n'est pas assimilable tel quel au coût de revient au sens de la LApEl, mais se compose en règle générale des frais supportés lors de l'acquisition et des dépenses ayant créé des plus-values pour lesquelles l'acquéreur doit pouvoir fournir des preuves (les frais d'exploitation par ex. n'en font pas partie). L'éventuel excédent issu de la
vente ou tout autre produit que l'acquéreur pourrait obtenir de la délégation de l'exploitation par exemple, revient à la Confédération et aux cantons (al. 6). Si le produit de la vente est inférieur au prix de revient, l'acquéreur n'a pas droit au remboursement de la différence.

Lors de l'acquisition d'un immeuble, l'action en rétablissement de l'état antérieur ne peut pas être intentée lorsque les parties ont rétabli cet état ou qu'un tiers de bonne foi a acquis l'immeuble (art. 27, al. 3, LFAIE). La bonne foi l'emporte sur le vice antérieur, à moins que l'acquisition par le tiers est elle-même entachée d'un motif de nullité parce qu'elle peut être qualifiée d'acte frauduleux (cf. à ce sujet l'ATF 107 II 440, consid. 2 à 5). Étant donné que la réserve en faveur du tiers de bonne foi n'a qu'un caractère déclaratoire et qu'elle vaut déjà en vertu des dispositions sur les droits réels, elle n'est pas reprise dans l'article consacré à l'acquisition d'infrastructures énergétiques.

Art. 35, al. 1, 2 et 4 La poursuite pénale d'infractions commises en lien avec l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger incombe aux cantons. S'agissant des infrastructures 32 / 40

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énergétiques, le projet prévoit à l'art. 35, al. 4, en relation avec l'art. 23, al. 2, CPP, que la poursuite pénale et le jugement des infractions est du ressort de la juridiction pénale fédérale. Les autorités de poursuite de la Confédération sont la police et le Ministère public de la Confédération, conformément à l'art. 2, al. 1, de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)37. Le Tribunal pénal fédéral, le Tribunal fédéral et les tribunaux cantonaux des mesures de contrainte, lorsqu'ils agissent au nom de la Confédération, ont des attributions judiciaires dans les affaires relevant de la juridiction fédérale (art. 2, al. 2, LOAP). Le recours à la juridiction pénale fédérale s'impose parce que la procédure en lien avec l'acquisition d'une infrastructure énergétique par une personne à l'étranger est menée au niveau (du Conseil) fédéral. Le fait que la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA)38 ne s'applique pas est un avantage. Les peines privatives de liberté prévues aux art. 28 à 30 LFAIE peuvent être ordonnées par une autorité (de justice) pénale de la Confédération, alors que ces dossiers devraient être transmis au ministère public cantonal compétent à l'intention du tribunal pénal cantonal si la poursuite pénale était du ressort de l'administration (fédérale) (cf. art. 73 DPA).

Art. 36. al. 1 Conformément à l'art. 36, le Conseil fédéral et les cantons édictent les dispositions d'exécution nécessaires. En matière d'acquisition d'infrastructures énergétiques, les cantons n'ont pas la compétence d'édicter des dispositions d'exécution. Ce point est précisé par la reformulation de l'al. 1.

5.2

Modification d'autres actes

La nouvelle procédure d'autorisation fédérale que le projet prévoit d'instituer implique la modification d'actes fédéraux concernant le droit de procédure, d'une part, et de différentes lois spéciales relevant du droit de l'énergie, d'autre part. L'adaptation de ces dernières devrait faciliter la mise en oeuvre de la nouvelle LAIIE dans le domaine de l'énergie. Il s'agit de renvois purement déclaratoires aux dispositions de la LAIIE, les nouvelles règles matérielles découlant directement de celle-ci.

5.2.1

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)39

Les adaptations des art. 72, let. c, et 73, let. d, PA sont nécessaires pour que le Conseil fédéral puisse statuer sur les recours contre des décisions rendues par le registre foncier, le registre du commerce et l'autorité chargée des enchères en application de l'art. 24e AP-LAIIE.

37 38 39

RS 173.71 RS 313.0 RS 172.021

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5.2.2

Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)40

Étant donné qu'il est prévu que le Conseil fédéral statue en tant qu'instance unique en matière d'acquisition d'infrastructures énergétiques par des personnes à l'étranger, ces décisions doivent également être mentionnées dans la liste des exceptions figurant à l'art. 32 LTAF, faute de quoi le mécanisme de délégation prévu à l'art. 47, al. 6, LOGA s'appliquerait et la compétence reviendrait au département.

5.2.3

Loi du 22 décembre 1916 sur les forces hydrauliques (LFH)41

L'art. 40, al. 2, LFH renvoie au régime de l'autorisation auquel sont soumises les personnes à l'étranger au sens de la LAIIE. Il s'agit d'une condition supplémentaire à remplir pour obtenir une concession, qui vaut également en cas de transfert de la concession au sens de l'art. 42 LFH.

5.2.4

Loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire (LENu)42

Selon l'art. 106, al. 3, LENu, l'autorisation d'exploiter une centrale nucléaire existante peut être transférée à un nouvel exploitant sans autorisation générale. Il faut ici aussi préciser que le régime de l'autorisation au sens de la LAIIE est applicable en cas de transfert à une personne à l'étranger.

5.2.5

Loi du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE)43

L'art. 16a, al. 1, LIE renvoie à la PA pour ce qui est de la procédure d'approbation des plans. Un nouvel al. 3 précise que les dispositions de la LAIIE s'appliquent aux personnes à l'étranger.

5.2.6

Loi du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl)44

L'art. 8 LApEl, qui énumère les tâches des gestionnaires de réseau, est complété par un nouvel al. 6 précisant que l'acquisition d'un réseau par une personne à l'étranger est soumise au régime de l'autorisation au sens de la LAIIE.

40 41 42 43 44

RS 173.32 RS 721.80 RS 732.1 RS 734.0 RS 734.7

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5.2.7

Loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC)45

S'agissant de l'acquisition, de la construction et de l'exploitation d'une installation de transport par conduites par une personne à l'étranger, l'approbation des plans et l'autorisation d'exploiter sont soumises au régime de l'autorisation de la LAIIE. Les art. 4, al. 2, (approbation des plans) et 30, al. 2, let. d LITC (autorisations d'exploiter) sont précisés en ce sens.

6

Conséquences

Un bureau externe a effectué une analyse d'impact de la réglementation proposée dans la révision avec le projet.46 Cette analyse arrive à la conclusion qu'il n'est absolument pas certain que le projet élaboré permette d'atteindre les objectifs de l'initiative parlementaire, à savoir la protection de l'économie suisse et la sécurité de l'approvisionnement en Suisse. Les réglementations actuelles et la propriété réelle prennent déjà suffisamment en compte les demandes formulées dans l'initiative. L'analyse constate notamment que les réseaux d'électricité et de gaz constituent des goulets d'étranglement monopolistiques.

Pour qu'il n'y ait pas de rentes de monopole, la rémunération du réseau, du moins dans le cas des réseaux électriques, est soumise à une réglementation des coûts et des exigences en matière de séparation des activités s'appliquent. Les rapports de propriété (cantons/communes) et les exigences en matière de droit de la propriété, telles que la limitation pour les privés de devenir actionnaire de Swissgrid, le fait que le secteur de l'électricité appartienne à près de 90 % à l'État ou encore des conventions d'actionnaires en lien avec les producteurs d'électricité, atténuent les problèmes auxquels l'initiative s'attèle. L'analyse met aussi particulièrement l'accent sur les possibilités de contournement dues aux nombreux accords de libre-échange.

Avec l'initiative, il faut s'attendre à un impact négatif sur les volumes d'investissements étrangers. Selon les évaluations des experts, les effets sur la sécurité de l'approvisionnement et sur la concurrence sont cependant ambivalents. Certains experts craignent des effets négatifs, d'autres estiment que l'impact sera nul. En revanche, personne ne table sur des effets positifs sur la sécurité de l'approvisionnement et si sur la compétitivité. Des effets relativement négatifs sont attendus pour l'attrait de la place économique suisse et la qualité des infrastructures. Les évaluations des experts ne permettent, par ailleurs, pas de dresser un tableau clair des effets sur l'innovation et la probabilité de mesures de rétorsion de la part d'autres États.

L'initiative parlementaire entraînerait des coûts directs pour les investisseurs étrangers ainsi que pour les entreprises du secteur énergétique et leurs propriétaires. L'analyse fait en outre état des coûts d'exécution et voit d'un oeil très critique l'obligation 45 46

RS 746.1 Analyse d'impact de la réglementation concernant l'initiative parlementaire Badran, étude mandatée par l'OFEN et menée par Swiss Economics, septembre 2021 (en allemand uniquement).

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de déclarer en matière de rapports de financements et de participation. Outre les coûts directs, il faut également s'attendre à voir apparaître des coûts indirects sous la forme de coûts de refinancement et d'exploitation plus élevés pouvant à leur tour avoir un impact négatif sur la valeur de l'entreprise et sa valeur potentielle de vente.

La comparaison de l'initiative parlementaire avec d'autres projets a montré que d'un point de vue économique, le projet élaboré peut très difficilement résoudre les problèmes identifiés. La variante «Propriété de l'État» permettrait d'atteindre complètement les objectifs de la CEATE-N, et ce sans coût d'exécution, mais au détriment de l'efficacité dynamique et du principe de proportionnalité d'une telle ingérence. Il convient également de relever que le statut quo est très proche de la variante «Propriété de l'État».

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité et légalité

L'actuelle LFAIE se fonde, en relation avec l'acquisition d'immeubles, sur la compétence de la Confédération de légiférer en matière de droit civil et de droit pénal telle que prévue dans la Constitution (art. 122, al. 1, et 123, al. 1, Cst.) et sur la compétence de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères (art. 54, al. 1, Cst). Si l'arrêté fédéral du 23 mars 1961 instituant le régime de l'autorisation pour l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger se fondait déjà pour l'essentiel sur la compétence de la Confédération en matière de droit civil (art. 64 aCst.; pour les motifs, voir les explications données dans le message du Conseil fédéral du 15 novembre 1960), le Conseil fédéral a proposé dans son message sur la LFAIE d'élargir la base constitutionnelle et de renvoyer également à la compétence de la Confédération de diriger les relations et les affaires étrangères pour réglementer une demande étrangère excessive de biens immobiliers suisses. De l'avis du Conseil fédéral, la compétence de régler les affaires étrangères couvre non seulement des mesures dont les destinataires sont des États, mais aussi des mesures qui s'adressent à des individus d'autres États, dès lors que le règlement des affaires étrangères comprend également des mesures tendant à protéger l'indépendance du pays. Ce ne sont pas seulement des États qui peuvent y porter atteinte, mais aussi des particuliers. Le Conseil fédéral a renvoyé dans ce contexte aux prescriptions sur la nationalité se trouvant dans toute une série d'actes législatifs (notamment dans la loi du 23 décembre 1959 sur l'énergie atomique et dans la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transports par conduite), qui visent à se prémunir contre l'influence de personnes à l'étranger. Le Conseil fédéral juge déterminant le fait que les normes à édicter ne sont pas de pur droit interne, mais qu'elles ont une incidence transfrontière ­ ce qui ressort du fait que l'autorisation est liée au domicile ou au siège à l'étranger.47 Compte tenu des buts poursuivis par l'initiative parlementaire qui est à la base du projet (éviter la reprise, par des États étrangers, d'infrastructures stratégiques du secteur énergétique ayant une importance cruciale pour l'indépendance et la sécurité de l'approvisionnement, empêcher l'éviction d'investisseurs nationaux potentiels et la 47

FF 1981 III 553, p. 612.

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fuite de fonds publics suisses vers l'étranger), les considérations évoquées plus haut concernant les bases constitutionnelles sur lesquelles se fonde la LFAIE en vigueur valent également par analogie pour les infrastructures énergétiques. Il s'agit également ici, comme pour les immeubles, de garantir l'indépendance du pays en prévenant l'emprise étrangère sur le sol suisse et en empêchant qu'il y ait une demande étrangère excessive d'infrastructures stratégiques suisses.

Notons que l'assujettissement au régime de l'autorisation et la possibilité que celle-ci soit refusée représentent une restriction de la liberté économique (libre choix du partenaire dans le cadre de la liberté contractuelle, notamment) et de la garantie de la propriété.

La décision du Conseil fédéral d'octroyer ou non une autorisation pour l'acquisition d'une infrastructure énergétique est de nature politique et présuppose des connaissances spécifiques de la situation économique dans son ensemble ainsi que de la politique d'approvisionnement de la Suisse. Le Conseil fédéral dispose ici d'un large pouvoir d'appréciation. Ses décisions ne sont pas justiciables ou, en d'autres termes, leur examen par les tribunaux ne semble pas approprié. C'est ce qui explique que l'on renonce dans le cas présent ­ en dérogation à la garantie de l'accès au juge inscrite à l'art. 29a Cst ­ à soumettre les décisions du Conseil fédéral à un examen judiciaire.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La réserve liée aux engagements internationaux de la Suisse formulée à l'art. 7, let. l, AP-LAIIE est nécessaire pour rendre compatible avec ces engagements le régime d'autorisation en cas d'acquisition par des personnes à l'étranger des infrastructures énergétiques visées à l'art. 4a, al. 1, AP-LAIIE. Sans elle, il y aurait incompatibilité avec 948 des 31 accords de libre-échange conclus par la Suisse.

Le transfert à l'étranger du siège de l'entreprise, qui est assimilé à une acquisition soumise à autorisation en vertu de l'art. 4b, al. 2, AP-LAIIE (obligation de vente), mais aussi la limitation du cercle des acquéreurs ou investisseurs à ceux domiciliés en Suisse peuvent ­ du moins pour les investissements existant au moment de l'entrée en vigueur du régime d'autorisation ­ enfreindre les engagements internationaux de la Suisse (notamment les accords de protection des investissements et la Charte de l'énergie). Les investisseurs étrangers pourraient dans certaines circonstances exiger une indemnisation.

Le nouveau régime d'autorisation s'appliquant aux infrastructures énergétiques ne vaut que pour l'avenir. Les personnes de l'étranger qui possèdent aujourd'hui des participations ou d'autres droits comparables qui tomberaient sous le coup de la nouvelle loi ne sont pas concernées dans la mesure où elles ne doivent rien changer à la situation actuelle. Les dispositions protégeant les investissements telles qu'elles découlent de la Charte de l'énergie49 ne sont pas touchées dans leur substance.

48 49

Accords de libre-échange entre la Suisse et le Chili, la Géorgie, Hong Kong, le Japon, la Colombie, le Mexique, le Pérou, la Corée du Sud et l'Ukraine.

Traité du 17 décembre 1994 sur la Charte de l'énergie; RS 0.730.0.

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En raison de l'échec de l'accord-cadre avec l'UE, il n'y aura pas non plus d'accord sur l'électricité dans un avenir proche. Si un tel accord avait été conclu, les acteurs de l'UE auraient dû être exemptés du nouveau régime d'autorisation, guère compatible avec un accord sur l'accès au marché.

Les décisions relatives à l'acquisition d'une infrastructure devraient en règle générale porter sur des contestations de droit civil au sens de l'art. 6 CEDH. Elles devraient donc être soumises au contrôle judiciaire (art. 6 et 13 CEDH), ce que le projet ne prévoit pas (cf. également l'art. 83, let. a, LTF en relation avec l'art. 189, al. 4, Cst.).

La compatibilité de l'art. 24a, al. 2, AP-LAIIE (Conseil fédéral comme autorité unique) avec les obligations découlant de la CEDH est donc douteuse.

7.3

Forme de l'acte à adopter

Le projet modifie la LFAIE et contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, qui doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale conformément à l'art. 164 Cst. L'Assemblée fédérale est compétente pour édicter les lois en vertu de l'art. 163, al. 1, Cst. L'acte est sujet au référendum (art. 141, al. 1, let. a, Cst.).

7.4

Frein aux dépenses

Le projet ne prévoit ni subventions ni crédits d'engagement ou plafonds de dépenses et n'est donc pas soumis au frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

7.5

Délégation de compétences législatives

L'art. 4a, al. 2, AP-LAIIE dispose que le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour les usines hydrauliques d'une puissance installée inférieure à 20 mégawatts.

Cette disposition permet de tenir compte de circonstances particulières et de ne pas soumettre à la loi les usines hydrauliques pour lesquelles un niveau de protection moins élevé suffit, si les intérêts économiques de la Suisse et ses intérêts en matière d'approvisionnement énergétique tout comme l'intérêt supérieur du pays le permettent. L'acquisition de telles usines hydrauliques par des personnes à l'étranger serait donc possible sans autorisation.

L'art. 14, al. 7, AP-LAIIE autorise le Conseil fédéral à fixer dans une ordonnance les conditions et charges minimales auxquelles est subordonnée l'acquisition d'infrastructures énergétiques. Mais comme il est aussi l'autorité délivrant l'autorisation, ces dispositions ne sont pas indispensables.

L'art. 36, al. 1, AP-LAIIE autorise le Conseil fédéral à édicter des dispositions d'exécution. Comme l'essentiel de la matière juridique se trouve dans le texte de loi, l'ordonnance d'exécution peut se limiter à la réglementation des détails techniques.

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7.6

Protection des données

Lors de la procédure d'autorisation et de constatation au sens de la LAIIE (art. 24b AP-LAIIE), de l'administration des preuves (art. 24f AP-LAIIE) et de l'obligation de communiquer (art. 24i AP-LAIIE), le Conseil fédéral et d'autres autorités fédérales collecteront et traiteront des données personnelles concernant des personnes physiques ou morales. Ce faisant, ils devront respecter les principes de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)50. La protection des données s'avère ainsi assurée.

50

RS 235.1

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