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23.043 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et les Émirats arabes unis du 17 mai 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et les Émirats arabes unis, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

17 mai 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé Étant donné que la lutte contre l'évasion fiscale injustifiée des sociétés multinationales est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé en 2013, en collaboration avec le G20, un projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS).

Ce projet a donné lieu à des dispositions qui doivent être mises en oeuvre dans les conventions contre les doubles impositions (CDI), notamment les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action de l'OCDE concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Le protocole modifiant la CDI entre la Suisse et les Émirats arabes unis met en oeuvre ces standards minimaux. Il a été signé le 5 novembre 2022. Les cantons et les milieux intéressés ont accueilli favorablement le protocole de modification.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Suisse et les Émirats arabes unis sont liés par une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu1 (CDI-AE), signée le 6 octobre 2011. Elle n'a jamais été révisée depuis.

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices2 (convention BEPS, aussi appelée instrument multilatéral). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du Plan d'action de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ci-après «plan d'action BEPS»). La convention BEPS est entré en vigueur pour la Suisse la 1er décembre 2019.

La convention BEPS ne permet toutefois pas une mise en oeuvre complète du standard minimum de l'action 14 du plan d'action BEPS selon l'option choisie par la Suisse.

C'est pourquoi la Suisse et les Émirats arabes unis ont décidé d'adapter la CDI-AE aux résultats du plan d'action BEPS non pas par le biais de la convention BEPS, mais par un protocole bilatéral modifiant la CDI-AE.

Les négociations concernant ce protocole (protocole de modification) ont pu être conclues en octobre 2021. Les cantons et les milieux intéressés ont été consultés en janvier 2022 sur sa conclusion et l'ont accueillie favorablement. Le protocole de modification a pu être signé le 5 novembre 2022.

1.2

Appréciation

Le protocole de modification contient quasi exclusivement des dispositions qui auraient été reprises si la Suisse et les Émirats arabes unis avaient décidé que la CDI était couverte par la convention BEPS. Il existe donc un rapport au niveau du contenu entre le protocole et la convention BEPS, mais pas de lien direct.

Dans sa version modifiée par le protocole de modification, la CDI-AE sera conforme aux standards minimaux fixés en matière de conventions fiscales dans le cadre du plan d'action BEPS. En sa qualité de pays membre de l'OCDE, la Suisse s'est engagée à inscrire dans ses CDI toutes les dispositions qui constituent un standard minimal. La conclusion du protocole de modification marque une nouvelle étape vers ce but.

1 2

RS 0.672.932.51 RS 0.671.1

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Commentaires des dispositions du protocole

Art. I du protocole de modification relatif au préambule de la CDI-AE L'art. I complète le préambule de la CDI-AE par deux nouvelles dispositions. Ces dernières ont été élaborées dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS.

La première disposition additionnelle ajoute un autre motif pour lequel la CDI-AE a été conclue, à savoir promouvoir les relations économiques entre les États contractants et améliorer leur coopération en matière fiscale.

La seconde disposition nouvelle établit clairement que la Suisse et les Émirats arabes unis n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI, de créer des possibilités de nonimposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscales. En d'autres termes, la CDI-AE vise également à éliminer la double non-imposition. Cette règle n'a pas une portée générale mais s'applique uniquement si la double non-imposition résulte de la fraude ou de l'évasion fiscales. De cette manière, il est tenu compte du fait qu'il existe des situations de double non-imposition voulues, par exemple des dividendes distribués à des sociétés du même groupe. En pareil cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

La première disposition ne constitue pas un standard minimal du plan d'action BEPS.

En revanche, il est nécessaire d'inscrire la seconde dans le protocole modifiant la CDIAE pour respecter le standard minimal fixé par l'action 6 du plan d'action BEPS.

Art. III et VI du protocole de modification relatif aux art. 7 et 9 CDI-AE (Bénéfices des entreprises; Entreprises associées) Ces deux articles complètent les art. 7 (Bénéfices des entreprises) et 9 (Entreprises associées) CDI-AE par des dispositions supplémentaires qui prévoient un délai pour rectifier les bénéfices des établissements stables (art. II) et des entreprises associées (art. III, par. 2). Dorénavant, les autorités fiscales de la Suisse et des Émirats arabes unis ne pourront rectifier les bénéfices que pendant une période de cinq ans suivant la fin de la période fiscale concernée. Si un moyen de recours est introduit contre une rectification des bénéfices et que cela entraîne des retards, cela n'affectera pas le délai lui-même. En cas de fraude, négligence grave ou manquement délibéré, les autorités fiscales pourront procéder à la rectification des bénéfices
même après l'expiration de ce délai. Dans ce cas, ce sont les délais prévus par le droit interne qui s'appliqueront.

Ces dispositions ne sont pas inscrites dans la convention BEPS. Elles sont cependant inscrites dans la CDIAE en raison de l'élément 3.3 du standard minimal relatif à l'action 14 du plan d'action BEPS, qui invite les États contractants à inscrire dans leurs CDI la 2e phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE. Cette disposition prévoit que les accords amiables sont appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants. Si un État n'est pas disposé à inscrire cette disposition dans ses CDI, il doit, pour respecter le standard minimal, être prêt à adopter, dans le cadre de négociations relatives aux CDI, d'autres dispositions limitant le délai de rectification des bénéfices des entreprises associées et établissements stables.

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En principe, la Suisse n'inscrit pas la 2e phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE dans ses CDI. Par conséquent, la délégation suisse chargée des négociations en vue du protocole de modification a proposé à la délégation des Émirats arabes unis d'inscrire dans la CDIAE des dispositions limitant à cinq ans la possibilité de rectifier les bénéfices des entreprises associées et des établissements stables. La délégation des Émirats arabes unis a consenti non seulement à la limitation mais aussi au délai proposé.

par ailleurs, l'art. IV, par. 1, du protocole de modification, complète la CDI-AE par une disposition relative à l'obligation de procéder à des ajustements corrélatifs en cas d'ajustement des bénéfices. Le libellé de cette disposition est conforme à celui du modèle de convention de l'OCDE (art. 9, par. 2).

Cette adaptation n'a en principe aucune conséquence pratique sur la Suisse: comme précédemment, celle-ci n'est pas tenue de procéder à des ajustements corrélatifs automatiques en cas d'ajustement des bénéfices par une autorité fiscale étrangère. Elle ne doit procéder à des ajustements corrélatifs que si ceux-ci correspondent à une solution trouvée dans le cadre d'une procédure amiable entre les autorités compétentes des Émirats arabes unis et de la Suisse.

La modification de cette disposition correspond à la recommandation de bonne pratique de l'action 14 du projet BEPS et à la politique actuellement suivie par la Suisse pour les conventions dans ce domaine.

Art. V du protocole de modification relatif à l'art. 22 CDI-AE (Élimination des doubles impositions) Conformément à l'art. 22, par. 1, let. a, CDI-AE, la Suisse prévient la double imposition en principe par la méthode de l'exonération. La nouvelle let. e complète le dispositif par une disposition visant à éviter la non-imposition ou l'imposition réduite en cas de conflits de qualification. Elle permet d'empêcher une double non-imposition involontaire en cas de divergences d'opinion entre la Suisse et les Émirats arabes unis concernant la subsomption juridique ou l'interprétation de définitions de la CDI-AE, et correspond à l'art. 23A, par. 4, du modèle de convention de l'OCDE.

D'après cette disposition, la Suisse, en tant qu'État de résidence d'un bénéficiaire de revenus ne doit pas exclure ces revenus de
l'imposition lorsque les Émirats arabes unis, estimant que la CDI-AE les oblige à accorder l'exonération ou une imposition réduite, ne soumet ces revenus à aucune imposition ou, s'il s'agit de dividendes, ne les soumet qu'à une imposition réduite.

Art. VI du protocole de modification relatif à l'art. 24 CDI-AE (Procédure amiable) Cet article prévoit la modification de l'art. 24, par. 1, CDIAE. Cette disposition règle les demandes de procédure amiable. Elle porte en particulier sur la question de savoir auprès de quelle autorité compétente une demande de procédure amiable doit être introduite.

Selon la disposition en vigueur, si une personne estime que les mesures prises par un État contractant ou par les deux États contractants entraînent ou entraîneront pour elle

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une imposition non conforme à la CDIAE, c'est à l'État contractant dont elle est un résident qu'elle doit adresser une demande de procédure amiable, le cas échéant.

L'art. 24, par. 1, CDI-AE est modifié de sorte qu'une personne ne soit plus limitée dans le choix de l'autorité compétente à laquelle adresser sa demande d'ouverture d'une procédure amiable. Dorénavant, elle pourra soumettre son cas aux autorités compétentes de chacun des deux États contractants, selon son choix.

Cette modification se fonde sur l'élément 3.1 du standard minimal relatif à l'action 14 du plan d'action BEPS, selon lequel chacune des deux autorités compétentes est informée de la demande d'ouverture d'une procédure amiable et peut rendre un avis sur le bien-fondé de la demande.

La modification apportée par le protocole de modification rend l'art. 24, par. 1, CDI-AE conforme à la disposition correspondante du modèle de convention de l'OCDE (art. 25, par. 1, 1re phrase).

Art. VII du protocole de modification relatif à l'art. 26A CDI-AE (Droit aux avantages) Cet article prévoit l'ajout d'une clause anti-abus se référant aux buts principaux d'un montage ou d'une transaction. Selon cette clause, un avantage en vertu de la CDI-AE n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était un des buts principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDIAE.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond dans les grandes lignes aux clauses que la Suisse a conclues pour lutter contre les abus dans un grand nombre de CDI jusqu'en 2017. Elle se différencie de celles que la Suisse a adoptées dans d'autres conventions par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances. Au contraire, elle s'applique à toutes les dispositions de la convention. Ainsi, pour tout avantage en vertu de la convention les abus sont réservés.

La teneur de cette disposition diffère en outre sur un autre point de celle des clauses anti-abus adoptées par la Suisse dans ses CDI par le passé. Elle ne se limite pas aux états de fait dans lesquels le but principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages de la convention; elle englobe également
les états de fait dans lesquels l'obtention de ces avantages n'en est qu'un des buts principaux. Cependant, cette différence de terminologie ne devrait pas aboutir à un résultat différent, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS.

Elle est inscrite au modèle de convention de la OCDE (art. 29, par. 9). Pour respecter le standard minimal fixé dans le cadre de l'action 6 du plan d'action BEPS, il suffit d'inscrire la clause anti-abus dans la CDI. Aucune autre disposition anti-abus n'est requise.

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Art. VIII du protocole de modification (Entrée en vigueur) Les dispositions du protocole de modification s'appliquent en principe à compter du 1er janvier de l'année suivant son entrée en vigueur. Une particularité s'applique aux dispositions modifiées ou nouvellement introduites par les art. IV, par. 1, et VI, sur la procédure amiable. Celles-ci s'appliqueront dès la date de l'entrée en vigueur du protocole de modification et sans égard à la période fiscale à laquelle se rapporte l'état de fait.

3

Conséquences financières

Le protocole de modification ne prévoit pas de modification des critères d'attribution du droit d'imposition entre la Suisse et les Émirats arabes unis. Il contient principalement des dispositions visant à empêcher l'utilisation abusive de la CDI-AE et à améliorer le règlement de différends. Il ne devrait donc pas avoir d'effet notable sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. La CDI-AE modifiée peut être mise en oeuvre avec les ressources humaines actuelles.

4

Aspects juridiques

Le protocole de modification se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)3, qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères.

L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à signer et à ratifier les traités. En vertu de lart. 166, al. 2, Cst., lAssemblée fédérale est compétente pour approuver les traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration4). Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que le protocole de modification. Le Parlement est donc compétent pour approuver ce dernier.

L'art. 141, al. 1, let. d, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum, entre autres, s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl) 5, sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

Le protocole de modification contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et aux personnes privées (physiques et morales). Il contient donc des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. L'arrêté fédéral portant approbation du protocole de modification est donc sujet au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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RS 101 RS 172.010 RS 171.10

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Procédure de consultation

Le protocole de modification est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)6, il aurait donc dû être soumis à une consultation.

Une procédure d'orientation a été organisée en janvier 2022. Dans ce cadre, le protocole de modification a été adressé aux cantons et aux milieux intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions avec une note explicative, pour prise de position. Le protocole modifiant la CDI-AE a été bien accueilli et n'a pas rencontré d'opposition. Les positions des milieux intéressés étant ainsi connues et documentées, il a été possible, en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, de renoncer à organiser une procédure de consultation.

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