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23.045 Message concernant l'approbation et la mise en oeuvre de la convention de La Haye sur les accords d'élection de for du 24 mai 2023

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2021

M 21.3455

Renforcer l'attrait de la Suisse comme place judiciaire au niveau international

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

24 mai 2023

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2023-1566

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Condensé La convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for vise à augmenter la sécurité du droit et à promouvoir le commerce international. Elle règle la compétence internationale en matière civile ou commerciale lorsque les parties ont désigné le tribunal compétent, ainsi que la reconnaissance et l'exécution des jugements. Le Conseil fédéral propose d'approuver cette convention en exécution du mandat que lui a donné par le Parlement en adoptant la motion CAJ-E 21.3455 «Renforcer l'attrait de la Suisse comme place judiciaire au niveau international».

Contexte Dans le commerce international, il est de pratique courante que les parties cherchent à limiter les risques juridiques en convenant de la manière dont les éventuels litiges seront résolus, notamment en désignant le tribunal qui devra connaître de tels litiges: on est alors en présence d'un «accord d'élection de for». Cependant, étant donné que les règles nationales sont souvent très différentes d'un État à l'autre, les parties n'ont pas la certitude que ces accords seront respectés par les tribunaux saisis. Par exemple, l'une des parties peut saisir un tribunal autre que celui qui avait été désigné dans l'accord, au désavantage de l'autre partie. Il se peut en outre qu'un jugement rendu par le tribunal désigné dans un accord ne soit pas reconnu et exécuté par les tribunaux d'un autre État. Cette insécurité juridique peut faire obstacle au commerce international et mettre en difficulté les entreprises, tout particulièrement aussi les PME.

En mettant en place un système qui assure un meilleur respect des accords d'élection de for au niveau international, la convention résout ces problèmes d'insécurité juridique. Elle renforce ainsi, pour les entreprises notamment, la prévisibilité des litiges transfrontaliers et diminue les coûts engendrés par ceux-ci. Elle est donc particulièrement intéressante pour les États ayant une économie ouverte sur le monde, à l'instar de la Suisse. La Chambre de commerce internationale (International Chamber of Commerce) a souligné à plusieurs reprises l'importance de la convention pour le commerce mondial et invité tous les gouvernements à la ratifier dans les plus brefs délais. À ce jour, l'Union européenne, le Danemark, le Mexique, le Monténégro, le Royaume-Uni et Singapour l'ont
ratifiée. D'autres États (entre autres les États-Unis, la Chine et Israël) ont signé la convention mais ne l'ont pas encore ratifiée.

La convention est également intéressante pour les États qui se positionnent en tant que places judiciaires au niveau international. C'est le cas de la Suisse. Plusieurs cantons envisagent en effet la mise en place de tribunaux du commerce international, comme l'ont fait au cours des dernières années plusieurs partenaires commerciaux de la Suisse, tels que l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et Singapour. La sécurité concernant la désignation des tribunaux ainsi que la reconnaissance et l'exécution à l'étranger des décisions rendues sont des conditions essentielles pour le succès des tribunaux du commerce international: la convention permet d'atteindre ces buts. Une adhésion répond donc, pour ces raisons également, aux intérêts de la Suisse.

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Présentation du projet La convention vise à promouvoir le commerce et les investissements internationaux en renforçant la coopération judiciaire (préambule). Dans ce but, elle établit des règles uniformes sur la compétence internationale des tribunaux en matière civile ou commerciale lorsque les parties à un litige ont désigné le tribunal compétent (art. 5 à 7) et règle la reconnaissance et l'exécution de jugements étrangers qui ont été rendus par un tribunal d'un État contractant désigné dans un tel accord (art. 8 à 15). Les autres dispositions de la convention concernent notamment son champ d'application, et contiennent des règles techniques relatives à son fonctionnement.

Les clauses d'élection de for sont actuellement réglées en Suisse par d'autres textes, notamment la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP). Quelques modifications des articles pertinents de la LDIP sont proposées pour moderniser le texte et clarifier la compétence interne des tribunaux suisses.

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Table des matières Condensé

2

1

5 5 6 7 8 9

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Déroulement et résultat des négociations 1.3 Relation avec d'autres actes normatifs 1.3.1 Convention de Lugano 1.3.2 LDIP 1.4 Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral 1.5 Classement d'interventions parlementaires

9 9

2

Procédure de consultation 2.1 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.2 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

9 9 10

3

Consultation des commissions parlementaires

11

4

Présentation de la CLaH 05 4.1 Aperçu 4.2 Appréciation 4.3 Versions linguistiques

11 11 11 12

5

Commentaire des dispositions de la CLaH 05

12

6

Réserves et déclarations

28

7

Commentaire des modifications de la LDIP

31

8

Conséquences 8.1 Conséquences pour la Confédération 8.2 Conséquences pour les cantons et communes 8.3 Conséquences économiques

32 32 32 33

9

Aspects juridiques 9.1 Constitutionnalité 9.2 Compatibilité avec les autres obligations internationales de la Suisse 9.3 Forme de l'acte à adopter

33 33 34 34

Arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention de La Haye sur les accords d'élection de for (Projet)

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Convention sur les accords d'élection de for

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

La Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for (ci-après CLaH 05) règle la compétence internationale des tribunaux en matière civile ou commerciale et la reconnaissance des jugements, dans les cas où les parties ont élu les tribunaux d'un État donné pour trancher leur différend. Elle est en vigueur depuis 2015 et est appliquée dans l'Union européenne, au Mexique, au Monténégro, au Royaume-Uni et à Singapour. D'autres États l'ont signée mais ne l'ont pas encore ratifiée (notamment les États-Unis, la Chine et Israël).

La CLaH 05 présente le grand avantage que tous les États parties sont tenus de reconnaître et exécuter les décisions d'un tribunal élu, ce qui accroît la prévisibilité des litiges transfrontaliers pour les entreprises et réduit les coûts que ces derniers engendrent. Elle est d'une grande importance pour le commerce international. Son objectif est de «promouvoir le commerce et les investissements internationaux en renforçant la coopération judiciaire»1. La Chambre de commerce internationale a appelé tous les gouvernements à la ratifier aussitôt que possible2. De fait, les relations économiques ne peuvent être fructueuses à long terme que s'il existe des mécanismes efficaces de règlement des litiges. La CLaH 05 présente donc un grand intérêt pour un pays comme la Suisse, dont l'économie est tournée vers les exportations.

Une autre bonne raison pour la Suisse d'adhérer à la CLaH 05 est que le RoyaumeUni n'est plus membre de l'Union européenne et qu'il n'est donc plus lié par la Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (convention de Lugano, ciaprès CL)3, ce qui crée une insécurité juridique dans les relations avec un partenaire commercial important de la Suisse. La CLaH 05 permettrait d'y remédier, car le Royaume-Uni l'a déjà ratifiée.

La CLaH 05 est aussi importante pour la Suisse pour un autre motif. Plusieurs cantons (BE, GE, ZH) envisagent en effet la création de tribunaux spécialisés dans les litiges du commerce international4. Singapour, la France, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont déjà institué des juridictions de ce type ces dernières années. Ces États sont non seulement des partenaires commerciaux importants de la Suisse, mais aussi ses concurrents directs sur le marché des prestations juridiques. Or, le succès écono-

1 2 3 4

Voir le préambule de la CLaH 05.

iccwbo.org > Media wall > News & Speeches > Search > «ICC calls on governments to facilitate cross-border litigation» RS 0.275.12 Martin Bernet / Arun Chandrasekharan, «International Commercial Courts ­ the Projects in Zurich and Geneva», in: Müller/Besson/Rigozzi, New Developments in International Commercial Arbitration, 2020, pp. 167 à 190.

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mique5 des tribunaux du commerce international dépend de la reconnaissance et de l'exécution de leurs jugements à l'étranger. Après avoir accru, il y a quelques années, l'attrait de la Suisse comme place d'arbitrage international6, il convient aujourd'hui de renforcer son attrait dans la résolution des litiges par les tribunaux étatiques afin que la Suisse puisse consolider sa position de premier plan dans le domaine des prestations juridiques.

Au cours des travaux de révision du code de procédure civile (CPC)7, plusieurs participants à la consultation ont demandé une ratification rapide de la CLaH 05, qui permettrait de procéder à une élection de for contraignante dans les litiges commerciaux internationaux8. En conséquence, dans son message du 26 février 2020 relatif à la modification du code de procédure civile suisse, le Conseil fédéral a annoncé l'examen de la ratification par la Suisse de la CLaH 05, afin «de renforcer l'excellente réputation de la Suisse en tant que juridiction neutre et compétente» et «d'apporter une contribution significative au développement des activités qui y sont liées»9.

Le 12 avril 2021, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a adopté la motion 21.3455 «Renforcer l'attrait de la Suisse comme place judiciaire au niveau international», qui charge le Conseil fédéral de soumettre au Parlement un projet d'arrêté fédéral portant ratification de la CLaH 05. Le Conseil fédéral a proposé d'accepter la motion le 26 mai 2021. Elle a été adoptée par le Conseil des États le 16 juin 2021 et par le Conseil national le 6 décembre 202110. Le présent projet répond à ce mandat parlementaire.

1.2

Déroulement et résultat des négociations

La CLaH 05 a été conclue en 2005 sous la direction du professeur Andreas Bucher de l'Université de Genève. Elle repose sur une proposition américaine visant à simplifier la reconnaissance transfrontalière des jugements et à harmoniser les règles en matière de compétence. Les premiers travaux ont commencé en 1992 dans le cadre de la Conférence de La Haye de droit international privé11.

À l'origine, la CLaH 05 devait couvrir toutes les questions de compétence en matière de droit civil ou commercial, mais au cours des négociations son champ d'application a été limité aux accords d'élection de for, très importants pour les échanges internationaux12. Elle réalise, pour les jugements rendus par les tribunaux étatiques, ce que la convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des 5

6 7 8 9 10 11 12

Comme exemple de la portée économique des prestations juridiques, on peut citer l'exemple de Singapour: en 2017, le produit réalisé dans le secteur a été de 2,1 milliards de dollars singapouriens (1,4 milliard de francs). Source: www.singstat.gov.sg.

FF 2018 7153 RS 272 www.ofj.admin.ch > État & Citoyen > Projets législatifs en cours > Modification du code de procédure civile > Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, ch. 6.7.

FF 2020 2607, ch. 4.1.6 BO 2021 E 694, BO 2021 N 2383 www.hcch.net > Projets > Travail législatif > Projet concernant la compétence.

Pour plus de détails sur le déroulement des négociations, cf. Andreas Bucher, RSDIE 1/2006, p. 29 ss.

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sentences arbitrales étrangères13 avait fait pour les compromis d'arbitrage et les sentences qui en résultent14.

Il faut relever que le champ d'application de la CLaH 05 a également été restreint à des fins de protection des parties les plus faibles. Les accords d'élection de for conclus par les consommateurs et les travailleurs en ont été exclus, car il y aurait sans cela un risque que les employeurs et les fournisseurs professionnels utilisent leur position de force au détriment de l'autre partie au moment de conclure ces accords. De nombreux autres domaines couverts par des conventions spéciales (par exemple les pensions alimentaires et les testaments), présentant un lien territorial fort avec un seul État (par exemple les droits réels immobiliers) ou soulevant des questions juridiques complexes (par exemple le droit de la propriété intellectuelle) ont également été exclus du champ d'application.

La délégation suisse aux négociations s'est activement employée à obtenir que la CLaH 05 soit compatible avec la Convention de Lugano, laquelle est d'une importance fondamentale pour la Suisse, et avec la législation suisse (cf. ch. 1.3).

Il faut enfin relever que les travaux entamés en 1992 pour assurer la reconnaissance transfrontalière des jugements et l'harmonisation des règles de compétence ne sont toujours pas achevés. Une nouvelle étape a été franchie en 2019, avec la conclusion de la Convention du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale15. Les discussions se poursuivent sur la question de savoir quels tribunaux doivent avoir la compétence de statuer sur les litiges et ce qu'il convient de faire en cas de procédures judiciaires parallèles dans plusieurs États16. L'administration fédérale avait examiné une première fois la CLaH 05 en 2014, mais elle avait suspendu cette étude dans l'attente de la conclusion ­ que l'on croyait alors imminente ­ des travaux de la Conférence de La Haye. Il apparaît aujourd'hui plus approprié d'adhérer à la CLaH 05 indépendamment de la suite des négociations de la conférence.

1.3

Relation avec d'autres actes normatifs

Les accords d'élection de for sont réglés en Suisse par diverses dispositions, notamment l'art. 23 de la Convention de Lugano, l'art. 5 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP)17 et, sur le plan national, l'art. 17 CPC.

La relation entre la CLaH 05 et les dispositions nationales est claire: en tant que traité international, la CLaH 05 prime ces dernières (cf. art. 1, al. 1, LDIP et art. 2 CPC). En 13 14

15 16 17

RS 0.277.12 Voir l'avant-propos du rapport explicatif de Trevor Hartley et Masato Dogauchi sur la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for (ci-après «rapport Hartley/Dogauchi»), disponible à l'adresse suivante: www.hcch.net > Instruments > Conventions et autres instruments > Convention Élection de for de 2005 > Rapport explicatif.

www.hcch.net > Instruments > Conventions et autres instruments > Convention Jugements de 2019.

www.hcch.net > Projets > Travail législatif > Projet concernant la compétence.

RS 291

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revanche, les rapports avec la Convention de Lugano sont plus complexes et appellent quelques clarifications (cf. ch. 1.3.1).

1.3.1

Convention de Lugano

Les champs d'application de la CLaH 05 et de la CL peuvent se recouper lorsque, dans une situation internationale, une élection de for désigne un État où les deux conventions s'appliquent. Les champs d'application matériels des deux conventions, qui couvrent les affaires civiles et commerciales, sont quasiment identiques.

Quelques différences existent entre les solutions prévues par les deux conventions, la principale étant qu'en cas de procédures parallèles la CLaH 05 donne la priorité au tribunal élu, alors que la CL la donne au premier tribunal saisi. Il est par conséquent important de clarifier les champs d'application des deux instruments. Les explications suivantes se concentrent sur les situations les plus importantes pouvant se présenter en Suisse18.

En matière de compétence, la relation entre la CLaH 05 et la CL peut être résumée de la manière suivante: la CLaH 05 a vocation à s'appliquer dès qu'un tribunal d'un État contractant est élu, alors que la CL exige en plus qu'une des parties soit domiciliée sur le territoire d'un État lié (sauf en ce qui concerne l'effet dérogatoire des clauses d'élection de for, qui intervient en vertu de l'art. 23, par. 3, CL sans égard au domicile des parties). Bien que la CLaH 05 ait donc un champ d'application plus large que la CL, elle cède le pas à cette dernière dans les situations énumérées à son art. 26.

Dans beaucoup de cas concernant la Suisse, les règles de la Convention de Lugano continueront de s'appliquer. Ainsi, pour ce qui concerne les questions de compétence directe, en vertu de son art. 26, par. 2 la CLaH 05 laisse la priorité à la CL lorsque les deux parties ont leur domicile dans des États liés par la CL, ou lorsqu'une seule des parties a son domicile dans un État lié par la CL alors que l'autre réside dans un État qui n'est pas lié par par la CLaH 05. En cas d'incompatibilité de la CLaH 05 avec les obligations découlant de la CL à l'égard d'autres États parties à la CL, l'art. 26, par. 3, CLaH 05 donne la priorité à la CL en tant que traité antérieur.

En matière de reconnaissance et d'exécution, d'éventuels conflits entre les deux conventions sont désamorcés par le fait que la CLaH 05 n'affecte pas l'application d'autres traités (et notamment de la CL) permettant la reconnaissance à un degré égal.

La CL, instrument favorable à la
reconnaissance, pourra donc s'appliquer dans la plupart des cas à la reconnaissance et à l'exécution de jugements rendus par un État lié par la CL.

Tous les participants à la procédure de consultation qui se sont prononcés sur la compatibilité de la CLaH 05 avec la CL sont arrivés à la conclusion que, bien que les deux instruments ne soient pas forcément complètement compatibles sur tous les points, la 18

Pour plus de détails sur les conflits potentiels entre la CLaH 05 et la CL, voir les prises de position des universités de Berne, de Genève et de Lausanne, résumées dans le rapport sur les résultats de la procédure de consultations, ch. 3.4. Les prises de position et le rapport sont disponibles à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2022 > DFJP.

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CL ne fait pas obstacle à l'approbation de la CLaH 05. On peut laisser aux tribunaux le soin de trouver, dans les rares situations de vrai conflit qui surviendront, des solutions appropriées qui tiennent compte des attentes légitimes des parties et de la stratégie que celles-ci ont adoptée en procédure.

1.3.2

LDIP

Avec l'entrée en vigueur de la CLaH 05 pour la Suisse, la LDIP ne règlera en matière d'élection de for plus que les cas dans lesquels un tribunal d'un État qui n'est lié par aucune des deux conventions (CLaH 05 et CL) est élu et ceux relevant d'une matière exclue du champ d'application matériel des deux conventions.

Les participants à la procédure de consultation qui se sont prononcés sur la compatibilité de la CLaH 05 avec la LDIP ont relevé quelques divergences mineures, mais ils sont arrivés à la conclusion qu'une modification de la LDIP n'était pas nécessaire pour approuver la CLaH 05, même si elle paraît souhaitable à certains19. Pour les adaptions proposées et l'appréciation du Conseil fédéral à ce sujet, voir les ch. 2.1, 2.2. et 6.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 29 janvier 202020 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202321. Le mandat d'élaborer un message a été confié au Conseil fédéral par la motion 21.3455 du 12 avril 2021.

1.5

Classement d'interventions parlementaires

Le projet met en oeuvre la motion CAJ-E 21.3455 «Renforcer l'attrait de la Suisse comme place judiciaire au niveau international». Le Conseil fédéral propose donc son classement.

2

Procédure de consultation

2.1

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation a été ouverte le 30 mars 2022 et a pris fin le 7 juillet 2022. En tout, 90 destinataires ont été invités à participer. Ceux-ci ont été invités à s'exprimer sur les différentes considérations que contient le rapport explicatif, et par19 20 21

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, ch. 3.5.

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ticulièrement sur la question de savoir si la Suisse devait formuler des réserves ou des déclarations. En tout, 46 avis ont été remis (26 cantons, 17 organisations dont 4 universités et 3 partis politiques).

La grande majorité des participants à la procédure de consultation a accueilli favorablement le projet22, même si l'art. 5 LDIP a soulevé des questions23.

2.2

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation a montré que la plupart des participants (y compris la grande majorité des cantons) confirment que la CLaH 05 permet d'atteindre les objectifs poursuivis, entièrement ou en partie, tout particulièrement ceux d'augmenter l'attractivité de la Suisse en tant que place judiciaire au niveau international et de diminuer l'insécurité juridique dans les rapports avec les États non contractants à la CL et en dehors de l'espace juridique européen. Les bien moins nombreuses remarques neutres voire critiques portaient plutôt sur les lacunes et le manque de précision de certaines dispositions de la CLaH 05 ainsi que sur l'application de la CLaH 05 par les tribunaux des cantons ne souhaitant pas se doter d'une cour commerciale à orientation internationale (cf. ch. 6).

Plusieurs participants, notamment des universités suisses, ont soulevé d'autres questions, notamment concernant les réserves et déclarations qui pourraient être faites par la Suisse (cf. ch. 6), les rapports avec la Convention de Lugano (cf. ch. 1.3.1) et le droit interne (cf. ch. 1.3.2).

La procédure de consultation a confirmé l'utilité pour la Suisse d'approuver la CLaH 05.

Comme suggéré dans le cadre de la procédure de consultation, il y a lieu de clarifier à l'art. 5 LDIP quel tribunal est compétent en cas d'élection «des tribunaux suisses» (cf. ch. 6). L'art. 3, al. 1, let b, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)24 prévoit qu'une consultation est en principe organisée lors des travaux préparatoires concernant les projets de loi; cependant, il est possible d'y renoncer lorsque, comme en l'espèce, les conditions de l'art. 3a, let. b, LCo sont remplies. Or, la possibilité d'une modification de l'art. 5 LDIP avait été discutée dans le rapport explicatif mis en consultation, sans être retenue à ce stade. Ce point a donc déjà été mis en consultation. La proposition finalement retenue dans le présent projet repose ainsi sur les avis reçus lors de la consultation. Aucune information nouvelle n'étant à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues, il n'y a pas eu de nouvelle consultation concernant la modification de la LDIP.

22

23 24

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation est disponible à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures terminées > 2022 > DFJP.

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, ch. 3.5.

RS 172.061

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3

Consultation des commissions parlementaires

En vertu de l'art. 152, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)25, le Conseil fédéral consulte les commissions compétentes en matière de politique extérieure sur les directives ou lignes directrices concernant un mandat pour des négociations internationales importantes avant d'adopter ou de modifier ce mandat. En l'espèce, les négociations pour l'élaboration de la CLaH 05, qui se sont déroulées sous l'égide de la Conférence de La Haye de droit international privé, une organisation internationale dont la Suisse est membre et qui a pour tâche de contribuer au développement du droit international, ne remplissent pas les conditions de l'art. 152, al. 3, LParl. Il n'y avait par conséquent pas lieu de consulter les commissions parlementaires.

4

Présentation de la CLaH 05

4.1

Aperçu

La CLaH 05 établit des règles uniformes sur la compétence internationale des tribunaux en matière civile ou commerciale lorsque les parties à un litige ont désigné le tribunal compétent (art. 5 à 7). Elle règle également la reconnaissance et l'exécution de jugements étrangers qui ont été rendus par un tribunal d'un État contractant désigné dans un tel accord (art. 8 à 15). Ces dispositions constituent les règles clés de la CLaH 05.

Les autres dispositions de la CLaH 05 concernent notamment son champ d'application (par ex. la définition de la situation internationale, les exclusions du champ d'application et la définition de la notion d'accord exclusif d'élection de for et de jugement).

Elles contiennent en outre des règles techniques relatives au fonctionnement de la convention (notamment les déclarations que les États peuvent faire, le rapport avec d'autres instruments internationaux, l'adhésion à la convention et sa dénonciation, l'entrée en vigueur et le dépositaire)26.

4.2

Appréciation

La CLaH 05 promeut le commerce et les investissements internationaux en renforçant la coopération judiciaire et en apportant la sécurité juridique par le biais de règles de compétence et de reconnaissance claires et prévisibles qui lient les parties et les tribunaux. Une adhésion est donc dans l'intérêt de la Suisse.

25 26

RS 171.10 Pour un aperçu de la CLaH 05 par le Bureau Permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé, voir le document disponible à l'adresse suivante: www.hcch.net > Instruments > Conventions et autres instruments >Convention Élection de for de 2005 > Aperçu de la Convention.

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4.3

Versions linguistiques

Conformément à l'art. 13, al. 2, de la loi du 5 octobre 2007 sur les langues27, une des versions authentiques de la CLaH 05 a été établie en français.

5

Commentaire des dispositions de la CLaH 05

Art. 1

Champ d'application

La CLaH 05 ne s'applique en principe que dans des situations internationales, aux accords exclusifs d'élection de for en faveur des tribunaux d'un État contractant, conclus en matière civile ou commerciale, et aux jugements rendus sur la base d'un tel accord.

La «situation internationale» aux fins de la détermination de la compétence La CLaH 05 s'applique aux fins de la détermination de la compétence lorsqu'au moins l'une des deux conditions suivantes est remplie: les parties ne résident pas dans le même État contractant ou un élément pertinent du litige présente un lien avec un autre État. Pour la détermination de la résidence des personnes physiques et morales, voir le commentaire de l'art. 4.

L'étendue du caractère international au sens de l'art. 1, par. 2, et donc le champ d'application de la CLaH 05, a des limites: dans le but de protéger les parties faibles, des parties à une situation purement interne ne peuvent pas qualifier d'internationale leur relation simplement en raison du fait qu'elles ont élu un tribunal étranger. De telles relations restent soumises aux autres règles en vigueur dans l'État concerné.

La «situation internationale» aux fins de la reconnaissance et de l'exécution Le par. 3 fournit une définition différente de la «situation internationale», s'appliquant aux fins de la reconnaissance et de l'exécution. Dans ce cadre, une situation est internationale lorsque la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement étranger rendu dans un État contractant est requise.

Une situation strictement interne à un État contractant, qui n'était pas internationale au sens de l'art. 1, par. 2, lorsque le jugement initial a été rendu, peut donc devenir internationale au sens de l'art. 1, par. 3, si l'on demande la reconnaissance ou l'exécution du jugement initial dans un autre État contractant.

La limitation aux accords exclusifs d'élection de for La CLaH 05 ne s'applique en principe qu'aux accords exclusifs d'élection de for, à savoir les accords qui désignent soit les tribunaux d'un État contractant, soit un ou plusieurs tribunaux particuliers d'un État contractant, à l'exclusion des tribunaux d'autres États28.

27 28

RS 441.1 Pour la définition des accords exclusifs d'élection de for, voir l'art. 3 de la CLaH 05 et le commentaire de l'art. 3.

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Cette limitation du champ d'application de la CLaH 05 a deux avantages principaux.

D'une part, elle permet d'éviter les difficultés qui surgiraient lorsque les tribunaux de plusieurs États sont saisis (donc les questions liées à la litispendance). L'art. 6 interdit ainsi aux tribunaux autres que le tribunal élu de connaître de l'affaire. D'autre part, cette limitation permet de prévoir que le tribunal élu ne pourra se dessaisir du litige au motif qu'un tribunal d'un autre État serait un for plus approprié (principe dit du forum non conveniens): l'art. 5 impose ainsi au tribunal élu de connaître du litige. Ces deux dispositions essentielles ont permis d'atteindre l'objectif principal de la CLaH 05, qui est de rendre les accords d'élection de for aussi efficaces que possible.

Dans un souci de flexibilité, l'art. 22 prévoit néanmoins la possibilité pour les États contractants de faire des déclarations réciproques étendant l'application des dispositions de la CLaH 05 en matière de reconnaissance et d'exécution aux accords non exclusifs d'élection de for. Le présent projet propose que la Suisse, qui reconnaît déjà la validité des accords non exclusifs d'élection de for en vertu de la LDIP, fasse une telle déclaration, dans un souci de cohérence avec son droit national (cf. ch. 5).

La «matière civile ou commerciale» La CLaH 05 s'applique en matière civile ou commerciale. Dans la tradition de la Conférence de La Haye, elle ne définit pas cette notion, qui a un sens autonome, sans référence au droit interne ou à d'autres instruments. Une interprétation autonome et uniforme de ces termes est particulièrement importante, puisque, par définition, au moins deux États sont impliqués dans un litige auquel s'applique la CLaH 05.

La limitation à la matière civile ou commerciale vise principalement à exclure le droit public et le droit pénal. Dans la pratique, la CLaH 05 s'appliquera surtout aux contrats internationaux de vente et de services, où il est fréquent que les parties prévoient des clauses d'élection de for. Un autre cas d'application pourrait être celui dans lequel les parties à un différend déjà né (par ex. à la suite d'un acte illicite) conviennent de soumettre le litige aux tribunaux d'un État donné.

Le seul fait qu'un État (y compris un gouvernement, une agence gouvernementale ou toute personne
agissant pour le compte d'un État) est partie à un litige n'exclut pas celui-ci du champ d'application de la CLaH 05 (art. 2, par. 5). Ainsi, la CLaH 05 est applicable lorsqu'un État se livre à des transactions commerciales et agit comme un particulier pourrait le faire. Par souci de clarté, l'art. 2, par. 6, prévoit expressément que la CLaH 05 n'affecte pas les privilèges et immunités dont jouissent les États ou les organisations internationales.

Il est important de souligner que l'art. 1 définit le champ d'application de la CLaH 05 par référence à la «matière» et non pas à la «juridiction»: la qualification de «civile ou commerciale» dépend donc de la nature du litige, et non de la nature du tribunal saisi, qui peut être civil, pénal ou administratif.

À noter que l'art. 2 exclut certaines matières relevant de la matière civile ou commerciale du champ d'application de la CLaH 0529.

29

Voir le commentaire de l'art. 2.

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Art. 2

Exclusions du champ d'application

Contrats de consommation Pour protéger les parties économiquement faibles, l'art. 2, par. 1, let. a, exclut du champ d'application de la CLaH 05 les accords exclusifs d'élection de for auxquels une personne physique agissant principalement dans un but personnel, familial ou domestique (un consommateur) est partie. Cette définition du consommateur, qu'il faut interpréter de façon autonome (art. 23), va encore plus loin que les définitions connues aujourd'hui en Suisse et retenues à l'art. 15 CL, à l'art. 120 LDIP et à l'art. 32 CPC, puisque sont exclus du champ d'application de la CLaH 05 aussi bien les contrats entre un consommateur et un non-consommateur que les contrats entre deux consommateurs30. À titre de comparaison, la Convention de Lugano, la LDIP et le CPC limitent le bénéfice des dispositions protectrices aux contrats entre consommateurs et professionnels.

Contrats de travail Dans la même idée de protection des parties faibles, l'art. 2, par. 1, let. b, dispose que la CLaH 05 ne s'applique pas aux contrats de travail, y compris les conventions collectives. Les travailleurs ne peuvent donc pas être privés des fors régulièrement prévus.

Arbitrage La CLaH 05 ne s'applique pas à l'arbitrage et aux procédures y afférentes (art. 2, par. 4). La compétence en matière arbitrale ainsi que la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire d'une sentence arbitrale sont ainsi régies exclusivement par les règles applicables dans les États concernés (en Suisse, en matière internationale, la convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères31 ainsi que la LDIP).

Autres exclusions L'art. 2, par. 2, énumère les autres matières exclues du champ d'application de la CLaH 0532. Il s'agit en partie de domaines dans lesquels les parties ne peuvent pas régler la compétence entre elles, car l'intérêt public ou l'intérêt de tierces personnes est en cause. Ainsi, la CLaH 05 ne s'applique pas notamment au droit des personnes et de la famille au sens large, ni aux successions, à l'insolvabilité ou aux droits réels immobiliers. D'autres domaines sont en revanche exclus parce qu'ils sont déjà régis par des instruments multilatéraux, comme les obligations alimentaires, le transport de passagers et de marchandises et la pollution marine.

Si une
matière exclue en vertu de l'art. 2, par. 2, n'est soulevée qu'à titre préalable et non pas comme objet principal du litige, le litige ne sera pas exclu du champ d'application de la CLaH 05 (art. 2, par. 3). Ainsi, si un tribunal est saisi sur la base d'une convention d'élection de for incluse dans un contrat de services couvert par le champ 30 31 32

Pour plus de détails à ce sujet, voir Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 33.

RS 0.277.12 Pour un commentaire détaillé des matières exclues par l'art. 2, par. 2, cf. rapport Hartley/Dogauchi, nos 52 à 83.

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d'application de la CLaH 05, le juge pourra aussi analyser, à titre de question préalable, si le débiteur disposait de la capacité de signer le contrat, et le jugement portant sur le contrat de services pourra en principe (pour les exceptions, voir le commentaire de l'art. 10) être reconnu et exécuté en vertu de la CLaH 05.

Art. 3

Accords exclusifs d'élection de for

En principe, un accord d'élection de for entre dans le champ d'application de la CLaH 05 lorsqu'il remplit cinq critères, qui découlent des art. 3 et suivants: il faut un accord conclu ou documenté par écrit (ou par tout autre moyen de communication qui rende l'information accessible pour être consultée ultérieurement), valable entre les parties, désignant les tribunaux d'un seul et unique État contractant, pour résoudre un différend né ou à naître dans le cadre d'un rapport de droit déterminé.

Un accord valable entre deux ou plusieurs parties Pour que la CLaH 05 s'applique, il faut que les parties au contrat ou au litige aient convenu du tribunal ou de l'État compétent. La CLaH 05 utilise le terme «accord», ce qui exclut l'établissement unilatéral, sans consentement: il faut un accord entre deux ou plusieurs parties.

La question de la validité de l'accord est en principe à examiner selon le droit de l'État du tribunal élu (art. 5, par. 1, 6, let. a, et 9, let. a). Pour assurer la protection des parties faibles, la question de la capacité de conclure l'accord peut aussi être analysée selon le droit de l'État du tribunal saisi (art. 6, let. b) ou le droit de l'État dans lequel la reconnaissance et l'exécution sont requises (État requis; art. 9, let. b).

L'art. 3, let. d, précise qu'un accord exclusif d'élection de for qui fait partie d'un contrat est à considérer comme un accord distinct des autres clauses du contrat. Ainsi, la validité de l'accord exclusif d'élection de for ne peut être contestée au seul motif que le contrat n'est pas valable. Au contraire, ce sera en principe le tribunal élu qui sera amené à se prononcer sur la question de la validité du contrat.

Les exigences de forme de l'art. 3, let. c Un accord exclusif d'élection de for au sens de la CLaH 05 doit être conclu ou documenté soit par écrit, soit par tout autre moyen de communication qui rende l'information accessible pour être consultée ultérieurement33. Ainsi, un accord d'élection de for peut par exemple être documenté par un contrat sur papier ou un échange de courriels, ou être conclu en cochant une case sur un site Internet. Une signature manuscrite n'est pas nécessaire. Même un courriel de confirmation envoyé par une des parties faisant suite à un accord oral ou à un accord fondé sur un usage peut répondre aux exigences
formelles. La réception d'un écrit par l'autre partie n'est pas nécessaire34.

Les conditions de forme de l'art. 3, let. c, sont nécessaires et suffisantes: la CLaH 05 ne s'applique que si l'accord exclusif d'élection de for les remplit et aucune exigence 33

34

Cette formulation est inspirée de l'art. 6, par. 1, de la loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996, disponible à l'adresse suivante: uncitral.un.org > Textes et ratifications > Commerce électronique.

Cf. Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 37.

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de forme supplémentaire relevant du droit national (par ex. l'utilisation de caractères gras spéciaux) ne peut être imposée.

Le caractère exclusif de l'accord d'élection de for Pour être soumis à la CLaH 05 et bénéficier de ses avantages, l'accord d'élection de for doit être exclusif35, ce qui veut dire qu'il doit désigner soit les tribunaux d'un seul et unique État contractant, soit un ou plusieurs tribunaux particuliers d'un seul et unique État contractant. L'art. 3, let. b, dispose qu'un tel accord d'élection de for est réputé exclusif sauf si les parties sont convenues expressément du contraire. Un accord exclusif d'élection de for peut donc désigner deux ou plusieurs tribunaux, pourvu que ceux-ci soient situés dans le même État36 contractant.

À supposer que la Suisse ratifie la CLaH 05, des exemples de clauses exclusives seraient «les tribunaux suisses», «le Tribunal de commerce de Zurich» ou «au choix du demandeur, le Tribunal de première instance de Genève ou le Tribunal de commerce de Berne»).

L'accord d'élection de for doit être exclusif quelle que soit la partie qui introduit la procédure37. Ainsi, ne sont pas réputés exclusifs au sens de la CLaH 05 les accords dont le caractère exclusif est limité aux procédures engagées par l'une des parties (les accords dits asymétriques), alors que l'autre partie a le choix de saisir les tribunaux dans deux États différents, par ex. à son siège et au lieu d'exécution du contrat, localisé dans un autre État que le siège.

Les tribunaux d'un État contractant L'accord d'élection de for doit désigner un ou plusieurs tribunaux d'un État contractant. Les dispositions de la CLaH 05 ne s'appliquent donc pas à des accords désignant les tribunaux d'un État non contractant.

L'objet de la désignation L'accord des parties doit porter sur la résolution de litiges nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. Il n'y a pas de limitation aux demandes contractuelles, et un accord exclusif d'élection de for pourrait par exemple couvrir une demande fondée sur la responsabilité délictuelle.

35 36 37

Pour des exemples d'accords exclusifs et non exclusifs, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 108 et 109.

Pour des précisions sur le terme «État» dans le cas d'un système juridique non unifié, voir le rapport Hartley/Dogauchi, n° 107.

Cf. procès-verbal no 3, p. 577 s. des actes et documents de la vingtième session diplomatique de la Conférence de La Haye de droit international privé, disponible à l'adresse suivante: www.hcch.net > Publications et études > Publications > Actes et documents des Sessions diplomatiques > Actes et documents de la Vingtième session (2005) ­ Élection de for.

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Art. 4

Autres définitions

Le «jugement» Pour faciliter la circulation des jugements, la CLaH 05 les définit, de manière large, comme «toute décision sur le fond rendue par un tribunal, quelle que soit sa dénomination, telle qu'un arrêt ou une ordonnance». L'art. 4, par. 1, inclut explicitement la fixation des frais et dépens, même lorsque cette décision a été rendue par le greffier du tribunal, à condition qu'elle ait trait à une décision sur le fond susceptible d'être reconnue ou exécutée en vertu de la CLaH 05. Les mesures provisoires et conservatoires sont exclues, de même que les ordonnances procédurales, qui ne sont pas des décisions sur le fond.

Comme il est de coutume dans les conventions de La Haye, la notion de «tribunal» est à comprendre au sens matériel, ce qui signifie que toute autorité désignée par un État contractant comme étant compétente dans les matières relevant du champ d'application de la CLaH 05 est visée par le terme «tribunal».

La «résidence» Une autre notion importante pour le fonctionnement de la CLaH 05 est celle de résidence, qui est notamment utilisée pour déterminer le caractère international ou non d'une situation.

La détermination de la résidence des personnes physiques a pu être laissée au droit de l'État saisi. De ce fait, on applique en Suisse l'art. 20, al. 1, let. b, LDIP, qui dispose qu'une personne physique «a sa résidence habituelle dans l'État dans lequel elle vit pendant une certaine durée, même si cette durée est de prime abord limitée».

Par contre, la grande disparité dans la définition de la «résidence» d'une personne morale dans les différents droits nationaux a rendu nécessaires quelques clarifications dans la CLaH 05. Selon l'art. 4, par. 2, une personne autre qu'une personne physique est réputée avoir sa résidence dans l'État de son siège statutaire (let. a), selon le droit duquel elle a été constituée (let. b), de son administration centrale (let. c) ou de son principal établissement (let. d). Chacun de ces éléments est suffisant pour déterminer le caractère international d'une situation. Ainsi, si une personne physique résidant en Suisse conclut un contrat avec une société dont le siège statutaire se trouve en Suisse la situation peut être internationale au sens de la CLaH 05 dès lors que l'administration centrale et les principaux établissements de la société se trouvent à l'étranger38.

Art. 5

Compétence du tribunal élu

L'art. 5 est l'une des règles de base de la CLaH 05, sans laquelle l'efficacité d'un accord exclusif d'élection de for ne serait pas garantie: le tribunal élu doit en principe connaître du litige (par. 1); il ne peut pas se dessaisir au bénéfice d'un autre tribunal (par. 2). La seule exception prévue est celle de la nullité de l'accord d'élection de for selon le droit de l'État du tribunal élu.

38

Cf. Rolf Wagner, Rabels Zeitschrift für ausländisches und internationales Privatrecht, vol. 73, cahier 1 (janvier 2009), p. 111.

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L'art. 5, par. 3, précise que les règles nationales sur la répartition interne de la compétence parmi les tribunaux d'un État contractant ne sont pas affectées par la CLaH 05. Ainsi, si les parties à un litige convenaient par exemple de la compétence du tribunal de commerce d'Argovie alors que la valeur litigieuse est inférieure au minimum requis pour saisir ce tribunal, la CLaH 05 ne pourrait pas imposer cette compétence matérielle au tribunal. Il en est de même de la répartition de la compétence entre tribunaux d'un même État suivant l'objet du litige, qui ne peut pas être mise en cause par un accord d'élection de for. Si les parties désignaient le tribunal des baux et loyers pour trancher un différend relatif à un contrat de prêt, le tribunal désigné ne serait pas lié. De tels accords d'élection de for devraient alors être interprétés, ce qui conduirait probablement à la compétence des tribunaux ordinaires du lieu initialement désigné ou au tribunal suisse compétent selon la LDIP.

Exception: nullité de l'accord exclusif d'élection de for L'art. 5, par. 1, impose au tribunal élu de connaître du litige. La seule exception générale à cette règle est celle de la nullité de l'accord d'élection de for. Cette exception vise uniquement les causes matérielles de nullité (pour les conditions de forme, voir le commentaire de l'art. 3, let. c). La question de la nullité est examinée selon le droit, et non pas la loi, de l'État du tribunal élu: il est donc possible que, pour trancher cette question, le tribunal applique le droit d'un autre État en vertu de ses règles de conflit de lois39.

L'interdiction de se dessaisir au bénéfice du «tribunal d'un autre État» L'art. 5, par. 2, interdit au tribunal élu de refuser d'exercer sa compétence au profit d'un tribunal d'un autre État. Cette règle garantit que le tribunal élu ne peut se dessaisir du litige au motif que le tribunal d'un autre État serait un for plus approprié (principe dit du forum non conveniens)40.

Art. 6

Obligations du tribunal non élu

Principe Pour garantir l'efficacité des accords d'élection de for, aucun tribunal non élu n'est autorisé à connaître du litige, sous réserve des exceptions explicitement prévues. En principe, tout tribunal d'un État contractant autre que celui du tribunal élu doit surseoir à statuer ou se dessaisir lorsqu'il est saisi d'un litige auquel s'applique un accord exclusif d'élection de for. Le tribunal saisi doit interpréter l'accord exclusif d'élection de for pour déterminer si le litige en question lui est soumis ou non.

39 40

Voir à ce sujet Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 38 ss.

L'art. 25, par. 1, let. c, CLaH 05 prévoit des dispositions spéciales pour les États comportant différentes unités territoriales avec des systèmes juridiques distincts (par ex. États-Unis d'Amérique, Royaume-Uni, Canada). Dans la pratique, l'opportunité de considérer le tribunal d'une autre unité territoriale comme «tribunal d'un autre État» au sens de l'art. 5, par. 2, dépendra largement de la formulation de l'accord d'élection de for ainsi que du droit de l'État en question.

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Exceptions Cinq exceptions sont prévues à l'obligation du tribunal non élu de surseoir à statuer ou de se dessaisir. En présence de l'une de ces exceptions, l'interdiction de connaître du litige est levée. Cependant, la CLaH 05 ne contient aucune règle de compétence s'appliquant dans un tel cas. Suivant la situation, le droit national ou un autre instrument international détermineront la compétence ou l'incompétence du tribunal non élu pour connaître de la cause.

La première exception est celle de la nullité de l'accord d'élection de for en vertu du droit de l'État du tribunal élu (let. a). La CLaH 05 précise que le tribunal non élu devant lequel une partie porte le litige en dépit d'un accord contraire en se prévalant de son invalidité matérielle analysera la validité de l'accord en appliquant le droit de l'État du tribunal élu.

La deuxième exception est également liée à la nullité de l'accord: il s'agit des cas dans lesquels l'une des parties n'avait pas la capacité de conclure l'accord selon le droit de l'État du tribunal saisi (let. b). Si, dans une telle situation, un tribunal autre que celui qui a été désigné est saisi, il peut examiner la question de l'incapacité aussi bien selon son propre droit que selon le droit du tribunal élu41.

La troisième exception traite des situations dans lesquelles donner effet à l'accord aboutirait à une injustice manifeste ou serait manifestement contraire à l'ordre public de l'État du tribunal saisi (let. c)42.

La quatrième exception s'applique lorsque, pour des motifs exceptionnels hors du contrôle des parties, l'accord ne peut raisonnablement être mis en oeuvre (let. d). Il s'agit des situations dans lesquelles il n'est pas possible d'introduire une procédure devant le tribunal élu, par ex. en raison d'une catastrophe naturelle ou d'une guerre.

La cinquième et dernière exception traite des situations dans lesquelles le tribunal élu a décidé de ne pas connaître du litige. Son but est celui d'éviter le déni de justice: lorsque le tribunal élu décide qu'il ne va pas connaître du litige, l'exception de l'art. 6, let. e, permet à un autre tribunal de décider de le faire.

Art. 7

Mesures provisoires et conservatoires

Les mesures provisoires et conservatoires ne sont pas régies par la CLaH 05, qui n'exige ni n'interdit l'octroi, le rejet ou la levée de telles mesures. Ainsi, l'élection de for n'affecte que la demande au fond, et c'est au tribunal saisi (qui peut être le tribunal élu ou un autre tribunal) de décider, selon son propre droit, s'il est compétent ou non pour ordonner des mesures provisoires et conservatoires. À noter que les mesures provisoires et conservatoires ne sont pas des jugements au sens de la CLaH 05 (art. 4) et ne peuvent pas bénéficier de son régime de reconnaissance.

41 42

Pour plus de détails sur cette question, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 149 s.

Pour un approfondissement, voir Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 44.

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Art. 8

Reconnaissance et exécution

Principe L'art. 8, par. 1, contient une des règles fondamentales de la CLaH 05: un jugement rendu par un tribunal d'un État contractant désigné dans un accord exclusif d'élection de for est reconnu et exécuté dans les autres États contractants. La reconnaissance ou l'exécution d'un tel jugement ne peut être refusée qu'aux motifs énoncés dans la CLaH 0543.

Interdiction de la révision au fond La remise en question par le tribunal requis du jugement dont on demande la reconnaissance et l'exécution (on parle de «révision au fond») est interdite. Ainsi, si un juge suisse a condamné une partie à payer 100 000 francs pour une violation de contrat, le juge étranger saisi de la reconnaissance ne peut pas réviser les faits et arriver à une autre conclusion. Toutefois, une révision limitée est permise, dans la mesure où elle est nécessaire à l'application des dispositions sur la reconnaissance et l'exécution (par. 2, 1re phrase). Ainsi, le tribunal statuant sur la reconnaissance peut contrôler le respect des conditions liées à la notification de l'acte introductif d'instance au défendeur ou examiner la capacité des parties de conclure un accord d'élection de for (art. 9).

L'art. 8, par. 2, 2e phrase, précise que le tribunal requis est lié par les constatations de fait sur lesquelles le tribunal d'origine a fondé sa compétence, sauf si le jugement a été rendu par défaut. Par exemple, lorsque le tribunal requis doit déterminer si le tribunal d'origine était compétent, dans la mesure où le tribunal d'origine a fondé sa compétence sur un accord exclusif d'élection de for, le tribunal requis est lié par les constatations de fait du tribunal d'origine concernant la validité et la portée de l'accord.

Distinction entre reconnaissance et exécution Aux termes de l'art. 8, par. 3, un jugement n'est reconnu que s'il produit ses effets dans l'État d'origine et n'est exécuté que s'il est exécutoire dans l'État d'origine. Par la reconnaissance, le tribunal requis accepte le jugement d'origine ainsi que les effets qu'il produit concernant les questions qu'il tranche. Par l'exécution, en revanche, le tribunal requis (ou l'autorité compétente de l'État requis) applique ses procédures pour faire en sorte que le défendeur se conforme au jugement reconnu.

Le jugement fait l'objet d'un recours Lorsque le jugement fait l'objet
d'un recours dans l'État d'origine ou que le délai pour exercer un recours ordinaire n'a pas expiré, le tribunal requis peut en différer ou en refuser la reconnaissance ou l'exécution (art. 8, par. 4). Un tel rejet ne préjuge toutefois pas une demande ultérieure, introduite lorsque la situation a été clarifiée dans l'État d'origine.

43

Pour plus de détails, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 164 ss.

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Renvoi d'instance à l'intérieur d'un État Les jugements rendus par un tribunal d'un État contractant faisant suite à un renvoi de l'affaire de la part du tribunal élu dans le même État, comme prévu par l'art. 5, par. 3, bénéficient également du régime de reconnaissance et d'exécution de la CLaH 05 (art. 8, par. 5).

Art. 9

Refus de reconnaissance ou d'exécution

Cet article énonce sept exceptions au principe de la reconnaissance et de l'exécution: lorsqu'elles s'appliquent, la CLaH 05 permet au tribunal requis de refuser la reconnaissance et l'exécution.

La let. a concerne la nullité de l'accord d'élection de for. La reconnaissance et l'exécution d'un jugement rendu par un tribunal qui ne peut pas fonder sa compétence sur un accord d'élection de for valable peuvent être refusées. Par exemple, si le tribunal d'origine a fondé sa compétence sur un autre for (par ex. le domicile du demandeur) à cause de l'invalidité de l'accord d'élection de for, la reconnaissance du jugement peut être refusée. Toutefois, si le tribunal élu a constaté que l'accord était valable, le tribunal requis est tenu par ce constat.

La deuxième exception est également liée à la nullité: il s'agit des cas dans lesquels l'une des parties n'avait pas la capacité de conclure l'accord selon le droit de l'État du tribunal requis (let. b). De manière analogue à ce qui est prévu à l'art. 6, l'accord exclusif d'élection de for est nul si une des parties initiales à l'accord n'a pas la capacité de le conclure en vertu du droit de l'État du tribunal élu ou de celui de l'État requis.

La troisième exception consiste en ce que la reconnaissance ou l'exécution peut être refusée si une notification au défendeur n'a pas eu lieu en temps utile et de telle manière qu'il puisse organiser sa défense (let. c). Ces critères, énumérés au ch. i, visent à protéger le défendeur et sont à interpréter d'une manière autonome et factuelle. Ils ne se réfèrent ni à la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale44, ni au droit de l'État d'origine, ni au droit de l'État requis. Cependant, si le défendeur a comparu sans contester la notification devant le tribunal d'origine (pourvu que le droit de ce dernier permette une telle contestation), cette exception ne s'applique pas. Le ch. ii, qui vise à protéger les intérêts étatiques (souveraineté), prévoit en revanche que la reconnaissance ou l'exécution peut être refusée si la notification a eu lieu de manière incompatible avec les principes fondamentaux de l'État requis. Les États qui considéreraient qu'une notification non conforme à un
traité porte atteinte à leur souveraineté pourraient ainsi refuser la reconnaissance sur cette base45.

La quatrième exception s'applique lorsqu'il y a eu fraude à la procédure (let. d). Une fraude à la procédure implique une malhonnêteté ou une faute intentionnelle et peut notamment comprendre la notification intentionnelle à une mauvaise adresse ou la

44 45

RS 0.274.131 Cf. Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 49.

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corruption du juge ou d'un témoin. En cas de fraude relative au fond, l'exception de la let. e (incompatibilité avec l'ordre public) serait en revanche applicable.

En application de la cinquième exception, la reconnaissance ou l'exécution peut être refusée lorsqu'elle serait manifestement incompatible avec l'ordre public de l'État requis (let. e). La deuxième partie de la phrase souligne que cette exception comprend l'ordre public procédural, notamment les cas dans lesquels la procédure aboutissant au jugement est incompatible avec les principes fondamentaux de l'équité procédurale de l'État requis, tels le droit d'être entendu ou l'impartialité des tribunaux.

Les deux dernières exceptions ont trait à l'incompatibilité d'un jugement dont on demande la reconnaissance et l'exécution avec un autre jugement rendu entre les mêmes parties. La sixième exception prévoit que la reconnaissance ou l'exécution peut être refusée si le jugement en question est incompatible avec un jugement rendu dans l'État requis dans un litige entre les mêmes parties (let. f). Le tribunal requis peut donc donner la priorité à un jugement rendu dans son État, même si celui-ci a été rendu après le jugement dont on demande la reconnaissance ou l'exécution.

La septième et dernière exception traite des situations dans lesquelles une décision est incompatible avec un jugement rendu dans un autre État: il faut que ce jugement ait été rendu antérieurement, entre les mêmes parties, dans la même cause, et remplisse les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État requis (let. g).

Art. 10

Questions préalables

Pour compléter l'art. 2, par. 3, prévoyant qu'un litige n'est pas exclu du champ d'application de la CLaH 05 du seul fait qu'une matière exclue est soulevée à titre préalable, l'art. 10, par. 1, précise que lorsqu'une matière exclue en vertu de l'art. 2, par. 2, ou de l'art. 21 a été soulevée à titre préalable, la décision sur cette question n'est pas reconnue ou exécutée en vertu de la CLaH 05. Ainsi, le tribunal requis n'est pas lié par la partie d'une décision qui porterait sur la question de l'éventuelle succession (art. 2, par. 2, let. d) d'une des parties dans le cadre d'un contrat; en revanche, la partie de la décision qui porterait par exemple sur l'inexécution contractuelle bénéficiera en principe (pour l'exception, voir le paragraphe qui suit) de la reconnaissance en vertu de la CLaH 0546.

L'art. 10, par. 2, énonce un nouveau motif pour lequel le tribunal requis peut refuser la reconnaissance et l'exécution: ce motif s'applique dans la mesure où le jugement est fondé sur une décision relative à une matière exclue en vertu de l'art. 2, par. 2. Le par. 3 soumet l'application de ce motif de refus à des exigences supplémentaires lorsqu'il s'agit d'une décision sur la validité d'un droit de propriété intellectuelle autre qu'un droit d'auteur ou un droit voisin (par exemple un brevet, une marque, un design), affirmant ainsi la primauté des autorités de l'État du droit duquel découle le droit de propriété intellectuelle.

L'art. 10, par. 4, reprend le motif de refus de la reconnaissance ou de l'exécution du par. 2 pour l'appliquer aux jugements fondés sur des décisions préalables relatives à une matière exclue en vertu de l'art. 21. Dans ces cas, le par. 3 ne s'applique pas.

46

Pour plus de détails, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 194 ss.

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Art. 11

Dommages et intérêts

Le tribunal requis peut refuser la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement dans la mesure où celui-ci accorde des dommages et intérêts qui ne compensent pas une partie pour la perte ou le préjudice réels subis (art. 11, par. 1). Il s'agit notamment des dommages et intérêts exemplaires ou punitifs. Cet article s'applique lorsqu'il est manifeste que la condamnation à payer des dommages et intérêts va au-delà de ce qui serait nécessaire à une compensation de la perte ou du préjudice réels subis47.

L'art. 11, par. 2, précise que les dommages et intérêts accordés par le tribunal d'origine peuvent aussi être destinés à couvrir les frais et dépens du procès. Cette précision est nécessaire car tous les ordres juridiques ne considèrent pas les frais et dépens comme faisant partie du dommage.

Art. 12

Transactions judiciaires

Lorsque, au cours d'une instance, une transaction est homologuée par (ou passée devant) un tribunal d'un État contractant désigné dans un accord exclusif d'élection de for et qu'elle est exécutoire au même titre qu'un jugement dans cet État, celle-ci est exécutée dans les autres États contractants aux mêmes conditions qu'un jugement48.

La CLaH 05 ne prévoit que l'exécution (et non la reconnaissance) d'une transaction judiciaire; cela est le cas en droit suisse également. La raison principale pour laquelle la reconnaissance n'est pas prévue réside dans les effets très différents des transactions judiciaires dans les différents systèmes juridiques.

Art. 13

Pièces à produire

L'art. 13, par. 1, contient une liste des pièces que doit produire la partie qui requiert la reconnaissance ou qui demande l'exécution: une copie complète (et non du dispositif seulement) et certifiée conforme du jugement (let. a), l'accord d'élection de for, une copie certifiée de celui-ci ou une autre preuve de son existence (let. b), un document prouvant la notification au défendeur, uniquement si le jugement a été rendu par défaut (let. c), un document attestant que le jugement produit des effets dans l'État d'origine ou qu'il est exécutoire dans cet État (let. d) et, dans les cas visés par l'art. 12, un certificat d'un tribunal de l'État d'origine attestant que la transaction judiciaire y est exécutoire aux mêmes conditions qu'un jugement (let. e).

Cette liste n'est pas exhaustive: lorsque le contenu du jugement ne permet pas au tribunal requis de déterminer si les conditions de la CLaH 05 sur la reconnaissance et exécution sont remplies, le par. 2 permet au tribunal requis d'exiger tout document nécessaire.

47 48

Pour un approfondissement, voir Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 51 s.

Pour plus de détails, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 206 ss.

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En vertu du par. 3, la personne qui souhaite demander la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement peut utiliser un formulaire recommandé et publié par la Conférence de La Haye, figurant en annexe à la CLaH 0549.

Le par. 4 prévoit en outre que, si les documents mentionnés à l'art. 13 ne sont pas rédigés dans une langue officielle de l'État requis, ils doivent être accompagnés d'une traduction certifiée dans une langue officielle, sauf disposition contraire de la loi de l'État requis.

Art. 14

Procédure

Le droit de l'État requis régit la procédure tendant à obtenir la reconnaissance, l'exequatur ou l'enregistrement aux fins d'exécution, ainsi que l'exécution du jugement, à moins que la CLaH 05 n'en dispose autrement. En Suisse, ces questions seront réglées par la LDIP en ce qui concerne la reconnaissance et l'exequatur, sous réserve de l'éventuelle application de la CL (cf. ch. 1.3.1). La loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite50 s'appliquera pour l'exécution des dettes d'argent et le CPC pour l'exécution des autres décisions.

L'art. 14 impose au tribunal requis d'agir rapidement, par la procédure la plus rapide à sa disposition et en évitant les retards inutiles, dans les procédures qui relèvent de cet article.

Art. 15

Divisibilité

L'art. 15 prévoit que le tribunal requis peut se limiter à reconnaître ou à exécuter une partie seulement d'un jugement lorsque cela est demandé ou lorsque seule une partie du jugement peut être reconnue ou exécutée en vertu de la CLaH 05. C'est la loi de l'État requis qui résoudra d'éventuelles questions liées à la dissociabilité de la décision.

Art. 16

Dispositions transitoires

La CLaH 05 s'applique aux accords d'élection de for qui ont été conclus après son entrée en vigueur pour l'État du tribunal élu (par. 1).

Le par. 2 prévoit une règle transitoire supplémentaire pour les procédures se déroulant dans un État autre que celui du tribunal élu: dans ces cas, afin que la CLaH 05 s'applique, il faudra non seulement que la condition du par. 1 soit remplie, mais aussi que la procédure ait été engagée après l'entrée en vigueur de la CLaH 05 pour l'État du tribunal saisi.

49

50

Le formulaire est disponible sur le site de la Conférence de La Haye de droit international privé à l'adresse suivante: www.hcch.net > Instruments > Conventions et autres instruments > Convention Élection de for de 2005 > Formulaire recommandé.

RS 281.1

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Art. 17

Contrats d'assurance et de réassurance

Un litige dans le cadre d'un contrat d'assurance ou de réassurance n'est pas exclu du champ d'application de la CLaH 05, même si ledit contrat porte sur une matière exclue ou se trouvant hors du champ d'application de la CLaH 05 (par. 1).

Le par. 2 prévoit que la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement relatif à la responsabilité en vertu d'un contrat d'assurance ou de réassurance ne peuvent être limitées ou refusées au motif que le contrat porte sur une matière (un risque) à laquelle la CLaH 05 ne s'applique pas (let. a) ou qu'une décision accorde des dommages et intérêts auxquels l'art. 11 pourrait s'appliquer (let. b).

Art. 18

Dispense de légalisation

Les documents transmis ou délivrés en vertu de la CLaH 05 sont dispensés de toute légalisation ou formalité analogue, y compris une légalisation sous forme d'apostille en vertu de la Convention du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers51.

Art. 19

Déclarations limitant la compétence

Il arrive souvent que des parties provenant de deux États différents désignent un tribunal d'un État qu'elles considèrent comme neutre, sans que cet État ait d'autres liens avec le litige. L'art. 19 s'adresse notamment aux États qui ne sont pas favorables à cette pratique. Cette règle permet à un État de déclarer que ses tribunaux peuvent refuser de connaître des litiges si le tribunal élu est le seul lien entre les parties ou le litige et cet État. La Suisse ne prévoit pas de faire une telle déclaration (cf. ch. 5).

Art. 20

Déclarations limitant la reconnaissance et l'exécution

Cette disposition permet à un État de déclarer que ses tribunaux peuvent refuser la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement qui a été rendu par un tribunal d'un autre État contractant lorsque les parties avaient leur résidence dans l'État requis et que les relations entre les parties ainsi que tous les autres éléments pertinents du litige, autres que le lieu du tribunal élu, étaient liés uniquement à l'État requis. La CLaH 05 visant à exclure les situations purement internes de son champ d'application, cette disposition était nécessaire, car en vertu de l'art. 1, par. 3, une telle situation serait considérée comme internationale aux fins de la reconnaissance et de l'exécution. La formulation de l'art. 20 donne néanmoins aux tribunaux d'un État ayant fait une telle déclaration le pouvoir de décider de reconnaître ou d'exécuter un tel jugement dans le cadre de la CLaH 05. La Suisse ne prévoit pas de faire une telle déclaration (cf. ch. 5).

Art. 21

Déclarations relatives à des matières particulières

Lorsqu'un État contractant a un intérêt important à ne pas appliquer la CLaH 05 à une certaine matière, cet État peut le déclarer en vertu de l'art. 21, par. 1. Le par. 2 dispose que, à l'égard d'une telle matière, la CLaH 05 ne s'applique pas dans l'État qui a fait 51

RS 0.172.030.4

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la déclaration (let. a) ni dans les autres États contractants lorsque le tribunal élu se trouve dans l'État qui a fait la déclaration (let. b). La CLaH 05 prévoit donc la réciprocité: dans leurs rapports avec un État ayant fait une telle déclaration, les autres États contractants ne sont pas tenus d'appliquer la CLaH 05 à l'égard de cette matière.

La Suisse ne prévoit pas de faire une telle déclaration (cf. ch. 6).

Art. 22

Déclarations réciproques sur les accords non exclusifs d'élection de for

Cette disposition permet aux États contractants de déclarer qu'ils reconnaîtront et exécuteront les jugements rendus par des tribunaux d'autres États contractants désignés dans un accord non exclusif d'élection de for. Pour la déclaration proposée pour la Suisse, voir le ch. 6.

Art. 23

Interprétation uniforme

Cet article dispose que la CLaH 05 s'interprète en tenant compte de son caractère international et de la nécessité de promouvoir une application uniforme de celle-ci.

En d'autres termes, lorsque cela est possible, les tribunaux et autorités qui appliquent la CLaH 05 l'interprètent sans forcément adopter la même interprétation qu'on donnerait à certains concepts en droit interne, en tenant compte aussi de la doctrine et des décisions étrangères.

Art. 24

Examen du fonctionnement de la CLaH 05

Le secrétaire général de la Conférence de La Haye prend périodiquement des dispositions en vue de l'examen du fonctionnement pratique de la CLaH 05, y compris des déclarations (let. a), et de l'opportunité d'apporter des modifications à la CLaH 05 (let. b). Des commissions spéciales qui permettront aux États membres de discuter du fonctionnement pratique et d'échanger des expériences seront ainsi instituées à intervalles réguliers.

Art. 25

Systèmes juridiques non unifiés

Cette disposition règle les problèmes rencontrés par certains États comportant différentes unités territoriales avec des systèmes juridiques distincts, notamment le Royaume-Uni. La Suisse n'est pas concernée. L'art. 25 pose comme règle que, selon le cas d'espèce et ce qui est opportun, la CLaH 05 doit être interprétée comme s'appliquant soit à l'unité territoriale, soit à l'État dans son ensemble52.

Art. 26

Rapport avec d'autres instruments internationaux

L'art. 26 régit le rapport de la CLaH 05 avec d'autres instruments internationaux en vigueur pour les États contractants. Pour la Suisse, cela concerne notamment la Convention de Lugano (cf. ch. 1.3.1)53.

52 53

Pour un commentaire détaillé de cette disposition, voir le rapport Hartley/Dogauchi, no 258 ss.

Pour un commentaire détaillé de l'art. 26, voir Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 54 ss.

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Le par. 1 indique que l'on doit essayer de résoudre par l'interprétation des incompatibilités apparentes avec d'autres traités en vigueur pour les États contractants. Lorsque cela est possible sans forcer l'interprétation, la CLaH 05 doit être interprétée de manière à être compatible avec les autres traités en vigueur pour les États contractants.

Dans les paragraphes suivants, l'art. 26 énumère une série de situations dans lesquelles la CLaH 05 laisse la priorité aux autres instruments en vigueur dans les États contractants. Ainsi, le par. 2 laisse la place à un traité conclu avant ou après la CLaH 05 lorsque toutes les parties résident dans des pays liés par ce traité. Dans les relations avec les autres pays liés par la Convention de Lugano, la Suisse continuera donc en principe dans de nombreuses situations d'appliquer cette dernière, y compris les éventuelles futures modifications de celle-ci. Une disposition similaire s'applique au sein de l'Union européenne (par. 6).

L'autre traité l'emporte également lorsqu'en appliquant la CLaH 05, un État contractant irait contre ses obligations envers un État non contractant avec lequel il est lié par cet autre traité (par. 3). Ce principe vaut pour les traités antérieurs et s'étend aussi aux éventuelles modifications et révisions futures. En ce qui concerne la Suisse et plus particulièrement la Convention de Lugano, il n'y a donc pas de conflit majeur qui pourrait surgir.

Lorsqu'un traité, conclu avant ou après la CLaH 05 et auquel les deux États concernés sont parties, permet une reconnaissance ou une exécution plus efficace que la CLaH 05, le traité l'emporte (par. 4), puisque la CLaH 05 ne veut pas entraver mais faciliter la circulation des jugements.

Les États peuvent en outre déclarer donner la primauté à un traité qui, à l'égard d'une certaine matière, prévoit des règles relatives à la compétence ou la reconnaissance ou l'exécution des jugements (par. 5). Pour la Suisse, aucune déclaration ne s'impose.

En effet, les principaux traités contenant des règles impératives sur l'élection de for n'entrent pas en conflit avec la CLaH 05, les matières sur lesquelles ils portent étant en général exclues du champ d'application de cette dernière (par ex. transport de passagers et de marchandises, dommages nucléaires, pollution marine).

Art. 27 à 34

Clauses finales

Tout État peut devenir partie à la CLaH 05 (art. 27). Il n'est ni nécessaire d'approuver l'adhésion de nouveaux États, ni possible d'y objecter.

L'Union européenne a adhéré à la CLaH 05 en tant qu'organisation au sens de l'art. 30, de façon à ce que la CLaH 05 lie automatiquement tous les États membres de l'union.

En vertu de l'art. 31, la CLaH 05 entrerait en vigueur pour la Suisse le premier jour du mois suivant l'expiration d'une période de trois mois après le dépôt de son instrument d'adhésion.

L'art. 32 dispose que les déclarations aux art. 19, 20, 21, 22 et 26 peuvent être faites lors de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion ou à tout moment ultérieur, et peuvent être modifiées ou retirées à tout moment auprès du dépositaire (par. 1 et 2). En vertu de l'art. 33, la CLaH 05 peut être dénoncée par une notification écrite au dépositaire.

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6

Réserves et déclarations

Déclarations limitant la compétence (art. 19) Trois participants à la procédure de consultation ont soulevé la question de l'opportunité de réserver l'application de la CLaH 05 aux cantons disposant d'un tribunal de commerce spécialisé dans les litiges internationaux, principalement parce que l'application dans les autres cantons risquerait, à leur avis, de constituer une charge supplémentaire inutile54. Une telle réserve n'est toutefois pas prévue par la CLaH 05, et ne serait pas non plus compatible avec l'objectif et le but de celle-ci, car elle réduirait la sécurité juridique de l'élection de for.

L'art. 19 prévoit la possibilité de limiter la compétence aux seules situations présentant un lien avec l'État contractant concerné. La formulation d'une réserve ou d'une déclaration a été étudiée de manière attentive mais écartée pour plusieurs raisons: -

premièrement, la Suisse souhaite se profiler en tant que place judiciaire internationale. Limiter l'élection de for aux litiges ayant un lien avec la Suisse serait contraire à cet objectif;

-

deuxièmement, des tribunaux suisses peuvent déjà être compétents, dans le champ d'application de la CL, même si le litige n'a aucun lien avec la Suisse.

Ainsi, les tribunaux suisses ne peuvent pas décliner leur compétence lorsqu'une partie au litige a son siège ou domicile dans un État lié par la CL, p. ex. en Roumanie, alors que l'autre a son siège en Chine. La LDIP ne permet pas non plus en principe au juge suisse de refuser une élection de for si le droit suisse est également choisi;

-

troisièmement, on peut raisonnablement se fier au bon jugement des personnes actives dans le commerce international: le fait de choisir un juge suisse d'un petit tribunal avec peu d'expérience dans le domaine n'amenant vraisemblablement pas d'avantages aux parties, on peut partir du principe que cellesci choisiront plutôt un tribunal ayant l'habitude et les compétences nécessaires pour traiter des litiges du commerce international.

Au vu de ce qui précède, la Suisse ne prévoit pas de limiter le champ d'application de la CLaH 05.

Déclarations limitant la reconnaissance et l'exécution (art. 20) Afin de profiter de la sécurité juridique accrue que la CLaH 05 permet dans le cadre des échanges transfrontières, il n'y a pas lieu de faire la déclaration prévue à l'art. 20, qui limiterait la reconnaissance aux situations internationales. Cela n'a d'ailleurs pas été demandé dans le cadre de la consultation. Jusqu'à présent, aucune partie à la CLaH 05 n'a fait une telle déclaration. Par ailleurs, de telles décisions seraient déjà reconnues dans le cadre de la LDIP. À noter que la CLaH 05 exclut de toute façon les parties économiquement faibles (consommateurs et travailleurs; cf. art. 2); leur protection est ainsi assurée.

54

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, ch. 3.3.7.

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Déclarations relatives à des matières particulières (art. 21) L'Union européenne a déclaré, conformément à l'art. 21, qu'elle n'appliquera pas la CLaH 05 aux contrats d'assurance, sous réserve de quelques exceptions55. Cette déclaration a été faite dans le but de protéger certains preneurs d'assurance, parties assurées et bénéficiaires qui, en vertu du droit interne de l'Union européenne, jouissent d'une protection spéciale à l'égard de la compétence dans le domaine des assurances56. La déclaration de l'Union européenne n'avait cependant pas récolté un soutien unanime. Au contraire, les États membres qui avaient participé à la consultation de la Commission sur la question de l'exclusion des contrats d'assurance du champ d'application de la CLaH 05 étaient partagés, partisans et détracteurs étant quasiment en nombre égal57.

Ne pas faire de déclaration relative aux contrats d'assurance pourrait constituer un avantage pour la Suisse et son secteur des assurances. Tant les entreprises d'assurance que leurs partenaires contractuels bénéficient de la sécurité juridique. Les contrats conclus avec des consommateurs (qui peuvent inclure les contrats d'assurance) étant de toute façon exclus du champ d'application de la CLaH 05 (art. 2, par. 1, let. a), les consommateurs seront protégés même sans déclaration de la Suisse et les autres parties bénéficieront toutes d'une sécurité juridique accrue.

Au vu des matières que la CLaH 05 exclut de son champ d'application dans un souci de protection, notamment les contrats de consommateurs (art. 2, par. 1), la Suisse n'a en outre pas d'intérêt important au sens de l'art. 21 à déclarer qu'elle n'appliquera pas la CLaH 05 à d'autres matières particulières58.

De plus, l'art. 21, par. 2, prévoit qu'en cas de déclaration selon le par. 1, la CLaH 05 ne s'applique pas dans les autres États contractants lorsque les tribunaux de l'État ayant fait la déclaration sont élus. Les autres États contractants ne sont par conséquent pas tenus d'appliquer la CLaH 05 à l'égard des contrats d'assurance lorsque le tribunal élu se trouve dans un État membre de l'Union européenne.

Aucun des participants n'a soutenu qu'une déclaration selon l'art. 21 serait utile pour la Suisse59. Un participant a au contraire souligné son caractère superflu, étant donné que l'art. 5 LDIP prévoit que
l'élection de for est admissible en matière patrimoniale et que les matières couvertes par la CLaH 05 entrent sans doute dans cette notion. Le même participant estime en outre que la CLaH 05 exclut déjà une longue liste de matières de son champ d'application et qu'il ne faudrait donc pas en exclure d'autres, y compris dans le domaine des contrats d'assurance; il relève que les règles protec55 56

57

58 59

Les déclarations sont disponibles à l'adresse suivante: www.hcch.net > Instruments > Conventions et autres instruments > Convention Élection de for de 2005 >État présent.

Il s'agit des situations couvertes par la section 3 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 351 du 20.12.2012, p. 1, qui correspondent à la section 3 de la Convention de Lugano.

Proposition de décision du Conseil relative à l'approbation, au nom de l'Union européenne, de la convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for, COM/2014/046 final, ch. 3.2.2.2.

Cf. Bucher, RSDIE, 1/2006, p. 45.

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, point 3.3.4.

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trices contenues dans la CL sont préservées grâce à l'art. 26 CLaH 05 et que la LDIP prévoit déjà l'élection de for en matière d'assurance60.

Il n'y a donc pas lieu de faire la déclaration prévue à l'art. 21.

Déclarations sur les accords non exclusifs d'élection de for (art. 22) Les accords non exclusifs d'élection de for sont relativement courants, notamment dans le secteur bancaire international. Ils permettent aux parties de saisir un tribunal désigné sans pour autant exclure l'accès aux tribunaux normalement compétents.

Sur la base notamment des avis de trois des quatre universités ayant participé à la procédure de consultation61, le présent projet prévoit d'étendre le champ d'application de la CLaH 05 pour la Suisse aux accords non exclusifs d'élection de for, option prévue par l'art. 22. Une telle extension ne concernerait que les dispositions de la CLaH 05 relatives à la reconnaissance et à l'exécution des jugements, à l'exclusion notamment des dispositions relatives à la compétence (art. 5 et 6): cela signifie notamment que le tribunal élu de manière non exclusive déterminerait sa propre compétence sur la base de la loi du for, et non de la CLaH 05. L'art. 22 par. 2, fournissant des garanties procédurales, notamment en matière de litispendance, la sécurité du droit ne serait pas menacée, le risque d'obtenir des jugements contradictoires étant pratiquement écarté. En outre, la Suisse ne s'engagerait à rien qui ne résulte déjà de la Convention de Lugano et de son droit interne: les accords non exclusifs sont reconnus en application de l'art. 5 LDIP, qui est applicable à tout genre d'élection de for, et les décisions étrangères rendues par un juge désigné dans un tel accord peuvent être reconnues en vertu de l'art. 26 LDIP, même sans déclaration reposant sur l'art. 22 de la CLaH 05. La reconnaissance à l'étranger d'une décision suisse sur la base d'un tel accord n'est par contre pas toujours garantie. Une déclaration faite en vertu de l'art. 22 constituerait donc un avantage pour la Suisse, sans créer plus de travail pour les tribunaux suisses.

Il y a donc lieu pour la Suisse de déclarer, en vertu de l'art. 22 CLaH 05, que ses tribunaux reconnaîtront et exécuteront des jugements rendus par des tribunaux étrangers sur la base d'accords non exclusifs d'élection de for.

À noter toutefois
qu'aucune partie contractante n'a, à ce jour, fait une telle déclaration en vertu de l'art. 22. Dès lors que cet article prévoit qu'aussi bien l'État d'origine que l'État requis doivent avoir fait une telle déclaration, la déclaration faite par la Suisse restera pour l'instant lettre morte. En faisant cette déclaration, la Suisse pourra néanmoins servir de modèle aux autres États, augmentant ainsi à long terme l'utilité de la CLaH 05 pour les parties suisses.

Déclarations des autres parties Toutes les déclarations des parties à la CLaH 05 sont prévues par celle-ci et sont compatibles avec elle, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y opposer.

60

61

Cf. avis de l'Université de Lausanne, p. 7, disponible à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2022 > DFJP.

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, point 3.3.5.

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7

Commentaire des modifications de la LDIP

Art. 5, al. 1 Le présent projet est l'occasion de moderniser la formulation de l'art. 5, al. 1, LDIP sans toucher au fond, en supprimant les références aux technologies devenues désuètes, telles que le télégramme, le télex et le télécopieur. L'art. 5 mentionne déjà qu'une clause d'élection de for peut être conclue «par écrit ... ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte»: supprimer les références désuètes rend le texte neutre sous l'angle de la technologie et l'adapte au temps présent. La même adaptation a été faite lors de la réforme du droit de l'arbitrage international62.

Art. 5, al. 1bis Il n'est pas inhabituel que des parties choisissent les tribunaux d'un État sans désigner plus précisément le lieu. Une clause d'élection de for qui désignerait de manière générale «les tribunaux d'un État contractant»63 serait valable tant au titre de la CL que de celui de la CLaH 05. Le nouvel art. 5, al. 1bis, LDIP servira à déterminer le juge compétent en Suisse lorsqu'en vertu de la CLaH 05 (ou de la CL) les «tribunaux suisses» sont compétents.

En cas d'élection des «tribunaux suisses», la compétence interne sera déterminée sur la base des règles de la LDIP, à l'exclusion de l'art. 3 (for de nécessité). Si une clause d'élection de for désigne les tribunaux suisses et que le lieu d'exécution d'un contrat est à Bellinzona, la compétence pourrait revenir alors au juge de Bellinzona sur la base de l'art. 113 LDIP.

À défaut de règle applicable dans la LDIP, le (premier) tribunal saisi par le demandeur sera compétent. Cette solution, qui a déjà été retenue en matière d'arbitrage à l'art. 179, al. 2, LDIP, correspond à la volonté des parties, puisqu'une partie qui a accepté la compétence des «tribunaux suisses» sans plus de précisions ne peut pas se plaindre si un de ces tribunaux est effectivement saisi.

Le nouvel al. 1bis étend les avantages de la validité d'une clause d'élection de for au bénéfice des «tribunaux suisses» à l'art. 5 LDIP, ce qui renforce la sécurité du droit et contribue à la prévisibilité pour les parties. De manière analogue, lors de la révision de 2020 du chapitre de la LDIP concernant l'arbitrage international, le législateur avait précisé la compétence du juge d'appui lorsque les parties ont seulement convenu que le siège du tribunal arbitral
est en Suisse (art. 179, al. 2, LDIP). Il convient de faire de même pour les clauses d'élection de for.

Art. 5, al. 3 L'art. 5, al. 3, LDIP permet à un tribunal de décliner sa compétence à défaut de domicile, résidence ou établissement d'une des parties dans le canton où il siège ou si un droit étranger s'applique au litige. Cet alinéa, fortement critiqué par la doctrine et les 62 63

FF 2018 7153 Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultations, ch. 3.5.

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praticiens, porte atteinte à la sécurité juridique et à la prévisibilité pour les parties.

L'analyse de la jurisprudence fédérale et cantonale accessible en ligne montre que durant les 34 ans qui se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la LDIP, cette possibilité n'a été saisie qu'une seule fois par un tribunal suisse64; dans la trentaine d'autres jugements où l'al. 3 est mentionné, son application a été écartée. Très souvent, cet alinéa ne peut de toute façon plus s'appliquer, puisque la plupart des élections de for en faveur des tribunaux suisses entrent dans le champ d'application de la CL, qui écarte l'application de l'art. 5, al. 3, LDIP; son application sera encore plus réduite par la CLaH 05. Maintenir cet alinéa en dépit de son champ d'application très restreint et des désavantages qu'il engendre serait donc contraire à l'idée d'accroître l'attractivité des tribunaux suisses. Les critères prévus à l'al. 3, let a, n'ont d'ailleurs plus de sens si l'élection de for est possible sans lien avec un canton donné. Abroger cet alinéa est donc cohérent avec l'adhésion de la Suisse à la CLaH 05.

À noter que l'art. 149b, al. 2, LDIP contient une disposition analogue pour une élection de for selon les dispositions d'un trust. La situation de départ est toutefois différente: d'une part, dans le cas des trusts, il s'agit d'une élection de for unilatérale; d'autre part, la compétence en matière de trusts concerne en grande partie également les cas de juridiction gracieuse. Dans ce contexte, il apparaît justifié d'exiger un certain lien entre l'affaire et la Suisse pour que l'élection de for dans le contexte d'un trust soit contraignante pour les tribunaux suisses.

Art. 6 L'art. 6 dispose qu'en matière patrimoniale, le tribunal devant lequel le défendeur procède au fond sans faire de réserve est compétent, à moins qu'il ne décline sa compétence conformément à l'art. 5, al. 3. L'abrogation de l'art. 5, al. 3, implique l'adaptation de l'art. 6, notamment l'élimination de la référence à cette disposition.

8

Conséquences

8.1

Conséquences pour la Confédération

L'adhésion à la CLaH 05 n'a pas de conséquences financières immédiates ni d'influence sur l'effectif du personnel de la Confédération.

8.2

Conséquences pour les cantons et communes

L'organisation judiciaire et des tribunaux étant du ressort des cantons, c'est principalement sur eux que l'adhésion à la CLaH 05 aura des conséquences.

L'adhésion à la CLaH 05 vise notamment à renforcer l'attrait de la Suisse comme place judiciaire au niveau international (cf. titre de la motion 21.3455, ch. 1.1). Il ne faut pas s'attendre à une augmentation généralisée de la saisine des tribunaux dans

64

ATF 119 II 167

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tous les cantons; cependant, les cantons qui souhaitent se doter d'un tribunal commercial à orientation internationale pourront bénéficier d'un cadre légal plus attrayant.

En ce qui concerne la reconnaissance et l'exécution des jugements, aucune augmentation substantielle des demandes n'est à prévoir, car les demandes de reconnaissance et d'exécution sont déjà possibles en vertu de la LDIP pour tout jugement rendu par n'importe quel État du monde, même si les conditions sont plus restrictives. L'adhésion à la CLaH 05 ne conduira donc qu'à une substitution des bases légales, sans qu'on doive craindre une augmentation du nombre de demandes. La CLaH 05 facilitera par ailleurs la reconnaissance des jugements et ainsi le travail des tribunaux.

8.3

Conséquences économiques

L'adhésion à la CLaH 05 présente un avantage important pour un État avec une économie fortement ouverte sur le monde comme la Suisse: elle augmentera, pour les entreprises notamment, la prévisibilité des litiges transfrontaliers et diminuera les coûts de résolution de litiges. De cette manière, elle apportera un renforcement des secteurs commerciaux et financiers suisses, puisque la sécurité et la prévisibilité juridiques, nécessaires pour le commerce et les investissements, seront renforcées dans les relations avec d'importants partenaires commerciaux de la Suisse. De plus, la CLaH 05 permettra d'éviter des procédures parallèles dans des États différents et de faire l'économie de coûteuses recherches sur les règles étrangères régissant la compétence des tribunaux. De plus, l'adhésion à la CLaH 05 renforce l'attractivité de la place judiciaire suisse, ce qui a un effet positif sur le marché des services juridiques.

9

Aspects juridiques

9.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)65, qui dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. En outre, l'art. 184, al. 2, Cst. confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst. confère à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, sauf si leur conclusion est du seul ressort du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international, ce qui n'est pas le cas pour la CLaH 05 (voir aussi art. 24, al. 2, LParl)66 et art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration67).

65 66 67

RS 101 RS 171.10 RS 172.010

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FF 2023 1460

9.2

Compatibilité avec les autres obligations internationales de la Suisse

La CLaH 05 est compatible avec les obligations internationales de la Suisse, notamment avec la Convention de Lugano. Ses rapports avec d'autres instruments internationaux concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des jugements sont réglés dans la CLaH 05 même (art. 26) et ne posent pas de problèmes68.

9.3

Forme de l'acte à adopter

En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 1 et 2, Cst., un traité international est sujet au référendum lorsqu'il est d'une durée indéterminée et qu'il n'est pas dénonçable (ch. 1) ou qu'il prévoit l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2). La CLaH 05 pouvant être dénoncée par une notification écrite au dépositaire et ne prévoyant l'adhésion à aucune organisation internationale, ces dispositions ne lui sont pas applicables.

L'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum lorsqu'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. D'autre part, l'art. 22, al. 4, LParl dispose que sont réputées fixer des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Enfin, on entend par dispositions importantes celles qui, en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst., devraient en droit interne être édictées sous la forme d'une loi fédérale. La CLaH 05 règle la compétence internationale des tribunaux en matière civile ou commerciale lorsque les parties à un litige ont désigné le tribunal compétent, ainsi que la reconnaissance et l'exécution de jugements étrangers qui ont été rendus par un tribunal d'un État contractant désigné dans un tel accord. Elle contient par conséquent des dispositions importantes fixant des règles de droit.

Il y a lieu en conséquence de soumettre l'arrêté fédéral d'approbation au référendum facultatif.

Formellement, la modification de l'art. 5 LDIP proposée fait partie intégrante de l'arrêté fédéral portant approbation de la CLaH 05. L'art. 141a, al. 2, Cst. dispose à cet égard que lorsque l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum, l'Assemblée fédérale peut y intégrer les modifications de lois liées à la mise en oeuvre du traité.

68

Pour les détails, cf. ch. 1.3.1.

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