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23.449 Initiative parlementaire Augmentation du nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États du 12 octobre 2023

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une ordonnance de l'Assemblée fédérale que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis1.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

12 octobre 2023

Pour la commission: Le président, Carlo Sommaruga

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Condensé La Commission des affaires juridiques du Conseil des États propose de fixer temporairement le nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral à 70 au plus.

Cette augmentation provisoire de cinq postes doit permettre au tribunal de faire face à une surcharge de travail due notamment à la hausse des recours en matière d'asile et à l'entrée en vigueur du système ETIAS. Au-delà du 31 décembre 2029, les postes des juges qui partent à la retraite ne seront pas repourvus jusqu'à ce que l'effectif total redescende à 65 postes à plein temps.

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Rapport 1

Genèse du projet

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) est le tribunal administratif ordinaire de la Confédération (art. 1, al. 1, de la loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005; LTAF2). Il constitue notamment l'autorité de recours pour les demandes d'asile déposées auprès du Secrétariat d'État aux migrations (SEM). À compter, de l'entrée en vigueur en Suisse du Système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS), fin 2024, il aura en outre compétence pour statuer sur les recours interjetés par des personnes auxquelles l'entrée dans l'espace Schengen aura été refusée.

Par lettre du 10 mai 2023, la Commission administrative du TAF s'est adressée à la Commission judiciaire pour demander la création de cinq postes supplémentaires de juges afin de faire face à l'augmentation prévisible de sa charge de travail dans les deux domaines précités. Au vu de l'urgence des besoins, elle a directement adressé une copie de sa demande aux Commissions des affaires juridiques (CAJ) de même qu'aux commissions de surveillance et au Tribunal fédéral.

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Contexte et évolution

2.1

Effectif du Tribunal administratif fédéral

L'art. 1 LTAF dispose que le TAF comprend 50 à 70 postes de juge (al. 3) et que l'Assemblée fédérale détermine dans une ordonnance le nombre de postes de juge (al. 4). L'art. 13, al. 1, dispose en outre que les juges peuvent exercer leur fonction à plein temps ou à temps partiel. Par contre, la loi ne prévoit pas de système de juges suppléants comme au Tribunal fédéral ou au Tribunal pénal fédéral.

L'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 17 juin 20053 relative aux postes de juge près le Tribunal administratif fédéral a fixé l'effectif initial à 64 postes de juge à plein temps au plus. Dès juillet 2008, le TAF demandait toutefois la création de six postes supplémentaires de juge, ce à quoi l'Assemblée fédérale a répondu par la création d'un seul poste, estimant prématuré d'accorder davantage de ressources à un tribunal qui se trouvait encore en phase de rodage.4 D'autres demandes se sont succédées depuis, conduisant uniquement à deux augmentations temporaires de postes: cinq postes pour le traitement des recours relatifs à la demande d'entraide des États-Unis concernant UBS en 20105 et quatre postes pour le traitement des recours en matière d'asile 2 3 4

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RS 173.32 RO 2006 2627 Rapport de la CAJ-E du 19 février 2009 ad 08.501 é Iv. pa. CAJ-CE. Augmentation du nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral, FF 2009 1137; en partic.

p. 1140.

09.475 n Iv. pa. CAJ-CN. Augmentation temporaire du nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral.

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en 2017 en vue de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (il s'agissait de réduire drastiquement le nombre d'affaires en cours pour pouvoir faire face au raccourcissement des délais de traitement)6.

L'ordonnance actuellement en vigueur7 fixe toujours l'effectif à 65 postes à plein temps. L'alinéa 2 dispose que 69 postes à plein temps au plus peuvent être pourvus à titre temporaire jusqu'au 31 août 2019, date au-delà de laquelle les juges sortants ne seront pas remplacés jusqu'à ce que le nombre de postes à plein temps ne s'élève plus qu'à 65. Ce mécanisme a fonctionné puisque, depuis l'augmentation temporaire de 2017, l'effectif est redescendu à 65 postes en moyenne annuelle (65,1 postes répartis entre 73 juges au 1er septembre 2023 sous réserve du pourvoi, à la session d'hiver 2023, des deux postes vacants actuellement au concours8).

2.2

Augmentation de la charge de travail

En 2022, près de 24 500 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, soit environ 64 % de plus qu'en 2021. Pour 2023, le SEM table sur un scénario moyen de 27 000 demandes, tout en indiquant que ce nombre pourrait atteindre 40 000.9 Les statistiques des sept premiers mois de l'année font état d'une hausse totale de 4041 demandes par rapport à 2022. Le nombre de procédures pendantes au SEM a plus que doublé entre fin 2021 (7144) et fin 2022 (14 894), ce qui laisse présager d'une augmentation d'environ 50% des recours auprès du TAF, notamment en raison de l'octroi de 180 postes supplémentaires au SEM à la suite de la décision du Conseil fédéral du 22 février 2023. En 202210, le TAF a enregistré au total 3467 nouveaux recours relevant de l'asile, confiés aux Cours IV et V et pour partie à la Cour VI (droit des étrangers). S'il a pu dans le même temps liquider 3624 recours, soit un quotient de liquidation de 105%, le tribunal n'a pu respecter les délais de traitement courts fixés par la loi (5 ou 20 jours ouvrables selon la LAsi) que dans 53% des cas en raison de la complexité des affaires.

À compter de fin 2024, la Cour VI du TAF aura en outre une nouvelle matière à traiter avec la mise en service d'ETIAS, qui traitera de manière automatisée les demandes d'autorisation de voyage déposées par les ressortissants d'un État tiers non soumis à l'obligation de visa. Dans son message11, le Conseil fédéral estime que le nombre de recours potentiels se situera entre 400 et 800 par an, soit une charge de travail supplémentaire de 30 à 60% pour la Cour VI.

Enfin, il est à noter que la Cour I fait face à un afflux important de procédures concernant des demandes d'assistance administrative, si bien qu'elle doit elle aussi faire appel à la Cour VI pour lui prêter main forte. Quant à la Cour II, elle a reçu quelque 230 recours (pour 2500 recourants environ) à la suite de la décision de la FINMA du 6 7 8 9 10 11

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16.486 én Iv. pa. CAJ-CE. Augmentation temporaire du nombre de postes de juge au Tribunal administratif fédéral.

RS 173.321 23.206 cr Tribunal administratif fédéral. Election de deux membres.

Communiqué de presse du SEM du 24 janvier 2023.

Rapport de gestion 2022 du Tribunal administratif fédéral.

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19 mars 2023 ordonnant à Credit Suisse Group SA d'amortir l'ensemble des instruments de capital de type Additional Tier 1 AT112; ces procédures sont encore pendantes.

2.3

Solutions étudiées et solution retenue

Afin de faire face à l'augmentation de sa charge de travail, le TAF a pris différentes mesures organisationnelles. Grâce à une nouvelle répartition interne des ressources, il a libéré cinq postes de greffier et un poste de juge à 80% au profit des cours d'asile (IV et V). De plus, une partie des procédures d'asile et des demandes d'entraide administrative a été confiée à la Cour VI, tandis que la Cour II libèrera 0,5 poste de juge début 2024. Enfin, neuf postes supplémentaires de greffiers ont été réattribués aux cours d'asile dans le cadre du budget ordinaire 2023.

Pour le TAF, force est de constater que les mesures d'entraide interne sont aujourd'hui insuffisantes pour lui permettre de faire face à l'augmentation du volume des affaires.

C'est également à cette conclusion que sont parvenus les organes de surveillance après un examen minutieux de la situation. Ainsi, par lettres du 26 et du 30 mai 2023, le Tribunal fédéral avait demandé au TAF des informations supplémentaires sur la gestion des précédents afflux de recours en matière d'asile, les règles existantes pour les activités accessoires des juges, les effets de l'accroissement temporaire des ressources de 2017, l'efficacité du temps partiel, la marge de manoeuvre pour une réaffectation temporaire des juges ainsi que les conséquences de la libération de pensum partielle pour les membres de la Commission administrative. Dans sa réponse du 9 juin 2023, le TAF lui a indiqué que les quatre postes créés temporairement en 2017 avaient permis de liquider quelque 1800 procédures d'asile, tout en précisant que la création de postes de greffiers à durée déterminée s'était révélée peu efficace. Il a également mentionné que seuls huit juges exerçaient une activité accessoire en plus d'un temps complet et que celle-ci était plafonnée à 100 heures par an, soit à peine deux heures par semaine. Enfin, le TAF a souligné que le modèle de travail à temps partiel était le garant de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée, indispensable pour des juges venant de toute la Suisse, et que la décharge totale de 125% accordée aux membres de la Commission administratives était inférieure à la charge de travail réelle induite par la direction d'un tribunal comptant plus de 430 employés.

Convaincu par les réponses détaillées fournies par le TAF, le
Tribunal fédéral a indiqué par lettre du 23 juin 2023 à la CAJ du Conseil des États (CAJ-E) que la demande du TAF était fondée. Également dans un courrier du 23 juin, les Commissions de gestion (CdG) ont estimé pour leur part que la demande était «compréhensible», tout en relevant cependant qu'il serait judicieux que le mécanisme choisi permette également, en cas de diminution de la charge de travail du TAF, de réduire à nouveau le nombre de postes de juge. Pour les CdG, cette flexibilité ne doit pas pour autant reposer sur des postes à durée déterminée mais plutôt sur une prise en compte des départs à la retraite à venir.

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Communiqué de presse du TAF du 23 mai 2023 concernant l'arrêt B-2254/2023.

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Initiative parlementaire

À sa séance du 10 mai 2023, la CAJ du Conseil des États (CAJ-E) a pris acte de la demande du TAF, qu'elle a soumise pour avis au Tribunal fédéral ainsi qu'aux CdG.

Le 26 juin 2023, forte de l'aval des organes de surveillance (voir ch. 2.3), elle a décidé, par 9 voix contre 0 et 1 abstention, de déposer une initiative parlementaire accédant à la requête du Tribunal administratif fédéral, tout en tenant compte de la réserve émise par les CdG.

Le 31 juillet 2023, la Commission des affaires juridiques du Conseil national s'est ralliée à son homologue du Conseil des États par 18 voix contre 7.

La CAJ-E a donc pu élaborer le projet d'ordonnance, qu'elle a adoptée par 7 voix contre 1 et 1 abstention le 12 octobre 2023.

La commission a en outre décidé de renoncer à une procédure de consultation, étant donné que le projet porte principalement sur l'organisation d'une autorité fédérale (art. 3a, al. 1, let. a, de la loi sur la consultation13). En vertu de l'art. 112, al. 1, de la loi sur le Parlement14, la commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police.

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Commentaire des dispositions

Art. 1

Postes de juge

Alinéa 1 L'augmentation à 70 postes de juge à plein temps n'étant que temporaire, le principe selon lequel le nombre de postes de juge à plein temps au TAF est fixé à 65 doit rester inscrit à l'al. 1.

Alinéa 2 L'alinéa 2 de cette disposition prévoit la possibilité d'une exception provisoire au principe prévu à l'al. 1. Il est ainsi possible d'augmenter à 70 le nombre de postes de juge à plein temps pour une durée limitée. Dès l'entrée en vigueur de cette ordonnance, de nouveaux juges pourront être élus jusqu'à ce que 70 postes au maximum soient pourvus. Il est proposé de ne pas limiter dans le temps la période de fonction de ces juges nouvellement élus, mais de compter sur les départs à la retraite, d'ores et déjà prévisibles, pour réduire les effectifs. La commission propose de fixer au 31 décembre 2029 la date au-delà de laquelle la réduction des effectifs devra commencer.

Ce délai tient compte du fait que les postes ne pourront être mis au concours qu'après l'adoption de l'ordonnance par les Chambres fédérales, au plus tôt le 15 mars 2024.

Les juges supplémentaires pourraient donc être élus au plus tôt au cours de la session d'été 2024 pour la totalité ou le reste de la période de fonction 2025­2030.

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Loi fédérale du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation; RS 172.061.

Loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale; RS 171.10.

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Conformément à l'art. 13, al. 1, LTAF, les juges peuvent exercer leur fonction à plein temps ou à temps partiel: il est donc possible que les cinq nouveaux postes de juge soient occupés par plus de cinq personnes. Il est aussi possible de pourvoir une partie des nouveaux postes en augmentant le taux d'occupation de juges déjà employés par le TAF à temps partiel.

Art. 2

Abrogation d'un autre acte

La présente ordonnance remplace l'ordonnance du 17 mars 2017 sur les postes de juges auprès du Tribunal administratif fédéral.

Art. 3

Entrée en vigueur

La présente ordonnance n'est pas sujette au référendum et entre en vigueur le premier jour du mois qui suit le vote final.

5

Conséquences financières

Le traitement des juges au Tribunal administratif fédéral correspond à la classe 33 prévue à l'art. 36 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération15. Le montant minimal du traitement annuel brut des juges est actuellement fixé à 213 278 francs16, et le montant maximal, à 250 915 francs17. Ainsi, pour cinq nouveaux postes de juge, les frais de personnel supplémentaires se monteraient à 1,25 million de francs au maximum par an. Ce montant serait évidemment moindre au cas où les postes en question ne seraient pas tous pourvus.

Il convient de tenir également compte des coûts engendrés par les procédures d'asile.

Selon les chiffres de 2019 à 2022 des Cours IV-V et VI du TAF, une équipe supplémentaire (composée d'un juge et de trois greffiers) liquiderait en moyenne 150 dossiers par an. Or, selon le TAF18, les dispositions de l'ordonnance 2 sur l'asile19 impliquent que les frais d'entretien que la Confédération doit verser aux cantons s'élèvent à environ 1500 francs par mois, soit 18 000 francs par an et par requérant. Les cas en suspens coûteraient donc bien davantage à la Confédération que des ressources supplémentaires affectées au TAF.

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16 17 18 19

Ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les rapports de travail et le traitement des juges du Tribunal pénal fédéral et du Tribunal administratif fédéral (ordonnance sur les juges, RS 173.711.2), art. 5, al. 1.

Ordonnance sur les juges (RS 173.711.2), art. 5, al. 3.

Selon l'échelle des salaires 2023 de la Confédération.

Lettre de la CA-TAF à la Commission judiciaire en date du 10 mars 2023.

Ordonnance 2 sur l'asile relative au financement; RS 142.312.

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Aspects juridiques

6.1

Légalité

La compétence de l'Assemblée fédérale de décider de cette augmentation temporaire se fonde sur l'art. 1, al. 4, LTAF qui prévoit que le nombre de postes de juge est déterminé par l'Assemblée fédérale. En vertu de l'art. 1, al. 3, LTAF, ce nombre est compris entre 50 et 70. L'Assemblée fédérale est donc habilitée à fixer un nombre de postes de juge différent pour une période limitée, du moment que ce nombre demeure entre 50 et 70.

6.2

Forme de l'acte à adopter

Selon l'art. 1, al. 4, LTAF, l'Assemblée fédérale détermine dans une ordonnance le nombre de postes de juge.

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